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CONNECTED CITIES SUMMIT • Synthèse des débats du vendredi 9 novembre 2018 SYNTHÈSE DES DÉBATS Smart city, ville intelligente, ville connectée. Depuis le début des années 2000, les technologies numériques sont capables d’apporter une partie de la réponse aux problèmes liés à l’urbanisation croissante (infrastructures, mobilité, énergie, bâtiments…) en améliorant les performances des villes et la qualité de vie de leurs habitants. Les grands groupes en ont fait un élément de motivation et de dynamisme, mais pour exister, la ville intelligente doit fédérer l’ensemble des acteurs et devenir synonyme d’une nouvelle approche désilotée. Alors, comment actualiser les infrastructures numériques et créer de nouveaux services grâce au digital ? Comment le projet du Grand Paris et la perspective des JO de 2024 peuvent-ils être facteurs d’accélération, que ce soit pour réinventer la mobilité ou accélérer la transition énergétique ? Partie 1 La Mobilité à l’ère du numérique Voyager, se déplacer, se rendre d’un point A à un point B. À quoi ressemble la mobilité à l’ère de la ville intelligente ? Le sujet, porteur depuis une dizaine d’années, interroge à la fois l’humain, le politique, la technologie et l’économie. L’urbanisation se poursuit à travers le monde, la taille des villes ne cesse d’augmenter et la croissance démographique ajoute à la pression. La smart city se présente donc comme une solution à un problème qui nous concerne tous, et la France a une carte à jouer sur ce marché au potentiel énorme. Réseau, énergie, finance, droit, technologie… Pour créer cette ville connectée, au-delà des initiatives isolées, il faudra travailler collectivement à des solutions, sans jamais perdre de vue l’usager. L’expérience usager, facteur de succès des transports de demain ? Au cœur de la mobilité, il y a d’abord l’usager. Pour cette raison, elle doit être pensée en fonction des besoins de ce dernier et « simplifier l’interaction entre ville et transport », assure Matt BLANKS. L’entreprise, qui considère la ville comme un de ses « piliers » d’innovation, souhaite fluidifier les déplacements en fusionnant carte de paiement et de transport sans contact. Plus besoin d’attendre au guichet, ni faire de savants calculs: un simple passage sur borne suffit pour payer un trajet, et, lorsque l’utilisateur atteint le forfait journée ou semaine proposé par l’opérateur de transport, il cesse d’être facturé. Une « technologie souple » qui permet de s’adapter à « la politique de chaque ville », dit Matt BLANKS, précisant que 150 villes travaillent déjà avec Mastercard. Mais quid des data récoltées ? Échappent-elles aux opérateurs historiques ? Pas d’inquiétude : Mastercard voit qu’une transaction a été effectuée à un point donné, mais c’est bien « l’opérateur qui reste propriétaire des données de sa clientèle ». Matt BLANKS, Vice-président Global Transit, MASTERCARD 1 De gauche à droite : Benoît GEORGES, Véronique WIESINGER, Matt BLANKS, Adrian GOMEZ PASTOR. TABLE RONDE 1

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Page 1: SYNTHÈSE DES DÉBATS · demain ». « Il faut penser la mobilité autrement », insiste-t-elle, c’est-à-dire « prendre en compte les déplacements contraints et les déplacements

CONNECTED CITIES SUMMIT • Synthèse des débats du vendredi 9 novembre 2018

SYNTHÈSE DES DÉBATS

Smart city, ville intelligente, ville connectée. Depuis le début des années 2000, les technologies numériques sont capables d’apporter une partie de la réponse aux problèmes liés à l’urbanisation croissante (infrastructures, mobilité, énergie, bâtiments…) en améliorant les performances des villes et la qualité de vie de leurs habitants. Les grands groupes en ont fait un élément de motivation et de dynamisme, mais pour exister, la ville intelligente doit fédérer l’ensemble des acteurs et devenir synonyme d’une nouvelle approche désilotée.Alors, comment actualiser les infrastructures numériques et créer de nouveaux services grâce au digital ? Comment le projet du Grand Paris et la perspective des JO de 2024 peuvent-ils être facteurs d’accélération, que ce soit pour réinventer la mobilité ou accélérer la transition énergétique ?

