syndrome de klüver-bucy compliquant une méningo-encéphalite herpétique chez une femme enceinte
TRANSCRIPT
Presse Med. 2014; //: /// en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com
on
Pour citer cet article : Mouhadi KK et al., Syndrome de Klüver-Bucy compliquant une méningo-encéphalite herpétique chez unefemme enceinte, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.019.
Lett
reà
laré
da
cti
Syndrome deKlüver-Bucycompliquant uneméningo-encéphaliteherpétique chez unefemme enceinte
Klüver-Bucy syndrome complicating herpesmeningoencephalitis in a pregnant woman[(Figure_1)TD$FIG]
Figure 1
TDM cérébrale, sans injection du produit de contraste, montrantune hypodensité temporale gauche
Nous rapportons ici le cas d’une jeune patiente hospitaliséepour un syndrome de Klüver-Bucy complet, compliquantl’évolution d’une méningo-encéphalite herpétique (MEH).
Observation
Il s’agissait d’une patiente de 24 ans, sans antécédent patholo-gique notable, enceinte de 27 semaines d’aménorrhée, qui avaiteu initialement des céphalées en casque avec vomissements,dans un contexte de fièvre chiffrée à 40 8C. La patiente avait prisde l’amoxicilline (3 g/j), et l’évolution avait été marquée 5 joursaprès par l’installation progressive d’un syndrome confusionnel,sans crises convulsives ou déficit moteur associés.À l’admission, la patiente était confuse (score de Glasgow à 13),la température élevée (39 8C), la pression artérielle à 110/70 mmHg, le pouls à 90 battements/min et la fréquencerespiratoire à 36 cycles/min. À l’examen, la nuque étaitraide, sans déficit sensitivomoteur ou signe de localisationneurologique. L’examen gynécologique objectivait des mou-vements actifs foetaux et des bruits du coeur foetal normaux,sans contractions utérines associées. La TDM cérébrale mettaiten évidence une hypodensité temporale gauche (figure 1).L’IRM cérébrale montrait la présence d’hyposignaux T1 ethypersignaux T2 et Flair, intéressant les régions temporo-insu-laires de façon bilatérale, plus étendues du côté gauche, oùelles s’étendaient à tout le lobe temporal en cortico-sous-cortical et à la région corticale parasagittale basifrontale arri-vant au contact du genou du corps calleux (figure 2). Laponction lombaire montrait un liquide xantochromique avec720 globules blancs/mm3 (95 % lymphocytes), 640 globulesrouges/mm3, protéinorachie à 1,5 g/L, glycorachie à 0,57 g/L.Au niveau biologique, la CRP était à 73 mg/L, les GB à 13 000/mm3. L’échographie foetale était sans particularités.
tome // > n8/ > /
Le diagnostic de méningo-encéphalite herpétique était retenuet un traitement antiviral à base d’aciclovir (10 mg/kg/8 h)était démarré. L’évolution était marquée par une aggravationde l’état de conscience associée à des crises épileptiquespartielles (ouverture des yeux puis déviation des globes ocu-laires à droite), et la patiente était transférée dans le service deréanimation médicale. L’électroencéphalogramme objectivaitun ralentissement diffus de l’activité de fond (rythme thêta),avec inscription d’anomalies épileptiques critiques à type depointes ondes lentes en temporal droit. La sérologie Herpes
simplex virus (HSV) était positive à IgM. La Polymerase ChainReaction (PCR) dans le sang et le LCR était positive pour HSV1 etune synthèse intrathécale anti-HSV1 était détectée. La patienteétait mise sous carbamazépine 800 mg/j, et le traitement
1
LPM-2402
2
Figure 2
IRM cérébrale, en séquence T2 et Flair, montrant des hypersignaux en plages, intéressant les régions temporo-insulaires et la régioncorticale basifrontale parasagittale
Pour citer cet article : Mouhadi KK et al., Syndrome de Klüver-Bucy compliquant une méningo-encéphalite herpétique chez unefemme enceinte, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.019.
