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Dossier 3 Edité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle Conférence des Evêques de France Pour accompagner la sortie du Lectionnaire des saints et messes rituelles © Clothilde Courtaugis

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Dossier 3

Edité par le Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle

Conférence des Evêques de France

Pour accompagner la sortie du Lectionnaire des saints et messes rituelles

© Clothilde Courtaugis

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SommaireThéologie :

- La liturgie, lieu privilégié de la Parole...................................................................................p 1- De la Parole au sacrement....................................................................................................p 4- Parole de Dieu et sainteté.....................................................................................................p 6

Liturgie :

- Le tome III du Lectionnaire des saints, messes rituelles, intentions diverses, messes votives, défunts..................................................................................................................................p 8

- «!Lectionnaire de semaine!» et «!Lectionnaire des saints et messes rituelles»..................p 11- Vedettes et mal-aimés du lectionnaire des saints et messes rituelles..................................p 13- Sanctoral et année liturgique................................................................................................p 15- Sainteté et ritualité.................................................................................................................p 20- Le Martyrologe romain...........................................................................................................p 22- Le propre diocésain/sanctoral et son usage dans le diocèse...............................................p 25- La Parole de Dieu dans la préparation des sacrements........................................................p 26- Les lieux de la Parole pour le baptême des petits enfants....................................................p 30- Le chant du dernier adieu dans la liturgie des funérailles.....................................................p 33

Ouverture :

- L’écoute communautaire de la Parole de Dieu dans la liturgie- Quand l’Eglise lit l’Ecriture

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Jacques RideauPrêtre du diocèse de Luçon, ancien directeur du SNPLS

La liturgie, lieu privilégié de la Parole de Dieu 1

Concernant l’importance de la sainte Écriture pour la liturgie, on peut retenir trois orientations déterminantes! : la lecture plus abondante de l’Écriture, la dimension dialogale et le lien entre Parole et Sacrement.

Une lecture plus abondante de!l’Écriture

Davantage de textes

La première est une décision pratique!: celle de restaurer une lecture de la sainte Écriture plus abondante, variée et adaptée (Sacrosanctum Concilium 2 35) de telle sorte qu’à la messe tout particulièrement, «!on ouvrira plus largement les trésors bibliques pour que dans un nombre d’années déterminé, on lise au peuple la partie importante des Saintes Écritures!» (SC 51). Il s’agit donc d’offrir un plus grand nombre de passages bibliques mais aussi ceux qui sont les plus importants.

Recherche de cohérence entre les textes

Cette prescription générale s’est traduite par la composition des lectionnaires pour la messe et pour l’ensemble des sacrements. Notons que l’on assista à la création des lectionnaires comme livres propres, distincts du Missel ou des Rituels des sacrements. Comme l’a écrit le père Roguet, l’abondance des textes représentait un progrès qualitatif. 3

Jusqu’à la réforme liturgique, le fidèle n’entendait pratiquement pas l’Ancien Testament le dimanche. En établissant des lectures semi continues des évangiles et des épitres, en introduisant une première lecture tirée, sauf au Temps pascal, de l’Ancien Testament, le lectionnaire donne de circuler à l’intérieur même des Écritures, de saisir par exemple, le lien entre la prophétie d’Isaïe 6, 10-16 et l’annonce faite à Joseph (4e dimanche de l’avent A), celui entre le serviteur souffrant d’Isaïe 50, l’hymne aux Philippiens 2 et le récit de la Passion (dimanche des Rameaux et de la Passion). Les Écritures aussi dans les chants et les prières

Mais l’importance de l’Écriture sainte dans la liturgie ne se résume pas à sa proclamation. Selon SC 24, elle se donne à entendre et à prier dans l’ensemble de la liturgie, puisqu’elle inspire et anime comme de l’intérieur la prédication, les prières, les oraisons, les hymnes du peuple de Dieu. La prière ecclésiale en est pétrie. Et il n’est pas jusqu’aux gestes et symboles sacramentels (et autres) qui n’en tirent leur signification profonde. Ainsi, la liturgie est comme la voie royale pour entrer dans la lecture ecclésiale de l’Écriture, et réciproquement, la connaissance savoureuse des Écritures est le chemin du progrès de la vie liturgique de l’Église et des fidèles.

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© Alain Alorza / CIRIC

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Entretien

Un dialogue d’amitié

Ce faisant, la réforme de la liturgie a davantage mis en évidence combien la liturgie participe de cet entretien, de ce dialogue d’amitié entre Dieu et les hommes qui, selon Dei Verbum, caractérise la Révélation. Le Christ est présent à son Église lorsqu’on lit les Écritures, c’est lui qui parle et qui enseigne, lui qui console et guérit!; comme pour les disciples d’Emmaüs, il est en personne l’interprète!des Écritures : «!Commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait!» (Lc 24, 27).

La réponse des fidèles!: «!par le Christ!»

La liturgie de la Parole ne consiste pas uniquement dans l’audition de la Parole, elle s’accomplit aussi dans la réponse que les fidèles, réponse de la foi proclamée, réponse de la prière prenant la forme de la louange, de l’action de grâce et de la supplication. De cette foi en réponse à la Parole, le Christ est l’initiateur selon l’expression de la lettre aux Hébreux!(12,!2) ; de cette prière, il est le médiateur, puisque c’est par lui mais aussi avec lui et en lui, dans l’unité de l’Esprit, que l’Église fait monter son action de grâce et sa supplication vers le Père.

Les deux tables

Une troisième orientation conciliaire se trouve dans le lien retrouvé entre parole de Dieu et sacrements.

Pas seulement une préparation au sacrement

Mais la célébration de la Parole ne peut être considérée que comme une simple préparation ou un préambule catéchétique à la célébration du sacrement. En effet, dans la célébration des sacrements, la Parole reçue des Écritures se cristallise en quelque sorte dans la parole sacramentelle! ; il s’agit bien de la même parole de Dieu efficace, don de grâce salutaire ici et maintenant.

Un seul acte de culte

C’est pourquoi le Concile invite à vivre des célébrations de la parole de Dieu qui ont leur consistance liturgique pour elle-même (SC 35). C’est aussi la raison pour laquelle il a développé à propos de l’Eucharistie, le thème des deux tables, qui à juste titre, a reçu un profond écho de la part des chrétiens pour saisir l’unité profonde de la messe.

«!Les deux parties qui constituent en quelque sorte la messe, c'est-à-dire la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique sont si étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte.!» (SC 56).

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La sacramentalité de la Parole

L’homme ne vit pas que de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu!; la manne que les Hébreux ont mangé au désert préfigurait la parole de Dieu qui leur est servie dans les Écritures et dans le Sacrement de cette chair que le Verbe de Dieu a faite sienne et a livrée pour nous. Si bien que d’une certaine façon, les deux tables n’en font qu’une. Benoît XVI a parlé de la sacramentalité de la parole de Dieu dans la liturgie.4

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De l’autel à l’ambon

Cette compréhension de la messe a modifié l’espace liturgique avec la réintroduction de l’ambon comme lieu propre de la célébration de la Parole. Le lien entre les deux tables est également signifié par la possibilité de déposer l’évangéliaire sur l’autel lorsqu’on le porte en procession. Soulignons en terminant combien ce resserrement du lien intime entre Écritures et Sacrements est porteur de compréhension nouvelle dans les dialogues œcuméniques entre catholiques et confessions chrétiennes issues de la Réforme protestante.

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1 Article paru dans Célébrer 398, 2013, 46-47.2 Que l’on nommera désormais SC.3 A.-M. Roguet, « Lectures bibliques et mystère du salut », La Maison-Dieu 99, 1969, 7-27.4 Benoît XVI, Exhortation apostolique Verbum Domini, n° 56.

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Louis-Marie Chauvet

Curé de paroisse dans le diocèse de Pontoise et professeur émérite à l’Institut catholique de Paris

De la Parole au Sacrement

Qu’est-ce qu’un sacrement sinon la Parole de Dieu comme Parole d’amour sauveur qui accomplit sa nature même de «! Parole! » en venant se déposer sur notre corps (baptême...) et même dans notre corps (communion eucharistique)!? Dès lors, les sacrements ne sont pas un simple ornement festif de la foi!! Ils sont la Parole en acte...

Rien n’est plus évident! : un sacrement est et ne peut être autre chose qu’un prolongement ou, en mieux me semble-t-il, un accomplissement de l’Écriture comme Parole de Dieu... Il suffit de regarder comment l’Église célèbre n’importe lequel des sept sacrements. Que ce soit dans le baptême ou dans le mariage, dans la confirmation ou dans l’ordination...., le geste sacramentel est toujours précédé de la proclamation d’une ou plusieurs lectures de l’Écriture comme «!Parole de Dieu!». Et cela est vrai depuis les origines, comme le montre le récit des disciples d’Emmaüs où la «!fraction du pain!» est précédée de l’interprétation de l’Écriture sur la route... On ne connaît pas d’exemple – sauf dans des cas reconnus comme exceptionnels, comme un baptême en urgence par exemple – où la Parole de Dieu serait omise, ou bien viendrait après le geste sacramentel... Nous sommes donc en présence de la lex orandi au sens fort!: la loi de la prière (il s’agit de la prière liturgique, donc de la célébration) est la loi de la foi («! lex orandi, lex credendi! »)... Cela peut s’énoncer de manière plus simple encore!: l’Église croit comme elle prie (sous-entendu!: dans les célébrations liturgiques). La séquence rituelle Parole + Sacrement a donc une portée proprement théologique.

À vrai dire, lorsque l’on se souvient de l’importance prioritaire de la Bible comme «!Parole de Dieu!» dont les chrétiens ont hérité de leurs aînés juifs, on ne peut guère être étonné... La «!Parole!de Dieu!» est d’autant plus «!parole!» dans la perspective juive sémitique qu’elle se fait «!événement!». C’est ce qui permet aux prophètes de «!voir!» la Parole!: c’est l’événement, en tant que reconnu comme signe de Dieu, qui est Parole... C’est aussi et surtout cela qui permet de comprendre pourquoi, lorsque le ministre qui vient de lire l’évangile, lève le livre et demande à l’assemblée d’acclamer «! la Parole de Dieu!», celle-ci lui répond par «! louange à toi, Seigneur Jésus! »! : c’est ce dernier en effet qui est, au sens plein du terme, la Parole de Dieu. Le christianisme, à la différence de l’Islam, n’est pas une religion du Livre, mais de la Parole...

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Or, un sacrement est un «!signe porteur!» de ce qu’il signifie!: le geste de l’Église est reconnu dans la foi comme porteur du geste du Christ lui-même. Comme à Emmaüs, ici encore. Dès lors, un sacrement vient porter jusqu’à nous la Parole de Dieu, en tant qu’elle est Parole d’amour sauveur... Parole, donc relation, communication. Qu’est-ce en effet que la «!parole!» sur un plan anthropologique ou philosophique! ? Elle n’est pas le «!discours!» lui-même (le contenu de ce qui est dit dans la conversation). Elle est, en amont de cela, ce qui «! soutient!» le discours, le tient en-dessous, le motive secrètement... Et qu’est-ce qui motive secrètement le discours si ce n’est le désir d’entrer en relation avec autrui d’être reconnu par lui, de vérifier que l’on tient une place pour lui ...!? Ainsi comprise, la parole est ce qui nous sauve, mais aussi ce qui peut nous «! tuer! »! ... Il n’est donc rien de plus «!efficace!» que la parole!: il suffit d’un «!je t’aime!» ou d’un «!tu ne vaux rien!», dit explicitement ou simplement insinué par un sourire ou un haussement d’épaules, pour changer la vie de quelqu’un. La personne se sent alors littéralement sauvée ou au contraire meurtrie d’une blessure symbolique qui ne cicatrisera peut-être jamais... Toutes nos communications, verbales ou non, avec autrui, même sur les thèmes apparemment les plus anodins, sont sous-tendues, sous-tenues, par cette relation de «!sujet à!sujet!» qui se manifeste le plus souvent dans les «!non-dits!» de nos conversations! : ton de voix, silences, soupirs, mimiques... C’est l’expression de cette relation qui est «! parole! », et qui constitue le «! pain véritable! » qui nourrit l’existence en tant que proprement «!humaine!»!; ou, au contraire, le poison qui la pourrit ...