Partie 1 La Mobilité à l’ère du numérique

Voyager, se déplacer, se rendre d’un point A à un point B. À quoi ressemble la mobilité à l’ère de la ville intelligente ? Le sujet, porteur depuis une dizaine d’années, interroge à la fois l’humain, le politique, la technologie et l’économie. L’urbanisation se poursuit à travers le monde, la taille des villes ne cesse d’augmenter et la croissance démographique ajoute à la pression. La smart city se présente donc comme une solution à un problème qui nous concerne tous, et la France a une carte à jouer sur ce marché au potentiel énorme. Réseau, énergie, finance, droit, technologie… Pour créer cette ville connectée, au-delà des initiatives isolées, il faudra travailler collectivement à des solutions, sans jamais perdre de vue l’usager.

L’expérience usager, facteur de succès des transports de demain ?

Au cœur de la mobilité, il y a d’abord l’usager. Pour cette raison, elle doit être pensée en fonction des besoins de ce dernier et « simplifier l’interaction entre ville et transport »,

assure Matt BLANKS. L’entreprise, qui considère la ville comme un de ses « piliers » d’innovation, souhaite fluidifier les déplacements en fusionnant carte de paiement et de transport sans contact.

Plus besoin d’attendre au guichet, ni faire de savants calculs: un simple passage sur borne suffit pour payer un trajet, et, lorsque l’utilisateur atteint le forfait journée ou semaine proposé par l’opérateur de transport, il cesse d’être facturé. Une « technologie souple » qui permet de s’adapter à « la politique de chaque ville  », dit Matt BLANKS, précisant que 150 villes travaillent déjà avec Mastercard. Mais quid des data récoltées  ? Échappent-elles aux opérateurs historiques  ? Pas d’inquiétude  : Mastercard voit qu’une transaction a été effectuée à un point donné, mais c’est bien « l’opérateur qui reste propriétaire des données de sa clientèle ».

Matt BLANKS, Vice-président Global Transit,

MASTERCARD

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De gauche à droite : Benoît GEORGES, Véronique WIESINGER, Matt BLANKS, Adrian GOMEZ PASTOR.

TABLE RONDE 1

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Pour Véronique WIESINGER, c’est également «  l’expérience usager qui va façonner les transports de demain ». «  Il faut penser la mobilité autrement », insiste-t-elle, c’est-à-dire « prendre en compte les déplacements

contraints et les déplacements choisis ». En effet, puisque «  l’expérience conditionne l’usage  », il est nécessaire de garder à l’esprit que les besoins d’un usager « sont parfois par défaut ». Sa priorité : construire un « meilleur dialogue » avec ce dernier, au lieu d’une « concertation qui consiste à l’informer de ce qui a été décidé pour lui ». Mais la technologie peut-elle avoir un rôle dans cette nouvelle communication ? Oui, si l’outil est «  pensé pour l’usager  ». Elle regrette la « multiplication des applications » qui n’apporte « aucune fluidité », tout l’inverse du concept de mobilité en tant que service ! Et de rappeler, notamment, que « l’information est une chose, mais la billettique aussi est importante ». Quant à « l’acceptabilité » et la « résistance à la technologie », ces barrières sauteront, dit Véronique WIESINGER, si la qualité de l’expérience est au rendez-vous. Même chose concernant les données : « On peut convaincre les gens s’ils y voient un bénéfice. »

Le « défi » est d’autant plus complexe que les usagers connaissent parfois « mieux les technologies que nous », reconnaît Adrian GOMEZ PASTOR.

Lui aussi préconise plus de «  proximité  », mais aussi « d’améliorer les infrastructures  » avant de «  simplifier  » les usages, notamment grâce à « un facteur crucial » : les systèmes ouverts. Sans toutefois négliger l’aspect sécurité : le système choisi « doit être simple, fiable et surtout sûr ».

