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Table des matières
INTRODUCTION ........................................................................................................................................................................................................... 3
I. ANALYSE D’UNE ŒUVRE ...................................................................................................................................................................................... 6
II. PARCOURS TYPOLOGIQUE DES PORTRAITS DU MUSÉE D’ART ANCIEN ................................................................................................ 9
Le portrait individuel ................................................................................................................................................................................................. 10
Le portrait dévotionnel .............................................................................................................................................................................................. 12
Le portrait en pied ..................................................................................................................................................................................................... 14
Le portrait d’enfant .................................................................................................................................................................................................... 16
Le portrait de famille (I) ............................................................................................................................................................................................ 18
Le portrait de famille (II) ........................................................................................................................................................................................... 20
L’étude de portrait ..................................................................................................................................................................................................... 22
Le double portrait ...................................................................................................................................................................................................... 24
L’autoportrait............................................................................................................................................................................................................. 26
Le portrait collectif .................................................................................................................................................................................................... 28
Le portrait commémoratif ......................................................................................................................................................................................... 30
Sources bibliographiques et ressources ......................................................................................................................................................................... 32
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INTRODUCTION Le Musée Oldmasters
Au cœur des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, le Musée Oldmasters recèle des tableaux d’une valeur exceptionnelle : des Primitifs
flamands, de nombreux artistes de la Renaissance et du Baroque flamands ainsi que des œuvres néo-classiques. Memling, Bosch, Bruegel, Rubens,
Van Dyck, Jordaens, David offrent ainsi un éventail significatif des grands mouvements artistiques du XVe au début du XIX
e siècle.
La visite aux Musées
Portraits et identités. Visages, corps et émotions propose une plongée dans l'histoire du portrait. Cette visite permettra d’aborder une réflexion sur
la notion complexe d'« identité » qui peut être appréhendée dans sa dimension individuelle, culturelle, sociale et religieuse.
Le dossier
Ce dossier pédagogique a été réalisé par Educateam, le service éducatif et culturel des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Il est destiné
aux professeurs du secondaire et à leurs élèves afin de préparer ou d’approfondir une visite guidée donnée par un médiateur muséal de l’équipe
d’Educateam. Le dossier comporte notamment un bref historique de la thématique, fournit des clés de lecture pour des œuvres phares ainsi que des
analyses plus approfondies en matière d’iconographie et de composition de certains tableaux.
Ce dossier ne peut être utilisé à des fins commerciales.
« Identité »
Étymologiquement, identité vient du latin identitas, idem : le même. Ce terme recouvre cependant différentes définitions qui envisagent les
similitudes (id-) qui rattachent un individu à un autre groupe de personnes, tout autant que les caractéristiques qui constituent sa singularité (-
entité). Cette ambiguïté ouvre le débat sur notre tendance à résumer l’identité d’une personne en l’associant à un groupe – familial, culturel, social,
religieux, ethnique,… – alors que ses multiples appartenances forment, ensemble, un tout indissociable, base de son individualité. Cette identité
complexe est évolutive, elle se construit au fil du temps, des expériences et des rencontres. Les différents types de portrait présents dans les
collections d’art ancien permettent d’aborder des composantes multiples de l’identité.
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Regards croisés sur le portrait
Le portrait se situe au centre d’une relation entre trois personnes – le modèle, l’artiste et le spectateur – basée sur un échange de regards.
Il s’agit tout d’abord du rapport que le modèle entretient avec sa propre image. Un portrait n’est jamais neutre, il est le reflet du regard que
l’individu porte sur lui-même, mais aussi et surtout de la manière dont il souhaite être présenté et perçu par les autres. Trace matérielle de son
existence, le portrait garantit au modèle une certaine « survivance » de son image, au-delà de l’absence, de la vieillesse, de la mort.
Outre les exigences du modèle, cette représentation est marquée par l’intervention de l’artiste, sa personnalité, ses objectifs et ses choix formels.
Pendant longtemps, en Occident, la qualité de l’œuvre a été évaluée en fonction du degré de ressemblance physique que le portrait entretenait avec
son modèle. Cependant, l’artiste tente également de rendre la personnalité de celui-ci.
Enfin, il faut prendre en considération le jeu de regards entre le sujet représenté dans l’œuvre et le spectateur. Sorte de prise de contact, de
rencontre entre deux personnes, cet échange est sans cesse renouvelé depuis la création du tableau. Le modèle se donne à voir, s’adresse à un
public spécifique parmi ses contemporains. Aujourd’hui, il est observé par de nombreux visiteurs qui s’y attachent, s’y identifient, s’y projettent.
Le portrait comme reflet d’une époque, d’une culture
Un portrait traduit souvent la position sociale, la fonction (profession, rôle politique, religieux,…), le pouvoir du modèle au sein de la société dans
laquelle il vit. L’individu représenté permet au spectateur de comprendre une époque, une culture et une société qui peuvent être différentes de la
sienne. Le type de personnes qui se faisaient tirer le portrait est en soi un exemple révélateur. Au Moyen Âge, il s’agissait principalement de
princes, de rois, d’archevêques,… à savoir des personnages ayant un important pouvoir politique, militaire ou religieux. Au XVe siècle, avec les
bourgeois et les marchands, c’est le pouvoir économique croissant qui est mis en avant.
Le portrait, genre artistique et moyen d’expression
Les premiers portraits et autoportraits apparaissent dès l’Antiquité. En réalisant leur portrait, les hommes et les femmes ont cherché un moyen de se
connaître, de laisser une trace de leur existence, au-delà d’une absence provisoire ou de leur mort. Devant leur(s) dieu(x), leur peuple, leur société
ou ceux qu’ils aimaient, ils défiaient la mort afin qu’on ne les oublie pas, afin de demeurer et de vivre dans leur souvenir. Les portraits font alors
preuve d’un grand réalisme.
