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SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE PREMIERE PARTIE: CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL CHAPITRE I: TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES REGISSANT LE DOMAINE PUBLIC SECTION 1: COMPOSITION ET CONSTITUTION DU DOMAINE PUBLIC SECTION 2: LA SORTIE DES BIENS DU DOMAINE PUBLIC CHAPITRE II: L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC SELON LE CODE DU DOMAINE DE L'ÉTAT SECTION 1: LES OCCUPATIONS DU DOMAINE PUBLIC SECTION 2: LES REDEVANCES TIREES DE L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC DEUXIEME PARTIE: LA PROBLEMATIQUE DE LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC FACE AUX IMPERATIFS DE DEVELOPPEMENT? CHAPITRE I: LE REGIME JURIDIQUE DE PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC SECTION 1: LES PRINCIPES GENERAUX DE LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC SECTION 2: ANALYSE DE LA LEGISLATION DOMANIALE CHAPITRE II: PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC ET EXIGENCES DE DEVELOPPEMENT SECTION 1: DE LA NECESSITE DE REPENSER LA GESTION DU DOMAINE PUBLIC SECTION 2: LE DOMAINE PUBLIC : UN LEVIER DE DEVELOPPEMENT CONCLUSION GENERALE

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SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE: CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL

CHAPITRE I: TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES REGISSANT LE DOMAINE

PUBLIC

SECTION 1: COMPOSITION ET CONSTITUTION DU DOMAINE PUBLIC

SECTION 2: LA SORTIE DES BIENS DU DOMAINE PUBLIC

CHAPITRE II: L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC SELON LE CODE DU DOMAINE DE

L'ÉTAT

SECTION 1: LES OCCUPATIONS DU DOMAINE PUBLIC

SECTION 2: LES REDEVANCES TIREES DE L'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC

DEUXIEME PARTIE: LA PROBLEMATIQUE DE LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC

FACE AUX IMPERATIFS DE DEVELOPPEMENT?

CHAPITRE I: LE REGIME JURIDIQUE DE PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC

SECTION 1: LES PRINCIPES GENERAUX DE LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC

SECTION 2: ANALYSE DE LA LEGISLATION DOMANIALE

CHAPITRE II: PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC ET EXIGENCES DE DEVELOPPEMENT

SECTION 1: DE LA NECESSITE DE REPENSER LA GESTION DU DOMAINE PUBLIC

SECTION 2: LE DOMAINE PUBLIC : UN LEVIER DE DEVELOPPEMENT

CONCLUSION GENERALE

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INTRODUCTION GENERALE

La terre, eu égard à son importance et au rôle qu'elle joue dans la vie des hommes, est aujourd’hui au

centre de tous les débats. Elle est l’objet de toutes les convoitises. L’intérêt qu’elle suscite au niveau des

populations comme du côté des pouvoirs publics, pour des motifs et des enjeux différents certes, n’est

pas nouveau. Un intérêt somme toute légitime si on considère que la terre constitue un important levier

de développement économique et social. Elle demeure le fond d’où se mène la quasi-totalité des

activités humaines. Elle est donc au cœur de toutes les politiques à l’échelon national comme à l’échelon

local.

D’où la nécessité de réglementer son utilisation et sa gestion. C'est ce qui explique toutes ces

dispositions législatives et réglementaires dont notre pays s'est doté au lendemain des indépendances à

côté de toute la réglementation qui prévalait dans les colonies d’Afrique occidentale française dont le

Sénégal. C’est dire que la réglementation domaniale est d'apparition récente dans notre pays. En effet,

c'est à partir de 1804 avec le Code civil français que les premières règles en matière domaniale

commencent à y être applicables. Ensuite d'autres textes législatifs et réglementaires vont lui emboîter le

pas pour poser les fondements d'une législation domaniale et foncière qui se veut a priori solide. C’est

dans ce contexte qu’apparurent entre autres, le décret de 1855 modifié en 1861 puis encore en 1890

relatifs aux successions vacantes et aux successions en déshérence, le décret de 1889 relatif à

l’expropriation pour cause d’utilité publique, le décret de 1901 relatif au domaine militaire et le décret

de 1905 relatif au domaine maritime.

Toutefois le premier essai de réglementation générale et les premières dispositions réglementaires

spécifiques au Sénégal tendant à régir le domaine public et les servitudes d’utilité publiques, sont à

chercher respectivement dans le décret du 20 Juin 1900 et dans celui du 29 Septembre 1928. Quant au

domaine privé, il a été régi par le décret du 23 Octobre 1934 abrogé et remplacé par celui du 15

Novembre 1935. Cependant, en dépit d’un arsenal législatif et réglementaire assez riche et varié en la

matière, les praticiens notent un certain anachronisme de tous ces textes, ou du moins de la plupart

d’entre eux, par rapport au contexte social et culturel de notre pays. C’est ce qui explique qu’au

lendemain des indépendances, le législateur soucieux, d'une part, de corriger les incohérences nées de

l'inadaptation de ces textes au contexte sénégalais, et d'autre part, de renforcer le dispositif juridique

foncier et domanial, va essayer d’y apporter des changements pour mieux les adapter à nos réalités.

C’est dans ces circonstances que la loi n°64-46 du 17 Juin 1964 portant sur le domaine national va

intervenir. Une loi que beaucoup qualifièrent à l’époque de courageuse et de révolutionnaire du fait

qu’elle rompit avec la réglementation antérieure française mais surtout qu’elle bouleversa les pratiques

traditionnelles et coutumières sur le mode de gestion de la terre par nos sociétés. La réglementation

coloniale et postcoloniale a eu donc le mérite de poser les bases d'une meilleure organisation juridique

des questions foncières et domaniales dans notre droit positif interne. Ainsi, le Sénégal s’est doté

progressivement d’une législation foncière et domaniale certes perfectible sur beaucoup de ses aspects

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mais qui mérite quand même d’être saluée du fait qu’elle prit en compte nos réalités culturelles et

qu’elle mit fin avec des pratiques inspirées de la France et qui ne collaient plus avec le contexte

sénégalais.

Cette logique de réformation progressive de l'architecture juridique foncière et domaniale qui a guidé le

législateur, doit suivre son cours pour enfin déboucher sur une refondation totale du dispositif juridique

domanial. De ce point de vue, la loi n°64-46 du 17 Juin 1964 sur le domaine national et la loi n°76-66

du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l'État (CDE) doivent être passées en revue en vue de leur

modification pour mieux faire face aux défis actuels auxquels le Sénégal est confronté, surtout en

matière de développement économique et social. C'est en effet cette dernière loi et particulièrement la

partie relative au domaine public qui va surtout cristalliser notre attention dans le cadre de notre

réflexion qui porte sur le thème : "le régime juridique de protection du domaine public. Ainsi, pour

mieux appréhender la quintessence du sujet soumis à notre réflexion et comprendre la problématique qui

s’en dégage, il convient avant toute analyse, de cerner les concepts contenus dans son libellé.

D'abord qu'entendons par domaine public?

Qu’est-ce qu’un régime de protection ?

Selon l’article 2 du Code du domaine de l’Etat, " le domaine public de l'État comprend les biens et

droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’Etat et qui, en raison de leur nature ou de la

destination qui leur est donnée, ne sont pas susceptibles d’appropriation privée".

De ce qui précède, on voit que le domaine public est constitué exclusivement de biens à la fois mobiliers

et immobiliers placés sous la gestion de l’Etat. Lesdits biens sont dans le régime de la domanialité

publique, soit du fait leur nature même (naturel ou artificiel) ou de la destination finale qui leur est

donnée (l’utilité publique ou l’usage des citoyens). Ces biens, tant qu’ils sont dans le domaine public ne

peuvent en aucune manière être cédés à des tiers ni à titre gratuit ni à titre onéreux.

Par régime de protection, il faut entendre l’ensemble des règles, notamment juridiques qui concourent à

sauvegarder le domaine public et à le préserver de toutes sortes d’actions qui pourraient réduire son

champ et le détourner de sa destination. Ceci renvoie au dispositif mis en place par le législateur et aux

mécanismes d’actions des services de l’administration tendant à assurer la meilleure protection des biens

placés sous le régime de la domanialité publique.

En définitive, " le régime juridique de protection du domaine public" s’appréhende comme le

dispositif juridique mis en place dans le but de protéger efficacement l’ensemble des biens et droits

mobiliers et immobiliers placés sous la gestion de l’Etat et qui ne peuvent faire l’objet d’aucune

propriété.

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Au vu de cette définition , il n'est point permis de douter du statut de ce domaine et de la nature des

biens qui la composent car le législateur a bien pris soin de l'organiser en vue d'assurer sa meilleure

gestion au profit de toute la communauté. En conséquence, le domaine public a, jusque-là, bénéficié

d’un régime très protecteur, en raison de la nature de ses biens mais également de leur affectation finale

qui est de servir l’intérêt général.

Ce régime juridique de protection des biens relevant du domaine public tourne essentiellement autour de

deux principes : le principe de l’inaliénabilité et celui de l’imprescriptibilité. Principes très anciens qui

visent à empêcher toute aliénation et toute appropriation d’un bien du domaine par un usage prolongé.

Chez le législateur, il apparaît ainsi que le souci de protéger le domaine public, a prévalu sur toutes les

autres considérations dans le régime de la domanialité publique. Mais actuellement, les besoins de

développement allant en se croissant, les agressions des dépendances du domaine public se multipliant

en toute impunité au point de remettre en cause ses principes fondamentaux, il urge véritablement de

redéfinir un nouveau mode de gestion et de protection de ce domaine. A y regarder de près, on se rend

compte que la législation domaniale au Sénégal est inadaptée du fait d’un immobilisme noté depuis

plusieurs décennies. Si ailleurs le droit domanial a évolué au gré des modifications de l’environnement

juridique et économique, au Sénégal il demeure étonnamment statique. Pourtant, les raisons de le

modifier existent et sont connus de tous. Pendant quarante ans, le Code du domaine de l’Etat qui régit

aussi bien le domaine privé que le domaine public n’a pas évolué. Certains textes qui sont venus

compléter le dispositif juridique et règlementaire n’ont pas connu un meilleur sort. Ce qui est ainsi assez

surprenant pour un pays qui ambitionne d’entrer dans l’ère de l’émergence en mettant en profit toutes

les ressources dont elle dispose. Cette situation contraste également avec les mutations profondes qui se

sont opérées au plan sociologique.

Or toute loi, est appelée à suivre l’évolution de la société pour laquelle elle a été faite, c'est-à-dire elle

doit être modifiée, adaptée ou supprimée si le contexte le justifie. D’autre part, la législation cache un

certain nombre de faiblesses congénitales liées principalement à la transposition du droit domanial

français dans un pays aux réalités historiques et sociologiques différentes. Toutes choses qui appellent à

une lecture plus lucide de la situation actuelle des textes, surtout ceux qui régissent principalement le

domaine public de l’Etat. Par conséquent, l’option de faire une revue systémique de la domanialité

publique au Sénégal, nous semble nécessaire pour au moins deux motifs que tout semble a priori

opposer mais conciliables : une protection plus efficiente et plus efficace du domaine public et la

possibilité de sa valorisation économique et financière.

Toute la contradiction réside apparemment donc dans la coexistence d’un renforcement de la protection

du domaine public, d’une part, et la poursuite d’un intérêt pécuniaire et mercantile propre aux personnes

privées, d’autre part. C'est à ce paradoxe que nous allons essayer de répondre en proposant des solutions

qui tiendraient compte de la nécessité de protéger le domaine public et du besoin de le rentabiliser.

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Ainsi, l’étude minutieuse du thème soumis à notre réflexion, nous conduira à voir dans la première

partie, le cadre juridique et institutionnel qui régit le domaine public au Sénégal. Ce faisant, nous

passerons au crible les éléments constitutifs du domaine public et ses formes d’occupations prévues par

la législation.

Ensuite nous nous proposerons d’analyser dans la seconde partie le régime de protection du domaine

public face aux impératifs de développement dans notre pays.

Toutefois, il convient de préciser que dans le cadre de notre analyse, et relativement à la notion de

valorisation, il sera beaucoup plus question du domaine public immobilier que des autres biens et droits

soumis au régime de la domanialité publique. Ceci, pour des raisons d’ordre méthodologique d’une part,

et d’autre part pour des raisons liées à la prépondérance de ce domaine sur les autres.

PREMIERE PARTIE:

CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL

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CHAPITRE I: TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES REGISSANT LE

DOMAINE PUBLIC

Le domaine public de l'État est, depuis 1976, régi par le Code du domaine de l'État (CDE) sous

réserve des dispositions contenues dans d'autres textes. Il s'agit entre autres, du Code de l'urbanisme, du

Code de la marine marchande, du Code général des collectivités locales, du Code de l’environnement,

du Code de l’eau, du code des télécommunications, etc. En effet c’est le Code du domaine de l’Etat qui

est le principal texte de référence en matière d'administration du domaine public, qui détermine les biens

relevant du domaine public et leur mode de constitution.

SECTION 1: COMPOSITION ET CONSTITUTION DU DOMAINE PUBLIC

La composition du domaine public détermine les dépendances qui font partie de ce domaine alors

que sa constitution précise les processus d'entrée et de sortie.

PARAGRAPHE 1: LA COMPOSITION DU DOMAINE PUBLIC

Il existe deux grandes catégories du domaine public: le domaine public naturel et le domaine public

artificiel.

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A/ Le domaine public naturel

Les biens faisant partie de ce domaine sont énumérés de manière limitative par l'article 5 de la loi

n°76-66 du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat. Au regard de leur composition, ce sont

des biens qui résultent exclusivement de phénomènes naturels. Donc leur entrée dans le domaine public

est automatique, elle ne se décrète pas puisque leur création n'est pas du fait de l'homme. Ainsi, on peut

les classer en domaine public maritime (dpm) et domaine public fluvial (dpf). Il en va ainsi du sous-sol

et de l'espace aérien qui, pour des raisons particulières sont intégrés dans le domaine public naturel.

1) Le domaine public maritime (dpm)

Il est constitué par les mers intérieures, les rivages de la mer ainsi que la zone des cents (100)

mètres.

Quant à la mer territoriale et le plateau continental, expressément énumérés par l'article 5 du CDE

comme faisant partie intégrante de ce domaine, ils en ont été exclus par la loi n°85-15 du 25 Février

19851. En effet celle-ci abroge et remplace la disposition précitée suite à la ratification par le Sénégal, le

25 Octobre 1984, de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Ainsi la mer territoriale et le

plateau continental sont désormais régis par les règles internationales publiques qui réglementent la

liberté de navigation et celle de poser des câbles sur les eaux internationales. Cependant la législation

intègre dans le domaine public maritime le fond marin de la mer territoriale qui s'étend sur une distance

de 12 miles marins2.

Les mers intérieures

Ce sont toutes les portions de mer enclavées à l'intérieur du territoire et qui sont soumises à l'action

de la puissance publique: on a par exemple les étangs salés, les baies, havres, rades, etc.

Les rivages de la mer

Les rivages de la mer sont la partie du littoral que !a mer couvre et découvre entre ses plus hautes et

ses plus basses marées, exception faite des perturbations météorologiques exceptionnelles telles que les

tempêtes.

La zone des 100 mètres

1 Cette loi a modifié les dispositions de l’article 5 du Cde qui classaient la mer territoriale et le plateau continental dans le

dpm. Désormais ce sont les règles de la Convention des Nation-Unies qui s’appliquent à eux. 2 La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer conclue à Montego Bay le 10 Décembre 1982, fixe en son article 3

la largeur maximale de la mer territoriale à 12 miles marins soit environ 22,224 kilomètres ou d’un partage médian du littoral pour les Etats voisins dont les côtes sont distants de moins de 24 miles marins.