Lettre à la rédaction
antiviral poursuivi, amenant à une reprise de l’état de consci-ence au bout de 7 jours (GCS = 15). La patiente était ensuitetransférée dans le service de neurologie, l’examen neuropy-schologique mettait en évidence une aphasie mixte, uneamnésie antérograde avec des troubles du comportementalimentaire (patiente boulimique et mangeant du savon),
une hyperoralité, une agnosie visuelle, une hypermétamor-phosie et un émoussement affectif.Le traitement antiviral était poursuivi jusqu’au 21e jour, associéau traitement antiépileptique. L’évolution était marquée parune légère régression des troubles du comportement avec lapersistance des troubles cognitifs et émotionnels. Le bilan
tome // > n8/ > /
Lett
reà
laré
da
ctio
n
Pour citer cet article : Mouhadi KK et al., Syndrome de Klüver-Bucy compliquant une méningo-encéphalite herpétique chez unefemme enceinte, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.019.
biologique s’est normalisé (CRP = 10 mg/L, GB = 8300/mm3)et le contrôle gynécologique était tout à fait normal. La ponctionlombaire de contrôle montrait un liquide clair avec 57 globulesblancs/mm3 (100 % lymphocytes), protéinorachie à 0,73 g/L,glycorachie à 0,62 g/L.Un mois après sa sortie de l’hôpital, la patiente était de nouveauadmise aux urgences, suite à une aggravation de son étatclinique : troubles du comportement (agressivité avec cris inces-sants, exhibitionnisme avec des gestes à connotation sexuelle etrefus alimentaire), labilité émotionnelle (colère, jovialité, per-plexité anxieuse et pleurs), accompagnés d’agnosie visuelle,d’hypermétamorphosie, de troubles de la mémoire et de myo-clonies axiales. L’électroencéphalogramme ne mettait pas enévidence d’anomalies épileptiques associées à ces myoclonies.Une extraction foetale était décidée à la 33e semaine d’aménor-rhée et la patiente était traitée par neuroleptiques (rispéridone2 mg/j), donnant lieu à une légère amélioration des troubles decomportement et émotionnels. Le relais thérapeutique était faitavec la fluoxétine 20 mg/j, et la carbamazépine était arrêtéeaprès une diminution progressive. L’examen du nouveau-néétait sans particularités et la PCR du HSV1 dans le sang dunouveau-né se révélait négative. La patiente était revue régu-lièrement en consultation neurologique, elle était calme etn’avait plus de troubles du comportement alimentaire ou sexuel,son affect était émoussé et elle conservait une amnésie antéro-rétrograde. La fluoxétine était arrêtée après 6 mois de traite-ment.
Commentaires
Le syndrome de Klüver-Bucy (SKB) est un syndrome neuro-comportemental très rare, qui a été décrit pour la première foischez l’homme en 1955 par Terzian, après lobectomie bitem-porale [1–3]. Ses causes sont multiples et peu spécifiques :maladie de Pick, maladie d’Alzheimer, chorée de Huntington,maladie de Parkinson, traumatisme crânien, glioblastome,adrénoleucodystrophie, épilespie temporale, encéphalopathiesanoxo-ischémiques, lupus érythémateux disséminé, encépha-lopathies métaboliques et post-radiques, encéphalomyéliteaiguë disséminée, infarctus thalamique bilatéral et syndromede Reye. Les causes infectieuses sont essentiellement repré-sentées par l’encéphalite herpétique, et le SKB peut êtreexpliqué dans ce cas par la localisation temporale préférentiellede l’herpès [2,4–6]. Ce syndrome est dû à la destruction ou audysfonctionnement de la partie antérieure et médiale des lobestemporaux, toutefois, il peut être observé (forme complète oupartielle) en cas d’atteinte temporale unilatérale, ou en casd’atteinte des connexions reliant le thalamus dorsomédial avecle cortex frontal et les aires limbiques [2,6,7]. Le premier cas deSKB compliquant une méningo-encéphalite herpétique (MEH) aété décrit en 1975 par Marlowe et al. [2,6–9].Le SKB regroupe une atteinte cognitive (agnosie visuelle oucécité psychique, aphasie, agraphie, amnésie, démence et
tome // > n8/ > /
hypermétamorphosie), émotionnelle (placidité émotionnelleou émoussement affectif, parfois remplacée par un état defureur et d’agressivité) et comportementale (hyperoralité,modification du comportement alimentaire, hypersexualité,hyperfamiliarité et désinhibition). Les crises épileptiques sonttrès rarement observées. Le SKB est rarement complet chezl’homme, et la présence de trois des symptômes suivants estsuffisant pour retenir le diagnostic : hyperoralité, hypersexua-lité, placidité émotionnelle, agnosie visuelle, hypermétamor-phosie et changement du comportement alimentaire[3,5,6,7,9].Le pronostic du SKB dépend de l’étiologie. Dans le cadre desMEH, l’évolution peut être fatale ou grevée d’une lourdemorbidité avec la persistance de séquelles lourdes (syndromede Korsakoff, troubles de comportement. . .). Le traitement estsymptomatique et non consensuel, il fait appel à plusieursmolécules : propanolol, carbamazépine, neuropleptiques, anta-gonistes de la dopamine, anticholinergiques, antidépresseurs,lamotrigine [2,5,9].
