taxil léo, la lanterne d'un suspendu (marseille, 1873)

7/26/2019 Taxil Lo, La Lanterne d'Un Suspendu (Marseille, 1873)

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PENDANT LES CHALEURS

LALANTERNE

D'UNSUSPENDUPAR

LO TAXIL

PRIX : 10 CENTIMES

MARSEILLE

ENVENTECHEZTOUSLESLIBRAIRESETDANSLESKIOSQUES

9Juillet 1873


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LA LANTERNE D'UN SUSPENDU

Marseille,8 Juillet 1873.

Rjouissez-vous. Roux et Magnan! Cloches dela Gazette et du Citoyen, sonnez toutes voles.

.Car, bonheur depuis si longtemps dsir, pers-pective si souvent rve, la Jeune Rpublique est

suspendue.Suspendue !La pauvrette l'tait, ds sa naissance-; elle l'tait

sur le bord d'un abme qu'on appelle l'tat desige. Retenue par un fil ; ce fil,le grand sabre de


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M. Espivent, qui coupe comme un rasoir, l'acoup, et

l'ex-Marotte a roul au fond du prcipice. Elle n'en

sortira pas detrois mois.Versons une larme, deux larmes mme.Mais ne rcriminons pas.La loi, c'est... laloi. L'autorit, c'est. .l'autorit.

Et ce n'est pas moi, morbleu ! qui m'insurgerai

contre la loi, encore moins contre l'autorit.Je saisque beaucoup trouvent un peu raide qu'unesuspension pareille vous tombe comme a sur le nez,sans crier gare, au moment o l'on s'y attend le

moins:jeleur faisgrce deleurs compliments decondo-lances. Quant ceux qui pensent que cen'est pas

assez pour un sacripant de mon espce, ils sont bienbons ;je les remercie de la sympathie qu'ils me t-

moignent.Il y en a d'autres qui doivent dire au contraire

que le gnral Espivent est all trop loin en me sus-

pendant : ceux-l,

je les embrasse du fond du

coeur. Ce sont ceux qui n'auraient pas voulu me voir

suspendu, mais seulement pendu.


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Ne vous est-il jamais arriv, lecteur, de recevoir

un pav sur la tte ?Si oui, vous comprendrez facilement la stupfac-tion profonde qui s'est empare de moi mercredi,lorsque j'ai lu dans les journaux du matin l'arrtde l'tat de sige me concernant.

Comment !me suis-je cri avec tant de

force quemon grant en est devenu sourd, som-ment ! si les articles incrimins de la Jeune Rpu-blique sont cepoint subversifs, pourquoi ne s'en

aperoit-on que quatre jours aprs leur apparition ?De deux choses l'une : ou l'autorit les avait lus

depuis le samedi matin; eu elle n'en a eu connais-sance que par les ravages terribles qu'ils ont causs.Dans le premier cas, le gnral n'a pas trouv

d'abord ces articles dangereux, et alors, n'tant pasdu tout connaisseur en cette matire, il ferait mieux

delaisser la surveillance de la presse ce cher

M. Limbourg qui s'y entend fort, comme on sait.Dans lesecond cas, notre grand chefmilitaire s'est

montr bien peu soucieux de la vie des citoyenscommis sa garde, puisqu'il a prfr se promenerau Prado qu'empcher ds le dbut notre nu-

mro 85 de lancer sur les Marseillais des articlesaussi explosibles.


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(Voil un dilemme dont je dfie bien M. Espivent

desetirer. moinstoutefois que, nouvel Alexandre,ilne tranche avec son pe ce petit noeudgordien.Chose qui lui serait trs-facile ; argument que jetrouverais on ne peut plus convaincant ; rponseraisonnable devant laquelle je m'inclinerais avectoute la grce dont je pourrais tre capable.)

Ceci dit entre parenthses, arrivons aux dsastresoccasionns par ledernier numro dela Jeune Rpu-blique :

1 Dans la journe du samedi, unvieux monsieur,qui se trouvait assis sur un banc des Alles ct

d'un lecteur de notre journal, s'est trouv subite-ment pris d'une attaque de nerfs et d'un vomis-sement devermicelles par lenez, qui n'ont dur pasmoins de dix minutes. Si tt que la malencontreusefeuille at ploye par soupropritaire etrenferme,l'attaque et le vomissement ont cess.

2 Dimanche, unfacteur rural ayant laiss tom-ber un exemplaire de la susdite Jeune Rpubliquedans une terre laboure de Saint-Barnab, une

lgion considrable de sauterelles s'est l'instantmme abattue sur la province de Constantine, et

en mme temps un paysan de Chteau-Gombertqui avait un nez la Parmentire a vu sa femme


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dvore en un clin d'oeil par quarante-huit punaises.

3 On connat maintenant la vritable cause del'incendie de l'Alcazar, d'abord attribu l'explo-sion d'un ptard (erreur!) ; ensuite au caractre

hargneux et la gourmandise prononce du chien

du piston del'orchestre (erreur encore! ). Ce sinistre

est tout bonnement d notre collaborateur Sibilot

qui, se promenant cejour-l dans les coulisses et ymditant sa lettre au shah de Perse, a eu l'impru-dence d'ternuer bruyamment, ce qui a dtermin

l'inflammation immdiate de la scne et de l'ta-blissement.

