synthese recherche droit penal

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FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES DE LUNIVERSITÉ DE POITIERS EPRED (EA 1228) ÉQUIPE POITEVINE DE RECHERCHE ET D’ENCADREMENT DOCTORAL EN SCIENCES CRIMINELLES !" $%&’( )*"+, )&-(.&$/%"/ 0 .123 34 53625378193 :3 7368;1432 <9=>?81=42 7=483@5=6;1432 DIRECTION SCIENTIFIQUE Michel MASSÉ Professeur à l’université de Poitiers Jean-Paul JEAN Magistrat, professeur associé à l’université de Poitiers André GIUDICELLI Professeur à l’université de La Rochelle RECHERCHE RÉALISÉE AVEC LE SOUTIEN DE LA MISSION DE RECHERCHE DROIT ET JUSTICE Novembre 2007

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Le droit pénal français, bien que bénéficiant d'un nouveau code pénal depuis le 1er mars 1994, est l'héritier de deux codes précédents dont il reprend en grande partie les principes. Tout d'abord le Code révolutionnaire de 1791, qui fut la première tentative de codification de l'ensemble de la matière pénale, mais surtout le Code pénal impérial du 12 février 1810 qui fut plus durable bien que fortement modifié au cours du temps.

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  • FACULT DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES DE LUNIVERSIT DE POITIERS EPRED (EA 1228)

    QUIPE POITEVINE DE RECHERCHE ET DENCADREMENT DOCTORAL EN SCIENCES CRIMINELLES

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    DIRECTION SCIENTIFIQUE

    Michel MASS Professeur luniversit de Poitiers

    Jean-Paul JEAN Magistrat, professeur associ luniversit de Poitiers

    Andr GIUDICELLI Professeur luniversit de La Rochelle

    RECHERCHE RALISE AVEC LE SOUTIEN DE LA MISSION DE RECHERCHE DROIT ET JUSTICE

    Novembre 2007

  • FACULT DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES DE LUNIVERSIT DE POITIERS EPRED (EA 1228)

    QUIPE POITEVINE DE RECHERCHE ET DENCADREMENT DOCTORAL EN SCIENCES CRIMINELLES

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    Bernadette AUBERT Matre de confrences, HDR Michel DANTI-JUAN

    Professeur Laurent DESESSARD

    Matre de confrences Jean-Paul JEAN

    Professeur associ Rouhedine KORDALIVAND

    Doctorant

    Laurence LETURMY Matre de confrences, HDR

    Michel MASS Professeur

    Marie TINEL Doctorante

    Michel BOUDOT-RICUR Matre de confrences luniversit de Poitiers

    quipe de recherche en droit priv Caroline DUPARC Matre de confrences

    Matre de confrences luniversit dAngers, LARAJ

    Andr GIUDICELLI Professeur luniversit de la Rochelle, CELJR

    INSTITUT DE CRIMINOLOGIE DE LA FACULT DE DROIT LJUBLJANA SLOVNIE

    Marko BONJAK Docteur en droit, chercheur

    Matja JAGER Directeur, professeur associ

    Katja UGMAN Professeur de droit pnal

    UNIVERSIT CATHOLIQUE DE BUENOS-AIRES ARGENTINE

    Carlos MAHIQUES Professeur de droit pnal et de politique criminelle,

    juge au Tribunal de cassation pnal

    LE PRSENT DOCUMENT CONSTITUE LE RAPPORT SCIENTIFIQUE DUNE RECHERCHE RALISE AVEC LE SOUTIEN DU GIP MISSION DE RECHERCHE DROIT ET JUSTICE (CONVENTION N 04-25).

    SON CONTENU NENGAGE QUE LA RESPONSABILIT DE SES AUTEURS. TOUTE REPRODUCTION, MME PARTIELLE, EST SUBORDONNE LACCORD DE LA MISSION.

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    AVANT-PROPOS

    La frnsie lgislative en matire pnale constitue, pour la France, la face visible des volutions contemporaines du droit pnal. Elle met en vidence une pression sociale et mdiatique indniable sur le politique. Mais ce phnomne traduit-il des volutions beaucoup plus profondes du droit et du systme pnal dans son ensemble ?

    De nombreuses recherches sintressent aux recompositions en cours du champ pnal, qui paraissent communes la plupart des dmocraties occidentales. On peut citer, par exemple, les travaux de Alvaro PIRES (notamment : La Rationalit pnale moderne, la socit du risque et la juridicisation de lopinion publique. Revue Sociologie et socit 2001, p. 179), ceux rassembls par Maria-Luisa CESONI (Nouvelles mthodes de lutte contre la criminalit : la normalisation de lexception. Bruxelles : Bruylant ; Paris : LGDJ, 2007), ou encore la recherche intitule LInnovation pnale. Recherche empirique et thorique dirige par Franois CAUCHIE et Dan KAMINSKI (Revue de criminologie lectronique bilingue Champ pnal / Penal field [http://champpenal.revues.org/]). Les 5, 6 et 7 dcembre 2007 se droule Montral un colloque organis par le Centre international de criminologie compare, intitul : Le Pnal aujourdhui : prennit ou mutations ? .

    Ce sont aussi ces mutations que notre quipe denseignants chercheurs a voulu saisir, en partant de lhypothse de la postmodernit. Parce que nous pensions que la grille de lecture offerte par cette hypothse permettait de sinterroger sur dventuelles ruptures pistmologiques touchant notre discipline. Parce que, si Jacques CHEVALLIER avait brillamment pris le risque dune telle approche de lvolution du droit 1, si Franoise TULKENS, Yves CARTUYVELS et Mireille DELMAS-MARTY avaient ouvert, chacun leur faon, le champ de la rflexion, aucune analyse transversale documente navait t tente jusque-l dans le domaine pnal. Ainsi, le seul approfondissement doctrinal opposant le concept de droit pnal classique celui de droit pnal moderne mettait dj en vidence, pour mieux resituer les volutions contemporaines, la ncessit dune remise en perspective historique diffrente du droit pnal de fond et du droit pnal de forme.

    1 Ltat postmoderne. LGDJ, 2003. (Coll. Droit et socit)

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    Notre recherche ne prtend pas lexhaustivit. Elle na pu porter que sur certains secteurs du champ pnal qui nous ont cependant paru suffisamment significatifs et pour lesquels nous pensions pouvoir mobiliser les comptences ncessaires.

    Elle ne prtend pas non plus rpondre oui ou non la question pose. La grille de lecture fournie par lhypothse postmoderne na t applique qu titre heuristique (pour une dmarche comparable, mais dinspiration diffrente, voir LHypothse du no-fodalisme : le droit une nouvelle croise des chemins / sous la direction de Jos LEFEBVRE. PUF, 2006).

    Cette dmarche nous a permis de dresser le constat de deux volutions radicales, indfectiblement lies : dune part, le dcrochage des principes qui avaient fait le droit pnal moderne ; dautre part, son corollaire, la monte de lidologie du pragmatisme qui, au nom de lefficacit, transforme progressivement toute lconomie du systme pnal. Cest autour de ces deux axes que nous avons dclin lensemble des travaux raliss par lquipe de recherche, travaux prsents, dans ce rapport, aprs une mise en perspective sous forme de synthse.

    Nous souhaitons remercier tous les enseignants-chercheurs franais et trangers, les doctorants, les personnels administratifs, qui ont bien voulu contribuer ce rapport et nous suivre dans cette hypothse que lon nous annonait risque. Nos remerciements vont aussi la Mission de recherche Droit et Justice qui a soutenu ce projet et son conseil scientifique qui a bien voulu manifester sa confiance notre quipe.

    Ce travail est ddi la mmoire de notre regrett doyen Pierre COUVRAT qui fut aussi, parmi ses multiples activits, un temps prsident du conseil scientifique de la Mission de recherche.

    Michel MASS Jean-Paul JEAN Andr GIUDICELLI

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    SYNTHSE ET CONCLUSION

    Le projet de lquipe Poitevine de Recherche et dEncadrement Doctoral en sciences criminelles (EPRED) a t conduit sous la direction scientifique conjointe de Michel MASS, professeur luniversit de Poitiers, directeur du Master II recherche Droit pnal et sciences criminelles , Jean-Paul JEAN, magistrat, professeur associ luniversit de Poitiers et Andr GIUDICELLI, professeur luniversit de La Rochelle.

    Ont contribu par des contributions thmatiques : ! des enseignants-chercheurs de la facult de droit et des sciences sociales de Poitiers :

    Michel DANTI-JUAN, professeur, Bernadette AUBERT, Michel BOUDOT-RICUR, Laurent DESESSARD et Laurence LETURMY, matres de confrences ;

    ! Caroline DUPARC, matre de confrences luniversit dAngers ; ! lquipe slovne de lInstitut de criminologie de luniversit de Ljubljana :

    Marko BONJAK, Matja JAGER et Katja Katja UGMAN ; ! Carlos MAHIQUES, professeur luniversit de Buenos-Aires (Argentine).

    Plusieurs autres universitaires et chercheurs, franais et trangers, sont intervenus lors de sminaires, dont certains par des contributions qui feront lobjet dune publication ultrieure : Alessandro BERNARDI, Henry BOSLY, Yves CARTUYVELS, Jacques CHEVALLIER, Michel MIAILLE, Thodore PAPATHEODOUROU, Michel PORRET, Denis SALAS, Yuji SHIRATORI.

