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fenêtres sur . cours ( ) ( ) f e n ê t r e s sur . cours Hebdomadaire • juin 2005 SNUipp.FSU Apprentissages, l’ambition d’une culture partagée

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SNUipp.FSU

Apprentissages,l’ambition

d’une culture partagée

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Ont participé à la réalisation de cenuméro spécial : Marianne Baby,Carole Crammer, BernadetteGroison, Bruno Kozole, DanielLabaquère, Brigitte Lopez, SophieZafari.

Nous tenons aussi à remercier tousceux qui ont contribué à sonélaboration par leurs écrits, leursconseils et leurs regards judicieux,leur apport à l’illustration de cespages.

rencontre avec François Place«lire c’est l’apprentissaged’une liberté»10

L’enseignement artisitique, un bien communJoëlle Gonthier12Le théâtre et l’école :Tous acteursreportage, rencontres16

Une vraie culture pour tous22

Je lis, donc j’apprendsAnne-Marie Chartier6

À la base, la culturejean Hébrard4

89181920

(fenêtres sur cours )Hebdomadaire du Syndicat National Unitaire des instituteurs, professeurs des

écoles et pegc - 128 Boulevard Blanqui - 75 013 Paris tél : 01 44 08 69 30 - e-mail : [email protected]

Maquette et mise en page : B. Kozole - Impression : SIAT - DRANCYprix du numéro : 1 € - ISSN 1241 - 0497 • CPPAP 3695 D 73 S

L’enfant, le livre et la bibliothèqueNic Diament

Réduire la distance sociale à l’écritMax Bluten

Le musée, lieu de savoirsYves Girault

Je fais des maths, donc je suisRoland Charnay

Entrez dans la danseClaire Pontais

L’histoire pour apprendre lacomplexitéPhilippe Joutard

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L’allongement de la scolarité, les nouvelles exigences éducativeset culturelles, l’évolution de la société posent en permanenceà la société la question du niveau de formation nécessaire pourtous et interrogent dans le même temps sur le sens que l’ondonne au concept de culture commune.

La nouvelle loi d’orientation pour l’école s’appuie sur la notionde socle commun qui tend à instaurer un enseignement minimalpour tous, un nivellement des contenus par le bas. Le SNUippy oppose l’appropriation d’une culture commune pour tousriche et diversifiée, constituée de savoirs plus exigeants et plusconceptualisés, qui constituerait une véritable étape vers ladémocratisation du système éducatif.

Porter une telle exigence, dans le cadre d’une société et d’uneécole inégalitaire n’est ni facile, ni évident, pourtant c’est cepari que le Snuipp porte , en inscrivant la transformation del’école au coeur de son action et de sa réflexion syndicale : bous-culer, proposer, se mobiliser sur des chantiers aussi divers queceux qui touchent aux missions, aux pratiques pédagogiquesqu’aux contenus d’enseignement.

La réflexion sur les contenus d’enseignement s’inscrit dans uncontexte où des tendances diverses, voire contradictoire tra-versent l’école primaire :

• La persistance des inégalités et de l’échec scolaire reste uneréalité prégnante y compris dès l’école primaire et malgré desavancées et une élévation générale du niveau scolaire.

• La promotion d’un recentrage sur le « lire, écrire, comp-ter» : un programme minimal pour les uns et des objectifs de plushaut niveau pour d’autres, est hélas encore d’actualité. C’estcette conception qui prévaut notamment dans le socle communde la loi d’orientation Fillon qui incite les enseignants à adap-ter les contenus d’enseignement à la diversité des publics et des« talents ».

• La demande d’une plus grande prise en compte par l’école dela multiplicité culturelle a conduit ces dernières années à cher-cher des réponses aussi à la périphérie de l’école.

• L’ambition des programmes de l’école primaire de 2002, enintroduisant une dimension culturelle et une transversalité dessavoirs, peut confronter les enseignants au perpétuel dilemme:soit tout traiter et laisser des enfants de côté, soit faire descoupes franches avec des conséquences sur la suite de la sco-larité.