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Une évolution s’opère au Moyen Âge, époque du triomphe absolu du christianisme. La principale fonction du portrait, qui était jusqu’alors de
répondre à la question de la survie de l’individu après la mort, devient celle du salut, du « salut chrétien », assurant au croyant l’éternité au
royaume de Dieu. Une série de débats, de crises remettra ainsi en question la représentation de la personne dans son individualité et ce, pendant des
centaines d’années.
Le genre du portrait se développe à la fin du Moyen Âge dans un contexte religieux, notamment avec les portraits des donateurs et donatrices, des
commanditaires d’une œuvre. L’affirmation du corps passe par une représentation de trois quarts qui permet, mieux que les positions de profil, de
souligner le volume physique ; la représentation frontale était réservée à la sainte face, c’est-à-dire à celle du Christ.
À la Renaissance, le portrait redevient un genre autonome : portraits des rois, des princes, des grands seigneurs, puis des bourgeois. À cette époque,
on redécouvre l'Antiquité grecque et romaine et le portrait est remis au goût du jour. Aussi, rompant avec les attitudes figées de la peinture
médiévale, les artistes de la Renaissance donnent à leurs figures des postures animées. Le portrait dit « indépendant » devient très populaire : il a
pour but de fixer les traits de quelqu’un, parfois en vue d’une circonstance particulière – avant un mariage, par exemple, il est vraisemblable qu’un
échange de portraits ait lieu.
La ressemblance la plus fidèle à la réalité est exigée ; les portraits sont chers et restent un signe de puissance sociale. Le portrait deviendra ainsi le
deuxième genre dans la « hiérarchie des genres » proposée en 1667 par André Félibien - le premier genre étant la peinture d'histoire comprenant la
religion, la mythologie et les batailles. Pour information, le troisième est la peinture de paysage dont les marines ; le quatrième, les scènes de genre
et le cinquième, les natures mortes.
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I. ANALYSE D’UNE ŒUVRE
Personnes : Quelles personnes sont représentées dans cette œuvre ?
Qui est l’auteur de ce portrait ?
Quelles relations l’artiste entretenait-il avec ses modèles ?
Devant quelles personnes ou dans quel contexte (public/privé) cette œuvre devait-elle être exposée ?
Fonction : Quelle est la fonction de l’œuvre ?
A-t-elle une fonction sociale ? Est-elle destinée à un lieu sacré ? À une classe dominante ?
Une fonction esthétique ?
Une fonction morale ?
Une fonction symbolique ? etc.
Matérialité : Quels sont les moyens mis en œuvre pour rendre l’image matériellement présente : matériaux et techniques
utilisés, dimensions, modes d’exposition,… ?
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Composition : Comment l’artiste a-t-il structuré son tableau ?
Comment a-t-il disposé les éléments (personnages, objets,…) les uns par rapport aux autres ?
Quelles pourraient être les raisons de ce choix ?
Qu’est-ce que cela nous indique sur la personne représentée et sur l’impression qu’elle souhaite donner au
spectateur ?
Couleurs et lumières : Quelles couleurs le peintre a-t-il utilisées ?
Quel rôle pourraient-elles jouer dans la représentation ?
Vers qui/quoi la lumière est-elle orientée ?
Qu’est-ce que cela accentue, cache, révèle ?
Style pictural : Quelle est l’influence du style pictural du peintre sur la représentation du modèle ?
Le portrait paraît-il réaliste ou idéalisé ? À quel point ?
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Pose, gestes et expressions : Observez les mains et la pose des personnages : s’agit-il de gestes d’action, de gestes de contact avec d’autres
personnages ?
Observez également l’expression du visage.
Qu’est-ce que ces éléments nous apprennent sur ces personnes ?
Décor et environnement : Dans quel environnement les personnages sont-ils représentés ?
Les éléments du décor représentent-ils un espace réel ou idéalisé ?
Nous donnent-ils des indices sur le lieu de vie de ces personnes ?
Les éléments du décor nous renseignent-ils sur le statut social et économique du modèle ?
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II. PARCOURS TYPOLOGIQUE DES PORTRAITS DU MUSÉE D’ART ANCIEN
Liste des œuvres analysées :
Rogier VAN DER WEYDEN (1399/1400 – 1464), Portrait d'Antoine de Bourgogne (ca. 1430 – 1504), entre 1456 et 1464
Hans MEMLING (1430/1440-1494), Portrait de Willem Moreel, bourgmestre de Bruges de 1478 à 1483. Portrait de Barbara van
Vlaenderberch, femme de Willem Moreel, bourgmestre, ca. 1482
Maître de la Vie de Joseph, dit aussi Maître de l’Abbaye d’Affligem, Triptyque de Zierikzee, volet de droite et volet de gauche : Portraits de
Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, entre 1495 et 1506
École des Pays méridionaux, La Fillette à l’oiseau mort, premier quart du XVIe siècle
Adriaen ISENBRANT (ca 1490 ? – 1551), Volet gauche du diptyque de la Vierge des Sept Douleurs de l’église Notre Dame de Bruges. Avers :
Joris van de Velde, bourgmestre de Bruges, sa femme Barbara le Maire et leurs enfants présentés par saint Georges et sainte Barbe
Maerten DE VOS (1532-1603), Portraits d'Antonius Anselmus, de son épouse Joanna Hooftmans et de leurs enfants Gillis et Joanna, 1577
Peter Paul RUBENS (1577-1640), Quatre études de la tête d’un Maure
REMBRANDT Harmensz van Rijn (1606-1669), Portrait de Nicolaas van Bambeeck, 1641
Carlo MARATTA (1625-1713), Autoportrait, 1675
Jan VERHAS (1843-1896), La revue des écoles en 1878, 1880
Jacques-Louis DAVID (1748-1825), Marat assassiné, 1793
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Le portrait individuel
Figuration autonome d’une personne, le portrait individuel existait déjà dans l’Antiquité, mais il se développe véritablement dans l’art occidental
à partir du XIVe siècle. On y représente d’abord des personnages politiquement ou socialement importants, en mettant en valeur les insignes de leur
pouvoir, davantage que leurs traits individuels. Le souci de rendre les caractéristiques physiques se développe d’abord dans les portraits de
donateurs de tableaux religieux. Peu à peu, le portrait devient un genre autonome.