    Marie TINEL et Rouhedin KORDHALIVAND, doctorants, ont assur le secrtariat scientifique et ont labor la bibliographie.

    Lhypothse de dpart de la recherche tait que les volutions contemporaines du droit pnal, remises en perspective historique, semblaient traduire des ruptures avec les principes qui fondent le systme pnal franais. Le concept de postmodernit pouvait apparatre le plus adapt pour servir de grille de lecture, tant la mondialisation des changes, linternationalisation des conflits et des modes de rgulation, la socit de linformation et des rseaux, les mutations technologiques bouleversent nos perceptions, nos modes de raisonnement et dorganisation, nos rponses aux grandes questions de socit. Le droit pnal serait touch au cur de deux de ses composantes essentielles : la stabilit des normes et la souverainet.

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    1. LHYPOTHSE DE LA POSTMODERNIT

    Nos socits passeraient de lre de la modernit celle de la postmodernit. Ce concept de postmodernit est largement utilis dans lanalyse des socits contemporaines. Il a fait son entre sur la scne intellectuelle la fin des annes soixante-dix pour qualifier un nouvel tat des socits dveloppes, marqu notamment par lbranlement des repres rationnels et des grandes idologies de lhistoire, la monte en puissance de lindividu, le poids des mdias, lacclration du temps et une remise en cause du fonctionnement social et culturel par lessor de la consommation et de la communication de masse.

    La priode postmoderne serait marque par une certaine perte de confiance en la science et la dsillusion par rapport au progrs ; le dclin de lide dune organisation rationnelle du monde et de la vie en socit ; un monde irrductiblement caractris par la complexit, le dsordre, lincertitude ; Lagitation mdiatique permanente, les modes, lacclration du temps se sont substitus une perspective longue et un sens de lhistoire vers un mieux universellement promis Les sciences sociales sont irrigues par des concepts tels que lanomie, laporie, le rhizome, le labyrinthe, le rseau qui, pour le moins, fixent peu de repres rassurants !

    Apparu en premier dans le domaine de larchitecture, le concept de postmodernit a travers toutes les disciplines. Dans le domaine de la littrature, ce courant de pense, trs en vogue aux tats-Unis, est rest en France limit quelques cercles gravitant autour de ses figures fondatrices la fin des annes soixante-dix : Jean-Franois LYOTARD, auquel on attribue lintroduction du concept, mais aussi Gilles DELEUZE, Jean BAUDRILLARD ou Gilles LIPOVETSKY. Dautres intellectuels sont plus ou moins apparents, tels Jacques DERRIDA, Flix GUATTARI, Michel FOUCAULT ou Jacques LACAN, dans la French theory des universits amricaines.

    Quel que soit le champ disciplinaire concern (pour la criminologie, voir BRODEUR. 1993), les universitaires dbattent toujours de savoir quand commence la priode moderne, pour distinguer ce qui est moderne de ce qui ne le serait pas. Il semble cependant quil existe un consensus chez les historiens pour associer lre moderne avec les Lumires partir du milieu du XVIIIe sicle. La priode postmoderne pourrait se percevoir au dbut des annes soixante-dix, saffirmer avec la chute du mur de Berlin en 1989 et la fin dun mode bipolaire, les attentats du 11 septembre 2001

    De nouveaux paradigmes, de nouveaux modes de vie accompagnent les volutions politiques, conomiques et sociales la charnire des deux sicles et des deux millnaires : socit postindustrielle et conomie de linformation ; capitalisme consumriste et toute puissance du marketing ; mondialisation et effacement de ltat providence versus gonflement de ltat recentr sur ses fonctions rgaliennes, ce qui intresse directement la fonction mme du droit pnal.

    Lanalyse postmoderne na cependant pas convaincu tout le monde et la recherche de lquipe poitevine se veut prudente dans ses analyses. Ainsi, avec dautres, Alain FINKIELKRAUT en appelle aux valeurs rpublicaines contre les communautarismes et lindividu consommateur-roi. Le recours, par les contempteurs de la postmodernit, un langage abscond, pseudo-scientifique, a t dnonc. En 1996, un canular : laffaire SOKAL , a branl les sciences sociales [SAUVAGEAU, 1997]

    1.1. DROIT MODERNE ET DROIT POSTMODERNE

    On peut certes douter de lexistence de ruptures pistmologiques en droit. Lhypothse est nanmoins stimulante et sappuie notamment sur lanalyse de Benoit FRYDMAN [1996] qui voque la

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    perspective dune histoire de la pense juridique place sous le signe non de la continuit mais de la rupture, de ruptures peut-tre brutales, de vritables rvolutions scientifiques .

    Se fondant sur les concepts de rvolution et de paradigme introduits par Thomas KHN dans lpistmologie des sciences dures , Benot FRYDMAN considre que des renversements comparables se sont produits chez les juristes, avec des modifications radicales de lide que les hommes se font de la loi. Il en donne trois exemples : dabord la rvolution jus naturaliste (cole du droit naturel moderne, lge classique, XVIIe et XVIII e sicles), rupture, au nom de la raison, avec le modle scolastique hrit du Moyen-ge ; ensuite la rvolution philologique au dbut du XIXe sicle, rupture, au nom de la science pratique des juristes, avec le modle prcdent et qui a donn naissance aux diffrentes manifestations du positivisme ; enfin, la rvolution raliste et sociologique qui, un sicle plus tard, bousculera la prcdente (entre temps devenue une sorte de doctrine officielle de la science du droit) sans toutefois parvenir la renverser : Dans le pass, ces coupures temporelles ont t largement occultes au profit dune division, gographique celle-l, des ordres juridiques en tats-nations et, au-del, entre pays de droit civil et pays de common law, souvent prsents comme les deux continents de la raison juridique occidentale. Et il voque, pour la priode contemporaine, la rvolution postmoderne , cette dernire rvolution saccompagnant dimportants changements de notre conception du droit et de la raison juridique, tournant rhtorique [] qui semble marquer labandon du projet, n avec la modernit, de construire une science du droit dterministe et univoque.

    Toute analyse sur la postmodernit doit intgrer une interrogation sur ces ruptures. Cest en cela que sont stimulantes les thories de la postmodernit, mme si la postmodernit en droit pnal ne constitue quune hypothse heuristique, pose, dans lintitul mme de nos travaux, sur le mode de l'interrogation.

    Le droit traditionnel, si lon ose le caractriser en quelques mots, tait religieux dans ses fondements, pluraliste dans ses sources et collectiviste dans ses normes. Le droit moderne, sous la double influence des juristes du droit naturel et des philosophies du contrat social, sest lacis, unifi et individualis. La rationalit juridique, notamment travers la codification, a construit une hirarchie des normes, des catgories, plus de clart et de scurit, renforant ainsi son autorit et sa volont duniversalit. En France, lunification se ralise autour de ltat-nation et le droit moderne apparat alors comme lexpression sacralise, par la loi, de la volont gnrale. Lindividu est la valeur premire et lautonomie de la volont lui permet de crer du droit par dclaration ou contrat. Les droits dits subjectifs sont opposables ltat qui doit les protger.

    Ce subjectivisme est li luniversalisme, lun et lautre tant des marques du droit naturel pens par les Grecs et parvenu jusquaux Lumires travers de nombreux avatars. La croyance dans le droit rationnel et juste, la confiance en la loi considre comme linstrument privilgi dorganisation des rapports sociaux, sinscrivent dans le sens du progrs des socits occidentales. Aprs la Premire Guerre Mondiale, certains croient mme la paix par le droit .

    Ce droit moderne a t en partie consolid par la doctrine. Le positivisme juridique franais a longtemps empch louverture dautres thories du droit, propices des questionnements radicalement diffrents, tels lanalyse conomique du droit, les Critical Legal Studies, le mouvement Droit et littrature dans les pays anglo-saxons. Pourtant, dpassant, avec quelques autres, lapproche strictement positiviste, Jean CARBONNIER, en sessayant une sociologie du droit sans rigueur , avait mari classicisme de la pense juridique et ouverture dautres modes danalyse.

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    Lhypothse dun droit postmoderne a t formule dans le champ de la recherche juridique, partir du constat de la fin annonce du positivisme juridique, par des auteurs qui sintressent plus lhistoire, la sociologie et la thorie du droit. Chez les francophones : Andr-Jean ARNAUD, Franois OST, Jacques CHEVALLIER, dbats dvelopps en particulier dans la revue Droit et socit. Ces auteurs constatent une perte de confiance dans le droit et un dclin donnant naissance, dans les annes soixante-dix au mouvement de drgulation et lmergence dune nouvelle normativit marque par la complexit et la par flexibilit.

    La complexit trouve sa source dans la multiplicit des normes juridiques, dans le dclin de la loi au profit du rglement, dans lmergence des autorits administratives devenues indpendantes. Le modle pyramidal stiole pour laisser place celui du rseau, phnomne mis en vidence dans les sciences sociales. La flexibilit et le flou du droit caractrisent des solutions pragmatiques, certes adaptables cette ralit de plus en plus complexe, mais au dtriment de la stabilit et de la scurit juridiques. La lgitimit de la norme ne serait plus acquise, elle ne pourrait svaluer qu laune de son efficacit, de ses rsultats.

    Ltat normatif et rgulateur, sappuyant sur son outil majeur, le droit national, est contraint ou concurrenc par les normes europennes et internationales, par les pouvoirs conomique et mdiatique, mais aussi par les rgulations contractuelles et par les modes ngocis de rsolution des conflits, quil est par ailleurs oblig de susciter pour faire face aux demandes particulires de rgulation qui explosent. Le mythe moderne dun tre humain immuable et universel est remis en cause par les droits des individus comme autant de catgories sociales particulires, de minorits revendiquant des droits propres.