Pour le SNUipp, l’école doit faire le pari que tous les élèves ontla possibilité de réussir. C’est la mission de l’école que de le per-mettre.

Cela suppose de penser les savoirs à enseigner dans leur dimen-sion culturelle, sans hiérarchisation des domaines disciplinairesentre eux, ni considération de pré-requis à maîtriser au préa-lable. Fort de ces constats faits par la recherche ces dernièresannées, il faut aujourd’hui faire porter l’effort pour permettreà tous les enfants d’entrer dans les apprentissages.

Quelleculturecommune ?Bien avant le débat sur la loi Fillon, leSNUipp avait organisé, à l’automne 2003,un colloque sur la culture partagée et lalecture. Ce sont ces travaux et laréflexion, que nous avons poursuiviedepuis, que nous vous proposons dans cenuméro spécial.

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lisent. Dès lors, deux discours sont possibles : lepremier, tenu par plusieurs ministres, consisteà dire « l’école c’est lire, écrire, compter… laculture viendra après ». Le deuxième, c’estcelui que nous commençons à tenir à la fin desannées 90 « l’école ce n’est pas seulement lire,écrire, compter, c’est la culture permettant delire, écrire, compter ». Ce changement est per-mis par une réflexion sur « l’enfant qui réussit ».

Qui est donc cet enfant qui réussit ? Globalement, c’est un enfant des classesmoyennes. ( Vos enfants !) Statistiquement,les enseignants sont très bons pour leurs propresenfants, ils les amènent le plus loin dans lesétudes supérieures, dans les classes les plusprestigieuses. Quels modèles éducatifs fonc-tionnent dans ces classes moyennes ? Jusqu’en75, l’école est totalement héritière de JulesFerry dans son aspect culturel : dès le CP, on faitde l’histoire, de la géographie, de la leçon dechoses. C’est une école qui donne, qui ne pensepas « qu’il y aura le Secondaire pour faire leschoses intelligentes ». C’est une école qui dit :« oui, c’est à l’école que tout se joue ». À par-tir de 1975, elle va seulement donner les ins-

truments (lire-écrire-compter), laissant le resteau collège. Aux professeurs spécialisés la cul-ture, à l’instit polyvalent le lire-écrire-compter.L’école des années 80-90 vient de là. Et si l’oncherche où se transmet la culture chez le jeuneenfant, on voit que pendant que l’école basculesur lire-écrire-compter, les classes moyennescultivent les enfants, précisément hors del’école. Plusieurs enquêtes de l’Inspection géné-rale réalisées dans les années 90 montrent uneffacement de l’enseignement de l’histoire,de la géographie, des sciences au cycle 3. Onfait vaguement chaque année le château fort etla préhistoire mais surtout lire-écrire-comp-ter. La lecture au cycle 3 se résume à desfiches questions et 3 romans par an. Commedisent les enfants : « quand est-ce que ça vafinir ? » Tistou les pouces verts, au bout d’unmois, ça vous dégoûte de la lecture beaucoupplus que ce que ça vous apprend à aimer lire. Dans ces mêmes années 70-80, se construittout le marché de la culture non scolaire, biblio-thèques, Villette, Futuroscope, musées detoutes sortes… ce marché florissant du mer-credi, du samedi et du dimanche. Autre marchécentral : le livre de jeunesse, lu par les parents,le soir à la maison et qui progressivement nour-rit de culture familiale les enfants. Pourquoi l’école ne transmet pas cette culturefamiliale qui fait les bons élèves ? Pourquoi àl’école, ce qui ne serait pas essentiel devrait