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Egalement appelée zone des cents pas géométriques, la zone des cents (100) mètres est une bande

de terre qui sépare la zone comprise entre l'étendue maritime et le continent ou l'arrière pays. C’est à la

fois une zone de protection et de défense. Sa préservation est fondamentale du fait des multiples usages

qui peuvent en être faits. C'est la dépendance la plus convoitée du domaine public maritime notamment

par les promoteurs et opérateurs du secteur du tourisme et de l’hôtellerie. L'aménagement de la petite

côte par la SAPCO en est l'exemple le plus illustratif. Cette zone a en effet accueilli beaucoup

d'infrastructures touristiques et hôtelières au cours de ces dernières années.

2) Le domaine public fluvial (dpf)

Son étendue ainsi que sa composition en font un domaine très important pour la vie des populations

de manière générale. En effet dans son exposé des motifs, le Code de l’eau retient un principe essentiel :

celui de la domanialité publique des eaux, qui fait de cette ressource un bien commun à tous. En son

article 2, ledit Code dispose que : « les ressources hydrauliques font partie intégrante du domaine

public ». Ainsi toutes les eaux douces disponibles sur le territoire national relèvent en effet du domaine

public fluvial: ce sont les cours d'eau navigables ou flottables, les cours d'eau non navigables ni

flottables, les lacs, étangs et mares permanentes, les eaux de surface et les nappes aquifères souterraines.

Les cours d'eau navigables ou flottables

Cette zone a les mêmes caractères que celles de 100 mètres en bordure du rivage de la mer. Les

cours d’eau navigables ou flottables sont dans les limites déterminés par la hauteur des eaux coulant à

pleins bords avant de déborder, ainsi qu'une zone de vingt-cinq mètres de large à partir de ces limites sur

chaque rive et sur chacun des bords des îles.

Les cours d'eau non navigables ni flottables

Ils sont dans les limites déterminés par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder

ainsi qu'une zone de dix mètres de large à partir de ces limites sur chaque rive.

Les lacs, étangs et mares permanentes

Les lacs, étangs et mares permanentes qui sont dans les limites atteintes par les plus hautes eaux

avant débordement ainsi qu'une zone de vingt cinq mètres de large à partir de ces limites sur chaque rive

et sur chacun des bords des îles.

Les eaux de surface et les nappes aquifères souterraines

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Quelle que soit leur provenance, leur nature ou leur profondeur, ces eaux sont comprises dans le

domaine public fluvial.

3) Le sous-sol et l'espace aérien

Ils ne peuvent être déclassés et subséquemment faire l'objet d'une appropriation privée fût-il de

l'État. En effet leur incorporation au domaine public naturel peut se comprendre pour des raisons

particulièrement stratégiques et sécuritaires.

D'abord pour ce qui concerne l'espace aérien, il s'agit de l'espace qui surplombe le territoire terrestre

et la mer territoriale. Par opposition à l'espace aérien international, l'espace aérien national est ainsi

qualifié parce que l'État y exerce sa pleine souveraineté. Il doit le contrôler et le réglementer pour des

raisons de sécurité.

Ensuite s'il est concevable pour l'Etat d'aliéner le sol, sous certaines conditions, il ne peut en revanche en

faire de même avec le sous-sol car cela pourrait entraîner de graves conséquences pour sa stabilité. C'est

pourquoi son appartenance au domaine public est tout à fait légitime et compréhensible.

B/ Le domaine public artificiel

Par opposition aux biens du domaine public naturel, ce sont toutes les dépendances incorporées au

domaine public par l'homme, tous les biens meubles et immeubles qui résultent du travail humain et qui

répondent aux critères de la domanialité publique. Sa composition est donnée par l'article 6 du CDE.

Le domaine public artificiel peut être divisé en quatre catégories:

Le domaine public de circulation;

Le domaine public mobilier;

Le domaine monumental;

Le domaine public de défense nationale

1) Le domaine public de circulation

Il est très vaste et comprend l'ensemble des voies de communication, d'information et de

transport de certains corps. Il peut être subdivisé en plusieurs catégories:

La circulation terrestre

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Elle est constituée par les routes avec leurs dépendances, les gares routières publiques nationales,

les gares ferroviaires, les promenades publiques, les passages à niveaux, etc. Quant aux ouvrages d'art, il

ne faut pas les confondre avec les objets d'art et autres édifices qui font partie du domaine mobilier. Ces

ouvrages d’art dont il est question ici font partie de la voie dont ils assurent la continuité et constituent

les accessoires. C'est le cas des ponts, des tunnels et les passages d'eau.

La circulation aérienne

Elle fait référence à tous les ouvrages ou installations établis pour assurer une bonne navigation

aérienne. Font notamment partie de cette catégorie les aérodromes civils avec leurs dépendances bâties

ou non bâties, les ouvrages qui concourent à la protection de la navigation aérienne, tels les stations

météorologiques, les centres de contrôle, de balisage et de guidage des avions;

La circulation fluviale

Elle est représentée par les ports fluviaux situés sur le long des cours d'eau avec leurs dépendances;

La circulation maritime

Elle a trait aux ports maritimes avec leurs dépendances nécessaires tels que les môles, les quais, les

jetées, les terre-pleins, les phares et tout ouvrage contribuant à la navigation maritime.

Les voies de transmission de la parole et de la pensée à usage collectif

Ce sont toutes les installations qui participent généralement à la diffusion de la parole et des

images. Ce sont les immeubles qui accueillent les stations émettrices de radiodiffusion et de télévision,

les centraux téléphoniques, les lignes et postes télégraphiques, les câbles sous-marins, etc.

La production et le transfert d'énergie, le transport de l'eau

Ils constituent la dernière composante du domaine public de circulation. Ce sont les lignes de

transport et les réseaux de distribution d'électricité et de gaz, de même que les conduites d'eau.

2) Le domaine public mobilier

Son champ d'application est très restreint compte tenu de la nature des biens qui y sont affectés mais

également des critères qui déterminent leur appartenance à ce domaine. Un meuble appartient au

domaine public, soit lorsque sa conservation et sa mise à la disposition du public sont assurés par un

service public, exemple : pièces et tableaux de musées, manuscrits et livres de bibliothèques publiques,

soit lorsqu’il est affecté à perpétuelle demeure à un édifice qui fait partie du domaine public. L’article 6

du CDE incorpore les objets d'art et collections affectés aux musées nationaux au domaine public.

Toutefois la jurisprudence a beaucoup fait évoluer la notion de domaine public mobilier qui, au départ

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était très imprécise. Aujourd'hui un bien appartient à ce domaine s'il est une œuvre d'art ou s'il est

irremplaçable ou a un intérêt spécifique.

3) Le domaine public monumental

Le patrimoine monumental comprend les halles et marchés, les édifices qui demeurent la

propriété de l'État ou qui sont à sa charge (les statues, les colonnes commémoratives, les cimetières, les

monuments proprement dits et les édifices du culte religieux). C'est un domaine qui doit bénéficier d'une

meilleure protection car une bonne partie des biens qui le composent sont des lieux de mémoire

nationale.

4) Le domaine public de défense nationale

Il n'est pas destiné à l'usage du public comme c'est le cas des biens des autres catégories mais

sert à la défense de tous. Ainsi les dépendances du domaine public de défense nationale doivent

directement ou indirectement concourir à la protection du territoire terrestre, maritime ou aérien avec

leurs dépendances et leurs zones de protection. Par exemple, on a les casernes, les poudrières, les

arsenaux, les aérodromes militaires, les chemins stratégiques et les voies ferrées faites spécialement

pour les services des places fortes.

A ces dépendances, il faut y ajouter les servitudes d'utilité publique.

C) Les servitudes d'utilité publique

Les servitudes qui grèvent le domaine public ont pour but, soit une meilleure utilisation de ses

dépendances, soit d'assurer qualitativement sa protection. En conséquence l'administration peut se

réserver le droit d'aménager des servitudes aussi bien sur son propre domaine que sur celui des

particuliers. En revanche, les tiers ne peuvent sous aucun prétexte établir des servitudes sur le domaine

public.

Les servitudes d'utilité publique sont généralement des limitations au droit de propriété instituées au

profit du public. Il en existe deux catégories:

D'abord, il y a les servitudes de passage, d'implantation, d'appui et de circulation nécessitées par

l'établissement, l'entretien et l'exploitation des installations et ouvrages dépendant du domaine public

artificiel.

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Ensuite il y a les servitudes établies :

pour la défense et la sécurité;

pour l'application des plans d'urbanisme;

dans l'intérêt ou pour la sécurité de la navigation aérienne, maritime ou terrestre;

dans l'intérêt des transmissions

dans l'intérêt ou pour la sécurité de la circulation routière (servitudes de visibilité);

pour la protection des monuments et sites.

Par ailleurs l'article 7 du CDE précise que ces servitudes ne peuvent ouvrir au profit du détenteur ou

propriétaire de l'immeuble qui en est frappé un droit à indemnité que lorsqu'elles entraînent, lors de leur

établissement, une modification à l'État des lieux déterminant un dommage actuel, direct, matériel et

certain. En d'autres termes toute servitude dont l'installation est dictée par des besoins d'intérêt général et

qui n'affecte en rien l'immeuble fond servant ou l’est indirectement ne confère aucun droit

d'indemnisation. Au demeurant ces services fonciers doivent être pour l'usage et l'utilité d'autres

immeubles sinon ils n'ont aucune raison d'être créés.

PARAGRAPHE 2 : LA CONSTITUTION DU DOMAINE PUBLIC

Les biens qui ressortent du domaine public y entrent selon un processus qui détermine la catégorie à

laquelle ils appartiennent. Dans la rigueur des principes, cette entrée dans le domaine public ne se

décrète pas mais elle se constate. Autrement, l'incorporation d'un bien dans le domaine public ne peut

émaner de la seule volonté de l'administration.

A/ La formation du domaine public naturel

L'administration n’a aucun rôle à jouer dans la formation des biens relevant de cette catégorie. Le

domaine public naturel résulte exclusivement de phénomènes naturels. Il suffit que le phénomène

naturel se produise pour que l'immeuble intègre de plein droit le domaine public. C'est un régime

purement déclaratif. L'Etat constate puis procède à la délimitation du bien en mettant essentiellement en

œuvre des procédés de puissance publique. En effet la délimitation du domaine public naturel se fait de

manière unilatérale mais n'est pas définitive. Néanmoins, elle demeure obligatoire pour l'administration

car elle lui permet de préserver l'intégrité des propriétés privées en évitant tout empiètement du domaine

de l'État sur celles-ci et inversement. C'est donc l'administration qui initie de son propre chef la

procédure de délimitation sanctionnée le cas échéant par un arrêté du ministre chargé des domaines qui

fixe les limites du domaine public sous réserve des droits des tiers.

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Mais toutefois, il se pose la question de savoir de ce qui va advenir des propriétés privées si elles sont

recouvertes par des phénomènes naturels?

La question est d'un intérêt particulier surtout que le phénomène naturel peut intervenir suite à des

travaux réalisés par l'Etat sur les dépendances de ce domaine, comme il peut être aussi spontané. Dans

tous les cas un privé ne peut être dépossédé de son bien même si celui-ci est affecté par un phénomène

naturel. En d’autres termes les tiers ne peuvent perdre les droits qu'ils détiennent sur leurs biens que par

consentement ou si l'intérêt général le justifie par la voie de l’expropriation pour cause d'utilité publique.

B/ La formation du domaine public artificiel

Il existe plusieurs procédés pour l'État de constituer son domaine public. Mais l'incorporation d'un

immeuble dans le domaine public artificiel, tel que prévu par l'article 8 du CDE, se fait soit par le

truchement d'un acte de classement, soit par l'exécution de travaux qui confèrent à cet immeuble son

caractère de domanialité publique.

1) La notion d'incorporation

L'incorporation est le processus par lequel l'État fait entrer dans son domaine des dépendances

qui n'y relevaient pas. L'Etat peut devenir propriétaire d'un bien de plusieurs façons: elle peut l'acquérir

à l'amiable ou en mettant en œuvre des procédés de puissance publique (expropriation, préemption,

etc.). Cette acquisition ne confère pas pour autant au bien un caractère de domanialité publique. Encore

faudrait-il que le ministre chargé des domaines prenne un arrêté pour l'incorporer dans le domaine

public. Il s'agit alors d'un classement qui est une opération juridique qui permet à l'administration de

modifier la destination du bien, généralement pour une utilisation publique. Pourtant cet acte de

classement n'a plus cette portée juridique car en principe un bien entre dans le domaine public de plein

droit à partir du moment où il satisfait aux conditions d'appartenance du domaine public : c’est

l’aménagement spécial.

2) L'aménagement spécial

L'affectation d'un bien à un usage public ou à l'utilité publique suffit à elle seule, en l'absence

d'un acte de classement à faire entrer ce bien dans le domaine public. Ici, le critère fondamental est

l'affectation matérielle qui est l'utilisation du bien conformément à la destination qui lui avait été

assignée par l'acte de classement. Par voie de conséquence, on peut affirmer que l'acte de classement est

inopérant si le bien n'a pas été destiné à un usage public ou à l'utilité publique, d'où la condition sine qua

non "d'affectation effective" qui, en définitive, détermine la domanialité publique.

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Autant l'administration dispose de prérogatives pour incorporer dans son domaine des biens qui,

initialement n'en faisaient pas partie, autant elle dispose également des mêmes moyens pour les y sortir.

SECTION 2 : LA SORTIE DU DOMAINE PUBLIC

Les biens de l’Etat perdent leur caractère de domanialité publique par la réunion de deux

conditions : le déclassement et la désaffectation.

Le déclassement est un acte administratif qui fait perdre à un bien son caractère de dépendance du

domaine public. Quant à la désaffectation, elle est l’opération qui consiste à ne plus utiliser un bien à

l’usage du public ou en vue à l’accomplissement d’une mission de service public.

Ces deux notions qui peuvent paraître similaires, sont en fait deux conditions nécessaires à la sortie d’un

bien du domaine public. En règle générale, la désaffectation intervient avant l’acte formel de

déclassement, si tel n’est pas le cas, la décision de déclassement d’une dépendance du domaine public

doit toujours être suivie d’une désaffectation matérielle. Il faut cependant noter que la sortie d’un bien

du domaine public s'opère différemment selon qu'il s'agit des dépendances du domaine public naturel ou

des dépendances du domaine public artificiel. Elle est plus contraignante que le classement.

PARAGRAPHE 1 : LA SORTIE DES BIENS DU DOMAINE PUBLIC NATUREL

Pour ce qui concerne les biens du domaine public naturel, le principe est le même que pour

l'incorporation, c'est à dire que ce sont les faits naturels qui normalement, doivent extirper un immeuble

du domaine public. Autrement la perte de la domanialité publique d’un bien appartenant au domaine

public naturel est consécutive au passage d’un phénomène naturel. Ici, il n’est point besoin d’un acte de

déclassement pour constater la sortie du bien dont il est question du domaine public. La simple survenue

de l’évènement fait perdre de facto à l’immeuble le caractère de domanialité publique qui y était

attachée.