    Le droit moderne codifi stait aussi en partie structur travers une certaine dfiance vis vis de linstitution judiciaire, dfiance non contradictoire avec le positivisme conu comme une vritable science de la jurisprudence. Or, la monte en puissance du juge dans la seconde partie du XXe sicle, au plan national et international, la superposition et la concurrence des instances judiciaires, le recours du juge aux sources internationales voire supranationales, ont conduit voquer une hypersubjectivisation du droit revendique en justice au nom des droits de lindividu face la puissance tatique.

    Ces bouleversements ncessiteraient, pour certains, un renouvellement des concepts thoriques et des cadres de pense du monde des juristes. Lhypothse dun nouveau paradigme, celui du passage la postmodernit, formule par les thoriciens dun droit postmoderne, fournirait des outils danalyse, dont il faut se demander sils sont opratoires dans le champ pnal.

    1.2. CLASSICISME ET MODERNIT EN DROIT PNAL

    Peut-on rduire la focale et tenter dappliquer le concept de postmodernit au seul droit pnal pour une approche plus pragmatique et oprationnelle ? Mme si lintrt de la dmarche a t un temps discut [DELMAS-MARTY, 2004], lexercice pouvait paratre a priori plus facile, tant le droit pnal concerne directement le domaine de la souverainet, frapp de plein fouet par les mutations qui abolissent les frontires. En effet, la monte du droit pnal europen et l'apparition de juridictions internationales, les multiples dispositifs systmes dchange et de coopration entre les tats, la permabilit des normes et des systmes judiciaires, marquent des volutions radicales dans lexercice de la souverainet.

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    Le thme de lvolution du droit, de son mouvement, est trs li la conception occidentale du droit. Selon les cas ou selon les auteurs, il vhicule une vision faite dalternance, de continuit, de ruptures, de cycles et de crises [OPPETIT, 1998]. Dans cette perspective volutionniste, intgrer la notion de postmodernit revient poser la question dun changement radical par rapport un droit pnal moderne , qui lui-mme aurait succd un droit pnal classique .

    Lanalyse exhaustive des traits et des manuels de droit pnal montre que les auteurs se font souvent des ides diffrentes de ce qui correspond au classicisme ou la modernit dans lvolution du droit pnal. Il ressort cependant que, dans un premier temps, celui du monisme pnal , les diffrences par rapport lAncien Rgime avaient concern avant tout le respect des droits de lindividu face larbitraire de la rpression. Mais rien navait chang quant lidologie rtributive et celle du libre-arbitre. Le positivisme scientifique de la fin du XIXe sicle a mis mal lunit conceptuelle initiale du droit pnal, par la remise en cause du libre-arbitre, lmergence du concept de dangerosit, et la ncessit des mesures de dfense sociale.

    Aprs le moment important que fut la loi du 28 avril 1832 tendant les circonstances attnuantes, on peut considrer que le droit pnal moderne sest construit progressivement, en intgrant dans le modle initial, aprs les avoir refaonns, certains des bouleversements provoqus par la pense positiviste, qui avait remis en cause des postulats jugs jusque-l inbranlables : le libre-arbitre auquel les positivistes opposent le dterminisme, et la peine auxquels ils prfrent la mesure de sret. Si l'influence du mouvement positiviste sur la lgislation a t certaine, cela n'a pas entran une transformation radicale du droit pnal. Il en a t de mme des mouvements de dfense sociale qui se sont dvelopps ensuite, en particulier le courant franais anim par Marc ANCEL aprs la Seconde Guerre Mondiale. On a pu parler de noclassicisme contemporain. La vision classique du droit pnal de fond et la conception moderne (le positivisme, SALEILLES et l'individualisation de la peine, la Dfense sociale nouvelle) continuent irriguer aujourdhui les coles de pense du champ des sciences criminelles.

    En revanche, lhistoire des doctrines pnales sintresse gnralement peu la procdure pnale dont les mutations ont sans doute t plus fluides. Ainsi, le Code de procdure pnale de 1959 ne constitue pas une rupture par rapport au Code dinstruction criminelle de 1808. Les mouvements qui lont affect se sont acclrs partir des annes soixante-dix, sous linfluence du droit constitutionnel et du droit europen des droits de lhomme. Le modle du procs quitable, en dpassant lopposition accusatoire/inquisitoire, constitue certainement laboutissement de la procdure pnale moderne. De mme, les compromis procduraux pragmatiques trouvs au sein des juridictions internationales (Tribunal pnal international puis Cour pnale internationale) montrent comment un quilibre est en train de stablir entre systme continental et le systme anglo-saxon, entre garanties procdurales et ncessit de juger dans un dlai raisonnable.

    1.3. UN DROIT PNAL POSTMODERNE ?

    Lhypothse de la postmodernit en droit pnal est sujette controverse. Elle a t formule par Franoise TULKENS plusieurs reprises [2000, 2001, 2002] , en focalisant sur une des causes apparentes de rupture : Lhypothse qui est la mienne est celle dune influence dterminante du droit pnal europen sur le droit pnal lui-mme dont les fondements, comme la souverainet ou la territorialit, sont appels tre revisits. galement : Linternationalisation croissante de la dlinquance ainsi que de la raction sociale introduisent, dans le champ du pnal, une rupture

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    pistmologique qui est peut-tre aussi importante que celle qui est intervenue la fin du XVIIIe sicle et qui a donn naissance ce que lon a appel lavnement du droit pnal moderne. Le contrat social, comme socle fondateur de la lgitimit du pnal, joint la notion dtat-nation et de souverainet, a marqu de son empreinte de nombreux dispositifs du droit pnal positif tels que, par exemple, le principe de la lgalit ou celui de la territorialit du droit pnal .Ou encore, dans une vision plus large : En Belgique comme l'tranger [] les principes fondamentaux du droit pnal [] connaissent en effet des mutations fondamentales. Certains diront mme que des dogmes s'croulent.

    Mireille DELMAS-MARTY, dans un premier temps [2004] a sembl prendre de la distance vis--vis des thories de la postmodernit : La mondialisation, qui ne respecte ni les souverainets ni les territoires, est perue par beaucoup comme la marque dun droit postmoderne, qui se construit soit en opposition ( antimoderne ), soit dans le prolongement ( hypermoderne ) de la philosophie des Lumires et du droit dit moderne. Peu importe ltiquette ! Le fait est que les tats sont toujours l, identifiant le droit ltat, et ltat ces symboles que sont la territorialit et la souverainet. Mais le paysage juridique a chang . Plus rcemment [2006], lauteur sest toutefois expressment rfr aux hypothses qui nous intressent : Au stade o nous en sommes au tout dbut de cette mutation pistmologique, vritable rvolution culturelle qui affecte les notions mmes dordre juridique et de systmes de droit lhypothse du pluralisme ordonn . Et encore : La reprsentation euclidienne ( moderne ) de lordre juridique identifie ltat et reprsente comme un systme de normes et dinstitutions la fois hirarchis, territorialis et synchronis, est dsormais enveloppe par une conception non euclidienne (dite postmoderne).

    Mireille DELMAS-MARTY cite Andr-Jean ARNAUD, Yves CARTUYVELS et Jacques CHEVALLIER, qui se posent la question de la rupture ou de ladaptation dans la continuit du droit pnal moderne. Cette problmatique est bien celle de la recherche, intgrant le droit international et europen, mais centre dabord sur le droit national avec quelques dveloppements de droit compar, et sintressant plus au fond du droit quaux systmes de normes.

    Sommes-nous donc entrs dans une priode postmoderne du droit pnal ? Il est dj apparu que la menace terroriste pouvait, sous leffet de la panique quelle provoque, accrotre le basculement des socits occidentales de la dmocratie dopinion la dmocratie dmotion, dans laquelle les principes mmes les systmes pnaux sont remis en cause au profit de lgislation dexception. Le mme phnomne de panique morale avait dj touch le domaine de la lutte contre la pdophilie dans les dmocraties occidentales, ainsi que cela a dj t largement t analys dans les travaux nord-amricains. Mais la prsente recherche sintresse plus aux mouvements de fond, moins ractifs aux seuls vnements visibles. En effet, depuis deux dcennies, de profonds changements touchent le champ pnal, travers des phnomnes qui peuvent tre voqus sous forme dinventaire non exhaustif : ! linternationalisation et leuropanisation du droit pnal, sous linfluence la fois de la Cour

    europenne des droits de lHomme ainsi que dun mouvement de coopration et de rapprochement des lgislations engendr par le processus politique de construction de lUnion europenne et son volet Justice-Affaires intrieures ;

    ! la construction de la justice pnale internationale qui mixe les cultures des pays de common law avec celle des pays de droit crit ;

    ! la volont de lutter spcifiquement contre la criminalit organise transfrontire ;

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    ! la monte du juge, et plus encore du juge europen, dans llaboration des normes au dtriment du lgislateur national ;

    ! la monte des opinions publiques et des mdias sur les sujets sensibles, tels la gestion des risques, les accidents collectifs, la protection de lenvironnement, certaines formes de dlinquances en particulier en matire sexuelle lorsque les victimes sont mineures ;