La relation client doit par ailleurs être plus personnalisée, d’autant que les usagers utilisent bien souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur mécontentement, sourit Matt BLANKS. « Une fois ce canal ouvert, il faut communiquer et répondre pour conserver sa crédibilité  », prévient-il. Dans cette optique, IECISA a renforcé sa présence sur ces plateformes et amélioré ses call centers pour être davantage à l’écoute et accompagner les clients, «  la clé du succès », insiste Adrian GOMEZ PASTOR. De son côté, Véronique WIESINGER a elle une « vision plus mitigée » de ces outils, qui peuvent avoir un « effet pervers ». D’un côté, l’usager devient « une sorte d’employé de la SNCF » et de l’autre, certains outils « détournent les trajets mis en place par les autorités », comme Waze, qu’elle cite. « Il faut partir des besoins réels des usagers, et non pas ceux fantasmés à partir des smartphones. »

Des besoins qui peuvent cependant être modifiés à la demande « par les nouvelles technologies et des méthodes de persuasion » lorsque « les villes ont du mal à faire face à la pression en terme de mobilité », indique Matt BLANKS. Et avec l’apparition de nouveaux modes de transport concurrents comme le covoiturage, les VTC et autres trottinettes électriques, les villes doivent impérativement se doter d’un « système global et multimodal dans lequel le transport public est la clé de voûte  », affirme Adrian GOMEZ PASTOR, afin de tenir cette promesse de la mobilité en tant que service.

Quant à la gratuité pour tous, elle peine à convaincre. Véronique WIESINGER y voit une « très mauvaise idée » qui va « couper les sources de financement et d’investissement ». Adrian GOMEZ PASTOR et Matt BLANKS se disent eux favorable à une politique incitative «  dans certaines circonstances », en veillant toutefois, avertit ce dernier, à ne pas « créer un problème en cherchant à en résoudre un autre ».

Les nouvelles technologies vont-elles réinventer la mobilité ?

Venu présenter une étude menée par son cabinet, Guillaume DURAND distingue trois grandes catégories parmi les 400 startups de la mobilité routière examinées.

D’abord, l’innovation technologique au niveau du véhicule lui-même (systèmes embarqués, IA, cartographie, connectivité des données, faible émission)  ; ensuite, les services de mobilité autour d’une voiture dont l’usager n’est plus propriétaire (covoiturage, VTC, véhicules individuels en libre-service…)  ; enfin, une réflexion autour des nouveaux modes de transport et des nouvelles mobilités (trottinettes, scooters électriques, drones…).

S’il estime indispensable « d’offrir la meilleure combinatoire aux usagers » (itinéraires, paiement), il faut également « innover dans les infrastructures elles-mêmes  »  : communication entre véhicules et route, stationnement intelligent, recharge électrique… L’expérimentation, l’organisation des bassins d’innovation, la communication entre les différents acteurs du secteur et l’encouragement des pouvoir publics seront les clés du succès.

Les acteurs traditionnels de l’automobile, eux, ne sont pas en reste. Olivier DUFIEUX rappelle que son entreprise investit chaque

Table ronde 1

CONNECTED CITIES SUMMIT • Synthèse des débats du vendredi 9 novembre 2018

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Véronique WIESINGER Membre du bureau national, FNAUT

Adrian GOMEZ PASTOR, Chief of Transport Business,

INFORMATICA EL CORTE INGLÉS (IECISA)

Guillaume DURAND Partner,

WAVESTONE

Olivier DUFIEUX Responsable stratégie, BMW FRANCE

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année un peu plus dans l’innovation  : mobilité partagée, électrique ou individuelle premium, la marque allemande s’est positionnée dans le monde entier. Avec Audi et Daimler, elle a même racheté l’application de partage de données Here développée par Nokia. Ces alliances totalement nouvelles, où des constructeurs concurrents sur les véhicules deviennent associés sur des plateformes, est une « situation win-win-win entre le privé, le public et l’utilisateur final », plaide-t-il. Des coopérations «  vraiment utiles  », car «  un groupe comme BMW ne peut pas être aussi agile que des petites startups ».

Dans l’ensemble, Mathieu SABARLY observe chez les constructeurs un «  mouvement généralisé  » vers «  la bataille du serviciel et de la mobilité partagée » –pour changer leur image

autant que pour « trouver de nouveaux consommateurs ». Mais si les investissements sont là, «  la part du chiffre d’affaires reste néanmoins très limitée  », nuance-t-il. Et pour trouver une voie économique viable dans ce segment, il faudra jouer « collectif » et penser « chaîne globale » et « économie de masse » plutôt qu’initiatives isolées. Il en est convaincu : « La rentabilité se fera avec des nouveaux paradigmes qui sont ceux de l’économie partagée. »

Mais qui dit mobilité dit avant tout infrastructures, qui font face à de nouvelles pressions. Les opérateurs télécom ont beau être «  agnostiques  » aux nouvelles technologies, décrit Jean-Louis MOUNIER, leur mission est bien «  d’aider les clients à développer leurs services ».