Dès lors, un sacrement est de l’ordre de cette parole, en tant qu’elle est parole d’amour sauveur à nous adressée par Dieu en Christ. Elle est même adressée de manière si insistante à chacun qu’elle se rend visible, tangible, palpable, tout comme un geste (poignée de mains, embrassement, enlacement) vient donner corps à la parole d’affection, d’amitié, d’amour qu’il veut signifier. S. Augustin (+ 430) disait du «!sacrement!» qu’il est «!comme une parole visible!», «!comme La Parole rendue visible!» (« quasi visibile verbum!»). Oui, c’est bien cela! : la Parole de Dieu, qui veut tellement accomplir ce qu’elle cherche à être par nature, à savoir événement, qu’elle vient nous rejoindre, en s’y déposant, sur notre corps (dans l’eau du baptême, par exemple) ou même dans notre corps lors de la communion eucharistique. Parole à manger et même à ruminer, un peu comme on rumine une parole humaine qui nous a fait chaud au cœur et qui nourrit notre vie. Parole de Dieu qui est Parole d’immense amour, puisque jusqu’au «!corps livré!»... C’est bien la raison pour laquelle le dernier concile, renouant avec une Tradition ancienne qui avait été comme oubliée, parle avec force des «!deux tables!»! : celle de la Parole et celle du corps du Christ. Chacune des deux, dit le Concile, offre aux fidèles le «!Pain de vie!» sous un mode différent (Dei Verbum, n° 21), la première étant comme en demande de s’accomplir dans la seconde... On est évidemment bien loin de la représentation de la liturgie de la Parole comme simple «!avant-messe!» (plus ou moins facultative, de ce fait, pour les fidèles) qui régnait avant Vatican II!!

Au cœur du sacrement se trouve donc non pas le rite, mais la Parole de Dieu! ; ajoutons! : en tant qu’elle est rendue vivante par l’Esprit Saint. Le rite, c’est la forme que prend la Parole! : matière, geste, objets etc. Un sacrement, c’est donc la Parole de Dieu qui accomplit sa visée de «! salut! ». Cela, n’est-ce pas, est tellement évident que l’on se demande comment il se fait qu’on a pu parler des sacrements durant des siècles sans quasiment évoquer la Parole!de Dieu! ; et même parfois en les opposant, comme si la valorisation du sacrement comme «! signe efficace! » (selon le catéchisme de mon enfance) demandait la dévaluation de la Parole. Ce schème de concurrence n’a fait qu’être accentué par la Réforme luthérienne, chacun dévalorisant soit la Parole (catholiques), soit les Sacrements (Réformateurs).

Il est donc heureux que l’on ait retrouvé l’équilibre des Pères de l’Église à ce sujet. Je note cependant que la compréhension de tout sacrement comme l’expression singulière de la Parole de Dieu ne semble pas ancrée dans l’esprit de bien des chrétiens, y compris parfois les prêtres... Il convient donc de poursuivre les efforts d’ouverture des yeux sur la lex orandi de l’Église dans ses célébrations!: c’est la condition pour que les sacrements retrouvent chez beaucoup, la crédibilité que leur représentation trop «!mécanique!» leur a fait perdre...

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Parole de Dieu et sainteté

Christophe de Dreuille

Supérieur du séminaire d’Aix-en-Provence

Se mettre à l'école des saints représente «!un chemin sûr pour entreprendre une interprétation vivante et efficace de la Parole de Dieu! » écrit Benoît XVI. La Parole de Dieu ne se déploie que lorsqu'elle est accueillie, et les saints sont les témoins de cette fécondité de la Parole de Dieu.

«!À l’origine du fait d’être chrétien, expliquait Benoit XVI, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec une Personne!». C'est l'histoire et les conditions de cette rencontre qui constituent le cœur de la Révélation. Notre Dieu ne s'est pas contenté de se faire connaître de ses créatures mais s'il se révèle c'est pour instituer avec les hommes une relation d'une qualité particulière. Depuis les premières pages de la Bible, l'ensemble de l'Écriture Sainte nous révèle un Dieu qui prend tous les moyens pour rendre possible et déployer cette relation. Et la grande originalité de la Révélation biblique, c'est qu'il a choisi de le faire par sa Parole. C'est une Parole qui manifeste la recherche de l'homme pécheur dès les commencements : «!Adam, où es-tu?!» (Gn 3, 9). C'est une Parole qui va mettre en route le vieil Abraham pour en faire le père des croyants et la figure du commencement de l'histoire du salut (Gn 12, 1). Le Seigneur offre sa Parole à l'homme qu'il a créé capable d'écoute. Celui-ci peut alors l'accueillir librement et volontairement et y apporter sa propre réponse. C'est cette réponse qui est formulée au terme de l'ensemble de la Révélation : «!Viens Seigneur Jésus!» (Ap 22, 17). C'est dans la dynamique de ce dialogue et de cette relation que nous pouvons situer et déployer les liens qui existent entre Parole de Dieu et sainteté.

«!À l'école des saints!» Benoît XVI

Dans son Exhortation apostolique sur la Parole de Dieu Verbum Domini (VD), au terme d'un chapitre consacré à l'herméneutique de l'Écriture Sainte dans l'Église, Benoît XVI a de précieuses réflexions sur ce thème. «!L'interprétation la plus profonde de l'Écriture vient proprement de ceux qui se sont laissés modeler par la Parole de Dieu!». En se référant à plusieurs figures de sainteté, il ajoute : «!chaque saint représente comme un rayon de lumière qui jaillit de la Parole de Dieu!» (VD, 48). Le Saint Père demande au croyant de se mettre à leur école pour interpréter de manière fructueuse la Parole de Dieu. «!L’Esprit Saint qui a inspiré les auteurs sacrés est le même qui conduit les saints à donner leur vie pour l’Évangile!» (VD, 49). Quelques paragraphes plus tôt, Benoit XVI avait invité à mieux découvrir le lien entre Marie et l'écoute croyante de la Parole divine. Marie «!est la figure de l'Église à l'écoute de la Parole de Dieu qui, en elle, s'est faite chair. Marie est aussi le symbole de l'ouverture à Dieu et aux autres ; de l'écoute active qui intériorise, qui assimile et où la Parole divine devient la matrice de la vie!» (cf. VD, 27-28). Cette dernière référence nous place au cœur de ces liens entre Parole de Dieu et sainteté. La Parole de Dieu ne peut en effet s'épanouir que dans un cœur disponible, capable de la recevoir et de la garder. À l'image du grain lancé par le semeur de la parabole, elle ne peut porter du fruit que si elle est accueillie dans une bonne terre. Or les deux caractéristiques majeures de cette bonne terre sont l'écoute de la Parole et sa mise en pratique. C'est ce que souligne Jésus dans son enseignement, tel qu'il est rapporté dans l'Évangile selon saint Luc. Un tel homme, explique-t-il, est comparable à celui qui bâtit solidement sa maison (Lc 6, 47-48). Il est alors qualifié de «!mère et frère!» de Jésus (Lc 8, 21; cf. aussi Lc 11, 28).

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Le témoignage d'une Parole vivante et féconde

La lettre de l'Écriture Sainte contient et transmet précieusement la Parole de Dieu. Mais il faut que cette lettre du passé soit placée sous l'action vivifiante de l'Esprit Saint, reçue par un cœur attentif et assoiffé, pour que la Parole qu'elle contient prenne vie et exerce sa puissance, pour qu'elle devienne la Parole que Dieu veut adresser aujourd'hui au croyant. C'est ce dont témoignent les saints. Ils ont découvert dans un texte de l'Écriture une Parole, ou plutôt ils se sont laissé rejoindre par une Parole dont ils ont reconnu l'actualité et la force. Ils ont accepté de laisser sa puissance transformante agir en eux, prendre une place décisive et porter l'orientation d'une vie, exprimer un appel, inviter à un don total de soi. L'expérience des patriarches et des prophètes et de ceux que Jésus avait rencontrés se renouvelle à chaque génération pour chaque croyant. La Parole manifeste alors la présence de celui qui appelle et envoie en mission. Elle manifeste surtout la relation de communion que Dieu veut établir pour toujours avec celui qu'il a choisi.

Enfin, la vie et l'expérience des croyants enrichissent la compréhension du message biblique et contribuent ainsi à déployer l'interprétation des Écritures. En effet, la Bible n'est pas un réservoir de réponses toutes faites aux questions que nous nous posons. La Parole qu'elle contient ne révèle sa signification que petit à petit, au fil des déplacements intérieurs qu'elle provoque. Elle offre une nouveauté qui ne peut s'épanouir que progressivement par l'écoute, la méditation et la contemplation. Elle ne déploie sa pleine signification que lorsqu'elle éclaire l'intelligence, guide la volonté, et suscite nos engagements, nos actions. Ces choix et ces actions contribuent alors à déployer la valeur et le sens des Écritures.

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Le tome III duLectionnaire des saints, messes rituelles, intentions diverses, messes votives, défunts

Henri Delhougne

Moine bénédictin de l’Abbaye de Clervaux au Luxembourg

La publication de la nouvelle Traduction Liturgique de la Bible a rendu nécessaire le renouvellement du Lectionnaire de la messe, dont les deux premiers tomes ont paru en 2014! : le Lectionnaire du dimanche et le Lectionnaire de la semaine. Nous voici maintenant devant le troisième tome. Il contient toutes les autres lectures bibliques de la messe.

Après le Lectionnaire du dimanche (LIII-998 pages) et le Lectionnaire de semaine (XVII-1552 pages), qui connaissent un franc succès, nous voici devant le troisième tome du Lectionnaire de la messe. À son propos, on parle parfois du Lectionnaire rituel / sanctoral. L’expression est calquée sur les deux volumes en usage jusqu’ici!: le Lectionnaire rituel (1979, 638 p.) et le Lectionnaire sanctoral / circonstances diverses (2e éd. 1986, XVI-880 p.). Mais elle est inadéquate pour désigner le nouveau Lectionnaire. En effet, non seulement ce n’est pas la partie rituelle qui y figure en premier lieu, mais le Sanctoral, représentant à lui seul plus de la moitié de l’ouvrage! : 823 pages sur 1570. La partie rituelle vient en deuxième lieu et comporte 294 pages. Et l’ouvrage ne s’arrête pas là! : viennent ensuite les messes pour circonstances et intentions diverses!: 228 pages!; les messes votives!: 122 pages!; les messes pour les défunts!: 80 pages. On le voit! : alors que le précédent Lectionnaire de la messe avait réparti ces divers éléments en deux volumes, le nouveau n’en compte qu’un seul.

Pourquoi un seul volume! ? Pas seulement parce que le Lectionnaire latin, lui aussi, n’en comporte qu’un, mais parce qu’on a jugé plus pratique de mettre dans un seul volume tout ce qui n’est pas dans le Lectionnaire du dimanche et le Lectionnaire de semaine. En outre, on a constaté que beaucoup de communautés n’avaient pas acquis le Lectionnaire rituel de la précédente édition. Cette situation n’était pas sans inconvénient. Ainsi, ces communautés ne disposaient pas, pour le mariage par exemple, d’un lectionnaire ayant la forme d’un livre liturgique. Aujourd’hui en acquérant le Lectionnaire des saints, on a automatiquement tout le reste.

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Sanctoral

Le Sanctoral contient le Propre des saints figurant dans le calendrier romain général (et non pas tous ceux qui ont été canonisés, même récemment), les Propres nationaux (Afrique du Nord, Belgique, Canada, France, Luxembourg, Suisse), et les Communs. Du point de vue pratique, l’ouvrage a plutôt moins de renvois que l’ancien Lectionnaire. Mais cette relative facilité d’accès aux lectures des mémoires des saints ne doit pas faire oublier que, dans le choix des lectures en semaine, la réforme liturgique issue de Vatican!II favorise la lecture semi-continue de la Bible se trouvant dans le Lectionnaire de semaine. Cette lecture est franchement privilégiée pendant les temps forts qui constituent le cycle du Seigneur. Comme le déclarait déjà le Lectionnaire précédent!:

«! Pour assurer d’une manière indiscutable la prééminence du cycle du Seigneur sur les célébrations des saints et prévenir leur prolifération éventuelle, il a été établi que seules les solennités et les fêtes comportaient l’usage intégral de leurs formulaires respectifs (prières et lectures). Pour une mémoire obligatoire, on n’est tenu qu’à la prière d’ouverture et aux rares lectures où il est fait expressément mention du saint (tels Barnabé ou Marie Madeleine). L’usage du Lectionnaire de semaine constitue donc la règle.!1»

Pour les mémoires des saints, on trouvera d’abord un renvoi aux Communs correspondants, car, à l’exception solennités et fêtes, ainsi que des mémoires dont il vient d’être question, les lectures proposées pour les saints ne sont jamais obligatoires. À noter que, par rapport au Lectionnaire précédent, leur choix a été renouvelé et aligné sur les propositions de la liste officielle, valable pour toute l’Église et contenue dans l’Ordo Lectionum Missae (édition de 1981).