    ! le poids grandissant des victimes dans les processus de pnalisation et de rparation ; ! lincapacit des systmes judicaires faire face la gestion de contentieux de masse dans le cadre

    des rponses classiques du droit pnal ; ! la demande de pnalit notamment pour les rcidivistes, la surpopulation carcrale, la demande de

    neutralisation des individus dangereux ; ! la pression policire pour obtenir des moyens denqute plus efficaces ; les nouvelles technologies

    dans ladministration de la preuve ; ! le dveloppement dune socit de surveillance et la privatisation dans lexercice des fonctions de

    scurit. Cest en intgrant tous ces facteurs dans une rflexion globale que lon peut mesurer lampleur des

    changements de perspective qui concernent ou vont concerner directement le droit pnal, en mesurant leur influence sur les principes fondamentaux qui sont le socle du droit pnal franais moderne (lgalit, territorialit, individualisation). On pourrait continuer lnumration de ces phnomnes, la plupart dj tudis de faon ponctuelle, mais rarement tous ensemble mis en perspective. On relve toutefois deux monographies qui prennent la mesure des volutions qui se sont produites depuis lapparition du droit pnal classique/moderne dfini comme le droit apparu sous la double influence de lcole du droit naturel et de la philosophie des Lumires. Dans l'une, Yves CARTUYVELS [2003] sintresse surtout aux caractristiques de la norme pnale (territorialit, lgalit) et limage du dlinquant (libert, galit, citoyennet abstraite) ; son analyse rvle le projet politique des souverains de lpoque. Dans l'autre, Massimo VOGLIOTTI [2002] dresse plus particulirement un tableau des volutions de lincrimination sur les deux derniers sicles. Mme si ces deux auteurs constatent des volutions trs substantielles, ni lun ni lautre ne concluent formellement une vritable rupture.

    Au bout du compte, apparaissent deux manires de conclure l'existence d'un droit pnal postmoderne en se rfrant l'idologie rpressive contemporaine. La premire : identifier une dmarche volontariste et rationnelle visant la construction d'un droit pnal distinct des modles prcdents. C'est la voie sur laquelle aurait pu nous engager Marc ANCEL rejetant tout la fois le dterminisme positiviste et le no-classicisme. La seconde : constater la dconstruction du droit pnal classique-moderne sans vritable rflexion d'ensemble, dans une volution obissant essentiellement des considrations d'ordre pragmatique et court terme. C'est lhypothse que nous avons retenue.

    La recherche, toutefois, ne pouvait tre approfondie que sur certains thmes prcis. Ont t choisis : la pnalisation du politique, la rpression de la dlinquance sexuelle, la responsabilit des malades mentaux, lemprisonnement, sans ngliger l'aspect procdural de la gestion des contentieux de masse par le systme pnal, en particulier celui relatif la circulation routire. Quelques exceptions mises part lots de modernit nous avons constat, dans la plupart des cas, un rel dcrochage avec certains principes du droit pnal moderne (2). L'loignement progressif de ces principes -dont on ne peut cependant pas conclure qu'il est dfinitif- s'opre au profit de la monte d'une idologie du

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    pragmatisme (3). L'un et l'autre mouvement s'analysent parfois comme des ruptures, toujours comme des volutions significatives.

    2. LE DCROCHAGE DES PRINCIPES MODERNES DU DROIT PNAL

    Le dcrochage des principes modernes du droit pnal peut tre repr travers deux phnomnes : dune part le dveloppement de mouvements de pnalit inspirs par un nopositivisme pnal ; dautre part, la pnalisation de la sphre du politique. Une illustration en est fournie par lanalyse de la situation latino-amricaine.

    2.1. LE NOPOSITIVISME PNAL

    La pense nopositivisme sest affirme en rupture avec les priodes prcdentes dans deux domaines qui ont pris une importance croissante dans les figures de la pnalit : la rpression de la dlinquance sexuelle et la responsabilit pnale des malades mentaux. Toutefois Lenfermement en milieu pnitentiaire, mme amnag pour dispenser des soins, reste la rponse centrale sinon la solution. La prison, paradoxalement, demeure depuis deux sicles un lot de modernit.

    2.1.1. La rpression de la dlinquance sexuelle La multiplication des rgles drogatoires dont lensemble compose un vritable droit pnal spcial

    serait-elle la manifestation dun passage vers un droit pnal postmoderne ? Certains laffirment. Tandis que la dpnalisation de lavortement et, paralllement, la qualification criminelle du viol auraient marqu, la fin des annes soixante-dix, lentre du droit pnal dans lge de la modernit sexuelle, lvolution postrieure, par la multiplication des infractions sexuelles et la svrit des peines encourues, associe lactivisme grandissant des associations de victimes, seraient autant dindicateurs dune postmodernit hyperrpressive . Approuver ce point de vue supposerait la constatation dune dconstruction du droit par dislocation de ses principes, gnratrice sinon dincohrence, du moins dinstabilit. Il est encore trop tt pour le dire. Mais, tout le moins, la pluralit des rgles drogatoires en la matire est le signe dune perte des repres par labolition des frontires traditionnelles celles du droit pnal. Et ce seul constat suffit avancer lhypothse de nouvelles rationalits qui sont cependant peut-tre moins la marque dun nouveau modle que dun retour danciennes doctrines.

    2.1.1.1. Labolition des frontires traditionnelles du droit pnal Lensemble des lois lorigine des dispositions spcifiques relatives la dlinquance sexuelle a

    pour finalit affiche daccroitre la rpression des auteurs dinfractions sexuelles et (ou) de renforcer la lutte contre leur ventuelle rcidive. Leur analyse montre que le renforcement de la rpression ne sest pas seulement traduit par une aggravation des peines encourues mais aussi et surtout par ladoption dune pluralit de dispositions drogatoires, dordre principalement procdural, qui conduisent ce droit saffranchir des limites caractrisant le droit pnal commun.

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    " LEXTENSION DU CHAMP DAPPLICATION DE LA LOI PNALE

    Dabord une extension spatiale, puisque, depuis 1994, le lgislateur a permis un largissement considrable des possibilits de poursuite en France des auteurs dinfractions sexuelles commises ltranger contre des mineurs.

    Ensuite une extension temporelle. Cinq lois successives ont abouti multiplier les exceptions aux rgles de la prescription de laction publique qui visent, au premier rang, les infractions sexuelles commises sur des mineurs. Entorse aux rgles communes constitutives du principe de la lgalit, ce rgime drogatoire marque aussi une volont affirme de ne rien oublier lorsquil sagit dinfractions sexuelles.

    " LES RESTRICTIONS AU DROIT LOUBLI

    Dabord une mmoire hypertrophie. Elle rsulte de rgles particulires qui affectent tant les mcanismes dextinction et deffacement des condamnations que le casier judiciaire des dlinquants sexuels. Toutes ont pour origine la loi du 17 juin 1998 qui, paralllement, crait la peine de suivi socio-judiciaire alors rserve aux seuls dlinquants sexuels.

    Ensuite des fichages spcifiques. Cest la cration du Fichier national automatis des empreintes gntiques (FNAEG ; loi du 17 juin 1998,) puis celle du Fichier national automatis des auteurs dinfractions sexuelles (FJNAIS ; loi du 9 mars 2004) dont lobjet est de prvenir le renouvellement des infractions de larticle 706-47 du Code de procdure pnale.

    Plus encore que lextension du champ dapplication de la loi pnale, linterdiction de loubli et la multiplication des fichiers sont la marque dune surenchre, sinon dune dmesure du droit pnal. Il ne sagit plus en effet de se donner de plus amples moyens pour juger lauteur dune transgression la loi. Il sagit de toujours garder un il sur lui, de le rendre toujours visible, non pas pour ce quil a fait mais pour ce quil risque de faire. Le droit pnal a ainsi opr un glissement dune raction lgitime linfraction commise vers une prvention exacerbe de linfraction redoute. Au cur de ce mouvement, et en quelques annes, a merg la notion de dangerosit, nouveau paradigme de la menace sociale que le droit pnal doit prvenir.

    2.1.1.2. Un droit spcial porteur de nouvelles rationalits

    Il conviendrait de constituer une sorte de filet de scurit au profit de la socit, tout en prservant la libert individuelle de celui qui a pay sa dette la socit mais qui, en raison de sa dangerosit persistante, doit tre soumis un contrle permanent. Les nouvelles priorits du droit pnal consistent donc se prmunir, par le recours des mesures dure indtermine, des risques que fait courir la socit un individu potentiellement dangereux.

    " UN DROIT PNAL DE LANTICIPATION

    Le droit pnal ne se donne plus pour seul objet de sanctionner celui qui a viol la rgle ; il cherche identifier celui qui pourrait nouveau les violer. Insidieusement, le droit pnal se transforme en un droit prdictif qui, grce au diagnostic clinique, se donne pour mission de prvenir une ventuelle dangerosit. La catgorisation des dlinquants sexuels dangereux a intensifi les discussions sur la ncessit dun suivi post-carcral.

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    " UN DROIT PNAL DE LA TRAABILIT

    Ce terme de traabilit est parfois expressment utilis : dans le cadre du suivi socio-judiciaire, du placement sous surveillance lectronique mobile, dans la mesure de surveillance judiciaire et dans la mise en uvre des fichiers. Le suivi socio-judiciaire inaugure lindtermination de la peine ; la surveillance judiciaire, celle dune mesure quasi ante delictum pourtant valide par le Conseil constitutionnel le 8 dcembre 2005. Il sagit, rien de moins, dun bouleversement du concept traditionnel de la peine par la rsurgence des mesures de sret.