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De gauche à droite : Benoît GEORGES, Olivier DUFIEUX, Jean-Louis MOUNIER, Mathieu SABARLY.

TABLE RONDE 2

Mathieu SABARLY Manager, WAVESTONE

Pour cela, il identifie quatre conditions : 1. Développer la connectivité des moyens de transport

quels qu’ils soient ; 2. Améliorer la couverture des réseaux sur tout le territoire

et le transport des données ; 3. Normaliser l’interopérabilité des dispositifs ; 4. Sécuriser les données et les systèmes.

Quant à la 5G, s’il s’agit selon lui d’un «  prérequis  », notamment pour les véhicules autonomes, «  la clé va être dans le maillage et la densité  ». Il faudra pour cela convaincre l’opinion publique, hostile aux antennes-relais, car « on veut les usages, mais pas les infrastructures qui permettent de les assurer »… Sans oublier le challenge des «  freins réglementaires », qui d’après lui « ne permettent pas d’assurer sereinement une vitesse d’exécution  ». En somme, c’est un gros « travail de pédagogie » qui attend ces acteurs essentiels de la mobilité.

Et du côté des géants du numérique, ont-ils un rôle à jouer dans tout cela ? « C’est schizophrénique », reconnaît Mathieu SABARLY. Il pointe d’un côté la «  nécessité  » de s’allier aux GAFA/BATX, et de l’autre, celle de la « granularité » des systèmes. Autrement dit, l’enjeu est de «  conserver ces données, tout en donnant le minimum » aux GAFA… mais en veillant à «  partager des data entre différents opérateurs ». BMW a quant à elle construit son propre data center afin que les données restent en Allemagne, explique Olivier DUFIEUX. Toutefois, il n’écarte pas de faire appel à un « professionnel de la donnée » s’il se montre moins onéreux, mais non sans « contraintes ». Lui qui voit les data comme un «  élément concurrentiel important  » affirme  : «  Mieux vaut avoir un mauvais algorithme et plein de données, qu’un bon algorithme mais peu de données. »

Partie 2 Le Grand Paris d’ici aux JO 2024

Avant l’objectif, fixé à 2050, d’une capitale zéro carbone, une autre date « charnière » se profile : 2024 et l’organisation, à Paris, des JO d’été. Jean-Louis MISSIKA, voit dans la manifestation un «  double défi  » . À la fois une «  transformation d’aubaine » en terme de « vitrine » (mobilité, bâtiments à énergie positive…), mais aussi une réflexion sur le «  réemploi  ». Il faudra, dit-il, construire

Jean-Louis MOUNIER Directeur général adjoint en charge

de l’industrie et de l’innovation, TDF

Jean-Louis MISSIKA Adjoint et responsable des villes intelligentes, MAIRIE DE PARIS

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des bâtiment « mutables » qui « ne doivent pas être des éléphants blancs  ». En somme  : «  Réussir l’événement, mais aussi l’héritage. » Pics de chaleur, migration, énergie, robots taxis, inondations, sécurité… Le Paris de demain devra être «  résilient  » pour s’adapter à de nombreuses «  transformations sociales et humaines très dures  ». Un bouleversement «  considérable  » de notre mode de vie nous attend, prévient-il, mais pour autant, «  les relations humaines ne doivent pas être entamées ».

Transition énergétique : où en est le Grand Paris ?

Transport, durabilité, logement… et l’énergie dans tout ça  ? Philippe JACQUES admet que les problématiques sont « transversales » mais que la transition énergétique

n’est pas forcément reléguée au second plan. Il préconise néanmoins d’adopter une vision globale, « de la production à la consommation  ». Car l’idée n’est pas seulement de choisir la meilleure source d’énergie possible, mais surtout de ne plus en consommer autant  ! C’est autour de cette perspective que doit s’articuler, dit-il, « la conception d’un immeuble, d’un îlot ou d’un quartier ». Or, si en terme de « pensée générale et de structuration », les acteurs sont « déja largement en ordre de marche », il y a tout à faire du point de vue réalisation.