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Le prestige de ce grand
seigneur est renforcé par
l’expression du visage, aux
lèvres pincées et au regard
porté ailleurs. Bien
qu’individualisés, les traits
sont simplifiés. Leurs
courbes douces donnent au
visage une expression digne
et sereine.
Peintre officiel de la ville de Bruxelles, Rogier van der Weyden était internationalement reconnu pour ses œuvres religieuses et ses
portraits que lui commandaient le clergé, la cour et la bourgeoisie.
Ce tableau, anciennement appelé L’homme à la flèche, serait un portrait d’Antoine de Bourgogne (1422-1504), fils naturel de Philippe le Bon et de
Jehanne de Prelle. Réputé pour sa bravoure, il occupait des fonctions militaires et était conseiller à la cour de Bourgogne. La pose et les attributs
choisis pour ce portrait soulignent ce statut.
Rogier Van der Weyden accentue la présence de la flèche et du collier de l’Ordre de la Toison d’Or qui personnalisent ce portrait individuel.
Cependant, c’est surtout l’expression du visage et la présence de la main qui retiennent l’attention. L'artiste a modelé le chevalier selon une image
idéale de la noblesse et de l’honneur, tout en tenant compte de sa personnalité.
La flèche est souvent utilisée comme attribut
des dignitaires de la cour, des chevaliers, des
arbitres de tournoi et des militaires. Elle
désigne leur fonction ou leur mérite particulier.
Antoine de Bourgogne porte le
collier en or qu’il reçut le 2 mai
1456, lorsqu’il fut adoubé
chevalier de la Toison d’Or. Les
maillons de la chaîne sont
formés de briquets, de pierres à
feu et de flammes, qui sont les
emblèmes de Philippe le Bon,
fondateur de cet ordre de
chevalerie. Le pendentif, une
toison de bélier, fait référence au
mythe de Jason et de la Toison
d’Or, mais elle évoque
également Gédéon, le
combattant biblique choisi par
Dieu.
Rogier VAN DER WEYDEN (1399/1400 – 1464)
Portrait d'Antoine de Bourgogne (ca. 1430 – 1504),
entre 1456 et 1464
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Le portrait dévotionnel
Le portrait dévotionnel constitue pour le modèle, qui est présenté en position de prière, un témoignage durable de sa foi. Dans l’art chrétien, cette
représentation en position d’orant a longtemps été employée dans les portraits de donateurs, de manière à insérer le commanditaire dans l’œuvre
qu’il offrait, assurant ainsi sa présence au ciel comme sa renommée sur terre. Présent dès le VIe siècle dans les mosaïques des églises, le portrait
des donateurs se développe particulièrement au XIIIe siècle, dans les tableaux d’autel, où le donateur est agenouillé aux pieds des personnages
sacrés. Au XVe siècle, ils prennent place sur les volets des polyptyques ou dans des œuvres à destination privée. Le diptyque flamand, où l’orant
fait face à la Vierge à l’Enfant, est le modèle le plus répandu. Jusqu’à l’époque baroque (XVIIe siècle), ce type de portrait se développe aussi dans
la statuaire des monuments funéraires. Cette position en prière est également souvent utilisée pour les portraits votifs, par lesquels le modèle
demande protection à la divinité ou la remercie pour une grâce accordée.
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Hans Memling était particulièrement apprécié pour ses portraits que le souci du détail et la sensibilité
rendaient particulièrement vivants.
L’homme et la femme représentés sont Willem Moreel et son épouse Barbara van Vlaenderberch, alias de Herstvelde. Ces deux portraits
constituaient à l’origine les panneaux latéraux d’un triptyque, dont le panneau central était peint d’une scène religieuse,
probablement une Vierge à l’Enfant.
Ce genre de triptyque était destiné à des fins dévotionnelles et méditatives pour un usage privé. Ces deux portraits de Memling évoquent la pratique
religieuse de l’époque, où l’on prônait une manifestation de la foi par une piété intérieure, exprimée dans le cadre privé. La représentation du
couple, commanditaire de l’œuvre, tient le rôle de témoignage de leur piété personnelle. Cet aspect est renforcé par le réalisme idéalisé de la
peinture de Memling.
Représentés en buste, tournés l’un vers l’autre, les mains jointes en prière, l’expression
sereine et le regard contemplatif, les personnages semblent plongés dans la pratique d’une
spiritualité intérieure. Ils sont physiquement identifiés, avec des traits individualisés. La
présence des noms et armoiries des deux personnages aux revers des volets rend toute
confusion impossible.
À Bruges, Willem Moreel
occupa de hautes fonctions,
dont celles de conseiller
municipal, bourgmestre,
bailli (le représentant du roi
de France sur un territoire) et
trésorier de la ville. Ces
postes importants ont
certainement contribué à
alimenter son importante
fortune, lui permettant de
passer des commandes
d'œuvres d’art aussi
coûteuses.