PARAGRAPHE 2 : LA SORTIE DES BIENS DU DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL

En revanche, les dépendances du domaine public artificiel ne peuvent s'y soustraire que s'il y a

une décision expresse de déclassement. Cette étape est importante car la seule désaffectation d’un bien

initialement affecté à un usage collectif ou à une utilité publique, ne suffit pas pour le sortir du domaine

public. En principe il faut nécessairement un acte formel pour déclasser cet immeuble. L'acte de

déclassement étant pris par décret du Président de la République alors qu'un arrêté du Ministre chargé

des domaines suffit pour classer un immeuble dans le domaine public. Si certains pensent que, pour des

raisons de parallélisme des formes, l'autorité qui classe doit être la même que celle qui déclasse, le

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législateur sénégalais a, quant à lui, ainsi procédé pour mieux protéger les immeubles de ce domaine

contre toute forme de spoliation. C'est pourquoi il a alourdi la procédure tendant à faire sortir les

immeubles du domaine public de l'Etat.

Notons cependant que ce ne sont pas toutes les dépendances du domaine public qui sont susceptibles de

voir leur caractère de domanialité publique être remises en cause par une décision de déclassement. Aux

termes de l'article 19 du CDE, seules peuvent faire l'objet d'un déclassement :

les dépendances du domaine public artificiel;

la zone des 100 mètres en bordure du rivage de la mer;

la zone des 25 mètres en bordure des rives des cours d'eau navigables ou flottables, lacs, étangs et mares

permanentes ;

et la zone des 10 mètres de large en bordure des rives des cours d'eau non navigables ni flottables.

Dans les normes, la seule désaffectation du bien ne suffit pas à le faire sortir du domaine public

artificiel. C'est pourquoi en France, le principe a été posé par la jurisprudence, ce qui fait que la

désaffectation de la dépendance dont on veut extraire du domaine public artificiel est toujours suivie

d'un acte de déclassement. L'immeuble, une fois sorti du domaine public de l'État, se trouve

naturellement transféré dans son domaine privé, sauf si au moment de son aménagement pour un usage

public ou à l'utilité publique, il n'a pas fait l'objet d'une immatriculation; le cas échéant, l'immeuble

intègre le domaine national.

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CHAPITRE II : L’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC SELON LE CDE

Les biens mobiliers et immobiliers du domaine public servent à l’usage ou à la défense de tous.

Par conséquent, leur utilisation ou leur occupation ne peuvent être tolérées que dans le cadre de l’intérêt

général. Toutefois, la loi autorise à titre exceptionnel, l’occupation du domaine public à des fins privées.

Cette occupation privative du domaine public donne lieu au paiement de redevances sauf dans les cas

prévus par l’article 18.

SECTION 1: LES OCCUPATIONS DU DOMAINE PUBLIC

Par essence, le domaine public est voué à une utilisation collective conforme à sa destination

première qui est l'usage ou la défense de tous ou de servir à une utilité publique. On parle d’occupation

normale du domaine. Cette occupation obéit à un principe de base : l'affectation d'utilité publique.

Toute autre occupation des dépendances domaniales constitue un mode de jouissance exceptionnelle qui

confère à celui qui en est investi le droit de disposer du domaine public d'une manière privative et

privilégiée, à la différence de la généralité des citoyens. Cette occupation doit être compatible avec

l'affectation d'utilité publique que ce domaine a reçue.

Par ailleurs en dépit de la rigidité de ses règles de protection, le domaine public peut toutefois faire

l'objet d'autorisations diverses pour son occupation par des tiers. Ainsi aux termes de l'article 11 du

CDE, " le domaine public peut faire l'objet de permissions de voierie, d'autorisation d'occuper, de

concessions et d'autorisations d’exploitation (...)". Toutefois, ces occupations privatives qu’on peut

qualifier d’"anormales" puisque contraires à l’affectation primaire du domaine, sont assujetties à des

règles strictes auxquelles doivent se conformer les occupants, sous peine de voir leurs titres

d’occupation retirés par l’autorité qui les a délivrés

.

PARAGRAPHE 1: LES REGLES GENERALES D’OCCUPATION

. Qu'elle porte sur une dépendance du domaine public naturel ou du domaine public artificiel,

l'occupation du domaine public est subordonnée à un accord préalable de l'autorité chargée de sa

gestion. En outre, l'acte d'autorisation fixe généralement les conditions d'occupation.

D'abord l'autorisation est un acte unilatéral et discrétionnaire. L'autorité qui la prend, le fait en toute

indépendance et sans contrainte aucune. Elle ne revêt non plus un caractère contractuel qui lierait

éventuellement son signataire. Toutefois dans certains cas et sous réserves d'autres dispositions, des

conventions peuvent être établies entre l'occupant et l'autorité administrative. Par exemple pour

l’exploitation du sous-sol, l’Etat peut signer des conventions ou des permis autorisant à des personnes

privées ou morales d’exploiter pour une durée déterminée les ressources minérales qui s’y trouvent.

Concernant les produits de la mer et ceux forestiers, bien qu’ils émanent du domaine public mais ils

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appartiennent au domaine privé de l’Etat. Par voie de conséquence, il peut les aliéner ou les céder

gratuitement.

Ensuite l'autorisation est temporaire, c'est à dire qu'elle est délivrée pour une durée déterminée sans

clause de reconduction tacite. D'autre part, elle a un caractère précaire et révocable inhérent à la nature

du domaine public qui n'est pas constitutif de droits réels. De surcroît, cette précarité et cette

révocabilité laissent toujours la possibilité à l'administration de reprendre son bien dès que l'intérêt

général le conditionne.

Enfin les autorisations dont bénéficient les occupants privatifs du domaine public sont délivrées à titre

personnel et ne sont pas transmissibles sans l’accord de l’autorité gestionnaire. Les occupants privatifs

du domaine public ne peuvent également sous louer les dépendances qui leur sont concédées.

PARAGRAPHE 2 : LES TYPES D’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC

Les occupations du domaine public peuvent revêtir différentes formes. En effet les dispositions de

l'article11 du Code du domaine de l'État ont prévu trois sortes d'occupation sur les dépendances du

domaine public. Il s'agit de la permission de voirie, de l'autorisation d'occuper, des concessions et

autorisations d'exploitation. Toutes ces occupations conférant un usage privatif du domaine public qu'on

peut qualifier d'anormal mais pas irrégulier. Elles supposent l'octroi d'un titre délivré par l'autorité au

regard du respect des règles de la dépendance occupée.

A/ La permission de voirie

La permission de voirie est une occupation privative qui concerne généralement le domaine public de

circulation terrestre. Son régime est fixé par l'article 12 du CDE. Elle porte les traits caractéristiques des

autorisations d'occuper le domaine public à savoir qu'elle est délivrée à titre personnel, précaire et

révocable. La permission de voirie peut entraîner une emprise sur le sol et sa modification légère en vue

d'y installer des cantines, commerces, stations d'essence sur le territoire des communes. Par voie de

conséquence, elle est délivrée par le Maire et peut être retirée sans paiement d'indemnité aucune.

B/ L'autorisation d'occuper

L'article 13 du CDE précise que l'autorisation d'occuper concerne particulièrement le domaine

public maritime et le domaine public fluvial. Elle est délivrée par le Ministre chargé des domaines

après une procédure particulièrement longue et minutieuse. Au regard des dépendances qui sont

concernées, on peut comprendre les garanties auxquelles veulent s'entourer l'autorité avant sa

délivrance.

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D'abord elles sont fragiles et exposées à la dégradation liée aux conditions climatiques. Ensuite leur

assiette est très convoitée pour l'activité touristique et hôtelière qui constitue une source de rentrée de

devises importantes pour le pays.

C/ Les concessions et autorisations d'exploitation

De tous les titres accordés pour une occupation du domaine public, les concessions et autorisations

d'exploitation constituent sans doute ceux qui emportent le plus une modification importante de

l'assiette. Il en est ainsi des concessions minières, des permis d'exploitation de carrière et de petites

mines, les ouvrages de navigation aérienne, les aménagements portuaires ainsi que les ouvrages de

transport de l'énergie, de l'eau et du gaz. Toutefois ces installations, selon l'article 16 du CDE, doivent

revêtir un caractère d'intérêt général pour que les concessions ou autorisation d'exploitation les

concernant puissent être accordées.

En outre, contrairement aux autres types d'occupation, les concessions et les autorisations d'exploitation

peuvent en effet revêtir une forme contractuelle entre l'autorité et le bénéficiaire.

En définitive, les autorisations d'occuper les parcelles du domaine public, quelles que soient les formes

qu'elles prennent, sont revêtues du caractère d'intérêt général et que l'autorité qui les accorde doit, par

conséquent veiller à sauvegarder à tout point de vue les intérêts de la collectivité. D'ailleurs l'intérêt

général peut, en toutes circonstances, justifier de mettre un terme à une occupation privative car la

destination fondamentale du domaine public ne peut être mise en cause par la pérennité d'un intérêt

particulier.

La fin des occupations du domaine public

Nous avons rappelé que les titres délivrés par les autorités aux fins d'occuper des parcelles du

domaine public sont temporaires, c'est à dire ont une durée déterminée. Généralement, ils ne sont pas

renouvelés tacitement. Donc nul ne peut se prévaloir d'un droit d'occupation définitive et pérenne d'une

dépendance du domaine public.

Elles peuvent ainsi prendre fin:

à l'expiration du délai fixé par le titre;

par retrait ou résiliation de l'autorisation pour motif d'intérêt général ;

par révocation pour inexécution des conditions techniques ou financières ;

par renonciation de l'occupant.

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SECTION 2 : LES REDEVANCES TIREES DE L’OCCUPATION DU DOMAINE

PUBLIC

En vertu des dispositions de l'article 11 du CDE, les différentes occupations du domaine public

donnent lieu au paiement d'une redevance, à l'exception des cas prévus par le même texte. En effet si les

fondements des redevances procèdent d’une logique de l’occupation privative d’un bien destiné à

l’usage de tous, leur fixation est quant à elle, du domaine du législateur ou de l’autorité chargée de la

gestion du domaine public.

PARAGRAPHE 1 : LES FONDEMENTS DES REDEVANCES

La perception de redevances domaniales par l'administration, pour occupation ou exploitation des

dépendances du domaine public est tout à fait légitime en plus d'être légale. En effet, l'occupation du

domaine ou l'exploitation de ses produits par des tiers, privent les citoyens d'y avoir accès ou de profiter

de ses ressources. Or, cela constitue un privilège qu'ont les occupants privatifs sur les autres usagers. Il

est normal qu'ils en paient le prix pour compenser cette jouissance exceptionnelle qui leur est conférée

par le titre d'occupation. De plus, les charges incombant à l'administration et qui sont liées à la

surveillance, à l'entretien et à la gestion du domaine de l'État justifient d'autre part les redevances

domaniales perçues par l'État.

A tout bien considéré, l'occupation privative du domaine public est donc soumis à un principe général :

celui de non gratuité, quand bien même il peut être envisagé des cas où l'octroi des autorisations n'est

pas assujetti au paiement d’une redevance. Ces cas sont fixés par l'article 18 du CDE qui dispose

que : « les autorisations d’occuper et les concessions d’exploitation du domaine public peuvent être

accordées à titre gratuit lorsqu’elles revêtent un caractère prédominant d’utilité publique ou d’intérêt

économique ou social et sous réserve qu’elles ne constituent pas pour le bénéficiaire une source directe

ou indirecte de profits ».

Par ailleurs il est à préciser que la redevance n’étant pas la contrepartie d’un service rendu, elle est due

du seul fait de l’octroi du droit à occupation. Même si cette occupation n’est pas effective, le

bénéficiaire reste redevable du versement du montant fixé à l’administration. Donc dès que

l’autorisation est accordée, l’occupant est tenu de payer la redevance quelle que soit par ailleurs

l’utilisation ou non du domaine public ; et ce, durant toute la durée prévue par le titre d’occupation.

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PARAGRAPHE 2 : FIXATION ET PAIEMENT DES REDEVANCES

Les occupants ou exploitants du domaine public maritime et du domaine public fluvial disposant

d'autorisations sont tenus de payer d'avance les montants fixés par le service compétent conformément

aux dispositions du décret n°2010-399 du 23 Mars 2010 portant fixation du taux des redevances pour

occupation temporaire du domaine public de l'État. Toutefois, et ainsi que le prévoit l'article 17 du CDE,

le montant de la redevance est révisable chaque année. Cela s’explique par le fait que le montant est

principalement basé sur une situation de fait, donc il est possible pour le gestionnaire de le réviser à

chacune des échéances, qui en principe sont annuelles. Selon toujours les dispositions dudit article, la

redevance est fixée en tenant compte des avantages de toute nature procurés au bénéficiaire. A cela

s’ajoute un droit fixe représentant le loyer d'occupation calculé en fonction de la superficie concédée et

selon la valeur du mètre carré de terrain déterminée suivant la zone. Maintenant, toute la difficulté réside

dans la détermination de ces avantages, que faut-il entendre par là ? Et plus généralement sur quels

éléments l’administration peut-elle s’appuyer pour fixer régulièrement ces redevances ?

Quant au paiement, il se fait auprès du Receveur des domaines du lieu de situation du terrain

objet de l'occupation en sa qualité de régisseur des biens de l'État dans le ressort territorial de son

bureau. Le bénéficiaire s'acquitte alors de la première annuité de redevance ainsi que du montant du

cautionnement. Le versement des redevances intervient annuellement, et ce, durant toute la durée de

l'occupation ou de l'utilisation des dépendances domaniales.

En définitive, la diversité des biens composant le domaine public de l’Etat, l’importance de son

assiette et le nombre croissant d’activités humaines qui s’y déroulent ainsi que sa destination, confèrent

à ce domaine un statut assez spécial. Dès lors, il mérite actuellement plus d’attention et d’un meilleur

encadrement de la part du législateur de façon à pouvoir mieux le protéger contre les nombreux abus et

agressions dont il est aujourd’hui victime mais également en vue de son optimisation. Il en appelle, par

conséquent, une analyse lucide et sans complaisance de la situation du domaine public de l’Etat qui

hélas, doit nécessairement subir des modifications. Par ailleurs force est de constater aujourd’hui que la

législation en matière domaniale comporte beaucoup de faiblesses qu’il faille corriger au plus vite pour

que le domaine public puisse répondre efficacement à sa vocation d’utilité publique ou de service

public. S’il n’est point besoin de repenser la domanialité publique au Sénégal, il y a par contre, lieu de

revoir les règles traditionnelles qui organisent sa gestion. Celles-ci doivent en effet être modernisées afin

de les adapter à l’environnement socioéconomique actuel car l’Etat a intérêt à reconsidérer la valeur des

biens que représentent les dépendances domaniales pour en tirer le maximum de profit dans le cadre

d’une rentabilisation efficiente.

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DEUXIEME PARTIE:

LA PROBLEMATIQUE DE LA PROTECTION

DU DOMAINE PUBLIC FACE AUX

IMPÉRATIFS DE DÉVELOPPEMENT?

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CHAPITRE I : LE REGIME DE PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC

Présenter un régime juridique permet d’exposer les règles applicables à une notion juridique

donnée, à savoir, en ce qui nous concerne, la notion de domanialité publique. Quelles sont ces règles

juridiques qui régissent les biens du domaine public de l’Etat? Quels sont les principes de base qui

s’appliquent une fois l’incorporation des biens au sein du domaine public acquise ?

En se reportant à la définition de la domanialité publique, on obtient la définition suivante : « Régime

juridique applicable aux biens composant le domaine ; terme surtout employé dans l’expression

domanialité publique pour qualifier l’ensemble des règles spéciales auxquelles sont soumis les biens

composant le domaine public : affectation, inaliénabilité, insaisissabilité, imprescriptibilité, modes

d’utilisation »3.