C’est ce répertoire officiel de la liturgie romaine qui détermine non seulement le choix de chaque lecture (y compris le choix de chacun des versets et des titres), mais l’agencement global du tome III, en particulier la succession de ses parties, dont il a été question plus haut.

Messes rituelles

Comme l’indique son titre, ce répertoire donne les lectures de la messe. Cela a une conséquence pour la partie rituelle du nouveau Lectionnaire!: il donne les lectures des messes qui peuvent être célébrées à l’occasion de la célébration de tel sacrement ou sacramental. Mais pas nécessairement toutes les lectures qui sont employées par un rituel en dehors de la célébration de la messe!: cela vaut principalement pour le sacrement de la réconciliation, qu’on ne trouvera pas ici. L’abondant choix de lectures que ce rituel propose pourra faire l’objet d’une publication séparée. D’ailleurs, il est souhaitable que, lorsqu’on refera les divers rituels, on y insère les lectures bibliques correspondantes. C’est déjà le cas pour le Rituel du baptême des petits enfants – qu’il faudra mettre à jour –, mais pas pour le Rituel du mariage.

C’est pourquoi, pour pallier ce manque sans plus tarder, on trouvera dans cette partie du tome III l’ensemble des lectures bibliques du mariage, c’est-à-dire tous les textes, sans renvoi. Il en va de même pour le baptême des petits enfants.

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Circonstances et intentions diverses

Ces messes, avec leur choix très développé de lectures bibliques, rejoignent les préoccupations du chrétien inséré dans l’Église et dans le monde, en solidarité avec tous. Elles se répartissent selon le schéma fondamental des intentions de la Prière universelle! : l’Église, la vie du monde, diverses circonstances de la vie humaine, les besoins propres des membres de l’assemblée.

Messes votives

Elles expriment la dévotion des chrétiens concernant un aspect particulier du mystère du Christ ou du culte des saints. On y trouve notamment la messe de la miséricorde de Dieu, et des messes de la Vierge Marie qu’on ne trouve pas ailleurs. D’autres, comme les messes du Saint-Sacrement et du Sacré-Coeur, offrent des textes qui complètent le choix, déjà ample, du Propre du temps ou du Sanctoral.

Défunts

Les lectures pour les messes des défunts offrent un aperçu très riche de la foi et de l’espérance chrétienne au-delà de la mort. Dans cette partie, on trouvera, sans renvoi, tous les textes pour les funérailles des adultes, en attendant la parution distincte d’un lectionnaire renouvelé pour la liturgie des défunts.

1 Lectionnaire Sanctoral et Circonstances diverses, 1986, Présentation, p. VIII.2 Présentation générale du Lectionnaire romain, n° 70, 82, 83.

Pour approfondir :

- Présentation générale du Lectionnaire romain, publiée notamment dans le Lectionnaire du dimanche et dans les ouvrages suivants.

- AELF, Découvrir le Lectionnaire romain, Mame, 204.- Parole de Dieu et année liturgique, CLD, 1998.- Ordo Lectionum Missae, ed. typica altera, Librairie vaticane, 1981.

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« Lectionnaire de semaine » et « Lectionnaire des saints et messes rituelles »

André Haquin Prêtre du diocèse de Namur (Belgique)

La réédition en cours des lectionnaires bibliques intègre la nouvelle Traduction officielle de la Bible pour la liturgie (2013) : après le Lectionnaire dominical (2014) et le Lectionnaire de semaine (2014) est attendu le Lectionnaire des saints et messes rituelles (2016).

L’origine du chevauchement des lectures «!de semaine!» et des lectures du «!sanctoral!»

À certains jours, on peut choisir les lectures «!de semaine!» ou les lectures du «!sanctoral!», c’est-à-dire du saint du jour. Rappelons d’un mot l’origine de ce problème. Les fêtes de saints (Sanctoral) dépendent du cycle solaire!; elles se célèbrent donc à jour fixe. La fête de Pâques varie d’année en année, selon le cycle lunaire, et avec elle les célébrations du mystère du Christ (Temporal) de l’Avent à la Pentecôte! ; de même, les 33 ou 34 dimanches et semaines du Temps ordinaire (T.O.) suivent le cycle lunaire. Le même jour se rencontrent souvent une fête fixe et une célébration qui fluctue dans le temps d’une année à l’autre.

Un choix à opérer

Critères de discernement

Faut-il préférer les lectures bibliques de semaine (lecture semi-continue) ou celles du lectionnaire sanctoral!(lectures choisies) ? Cela dépend de l’importance de la fête du saint, comme le montrent les Ordos et calendriers liturgiques des fidèles. Si la fête du saint n’est pas d’un niveau élevé, le mieux est de choisir les lectures de semaine. Si la fête est d’un niveau élevé, elle supplante les lectures du jour. La suite de l’article donnera quelques exemples et s’efforcera d’énoncer les critères de choix, en rappelant quelques options essentielles de la réforme liturgique de Vatican II.

Une priorité conciliaire redonnée au Temporal sur le Sanctoral

Trois degrés de fêtes existent! aujourd’hui : quelques-unes sont des «! solennités!» (comme Pâques et Noël, l’Assomption, SS. Pierre et Paul)!; les «!fêtes!» sont plus nombreuses (par ex. le baptême du Seigneur)!; au degré inférieur des fêtes de saints, on trouve les multiples «!mémoires!», soit «!obligatoires!», soit «! facultatives!». Vatican II a voulu redonner la priorité au Temporal sur le Sanctoral, c’est-à-dire éviter comme autrefois que les fêtes de saints (souvent de degré élevé) prennent la place des messes (oraisons et lectures bibliques) des temps privilégiés et même des dimanches «!ordinaires!». Il ne faut pas confondre Dieu et les saints!!

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Quelques exemples pour 2016

Le mardi de la 9e semaine du T.O. (31 mai), les lectures du jour sont 2 Pierre, 3 (année paire) et Marc 12! ; ce même jour, «!Visitation de la Vierge Marie! » («! fête! »)! ; la fête l’emporte avec ses 3 lectures propres dont l’évangile de Luc 1. Le 3 juin (9e semaine ordinaire), la «! solennité! » du Sacré-Cœur l’emporte sur le temps ordinaire. Le 4 juin, «!Cœur immaculé de Marie!», mémoire obligatoire!: on choisira les oraisons et les lectures de la fête (Is. 61 et Luc 2), car l’évangile du jour fait allusion à la Vierge Marie. Le samedi 20 août, «!S. Bernard!», mémoire obligatoire (20e semaine) : seule l’oraison d’ouverture est obligatoire, les deux autres sont facultatives! ; les lectures bibliques peuvent être celles de la fête (Cant. 8 et Luc 6) ou celles de la semaine (Ez. 43 et Mt 23). Le 21 septembre, «!S. Matthieu!» (fête), les lectures sont celles du sanctoral (Eph. 4 et Mt 9) et non celles de la 25e semaine. Le 14 octobre, «!S. Calliste!», pape et martyr, mémoire facultative!: oraisons du saint ou du jour, lectures du jour ou du commun des saints martyrs ou pasteurs.

Le problème pastoral

Une richesse du lectionnaire de semaine à valoriser

Vatican II a ouvert largement les trésors bibliques dans ses divers lectionnaires (S.C. 24 et 35). Le cycle trisannuel du dimanche propose les textes essentiels de la Bible et compte aujourd’hui environ 450 textes au lieu de 120 dans l’ancien missel. Le lectionnaire de semaine en est le complément. Il offre pour la messe quotidienne un parcours biblique exceptionnel organisé selon la lecture (semi) continue. La 1e lecture (cycle de 2 ans) est tirée de l’Ancien Testament ou des Épitres! ; l’évangile (cycle d’un an) est tiré principalement des Synoptiques et de S. Jean. Grâce à une brève homélie, les fidèles peuvent se familiariser avec la richesse de l’histoire du salut.

Un juste discernement à opérer pour le bien des fidèles

Le choix des lectures bibliques en semaine ne peut dépendre du seul prêtre célébrant. Le «!bien spirituel!» et la piété des fidèles sont à prendre en compte ainsi que le culte local des saints. On évitera les positions extrêmes! concernant le sanctoral. Certains célébrants, fatigués des fêtes de saints de l’ancien missel, ont une position minimaliste. Ils les évitent chaque fois qu’ils le peuvent. D’autres sont maximalistes et évitent au maximum les lectures de la semaine! ; peu familiarisés avec l’exégèse de l’Ancien Testament ou des textes pauliniens, ils racontent plus volontiers la vie du saint. Malheureusement pour l’éveil à la foi des chrétiens!!

Quid des mémoires facultatives!?

Le mieux est de garder habituellement les lectures de semaine, sans nécessairement éliminer les oraisons du saint. En ouverture, un bref mot d’introduction à la vie du saint peut être utile. Parfois l’homélie, même sur les textes de semaine, permet de revenir par une allusion à la vie du saint. Pour les mémoires obligatoires, seule la première oraison de la fête est requise. Toutefois, n’est-il pas préférable d’utiliser les trois oraisons du saint pour favoriser l’unité de la célébration! ? On ne négligera pas non plus les nouvelles oraisons des «!Messes pour intentions diverses!» qu’on peut choisir en rapport avec les lectures bibliques de semaine.

Bibliographie

- L’art de célébrer la Messe. « Présentation générale du Missel romain », 3e édition typique, 2001, Desclée-Mame. - Dans le Lectionnaire du dimanche : « Présentation générale du Lectionnaire romain », Mame, 2014, p. XIV-XLI et XLI-LIII ou dans AELF, Découvrir le lectionnaire romain, Mame, 2014. - Dans le Missel d’autel : « Normes universelles de l’année liturgique » et « Calendrier romain général ».- CNPL, L’art de célébrer. Tomes 1 et 2, « Guides Célébrer », Cerf, 2003.

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Vedettes et mal-aimés du lectionnaire des saints et messes rituelles

Olivier Bourion

Prêtre du diocèse de St-Dié, enseignant au CAEPR de l’Université de Lorraine

Tous les textes bibliques ne naissent pas libres et égaux dans le lectionnaire rituel. Alors que certains sont très souvent choisis, d’autres restent délaissés. Doit-on s’y résigner!? Le présent article essaie de comprendre les raisons d’un tel déséquilibre, de partager deux expériences contredisant cette règle et de proposer des pistes pastorales pour favoriser un choix avisé et nourrissant.

Un choix souvent faussé

Dans nos paroisses l’habitude s’est prise, depuis la réforme liturgique, de donner la possibilité aux futurs mariés, aux familles en deuil ou aux parents qui présentent leur enfant au baptême de choisir dans le lectionnaire rituel les textes bibliques qu’ils souhaitent entendre au moment de la célébration. Cette possibilité de choix est une chance quand elle permet d’entrer en contact avec la Parole de Dieu et offre la matière d’un dialogue pastoral.

Il faut cependant reconnaître les limites de cette pratique. Nous savons bien, par exemple, sur quelles lectures se porte le plus souvent le choix des futurs époux! : tel «!hymne à l’amour!» mal compris ou tel évangile entendu dans les séries télévisées... Le critère des choix laisse parfois sans voix. Il m’est arrivé plus d’une fois d’entendre un couple me dire : «!Nous avons choisi ce passage du Cantique des cantiques parce que ça ne parle pas de Dieu. Ça nous ressemble…! »! !! Bien souvent, d’ailleurs, le choix se porte moins sur le texte que sur la brève présentation qui en est plus ou moins bien faite dans les livrets de préparation. Enfin, il arrive, surtout en ce qui concerne les funérailles, que les gens se déclarent incompétents pour choisir quoi que ce soit, s’en remettant alors à la discrétion du célébrant.

Pour toutes ces raisons, nous constatons que certaines lectures proposées par la liturgie ne sont que très rarement choisies. Soit que le vocabulaire coince, soit que le contenu dérange ou tout simplement ne parle pas. Faut-il se résigner à cette désaffection! ? Comment mieux exploiter la richesse du lectionnaire rituel! et attirer l’attention sur les beautés que recèlent certains textes trop vite délaissés!?

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La beauté des exceptions

Voici deux exemples de choix rarement faits et qui ont été l’occasion d’une vraie lecture en profondeur, l’un à l’occasion d’un mariage, l’autre de funérailles.