Justement, comment Enedis, qui compte 37 millions de clients en France, appréhende-t-elle le Grand Paris  ? Nicolas MACHTOU rappelle d’abord que l’Île-de-France, ce sont des «  appels de puissance

gigantesques  » pour une région qui produit très peu d’énergie. Et sa particularité, d’un point de vue électrique, c’est sa «  capacité à résister aux chocs  » malgré un «  patrimoine ancien  ». Un «  défi industriel important  », pour Enedis, qui consiste donc à «  accompagner le développement économique » de cette zone extrêmement dynamique (30 % du PIB national). Métro, logement, gares… Le Grand Paris est donc un « vecteur d’accélération de la transition énergétique » doublé d’une « opportunité historique  » de transformer l’Île-de-France, en mettant à profit « les dernières technologies disponibles ».

Comme généraliser l’autoconsommation collective par exemple  ? Philippe JACQUES en doute et évoque plutôt des «  projections à long terme  ». Déjà qu’elle est

«  plus compliquée à structurer que l’autoconsommation individuelle  », la densité urbaine en IDF brouillerait davantage l’émergence d’un «  business model rassurant pour un acteur économique normal  ». L’objectif, pour 2050, c’est plutôt «  foisonner les profils de consommation ». Or, accélérer l’autoconsommation devra passer nécessairement par « des choix politiques », afin de rassurer les investisseurs.

En terme de transition énergétique, le transport routier n’est pas en reste, et pour cause  : en France, 87 % des marchandises transitent par la route. Les infrastructures sont-elles en place pour les poids lourds électriques, notamment les bornes de recharge  ? Cela concerne surtout l’automobile, rappelle François SAVOYE, puisque le transport routier « opère dans un mode captif  ». «  On a besoin d’une versatilité dans le monde automobile, alors qu’avec les poids lourds, les missions sont parfaitement prédictibles. »

L’automobile électrique, donc, qui représenterait un million de véhicules en IDF à l’horizon 2030, détaille Nicolas MACHTOU. De ce point de vue, le Grand Paris est une «  opportunité majeure de réaménagement durable du territoire  », qui permettrait aux collectivités de «  se réapproprier l’espace public pour l’adapter aux besoins des consommateurs  ». Des besoins électriques qui vont augmenter, avec « des catégories de gens qui ont besoin de plus de flexibilité ». Le secteur énergétique devra ainsi collaborer avec les opérateurs et les collectivités locales afin d’accompagner ces spécificités en «  déployant des réseaux de bornes adaptés ».

Reste néanmoins une inconnue, souligne Philippe JACQUES : «  la révolution du stockage  ». François SAVOYE en est convaincu : le véhicule to grid « constitue une opportunité considérable pour l’avenir  » et «  l’actif que représentera le parc roulant connecté pour stabiliser le réseau sera important ». Tout l’enjeu sera donc de « mettre en place les standards de communication, interconnectés et interopérables  » et favoriser un mix énergétique, afin de «  trouver la bonne énergie, pour le bon usage, au bon moment ».

Mobilité : quelle transition digitale des infrastructures d’ici 2024 ?

Expérience usager, nouvelles technologies, transition énergétique… Au cœur de tout cela, il y a le numérique et ses précieuses données. Surtout pour les infrastructures, où cette transformation digitale s’apparente à une véritable transformation industrielle « à tous les étages »,

Philippe JACQUES Avocat associé, LPA-CGR AVOCATS

Nicolas MACHTOU Directeur délégué,

ENEDIS

François SAVOYE Directeur de la stratégie des énergies,

RENAULT TRUCKS

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précise Jean-Jacques THOMAS. Vitesse, maintenance, surveillance ou encore consommation, avec pour mission de «  garantir une fiabilité et une qualité de service toujours meilleures ».