Le régime juridique des biens affectés à l'usage de tous ou à l'utilité publique s’est forgé une réputation

de régime très contraignant en raison de la protection de l’affectation mais également de la consistance

des dépendances publiques. Ensuite il doit faire l’objet d’une attention particulière vu l'importance de

ces biens, différents de ceux des particuliers. C'est pourquoi les dispositions prévues par la

réglementation sénégalaise en matière domaniale sont d'une rigueur à même de protéger efficacement

les immeubles du domaine public. Ainsi ceux-ci sont régis par des règles spéciales dont la finalité est de

les rendre indisponibles dans le circuit du commerce juridique.

SECTION 1 : LES PRINCIPES GENERAUX DE LA PROTECTION DU DOMAINE

PUBLIC

Le régime juridique du domaine public se caractérise notamment par sa protection qui trouve toute

sa quintessence dans l'article 9 du CDE qui dispose que le domaine public est inaliénable et

imprescriptible. En effet le législateur a mis des verrous pour préserver le domaine public et maintenir

sa consistance. C'est donc dans un souci de protéger ses dépendances, des démembrements,

empiètements et autres dégradations que ces principes intangibles ont été institués. Ainsi l'inaliénabilité

et l'imprescriptibilité qui sont des principes à valeur législative4 en sont presque arrivées aujourd'hui à

être considérées comme des valeurs constitutionnelles. Cela démontre une fois de plus, toute

l’importance grandissime que le législateur sénégalais accorde à la protection du domaine public.

3 Master Fondamental « Droit foncier et notarial » 2009-2010, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales,

Université Med V de Salé-Souissi (MAROC). 4 La valeur législative des principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité est consacrée en France par le Code Général de la

Propriété des Personnes Publiques(CGPPP).

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PARAGRAPHE 1 : L’INALIENABILITE5 DU DOMAINE PUBLIC

C’est un principe très ancien, admis par la doctrine et la jurisprudence. Dérivé du verbe « aliéner »

qui signifie transmettre la propriété d’un bien, le vendre, le donner, le léguer ou encore le céder,

« l’inaliénabilité » est la qualité juridique d’un bien qui ne peut valablement faire l’objet d’une

aliénation, soit par l’effet d’une interdiction légale, soit en vertu de la volonté de l’homme ; elle peut

être comprise comme une espèce d’intransmissibilité ou d’indisponibilité des dépendances domaniales

publiques.

Consacré par le législateur, dans le Code du domaine de l’Etat notamment en son article 9, le principe

d’inaliénabilité est une des caractéristiques essentielles du régime de protection du domaine public au

Sénégal.. Au regard de cette définition qui précède, on voit bien que la caractéristique fondamentale du

régime de protection du domaine public réside essentiellement sur ce principe. Quand bien même le

CDE n’en donne pas plus de détails sur le contenu de l’inaliénabilité et ses conséquences, il n’en

demeure pas moins clair et bien compris de tous, que les biens appartenant à l’Etat et qui ne relèvent pas

de son domaine privé, sont totalement interdits de toute transaction ayant pour effet de déposséder l’Etat

de ses biens. Devons-nous rappeler, à ce titre que l’inaliénabilité frappe aussi bien les immeubles que les

biens mobiliers faisant partie du domaine public. Elle commande aussi l’incompatibilité entre la

domanialité publique et le régime de la copropriété puisque celui-ci semble a priori admettre notamment

la constitution d’hypothèque. Ce qui est en contradiction avec les principes de la domanialité publique et

principalement celui de l’inaliénabilité.

Cette indisponibilité du domaine public, est d’autant plus acceptée et intangible que certains

considèrent que l’Etat ne dispose pas d’un droit de propriété sur le domaine public qui est inaliénable et

imprescriptible mais il en est seulement le gardien et le gestionnaire. Ceci semble être corroboré par les

dispositions de l'article 10 du Code du domaine de l'Etat qui stipule que : « l'Etat assure la gestion du

domaine public naturel. Il gère les dépendances du domaine public artificiel qui n’ont pas fait l’objet

d’un transfert de gestion au profit d’une autre personne morale publique (…) ». ces dépendances,

conformément à l’article 11 du CDE peuvent faire l'objet de permissions de voirie, d'autorisations

d'occuper, de concessions et d'autorisation d'exploitations Il en résulte donc qu’aucun bien du domaine

public ne peut voir son droit de propriété transmis au profit d’une personne privée ou être l’objet d’un

droit réel qui le démembre sauf dans le cas où il a été préalablement déclassé. D’où l’impossibilité pour

l’Etat de concéder des droits tels que l’usufruit6, l’emphytéose

7 ou mêmes des servitudes

8. Cela

5 La règle de l’inaliénabilité a été posée par l’Edit de Moulins de Février 1566. Elle concerna dans un premier temps, le

domaine de la Couronne ; aujourd’hui avec la distinction entre domaine public et domaine privé de l’Etat qui prit la place du Royaume, la règle est appliquée aux biens destinés à l’utilité publique 6 Le terme usufruit se définit ainsi : « Droit réel par essence temporaire, dans la majorité des cas viagers, qui

confère à son titulaire l’usage et la jouissance de toutes sortes de biens appartenant à autrui, mais à charge d’en

conserver la substance ; présenté comme un démembrement de la propriété, en tant qu’il regroupe deux attributs démembrés du droit de propriété. » in G. Cornu, Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, PUF, édition

n°9, 2011

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équivaudrait à une aliénation partielle du domaine public alors que le principe d’inaliénabilité interdit

cette option. Dans le même sillage, les dépendances du domaine public sont insusceptibles

d’hypothèque, elles ne peuvent également être grevées de charges qui les détourneraient de leur

destination initiale qui est l’affectation à l’usage ou à la défense de tous. De ce point de vue, on peut

considérer que ce qui a motivé le législateur sénégalais en 1976, précédé en cela depuis très longtemps,

par la doctrine et la jurisprudence, à réaffirmer le principe d’inaliénabilité, c’est la protection des biens

affectés à l’intérêt général.

Le principe d’inaliénabilité - nous l’avons dit – protège l’affectation des dépendances domaniales et

pas seulement la simple propriété publique. Néanmoins ce principe ne s’applique pas entre l’Etat et les

autres collectivités publiques, et comme le souligne Hélène Simonian-Gineste9 : « le principe

d’inaliénabilité n’a de sens réel que dans les rapports des personnes publiques avec les personnes

privées ». Dès lors, rien ne s’oppose à ce que l’Etat puisse transférer la propriété d’un bien lui

appartenant à une autre personne publique qu’il y ait changement d’affectation ou non : c’est la théorie

de la mutation domaniale prévue par l’article 11 du CDE. Toutefois il faut reconnaître que le débat

n’est pas tranché puisque certains auteurs soutiennent que la règle de l’inaliénabilité fait également

échec au transfert de propriété des dépendances du domaine public entre les personnes publiques. En

tout état de cause, il y a lieu de retenir que le problème ne se pose pas si la désaffectation est possible,

car l’administration procéderait alors à un déclassement pour transférer un bien dans le patrimoine d’une

autre personne publique.

Par ailleurs l’application de ce régime juridique n’est pas irréversible puisque l’interdiction de

vendre ou de céder les biens du domaine public n’est pas un principe absolu. L’Etat peut en effet se

séparer d’un bien appartenant au domaine public mais il doit au préalable respecter plusieurs étapes.

D’une part, il devra constater que le bien en cause n’est plus affecté à une utilité publique, d’autre

part, il devra prendre un acte administratif pour déclassement le bien du domaine public. Le bien

n’étant plus affecté, il devient alors disponible. L’Etat peut s’en séparer car la règle de

l’inaliénabilité perd son fondement. Si l’affectation qui est de mettre le bien à l’usage collectif des

citoyens ou à une mission de service public disparaît, il est normal que le principe d’inaliénabilité

disparaisse aussi. René CHAPUS l’exprime très bien en ces termes : « ce n’est pas la nature des

choses qui fait obstacle à l’aliénabilité du domaine public, c’est son affectation à l’utilité publique.

7 L’emphytéose se définit ainsi : « Droit réel sur un immeuble corporel né d’un bail emphytéotique et caractérisé

par sa longue durée (18 à 99 ans), la modicité de sa redevance, le droit de céder et d’hypothéquer » in G. Cornu,

Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, PUF, édition n° 9, 2011

8 La servitude se définit ainsi: « Charge établie sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un autre immeuble

appartenant à un autre propriétaire. Démembrement de la propriété de l’immeuble qu’elle grève (appelé fonds

servant), elle est un droit accessoire de la propriété du fonds auquel elle profite. » in G. Cornu, Vocabulaire

Juridique, Association Henri Capitant, PUF, édition n°9, 2011.

9 Hélène Simonian-Gineste, L’avenir du principe de l’inaliénabilité du domaine public, RD imm. 1989, p.169

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Que cette affectation prenne fin, ce qui était domaine public devient domaine privé et se trouve

soustrait au principe d’inaliénabilité. ».

Le déclassement et la désaffectation permettent d’intégrer les biens au domaine privé ou au

domaine national. Cela offre à l’Etat la possibilité de les gérer avec plus de souplesse. Il pourra à terme

les vendre, louer ou céder gratuitement à des tiers qui les utiliseraient à leur guise. Si l’Etat souhaite

soustraire son bien au régime contraignant de la domanialité publique, ces deux étapes sont

incontournables. La désaffectation implique que le bien ne remplisse plus les exigences nécessaires à

son appartenance au domaine public. En d’autres termes, cela signifie que celui-ci n’est plus affecté à

l’usage du public ou à un service public. On peut très bien donner des cas concrets. Exemple la

fermeture annoncée de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor entraînera ipso facto la perte du

caractère de domanialité publique de l’infrastructure aéroportuaire ainsi que tous les ouvrages réalisés et

qui constituaient des dépendances nécessaires à la navigation aérienne.

PARAGRAPHE 2 : L’IMPRESCRIPTIBILITE DU DOMAINE PUBLIC

Le principe d’imprescriptibilité est une conséquence du principe de l’inaliénabilité. C’est donc une

autre forme de protection qui tend à garantir les dépendances du domaine public contre toute forme

d’acquisition par les particuliers sur le fondement d’un usage prolongé. En vertu de cette règle, aucun

particulier ne saurait invoquer une action possessoire relativement à des biens du domaine public par le

fait d’une jouissance prolongée. Par ce fait, on constate toute la volonté et le souci du législateur de

renforcer la protection du domaine public dont les jalons ont été déjà posés par la règle de

l’inaliénabilité. Si cette dernière vise en particulier les personnes publiques propriétaires,

l’imprescriptibilité elle, est dirigée contre les personnes privées qui pourraient être tentées de

s’approprier des biens du domaine public du fait d’une longue utilisation. Ainsi toute revendication d’un

droit de propriété sur un bien du domaine public, par la voie de la prescription sera déclarée irrecevable

par le juge. De même s’il arrive à l’Etat de négliger ses dépendances de manière inconsciente, alors le

principe d’imprescriptibilité lui ouvre la possibilité de les récupérer, quelle que soit la durée pendant

laquelle il les a « abandonnées » au profit d’un tiers. Aussi, l’Etat peut demander la réparation des

dommages causés à son domaine sans possibilité pour l’occupant d’invoquer un délai de prescription de

l’action intentée devant le juge. En d’autres termes, une dépendance ne perd pas sa qualité de

domanialité publique du fait d’un non usage. Cette action en revendication appelée « action domaniale »

est elle-même imprescriptible. Toutefois, comme l’inaliénabilité, l’imprescriptibilité est aussi

étroitement liée à la notion d’affectation des biens du domaine public à l’usage ou à la défense de tous.

Parallèlement à ces principes fondamentaux, il existe d’autres mécanismes destinés à protéger

efficacement le domaine public. Parmi eux, nous pouvons citer les servitudes administratives.

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Le domaine public entretient des rapports de voisinage avec les propriétés des personnes privées. De ces

rapports naissent souvent des litiges dont le juge peut être amené à statuer. Pour éviter ou minimiser ces

conflits, le régime de la domanialité publique s’emploie toutefois à les organiser dans un sens qui lui est

favorable. Trois situations méritent d’être distinguées dans l’établissement des servitudes

administratives :

les servitudes établies dans l’intérêt du domaine public ;

les servitudes supportées par lui ;

les servitudes conventionnelles.

Pour des raisons d’ordre méthodologique, nous limiterons seulement aux premières.

En effet certaines charges particulières pèsent sur les propriétés privées dans l’intérêt des dépendances

du domaine public. L’article 6 paragraphe j du CDE leur donne la qualification juridique

de : « servitudes d’utilité publique » car établies pour des besoins d’intérêt général. La même disposition

en son alinéa 1 les répartit en servitudes de passage, d’implantation, d’appui et de circulation. Ces

servitudes, nécessitées par l’établissement, l’entretien et l’exploitation des installations et ouvrages sont

établies :

pour la défense et la sécurité ;

par les plans d’urbanisme ;

dans l’intérêt ou pour la sécurité de la navigation aérienne, maritime ou terrestre ;

dans l’intérêt des transmissions ;

dans l’intérêt ou pour la sécurité de la circulation routière (servitude de visibilité) ;

pour la protection des monuments et des sites.

Il faut cependant préciser que l’instauration de ces différentes servitudes emporte, selon les cas, une

obligation de faire ou de laisser faire, une interdiction de faire. En étant une forme de limitation apportée

à l’exercice du droit de propriété, dans l’intérêt général, ces servitudes d’utilité publique doivent être

prévues, dans leur principe, par une disposition législative. Ce qui est le cas avec la loi n° 76-66 du 02

Juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat. Sur ce fondement légal, les autorités administratives se

sont rendues compétentes pour déterminer l’assiette et la consistance des servitudes particulières, sous le

contrôle du juge. La loi prédétermine une procédure spécifique qui, généralement, contient une enquête

publique, des mesures de publicité et d’information (notification). Enfin, ces servitudes peuvent ouvrir

droit à indemnité dans les cas prévus par la loi. Aux termes de l’article 7 du CDE, les servitudes visées

ci-dessus « peuvent ouvrir au profit du propriétaire ou détenteur de l’immeuble qui en est frappé un

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droit à indemnité que lorsqu’elles entraînent, lors de leur établissement, une modification à l’état des

lieux déterminant un dommage actuel, direct, matériel et certain ».

SECTION 2: ANALYSE DE LA LEGISLATION DOMANIALE

La législation sénégalaise en matière domaniale est fortement inspirée de celle de la France. Au

début des indépendances, notre organisation territoriale et administrative était calquée sur celle de la

métropole si bien que les textes qui régissaient le domaine de l’Etat notamment son domaine public,

recoupaient quasi totalement le Code du domaine de l’Etat français. C’est dans ce contexte que la loi n°

76-66 du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat fut votée. Celle-ci régit jusqu’à nos jours le

domaine de l’Etat et présente bien des avantages pour la protection du domaine public nonobstant le

besoin de l’adapter aux circonstances actuelles.

PARAGRAPHE 1 : LES ATOUTS

Le domaine public de l’Etat est régi par le CDE qui en est le texte référence. Cependant il existe

d’autres textes à caractère législatif et règlementaire tels que lois, décrets, arrêtés, instructions, etc, qui

concourent à réglementer le domaine public. Dans son contenu, le CDE énonce des règles et des

principes pour une protection efficace du domaine public. Parmi eux, les premiers qui nous viennent à

l’esprit sont évidemment l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public10

qui sont de vieux

principes attachés à la domanialité publique. Malgré les controverses qu’ils soulèvent, ces deux

principes constituent l’essence juridique du régime de protection du domaine public et leur efficacité

n’est plus à démontrer, même si aujourd’hui nombreux sont ceux qui militent pour leur assouplissement.