Au cours de leur préparation au mariage, Luc et Justine ont choisi comme évangile la parole de Jésus sur le «!plus grand commandement!» (Mt 22, 35-40). Or, on n’y parle pas du couple, mais de l’amour de Dieu et du prochain conçus comme des impératifs. Lorsque je leur ai demandé ce qui avait guidé leur choix, ils m’ont répondu! : «!Nous voulons que les gens ne pensent pas seulement à nous. On ne veut pas être au centre.!» Réaction rare, pour laquelle je n’ai pas manqué de les remercier! ! Ils avaient compris que le mariage ouvrait leur couple à une nouvelle dimension de l’amour, et le choix de cette lecture signifiait visiblement cette envie de décentrement. Pour une fois, au moment de la célébration, j’ai eu le sentiment de ne pas construire mon homélie sur un malentendu. D’emblée, j’ai pu offrir à l’assemblée une parole fraiche, théologale, en exposant la particularité de l’amour chrétien qui n’est pas seulement choix réciproque, mais réponse à l’appel de Dieu.

Le deuxième cas est lié à une célébration de funérailles. Monique, 70 ans, était une fidèle de la messe dominicale. Elle venait de mourir au terme d’une «! longue maladie!». Ses enfants avaient choisi d’entendre le début de la grande prière de Jésus avant sa passion, développée au chapitre 17 de l’évangile selon saint! Jean. Prier pour les autres et les porter à Dieu, c’est ce que Monique avait fait pendant toute sa vie. J’ai pu m’appuyer sur cet évangile pour évoquer à quelle ouverture à Dieu la foi nous invite devant l’échéance de notre mort! ; et la prière universelle, qui insistait sur la dignité des personnes en fin de vie, a pu résonner ainsi d’une manière très particulière.

Quelques pistes pastorales

A la lumière de ces deux exemples, nous pourrions nous demander quels sont les facteurs qui favorisent un tel choix. Comment aider ceux que nous rencontrons à tirer un vrai profit de la richesse offerte par le lectionnaire rituel!? Mon expérience m’inspire trois conseils…

Sachons d’abord formuler la question dans les bons termes. Si nous espérons un choix avisé, précisons d’emblée l’état d’esprit dans lequel nous souhaitons travailler. Évitons ainsi les propos qui risquent de faire croire que le texte biblique ne sert que d’illustration (« Choisissez ce qui vous plait, ce qui vous parle, ce qui vous ressemble!»). Préférons une formulation qui aide à comprendre!que la Parole qui sera lue vient de plus loin que nous («!Choisissez ce qui vous touche, vous étonne, vous apprend quelque chose sur Dieu!»).

N’oublions pas de présenter brièvement l’éventail des choix possibles en les contextualisant. Redisons en quelques mots ce que sont l’Ancien et le Nouveau Testament. Soulignons la variété des genres littéraires. Rappelons que ces textes constituent un vrai trésor parce qu’ils ont traversé les générations et ont été reçus comme Parole de Dieu capable de nourrir notre vie.

Enfin, n’hésitons pas à proposer nous-mêmes ce qui nous semble convenir. L’éventail du choix ne suffit pas à garantir la liberté quand celle-ci n’est pas éclairée. Rien n’est plus tyrannique que de refuser de transmettre son expérience. Exposons-nous à la Parole que nous voulons faire goûter. Ce que nous en savourons nous-mêmes donnera alors envie à d’autres de s’attabler à nos côtés pour s’en nourrir à leur tour.

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Sanctoral et année liturgique 1

André Chavasse

Ancien professeur titulaire à la Faculté de théologie catholique de l'Université de Strasbourg de 1956 à 1978.

De prime abord, l’année liturgique paraît double. D’un côté, le Temporal, principalement centré sur les mystères du Christ. De l’autre, le Sanctoral, qui fait défiler sous nos yeux un certain nombre de saints. Mais, y-a-t-il là une véritable dualité! ? Ces deux cycles seraient-ils indépendants l’un de l’autre! ? Orienteraient-ils notre religion en deux directions divergentes, sinon opposées!? Il n’est pas inouï de trouver des chrétiens qui voudraient voir une opposition entre ces deux composantes du cycle liturgique, quitte à délaisser l’une au profit de l’autre, tandis que d’autres chrétiens, victimes du même dualisme, accepteraient de voir leur religion écartelée entre ces deux directions.Des faits de ce genre invitent à réfléchir sur le sens que revêt la présence d’un Sanctoral dans le déroulement de l’année liturgique. Mais ces faits n’existeraient-ils pas, que le théologien devrait encore se demander, en toute sérénité, quel sens l’Église donne à la répartition du cycle liturgique entre un Temporal et un Sanctoral.Il ne s’agit pas de démontrer a priori que les choses devaient nécessairement se passer de cette façon-là, qu’un Temporal et un Sanctoral devaient nécessairement être distingués et juxtaposés dans le déroulement d’une année liturgique. Le rôle du théologien est autre. Il lui est simplement demandé de se placer devant un donné!: ce qu’a fait et ce que fait l’Église, et guidé par les enseignements explicites du Magistère et de la Tradition, il lui est demandé d’expliciter le sens de ce que fait l’Église.

I

Or un certain nombre de faits majeurs s’imposent à la réflexion du théologien. En voici quelques-uns, groupés de telle façon qu’ils orientent déjà cette réflexion.

1 – Un premier groupe de faits nous conduit d’abord à reconnaître que le Temporal et le Sanctoral ne jouissent pas, l’un par rapport à l’autre, de cette indépendance que certains imagineraient.Dans le plus vieil épistolier romain (VI-VIIe s.), celui qui est conservé par le comes de Wurtzbourg, les Lectures proposées pour le Sanctoral varient suivant le moment de l’année liturgique où l’on se trouve. Les choses se passent comme si «!les temps liturgiques!» qui divisaient déjà le Temporal, déterminaient des divisions semblables dans le déroulement du Sanctoral.

Fait analogue, mais de plus grande portée puisqu’il n’est pas limité à l’Église locale de Rome! : pendant le Temps pascal, les péricopes évangéliques sont toutes extraites de l’évangile selon saint Jean, et la chose se vérifiait anciennement aussi bien du Sanctoral que du Temporal.2

Mais il y a mieux. Dans la liturgie romaine, le Temporal lui-même s’est incorporé des fêtes du Sanctoral. Le Proprium missarum de Sanctis s’interrompt entre le 21 décembre et le 11 janvier, et, pour cette période, il faut aller chercher les formulaires du Sanctoral (saint Étienne, saint Jean, les saints Innocents), et le tout fut placé en tête du Temporal. Auparavant, on le voit par le vieux recueil que l’on appelle le sacramentaire léonien, Noël se trouve encore placé à la fin de l’année liturgique, et il est mêlé au Sanctoral de cette fin du mois de décembre. Cette ancienne place était conforme à la place que Noël et l’Épiphanie occupent dans le Ménée byzantin ancien et actuel.

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Dans tous ces faits, l’on ne verra pas de simples accidents historiques. Si l’on se reporte à la vieille Depositio martyrum romaine qu’a reproduite le Chronographe de 354, l’on constate que le Natale du Christ (25 décembre) y est placé en tête de liste. Le cortège des saints martyrs est ouvert par leur Chef, par le Natale de celui de qui ils reçurent la force e témoigner et qu’ils imitèrent. Dans ce fait liturgique, une donnée doctrinale est incluse, qui se trouve être admirablement dégagée par la Lettre dans laquelle l’Église de Smyrne annonça la mort de son évêque Polycarpe, à l’Église de Philomelium et «! à la sainte Église universelle!»!:

Jamais nous ne pourrons ni abandonner le Christ, qui a souffert pour le salut de ceux qui sont sauvés dans le monde entier… ni rendre un culte à un autre. Car lui, nous l’adorons, parce qu’il est le fils de Dieu! ; quant aux martyrs, c’est en leur qualité de disciples et d’imitateurs du Seigneur que nous les aimons!; et ils en sont bien dignes par leur attachement sans borne à leur roi et maître. 3

2- L’on voit qu’entre le Temporal, qui célèbre les mystères du Christ, et le Sanctoral, qui célèbre ses «!imitateurs!» les liens liturgiques recouvrent une liaison proprement doctrinale que souligne, avec encore plus de force, le fait que les messes du Sanctoral sont construites sur le même plan que les messes du Temporal. C’est un truisme que de le noter, mais il est bon d’attirer l’attention sur des faits de ce genre, que l’on ne remarque plus, tant l’on y est habitué, et dont on ne songe pas à dégager le sens.

Comme le Temporal, le Sanctoral est lui aussi un «! cycle biblique! » et «! eucharistique! ». En tant que cycle biblique, il fait constamment la liaison entre le Christ et les saints qu’il célèbre, car, d’un côté, toute la Bible nous renvoie au Christ, et, de l’autre, chaque péricope tente de se raccorder à ce qu’il y a d’original dans le saint célébré, que celui-ci soit considéré dans la singularité de sa vie personnelle (messe propre) ou qu’il soit rangé dans la catégorie chrétienne qu’il a illustrée (commun des martyrs, des vierges, etc…).

Mais, en tant que cycle eucharistique, le Sanctoral se trouve encore plus étroitement lié au Christ et à son mystère, puisque, après la diversité relative de la première partie de la messe, toutes les messes du Sanctoral s’unifient avec les messes du Temporal dans la même et unique célébration du mystère par excellence, le mystère eucharistique du Christ mort et ressuscité pour le salut de tous.

II

Le rappel de ces quelques faits nous met en garde contre deux excès. Il ne faut pas dissocier le Temporal et le Sanctoral, au point de rompre les attaches ontologiques qui mettent constamment les saints dans la dépendance du Christ, et au point d’empêcher notre religion de s’unifier en la personne de l’Unique médiateur. Il ne faut pas non plus confondre Temporal et Sanctoral, au point de ne plus reconnaître les deux modalités complémentaires selon lesquelles l’Église nous invite à nous raccorder au Christ, celui-ci étant directement considéré dans les mystères de sa vie salutaire, ou étant indirectement considéré dans les «!imitateurs!» et les «!intercesseurs!» qu’il a lui-même suscités pour nous aider à nous laisser façonner par son action souveraine.

Pour tenir l’équilibre entre ces deux excès, nous nous proposons de rappeler d’abord pourquoi le cycle liturgique est toujours un cycle biblique et eucharistique, et nous préciserons ensuite, autant que nous le pourrons, comment le Sanctoral s’approprie cette structure générale du cycle liturgique et comment il y trouve les principes de sa propre efficacité religieuse.

1- Pourquoi le cycle liturgique est-il toujours un cycle biblique et eucharistique!? L’intelligence de ce fait ne relève pas de l’histoire seule. Il est bien vrai que des influences juives, par exemple, sont ici repérables! ; mais, cela reconnu, il reste à dévoiler comment cette structure exprime les deux exigences complémentaires du mystère chrétien. Disons-le le plus brièvement possible.

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Cycle biblique, le cycle liturgique prend appui sur la Parole inspirée, qui y est ministériellement proclamée (les Lectures, accompagnées de l’homélie qui en fait l’application à l’auditeur croyant) et dans la lettre de laquelle se coule la réponse priante du peuple de Dieu (les psaumes).Proposée authentiquement à l’homme et orientant authentiquement sa réponse, le service de la Parole inspirée débouche dans le service eucharistique, où se renouvelle le mystère efficace du salut. Avec l’Eucharistie, l’unique Sauveur intervient en personne pour transformer de l’intérieur le cœur de l’homme et le conformer aux exigences que la Parole inspirée a fait peser sur lui.Service de la Parole et service eucharistique s’appellent l’un l’autre comme deux branches d’un arc, et le cycle liturgique y trouve ses deux lignes de force.

2- Dans le Temporal, tout entier centré sur la personne du Christ, le service de la Parole met devant nos yeux l’unique Maître et l’unique Modèle. Sans se perdre dans l’imaginaire d’une prétendue pureté spirituelle, ce service de la Parole nous place devant les mystères historiques du Christ, saisis en eux-mêmes (Évangile)! ; ou dans leur préparation historique (Ancien Testament), ou dans leur prolongation historique (le reste du Nouveau Testament). Cette dimension historique entraine fatalement un déroulement temporaire de la présentation du mystère du Christ, et, si en fait, ce déroulement s’effectue dans les limites d’une année liturgique, le principe même d’un tel déroulement échappe aux accidents de l’histoire. Le Temporal porte donc bien son nom! : le déroulement temporel de ce cycle est la réplique nécessaire du déroulement historique de l’acte sauveur.Dans le présent de la vie liturgique, cet acte sauveur nous atteint par le moyen de la célébration eucharistique, vers laquelle converge tout le service de la Parole. L’eucharistie nous livre la source de tous les renouvellements spirituels, le Christ en personne, qui y intervient comme le principe actif de notre conformation à lui. Dans la célébration eucharistique qui en constitue la base commune et uniforme, le cycle liturgique trouve dans le principe de son efficacité, et il nous applique cette puissance de transformation selon les modalités premières qu’a distinguées le service propre de la Parole qui y a introduit. Ici, comme partout, la Parole qui propose et le Sacrement qui opère se prêtent concours pour réaliser en chacun des participants l’imitation du Christ.