Ces portraits illustrent
l’habillement de l’époque :
l’homme porte un vêtement
gansé de fourrure sur un
pourpoint noir au col
montant. La femme est vêtue
d’une robe violacée au
décolleté en V bordé de noir.
Elle a le front épilé et porte le
hennin où un voile
transparent est fixé à la
pointe. La longueur du voile
indiquait le rang social du
propriétaire.
Hans MEMLING (1430/1440-1494)
Portrait de Willem Moreel, bourgmestre de Bruges de 1478 à 1483. Portrait de Barbara
van Vlaenderberch, femme de Willem Moreel, bourgmestre, ca. 1482
Dans son style de portrait, Memling exprimait les personnalités
individuelles de ses sujets mais aussi la sensation de la beauté idéale.
Il allongeait le nez, étirait les yeux et la bouche pour mettre l’accent
sur les traits principaux d’un visage. Dès lors, l’échelle du visage n’est
pas entièrement fidèle à la réalité.
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Le portrait en pied
Le portrait en pied souligne la prestance et la puissance d’un personnage.
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Nommé « Maître de la Vie de Joseph » / « Maître de l’Abbaye d’Affligem », cet artiste pourrait être Jacob van Laethem, membre de
la gilde d’Anvers en 1493. Peintre de cour de Philippe le Beau, il réalisa principalement des travaux décoratifs.
Ces deux panneaux constituent les volets latéraux d’un triptyque, un tableau en trois parties, dont la partie centrale illustre un Jugement dernier.
Les volets représentent un couple royal, Philippe le Beau (1478-1506) et Jeanne la Folle (1482-1555) au milieu des jardins du palais ducal élevé
sur la colline du Coudenberg à Bruxelles.
L’expression détachée du couple, leur posture, de même que leurs tenues vestimentaires et leurs parures soulignent le statut de souverains des deux
époux, issus d’importantes dynasties et régnant sur des territoires étendus. Leur situation dans les jardins du palais du Coudenberg, l’un des plus
prestigieux d’Europe, renforce l’identification des deux personnages.
Présenté en armure,
Philippe porte une épée,
levée de la main droite,
signe de la suprême
juridiction temporelle.
Outre sa couronne, il est également paré du
collier de l’Ordre de la Toison d’Or, reposant
sur un mantelet d’hermine. Sa cuirasse est
ornée des armes de Bourgogne, d’Espagne et
d’Autriche.
Ces armoiries constituent un rappel
de ses liens familiaux : fils de Marie
de Bourgogne et de Maximilien de
Habsbourg, il épouse Jeanne de
Castille (1496), fille de Ferdinand V
d’Aragon et d’Isabelle Ire de Castille,
à la mort de laquelle il revendiqua le
trône d’Espagne (1504).
Sur le volet de droite,
Jeanne de Castille, aussi
appelée Jeanne la Folle, est
également couronnée. Un
large manteau de cour est
posé sur sa robe de
brocart ; elle porte les
mêmes armoiries que celles
présentes sur la tunique de
Philippe.
Sa posture, les hanches portées vers
l’avant et les mains posées sur le bas-
ventre, légèrement arrondi, évoque la
position d’une femme enceinte. Il était de
coutume de mettre un petit coussin sous la
robe afin de souligner cette fonction de
maternité, primordiale pour la femme.
Maître de la Vie de Joseph, dit aussi Maître de l’Abbaye d’Affligem
Triptyque de Zierikzee, volet de droite et volet de gauche :
Portraits de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, entre 1495 et 1506
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Le portrait d’enfant
Au Moyen Âge, les enfants sont très peu représentés et lorsqu’ils le sont, c’est sous l’apparence d’adultes en dimension réduite. Ce n’est en aucun
cas un problème technique mais plutôt sociétal ; compte tenu de l’importance du taux de mortalité infantile, ils n’étaient pas pris en compte dans
les œuvres. C’est seulement au début du XVIIe siècle que l’enfant est enfin considéré comme une personne à part entière et qu’un portrait lui est
entièrement consacré. Il faudra cependant attendre le XIXe et surtout le XX
e siècle pour qu’on établisse une distinction entre l’adulte et l’enfant,
accordant à celui-ci une place à part, avec des infrastructures sociales qui lui sont propres (enseignement, loisirs,…).
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On ignore l’identité du peintre qui a réalisé ce tableau. Le style de l’œuvre suggère cependant que
l’artiste relève de la tradition picturale des Pays-Bas.
Ce portrait représente une fillette tenant entre ses mains un oiseau mort. On a tenté d’identifier la fillette comme étant une princesse des Pays-Bas,
notamment Marguerite d’Autriche, née en 1480. Cette hypothèse ne correspond cependant pas au style vestimentaire, caractéristique du début du
XVIe siècle.
On représentait rarement des enfants aussi jeunes isolément, en dehors des maisons princières. La scène est d’autant plus insolite qu’elle exprime
un sentiment chez un jeune enfant. L’intensité du regard, le visage et l’attitude perplexe de la petite fille devant le corps sans vie de l’oiseau
semblent traduire l’incompréhension et l’innocence de l’enfance face à la mort. Celle-ci apparaît comme l’un des événements marquants de la vie,
ceux qui vont, peu à peu, sculpter l’identité de l’enfant.
La légèreté de la facture, le
raffinement des couleurs et la
maîtrise du modelé du visage
trahissent l’expérience d’un peintre
accompli, à même de rendre la
stupeur d’une enfant qui rencontre la
mort.