Lui souhaite que « la data soit le socle industriel de toutes les transformations  » et puisse «  nourrir et optimiser les process standards  ». En somme  : «  Inventer l’esperanto de la data ferroviaire pour accéder, comprendre et utiliser la donnée, et pour que chacun puisse contribuer à la dynamique globale. »

À la RATP, à la fois acteur d’infrastructures et transporteur, la « stratégie digitale est définie dans une logique globale », explique Vania RIBEIRO. Les données, accessibles à tous les métiers et de plus en plus en temps réel, sont ensuite structurées puis déversées « de manière réactive à chaque fois qu’on développe de nouveaux services  », mais aussi «  de manière pro-active, en identifiant des sources de données stratégiques ». Objectif : «  Inventer de nouveaux services pour créer de la valeur et méliorer l’expérience client. »

Du côté de SAFERAIL, indique Didier BARBAUD, le numérique est surtout présent dans les postes d’aiguillage

et les systèmes de contrôle-commande pour « gérer la sécurité ferroviaire » via des automatismes. Mais l’entreprise nourrit une ambition pour le moins « disruptive » : transférer les données

Jean-Jacques THOMAS Directeur digital & innovation, SNCF RESEAU

De gauche à droite : Arnaud FLEURY, Didier BARBAUD, Thomas BRANCHE, Vania RIBEIRO, Jean-Jacques THOMAS.

TABLE RONDE 3

Vania RIBEIRO Chief Digital Officer,

RATP

Didier BARBAUD Président-directeur général, SAFERAIL

de sécurité dans le cloud, au lieu des calculateurs physiques posés le long des voies. Pari risqué, car au-delà du « frein psychologique », il y a un enjeu essentiel de cyberscurité. Les premiers postes d’aiguillage informatisés devraient être opérationnels en 2022-2023.

Une transformation digitale déjà bien entamée, assure Thomas BRANCHE, qui la décrit comme un « challenge de performance et de projets », avec des « calendriers et des budgets plus serrés qu’avant ». Aujourd’hui, concrètement, «  il faut progresser plutôt que simuler ». Et puisqu’il s’agit d’un défi « fondamental pour le quotidien des gens », si l’on évoque volontiers 2024 ou encore 2050, «  2018 aussi est important » !

Qu’apporte le numérique au ferroviaire en terme de maintenance, de fréquence et de régularité ? « On va dans le cœur des systèmes d’exploitation chercher ces données, pour assurer la sécurité du système », détaille Vania RIBEIRO. Elle évoque également la notion de « cockpit d’exploitation », qui permet aux régulateurs de prendre des décisions en temps réel. Sans oublier l’aide au diagnostic d’incident ou à la maintenance, essentiel à la prévention.

Jean-Jacques THOMAS décrit quant à lui une «  transformation de l’ensemble du process métier  », qui «  simplifie le travail et remonte les données de manière plus fluide et synchronisée  ». Mais pour «  réinventer en profondeur le process », dit-il, «  il ne faut pas seulement se focaliser sur la technologie, mais aussi s’intéresser à la transformation du métier qui va avec ».

Reste la question de l’automatisation des lignes, qui ne met pas tout le monde d’accord. Didier BARBAUD trouve la France « très en retard » depuis le premier VAL inauguré en 1983 et évoque « des freins au niveau social », puisque la technologie est déjà là. De son côté, Thomas BRANCHE rappelle que si l’automatisation a « amélioré la fréquence et la qualité  », il y a «  d’autres enjeux  » notamment organisationnels. Pour Jean-Jacques THOMAS, cela reste un « défi technique » dans certains endroits, et qu’il faut « mettre cette densification là où il y en a besoin ». Vania RIBEIRO ne dit pas autre chose : l’automatisation est « un rapport qualité/coût » auquel on a recours lorsqu’on ne peut plus « augmenter la fréquence en manuel ». Face à la pression croissante, dit-elle, l’enjeu réside davantage dans « l’intégration de la mobilité », afin de répondre aux besoins des voyageurs. Thomas BRANCHE se veut optimiste et note « un vrai changement culturel », avec « des gens qui ont une véritable mentalité de projet et veulent simplifier les choses ». Reste aujourd’hui à concrétiser les efforts en posant « des exigences clés en terme de disponibilité et de calendrier ». n

Thomas BRANCHE Vice-président senior transition

énergétique & infrastructure, ASSYSTEM