3- Dans le Sanctoral également, service de la Parole et service eucharistique se complètent pour assurer cette imitation du Christ, mais ils y parviennent par une voie spéciale.Dans le Sanctoral, le service e la Parole conserve la même structure générale que dans le Temporal, mais il y reçoit un contenu particulier. Les lectures bibliques y sont choisies en fonction du saint qu’on célèbre (messe propre), ou en fonction de la catégorie de saints à laquelle il appartient (messe du commun). Dans quelques Églises anciennes, on en vint même à remplacer la lecture biblique par la lecture de la Passion ou de la vie du saint, selon le principe qui se trouve encore appliqué dans l’Office. Cette façon d’orienter le choix des lectures bibliques a une portée à la fois doctrinale et salutaire qu’il faut dégager, car le Sanctoral y trouve l’une de ses deux justifications majeures.Chaque saint canonisé (par canonisation formelle ou équivalente) est une imitation «!réussie!» du Christ. De ce premier point de vue, si bien souligné dans le passage du martyre de Polycarpe que nous avons cité, la vie de chaque saint nous adresse un appel, à travers lequel retentit l’appel même du Christ. Ce reflet du Christ nous renvoie au modèle par excellence, et la lecture biblique, qui a été choisie comme critère et illustration de la vie de tel saint, nous impose de voir Jésus à travers ce «!disciple et imitateur du Seigneur!».

Reflet partiel et imparfait du Christ, chaque saint prend rang dans un long cortège que le déroulement temporel du Temporal fait défiler devant nos yeux. La plénitude du Christ se reflète mieux dans la cohorte de tous les saints, laquelle tend à être un équivalent de la richesse plénière du modèle, bien que le rapprochement ne puisse être comparé qu’à une asymptote. À travers toutes ces «! réalisations imitatives!» déjà effectuées, l’appel du Christ revêt donc une forme nouvelle. Au lieu d’être confrontés directement au Christ-tête, comme dans le Temporal, nous sommes ici confrontés avec les membres les plus éminents de son Corps mystique, et le Christ nous attire à lui en mettant sous nos yeux les fruits multiples et polymorphes de sa grâce toute-puissante. La variété du Sanctoral fait défiler sous nos yeux les réussites attirantes du Christ Sauveur.

À cet appel varié que le Sanctoral annuel fait retentir à nos oreilles, s’adjoint ici encore la célébration eucharistique, mais elle s’insère dans le Sanctoral d’une façon originale.

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Les oraisons des messes du Sanctoral font constamment intervenir les intercessions et les mérites du saint qui se trouve être célébré. Associé du Christ, chaque saint coopère à la transformation interne de l’homme. En même temps qu’il s’offre comme un modèle à imiter, à travers lequel s’exprime le grand Modèle, chaque saint intervient mystérieusement à la source de notre activité pour nous donner de pouvoir nous conformer au modèle proposé. C’est un cas particulier, bien qu’éminent, de cette communion des saints par laquelle Dieu nous donne d’aider les autres à opérer leur salut. La liturgie fait donc légitimement appel aux mérites et à l’intercession du saint qu’elle célèbre. Ne pas le reconnaitre ou dévaluer cette intervention, c’est refuser l’une des caractéristiques de la vraie religion, œuvre d’un Dieu tout-puissant, qui associe activement l’homme à son propre salut et qui lui donne de coopérer activement au salut des autres.

Mais cette intervention des saints, comme celle de tous les autres membres du Corps du Christ, ne jouit pas de la même efficacité que l’intervention de l’unique médiateur. Leurs mérites intercèdent de congruo, alors que le Christ en personne est seul capable d’effectuer ex opere operato notre conformation à lui-même.Il est donc normal que le Sanctoral prenne appui tout entier sur la célébration eucharistique. En passant du service de la Parole, ici organisé en fonction de tel saint, au service eucharistique, toujours identique à lui-même, l’Église ne change pas de sujet. Elle ne quitte pas un domaine pour entrer dans un autre domaine. Ce qu’elle a commencé, elle le parachève au contraire, et elle enracine dans l’efficacité de la célébration eucharistique une intercession qu’il est impossible de concevoir et de fonder en dehors de l’efficience hors pair du Christ Sauveur. Aussi bien le Canon lui-même de la messe associe-t-il étroitement ces deux efficiences! : cette efficience réelle, mais empruntée, des saints dont la Communicantes affirme quorum meritis precibusque concedas ut in omnibus protectionis tuae muniamur auxilio! ; et cette efficience, source de toutes les autres, à laquelle sacrifice sacramentel nous soumet en nous faisant prendre appui sur le Christ (per dominum nostrum Jesum Christum) et en nous le donnant comme le tout des faveurs célestes!: ut quotquot ex hac altaris participatione sacrosanctum Filii tui corpus et Sanguinem sumpserimus, omni benedictione caelesti et gratia repleamur.

Temporal et Sanctoral s’unifient donc fondamentalement dans la même puissance sanctifiante du Christ. Mais le Sanctoral nous y renvoie comme en deux étapes. En nous faisant prendre appui sur la puissance d’intercession des saints, il nous fait éprouver à la fois la consistance de cet appui et son insuffisance, et obéissant à la logique même de la sainteté chrétienne qui a son fondement dans le Christ, il nous renvoie au Christ tout-puissant sans l’intervention duquel tout le pouvoir des saints serait finalement réduit à néant.

Service de Parole et service eucharistique ont donc bien reçu dans le Sanctoral, une orientation originale. Le modèle par excellence dont le service de la Parole nous propose l’imitation, nous y est présenté sous les espèces de son Corps mystique, et le médiateur tout-puissant, dont le service eucharistique nous applique l’efficience, nous y est donné comme celui en qui se fonde, en dernier ressort, la puissance d’intercession des membres de son Corps.Mais on voit en même temps, que sous des espèces différentes, Sanctoral et Temporal réalisent les mêmes structures fondamentales de la véritable religion, et que de part et d’autre, bien que la façon de l’aborder diffère, se réalise le même mystère fondamental, celui du Christ, unique médiateur de Dieu et des hommes.

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Voici atteint l’objectif que nous nous étions fixé. Tout n’a pas été dit, loin de là, de ce qu’une étude théologique complète du Sanctoral eût exigé. Il aurait fallu entre autres, marquer la place originale que la Vierge Marie occupe dans le Sanctoral au titre de son lien original avec le Christ (maternité divine), lien original qui a fait d’elle un reflet spécial du modèle et qui lui confère une puissance d’intercession distincte de celle des autres saints. Il aurait également fallu mettre à part les Apôtres, et singulièrement saint Pierre, que leur rôle de fondement de l’Église (c’est bien là encore un lien ontologique original) invite à ne pas confondre avec les autres saints. Aussi bien l’apostolat des Douze a-t-il toujours été regardé par la Tradition comme la plénitude de l’idéal chrétien, et voilà de quoi étoffer d’une façon originale le service de la Parole qui les célèbre. Quant à leur puissance d’intercession, si souvent célébrée dans les vieux textes liturgiques, elle est de droit universelle, à la mesure même de la mission qu’ils ont reçue et qui les relie tous et un chacun à l’Église universelle…

Notre objectif était bien plus modeste et nous voulions simplement aider à comprendre comment le Sanctoral se distingue légitimement du Temporal sans que pour autant, soit rompu l’unité de l’année liturgique et l’unité d’action de l’unique médiateur.

1 Article paru dans La Maison-Dieu 52, Paris, Cerf, 1957, 89-97.2 Actuellement, c’est encore la règle pour les fêtes propres qui sont placées entre le 14 et le 25 janvier.3Traduction A. Lelong, dans Hemmer et Lejay, Textes et documents…, Les Pères apostoliques, III, 1927, p. 153.

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Le culte des saints

C’est à partir du culte des défunts que s’est organisé le culte des saints. L’anniversaire de la mort des martyrs, leur dies natalis, jour de naissance au ciel, a ouvert la voie à l’organisation de la dévotion. Le culte rendu au défunt, en l’occurrence au martyr, se démarque du culte familial en devenant un culte officiel de l’Église locale. En ce jour anniversaire, la communauté rassemblée auprès de sa tombe – tout au moins au début – proposait son exemple à la vénération commune, puis se confiait à son intercession. Ainsi chaque Église locale tenait-elle un registre des confesseurs de la foi, prémices, dès le IIIe siècle, des premiers calendriers chrétiens.L’élargissement de la notion de sainteté n’a pas changé la manière de rendre un culte aux saints, mais le culte, d’abord local, s’est répandu, chaque Église honorant certains saints d’une autre Église dans une communion plus étroite. Par ailleurs ce qui caractérise le culte des saints c’est la fête, c’est-à-dire la joie et l’allégresse, pendant de l’action de grâce.

Qu’est-ce qu’un saint!?

Puisque Dieu seul est saint, il convient, en premier lieu, de définir ce que l’Église nomme «! saint!», en tenant compte de l’évolution de la notion au cours de l’histoire de l’Église.La première acception du terme se trouve dans les lettres de Paul. Loin de vouloir délimiter un groupe de personnes particulièrement avancées dans la connaissance de Dieu et la pratique des vertus, Paul appelle «! saints! » les croyants de Rome, de Jérusalem et d’ailleurs, ceux qui ayant reçu le baptême sont rendus participants à la sainteté même de Dieu. Ainsi, tout baptisé est saint par le don de la grâce.Assez rapidement, un glissement s’est produit dans la compréhension de la sainteté. Le titre de «!saint!» a été appliqué à ceux qui ont été conformés au Christ, non seulement par le baptême d’eau, mais par le baptême du sang!: le martyre. Celui qui verse son sang au nom du Christ dans un acte d’amour et de charité est véritablement uni au Christ dans sa Passion et, comme lui, il entre dans la Vie.La période des persécutions passée, la notion de sainteté s’est approfondie. Seront, et sont encore aujourd’hui, déclarés «!saint!» les hommes et les femmes qui ont mis en œuvre dans leurs paroles et dans leurs actes «! la plénitude la vie chrétienne et la perfection de la charité!» (Lumen Gentium 40).

Les saints prennent, aujourd’hui, une place croissante dans la vie des croyants. Phénomène de mode!? Besoin de se rassurer!? Envie d’intercesseurs plus faciles à atteindre que la Majesté divine!? Ces questions actuelles nous invitent à regarder la place que l’Église donne aux saints dans la liturgie.

Sainteté et ritualité

Bénédicte Ducatel

Collaboratrice à Magnificat

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Les saints dans la Prière Eucharistique

La vie et la mort du saint sont source d’action de grâce. En eux, le peuple chrétien reconnaît un témoin du Christ qui, comme lui et avec lui, rend compte de la puissance du mystère pascal. Au fil des siècles, l’habitude a été prise par les différentes Églises, tant en Orient qu’en Occident, d’insérer le nom des saints dans la Prière Eucharistique. L’introduction de ces listes est relativement tardive par rapport à la composition des anaphores, c’est pourquoi selon les familles liturgiques, elles se situent à des places différentes et peuvent parfois s’apparenter à une litanie. Le Canon romain quant à lui comporte deux listes relativement courtes. 1L’intention de l’Église, en introduisant les saints dans la Prière Eucharistique, est d’unir l’Église du ciel et de la terre dans une même action de grâce et de manifester la communion des saints, vivant dans la gloire ou vivant ici-bas.

Une fête pour tous les saints

À partir de ce cœur de la prière de l’Église qu’est la Prière Eucharistique, la piété populaire a cherché à donner une expression plus vivante à sa dévotion et dès la moitié du IVe siècle on trouve une fête de «!tous les saints confesseurs!» le vendredi de l’octave de Pâques. Quant à Rome, la dédicace du Panthéon, au début du VIIe siècle, inaugure une fête de «!Marie et de tous les saints martyrs!» le 13 mai. Le VIIIe siècle voit apparaître en Angleterre une solennité de «!tous les Saints!», fixée au 1er novembre, qui va se répandre dans tout l’empire carolingien. Les saints fêtés ne sont plus les seuls martyrs, mais la foule immense des saints dont Dieu seul connaît le nom. On retrouve ici, le sens baptismal de la sainteté donné par Paul dans ses lettres.