Le fond sombre, qui contraste avec les
couleurs claires des vêtements et du
visage de l’enfant, renforce le
caractère dramatique de la scène
représentée qui semble opposer
l’ombre et la lumière, la mort et la
jeunesse, la fragilité et la mort
inévitable.
Les yeux ouverts de stupéfaction, la
fillette semble hésiter sur le
comportement à avoir ; interrogateur,
ce regard paraît guetter l’intervention
de quelqu’un (de qui ?) ou, au
contraire, se désintéresser de la petite
victime, comme déjà résignée devant
la mort.
École des Pays méridionaux
La Fillette à l’oiseau mort, premier quart du XVIe siècle
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Le portrait de famille (I)
Le portrait de famille permet à la fois d’affirmer son statut social, d’afficher sa richesse, de désigner les membres d’une lignée ou encore de se
situer dans cette succession de générations. Il sert également à transmettre l’image des membres d’une famille à leurs descendants.
Au XVe siècle, les membres d’une même famille sont représentés sur les volets des retables. Comme à l’église, ils sont séparés ; à gauche, le père
et ses fils, à droite la mère et ses filles. Les enfants sont présentés selon leur âge, du plus âgé au plus jeune, sans oublier les enfants décédés (ils
tiennent alors une petite croix rouge en main). Cette formule était encore usitée au XVIe siècle.
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Adriaen Isenbrant fut membre de la guilde des peintres de Bruges dès 1510. Sa production étant très vaste,
on l’attribue le plus souvent à l’atelier qu’il aurait dirigé.
Ce tableau constituait le volet gauche du diptyque de la Vierge des Sept Douleurs qui était exposé dans l’église Notre-Dame de Bruges. Il
représente Joris van de Velde, bourgmestre de Bruges, entouré de sa famille. Derrière Joris et sa femme, Barbara le Maire, se tiennent saint
Georges et sainte Barbe.
La famille est ici représentée en « donateurs » : ses membres se présentent au reste de la communauté comme des croyants ayant offert un tableau
religieux à une église. Le portrait semble vouloir marquer la filiation par la ressemblance physique, tout en insistant sur une éducation et une foi
commune. Il semble donc y avoir peu de place pour l’individu au sein de cette famille, présentée sous forme d’une « masse dévote »,
priant d’un seul corps.
Adriaen ISENBRANT (ca 1490 ? – 1551)
Joris van de Velde, bourgmestre de Bruges, sa femme Barbara le Maire et
leurs enfants présentés par saint Georges et sainte Barbe
L’identification des
commanditaires de ce
diptyque est renforcée à
plusieurs niveaux : ils
sont représentés
physiquement dans
l’œuvre et sont également
introduits par leurs saints
patrons respectifs. On
reconnaît ceux-ci à leurs
attributs : le dragon pour
saint Georges et la tour
pour sainte Barbe.
Tous les membres de la
famille sont représentés en
position de prière (à
genoux, mains jointes,
tenant parfois un chapelet
ou un livre). On peut
même y voir les membres
décédés par le crucifix
qu’ils portent. On observe
une forte ressemblance
entre les filles et leur mère,
tout comme entre les fils et
leur père.
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Le portrait de famille (II)
Dans la seconde moitié du XVIe siècle, François Pourbus et Maerten de Vos comptent parmi les créateurs du portrait de famille moderne : les
parents et les enfants, dans leurs plus beaux habits, forment un groupe uni.
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Réputé pour la qualité de ses portraits, Maerten de Vos réalisa également des tableaux religieux, notamment
certains commandés par Gillis Hooftmans, le père de Joanna.
Antonius Anselmus, échevin de la ville d’Anvers de 1580 à 1582, et son épouse, Joanna Hooftmans, fille d’un riche négociant,
posent devant un fond neutre en compagnie de leurs deux enfants, Gillis et Joanna.
Sur l’inscription latine qui figure
sur le cartouche en haut du
tableau est proclamé : « L'entente
familiale est source de prospérité
et de bonheur ». C’est ce que de
Vos semble vouloir traduire dans
ce portrait de famille de riches
notables anversois dans un espace
unifié.
Différents éléments soulignent le rang social élevé de cette famille : le mobilier sculpté, l'encrier en
argent posé sur la table, le vase en verre de Venise et ses différentes variétés de fleurs (narcisse,
tulipe, œillet, pivoine) ainsi que les dentelles coûteuses qui ornent les costumes des parents et les
tabliers des enfants.
Plusieurs symboles sont présents
dans le tableau. Ainsi, les gants et
la rose rouge placés sur la table
soulignent l’amour qui unit le
couple. Les enfants, résultats de
cet amour, incarnent la prospérité
du ménage, tout comme le fruit
que tient l’aîné des enfants. Objet
de grand prestige offert aux
jeunes enfants par un parrain ou
une personne importante, le
hochet en vermeil du plus jeune
enfant souligne la richesse de sa
naissance. L’oiseau apprivoisé
perché sur l’épaule de l’aîné est
quant à lui une métaphore d’une
éducation réussie.
Le visage rougeâtre du père suggère une
certaine sévérité, tandis que celui de la
mère, très pâle, évoque plus de douceur.
Cette blancheur, à cette époque, est un
symbole de pureté et d’innocence chez la
femme.