    Dans ce domaine, il y a bien rupture. Mais le post prend ici le visage de [l]ante . Cest un no-positivisme intgr la lgislation. Le positivisme ntait quune doctrine scientiste ayant eu une incidence (temporaire) sur la lgislation ; ainsi pour la relgation. Il sagit maintenant dune doctrine pnale assume, fondant sa lgitimit sur ltat dangereux dun individu et la prminence de la protection sociale sur le risque de rcidive. Ainsi est-on all jusqu voquer le principe de prcaution pour les victimes dans la prsentation du projet qui allait devenir la loi de lutte contre la rcidive du 10 aot 2007.

    2.1.2. Lirresponsabilit pnale des malades mentaux La question de lirresponsabilit pnale des malades mentaux, rgulirement sous les feux de

    lactualit, permet dentrer de plain-pied dans une rflexion sur la responsabilit pnale et ses fondements. Plusieurs rapports rcents, dont laccumulation est en soi rvlatrice, en fournissent la matire : Commission Sant-Justice, intitul Sant, justice et dangerosits : pour une meilleure prvention de la rcidive; rapport dit BURGELIN du 6 juillet 2005 ; Rapport dinformation sur les mesures de sret concernant les personnes dangereuses des snateurs Philippe GOUJON et Charles GAUTIER du 22 juin 2006 ; rapport Rponses la dangerosit de Jean-Paul GARRAUD du 18 octobre 2006.

    Commissions et missions parlementaires dressent le constat dune pnalisation croissante des personnes atteintes de troubles mentaux et proposent un traitement judiciaire particulier recourant diffrentes mesures. Ainsi, lorganisation dune audience spcifique ayant pour objet limputabilit (matrielle) de linfraction commise par une personne dont le discernement tait aboli au moment des faits, ou encore lextension des mesures de sret, dont certaines pouvant sexcuter en milieu ferm aprs la peine. Marques par la volont de prendre en compte les demandes des associations de victimes et laffirmation dun besoin accru de protection de la socit, ces prconisations et recommandations tmoignent surtout, l encore, du retour du concept de dangerosit comme lment de dtermination de la politique pnale.

    En ce domaine, toutefois, lomniprsence de la dangerosit nemporte pas une remise en cause radicale de la responsabilit pnale subjective fonde sur le libre arbitre. Cest plutt une cohabitation des concepts que lon assiste, le tout concourant un durcissement de la politique pnale. Les non-lieu prononcs en application de larticle 122-1, alina 1, ne sont plus synonymes de sortie du systme pnal. En cas de mise en uvre de lalina 2 ce qui est de plus en plus frquent lexcution de la peine proprement dite, dont le prononc aura t la consquence de la dclaration de culpabilit, peut tre prolonge par une mesure de sret, fonde quant elle sur la permanence dun tat dangereux. La fonction de cette mesure de sret est daccrotre le contrle du systme pnal, par del le suivi sanitaire et social, sur certaines catgories de dlinquants prsentant ou ayant prsent des troubles mentaux, ce qui constitue une conception nopositiviste par excellence.

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    2.1.3. La prison, un lot de modernit ? En matire de pnalit, la seule volution fondamentale de la fin du sicle dernier aura t, en

    France, labolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981, paracheve par son interdiction constitutionnelle 23 fvrier 2007. La prison, quant elle, est bien reste le centre de la pnalit quelle tait devenue lpoque moderne. Certes, les volutions sont importantes : diversification des peines en gnral et amnagement de celle-ci en particulier, jusque et y compris le placement sous surveillance lectronique que certains considrent comme une modalit radicalement nouvelle (postmoderne ?) de privation de libert. Mais la prison reste bien la rfrence et, mise part larrive en force des mesures de sret dj signale, il est possible de lire lvolution de la peine demprisonnement comme sinscrivant dans une grande continuit, voire marque dune certaine rationalit.

    " CONTINUIT

    La fonction resocialisatrice de la peine constitue un des traits marquants de lvolution du droit pnal depuis 1945. Mais elle tait dj consubstantielle aux thses utilitaristes dfendues en leur temps par BECCARIA et, surtout, par BENTHAM. Elle nest pas non plus absente de la pense positiviste et savre tre une ide centrale dans luvre de SALEILLES. Il est vrai que la lgislation lui reste alors en partie impermable et quun droit pnal dloignement, voire dlimination (loi du 30 mai 1854 sur la transportation des condamns en Guyane, loi du 27 mai 1885 sur la relgation des multircidivistes) prvaudra encore durablement. Toutefois, lide que la peine puise sa lgitimit dans son utilit pour le corps social et quelle ne peut atteindre son objectif quen sadaptant lindividu pour permettre son retour la condition dhomme libre est dj clairement formule.

    Le consensualisme pnal traduit la ncessit de laccord plus ou moins explicite du condamn une mesure ou une peine, comme le travail dintrt gnral ou le placement sous surveillance lectronique. Mme s il sagit en ralit dune simple condition daccord aux conditions fixes par lautorit judiciaire, pour obtenir le bnfice dune alternative lemprisonnement., ce choix nest pas nouveau puisquil sagit de celui dj formul dans la loi du 14 aot 1885 concernant la libration conditionnelle.

    Globalement, le dveloppement des alternatives la dtention a lui aussi t permanent : libration conditionnelle (1885), le sursis simple (1891), le sursis avec mise lpreuve (1959), le contrle judiciaire (1970), les substituts aux courtes peines demprisonnement, lajournement du prononc et la dispense de peine (1975), le travail dintrt gnral (1983), la suppression des peines demprisonnement en matire contraventionnelle (1993), la surveillance lectronique (1997). Lassouplissement des conditions de la libration conditionnelle a permis de passer, de 1995 2004, de 5 089 6 480 dcisions, mme si la proportion des librations conditionnelles au sein du chiffre global des sorties de prison na cess de dcrotre ces dernires annes, passant de 13,1 % en 2001 5,7 % en 2005.

    Il est vrai que, dans le mme temps, diffrents textes (lois des 22 novembre 1978, 2 fvrier 1981, 9 septembre 1986 et 1er fvrier 1994) ont instaur et dvelopp des priodes de sret qui limitent la possibilit de recourir aux mesures de confiance. Mais elles ne sont cependant pas de nature expliquer laugmentation de la population pnale. En dfinitive, non seulement la place de la prison dans le systme rpressif ne parait pas marque par des mutations ou par des ruptures brutales, mais

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    elle semble stre tranquillement conforte avec une linarit quasi indiffrente tous les discours qui entendent remettre en cause son sens ou sa lgitimit.

    Le seul changement radical rcent semble avoir t la juridictionnalisation de lexcution des peines. Longtemps reste ltat dbauche avec lavant projet dfinitif de Code pnal publi en 1978, puis ltat embryonnaire avec la loi du 19 dcembre 1997 relative au placement sous surveillance lectronique et avec la loi du 17 juin 1998 relative au suivi socio-judiciaire, la juridictionnalisation a connu une impressionnante acclration travers la loi du 15 juin 2000 puis celle du 9 mars 2004 [COUVRAT, 2004].

    " RATIONALIT

    Les orientations et lvolution du droit de la peine, loppos des caractristiques postmodernes, sinscrivent plutt dans lapproche du droit pnal moderne, faite de rationalisation, dordonnancement et de codification.

    La recherche dquilibre se manifeste par la prise en considration explicite de toutes les fonctions de la peine. Entre 1945 et 1978, mise part lintroduction des mesures de sret, lvolution lgislative a t marque indiscutablement par la monte des techniques dindividualisation de la peine favorable la rinsertion des dlinquants. Le principe de lindividualisation a mme t codifi en 1994 (article 132-24 du Code pnal).

    Mme sil lui a fallu vingt ans pour obtemprer aux rserves du Conseil constitutionnel (28 novembre 1973), le lgislateur a fini par renoncer dans le nouveau Code pnal dicter des peines privatives de libert en matire contraventionnelle. Le dveloppement des nouvelles technologies, mme sil nest pas dpourvu dambigut, a pour finalit premire dtre mis au service dun vitement des peines privatives de libert ou celui de leur terme anticip travers le placement sous surveillance lectronique (lois des 19 dcembre 1997 et 12 dcembre 2005).

    Dans ce nouvel ordonnancement rationnalis, il faut aussi souligner lvolution du droit disciplinaire pnitentiaire conscutive au dcret du 2 avril 1996.

    En conclusion, on peut donc bien considrer la prison en elle-mme comme un lot de modernit. Elle conserve la confiance du lgislateur et de lopinion comme lont encore montr les lois du 12 dcembre 2005 et, dernirement, du 10 aot 2007 relatives la rcidive et aux peines-plancher. Des volutions comme la juridictionnalisation et, bientt, la codification viennent en renforcer la lgitimation. Dans ce domaine, la rupture serait le succs des thses abolitionnistes, qui nest pas lordre du jour. On retrouve au contraire, avec le bracelet lectronique, une nouvelle forme de modernit. la fin du XVIII sicle, la prison est apparue acceptable parce que moins inhumaine et plus rationnelle que les peines corporelles. Ce sont les mmes vertus, celles de lhumanisme et du progrs, que lon trouve aujourdhui au bracelet lectronique, appel se substituer lincarcration dans la nouvelle socit de la surveillance. Surveiller pour punir [DANET, 2006] : le paradigme de la traabilit a remplac celui du lieu clos, nouvelle modalit dun contrle continu .