Les saints dans la liturgie aujourd’hui

Le Concile rappelle que «!dans l’anniversaire des saints, l’Église proclame le mystère pascal en ces saints qui ont souffert avec le Christ et son glorifiés avec lui.!2» Il convient donc toujours de situer la dévotion au regard du mystère pascal et de privilégier, dans la liturgie, les mystères du Christ qui conduisent les croyants à participer à la sainteté même de Dieu. Le cycle liturgique se déploie selon le grand mouvement des mystères du Christ avec Pâques en son centre, les fêtes des saints étant placées de manière à recevoir la lumière de ce noyau central. C’est pourquoi, les mémoires obligatoires et facultatives s’insèrent avec discrétion dans ce cycle. 3Les canonisations, nombreuses ces dernières années, n’ont en général que peu d’influence sur le cycle liturgique, car la canonisation n’entraîne pas l’inscription au calendrier général 4. Ainsi la dévotion peut prendre une orientation qui reste sans influence sur la liturgie qui est toujours célébration du mystère pascal.

Pour approfondir!:

- L’Église en prière, t. IV, Le temps et la liturgie, chapitre IV, « Le culte des saints », p. 124-145.- L’Église en prière, t. II, L’Eucharistie, « Les prière d’intercession », p. 121-123.- Directoire sur la piété populaire et la liturgie, chapitre VI, « la vénération des saints et des bienheureux », p. 174-177 ; 191-196.- André Haquin, « Le culte des saints dans la réforme de Vatican II », LMD 238, 2004/2, p. 87-102

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1 1re liste : Marie, les douze apôtres (avec Paul, mais sans Matthias) et neuf martyrs. 2e liste : Jean Baptiste, Étienne, Matthias et Barnabé, et onze martyrs (dont cinq femmes) qui ne sont pas tous romains, mais honorés à Rome avant le Ve siècle.2 Sacrosanctum concilium, n° 104.3 La Présentation générale du Missel romain demande de privilégier le cycle des lectures suivies de semaines, plutôt que celles du sanctoral, et pour les oraisons, seule celle d’ouverture est requise les jours de mémoire obligatoire.4 Notification sur l’inscription des saints au calendrier romain général, Congrégation pour le culte divin, 25 décembre 2006.

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Le Martyrologe romainfr. Bernard Buchoud, osb oliv.

Moine bénédictin olivétain au monastère Notre-Dame de la Sainte-Espérance (Mesnil-Saint-Loup).

De nombreux chantiers liturgiques s’achèvent actuellement. La parution du Lectionnaire sanctoral est imminente. La nouvelle version du Missel romain est espérée pour un avenir proche. Sans doute moins attendue, la publication de la traduction du Martyrologe devrait normalement accompagner cette dernière et représente en soi un petit événement.

Qu’est-ce que le Martyrologe!? Aperçu de son histoire

L’ouvrage est bien connu dans les monastères et communautés où on le lit de jour en jour, beaucoup moins dans nos paroisses. Il plonge ses racines dans une haute Antiquité. Le culte des martyrs naît très tôt, nous en avons la première attestation, vers 167, dans la Passion de Polycarpe (XVIII, 2-3). Furent donc rédigées des listes de mise au tombeau des martyrs (depositio martyrum) afin de garder la mémoire de leur nom, associée à celle du jour de leur mort et du lieu de leur ensevelissement, en vue d’honorer, en ce jour – leur jour natal, dies natalis – et en ce lieu, leur participation à la victoire pascale du Christ. La plus ancienne de ces listes que nous possédions, romaine 1, commence de manière éloquente au 25 décembre, par le Natale Christi, Noël! : l’anniversaire du Christ, en sa naissance terrestre, précède et conditionne l’anniversaire de ses témoins en leur naissance céleste.

Ce n’est pas le lieu d’entrer dans les détails d’un développement historique complexe! : du martyrologe hiéronymien, composé en Italie du Nord vers 420 et achevé à Auxerre vers 592, aux martyrologes dits historiques! (Bède le Vénérable, l’Anonyme lyonnais, Florus, Adon, Usuard, Hraban Maur notamment), le Haut Moyen Âge va produire nombre de ces ouvrages, dont l’étude et l’édition sont désormais bien avancées 2. On risquera ici cette simplification! : un calendrier, au sens liturgique, se spécialise comme le répertoire des fêtes et mémoires des saints célébrées dans une Église au long de l’année! ; il n’indique que le nom des saints et leur qualité!; il peut s’y trouver des jours vacants. Un martyrologe s’entend comme le répertoire évoquant, jour après jour, les saints qui ont vécu leur pâque en ce jour! : non seulement, il n’y a pas de jour vacant (ou du moins, on tend à les remplir), mais chaque jour offre plusieurs saints, dont on rapporte le lieu, parfois le mode de leur mort (pour les martyrs), voire quelques traits de leur histoire. Bède le Vénérable († 735) définit ainsi le martyrologe qu’il a composé dans son abbaye de Jarrow!:

«!Un martyrologe pour les jours anniversaires des saints martyrs, dans lequel je me suis appliqué à noter avec soin tous ceux que j’ai pu trouver, non seulement à quel jour ils ont vaincu le monde, mais aussi par quel genre de combat et sous quel juge.!3»

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On voit que c’est le livre et sa lecture publique qui tiennent lieu de mémoire quasi liturgique. À défaut de célébrer la mémoire (commémoration) de chaque saint, le martyrologe, en énonçant leur nom et un bref éloge – équivalent d’une épitaphe, d’une inscription lapidaire – permet d’en rappeler la mémoire (commémoraison). Il s’agit d’un livre liturgique, dont la lecture est proclamée au chapitre, après l’office de prime 4. Notons que, malgré ce que peut laisser croire le nom de l’ouvrage, le martyrologe conserve les noms des saints en général, non seulement des martyrs!: ce titre nous redit pourtant que la sainteté chrétienne a commencé par le martyre, et qu’elle s’y révèle, aujourd’hui encore, de manière éminente.

Le nouveau Martyrologe romain

Son prédécesseur est le Martyrologe romain de Grégoire XIII 5, préparé par le savant cardinal Baronius († 1607) et publié en sa toute première édition en 1583 (Venise) et 1584 (Rome). Le pape Grégoire imposa dès lors dans toute l’Église de rite romain l’usage de ce Martyrologe, à l’exclusion de toute autre recension. L’ouvrage connut des éditions successives (dont une, en 1924, assez malheureuse au regard de la critique historique) jusqu’à la dernière, en 1956. Comme tous les livres liturgiques, il fut soumis à révision, à la suite du concile Vatican II, qui appelait, entre autres, à «!rendre les passions ou les vies des saints conformes à la vérité historique!» (Sacrosanctum Concilium, 92c). Le chantier était vaste, d’autant que nul n’avait anticipé la véritable explosion de sainteté que produirait le pontificat de Jean-Paul II. Il n’a pas fallu moins de trente ans pour le mener à bien, sous la houlette de deux de nos compatriotes, l’éminent spécialiste de l’hagiographie qu’était dom Jacques Dubois († 1991), de 1970 jusqu’à 1989, puis l’abbé Jean Évenou († 2014) qui le mena à terme. L’édition typique de 2001 fut très vite remplacée par une seconde typique, en juin 2004, pour corriger quelques imperfections de la première – sans néanmoins parvenir à les amender toutes…

L’ouvrage se coule dans une tradition rédactionnelle bien établie, qui pourra surprendre, notamment par le laconisme de quelques éloges, limités à un nom de lieu et un nom de saint, suivi de sa qualité, point final!! On aura compris qu’il ne faut pas attendre du Martyrologe ce qu’il ne peut donner!: catalogue officiel (mais non exhaustif), livre liturgique, il n’est pas un dictionnaire des saints. Il est néanmoins profondément renouvelé. Ce qui frappe surtout est son universalité!: du Manitoba à l’Uruguay, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée au Kazakhstan, du Basutoland à Riga, de Pékin à la Californie, c’est toute la planète qui est couverte par le réseau invisible d’une sainteté antique et contemporaine, très diversifiée!: si évêques, prêtres et religieux/ses ont encore une place prépondérante parmi les quelque 7000 noms de saints et bienheureux recensés, on y trouve aussi de très jeunes enfants (les voyants de Fatima), une ancienne esclave (sainte Joséphine Bakhita), des pères de famille universitaires (Frédéric Ozanam, par exemple), des couples, de simples femmes de la campagne (parmi les martyrs d’Angers notamment), des familles entières martyrisées (en Corée), des jeunes à peine sortis de l’adolescence guillotinés par les nazis… Et même, surprise œcuménique de ce Martyrologe, y sont introduits deux saints orthodoxes russes, saint Serge de Radonej et saint Étienne de Perm. On lit également avec plaisir les beaux éloges, au ton très liturgique, de la Toussaint et de la commémoration de tous les défunts. Autre nouveauté!tout à fait remarquable de cette édition : attestant le caractère liturgique du livre, l’introduction du volume offre un Rituel pour la lecture du Martyrologe, soit dans le cadre de la liturgie des Heures, soit en dehors de celle-ci!; rituel complété par un choix de Lectures brèves et une série de 37 Oraisons conclusives. La mémoire des saints évoquée par la proclamation de l’ouvrage conduit à l’invocation de celui qui a agi et est glorifié en eux, et nous convoque à imiter leur style de vie évangélique. Ce qu’expriment bien les Préliminaires!:

Toute commémoraison liturgique des saints dans la vie de l’Église tend en effet, par sa nature même, vers le Christ et s’achève en lui, qui est «!la couronne de tous les saints!», et par lui, avec l’Esprit Saint, vers le Père, qui est admirable en ses saints et glorifié en eux (cf. 2 Th 1, 10). […] La mémoire liturgique des saints vise non seulement à offrir aux fidèles leur exemple à imiter, mais plus encore à renforcer l’union de toute l’Église dans l’Esprit (cf. Ep 4, 1-6) 6.

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Traduction

Les Préliminaires confient aux conférences épiscopales le soin de pourvoir à sa traduction. Dans le cas présent, c’est l’instance francophone, la CEFTL, qui a piloté le projet, charge ensuite à chaque conférence épiscopale concernée d’adopter, ou non, la traduction achevée. Pour des raisons diverses, ce chantier de traduction s’est d’abord quelque peu enlisé. Ce n’est qu’en janvier 2013 qu’une équipe française, constituée sous l’égide du président de la CEFTL, et du directeur du SNPLS, s’est mise au travail. Équipe très bénédictine, qui a bénéficié de la précieuse expertise du successeur de dom Jacques Dubois à l’École pratique des hautes études, dans la direction d’études d’Hagiographie et histoire monastique. L’unique consigne qui fut transmise fut de respecter une très grande fidélité au texte latin. La principale difficulté rencontrée fut de concilier fidélité et intelligibilité, en particulier dans les dénominations géographiques. Il fut ainsi décidé, par exemple, de substituer à la Neustrie et à l’Austrasie, la Gaule ou la Belgique suivant le cas, ou de fournir des actualisations, comme!: «!en Byzacène, actuelle Tunisie!». De même, furent corrigées avec les autorisations voulues, des erreurs patentes du texte source qui furent rassemblées dans un dossier, afin de contribuer à l’amender dans une prochaine édition. C’est un long chantier qui est désormais achevé, ponctué par plusieurs étapes!: traduction, relecture et premières corrections, indexation, harmonisation (indispensable dans un travail collégial) et nouvelles corrections, intégration des remarques transmises par les épiscopats. Les conférences épiscopales vont prochainement voter sur ce texte, avant qu’il soit transmis à la Congrégation pour le Culte Divin, en vue de sa recognitio, reconnaissance officielle. L’on peut alors espérer qu’en 2016 ou 2017, le public français disposera, pour la première fois, d’une traduction autorisée de ce Martyrologe Romain promulgué par Jean-Paul II, et dans lequel, en une Annexe recensant les canonisations les plus récentes, figurera sa propre sainteté!!

Bibliographie

• R. AIGRAIN L’hagiographie : ses sources, ses méthodes, son histoire, Paris, 1953. Reprise avec complément bibliographique, Bruxelles, 2000 (Subsidia hagiographica, 80)

• J. DUBOIS Les martyrologes du Moyen-Âge latin, Turnhout, 1978 (Typologie des sources du Moyen-Âge occidental, 26). Mise à jour, Turnhout, 1985.

• J. DUBOIS « Martyrologe », Catholicisme, t. 8, Paris, Letouzey et Ané, 1979, c. 776-783. • J. DUBOIS, J.-L. LEMAITRE Sources et méthodes de l’hagiographie médiévale, Paris, Cerf, 1993 (Histoire). Chapitre IV :

« Les martyrologes ». • J. ÉVENOU « D’un martyrologe à l’autre », La Maison-Dieu, 234, 2003/2, p. 109-135. • R. FUSCO « La storia del Martirologio : la memoria dei santi nella celebrazione », Notiziario, 28 (sept. 2007), p. 29-41.