4 Depuis quelques jours, l'ami Bourelly mai-grissait d'une faon inquitante. Vendredi, il allavoir le docteur qui lui ordonna un lavement la

graine de lin. Le clystre fut pris; mais, fatalit !le malheureux, ayant aussitt aprs sign nos exem-

plaires du dpt, rendit la stupfaction, gnraled'honntes fabricants de clovisses qui se trouvaientl.., devinez-quoi?.. Un ruisseau de ptrole ! Ce

liquide insurrectionnel, s'tant rpandu aussittdans les environs d'Endoume, y dtruisit les nom-

breuses rcoltes de bl et de chicore que de braves

habitants s'apprtaient moissonner.5 Etc.


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6Etc., etc., etc.,

Aprs une telle numration de malheurs sur-venus par notre faute, il faudrait pour plaindre no-tre sort avoir l'enttement d'un Trochu ou le coeursensible d'un Jules Favre.

Moi-mme, je ne puis en l'tat qu'approuver ladcision du

gnral dont la haute

sagesse est

au dessus de tous loges et je me vois forc dedire comme l'impratrice Eugnie aprs les confi-dences de M. Devienne :

Ma foi !il ne me reste plus qu' prendre monmle enpatience.

Je dois avouer que sur le coup je suis rest

bleu, autant et

plus quele

Smaphore qui veut

pa-ratre rose ; je mesuis demand ce que je pour-rais bien faire pendant ces trois mois de vacances

forces et quels moyens d'existence il faudrait me

procurer.

Unmoment, j'ai pens profiter de la grve des

mitrons pour m'enrler chez le premier boulanger


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venu ; mais cen'tait pas le moyen de mesortir du

ptrin.J'ai song aussi embrasser la noble profession

de marchand de contremarques; mais c'et tfaire encore concurrence cet estimable M. Beys-son.

Tout bien considr, il n'tait pas une carrire

qui me fut ouverte. Il ne me restait plus qu' mefaire recruter par quelque Fontana ou vagabon-der commeun simple mendiant de la quatorzimecatgorie : l'ide que je pourrais, dans ces deux

cas, tre arrt ou ramass et mis l'ombre avec

quelque carliste convaincu, me fit abandonner cedernier projet.Et je rsolus denepas dserter le drapeau de la

littrature.

Or, comment suivre cette inspiration ?

En rapparaissant avec mes collaborateurs dans

un journal publi sous un nom plus ou moins quel-conque ? Allons donc, le gnral l'aurait saisiet interdit, avec raison.

Admettons qu'il ne lefit pas, c'et t essayer detourner la loi, et celle-ci est trop large pour

qu'on la tourne avec autant de facilit.Donc, j'ai pri Sibilot, Danderi, Ergasile, An-


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goulevent et tutti quanti d'aller prendre les eaux

pendant trois mois, me rservant de faire paratrede temps autre, mais des intervalles trs irr-

guliers, de petites brochures pour rassurer mesamis sur ma vitalit et leur indiquer que je n'ai past encore aval par cet autre Rouvier qui signeCaribert au Citoyen.

Puissent la gendarmerie pied, les soeurs Claris-ses, le gnral Espivent et tous les Saints du Pa-radis ne pas voir dans ce pamphlet rdig par moiseul, le prolongement de la rue de la Jeune Rpu-blique !

Cela est un souhait,

etpas autre chose.Je sais trop bien que si les personnes ci-dessus

dsignes veulent prendre ma Lanterne pour unevessie, personne au monde, pas mme l'loquent

pre Didon, ne pourra les en dissuader.

Qu'il est beau d'tre prefet par le temps quicourt.


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Tenez, moi, par exemple si j'avais l'avantage

d'tre dsign pour remplacer M. Limbourg, dontles opinions radicales sont connues des Martigues Concarneau, je saurais me faire valoir avec uneavalanche d'arrts tous plus patants les uns queles autres.

Je passerais ma semaine m'en faire unebosse.

LUNDI. Tous les ateliers seront ferms jus-qu' dix heures du matin, lapopulation tant tenuecejour-l deserendre enplerinage N..D. de laGarde.

MARDI. Par ordre, les boulangers ne pourrontfabriquer du pain qu'en forme de croix ou de fleurde lys, sous peine d'cartlement et de pendaison.

MERCREDI. Interdiction de tous les journauxqui ne donneront pas le saint et l'vangile du jour,ainsi que le rituel et la couleur de la chasuble rev-tuepar le pitre l'autel.

JEUDI. Les mariages faits ailleurs qu' l'glisesont dclars nuls, et les enfants qui en sont ns,naturaliss esquimaux.

VENDREDI. Dfense expresse aux accoucheusesd'aider les libres-penseuses en travail, et peine de


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mort contre ceux qui se diraient matrialistes avant

d'avoir atteint l'ge dequatre-vingt-dix-ans.SAMEDI. Runion ordonne du conseil munici-

pal pour dcider si c'est quarante mille francs, outrente neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuffrancs de fusils qui doivent tre expdis Santa-Cruz.