Maerten DE VOS (1532-1603)
Portraits d'Antonius Anselmus, de son épouse Joanna Hooftmans et de
leurs enfants Gillis et Joanna, 1577
La mère et la petite fille sont
toutes deux coiffées d’un bel
attifet. Les enfants, fille et garçon,
portent la même robe. En effet, à
cette époque, tous les jeunes
enfants, même les garçons, sont
habillés avec une robe jusqu’à ce
qu’ils soient propres. C’est
d’ailleurs de là que provient
l’expression « être dans les jupes
de sa mère ! »
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L’étude de portrait
Les études de portrait ont pour objet des motifs individuels qui devaient ensuite s'intégrer dans des compositions plus achevées et plus
ambitieuses. Ces esquisses reposent sur une grande justesse d'observation du modèle, sous différents points de vue,
afin de pouvoir être utilisées dans des œuvres variées.
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Souvent admiré pour ses grands tableaux religieux, Rubens est ici l’auteur d’une œuvre simple, humaine et expressive.
Cette œuvre est une étude d’après nature de la tête d’un Maure, perçue sous quatre angles différents, dans des poses et avec des expressions
variées. Trois des têtes présentent une expression relativement neutre alors que la quatrième donne à voir un visage de profil souriant.
Cette œuvre peut être le point de départ d’une réflexion sur la question de l’identité et du portrait, notamment :
- La notion d’identité « raciale » liée aux caractéristiques physiques, aux traits du visage, à la carnation. Cette étude a été employée comme modèle
pour de nombreuses œuvres représentant un homme d’une autre couleur de peau (ex. : Rubens, L’adoration des mages) ou un physique spécifique
(ex. : le Satyre dans Marsyas écorché de Jordaens). Outre les caractéristiques physiques, se pose la question de l’appartenance à une communauté
et de ses relations, de sa place dans la société anversoise de l’époque.
- Les deux facettes de la notion d’id- (même) –entité (individualité) : les traits physiques associent cette personne à une communauté mais le
traitement expressif individualise une personne, un caractère. Les quatre têtes sont autant de facettes d’une même personne ; de même, l’identité est
un tout « multi-facettes » qui se nuance selon nos humeurs, les événements vécus, l’âge,…
Peter Paul RUBENS (1577-1640)
Quatre études de la tête d’un Maure
Le fond brun clair, animé de bleus et de
rouges, peut suggérer un espace ambiant. Le
peintre a particulièrement accentué le travail
de la carnation et du modelé de ces visages.
Réputé pour ses chairs rosées aux ombres
rouges, Rubens semble ici explorer de
nouveaux effets de couleur et de lumière, en
jouant d'une gamme de tons restreinte à des
blancs, des ocres et des gris bleutés, accentués
de quelques touches de rouge. Les touches
expressives contribuent à révéler tant la forme
que la couleur et le mouvement des visages.
Au XVIIe siècle, les navires de la Compagnie
des Indes sillonnent les océans et débarquent
sur les quais des nombreux ports des Pays-
Bas, et notamment à Anvers. Les bateaux qui
déchargent leurs marchandises apportent de
nouveaux produits exotiques qui éveillent la
curiosité des peintres des Pays-Bas. Des
esclaves arrivent également en nombre.
On pense reconnaître ce modèle dans
plusieurs tableaux de Rubens et de ses
contemporains, tels que Jacques Jordaens et
Antoon Van Dyck. Différentes études ont été
menées concernant l’identité du personnage.
Dans l’une d’elles, on pense avoir identifié le
même homme dans une peinture provenant de
Francfort où on le présentait comme étant
Johannes Forrenius l’Éthiopien.
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Le double portrait
Le double portrait constitue le témoignage d’un lien, qu’il soit matrimonial, parental ou amical.
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REMBRANDT Harmensz. van Rijn (1606-1669)
Portrait de Nicolaas van Bambeeck, 1641
Originaire de Leyde, Rembrandt Harmenszoon van Rijn s’installe à Amsterdam en 1631, où il devient rapidement un portraitiste
renommé. Aux environs de 1640, il réalise de nombreux portraits de riches commerçants et de bourgeois, dont celui de Nicolaas van
Bambeeck.
Ce portrait de Nicolaas van Bambeeck, qui était à l’origine associé à celui de sa femme, Agatha Bas, est aujourd’hui conservé au Palais de
Buckingham à Londres. Les deux portraits étaient liés par la répétition d’un cadre d’ébène en trompe-l’œil.
De trois quarts, accoudé au cadre, une main fermement enserrée sur un gant,
l’autre calmement posée, l’homme présente une attitude digne et calme.
Rembrandt atteint un réalisme sobre, alors caractéristique des portraits des Pays-Bas septentrionaux, mais se distingue par cette lumière particulière
qui semble émaner du personnage même.
Les deux époux étaient d’une origine sociale différente. Nicolaas van Bambeeck, négociant en drap enrichi par son activité commerciale,
était originaire d’une famille d’immigrants des Pays-Bas méridionaux, tandis que sa femme provenait d’une riche famille de marchands
d’armes d’Amsterdam. Le père d’Agatha, ancien bourgmestre, se serait opposé à ce mariage jusqu’à sa mort. Cette anecdote reflète un
phénomène social toujours présent aujourd’hui : l’opposition entre vieilles fortunes et nouveaux riches.
Le peintre a veillé à respecter
la physionomie du modèle,
alors âgé de quarante-quatre
ans. Son visage est marqué par
un nez fort, une bouche dure et
un regard direct. Cette
précision se retrouve dans le
rendu des nuances subtiles de
la carnation, la légèreté du
feutre, la texture des cheveux et
le détail de la dentelle.
Le cadre peint en trompe-l’œil
délimite l’espace. Le modèle,
debout, semble s’appuyer sur
ce cadre, ses doigts et attributs
pénétrant dès lors de manière
subtile dans l’espace du
spectateur. Par ce procédé, le
personnage semble prendre
vie, en quittant le monde fictif
pour l’espace réel.