Excellent article de synthèse. Tout le numéro de cette revue intéresse notre sujet. https://www.chiesacattolica.it/cci_new/documenti_cei/2007-10/31-9/notiziario_n28sett07.pdf

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1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronographe_de_354.2 L’initiateur de leur étude étant dom Henri Quentin : H. Quentin, Les martyrologes historiques du Moyen Âge, Paris, 1908.3Historia ecclesiastica gentis Anglorum, V, 24. J’emprunte cette citation à J.-L. Lemaitre, ouvrage cité en bibliographie.4 Usage codifié par le Capitulaire (règlement) monastique d’Aix-la-Chapelle, en 817.5 Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Roman_Martyrology et http://www.newadvent.org/cathen/09741a.htm6 Préliminaires, 9 et 11, citant Lumen Gentium, 50. Ces Préliminaires, remarquables, offrent une théologie de la sainteté dans le culte et la mémoire de l’Église, qui mérite attention.

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Le propre diocésain/sanctoral et son usage dans le diocèse

Mère Françoise Mère Abbesse de l’abbaye bénédictine de Notre-Dame de Miséricorde à Rosans (05).

Sœur Marie-MacaireBénédictine du Sacré-Cœur de Montmartre dont la communauté assure depuis 2008, un service de prière et d’accueil.

À quel saint se vouer!? Voilà une question que tout prêtre ou animateur liturgique peut se poser. L’Église, qui est mère, nous donne des outils précieux pour nous y retrouver et faire des choix pastoraux adaptés. Quelques pistes pour découvrir la vie liturgique à partir du sanctoral ou du propre diocésain.

Le propre diocésain

Qu’est-ce qu’un sanctoral!?

Dans la prière quotidienne de l’Église, à côté des temps liturgiques où se déploie le mystère de la Rédemption, trouve place le sanctoral. Celui-ci rassemble des fêtes et mémoires en l’honneur des saints.Le culte des saints, né au milieu du IIe siècle, a connu un développement progressif, parfois excessif conduisant certains ministres à reléguer le Temporal au profit du Sanctoral. Mais l’Église n’a jamais perdu de vue que le Christ est l’unique médiateur. Quand elle vénère les saints, elle proclame que la grâce victorieuse de Jésus-Christ a été agissante en eux. Elle en fait des témoins et des modèles de vie chrétienne et nous invite à solliciter leur intercession, dans la certitude de leur soutien fraternel.

Le Propre diocésain

Le Sanctoral est formé à partir d’un calendrier général romain où sont inscrits des saints présentant une importance universelle. Les autres sont célébrés dans des lieux liés à leur histoire. C’est l’ensemble de ces célébrations qui forment le Propre (d’une nation, d’un diocèse ou d’une famille religieuse). Le Propre désigne à la fois le calendrier particulier et les livres liturgiques!: Missel propre et Liturgie des Heures.Le Propre d’un diocèse est ainsi comme une photographie aérienne qui surplombe un territoire et révèle d’emblée son relief. Il dessine un paysage, avec ses hauts lieux spirituels, (Mont sainte Odile, Rocamadour,...), avec ses noms qui désignent à la fois un saint et un village. Il raconte l’implantation de la foi dans une terre, un peuple, une culture, une histoire. Le Propre est donc aussi une histoire sainte, qui montre comment la foi s’est transmise jusqu’à nous par une lignée de chrétiens qui ont répandu l’évangile du Christ et l’ont gardé vivant.

Le calendrier propre

" Un Propre reflète la diversité des diocèses et des provinces, mais sa composition répond aux normes universelles de l’Église. Pour chaque diocèse, il y a fête ou solennité du patron principal, mémoire du patron secondaire, fête de la dédicace de l’église cathédrale, célébrations des saints et bienheureux inscrits au Martyrologe - dont l’historicité a été dûment vérifiée - et qui ont avec le diocèse des liens particuliers.

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Les livres propres

Ces livres (Missel et Liturgie des Heures) sont, comme le calendrier général, approuvés par Rome. Ils contiennent les textes officiels pour la célébration de la Liturgie des Heures et de la Messe correspondant au calendrier particulier. Les lectures (le plus souvent tirées des Communs du Missel ou de la Liturgie des Heures), mais aussi les textes propres (par ex. les lettres de saint Grégoire à Saint Arey pour la fête de saint Arey à Gap, ou des extraits des Conférences de Cassien pour sa fête à Marseille), alimentent la prière des fidèles d’une église particulière, en communion avec les saints de son passé.

Usage du propre diocésain au sanctuaire de Notre-Dame-du-Laus Tout sanctuaire, héritage de foi et de sainteté, est lié à une terre et à son histoire. Celui de N.D.-du-Laus (05), qui dépend de l’évêque de Gap et d’Embrun, est profondément enraciné dans le diocèse par son passé, mais aussi par les liens qui l’unissent aujourd’hui aux prêtres et aux services diocésains. Il existe par ailleurs, des prolongements de ce sanctuaire à l’étranger puisque des pèlerinages à N.-D.-du-Laus ont été relevés en Afrique et au Canada.

Une histoire particulière liée aux apparitions de la Vierge Marie

Le fait que la Vierge Marie soit apparue en ce lieu pendant cinquante-quatre ans a forcément marqué le sanctuaire et l’a enraciné dans le pays. Mais le message du Laus, reconnu officiellement par l’évêque diocésain en 2008, ouvre le sanctuaire à une dimension plus large que celle du diocèse, ce qui se traduit par un afflux de pèlerins de plus en plus nombreux venant de tous les horizons.À la différence d’autres sanctuaires, liés à une figure de sainteté (par ex. saint Jean-Marie Vianney à Ars, saint Martin à Tours…), le Laus est fortement imprégné de piété mariale, le mettant en lien avec d’autres sanctuaires mariaux (N.-D.-de-la-Salette, N-D-des-Victoires à Paris…) et colorant sa vie liturgique.

Un sanctuaire élevé au rang de basilique

L’église du Laus a été érigée en basilique mineure le 18 mars 1892. Le titre de basilique n’est pas donné à tout centre de pèlerinage! : c’est l’évêque du lieu qui doit en faire la demande à Rome. Il s’appuie sur l’ancienneté, la fréquence des pèlerinages, sur le fait que la vie chrétienne et sacramentelle y est favorisée, la vie de prière régulière… Le titre de basilique donne au sanctuaire du Laus une ouverture universelle et un lien particulier avec Rome. Cela oblige aussi à une certaine exemplarité dans la liturgie, la vie sacramentelle (eucharistie, confession…), la formation proposée, qui peuvent être des références, surtout quand la vie des paroisses offre moins de possibilités.Le pape Pie XII s’est ainsi exprimé sur le sujet dans son Instruction sur la Musique Sacrée et la Sainte Liturgie!: Il existe

«!des églises où par leur nature il convient que la liturgie et la musique sacrée soient accomplies avec une beauté et un éclat particuliers! : ce sont les grandes églises paroissiales, les collégiales, les cathédrales, les abbatiales, les églises de religieux, ou les sanctuaires majeurs. Ceux qui sont attachés à ces églises, soit clercs, soit servants, soit musiciens exécutants, doivent travailler avec tout le soin et le zèle possibles à se rendre capables et bien préparés pour exécuter remarquablement le chant sacré et les actions liturgiques! 1».

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Notre-Dame-du-Laus

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Influence sur l’utilisation du sanctoral et du propre diocésain au Laus

Tous ces éléments évoqués brièvement, influent sur les choix liturgiques au sanctuaire!:

" - au plan de l’Église universelle sont gardées, bien sûr, les solennités, fêtes et mémoires obligatoires. Les mémoires facultatives sont choisies en fonction des liens avec l’histoire du Laus (par ex., Ste Marguerite Marie est célébrée! : messagère du Cœur du Christ, elle est née la même année que Benoîte, témoin de Marie miséricordieuse) ou du lien marial (mémoires de la Vierge Marie)!;" - au plan de l’Église diocésaine, nous célébrons toutes les solennités, fêtes et mémoires obligatoires (en reportant si besoin! : par ex., saint Matthieu célébré le 22 septembre, car le 21 est la date anniversaire de la dédicace de la cathédrale de Gap)!;" - enfin au plan local, nous marquons les fêtes propres au sanctuaire (1er mai! : fête de N-D-du-Laus! ; fin août, mémoire de la révélation du nom de Marie à Benoîte Rencurel!; solennité de la dédicace de l’église).

Célébrer les saints qui ont marqué l’histoire de l’Église et de notre diocèse, c’est reconnaître que nous sommes des héritiers!; c’est garder comme un trésor, la mémoire vivante de tous ces témoins et nous engager à leur suite sur le chemin de la conversion.

1. PIE XII, De Musica Sacra et Sacra Liturgia, 111, Instruction sur la Musique Sacrée et la Sainte Liturgie, 1958.

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La Parole de Dieu dans la préparation des sacrements

Philippe Marxer

Directeur-Adjoint du service national de la catéchèse et du catéchuménat

Pour préparer à un sacrement, les rituels offrent un appui certain! ! Mais il peut arriver que nous ne voyions pas le lien entre le geste à faire et la parole de Dieu à proclamer. On choisit, privilégie l’un par rapport à l’autre. Que faire!?

Favoriser la rencontre avec Dieu

Quelle catéchèse proposer pour préparer aux sacrements! ? Pourquoi ne pas expliquer les rites! ? Ils semblent simples, du moins plus faciles à présenter que la Parole de Dieu!! Quant à s’attacher à montrer le lien Rite/Parole, on ne s’y risque pas toujours tant celui-ci ne nous paraît pas évident!! Nous voulons tout expliquer, ce qui en soi n’est pas répréhensible!! Notons toutefois l’arrière-fond culturel de cette manière de concevoir les choses!: nous avons vécu durant des siècles dans la quasi-évidence que l’enseignement est la meilleure porte d’entrée dans la religion et sa pratique liturgique. Fort heureusement, les orientations catéchétiques de ces dernières années commencent à ébranler cette conviction!et invitent à donner confiance aux actions sacramentelles en vue d’en déployer toute la signification. La liturgie s’impose donc comme porte d’entrée dans l’intelligence de la foi et manifeste que la Parole de Dieu est un choix judicieux qui s’accorde à bien des situations vécues! ! Cette affirmation ne résout pas la difficulté rencontrée concernant le lien Rite/Parole mais invite à réfléchir pour qu’une expérience de Dieu soit rendue possible. Comment procéder!?

Exemple de l’entrée en catéchuménat!

Après avoir chanté la première strophe du Psaume 62 que le Rituel propose et qui correspond bien à la démarche de ces candidats, la célébration se poursuit par un dialogue et par une signation sur différentes parties du corps. La liturgie de la Parole propose deux lectures!:

-l’appel d’Abraham! : «!Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai!» (Gn 12, 1)-l’appel des disciples! : «!Que cherchez-vous! ? Maître où-demeures-tu! ?!» Il leur dit! : «!Venez et voyez!» (Jn 1, 38-39).

Le choix de ces deux courts textes signifie qu’il n’y a pas de vie chrétienne sans des liens à quitter pour en créer d’autres, sans découverte de ces lieux où Jésus avec ses disciples demeurent. D’emblée l’Église se donne à percevoir comme une communauté de vie. Lisons les monitions qui accompagnent ces gestes! : elles parlent de renoncements vécus, de combat spirituel à mener pour suivre le Christ, de communauté qui, dans son amour, accueille.

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De cet exemple, retenons que si les lectures éclairent les gestes, les oraisons le font également de manière très explicite. Elles demandent à être comprises de l’intérieur. Malgré leur style ramassé, elles expriment bien, par des mots choisis, ce qui est en jeu à telle ou telle étape. Si l’on s’intéresse à la conversion que chaque catéchumène est appelé à vivre pendant le temps du catéchuménat, une lecture attentive des monitions fera comprendre le chemin progressif à vivre et interrogera l’accompagnateur pour savoir s’il est judicieux de proposer ou non une célébration.

Exemple de l’appel par son nom

Les rituels font état d’un dialogue dont on ne perçoit pas toujours la pertinence. La liturgie de la Parole fait état généralement de récits d’appel. Ce qu’il faut comprendre est que tout acte de nomination participe de la dynamique même de l’acte de foi. Car la structure dialogale met en scène et actualiste la relation d’alliance entre Dieu et son peuple. Grâce à la proposition des Rituels les catéchumènes, les confirmands, les futurs diacres ou prêtres, etc. et l’assemblée également accèdent à un espace relationnel qui structure le dialogue et ouvre à l’altérité. Les prières litaniques qui suivent et l’oraison qui clôt ces moments expriment bien un nouvel espace qui s’ouvre! ; espace où se réalise la communauté! ; espace où l’Église et les croyants sont tournés vers le Seigneur et attendent «!un ciel nouveau et une terre nouvelle!» (Ap 21, 1).