Un fossé immuable ?Qu’est-ce qu’une culture partagée ? La questionest au cœur des programmes. Le slogan desannées 70 « Il faut déscolariser l’école » s’esttraduit dans les relations école–bibliothèque, par« Il faut déscolariser la lecture ». Aujourd’hui,après 20 ans de travail sur la lecture, il s’agit derendre à l’école sa mission de transmissionculturelle. Les résultats aux évaluations CE2, ontmontré que le fossé entre les ZEP et les écoleshors ZEP demeurait infranchissable, comme sile « plus pédagogique » profitait toujours plusà ceux qui en avaient le moins besoin et laissaità la traîne, en permanence, ceux qui en avaientvraiment besoin. On se demande alors si, depuis20 ans, ce n’est pas précisément l’effort fait surla lecture qui produit cette rupture. On le véri-fiera : quand on évalue les enfants en diffi-culté sur la compréhension orale d’un texte, onn’obtient pas de meilleurs résultats que lors-qu’on les évalue sur la compréhension écrited’un texte. Dans ces cas là, il y a des phrases quireviennent : « Ils n’ont pas de vocabulaire »,« le langage ça ne va pas »… Or, derrière cesobservations se cache l’incomprehension desmots qu’on leur dit, et a fortiori des mots qu’ils

Jean HébrardInspecteur général

de l’Éducation nationale

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À la base, la culture« Il faut déscolariser l’école ! » Le slogan des années 70 a jeté l’école dans les tra-vaux forcés du lire-écrire-compter, en oubliant l’essentiel : la culture, le socle indis-pensable pour lire, écrire et compter. Les programmes de 2002 s’attachent à res-taurer cette mission essentielle de l’école. Jean Hébrard nous dit pourquoi.

colloque

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être la littérature, l’histoire, la géographie,les sciences, les arts,…? Tout ce qui permet delire, écrire, compter. Il s’agit donc bien de res-taurer une culture scolaire, de retrouver ceque peut être une culture scolaire aujourd’hui.

La littérature au coeurLa littérature a un rôle particulier, parce qu’elleest caractérisée par l’intertextualité. La litté-rature est un univers dans lequel les textessont en écho les uns les autres. On a souventparlé, dans les années 70-80, du « plaisir de lire». Mais notre problème est d’abord de de rendrela littérature familière, de donner à l’enfant lesbases qui vont lui permettre d’être dans la lit-térature avec plaisir : vivre avec le Petit pou-cet, Pinocchio, Alice aux pays des merveilles etles bonshommes de Ponti. C’est avoir, avec cetunivers la même familiarité qu’avec l’universquotidien. Vous savez faire cela avec vosenfants, en les abreuvant de lectures à hautevoix dès le plus jeune âge. Et vous continuezmême lorsqu’ils savent lire. 9 fois sur 10, ilsréclament un livre qu’ils connaissent déjà.Ainsi, vous constituez dans l’oralité une culturelittéraire, une mémoire des livres. Un lecteur,n’est pas celui qui éprouve du plaisir à lire,c’est celui qui se souvient de ce qu’il lit, parcequ’immédiatement tout s’interconnecte. Lesenfants constituent cette culture quand on laleur donne et on la leur donne en leur parlantde la littérature.

Pourquoi la littérature ? Parce que la littérature est très certainementaujourd’hui le lieu même de la formation del’enfant. La littérature est ce lieu extraordinaireoù l’on peut construire des expériences vitalessans mettre sa vie en danger, où l’on apprendce qu’est la vie, la mort, la vérité, le men-songe, l’amour, la peine… La formation morale

d’un enfant est dans la littérature. Si vous met-tez dans la tête d’un enfant que la littératureest un passe-temps, vous auriez tout perdu.Ce n’est pas un loisir, c’est ce qu’il y a de plussérieux, et c’est ainsi qu’il faut la transmettre.