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L’autoportrait
L’autoportrait est le portrait d’une personne réalisé par elle-même, à l’aide d’un miroir et ce, jusqu’à la moitié du XIXe siècle – la photo sera, par
après, également utilisée. Au Moyen Âge, peu d’œuvres étaient signées. Les artistes appartenaient au monde des artisans et ne se faisaient pas
connaître au public. On note l’apparition des premiers autoportraits dès le XIIe siècle, dans les enluminures, mais ils s'apparentent davantage à un
procédé de signature.
L’autoportrait s’est développé au XVe siècle, moment où les artistes progressent dans l’échelle sociale et acquièrent une plus grande autonomie. À
cette époque, de nombreux artistes se mettent en scène dans leurs propres tableaux parmi les personnages et entrent en interaction avec le
spectateur grâce au regard. D’abord placés en marge, ils prennent peu à peu une place privilégiée. Au XVIe siècle, les autoportraits deviennent
autonomes, les personnes représentées sont isolées et indépendantes d’une scène. Le statut social de l’artiste, enfin accepté et reconnu, justifie et
valide cette autonomie. Ce type de portrait permet à l’artiste d’exprimer ses émotions et ses sentiments, mais aussi de se questionner sur son
identité. Au XVIIe siècle, Flamands et Hollandais font de l'autoportrait un véritable exercice d'introspection.
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Carlo Maratta est l’un des peintres romains les plus importants de la fin du XVIIe et du début du XVIII
e siècle.
À Rome, Maratta entre très jeune dans l’atelier d’Andrea Sacchi, où il restera jusqu’à la mort du maître (1661). C’est dans ce milieu fréquenté par
Poussin que se construit la tendance classicisante de sa peinture, empreinte d’intellectualisme. Il intégrera les principes baroques par la suite.
Considéré comme l’un des plus grands portraitistes du XVIIe siècle italien, l’artiste se représente ici avec un grand naturalisme et un style assez
théâtral. Dans ses divers portraits, dont celui-ci, il aboutit à des représentations mi-historiques, mi-allégoriques.
Contrairement à d’autres autoportraits,
l’artiste ne semble pas s’adresser au
spectateur mais dirige son regard vers une
fenêtre ouvrant sur une scène à l’arrière-
plan : devant un palmier, un personnage
ailé, agenouillé devant une femme casquée
et armée d’une lance, semble inscrire
quelque chose à la surface du bouclier de
celle-ci.
Cette scène pourrait évoquer l’histoire du
bouclier d’Achille. Héphaïstos aurait
fabriqué ce bouclier, avant de l’orner d’un
décor complexe, abondamment décrit dans
l’Iliade (XVIII, 478-617) d’Homère. La
puissance du texte donne vie aux scènes
figurées sur le bouclier et en fait l’un des
exemples les plus célèbres du lien entre
peinture et poésie.
Maratta se met en scène en train de dessiner muni d’un porte-plume.
Dans une posture assez classique, il n’est pas sans rappeler
l’autoportrait de Poussin tenant un carton à dessin.
Carlo MARATTA (1625-1713)
Autoportrait, 1675
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Le portrait collectif
C’est au XVIIe siècle que les portraits commencent à incarner les rapports de l’homme avec un groupe social. Ils se présentent souvent sous la
forme de portraits collectifs. Plusieurs personnes étant représentées côte à côte, une attention particulière est généralement accordée à la
composition. Les gestes et les mains peuvent nous donner des indices sur les relations qui existent entre les différents personnages. Dans ces
tableaux, les modèles sont souvent mis en scène dans des positions réfléchies, accompagnés d’un décor et d’habits luxueux caractéristiques de
l’époque et de leur statut. La difficulté pour l’artiste est de transmettre l’idée d’une identité collective, tout en conservant les individualités qui la
composent. En utilisant l’habillement, les attributs, l’attitude corporelle, la pose et les gestes, il tente d’atteindre un certain équilibre entre
individualisation et uniformité.
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Peintre réaliste, Verhas est réputé pour ses scènes de la vie quotidienne, et surtout pour ses portraits d’enfants issus de la bourgeoisie.
Ce tableau illustre la revue des écoles, un défilé des écoliers de Bruxelles et des provinces organisé par le bourgmestre de Bruxelles Jules Anspach,
à l’occasion des noces d’argent du couple royal.
L’ensemble de l’événement, le lieu et les personnes représentées semblent annoncer un avenir positif pour la Belgique. Devant le Palais royal,
hommes politiques, artistes et savants sont réunis près de leurs souverains. Les enfants, bien apprêtés et en bonne santé, donnent l’image d’une
jeunesse prospère et bien éduquée.
Jan VERHAS (1843-1896)
La revue des écoles en 1878,1880
À gauche de l’estrade
se tiennent des
membres de
l’Académie, des
artistes et savants
appréciés par le roi. Le
deuxième homme
debout à la droite du
lion serait Alphonse
Balat, l’architecte des
Musées royaux des
Beaux-Arts de
Belgique.
Sur l’estrade
construite devant le
Palais royal, on
reconnaît le roi
Léopold II, en tenue
de général des armées.
Derrière lui, la reine
Marie-Henriette est
entourée de son frère
et du frère du roi.
Sur les marches, des
fleurs ont été déposées
par chaque école.
À droite, les bourgmestres et les échevins de Bruxelles ont revêtu leurs habits de cérémonie. Jules Anspach
observe le défilé depuis les marches de l’estrade.
L’institutrice
accompagnant la classe
pourrait être Isabelle
Gatti de Gamond.
Féministe et pédagogue,
elle est l’une des
pionnières de
l’enseignement
secondaire pour filles.