Dans le même sillage, la volonté du législateur de préserver le domaine public apparaît également à

travers les conditions inclémentes de déclassement des dépendances du domaine public. Ainsi le CDE

en son article 19 dispose: « les dépendances du domaine public peuvent être déclassées.(...). Seules

peuvent faire l’objet d’un déclassement les dépendances du domaine public artificiel, la zone de cent

mètres de large en bordure du rivage de la mer, la zone de vingt cinq mètres de large et bordure des

rives des cours d’eau navigables ou flottables, lacs, étangs et mares permanentes et la zone de dix

mètres de large en bordure des rives des cours d’eau non navigables ni flottables ». Si l’article précité

se limite simplement à l’énonciation de la possibilité du déclassement ainsi que les biens qui sont

concernés, il n’en reste pas moins que dans sa mise œuvre, le déclassement procède d’une certaine

rigidité. En l’espèce il faut jumeler deux procédures : la désaffectation de fait et l’acte administratif de

déclassement. Cette double condition « désaffectation de fait et l’acte administratif » est un rempart

contre toute mauvaise utilisation du domaine public.

10

Voir 2ère

Partie, Chapitre I, Section 1 Les principes généraux de la protection du domaine public

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En outre, force est de reconnaître que les différents types de protection évoqués ci-dessus présentent

des avantages non négligeables pour la sauvegarde du domaine public. Ces différentes règles sont

encore bénéfiques pour certains biens particuliers et n’ont pas pour le moment de substituts efficaces.

Certes s’il existe actuellement des occupants privés qui ont pu acquérir des droits réels11

sur le domaine

public, on ne peut pourtant prétendre que la clause de l’inaliénabilité est inefficace car elle joue encore

pleinement son rôle de protecteur des dépendances domaniales. S’agissant de l’utilisation du domaine

public, le Code du domaine de l’Etat énonce en son article 20 que : « Nul ne peut, (…) occuper ou

exploiter une dépendance du domaine public ou l’utiliser dans des limites excédant le droit d’usage qui

appartient à tous sur les parties de ce domaine affectées au public ». A travers cette disposition, le

législateur signifie que toute utilisation du domaine public doit être conforme ou au moins compatible

avec l’affectation des dépendances domaniales. Par la notion d’utilisation conforme, le législateur

semble vouloir indiquer que les dépendances domaniales, qu’elles soient naturelles, artificielles,

mobilières ou immobilières, doivent être utilisées pour réaliser leur destination. En procédant à

l’affectation d’une dépendance domaniale, l’administration ou le législateur a en tête une mission

particulière pour laquelle il a affecté le bien. On peut citer l’exemple des voies ou des jardins publics.

Leur intégration au domaine public répond au besoin d’utilité publique qui est de servir les piétons. Le

fait de veiller à l’utilisation conforme ou compatible des dépendances domaniales avec leur finalité offre

à celles-ci une protection accrue. C’est pourquoi d’ailleurs, les autorisations d’occuper le domaine

public sont supprimées si l’intérêt général s’oppose à leur maintien. En conséquence, toutes les

utilisations du domaine public doivent respecter cette condition, et c’est la raison pour laquelle le CDE

impose la précarité de toutes les occupations du domaine public. En offrant la possibilité à

l’administration de mettre fin à tout moment à ces occupations, le législateur préserve l’utilité publique

des dépendances domaniales. L’administration se voit donc obligée de refuser toute utilisation

contraire à l’utilité publique. Ce pouvoir qu’elle a de mettre fin à tout moment à une autorisation

d’occupation domaniale qui aurait été non conforme dès l’origine ou qui serait, au fil du temps, devenue

non conforme avec l’affectation que doit recevoir le domaine public, est fondamental. Or, ce type de

protection n’est possible que parce que l’administration peut faire jouer le principe traditionnel de

l’inaliénabilité du domaine public. Ce principe a une valeur fondamentale et doit être absolument et

rigoureusement respecté.

Sur un autre registre, et toujours dans la perspective de protéger le domaine public de toute action

tendant à réduire sa consistance ou à détourner son affectation, la loi n° 76-66 du 02 Juillet 1976 portant

Code du domaine

11

Une enquête réalisée par Aide Transparence en 2 ….sous la direction de Jacques Habib Sy, intitulée : « le Domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité » fait état de l’occupation anarchique et irrégulière du dpm par des personnes qui la plupart sont titulaires de titres fonciers en bonne et due forme

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de l’Etat a prévu un certain nombre de sanctions. Celles-ci visent à décourager et à punir les potentiels

contrevenants du domaine public. Ainsi l’alinéa 3 de l’article 20 de la loi susvisée dispose

clairement : « les infractions, les actes de nature à gêner ou empêcher l’application ou l’exercice des

servitudes d’utilité publiques ainsi que les actes de dégradation ou de dépendances du domaine public,

sont passibles d’une amende allant de vingt mille francs à deux millions de francs et, en cas de récidive

ou de non-exécution des travaux prescrits, d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de

vingt mille francs à deux millions de francs sans préjudice de la réparation des dommages causés ».Il

se dégage, à travers cette disposition, deux types de sanctions. Les premières sont d’ordre fiscal, et le

montant de l’amende varie en fonction de la gravité de l’infraction. Il revient à l’administration des

domaines de constater l’infraction et fixer conséquemment le montant à payer. Le second type de

sanctions prévues est pénal. A ce niveau, le juge saisi par l’administration qui gère le domaine public

violé, intervient pour prononcer une sanction. A la lumière de l’article 20 cité plus haut, la sanction

pénale est mise en branle dans les cas où il y a récidive ou refus manifeste d’un particulier de réaliser

des travaux ordonnés par l’administration ou le juge.

Sans être exhaustif, on peut relever dans la législation en vigueur, beaucoup de mesures qui sont prises

en vue de protéger efficacement le domaine public. Toutefois, des modifications pourraient être

apportées pour mieux adapter les dispositions actuelles à l’environnement économique national et aux

exigences liées notamment à l’évolution de notre droit positif.

PARAGRAPHE 2 : LES FAIBLESSES

En dépit de l’existence de tout un arsenal de textes législatifs et règlementaires sur le domaine

public, l’une des plus grandes faiblesses de la règlementation est l’absence d’un décret d’application du

Code du domaine de l’Etat en ce qui concerne le domaine public. En effet l’inexistence de ce texte

règlementaire dans la législation domaniale, presque quarante années après le vote de la loi, est

préjudiciable à une meilleure compréhension et par ricochet, une meilleure application du CDE. Il faut

reconnaître que les différentes dispositions qui constituent la partie publique du domaine de l’Etat sont

plutôt des généralités. Ce qui est somme toute normale car les aspects liés à l’application des mesures

prises ne peuvent être prévus par la loi elle-même. Et c’est là que le décret d’application est nécessaire

pour que certaines ambigüités, qui ne laissent place à des interprétations diverses, sources de conflits

entre l’Etat et les particuliers, ne puissent subsister. Plusieurs exemples tirés du CDE illustrent à souhait

ce manquement dans la règlementation en vigueur. D’abord, l’article 19 tel qu’énoncé par le législateur

vide l’article 9 de toute sa substance juridique, par la possibilité offerte à l’administration de déclasser

certaines dépendances du domaine public En effet, il est tout à fait logique et compréhensible qu’un bien

qui n’est plus affecté à une mission de service public ou d’usage collectif soit déclassé et affecté à une

autre utilisation. Mais en vérité, le problème observé ici, c’est moins le déclassement que le mutisme de

la loi sur les modalités de sa mise en œuvre. Il n’est mentionné nulle part dans l’article 19 encore moins

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dans le Code, les conditions qui doivent être remplies pour déclasser les dépendances du domaine public

susceptibles de l’être. C’est une énorme faille du dispositif de protection du domaine public. Cela laisse

presque la voie ouverte à toutes les dérives dans la gestion de ce domaine. Ensuite une autre

inconvenance de la loi n°76-66 du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat, peut être notée au

niveau de l’article 16. Dans son libellé, l’article précité fait désordre. En effet, il dispose que : « les

concessions et autorisations d’exploitation sont accordées de gré à gré pour une durée déterminée ou

non » ; or, le caractère temporaire voudrait que le temps d’occupation soit, de fait, précisé par l’acte

administratif d’autorisation. A ce titre rappelons que les autorisations unilatérales ou conventionnelles

d’utilisation du domaine sont nécessairement délivrées à un moment donné pour une certaine durée. La

notion de précarité est inhérente à toute occupation privative. De surcroît, cette stipulation de la durée

d’occupation dans le titre, viendrait rappeler à l’occupant qu’il ne peut se prévaloir d’aucun statut de

propriétaire de la dépendance domaniale en cause, quel que soit par ailleurs le temps qu’il l’aura

occupée : c’est le principe d’imprescriptibilité qui, pour rappel, interdit l’appropriation d’un bien du

domaine public par un particulier, ou l’abandon par l’Etat de celui-ci au profit d’un privé.

Au titre des insuffisances notées, il convient d’indiquer également que la législation domaniale n’a pas

suivi le processus de décentralisation dans lequel le Sénégal s’est engagé depuis 1972 et qui est devenu

irréversible avec des réformes qui se sont succédé, tendant toutes à renforcer les compétences des

collectivités territoriales. On s’est limité seulement à transférer la gestion de certaines dépendances

(marchés, halles, voirie communale, cimetières, etc.) à ces entités territoriales. Pourtant la possibilité

existait pour l’Etat de se délester d’une partie de son patrimoine public au profit des collectivités locales

ainsi que toute la lourdeur de la gestion qui va avec. Il se bornerait simplement comme la loi le lui

permet, à assurer le contrôle a priori et a posteriori qui sied dans le cadre des actes pris par ces

dernières. Cela aurait une incidence économique majeure pour le fonctionnement et le développement

des collectivités publiques concernées. De même, devrons-nous nous interroger sur l’immuabilité des

caractères précaire et révocable qui s’attachent aux titres délivrés sur le domaine public. C’est là, à notre

avis, une autre insuffisance et non des moindres, de la loi.

Qu’en est-il également du principe intangible de l’inaliénabilité proclamé par l’article 9 du

Code ?

Considéré comme la clé de voûte de la protection du domaine public, le principe de l’inaliénabilité, vu

sous l’angle économique, n’en constitue pas moins un maillon faible du régime de protection de ce

même domaine. En effet, de nombreuses occupations irrégulières voire d’agressions du domaine public

naissent de l’impossibilité pour les occupants d’acquérir ou de s’installer durablement sur ses

dépendances et d’y exercer leurs activités en toute quiétude. Pour exemple l’hypertrophie urbaine et la

pression démographique dans la région de Dakar poussent les populations à construire des habitations

sur le domaine public maritime ou sur des zones non aedificandi telles que les emprises de l’aéroport

Léopold Sédar Senghor. Ce sont les mêmes raisons qui sont à l’origine de l’occupation anarchique et

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irrégulière de la voierie dakaroise. Ce qui, nous en convenons, ne peut nullement justifier leurs actions

répréhensibles et dommageables sur le domaine. A cela, il faut ajouter que le mode d’administration du

domaine pose réellement problème. Non seulement il est inefficient par le fait qu’il ne procure pas des

ressources importantes au budget de l’Etat mais il est inefficace en cela qu’il ne garantit pas une bonne

protection de ses dépendances. C’est ce qui est à l’origine des cas d’agression, d’occupation irrégulière

et d’usurpation des biens du domaine public par les tiers. Enfin le recours systématique à la commission

de contrôle des opérations domaniales (CCOD) constitue un obstacle à la célérité des procédures. La

commission instituée par l’article 55 du CDE, est saisie pour toutes les opérations mobilières et

immobilières portant sur le domaine national, le domaine privé et le domaine public si lesdites

opérations intéressent l’Etat. Elle se prononce sur la régularité, l’opportunité et les conditions

financières des opérations dont elle est saisie. On voit dès lors, les larges attributions conférées à la

CCOD et les lenteurs qu’elles provoquent relativement à cette charge. Mais malgré ces problèmes que

nous venons d’évoquer, l’assouplissement des règles et leur infléchissement, au profit d’investissements

importants, peuvent s’avérer bénéfiques pour l’Etat et les collectivités territoriales.

Par ailleurs dans la pratique, la non application de la panoplie de sanctions (administratives et

pénales) prévues est perçue à juste titre par les contrevenants véreux comme une incitation passive à

transgresser la règlementation en vigueur impunément. Ces questions, compte tenu de l’affectation qu’a

reçue le domaine public, méritent d’être particulièrement posées et, plus certainement des réponses

apportées pour une meilleure protection du domaine public et de son utilisation conformément à sa

destination.

Enfin l’apathie notée en ce qui concerne les réformes qui doivent être engagées dans le cadre de la

règlementation domaniale témoigne soit, de la volonté de l’administration de ne pas voir les choses

évoluer ou simplement d’une certaine torpeur du législateur.

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CHAPITRE II : PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC ET EXIGENCES DE

DEVELOPPEMENT

Il y a aujourd’hui une obsolescence du schéma classique de protection du domaine public. Cela se

traduit d’une part, par des agressions répétées du domaine public auxquelles l’administration n’apporte

aucune réponse. D’autre part le régime d’inaliénabilité du domaine public et la non constitution de droits

réels qui en découle constitue un frein au développement du financement privé des ouvrages et des

infrastructures publiques. Nous savons que l’environnement économique mondial est peu propice pour

drainer suffisamment de financement par les canaux classiques afin d’accompagner notre

développement. Il apparaît alors nécessaire voire incontournable de recourir aux partenariats public-

privé pour la construction d’infrastructures, sur les dépendances du domaine public. Dans une telle

perspective, on peut constater que le régime juridique actuel de protection du domaine public est en

déphasage avec les besoins de développement et qu’il faille véritablement le repenser pour en faire un

instrument au service du développement économique et social du pays.

SECTION 1 : DE LA NECESSITE DE REPENSER LA GESTION DU DOMAINE PUBLIC

Partant du principe que la domanialité publique doit être reconsidérée, du moins dans ses grandes

lignes, pour plusieurs raisons, notamment économiques, cela pose une autre problématique connexe à la

question de fond soulevée : le domaine public est-il sous protégé ou surprotégé ?

Plusieurs aspects de la réglementation domaniale ainsi que des faits notés dans l’utilisation et la gestion

quotidienne des biens publics nous amènent aujourd’hui, à nous interroger sur le niveau et la qualité de

leur protection.

PARAGRAPHE 1 ; L’OCCUPATION IRREGULIERE DU DOMAINE PUBLIC : UN

GOULOT D’ETRANGLEMENT

De prime abord, en faisant une brève analyse des biens constitutifs du domaine public, on se rend

évidemment compte des causes de son occupation irrégulière de plus en plus persistante. En effet

l’essentiel de ces biens constituent par excellence les lieux privilégiés de l’activité économique. Ce sont

les emprises des routes, des gares routières, des ports et aéroports, les bordures de la mer, la mer, le

sous-sol, etc. Victime de son effet attractif, les dépendances domaniales publiques sont l’objet d’une

ruée effrénée des agents économiques désireux de faire prospérer leurs activités. Malheureusement ils ne

sont pas nombreux, ce qui parmi eux, cherchent à s’y installer en conformité avec la réglementation, en

se faisant délivrer spécialement des autorisations d’occupation en bonne et due forme. Le phénomène

qui en découle est que l’utilisation privative et anormale est presque devenue la règle. Cette situation

conduit à créer une impasse et un obstacle majeur au développement du pays. Etant entendu que ceux-là

même qui détiennent des titres d’occupation – temporaires, précaires et révocables – finissent par

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devenir des occupants sans droit ni titre du fait d’une utilisation prolongée excédant la durée de

l’autorisation ou non conforme à la destination du domaine public. Ce finit par créer une situation

inextricable et très dommageable pour l’économie nationale.