    2.2. LA PNALISATION DU POLITIQUE

    La construction du droit pnal moderne et tout spcialement les premires codifications europennes ont t essentiellement ddies la consolidation du pouvoir tatique. On a pu parler des frontires naturelles du droit pnal [CARTUYVELS, 2003]. Pour BECCARIA et les modernes , pnalit rimait de toute vidence avec territorialit et avec souverainet ; le droit de punir tait un droit

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    du souverain, au service du souverain, de l'affirmation et du maintien de ses prrogatives dans l'ordre interne ; au-dessus du souverain, il n'y avait, par dfinition, aucun pouvoir de nature humaine, susceptible de le condamner ni mme de le juger.

    Ceux qui incarnaient ou qui exeraient cette souverainet taient alors de facto sinon de jure (du fait des immunits et du principe dinviolabilit) l'abri du droit pnal. Les poursuites devant des juges rpressifs internes taient, sinon impossibles, du moins rarissimes du fait de la raison d'Etat . Et il n'existait pas de juridictions pnales internationales.

    Or, depuis la fin du sicle/millnaire dernier, on a pu constater que de hauts responsables politiques taient de plus en plus frquemment mis en cause et, parfois, condamns, que ce soit devant des juridictions nationales ou devant de nouvelles juridictions internationales.

    Le rapprochement entre ces deux phnomnes fait apparatre une rupture avec le droit pnal moderne, qui n'tait en aucune manire dirig contre l'tat et dont les hommes politiques avaient logiquement, sinon lgitimement, fini par se croire hors de porte. Force est de constater que, politiquement et un certain niveau, ces hauts responsables avaient le pouvoir de tenir les juges l'cart de leurs faits et gestes professionnels, voire privs.

    Ce n'est plus le cas aujourdhui comme en attestent : en droit interne la multiplication des affaires politico-financires en France ou dans d'autres pays, sur fond de lutte contre la corruption ; dans l'ordre international, la ractivation d'une justice pnale internationale juste close Nuremberg puis gele dans la guerre froide. Au confluent des deux ordres juridiques, la rvision du statut pnal des chefs d'tat, la monte en puissance de la comptence universelle et l'exprimentation ponctuelle de juridictions mixtes (Sierra Leone, Timor-Oriental, Cambodge, Liban) traduit une volution qui est le fruit d'un double mouvement du droit. D'une part, on assiste, malgr quelques rsistances, un effritement progressif des immunits (qu'elles soient de fait ou de droit) qui protgeaient les plus hauts responsables politiques. D'autre part, on assiste, mme si l'volution n'est pas linaire, une indiscutable monte en puissance du judiciaire avec lappui objectif de la socit civile (mdias, victimes, organisations non gouvernementales).

    Ce phnomne constitue-t-il une rvolution, une rupture ? Par certaines de ses manifestations, le mouvement peut certes apparatre ancr dans la modernit. Tel est le cas lorsque la spcificit du politique est nie au profit d'une idologie du droit commun et (ou) de l'galit absolue entre tous les citoyens, quel que soit leur statut social. Ou encore lorsque idologie du droit commun nouveau on transpose devant les juridictions pnales internationales des modles qui se rvlent pourtant inadapts. Ainsi, le systme de la responsabilit individuelle pour juger des crimes de masse, ou celui de la procdure pnale lorsque la preuve figure dans les livres d'histoire.

    Mais, en un autre sens, lon assiste un dpassement de la modernit lorsque l'on voit le droit pnal se retourner contre l'tat dont il tait l'un des instruments privilgis, s'affranchir de la raison dtat, et atteindre ceux qui ont servi l'tat. Cette rupture historique correspond une justiciabilit de la souverainet , sans doute pense par GROTIUS, mais indiscutablement inimaginable pour BECCARIA et VOLTAIRE.

    2.3. SOCIT POSTMODERNE ET CRISE DU DROIT PNAL : UNE PERSPECTIVE LATINO-AMRICAINE

    Un regard port depuis un autre continent sur les volutions historiques du droit pnal rvle des phnomnes proches.

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    Le droit pnal se voit aujourdhui menac par trois lments : une crise exogne, drive de la dconstruction postmoderne ; une crise endogne, cause par les tensions axiologiques lintrieur du droit pnal ; une crise manifeste par la demande de justice exprime dans le cadre dun systme pnal qui ne cesse de reculer. La question est alors pose de savoir si les outils de la politique criminelle dite moderne du XXe sicle sont encore pertinents pour combattre la criminalit organise et le terrorisme global du XXIe sicle ?

    Le droit pnal de lennemi parait comme une dviance du droit pnal du XXIe sicle. Tandis que ltat dexception constituait le dernier degr de la dcomposition de l'tat constitutionnel, certaines doctrines pnalistes virent maintenant vers un autre paradigme idologique et vers un autre modle dtat, militarisant la solution du conflit en dehors du juridique. Ce droit pnal de lennemi est construit sur la base dun concept inappropri du bien commun politique. Il fait du dlinquant une chose et, du mme coup, porte atteinte la dignit de la personne humaine.

    En sinspirant du courant du personnalisme social, il serait prfrable de distinguer : d'une part, un droit pnal gnral destin la protection des biens juridiques, personnels et collectifs ; dautre part, un droit pnal pour les crimes contre lhumanit et le jus gentium parmi lesquels on trouve les divers types de terrorisme (dtat, idologique ou global).

    3. LIDOLOGIE DU PRAGMATISME

    Lvolution de la procdure pnale au dbut du XXIe sicle se situe aujourdhui en Europe dans un moment de compromis historique entre deux injonctions contradictoires : dune part, le respect des garanties du procs quitable au sens de la Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme et des liberts fondamentales, ce qui complexifie les procdures et allonge ncessairement les dures ; dautre part une logique defficacit du systme pnal face un accroissement continu de la dlinquance et de la masse des affaires juger.

    Pour fonctionner, le systme pnal doit, tout la fois respecter le principe du dlai raisonnable, mais aussi juger en mode simplifi et acclr une grande partie des affaires lucides. La pression productiviste, de plus en plus forte sur les acteurs du systme, se double de la pression de lopinion publique particulirement sensible aux rponses la dlinquance quotidienne. La rforme du management public vient ajouter cela la volont dvaluer et de diminuer le cot des politiques publiques. En consquence, partout en Europe se dveloppe une politique criminelle sinscrivant dans une logique defficience, renforce en France dans le cadre de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances).

    En ralit, lon est en train dassister lmergence dun nouvel utilitarisme pnal. La question essentielle est de dterminer si le sens mme de lacte de juger est remis en cause par cette logique du rsultat ? Priorit gestionnaire, modernisation des outils, injonctions contradictoires, complexit procdurale croissante rsultant dune inflation lgislative Simples volutions, mme profondes, ou vritables ruptures ? Lhypothse de la postmodernit permet en tous cas dessayer de comprendre les volutions intervenues depuis les annes quatre-vingt, ainsi que celles venir dans lconomie du systme pnal franais au cours des prochaines dcennies (3.1). Applique aux procdures de rpression en matire de circulation routire, lanalyse rvle des volutions particulirement significatives (3.2). Cette logique dadaptation radicale des systmes pnaux au nom de lefficacit,

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    fut-ce au dtriment de principes fondamentaux du droit, se retrouve dans les autres pays europens, linstar de la Slovnie (3.3).

    3.1. LE SYSTME DE JUSTICE PNALE MESUR LAUNE DE SES RSULTATS

    Le concept defficacit de la justice voire defficience , lvaluation de la justice pnale laune de ses seuls rsultats, peuvent-ils remettre en cause les fondements mmes du procs pnal ? La politique criminelle peut-elle avoir pour fondement une logique defficacit ?

    " NOUS ASSISTONS UN VRITABLE RENVERSEMENT DE PERSPECTIVE

    Par-del lexemple topique de laction publique en matire de lutte contre la dlinquance routire, une telle approche se dveloppe dans le systme pnal franais comme dans la plupart des systmes comparables en Europe. Le Conseil de lEurope recommande ce nouveau modle depuis le dbut des annes quatre-vingt. Limportance politique du dbat sur la scurit, lattention prioritaire porte aux victimes, font que la socit demande lgitimement des comptes la Justice sur son fonctionnement et sur ses rsultats, donc sur son efficacit. Le politique accentue sa pression sur tout le systme pnal, police et justice, multiplie les effets dannonce et les textes. Les principales volutions concernent la part croissante des alternatives aux poursuites et des procdures simplifies au dtriment du procs de droit commun et lintgration dune logique de rsultat dans les objectifs de la politique criminelle, en termes defficacit et de cot. Cette politique criminelle (elle sapplique depuis la phase dincrimination jusqu la phase dexcution) dessine progressivement les contours dune nouvelle philosophie pnale no-utilitariste, dans laquelle on assiste une diminution progressive de la part du procs traditionnel et de la place effective du juge. La rponse judiciaire une majorit dinfractions est dsormais considre comme nayant pas besoin du label du procs, mais relverait pour lessentiel des autorits de constatation et dune procdure quasi-administrative ou/et dun traitement simplifi contrl ou mis en uvre par le parquet.