DIMANCHE.Arrestation de toutes les personnestrouves en possession d'un mouchoir carreaux

rouge et dportation immdiate en Patagonie,Le Gouvernement trouverait peut-tre que je vais

un peutrop loin ;mais que de fidles bniraient monnom et m'appelleraient Flambeau de la Foy !

Les gens les plus vexants sont les gens curieux,qui veulent fourrer leur nez partout, sans s'inquiters'ils gnent les autres.

On les appelle des importuns, des gneurs.Ala Chambre, il y a beaucoup de ces gens-l ;ils

sigent tous

gauche, et c'est de la

Montagne sur-

tout que partent lesquestions lesplus indiscrtes, je


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dirais mme les plus saugrenues, sije ne craignaisd'tre

poursuivi pour outrages des fonctionnaires

publics.

Une agrable distraction en chemin defer consiste couper avec un canif les coutures du pantalondu voisin qui dort; ce passe-temps honnte a l'a-

vantage de causer aussi au dcousu un plaisir ex-

traordinaire lorsqu'il vient pour sortir de la gare.Cedoit tre quelque dput de la gauche qui l'a

invent: car, je le rpte, ces reprsentants sontdes gneurs depremire force.

Ne s'visent-ils pas, depuis quelques jours, de

demander au gouvernement d'accuser son program-me d'une manire nette et prcise? C'est comme si

j'allais demander un joueur de Bourse quel est le

coup qu'il est en train de mditer. Messire l'agio-teur m'enverrait poliment la balanoire.

De mme,

le gouvernement, s'il comprend bienses intrts, enverra les gauchers Lourdes pour

voir s'il n'y pousse pas de navets.

Je vous demande un peu pour quel motif M.de

Broglie leur dirait quelle conduite il est dans l'in-tention de tenir. Et quand mme il les mettraitdans ses confidences, de combien de millimtres


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cela ferait avancer la roue du char de la Rpu-blique.

D'ailleurs, M.Ernoul ne s'est jamais cach pourproclamer que leSyllabus tait la plus grandepense du sicle. L onous allons donc, c'est su

Syllabus, comme qui dirait auple Nord (enadmet-tant que le bon sens et la raison se trouvent au ple

Sud).Les Gustave Lambert qui dirigent cette belle ex-

pdition nous feront bien arrter dans les mers gla-ciales de Mac-Mahon;mais il faut esprer que cettestation sera courte et ne retardera pas notre marche

deplus de cinq minutes.

Pour eux, comme pour le capitaine Hatteras, leple Nord est une ide fixe, le Syllabus est une

toquade.En mourant, ils regarderont leSeptentrion ; l'agonie, ils. murmureront : Anathme ceux

qui disent que les Ignorantins ne sont pas impec-cables !Anathme ceux qui nient que Cicron, le

plus grand orateur romain, afait ses tudes chezles Jsuites !!!


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Parlons un peu de cebrave Clment Laurier.Il vient de

passer dcidment droite; il s'est

fait inscrire la runion des orlanistes.Cequi n'empche pasM Gambetta d'aller toujours

lui. serrer la main ; c'est ainsi que l'ex-dictateurespre sauver la Rpublique.

M, Gambetta est un politique profond. Et M.Lau-

rier aussi.M. Laurier s'est dit: Si la monarchie a le

dessus, j'aurais mon petit portefeuille; si la dmo-cratie surnage, l'ami Gambetta me casera bien quel-que part.

Et avec a, M. Laurier a

la prtention de repr-senter les lecteurs du Var. Absolument commeM. Jean Brunet reprsente ceux de la Seine. Abso-lument comme M. deBismark, au Reischtag, repr-senterait les habitants de Metz ou de Strasbourg.

Dans cette priode de quiproquos, je ne m'ton-

nerais plus sil'on nommait M. Changarnier enfantde troupe et l'abb Magnan acadmicien.


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Dernire- nouvelle. Il est bruit que M. AlbertWolf, dit le Prussien du Figaro, se rendant

Cannes, organiserait dans notre ville une fte pourenvoyer Berlin une grande quantit d'horlogersfranais chargs de remonter les pendules qui nousont t voles pendant la guerre, et dont les alle-mands ne comprennent pas trop le mcanisme.

A ce propos, je me permettrai d'diter l'ordre dujour que le gnral Espivent a fait lire dans les

casernes, le 28 juin, veille de la grande fte patrio-tique organise par la Jeune Rpublique :

a Le gnral commandant la 9e division mili-

taire, ayant refus le concours de l'arme aux orga-

nisateurs de la fte qui doit avoir lieu dimanche,29 juin, au Chteau des Fleurs, au profit des Alsa-

ciens-Lorrains, espre que Messieurs les officierss'abstiendront de s'y prsenter et de profiter de l'in-

vitation gratuite qui leur a t faite .

LO TAXIL.

Marseille.lmp. Com.J. Bernheim,rue Moustiers,7.


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