L’exemple de l’occupation anarchique de certaines artères de Dakar est assez illustratif du malaise

profond que les occupants ont fini d’installer chez les riverains. S’y ajoute que cette occupation cause le

plus souvent des embouteillages et des accidents qui font perdre à l’Etat beaucoup d’argent. Le

phénomène est encore plus grave au niveau du domaine public maritime car là aussi, en sus des cas

avérés de violations excessives, c’est le danger que constitue la menace de rupture de l’écosystème

côtier qui interpelle. Les infractions commises sur ce domaine sont d’autant plus inacceptables que les

contrevenants ne se limitent plus à une utilisation personnelle du domaine ainsi violé mais se livrent

désormais à des spéculations foncières sur le patrimoine public de l’Etat. Or, nous savons qu’une des

particularités du domaine public maritime est d’être peu extensible. C’est pour cette raison qu’il doit

faire l’objet d’une utilisation pointilleuse et son aménagement tenir compte de deux impératifs

apparemment contradictoires : d’une part, une exploitation permettant une rentabilisation optimale des

recettes publiques, et, d’autre part, une protection qui garantit efficacement sa conservation contre la

nature et contre l’homme, tout en le mettant au service des objectifs généraux de l’aménagement du

territoire. Ces deux impératifs sont régulièrement chahutés par les classes aisées au sujet d’un espace où

prévalent des occupations sans titre et une impunité récurrente des délinquants. C’est pourquoi il faut

une application de la loi dans toute sa rigueur pour sanctionner les coupables de ces atteintes au domaine

public, mais aussi et surtout pour décourager et dissuader ceux qui seraient tentés de s’en prendre aux

biens publics. Toutefois, force est de reconnaître la lourde responsabilité de l’administration dont le

silence coupable devant cette frénésie de spoliation et d’agression du domaine ne peut se justifier.

Dans une récente enquête réalisée par Aide Transparence12

sous la direction de Jacques Habib Sy,

les auteurs mettent presque à nu les carences de l’administration en matière de contrôle et de sanction

contre les auteurs des violations graves du domaine public maritime. Il s’agit d’une élite composée

exclusivement des pontes des régimes qui se sont succédé à la tête de l’Etat depuis l’indépendance et

surtout de puissantes communautés étrangères. A titre d’exemple, l’enquête pointe du doigt les

nombreux édifices qui surplombent ou qui ont les pieds dans l’océan. Aujourd’hui, un petit tour au

niveau de la Corniche Ouest de Dakar renseigne le visiteur sur l’étendue du niveau de destruction et de

dégradation du domaine public maritime. Dans ces conditions, et en dépit de l’étendue remarquable de

la façade maritime du Sénégal, la zone littorale a de plus en plus le caractère d’un bien rare. Cette rareté

alimente dans certaines régions, notamment à Dakar, une frénésie dans le désir de bénéficier de ces

dépendances et engendre de plus en plus des occupations illégales. Malgré l’existence de textes de loi

sur le domaine national, le domaine de l’Etat et des textes spéciaux tels que les Code de l’Eau, de

12

L’enquête a été réalisée en et s’intitule : « le Domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunités », sous la direction de Jacques Habib SY, Ph. D. Par Jacques Habib SY, Mamadou Aliou DIALLO et Pape Samba KANE

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l’Hygiène, de l’Environnement, et de l’Urbanisme, on recense des violations fréquentes et de plus en

plus graves du domaine public maritime. Le constat est alarmant. Du Cap Manuel aux Mamelles, ce sont

des villas, des cliniques, restaurants et autres réceptifs hôteliers de grande envergure qui jouxtent l’océan

Atlantique si bien que l’on se demande comment les propriétaires ont pu se délivrer des titres

d’occupation pour y ériger ces types de construction sachant que les seuls titres permis sur le domaine

public sont des titres administratifs à caractère temporaire, précaire et révocable. Comment également

ils se sont procuré des autorisations de construire qui leur ont permis de sortir de terre ces ouvrages

grandioses? Ces questions nous nous les posons également en ce qui concerne l’occupation irrégulière et

par-delà anarchique des voieries communales, au motif des recettes générées au titre des taxes et autres

redevances. Si quelque part des actions sporadiques et parcellaires de désencombrement sont menées çà

et là pour libérer la voie publique, ce n’est en rien comparable aux actions d’envergure qui doivent être

déployées pour débarrasser définitivement l’espace public de ces installations illégales.

Cette situation loin d’être une fatalité, résulte de plusieurs facteurs dont les plus en vue sont

l’incivisme des populations, la cupidité de certains opérateurs obnubilés par la recherche de gains faciles

et enfin une mauvaise gestion des dépendances domaniales par les services compétents qui ont capitulé

devant l’indiscipline et l’entêtement des occupants irréguliers. Par ailleurs l’exploitation abusive des

ressources du domaine public ainsi que son occupation irrégulière constituent une menace grave pour sa

survie et d’autre part une source d’insécurité pour les populations, sans compter les effets pervers

qu’elles induisent pour le développement du pays. Ainsi, on peut parler d’une crise de la domanialité

publique au Sénégal. Aujourd’hui on semble minimiser l’ampleur de la dégradation de certaines parties

du domaine public et les conséquences qui pourraient en résulter pour l’avenir du pays. Cette crise

trouve surtout son origine dans la gestion simpliste du domaine public c'est-à-dire de l’inapplication des

règles tendant à protéger le domaine public. En effet le manque d’entretien, le déficit de surveillance par

les services compétents et la quasi inexistence de la police de conservation ont créé les conditions d’une

sous protection des biens relevant du domaine public. C’est cela qui a ainsi entraîné toutes les

contraventions de voierie (atteintes à la voie publique) et aux graves agressions notées souvent sur

l’espace public. Et pourtant l’administration dispose de larges pouvoirs pour faire cesser toute

occupation sans titre ni droit du domaine public. Un retour à l’orthodoxie des principes fondamentaux

de la domanialité publique est nécessaire pour protéger un domaine dont la sauvegarde est un impératif

pour l’avenir du pays. C’est pourquoi le renforcement des garde-fous qui existent, doit être vu surtout

comme une volonté du législateur de protéger le domaine public contre l’envie obsessionnelle des

particuliers comme de l’Etat de s’en accaparer pour une utilisation privative qui n’est pas motivée par

des besoins d’intérêt général.

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PARAGRAPHE 2 : UN REGIME JURIDIQUE INADAPTE

Le Sénégal est à la croisée des chemins d’un développement homogène et durable, axé

prioritairement dans la valorisation de ses ressources de toute nature y compris celles domaniales et

foncières. Pour y arriver, il y a lieu d’adapter notre législation domaniale et foncière avec les objectifs

de développement. C’est de cette logique que devra procéder spécifiquement la réforme du domaine

public car le régime de ce dernier est devenu de nos jours inopérant face aux enjeux de développement.

En effet, les règles (sur)protectrices traditionnelles inhérentes à ce domaine ont tendance à «

étouffer » l’action de l’Etat et à générer des effets pervers. En recentrant les règles juridiques autour de

la notion de valorisation du domaine public, sans pour autant perdre de vue la question essentielle de sa

protection, de nouvelles voies sont alors possibles pour une gestion moderne du domaine public.

Autrement, il s’agit non pas, de substituer les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité à d’autres

règles, mais de les rendre plus flexibles et moins rigides afin d’envisager la mise en valeur des biens

relevant du domaine public au service d’un développement harmonieux profitable à toute la collectivité

nationale. Dans cette perspective, la possibilité pourrait être offerte aux autres collectivités publiques

notamment les collectivités locales à devenir propriétaires des biens dont la gestion leur est transférée

par l’Etat central si tant est qu’aujourd’hui sa volonté est de doter ces collectivités d’instruments

capables d’accompagner leur développement. C’est là aussi une autre limite de notre législation

domaniale. Une autre manifestation de l’inadaptation du régime juridique de protection du domaine

public transparaît également dans la définition même de ce domaine. Au sens de l’article 2 du CDE, sont

considérés comme domaine public, tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à

l’Etat et qui ne peuvent faire l’objet d’une appropriation privée en raison de leur nature ou de la

destination qui leur est donnée. On voit dans cette définition que le législateur retient en premier lieu le

critère organique pour classer les biens dans le domaine public, ensuite vient le critère matériel dont

l’aspect le plus important est l’utilisation collective des biens par le public ou à des fins d’utilité

publique. A ce niveau, nous pensons modestement que la notion de domaine public gagnerait à être

redéfinie afin de lui donner une certaine cohérence. De ce point de vue, on pourrait envisager de faire du

critère matériel l’élément déterminant pour intégrer un bien dans le domaine public et lui assurer une

protection particulière car destiné à satisfaire un besoin public. A défaut, les biens relevant du régime de

la copropriété entre l’Etat et un particulier, dès lors qu’ils satisfont au critère matériel, doivent pouvoir

intégrer le domaine public.

Le système des redevances doit aussi être corrigé. Actuellement la logique d’une gestion moderne

du domaine public par l’administration doit amener celle-ci à revoir le mode de fixation des redevances

afin que ces dernières soient véritablement compensatrices du privilège exclusif accordé à son

bénéficiaire relativement à la valeur du bien et de sa durée d’occupation ainsi que de tous les avantages

qu’il tire du domaine public. En fait cela renforce non seulement le principe de non gratuité de

l’occupation privative des dépendances domaniales mais assoit plus de justice en ce qui concerne

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l’égalité des citoyens devant les biens publics. Enfin le régime actuel du domaine public et les titres

d’occupation qu’il délivre (titres précaires, temporaires et révocables) est difficilement conciliable aux

exigences de développement économique de notre pays. La précarité des droits concédés aux occupants

privatifs ne sont pas de nature à encourager les opérateurs économiques.

Au total l’analyse des faits qui précédent, combinée au contexte actuel de morosité économique et

de volonté exprimée par les pouvoirs publics à favoriser les investissements, justifie amplement de

revisiter la législation domaniale sénégalaise dans le sens d’une gestion plus moderne et plus adaptée

aux réalités actuelles. L’inadéquation de la règlementation en vigueur avec les besoins sociaux et

économiques du pays doit être rectifiée car en dépend l’exécution ou non des politiques définies par les

autorités. Ce sont aussi les mêmes raisons qui doivent présider à l’assouplissement des principes

traditionnels que sont l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité étant donné qu’ils constituent les grands

obstacles à l’exploitation du domaine public.

SECTION 2 : LE DOMAINE PUBLIC : UN LEVIER DE DEVELOPPEMENT

Pendant longtemps, les biens du domaine public étaient considérés comme un objet de la simple

police de conservation. Une conception qui n’était pas tout à fait fausse, placée dans le contexte d’alors

et qui voudrait que l’utilisation des biens publics soit le fait d’un service public ou d’un usage collectif.

Toute autre finalité de ces biens à l’exception de celle-ci n’était pas imaginable. Cette conception

traditionnelle du domaine public va progressivement céder le pas à une conception plus dynamique de la

domanialité publique. Fort de cette théorie nouvelle, Gaston JEZE13

formulait éloquemment à propos

de la permission de voierie: « ne prendre en considération que l'élément de police, c'est perdre de vue la

nature essentielle, économique et juridique de la permission de voirie ». Donc peu à peu, les personnes

publiques ont pris conscience de l’importance de leurs patrimoines publics et se sont rendues compte à

quel point ces derniers pouvaient aussi être un atout, un instrument de développement. A partir de ce

moment des techniques de financement ont commencé à se développer avec les privés pour valoriser le

domaine public des personnes publiques. Ailleurs, à l’image des personnes privées cherchant toujours à

rentabiliser leurs patrimoines, ces personnes publiques vont essayer de tirer profit de cette multitude de

biens. Au Sénégal, le domaine de l’Etat tel que réglementé par les textes en vigueur, n’offre pas la

possibilité d’une rentabilisation à outrance de ses dépendances domaniales publiques.

Cette valorisation, théoriquement alléchante, peut se révéler, en pratique, difficile à mettre en œuvre en

raison des limites liées à notre régime juridique et des contraintes présentes sur le domaine public.

13

Gaston JEZE Réflexions sur les permissions de voierie en 1922

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PARAGRAPHE 1 : LA VALORISATION ECONOMIQUE DU DOMAINE PUBLIC

L’idée d’une valorisation économique du domaine public fait aujourd’hui débat dans les cercles

de l’administration comme chez les investisseurs désireux de s’implanter sur les dépendances

domaniales. Mais avant de développer cette problématique qui peut se révéler aussi innovante

qu’intéressante, faudrait-il d’abord s’entendre sur la notion même de « valorisation » du domaine

public.

A/ La réévaluation des redevances

De toute évidence, la valorisation n’est pas seulement la maximisation du profit que l’Etat peut

retirer de son domaine public et principalement immobilier. Cette exigence de rentabilité a aussi pour

objectif la satisfaction ou la recherche d’une meilleure satisfaction d’un intérêt général. Valoriser peut

également signifier la réalisation et l’entretien de celui-ci au moindre coût pour l’administration. Dans

ce sens, l’administration gestionnaire des biens de l’Etat devra alors, d’une part s’atteler à les gérer avec

efficience pour en exposer le moins de frais possible et, d’autre part, la rendre plus disponible à

l’utilisation du public ou d’un service public.

Cette forme de valorisation bien qu’avantageux pour les finances publiques parce qu’impliquant moins

de dépenses, n’est certainement pas celle à laquelle pensent les théoriciens de la « valorisation

économique » du domaine public. Si la remise à jour, voire même la refondation totale du Code du

domaine de l’Etat pour ce qui concerne le domaine public est souhaitée, c’est surtout aux fins de son

exploitation optimale, entraînant plus de génération de recettes pour l’Etat. Toutefois, il faut reconnaître

que la valorisation des biens du domaine public n’est pas quelque chose de nouveau et peut se révéler

difficile dans la pratique. Elle est pratiquée ailleurs avec plus ou moins de réussite. Au Sénégal, elle se

fait, plus ou moins implicitement et avec moins d’impact budgétaire, sous la forme de perception de

redevances. C’est dans ce sens que l'autorisation d'occupation privative du domaine public constitue un

instrument d'exploitation du domaine au-delà même de son principe de non gratuité. Par conséquent elle

devrait désormais avoir un prix à la mesure du privilège accordé au titulaire. Aussi, peut-on considérer

le décret n°2010-399 du 23 Mars 2010 portant fixation du taux des redevances pour occupation

temporaire du domaine public de l'État, comme un jalon posé par l’administration dans le sens de

rentabiliser son domaine public. En effet l’avènement d’un élément proportionnel, calculé sur la base

des avantages de toute nature procurés au bénéficiaire de l’occupation, vient confirmer le caractère

économique de la redevance. Cette option est même clairement affichée dans le rapport de présentation

dudit décret qui parle d’une réadaptation du premier décret14

afin de tenir compte de la nécessité de tirer

des recettes budgétaires à la mesure du privilège résultant de l'occupation privative du domaine public.