Conclusion
Nous avons donc rapporté l’observation clinique d’un SKBcomplet compliquant une MEH prise en charge tardivementchez une femme enceinte, et dont l’évolution a été marquéepar la régression partielle de la symptomatologie sous traite-ment antiviral associé à plusieurs traitements symptomatiques(carbamazépine, neuroleptique puis antidépresseur), avec per-sistance d’une amnésie antéro-rétrograde sévère. L’immu-nodépression relative de la grossesse à 27 semaines a pujouer un rôle dans l’apparition de l’encéphalite.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.
Références[1] Terzian H, Ore GD. Syndrome de Klüver-Bucy reproduced in man by
bilateral removal of temporal lobes. Neurology 1955;5:373-80.[2] Ghika-Schmid F, Assal G, De Tribolet N, Regli F. Klüver-Bucy syndrome
after left anterior temporal resection. Neuropsychologia 1995;33:101-13.
[3] Thirunavukarasu S. Temporal and pontine involvement in a case ofherpes simplex encephalitis, presenting as Klüver-Bucy syndrome–Acase report. J Clin Imaging Sci 2011;1:43.
[4] Begum H, Nayek K, Khuntdar BK. Klüver-Bucy syndrome–A rarecomplication of herpes simplex encephalitis. J Indian Med Assoc2006;104:637-8.
[5] Lin HF, Yeh YC, Chen CF, Chang WC, Chen CS. Klüver-Bucy syndrome inone case with systemic lupus erythematous. Kaohsiung J Med Sci2011;27:159-62.
[6] Conlon P, Kertesz A, Mount J. Klüver-Bucy syndrome with severeamnesia secondary to herpes encephalitis. Can J Psychiatry 1988;33:754-6.
[7] Ku DB, Sang Yoon S. Relapsing herpes simplex encephalitis resulting inKlüver-Bucy syndrome. Intern Med 2011;50:763-6.
3
4
Pour citer cet article : Mouhadi KK et al., Syndrome de Klüver-Bucy compliquant une méningo-encéphalite herpétique chez unefemme enceinte, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.019.
Lettre à la rédaction
[8] Hart RP, Kwentus JA, Frazier RB, Hormel TL. Natural history of Klüver-Bucy syndrome after treated herpes encephalitis. South Med J1986;79:1376-8.
[9] Bakchine S, Chain F, Lhermitte F. Herpes simplex type II encephalitiswith complete Klüver-Bucy syndrome in a non-immunocompromisedadult. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1989;52:290-1.
Jawad Oumerzouk1, Khalid K. Mouhadi2, Yahya Hssaini1,Abdelhafid Eljouehari1, Mohamed Kadiri2, Zakaria Bichra2,
Ahmed Bourazza1
1Hôpital militaire d’instruction Mohamed V,service de neurologie, Rabat 10100, Maroc2Hôpital militaire d’instruction Mohamed V,service de psychiatrie, Rabat 10100, Maroc
Correspondance : Jawad Oumerzouk,Hôpital militaire d’instruction Mohamed V, service de neuro-
logie, Rabat 10100, [email protected]
Reçu le 14 juillet 2013Accepté le 18 novembre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.11.019� 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.
tome // > n8/ > /