Et pourquoi un programme de littérature ? Parce que ce qui caractérise nos cultures, c’estla possibilité que nous avons aujourd’hui de nejamais regarder un film en entier, de zapper,d’une image ou d’une chanson à l’autre. Notrepari c’est que, en soubassement de la culture,il y a un noyau culturel qui rend compte detoute la culture. Un jour, je demande à Todo-rof, un des membres du conseil national des pro-grammes, ce qu’il faut enseigner à l’école ? Il

répond : « la culture de base ! » Et donne cettedéfinition : « c’est l’implicite de la conversation,ce qu’il n’est pas nécessaire de dire pour secomprendre ». Il y a aussi un implicite de la cul-ture, et c’est peut-être le rôle de l’école de letransmettre. L’implicite de la culture, c’est cequi ouvre à toutes les cultures. Il faut en effetaller à des textes fondamentaux, à des textesqui résonnent d’une culture à l’autre, d’un uni-vers à l’autre, mettre en réseau les livres. Àl’école maternelle, nous sommes au centre dece qu’est la littérature à l’école primaire :c’est de l’oralité, du langage échangé. L’aller-retour se fait entre votre voix et la reformula-tion faite par l’enfant. Cet aller-retour se faitentre le choix que vous avez fait, les réseaux de

livres que vous avez présentés, et les débatsqu’ils permettent avec les enfants. Cette nour-riture par la littérature permet à l’enfant deconstituer une capacité de parler la langueécrite et va donc lui permettre quand il arriveraau CP de retrouver dans les textes un langagequ’il connaît.

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et réciter les résumés d’histoire et de sciences etont ciblé tous leurs efforts sur «dictées-pro-blèmes». D’autres réformes, destinées à assurerune meilleure égalité des chances, ont échoué.Dans les années 1960-70, les pionniers des mathsmodernes étaient sûrs d’aider l’école à être plusdémocratique. Ils pensaient que les enfants dupeuple seraient meilleurs en maths qu’en fran-çais, parce qu’ils ne seraient pas désavantagés parle manque de vocabulaire ou la syntaxe. On saitaujourd’hui qu’ils avaient tort. Et aujourd’hui,qu’est-ce qui pourrait rendre ces nouveaux pro-grammes irréalistes ou irréalisables ?

Une pédagogie à inventerS’agissant du « lire et écrire » dans les disci-plines, je vois bien la nécessité de sortir d’unesituation qui les a reléguées sur la touche. On saitles élèves très intéressés par ce qu’ils décou-vrent et apprennent sur le monde, en histoire, engéographie, en sciences. La « Main à la pâte » amontré qu’ils y apprennent à observer, argu-menter, en se servant des termes précis. Mais quesont-ils sensés savoir, tous, quand ils sortent duCM2 ? Aujourd’hui, ce qu’ils ont vu varie selon lesclasses, laisse peu de traces dans les classeurs etdans leur mémoire, puisque les moments derécapitulation sont aussi rares que les évaluations.Or, si les acquisitions faites ne sont pas « capi-talisées », seuls en profitent réellement ceuxqui trouvent à la maison des renforcements effi-caces (fréquentation d’illustrés, documentaires,CD-Rom, etc.). Il faut donc lier de façon régulièreles activités scientifiques à la lecture et l’écriture.

Je me dis parfois que si les Instructions offi-cielles de 1985 se résumaient par « lire c’estcomprendre », celles de 2002 se résumeraient par« lire, c’est apprendre ». Pourtant, il seraitabsurde de revenir à un enseignement «livresque » (lecture collective du manuel, expli-cation des mots difficiles, réponse aux questionset copie du résumé à apprendre, comme autemps de Ferry). Ces activités doivent rester destemps où tout le monde peut travailler etapprendre, même les lecteurs en difficulté,même ceux qui ont du mal à écrire. Il s’agitd’articuler les moments de recherche, de dia-logue, et les tâches de lecture et d’écriture quiservent à fixer les savoirs construits, à les rendredisponibles pour d’autres apprentissages, sanscréer de nouveaux échecs. On ne part pas de rien,mais cette pédagogie est en grande partie àinventer.

Discuter, argumenter, comparerLe problème est encore plus patent avec la lec-ture des textes littéraires. Une liste a l’avan-tage de fixer (même arbitrairement) un corpuslimité d’œuvres que les maîtres pourront touslire. Ils pourront enfin parler avec leurs élèves dece qui a été lu dans les autres classes, au lieu quetant de lectures soient vouées à l’oubli. Ceux quiprotestent contre cet « étatisme culturel » semoquent du monde : quand il paraît 8000 nou-veaux titres par an, refuser de limiter le corpus,c’est confondre l’école et le marché. Évidem-ment, toutes les lectures libres hors liste, puiséesdans le fonds de la BCD, restent bienvenues.