Une unité à trouver entre gestes, lectures et notes pastorales des Rituels

Finalement, dans une préparation aux sacrements, il serait dommageable de ne choisir que les gestes comme support de son explication sans les mettre en rapport avec les lectures et les prières que les rituels proposent. Méfions-nous de nos simplifications! ! Elles ne sont jamais porteuses de fruit. En revanche, prendre l’ensemble de ce que le rituel propose, voire lire attentivement les notes pastorales qui accompagnent chaque étape dans un rituel est la meilleure façon de ne pas réduire la portée de ce qui sera vécu. Il y a une unité!: à nous de la trouver.

«!Détendre la sacramentalité!»

Mais au-delà de cette question qui demande de dépasser le stade du «! bien connu!» se cache peut-être une autre interrogation!: comment s’approprier (ou se réapproprier) la foi chrétienne!? Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet! ! Aujourd’hui, il faut avoir le souci de partir du sujet qui demande un sacrement dans un dialogue véritable, le soutenir dans sa recherche de Dieu, et décrisper la ritualité en acceptant d’être en tension avec un héritage légué. Personnaliser une célébration est onéreux mais répond à une soif spirituelle, une quête de sens et de bonheur non négligeables. N’est-ce pas la provocation qui est adressée à tout ministre lorsque Pape Benoit XVI écrit! :!«!il appartient aux prêtres et aux diacres, surtout lorsqu’ils administrent les sacrements, de mettre en lumière l’unité que Parole et Sacrement forment dans le ministère de l’Église!» (Verbum Domini 53)!?

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Les lieux de célébration du baptême des petits enfants

Père François Labbé,

Prêtre du diocèse de Meaux

Les lieux de célébration du baptême des petits enfants ne sont pas toujours en adéquation avec ce que prévoit le Rituel!: la démarche déambulatoire de l’entrée de l’église vers l’autel avec une étape au baptistère ne peut avoir lieu en raison de la position de l’ambon souvent situé à côté de l’autel. Pour éviter des allers-retours entre ambon et baptistère, quel lieu donner à l’ambon et à la Parole de Dieu ?

Des textes normatifs

" La réforme liturgique du concile Vatican II n’a pas abordé directement le détail des aménagements de nos églises 1. Le document Inter Oecumenici du 26 septembre 1964 pose des directives plus précises. Le numéro 99 concerne le baptistère!: «!Dans la construction et la décoration du baptistère, on veillera soigneusement à ce que la dignité du sacrement de baptême apparaisse clairement et que le lieu se prête aux célébrations communes (cf. Const., art. 27).!»" Dans l’adaptation francophone du Rituel du baptême des petits enfants, publiée en 1984, les notes préliminaires précisent «!ce qui est requis pour la célébration!» et évoquent au n° 24 que «!pour la célébration de la parole de Dieu, on aménagera un lieu approprié, soit dans le baptistère, soit dans l’Église!». Au n° 25, on déclare que le baptistère «! est un lieu! » et qu’il doit être aménagé en vue de «! la participation d’un grand nombre!». Chaque église étant spécifique au plan architectural et historique, le terme «!adaptation!» semble en vigueur dans l’aménagement du matériel du culte 2 et des fonts baptismaux eux-mêmes. En premier lieu, ces textes orientent les normes vers une «!participation pleine, consciente, et active 3 » des fidèles.

Vers une déambulation baptismale

" Si elle n’est pas fréquemment mise en œuvre, le cheminement du parvis à l’autel en faisant escale au baptistère, est cependant inscrit en filigrane dans le déroulé de la célébration. Cette déambulation veut souligner une inscription corporelle et symbolique des actions rituelles en chacun. Grâce aux déplacements, aux passages en divers espaces, une possible rencontre avec Dieu se dessine au gré des étapes du rituel. Bien souvent l’assemblée se dirige directement vers l’ambon utilisé pour la messe en proximité de l’autel. Il n’y a donc qu’un unique mouvement vers le sanctuaire où une cuve est posée sur une table devant l’autel. Toute la célébration se fige alors sur des points d’attention peu mis en relief!: ambon, cuve, autel.Parfois, quand la disposition des lieux le permet, une chapelle baptismale dans une nef latérale plus large accueille l’assemblée, voire uniquement l’enfant, ses parents, ses parrain-marraine pour vivre les rites. Un pupitre y fait office de lieu de la Parole. Mais ce sont souvent des installations provisoires et plus commodes pour la visibilité.

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Des tentatives d’aménagements

! Les diverses solutions et créations post-conciliaires ont donc davantage porté leur attention sur le «! triptyque! » autel/ambon/présidence dans le cadre de l’aménagement du sanctuaire. L’ambon comme table de la Parole est ainsi en lien avec l’autel selon les intuitions de Sacrosanctum Concilium (SC). À la cathédrale Sainte Geneviève de Nanterre, le nouveau baptistère est situé en bordure d’une chapelle latérale, mais l’ambon utilisé est celui du sanctuaire. Un cheminement est cependant possible d’un lieu à l’autre.

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Pour dépasser les limites spatiales ! La déambulation baptismale que propose le Rituel est parfois empêchée par la disposition des lieux. En effet, dans nombre d’églises, le baptistère est coincé au fond de l’église à proximité de la porte, mais n’est pas adapté aux célébrations communautaires d’aujourd’hui. La célébration devant l’autel ou en bas des marches du sanctuaire reste habituelle. Non pas en raison d’une simplification volontaire du célébrant mais par nécessité d’espace et souci de visibilité. Sans doute peut-on mettre en valeur l’eau du baptême en la faisant venir en procession depuis les fonts baptismaux!? Certaines paroisses transforment les fonts en «!lieu de mémoire du baptême!» en y accrochant une photo des enfants baptisés dans l’année. Le parcours peut être également (re) proposé en concluant la célébration par le chant du Magnificat, comme y invite le Rituel (RR 106) en allant vers la chapelle mariale. Une autre limite est celle du support utilisé lors des lectures. En effet, beaucoup de familles éditent leurs propres «!livrets!» et souvent le célébrant s’en saisit pour accompagner l’action liturgique. Un lectionnaire spécifique pour la célébration, ne serait-il pas préférable!?

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Les travaux de restauration de l’église paroissiale de Provins (église Saint Ayoul) du diocèse de Meaux, ont dégagé le baptistère des anciennes grilles et lui donne un espace de célébration plus vaste, accueillant les familles lors des célébrations communautaires. Dans cet espace dégagé, un ancien lutrin en fer forgé a été disposé en vis-à-vis du baptistère pour donner «!un lieu!» à la Parole. Le cheminement suggéré par le Rituel, du parvis vers l’autel, peut s’effectuer ici avec un lieu spécifique pour le baptême et la liturgie de la Parole.

Espace baptismale et lutrin, église St Ayoul de Provins (diocèse de Meaux)© F. Labbé

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Bibliographie

- J.-Ch. Picard. Évêques, saints et cités en Italie et en Gaule. Études d’archéologie et d’histoire, Rome, École Française de Rome, 1998. (Publications de l'École française de Rome, 242) - Art médiéval. Les voies de l’espace liturgique, sous la direction de Paolo Piva, Paris, Picard, 2010. En lecture libre sur le site, http://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1998_ant_242_1_5736.- Fr. F. Cassingena-Trévedy, La Parole en son royaume, une approche liturgique, Ad Solem, Paris, 2013. - J.-Y. Hameline, Petite poétique des arts sacrés, Paris, Cerf, Coll. «"Lex Orandi"» nouvelle série, n° 3, 2014.

1 Cf. Le Chapitre 7 de la Constitution liturgique aborde ces points, in concile Vatican II, Constitution Sacrosanctum Concilium, n° 122-130.2 J.-Y. Hameline, Petite poétique des arts sacrés, Paris, Cerf, Coll. « Lex Orandi » – Nouvelle Série, n° 3, 2014, p. 71-73.3 Ibid., n° 14.4 Cf. Const. Lit. SC n° 51 et 58 sur le lien entre la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique. Et ce qu’en dit la Présentation générale du Missel romain, n° 8 : « La messe comporte comme deux parties : la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique ; mais elles sont si étroitement liées qu’elles forment un seul acte de culte. En effet, la messe dresse la table aussi bien de la parole de Dieu que du Corps du Seigneur, où les fidèles sont instruits et restaurés ».5 Fr. F. Cassingena-Trévedy, La Parole en son royaume, une approche liturgique, Ad Solem, Paris, 2013, le chapitre 2 « conditions de la parole », p. 51-109.

Finalement, la question du lieu de la Parole dans les baptêmes est à repenser selon les possibilités architecturales et l’assemblée célébrante. Sans doute, faut-il manifester dans la célébration, comme le dit SC 24, que l’Écriture Sainte est bien l’instigatrice de la mise en œuvre des nouveaux rituels. Toutes les oraisons, les prières, les hymnes y puisent leur source. La question d’un lieu pour l’ambon, est moins une préoccupation si on laisse résonner la Parole au cours de la célébration en évitant tout bavardage inutile. En écho, voici ce que Saint Paul!nous décrit sur le schéma liturgique du baptême! : «! une parole qu’accompagne un geste! » (Ep 5, 26). La parole étant celle entendue, proclamée puis finalement professée. Le cheminement proposé par le Rituel sera celui effectué en tout participant devenu depuis l’accueil sur le parvis jusqu’au chant du Magnificat, le «!lieu!» de la Parole.

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Le chant du lâcher prise

Évocation de la vie du défunt qui nous rattache encore au passé, rites de la lumière et de la croix, liturgie de la parole qui se prolonge parfois par la liturgie de l'eucharistie! : le mouvement recherché dans la liturgie des funérailles est de nous faire tourner vers toujours plus de «! lâcher prise!». L'émotion devrait progressivement céder pour laisser place au sentiment de sérénité. Le chant du dernier adieu, malgré la force pathétique de l'appellation, ne doit pas nous faire revenir en arrière comme un dernier signe d'émotion partagée! ; il doit au contraire nous orienter vers l'acte «!du laisser partir entre les mains du Père.!» Le chant du passage et de la confiance

«! Le chant doit apparaître à tous comme le sommet de l'adieu de toute l'assemblée au défunt. Il est donc souhaitable que toute l'assemblée y participe!». Le Rituel qui demande que par ce chant soit créé un climat de confiance et d'espérance nous oriente donc clairement vers la recherche de cette sérénité en Dieu.

Répertoire!: chanter pour le dernier adieu … ou mettre en voix un texte

Dans le contexte actuel, même le chant qui a été le plus souvent entendu par le passé «! Sur le seuil de sa maison!» SL 41 s'estompe dans les mémoires. Il reste cependant le plus simple dans la mise en œuvre en raison de la reprise au troisième vers du vers initial. Certains chants du dernier adieu veulent redire la foi en la Résurrection. Le chant qui redit les paroles de Job (19, 23-27) emprunte cette voie. La mise en musique du SL 33 sert particulièrement le texte. On peut cependant comprendre que la représentation de la Résurrection en sa matérialité pose problème aujourd'hui avec ce chant. Le chant Tu as été plongé dans la mort de Jésus S 69 aux structures très répétitives revisite au moment du départ les signes sacramentels de la vie chrétienne. C'est un chant de grande richesse catéchétique pour les vivants.D'autres chants peuvent être choisis!: Que le Seigneur te reçoive près de Lui (S 43), Dans la ville où tu t'en vas S 57.

Le chant du dernier adieu intervient dans la célébration des funérailles au terme d'un cheminement!: ce chant de confiance qui redit la foi en la Résurrection doit permettre à toute la communauté et à la famille de «!remettre!» le!défunt!à Dieu.

Le chant du dernier adieu dans la liturgie des funéraillesGérard Tracol

Responsable Musique et Liturgie du diocèse de Viviers

© Patrice Thebault/CIRIC

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Cependant devant les difficultés de mise en œuvre avec des assemblées disparates sans traces mémorielles de chants, on peut lire lentement sur fond musical les trois strophes du très beau texte AELF!: Entre les mains de notre Père SL 43 dont voici les derniers vers!:

Le Dieu qui est venu nous dire par Jésus La joie de son salut ne peut pas décevoir!!Comment ne pas reprendre cœurEntre les mains de notre Père!?

De quoi réaffirmer avec force que la liturgie des funérailles est faite pour les vivants!!

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