14

Décret n° 60-036 MF du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public abrogé et remplacé par le décret n° 2010-399 du 23 Mars 2010

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Progressivement, l’Etat s’est donc rendu compte que la contrepartie - relevant du principe de non-

gratuité de l’occupation privative du domaine – versée par les occupants n’était pas compensatrice du

bénéfice tiré par ces derniers mais constituait simplement le prix du droit d’occuper le domaine public.

Or, avec la valeur que représentent les dépendances du domaine public, il fallait réviser le mode de

fixation des redevances domaniales. La révision donc du mode de calcul intervenue en 2010 avec le

décret n°2010-399 du 23 Mars 2010 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire

du domaine public de l'État, marque, dans l’entendement de l’administration, le point de départ d’une

maximisation des ressources issues de ses dépendances domaniales. Rappelons que ce décret ne

comportait qu’une partie fixe. Cela traduit simplement que les autorisations d'occupation privative sont

désormais des actes de gestion qui tendent vers une fin d'ordre économique : la rentabilité financière du

domaine public. En effet, cela n’a pas échappé aux occupants et aux investisseurs potentiels du domaine

public maritime, qui voyaient là une volonté de l’Etat de rentabiliser son domaine.

Cependant ces redevances tirées de l’octroi des autorisations d’occupation temporaire, sont

aujourd’hui loin de mobiliser les recettes escomptées et qu’il faille par conséquent franchir un cap

important pour une exploitation à grande échelle du domaine public. C’est en fait, le meilleur moyen

pour l’Etat de se procurer des recettes importantes et d’avoir des infrastructures de grande envergure

capables de porter le développement économique. Si cette valorisation doit concerner avant tout les

biens immeubles, biens qui nous intéressent particulièrement, elle peut également, dans une moindre

mesure, toucher les meubles.

B/ L’exploitation économique du domaine public

Si tant est la volonté des pouvoirs publics de mettre les dépendances domaniales à la disposition des

investisseurs privés dans l’optique de leur valorisation accrue et optimale, il importe alors dans un

premier temps d’infléchir les règles très protectrices de la domanialité publique en les rendant plus

souples pour permettre à l’Etat, aux collectivités locales accessoirement, d’attirer les investisseurs. Cela

passe par une réforme globale de la domanialité publique au Sénégal.

A l’heure actuelle, les caractères « précaire et temporaire » qui s’attachent au domaine public

rebutent les privés à investir leur argent sans garantie d’une occupation durable permettant la

rentabilisation de leur investissement. Ce qui est tout à fait compréhensible et légitime. C’est pourquoi,

il faut leur trouver une situation plus favorable pour apporter les financements nécessaires et importants

dont l’Etat n’est pas en mesure de mobiliser. Sous ce rapport, le législateur sous l’impulsion du

gouvernement, peut passer des autorisations d’occupation temporaire à titre précaire à des autorisations

d’occupation temporaire mais cette fois-ci constitutives de droits réels sur le domaine public. Cela peut

Page 39: Télécharger le mémoire de Karim

être, entre autres, un moyen pour l’Etat d’attirer les flux de financement sur le domaine public car c’est

plus avantageux et plus sécurisant pour l’opérateur privé qui aurait alors plus de garanties. Les droits

réels en question peuvent résulter d’un contrat qu’on pourrait par exemple appeler « contrats

d’occupation domaniale ». Ceux-ci, à l’instar du bail emphytéotique, du bail ordinaire ou du droit de

superficie, vont conférer des droits réels à l’occupant, mais à la différence que la durée de chaque type

de contrat domanial devra être déterminée par la nature de l’investissement réalisé sur l’assiette

concédée par l’Etat. Comme à l’image des « construction-exploitation-transfert », l’occupant apporte le

financement, réalise des ouvrages sur le domaine public et les exploite sur une durée déterminée,

d’accord parties avec l’Etat. A la fin de son occupation qui correspond à celle de l’exploitation, les

ouvrages et infrastructures réalisés sont incorporés dans le domaine public et continuent d’être affectés à

une mission de service public conformément à la destination des biens relevant de ce domaine. Au-delà

du strict intérêt financier que l’Etat va pouvoir retirer d'un tel partenariat, il profite des aménagements

matériels de l'occupation. Ce qui nous amène à dire qu’il y a une double valorisation du domaine de

l’Etat.

Ensuite, l’Etat pourrait entrevoir la possibilité sous certaines conditions qu’il aura à définir, de

consentir des garanties sur les biens du domaine public qu’il pourrait concéder aux privés dans le

cadre d’un contrat. Du fait de cette possibilité, le partenaire privé pourra disposer de garanties au

titre du financement qu’il apporte. En effet toutes les deux parties en tireraient un avantage certain:

elle diminuerait le coût du crédit ainsi qu’elle permettrait l’investissement dans des conditions de

sécurité juridique satisfaisantes. Nous pensons qu’à ce niveau, l’Etat devra préalablement

déterminer la nature des différents droits que l’investisseur pourrait prétendre ainsi que les

conditions qu’il devrait remplir pour y accéder. Par exemple un privé qui a un financement

important et désire faire un lourd investissement sur le domaine public pourrait se voir consentir un

contrat d’occupation domaniale de longue durée qui peut aller même jusqu’à la cession définitive,

sous certaines conditionnalités fixées par l’Etat. Alors, on pourrait envisager de substituer

l’inaliénabilité à une aliénabilité sous conditions (respect des clauses du bail, productivité du projet,

possibilité de reprise par l’Etat en cas d’inobservance des clauses, etc.). Ainsi en plus des différents

titres d’occupations jusque-là délivrés, on aura des baux administratifs avec droits réels qui

garantissent une occupation durable du domaine pour l’occupant privé et qui pourrait même

conduire à une cession définitive. L’investisseur aura la possibilité de faire une hypothèque, de

céder ses infrastructures, ce qui va dans le sens d’une meilleure exploitation du domaine public.

Tout ceci ne remet pas en cause le principe de précarité mais cela renforce tout de même la situation

des occupants. Toutefois, il faudra encadrer rigoureusement la constitution des droits réels sur les

dépendances du domaine public susceptibles de les accueillir. Celles-ci seront limitativement

énumérées par l’autorité gestionnaire. A contrario, les investissements de moindre ampleur se

contenteraient simplement de contrats d’occupation avec des durées moyennes sans possibilité

d’accéder à la pleine propriété.

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Dans le premier cas, seule la disposition de garanties ou de sûretés réelles sur le bien réalisé

permettra de parvenir à ces gros investissements que l’Etat voudrait réaliser mais qu’il ne peut car

confronté à la rigueur budgétaire. En conséquence, l’état du droit réel devrait être de nature à

permettre la saisie du bien réalisé sur lequel on a constitué des garanties et sûretés. Ce qui fait que le

bien pourrait être saisi et vendu afin de désintéresser le créancier sur le prix de la vente en cas de

rupture unilatérale du contrat par l’administration ou de tout autre évènement ayant entraîné la non

exploitation des infrastructures réalisées.

C/ L’aménagement d’un régime dérogatoire

Enfin, dans l’éventualité d’une exploitation du domaine public, on pourrait mettre en place un

régime dérogatoire au Code du domaine de l’Etat, à défaut de sa réformation. Un tel régime peut entre

autre, prévoir des "zones domaniales spécifiques aménagées". Ces dernières seront exclusivement

aménagées dans les régions autres que Dakar. Le régime s’appliquerait principalement sur les

dépendances du domaine public artificiel et exceptionnellement sur le domaine public maritime qui est

en voie de saturation mais qui est surtout fragile. Par exemple, l’Etat décidera d’accorder des avantages

et des incitations fiscaux aux investisseurs qui accepteraient de mettre en valeur les dépendances qu’il

aura sélectionnées en priorité et situées hors de Dakar. Pour chaque zone, il y aura un cahier de charges

qui constituera la feuille de route pour ceux qui voudront s’y implanter et y réaliser des ouvrages dans le

but de développer leur activité.

Cette stratégie de rentabilisation économique du patrimoine immobilier public va avoir un impact

positif sur la politique d’aménagement du territoire et va entrer en droite ligne avec la politique de

territorialisation des politiques publiques basée sur les spécificités locales. Celle-ci sera accompagnée

par un déploiement de nouvelles infrastructures sur toute l’étendue du territoire national grâce à la

valorisation des dépendances situées dans ces collectivités. Toutefois, l’Etat par le biais de ses services

déconcentrés, aura un rôle prépondérant à jouer car il va non seulement prendre toute une panoplie de

mesures pour accompagner les investisseurs privés qui investiront dans les régions les plus éloignées ou

moins dotées en termes d’infrastructures de toutes sortes mais il veillera au respect des conditions

imposées au cocontractant. Ce type de partenariat va également profiter à la commune hôte du projet,

qui pourrait bénéficier d’une quote-part de la redevance versée à l’Etat compte non tenu des emplois

directs et indirects que celui-ci générerait. En sus, dans ce processus, l’accent sera mis sur la

diversification des infrastructures dans une même entité géographique de sorte à faire de chaque région

du pays un pôle de développement économique, social, culturel ou universitaire. Hormis les réceptifs

hôteliers et touristiques qui constituent le gros lot des équipements construits sur le domaine public

maritime de Dakar à Joal, il sera privilégié dans les "zones domaniales spécifiques aménagées"

Page 41: Télécharger le mémoire de Karim

l’érection d’un autre type d’ouvrages. Par exemple l’accent sera mis sur la réalisation d’ouvrages à

vocation sociale, culturelle, éducative et sportive. Ces derniers devront ou pourront être gérés sous la

forme de concession de service public. Cependant la réforme à initier devra l’être de manière

progressive pour une meilleure préservation du domaine public, conciliable avec sa rentabilisation. C'est

pourquoi, il nous semble nécessaire dans une phase de test, de déterminer le moment venu, des zones

pilotes telles que celles que nous avons appelées « zones domaniales spécifiques aménagées » qui feront

l’objet de valorisation. Le régime qui leur sera applicable sera un peu différent de celui qui régit

actuellement le domaine public de l’Etat. De leur réussite, dépendra l’entreprise de la réforme. Dans cet

ordre d’idées, il peut être envisagé un domaine public propre aux collectivités locales comme en France

où il y a un Code Général de la Propriété des Personnes Publiques15

(CGPPP) à côté du Code du

domaine de l’Etat français. Le premier qui traite les biens meubles et immeubles appartenant aux

personnes publiques (Etat, collectivités territoriales et établissements publics) tolère la constitution de

droits réels sur le domaine des collectivités territoriales. Cela permet d’attirer les investisseurs privés par

la concurrence

En somme, cette idée de valorisation économique maximale du domaine public bien que récente,

fait aujourd’hui l’unanimité. Son acceptation aussi bien par les praticiens que par les investisseurs

privés, en attendant sa mise en œuvre, est dictée par la nécessité pour l’Etat de trouver des sources de

financement de grands projets, et éventuellement pour les communes de trouver de nouvelles niches de

recettes pour faire face aux récentes réformes de la politique de décentralisation. La valorisation peut

être une bonne stratégie face aux contraintes des finances publiques car le domaine public constitue

dorénavant une source de richesses et de revenus importants. Cependant, il ne faut toutefois pas oublier

sa destination. C’est pourquoi, en cas de réforme l’administration veillera particulièrement à ce que

l’utilisation des dépendances concédées continue à être conforme à la destination du domaine public,

c'est-à-dire que l’occupant privatif même avec un droit réel, ne puisse aménager le domaine public de

telle sorte qu’il ne soit inaccessible au public. Autrement, même dans le cadre d’une exploitation

individuelle du domaine public à des fins lucratives, celui-ci doit servir à l’usage de tous s’il n’est pas

déjà affecté à une mission de service public. Bref, la valorisation des biens publics s’entend d’une

valorisation au service de l’utilité publique car la véritable raison d’être du domaine public, c’est moins

le domaine public lui-même que son affectation.

En dépit des nombreuses implications positives que comporte la valorisation du domaine public et

de l’immensité des possibilités qu’elle offre à l’Etat ainsi qu’aux communes, on ne peut s’empêcher

cependant de s’interroger sur les limites juridiques quant à son application, compte tenu de la vocation

première du domaine public de l’Etat que la valorisation pourrait mettre en échec. De même, les risques

15

Le Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, est entré en vigueur le 1er

Juillet 2006. Il dote ainsi les

collectivités territoriales et leurs établissements publics d'un code définissant le régime applicable à leurs biens

meubles et immeubles

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d’effritement du domaine seraient énormes, rien qu’en aménageant des dispositions qui permettent son

aliénation, même sous conditions.

PARAGRAPHE 2: LES LIMITES ET LES EFFETS PERVERS DE LA

VALORISATION

Dans l’optique d’une réforme de la législation domaniale qui ouvrirait à l’Etat la possibilité de

valoriser son domaine public, il nous paraît en effet hasardeux, de vouloir nous prononcer sur les limites

d’une éventuelle rentabilisation dudit domaine dont nous ne pouvons a priori maîtriser les contours.

Mais comme il s’est agi jusque-là de projections sur les enjeux économique et financier de

l’optimisation des dépendances domaniales, envisageons dans cette même logique les obstacles

auxquels la valorisation se trouverait confrontée ainsi que les conséquences néfastes qu’elle entraînerait

si toutefois elle serait mise en œuvre.

En effet ce mouvement de valorisation économique qui va consister à attirer des investisseurs privés

sur des dépendances domaniales publiques afin d’en assurer leur rentabilité va heurter de plein fouet les

principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public. En effet, la présence d’investisseurs

privés sur le domaine public, ne pourrait être effective qu’avec la concession de droits réels,

assimilables au droit de propriété, sur le domaine public. Ce qui représente quand-même beaucoup de

risques, car cela peut entraîner des charges sur le domaine.

Aussi l’avènement d’une réforme de la législation domaniale avec l’assouplissement des règles

dans le but de favoriser l’optimisation du domaine public, peut se révéler très néfaste pour une meilleure

protection surtout que ces dernières années on a noté une tendance forte de l’occupation irrégulière et

prolongée des dépendances domaniales ainsi que leur utilisation anormale excessive. Cela a fini de faire

perdre à l’Etat une partie de ses dépendances au profit des occupants irréguliers et privatifs. S’ajoute à

cela, une seconde difficulté, celle d’une remise en cause de la spécificité même du domaine public qui

résulterait du fait que désormais des biens toujours affectés à l’utilité publique sont détenus par des

privés qui les gèrent et qui peuvent en devenir propriétaires. Alors se pose la question de savoir s’ils

doivent être toujours régis par le régime de la domanialité publique, accusé de faire peser des règles trop

strictes réfractaires à toute valorisation économique, ou ces biens « privés » affectés à un service public

devront-ils recevoir l’application d’un régime juridique particulier.

Dans tous les cas, le problème se poserait. Ce qui devrait normalement conduire, au moins, à une

redéfinition de la domanialité publique pour contourner l’obstacle majeur que constitue le critère

organique. A partir de ce moment, on verra des biens « privés » soumis à la domanialité publique du

seul fait de leur affectation à un usage du public ou à l’utilité publique. On assistera alors à un

désengagement de l’Etat dans la gestion de son domaine qui se traduira par un changement de statut : de

l’Etat gestionnaire, on passera à un Etat locataire. Ce qui peut être source d’inquiétudes car la protection

Page 43: Télécharger le mémoire de Karim

efficace du domaine public, c'est-à-dire son intégrité matérielle ainsi que son affectation, pourraient en

souffrir au détriment de l’intérêt général ou du service public. Qui d’autre que l’Etat est plus soucieux et

mieux apte à garantir la satisfaction de l’intérêt général mieux que lui ? Qui pourrait protéger son

domaine mieux que lui ? Quelles garanties le citoyen aura-t-il que le bien sera toujours destiné à un

usage public ? Aussi risque-t-on d’assister à une déréglementation, un bouleversement de la domanialité

publique qui, à terme, va irrémédiablement découler sur un régime hybride aux contours flous. A ce

stade de la réflexion, l’enjeu sera alors de mesurer à quel point ces nouvelles exigences de valorisation,

de performance et de rentabilité du domaine public auront un impact dans la gestion quotidienne des

biens dudit domaine.