Les esquisses, réalisées
par l’artiste lors de
l’événement, ont été
retravaillées en atelier,
avec d’autres enfants
pour modèles. Parmi les
élèves figureraient ainsi
des filles d’artistes et
d’hommes politiques.
Plusieurs familles
commandèrent des
portraits individuels par
la suite.
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Le portrait commémoratif
Le portrait est ici utilisé afin de commémorer un grand personnage, mais aussi pour propager ses idées. Les communes et seigneuries multiplieront
ces portraits commémoratifs d’hommes célèbres, leur attachant une signification essentiellement politique. L’utilisation de ces représentations se
justifie de manière morale et pédagogique : elles constituent un moyen d’honorer ces hommes et leurs vertus, tout en entretenant leur mémoire et
en suscitant le désir de les imiter.
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Jacques-Louis David (1748-1825)
Marat assassiné, 1793
Né en 1748 à Paris, Jacques-Louis David prendra part aux combats politiques de la Révolution et, en 1792, sera député à la Convention
aux côtés de Marat, où il votera la mort de Louis XVI. Artiste français le plus en vue de l’époque, mais aussi ami personnel de Marat, il fut
chargé d’organiser ses funérailles et de peindre ce tableau commémoratif.
Jean-Paul Marat, révolutionnaire radical, était surnommé « l’Ami du Peuple », du nom du journal polémique qu’il publiait depuis 1789. Élu député
de Paris à la Convention en 1792, il siégeait dans le groupe des montagnards de Danton et de Robespierre, avec lesquels il joua un rôle déterminant
dans l’exclusion du parti adverse, les Girondins. Ce tableau fait référence à la mort de Marat, assassiné par Marie-Anne Charlotte Corday, fervente
royaliste, le 13 juillet 1793.
S’inspirant souvent de la mythologie classique, David dresse cette fois le portrait d’un héros de l’histoire contemporaine, qu’il idéalise tout en
respectant un certain réalisme. « J’ai pensé qu’il serait intéressant de l’offrir [au regard du peuple] dans l’attitude où je l’ai trouvé, écrivant pour le
bonheur du peuple », écrit David. Il ne s’agit pas d’une œuvre de commande mais bien d’un mémorial à un camarade de combat, dont il exalte les
vertus.
Atteint d’une maladie de la peau,
que seuls les bains soulageaient,
Marat avait pour habitude de
travailler dans sa baignoire. Il
tient de la main gauche une lettre
que lui aurait adressée Charlotte
Corday : « … il Suffit que je
Sois bien Malheureuse pour
avoir Droit à votre
bienveillance ». L’arme
ensanglantée du crime est posée
à proximité de « l’arme » tenue
par Marat, sa plume. Sur la
caisse qui lui sert de table de
travail sont posés un assignat, la
monnaie mise en place durant la
Révolution française, et un billet
de Marat : « Vous donnerez cet
assignat à cette mère de cinq
enfants et dont le mari est mort
pour la défense de la patrie. »
La composition dépouillée, la
lumière diffuse et la gamme
chromatique concentrent
l’attention sur cette figure de
martyr, mise en évidence sur un
fond sombre et nu. Aucun
élément (chambre, ami,
assassin,…) ne permet de
resituer la scène dans sa réalité
quotidienne, de même qu’aucun
costume ne sert de repère
temporel.
Marat, héros généreux sacrifiant
sa vie pour l’accomplissement
des idéaux révolutionnaires, est
décrit par quelques indices de
son activité révolutionnaire
(plume et encrier), de son
altruisme et de son sens civique
(lettre), de la souffrance
(baignoire) et de la mort
héroïque (couteau ensanglanté).
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Sources bibliographiques et ressources
- Véronique ANTOINE-ANDERSEN, L’art pour comprendre le monde, Arles, 2011.
- Liesbeth DE BELIE, Rembrandt. Portret van Nicolaes van Bambeeck, tentoonstellingscatalogus, Koninklijke Musea voor Schone Kunsten van
België, Brussel, 23 juni – 27 september 2009, Brussel, 2009.
- R.-A. D’HULST, Nora DE POORTER en Marc VANDEVEN, Jacob Jordaens (1593-1678). Schilderijen en wandtapijten, tentoonstellingscatalogus,
Koninklijke Musea voor Schone Kunsten, Antwerpen, 27 maart – 27 juni 1993, Brussel, 1993.
- Guy DE TERVARENT, Attributs et symboles dans l’art profane. Dictionnaire d’un langage perdu (1450-1600), Genève, 1997.
- Pierre en Galienne FRANCASTEL, Le portrait. 50 siècles d’humanisme en peinture, Paris, 1969.
- Nadeije LANEYRIE-DAGEN, Lire la peinture dans l’intimité des œuvres, ed. Larousse, coll. Comprendre et Reconnaître, Paris, 2002.
- Jacques LAVALLEYE, Le portrait au XVe siècle, Bruxelles, 1943.
- Valérie METTAIS, Portraits, Paris, 2012.
- Leo VAN PUYVELDE, Jordaens, Paris - Bruxelles, 1953.
- Jude WELTON, Les clés de la peinture (Modes d’emploi du regard), Paris, 1995.
- Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles. Art ancien, Bruxelles, 1986.
- Les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique. Le guide des collections d’art ancien & d’art moderne, Bruxelles, 1996.
- Musée d’Art Ancien. Œuvres choisies, Bruxelles, 2001.
- Vingt chefs-d’œuvre de la peinture. Un tour d’horizon rapide, Bruxelles, 1994.
- http://www.opac-fabritius.be/nl/F_database.htm
- http://expositions.bnf.fr/portraits/expo/salle1/index.htm