    Pour chaque citoyen, lide mme de Justice la socit sanctionne un des siens qui a transgress une norme prcise, lissue dun procs quitable se trouve aujourdhui confronte lide dadministration de la justice pnale, intgrant des modes diversifis de gestion des transgressions. Sont mis au second plan des lments aussi essentiels que la symbolique du procs ou la ncessit dintriorisation de la sanction et du rappel de valeurs communes dans la fonction de la peine. La Cour europenne des droits de lHomme, tendant son raisonnement lensemble de la matire pnale , tout comme le Conseil constitutionnel, ont estim que les principes fondamentaux de la procdure pnale autorisaient ces volutions, sous rserve que des garanties suffisantes soient prserves, en particulier le droit au recours devant un juge. Il reste que cette approche raliste nest pas encore assume conceptuellement, comme si les praticiens avaient plac la doctrine devant une ralit dstabilisante. Si, dans les pays anglo-saxons, la troisime voie a t thorise avant dtre mise en uvre, notamment en Grande-Bretagne, il en est tout diffremment en France o le discours pragmatique masque une approche idologique que lon peut qualifier de librale-autoritaire et compassionnelle.

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    " LA NOUVELLE CONOMIE DU SYSTME PNAL REPOSE DSORMAIS SUR UNE DICHOTOMIE VIDENTE ENTRE PROCDURE GARANTISTE ET PROCDURE SIMPLIFIE

    La procdure garantiste le due process est rserve laudience classique, aux affaires complexes et (ou) discutes. Pour le reste, dans un cadre de ressources limites et afin que le systme judiciaire puisse consacrer le temps et les moyens ncessaires cette justice pnale traditionnelle, la ncessit impose de traiter selon un mode rapide, souvent ngoci , selon une procdure simplifie, au moindre cot humain et financier, un maximum daffaires qui ne prsentent pas les mmes enjeux. La monte de lapproche conomique du procs pnal semble constituer la seule faon de sauver un modle puis de gestion des contentieux de masse et de dgager le temps et les moyens consacrs aux procdures garantistes qui, elles, sinscrivent dans un droit pnal moderne.

    La procdure pnale constitue ainsi linstrument de rgulation du systme pnal. De fait, il existe dans le systme franais, non pas deux mais trois modles de procdure pnale simultanment en action. Une justice pnale garantiste, applicable aux infractions les plus graves ou les plus complexes, entre rpression renforce et garanties de la Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme et des liberts fondamentales. Une justice pnale simplifie, parfois contractualise , applicable aux contentieux de masse et la dlinquance quotidienne, dans laquelle les prrogatives du parquet augmentent sans cesse. Enfin, une justice pnale de plus en plus automatise pour certains contentieux de masse, en particulier ceux touchant la circulation routire, dont on peut se demander sil sagit de justice pnale, de justice quasi-pnale ou de gestion administrativise sous contrle ventuel du juge.

    Lorsque Jean CARBONNIER distingue le droit pnal du tragique et le reste , il trace sans doute une frontire pertinente entre, dune part, le socle intangible du droit pnal et de la procdure pnale (un acte, un individu, un procs quitable) et, dautre part, la partie modulable du domaine pnal : droit souple tant au niveau du fond (pnalisation et dpnalisation en ce qui concerne les incriminations, modes et modalits de sanctions) que de la forme (modes alternatifs et modes simplifis de jugement). Cette partie non tragique est ouverte tous les changements, sadapte constamment comme tous les autres secteurs de la socit en lien direct avec les ralits conomiques et sociales.

    " UN NOUVEL UTILITARISME PNAL

    Ces volutions ne traduisent pas une dconstruction du droit pnal, mais annoncent plutt lentre dans un cycle de recomposition profonde de la procdure pnale et de lconomie gnrale du systme. Un droit pnal postmoderne intgrerait totalement la rationalit conomique dans la dcision judiciaire et ly subordonnerait. Ce nest pas encore le cas. Mais le cadre juridique semble autoriser des volutions encore plus marques. Ainsi, la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lHomme, au nom du principe de proportionnalit, autorise-t-elle une extrme souplesse des systmes pnaux nationaux

    En ltat, il existe sans doute ici quelques indicateurs de postmodernit : la crise deffectivit ; la crise des hirarchies normatives ; le renvoi aux individus pour trouver une solution (contractualisation, justice ngocie) ; le mlange des rles institutionnels entre procureurs et juges, la flexible application du droit. Mais, globalement, le nouvel utilitarisme pnal apparat plutt comme une simple modernisation dun systme en grande difficult. Il comporte cependant des risques importants de remise en cause de principes fondateurs du droit pnal moderne, au premier rang desquels le principe dindividualisation de la peine, travers une justice pnale au tarif et les peines semi-automatiques

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    pour les rcidivistes. Lapproche conomique du systme pnal, fonde sur lefficience, correspond une idologie librale sur le plan conomique, mais moins sur le plan des liberts. Il sagt dune approche noclassique qui fonde une systmatisation de la rpression envers ceux qui ne peuvent esprer dans le systme garantiste , le jury aux tats-Unis ou bien les longues et couteuses instructions avec expertises et voies de recours dans le systme franais.

    Sans doute un utilitarisme renouvel, adapt aux ralits daujourdhui, intgrant les principes directeurs du droit et de la procdure pnale, peut-il rendre sa crdibilit au systme en aidant celui-ci amliorer son efficacit tout au long de la chane pnale. Une telle approche doit cependant intgrer un processus dvaluation des objectifs et des rsultats, en sappuyant sur lvaluation et les mthodes du benchmarking, pour amliorer les taux dlucidation, leffectivit des sanctions prononces et la prvention de la rcidive.

    Socle de grands principes, dune part, droit souple et modulable, dautre part. Le droit pnal moderne volue, sadapte, intgre de nouvelles approches dont une logique dadministration qui lui a longtemps t trangre. Mais les grands principes gouvernant le procs, sils sont soumis de fortes tensions, ne sont pas fondamentalement remis en cause ou transforms. De profondes volutions peuvent tre constates, pas des ruptures. Le procs pnal ne parat pas entr dans une re postmoderne. Mais peut-on encore parler de procs pnal sagissant de la rpression des infractions, singulirement des contraventions routires ?

    3.2. LA RPRESSION DES INFRACTIONS LA CIRCULATION ROUTIRE

    Plus encore dans ce domaine, certains principes qui gouvernent le droit pnal moderne semblent largement remis en cause en ce qui concerne la rpression des infractions la circulation routire. En instaurant des prsomptions de responsabilit, le droit pnal routier porte ainsi atteinte au principe qui veut que nul ne soit responsable pnalement que de son propre fait . Les procdures qui se veulent simples, rapides et efficaces, drogent manifestement au principe selon lequel lapplication dune peine lauteur dune infraction suppose toujours lintervention dun juge.

    Ltude des prsomptions de responsabilit en droit de la circulation routire et de lviction du juge pnal du contentieux routier confirme, en tout cas, le rle essentiel jou par le droit pnal routier dans la construction dun modle de justice pnale simplifie. Et il est sans doute possible daffirmer lexistence dun modle routier qui sest progressivement diffus dautres contentieux, et pas seulement aux contentieux de masse. Ce modle a dailleurs surtout eu une influence en procdure pnale. En effet, la diffusion des prsomptions de responsabilit instaures en droit de la circulation routire dans dautres matires est moins vidente. Il est vrai cependant que ces prsomptions ont t conues au service de la procdure pnale routire et de son efficacit.

    Pour autant il serait imprudent daffirmer que le droit de la circulation routire illustrerait une vritable rupture dans le traitement de la dlinquance, participant par l-mme lmergence dun droit pnal postmoderne. Car les atteintes portes par le droit pnal routier aux principes modernes concernent essentiellement la matire contraventionnelle. Le droit de la circulation routire sinscrirait davantage dans la continuit dun droit pnal qui se dtache progressivement de la distinction, bien franaise, entre les crimes, les dlits et les contraventions, contrairement dautres pays europens o cette dernire catgorie relve du domaine quasi-administratif. Nanmoins, lextension rcente de certaines de ces atteintes la matire dlictuelle, notamment par le biais de lordonnance pnale, montre que le risque dune extension dautres catgories de ce droit pnal moteur existe bel et

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    bien, sauf si lon estimait que lessentiel de cette dlinquance spcifique ne relverait pas du droit pnal proprement parler.

    Trs loin de la justice garantiste, le droit pnal de la circulation routire (le plus important des contentieux de masse) confirme ainsi lclatement du droit pnal et pose le problme de son devenir : soit des branches, comme la rpression automatise, sen dtachent (peut-on encore vraiment parler de justice pnale ?) ; soit il existe un risque de contamination progressive de lensemble par le drogatoire, risque dj apparu avec les modalits de rpression des infractions sexuelles ou de la dlinquance organise.

    3.3. LA PROBLMATIQUE DE LEFFICACIT DE LA JUSTICE PNALE EN SLOVNIE

    La problmatique de lefficacit de la justice pnale concerne tous les pays europens. La Commission europenne pour lefficacit de la Justice (CEPEJ) documente cette approche pour les 47 tats membres du Conseil de lEurope. Une analyse approfondie du systme pnal de la justice slovne permet de comprendre comment sont perues les volutions des systmes pnaux influencs par le modle franais, attachs aux valeurs de la Convention europenne des droits de lHomme et marqus par la transformation radicale de leur socit qui intgre dsormais pleinement les valeurs de la dmocratie et de lconomie de march.