De prime abord, le mode de gestion des dépendances du domaine public changerait. Il ne s’agira

plus d’une gestion patrimoniale exclusive, dévolue aux seuls services de la direction chargée des

domaines, assistée au besoin par d’autres services compétents mais d’une gestion concertée avec les

nouveaux occupants sur le domaine public qui se trouvent être les investisseurs privés. Ces derniers

ayant injecté beaucoup d’argent sur certains biens du domaine public en vue de les rentabiliser,

obligeraient l’administration à les associer désormais à la gestion de ces mêmes biens. Cette forme de

gestion nouvelle impliquant des parties ayant des intérêts pas toujours convergents, parfois même

opposés, peut occasionner des conflits d’intérêt qui, à leur tour constitueraient des obstacles à la

valorisation. D’autre part, c’est le régime originel de la domanialité publique même qui en prendrait un

sacré coup avec comme corollaire une protection moins efficace des biens s’y relevant sans compter le

fait que l’on risque, au nom de la réforme, de plonger la domanialité publique dans un système

enchevêtré et inextricable, qui ne soit finalement opposé aux effets escomptés de la réforme. Ensuite à

vouloir systématiquement tirer profit de son patrimoine, l’Etat s’expose à des conséquences plus ou

moins satisfaisantes. Il y a des risques presque certains de rétrécissement de la consistance du domaine

public, dû à une perte probable d’une partie de ses biens. Nous avons montré précédemment dans quelle

mesure la négligence de l’administration a été fortement préjudiciable au domaine public, qui a ainsi

perdu beaucoup de ses biens au profit de particuliers qui s’y sont installés sans droit ni titre ou dont les

titres mais qui sont restés finalement occupants définitifs. Ces derniers profitant parfois de l’incurie des

services chargés de la gestion du domaine, ont usurpé des biens sur lesquels ils ne peuvent avoir aucune

prétention de propriété. C’est le cas notamment des constructions et aménagements sur le domaine

public maritime et l’occupation anarchique et irrégulière constatée sur les emprises des voies publiques

telles que les gares routières et les routes. S’y ajoute le fait que cela risque de compromettre la finalité

du domaine public car concilier valorisation et utilité publique ne sera pas toujours évident pour

l’opérateur qui a investi beaucoup d’argent sur un projet, et dont le seul souci est de rentabiliser son

investissement au contraire de l’Etat qui lui, doit assurer l’intérêt général. On s’aperçoit que la volonté

de valoriser le domaine public par l’Etat, partagée par les opérateurs privés, peut parfois être mise en

échec par leurs motivations fondamentalement opposées sur la finalité de leurs actions. Alors le risque

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est de voir le privé reléguer au second plan la destination du domaine public surtout si des menaces

d’improductivité liées à la mission d’intérêt général pèsent sur son investissement.

En dernière analyse, nonobstant les bienfaits qu’une valorisation du domaine publique peut induire

en termes d’impact budgétaire et économique, notamment par les rentrées supplémentaires de recettes et

de réalisation d’infrastructures lourdes, on constate que l’on s’acheminerait alors vers un dérèglement du

régime de la domanialité publique dommageable au domaine publique ainsi qu’à sa finalité. Ce

chambardement fragilisera les fondements traditionnels sur lesquels s’était bâti tout le régime juridique

de protection du domaine public par l’introduction de nouvelles règles tendant à permettre l’installation

de tiers sur ses dépendances. Et par ricochet, par la constitution de droits réels (droit de propriété, droit

de jouissance, le bail, etc.) ou de droits réels accessoires (privilèges et hypothèques) accordés aux tiers

occupants.

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CONCLUSION GENERALE

L’étude du régime juridique de protection du domaine public a révélé l’inadaptation des règles en

vigueur aux différents défis auxquels doit faire face l’Etat quant à la gestion des biens du domaine

public. Ainsi l’harmonisation de notre droit domanial et foncier avec l’évolution sociétale, apparaît

comme une nécessité à laquelle l’Etat doit absolument trouver une prompte réponse.

La logique d’une valorisation économique et financière prônée aussi bien par les techniciens

des services chargés de la gestion du domaine que par les investisseurs privés contribue pour une

large part à alimenter le débat en faveur d’une réforme du régime de protection du domaine public

au Sénégal. Comme nous l’avons rappelé, la terre, spécialement les dépendances immobilières

publiques constituent aujourd’hui des biens rares que l’Etat détient et dont il doit en tirer le

meilleur parti. Cela ne pourra se réaliser que par l’adoption d’une nouvelle loi qui prendra alors en

compte la valeur économique que représente la terre. Il s'avère donc important de moderniser la

législation domaniale dont certaines de ses dispositions sont dépassées et inadaptées à

l’environnement économique national. S’y ajoute qu’elles ne garantissent plus une protection

efficace des biens du domaine public. Biens qui sont de plus en plus victimes d’agressions multiples

et multiformes. Il en résulte par conséquent une menace grave qui pèse aujourd’hui sur l’intégrité

matérielle du domaine public et sa finalité qui est l’utilité publique, d’où l’urgence de renforcer les

règles générales de protection. En outre, il faut aussi appliquer scrupuleusement les mesures de

répression prévues par la loi contre les contrevenants du domaine public. A ce titre, les services de

l’administration chargés de la gestion et de la surveillance des biens relevant du domaine public, ont

une mission de premier plan à jouer pour la sauvegarde matérielle et la destination des dépendances

domaniales. Au nom donc de l’intérêt général, l’appartenance de certains biens au domaine public

semble essentielle. Même dans le cadre d’une réforme, leur sortie du domaine public ne saurait être

envisageable en raison de leur nature ou de leur utilité spécifique à toute la communauté. En effet,

qui d’autre que l’Etat ou les communes voudrait prendre en charge la gestion des dépendances du

domaine public naturel comme les cours d’eau ou certains biens du domaine public artificiel comme

les voies publiques ou les marchés. L’Etat s’aventurerait-il à confier la gestion du sous-sol ou de

l’espace aérien à des privés. Assurément non. Cela démontre si besoin en est qu’il y a un noyau dur

qui doit demeurer dans le domaine public et qu’une réforme ne devrait en aucun cas modifier le

régime de protection. Au contraire, ces biens doivent faire même l’objet d’une surprotection.

Ainsi, pour des raisons à la fois de rentabilité économique et de protection opérante des biens

publics de l’Etat, il urge de revoir la réglementation domaniale. A cet effet, la loi n°76-66 du 02 Juillet

1976 portant Code du domaine de l’Etat qui constitue le maillon essentiel du dispositif de protection du

domaine public, mérite d’être revisitée car elle comporte beaucoup de faiblesses pour assurer une

protection efficace et durable du domaine public. Elle constitue également un obstacle pour la

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valorisation des biens du domaine vers laquelle on doit inéluctablement tendre. Toute la subtilité du

législateur sera alors de modifier la règlementation en combinant rigueur et flexibilité dans la gestion

des mêmes biens. Autant qu’il est important d’aménager les dispositions légales et réglementaires pour

exploiter au maximum le domaine, autant il apparaît primordial de protéger la consistance de ce

domaine et son affectation. Les deux doivent absolument aller de pair car sans la préservation des

dépendances domaniales, il ne peut y avoir de valorisation économique. C’est pourquoi le principe

traditionnel de l’inaliénabilité qui est la règle centrale de la domanialité publique ne doit pas être remise

en cause mais juste infléchie dans certains cas pour une gestion plus souple d’une catégorie de biens

susceptibles d’être rentabilisés, et d’autre part, renforcée dans d’autres cas au nom de l’intérêt général et

plus spécifiquement de l’utilité publique.

Au terme de l’analyse, il ressort que la conception de la domanialité publique a fortement évolué.

Son régime de protection dont les règles de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité constitue l’épicentre,

doit aussi être assoupli en vue de faciliter l’installation d’opérateurs privés sur le domaine public pour sa

rentabilisation.

Le mode de gestion actuel du domaine public est rattrapé par la réalité économique nationale et par les

nombreux violations et abus sur les dépendances domaniales. Ceci est souvent le fait de privés, qui dans

certains cas, bénéficient de la complicité des services de l’administration. Cette situation montre, en

effet, qu’il y a aujourd’hui une nécessité de réformer le régime de protection du domaine public afin de

mieux réglementer son utilisation et mieux rationaliser sa gestion. A défaut, les utilisations anormales

déjà constatées vont continuer de plus belle car le domaine est devenu un espace foncier, commercial,

industriel, susceptible de produire des gains non pas pour l’Etat seulement mais également pour les

privés qui veulent s’y installer.

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BIBLIOGRAPHIE

TEXTES INTERNATIONAUX

Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer du 10 Décembre 1982

TEXTES DE LOIS

Loi n° 76-66 du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat.

Loi n° 85-15 du 25 Février 1985 abrogeant et remplaçant l’article 5-a du CDE.

TEXTES REGLEMENTAIRES

Décret n°2010-399 du 23 Mars 2010 portant fixation du taux des redevances pour

occupation temporaire du domaine public de l'État.

Décret n° 2007-868 en date du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie

nationale d’une section spéciale chargée de la surveillance domaniale.

OUVRAGES

LO, Sidy : Contentieux domanial. Revue "l’Impôt" Edition spéciale

SIMONIAN-GINESTE, Héléne : L’avenir du principe de l’inaliénabilité du domaine

public, RD imm. 1989

SY, Jacques Habib, DIALLO Mamadou Aliou et KANE Papa Samba : "Le domaine

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public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité", Enquête de terrain d’Aide

Transparence Sous la direction de Jacques Habib Sy.

MEMOIRES – THESES

FAYE, Marie Téning : Problématique de l’occupation du domaine public dans les

agglomérations dakaroises. ENA, 2005.

WEBOGRAPHIE

SAUGEZ, Hélène : L’affectation des biens à l’utilité publique : Contribution à la théorie

générale du domaine public. Thèse soutenue le 1er

Juin 2012 à l’Université d’Orléans, FRANCE.

Droit administratif des biens, http://www.bideug-deja.net

JURIDIQUE ANALYSE : « en-suivant-ce-lien »

Les rendez-vous juridiques ( Mairieconseils)

Code général de la propriété des personnes publiques

COURS

NIANG, Ousseynou : Inspecteur des Impôts et des Domaines : DOMAINES, ENA,

2013/2015

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE ..................................................................................................................... 1

INTRODUCTION GENERALE ...................................................................................... 2

PREMIERE PARTIE: ...................................................................................................... 5

CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL ................................................................ 5

CHAPITRE I: TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES REGISSANT LE

DOMAINE PUBLIC .................................................................................................... 6

SECTION 1: COMPOSITION ET CONSTITUTION DU DOMAINE PUBLIC .... 6

PARAGRAPHE 1: LA COMPOSITION DU DOMAINE PUBLIC ..................... 6

A/ Le domaine public naturel ........................................................................ 7

1) Le domaine public maritime (dpm) ...................................................... 7

2) Le domaine public fluvial (dpf) ............................................................. 8

3) Le sous-sol et l'espace aérien ................................................................. 9

B/ Le domaine public artificiel ...................................................................... 9

1) Le domaine public de circulation .......................................................... 9

2) Le domaine public mobilier ................................................................. 10

3) Le domaine public monumental .......................................................... 11

4) Le domaine public de défense nationale ............................................. 11

C) Les servitudes d'utilité publique .............................................................. 11

PARAGRAPHE 2 : LA CONSTITUTION DU DOMAINE PUBLIC ................. 12

A/ La formation du domaine public naturel ............................................... 12

B/ La formation du domaine public artificiel .............................................. 13

1) La notion d'incorporation ..................................................................... 13

2) L'aménagement spécial ......................................................................... 13

SECTION 2 : LA SORTIE DU DOMAINE PUBLIC ............................................. 14

PARAGRAPHE 1 : LA SORTIE DES BIENS DU DOMAINE PUBLIC

NATUREL .......................................................................................................... 14

PARAGRAPHE 2 : LA SORTIE DES BIENS DU DOMAINE PUBLIC

ARTIFICIEL ........................................................................................................ 14

CHAPITRE II : L’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC SELON LE CDE ......... 16

SECTION 1: LES OCCUPATIONS DU DOMAINE PUBLIC ............................... 16

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PARAGRAPHE 1: LES REGLES GENERALES D’OCCUPATION .................... 16

PARAGRAPHE 2 : LES TYPES D’OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC ... 17

A/ La permission de voirie ............................................................................ 17

B/ L'autorisation d'occuper ........................................................................... 17

C/ Les concessions et autorisations d'exploitation ..................................... 18

SECTION 2 : LES REDEVANCES TIREES DE L’OCCUPATION DU DOMAINE

PUBLIC................................................................................................................... 19

PARAGRAPHE 1 : LES FONDEMENTS DES REDEVANCES .......................... 19

PARAGRAPHE 2 : FIXATION ET PAIEMENT DES REDEVANCES .............. 20

DEUXIEME PARTIE:..................................................................................................... 21

LA PROBLEMATIQUE DE LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC FACE AUX

IMPÉRATIFS DE DÉVELOPPEMENT? ........................................................................ 21

CHAPITRE I : LE REGIME DE PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC .............. 22

SECTION 1 : LES PRINCIPES GENERAUX DE LA PROTECTION DU

DOMAINE PUBLIC .............................................................................................. 22

PARAGRAPHE 1 : L’INALIENABILITE DU DOMAINE PUBLIC ................... 23

PARAGRAPHE 2 : L’IMPRESCRIPTIBILITE DU DOMAINE PUBLIC .......... 25

SECTION 2: ANALYSE DE LA LEGISLATION DOMANIALE .......................... 27

PARAGRAPHE 1 : LES ATOUTS ...................................................................... 27

PARAGRAPHE 2 : LES FAIBLESSES ................................................................ 29

CHAPITRE II : PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC ET EXIGENCES DE

DEVELOPPEMENT .................................................................................................. 32

SECTION 1 : DE LA NECESSITE DE REPENSER LA GESTION DU DOMAINE

PUBLIC.................................................................................................................. 32

PARAGRAPHE 1 ; L’OCCUPATION IRREGULIERE DU DOMAINE PUBLIC :

UN GOULOT D’ETRANGLEMENT ................................................................ 32

PARAGRAPHE 2 : UN REGIME JURIDIQUE INADAPTE ............................. 35

SECTION 2 : LE DOMAINE PUBLIC : UN LEVIER DE DEVELOPPEMENT ... 36

PARAGRAPHE 1 : LA VALORISATION ECONOMIQUE DU DOMAINE

PUBLIC .............................................................................................................. 37

A/ La réévaluation des redevances .............................................................. 37

B/ L’exploitation économique du domaine public ..................................... 38

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C/ L’aménagement d’un régime dérogatoire .............................................. 40

PARAGRAPHE 2: LES LIMITES ET LES EFFETS PERVERS DE LA

VALORISATION .............................................................................................. 42

CONCLUSION GENERALE ......................................................................................... 45

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 47

TABLE DES MATIERES ............................................................................................... 49