    Les approches croises du systme pnal slovne ont t effectues sous trois angles : lvolution des textes depuis lindpendance de la Slovnie en 1991 ; lanalyse conomique du systme pnal partir des concepts defficacit, deffectivit et defficience ; une recherche sur lamlioration de lefficacit partir de 800 dossiers traits par les juridictions pnales de premire instance.

    Comme tous les anciens pays dEurope de lEst intgrs au sein de lUnion europenne, linfluence des standards europens de justice a t dterminante. La conception garantiste a t constamment dveloppe par la Cour constitutionnelle slovne pour prserver les droits des personnes mises en cause, notamment pour limiter et pour encadrer les pouvoirs de la police et la dtention provisoire. La justice pnale simplifie sest, quant elle, dveloppe par lextension des prrogatives du parquet et une diversification des rponses lorsque ne sont encourues quune peine damende ou une peine demprisonnement pouvant aller jusqu trois annes. En cas de rparation du dommage, le procureur peut mme abandonner les poursuites. Le principe de lgalit des poursuites ne sapplique que lorsque la peine encourue est gale ou suprieure trois annes. Linfluence allemande a conduit lintroduction du systme de lordonnance pnale en 2003.

    Mais la justice pnale slovne est confronte aux mmes difficults que les autres justices pnales dEurope : formalisme excessif, phases dattente inutiles et dure des procdures. La cause principale tient aux modes dorganisation et dadministration des tribunaux (faible apport de linstruction prparatoire, examen trop tardif des contentieux purement procduraux et des preuves, absence des prvenus et des tmoins laudience principale, renvois excessifs et prolongation inutiles des procs). Les chercheurs prconisent daugmenter les pouvoirs des juges pour viter les abus procduraux et la discussion tardive des preuves, pour mieux garantir le dbat contradictoire et le respect des droits.

    En Slovnie aussi se produisent de trop frquents changements lgislatifs sous la pression mdiatique et politique. Le niveau de la rpression augmente ainsi quune forte exigence pour plus defficacit et une diminution des cots par une simplification des modes de jugement. Mais reste savoir si un systme de justice qui a pour seule finalit la productivit ne perd pas son essence mme,

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    savoir le jugement juste et donc la fonction premire quelle doit tenir dans une socit dmocratique.

    CONCLUSION

    En droit pnal, comme en tous domaines, le dispositif normatif s'est considrablement diversifi et sa forme pyramidale a t redessine, tout particulirement sous les influences croises des deux Europe et de leurs juridictions. Mais ce n'tait pas l'objet mme de notre recherche. Tout au plus faut-il souligner que notre domaine n'est pas rest impermable l'internationalisation comme d'aucuns avaient pu le croire.

    Sur le fond, les principales volutions jusqu'ici intervenues en droit pnal (lgalit, utilitarisme, positivisme, individualisation) s'inscrivaient dans un corps de doctrine cohrent et reprable. Qu'en est-il au dbut du troisime millnaire ?

    Nous avons repr des volutions aussi importantes voire plus importantes, dans les textes, que par le pass. Certaines sont nouvelles et peuvent s'analyser comme de vritables ruptures avec le droit pnal moderne, spcialement la justiciabilit de la souverainet (lorsque les chefs d'tat ou de gouvernement doivent rpondre devant des juridictions internationales de crimes dit de masse) ou, l'oppos, l'apparition de procdures sans audience, puis sans juge, puis sans vritable dcision humaine (lorsqu'il faut s'en prendre aux automobilistes dans des contentieux dits de masse). Le droit commun-moderne stiole progressivement, absorb par le haut (nouvelles juridictions internationales) et vid de son contenu par le bas (procdures administratives automatises). D'autres volutions sont des rsurgences, comme le poids grandissant (jusqu'o ?) des victimes, voquant un pass enfoui, ou la tendance pnaliser le risque, retour LOMBROSO et FERRI sous forme dun nopositivisme.

    On peut alors craindre une rgression et penser aux avertissements lancs en 1938 par Henri DONNEDIEU DE VABRES dans son tude sur La crise moderne du droit pnal sous-titre La politique criminelle des tats autoritaires . Surtout lorsque l'on voit, l'tranger, ressurgir le dbat sur la torture et fleurir en doctrine un droit pnal de l'ennemi. Ou encore lorsque l'insistance sur la dignit des uns (les victimes) en viendrait nier celle des autres (les prsums coupables).

    Mais, et c'est une rserve importante, nous n'avons identifi aucune doctrine d'ensemble dans les volutions tudies qui rpondent souvent des injonctions contradictoires. On pourrait voir, dans cette absence mme et dans le pragmatisme revendiqu en maints domaines, l'indication d'un droit pnal postmoderne. Toutefois, l'volution de l'ensemble est trop contraste pour conclure un tel basculement, supposer mme qu'il puisse en tre attest de l'intrieur et dans le mme temps.

    Pour l'heure, et contrairement au mouvement d'largissement de notre discipline, initi par la Cour europenne des droits de l'Homme avec sa jurisprudence sur la matire pnale, nous voyons surtout le droit pnal stricto sensu se scinder. Cet autre mouvement cantonne progressivement le garantisme des droits de l'homme la poursuite des infractions les plus graves (assurment les crimes, mais pas tous les dlits) et, pour la rpression de ces mmes infractions, greffe sur la responsabilit pnale subjective une dangerosit potentielle qui fonde l'panouissement de mesures de sret. Cette greffe qui n'avait pas pris au XIXe sicle transformera-t-elle le droit pnal tout entier ? C'est la question qui se pose aussi pour les nouveaux dispositifs procduraux, soit qu'ils drogent seulement au droit commun de la recherche des preuves (criminalit organise), soit qu'ils conduisent marginaliser le rle du juge du sige un simple recours saisi par le justiciable aprs sa condamnation (contraventions routires).

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    Au nom de l'efficacit qui suppose une foi renouvele dans les vertus de la peine ou tout simplement de l'effectivit, nous assistons une surenchre du drogatoire. Le droit commun, celui qui s'applique en principe et celui dans le quel on applique les principes, est devenu un luxe. Il ne faudrait pas qu'il devienne un leurre.

    RFRENCES DES TEXTES CITS DANS LA SYNTHSE

    ! ALLAND D, RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003 ! ARNAUD J.-A., Pour une pense juridique europenne, PUF, 1991 ! Ibid., Du jeu fini au jeu ouvert. Rflexions sur le droit postmoderne, Droit et socit n 17-18, 1991, p. 38 ! BRODEUR J.-P., La pense postmoderne et la criminologie, Criminologie, Vol. XXVI, 1993, 73 ! CARBONNIER J., Flexible droit, LGDJ, 7e d., 1992 ! CARTUYVELS Y, Le droit pnal : des frontires naturelles en question, in Le droit pnal lpreuve de

    linternationalisation, (HENZELIN M. et ROTH R., dir.), LGDJ, Georg & Bruylant, 2003, p. 3 ! CHEVALLIER J., LEtat postmoderne, Coll. Droit et socit, LGDJ, 2003 ! COUVRAT P., La judiciarisation de lexcution des peines, RSC 2004 p. 684 ! DANET J., Justice pnale, le tournant, Coll. Folio, Le Monde actuel, Gallimard, 2006 ! DANET J., Relire la politique criminelle des Etats autoritaires , in Le champ pnal. Mlanges en

    lhonneur du professeur Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 37 ! DELMAS-MARTY M., Le droit pnal comme thique de la mondialisation, RSC 2004, p. 1 ! DELMAS-MARTY M., article in La reconnaissance mutuelle des dcisions Judiciaires pnales dans lUnion

    europenne, (Kerchove et Weyembergh dir.), Institut dtudes europennes, Edit. de lUniversit de Bruxelles, 2001

    ! DELMAS-MARTY M., Les forces imaginantes du droit II, le pluralisme ordonn, Seuil, 2006 ! FINKELKRAUT A., Nous autres, modernes, Ellipses, 2005 ! SOKAL A., Pseudoscience et postmodernisme. Adversaires ou compagnons de route, O. Jacob, 2005 ! FRYDMAN B., Y a-t-il en droit des rvolutions scientifiques ?, Journal des tribunaux 7 dcembre 96,

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    Bruxelles, Publication des Facults universitaires Saint-Louis, 2002 ! OPPETIT B., Droit et modernit, PUF, 1998 ! REVUE CHAMP PENAL/PENAL FIELD, Nouvelle revue franaise de criminologie bilingue sur Internet.

    Actes du sminaire Innovations pnales CAUCHIE J.-F. et KAMINSKI D. (Dir.), 2007, http://champpenal.revues.org

    ! SAUVAGEAU J., Quelques rflexions sur la pertinence de laffaire Sokal en criminologie, RDP et C, 1997, 1192

    ! TULKENS F., Article in La reconnaissance mutuelle des dcisions judiciaires pnales, sous la direction de G.de Kerchove et A. Weyembergh, Institut dtudes europennes, edit. de lUniversit de Bruxelles, 2001

    ! TULKENS F., prface P. MARY (dir.), Le systme pnal en Belgique. Bilan critique des connaissances, Bruylant, 2002

    ! TULKENS F., prface de Actualits du droit pnal europen, dir. D. Flore, Dossiers de la Revue de droit pnal et de criminologie, n 9, 2003

    ! VOGLIOTTI M., Mutations dans le champ pnal contemporain : vers un droit pnal contemporain, RSC 2002, 721

    Nota : Une bibliographie complte sur la postmodernit et le droit pnal est disponible sur le site de lEPRED, universit de Poitiers : http://isc-epred.labo.univ-poitiers.fr.