Jouer les CassandreSi j’adhère aux finalités des programmes de 2002et à la volonté politique qui les soutient( construire une culture partagée ) je ne crois pasqu’il suffira qu’ils soient inscrits dans un texteofficiel. Les textes officiels ouvrent des pistes etrendent certaines choses possibles, mais ils ne lesrendent pas « certaines ». J’ai donc essayé dejouer les Cassandre, pour voir les risques dedérive et pour que nous soyions plus vigilants. Eneffet, les ratés historiques abondent. Ainsi, on sereprésente l’école de Jules Ferry comme la bonnevieille école du lire-écrire-compter. Dans lescahiers de l’époque, on voit tous les jours lecture-écriture, dictée-grammaire et opérations-pro-blèmes. Et des pages et des pages de copies.Pourtant, les programmes de J. Ferry cherchaienttout autre chose. Les maîtres devaient fermer lesmanuels, se servir de la balance de Roberval,repérer sur de vraies fleurs l’étamine et le pistilou nommer les fleuves sur la carte de France. Lesenfants (qui parlaient souvent patois à la maison)devaient ainsi apprendre le bon français, un oralde questions-réponses permettant d’entrer, aprèsla leçon, dans la lecture des manuels. L’écolevoulue par les textes officiels ( comme aujour-d’hui ) était une école des savoirs et de la culture,faisant la part belle à l’histoire et à la géographie,aux sciences et à la littérature, à La Fontaine etVictor Hugo. Les maîtres ont sans doute approuvéle projet « en théorie », mais l’ont trouvé irréa-liste « en pratique », loin des soucis immédiatsd’orthographe et de calcul. Jusqu’en 1914, beau-coup se sont donc contentés de faire lire, copier

Anne-MarieCHARTIER

Maître de conférenceINRP

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Je lis donc j’apprendscolloque

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Mais comment construire une pédagogie de la lec-ture collective qui ne soit pas un simple retour dela rituelle lecture suivie ? Mes CM2 adoraient cequart d’heure de plaisir en fin de journée (si onn’était pas en retard), mais je ne cherchais pasvraiment à en faire le point d’appui d’autresapprentissages (exprimer son avis, discuter uneinterprétation, argumenter son point de vue,comparer un texte à un autre, etc.). Touteschoses plus faciles à dire qu’à faire, d’ailleurs, caril faut trouver les histoires qui s’y prêtent, ni tropplates, ni trop complexes. Dans l’ensemble, lesconcepteurs de la liste ont plutôt opté pour lacomplexité… Prenons un album de la liste, Ottode Tomi Ungerer. C’est bien une histoire pourenfants : elle raconte comment, grâce à Otto, lenounours que David a confié à Oskar au momentde leur séparation, deux garçons vont se retrou-ver en Amérique, une fois devenus vieux et« reconstituer une famille ». Sauf que la toile defond est la deuxième guerre mondiale. Davidmet l’étoile jaune, est arrêté avec ses parents,le père d’Oskar part pour le front… Dans l’Alle-magne bombardée, un G.I ramasse Otto dans lesruines et l’emmène à New York, au ghetto de Har-lem. Que doit expliquer le maître ? Que peu-vent « comprendre » les enfants ? N’est-ce pas unlivre « trop dur » ?

Le pari de la lectureLa littérature à l’école est un pari : montrer quele but de la lecture n’est pas le pur « le plaisir delire ». Qui peut lire Otto « pour le plaisir » ? Otto,est un livre pour réfléchir, grandir, comprendre

des choses difficiles mais vraies, et surtout pourparler ensemble. Un enfant qui lit Otto tout seul,peut faire des cauchemars ; lire avec un adultequi prend la peine d’écouter, cela change tout.Les enfants d’aujourd’hui voient souvent seulsune télévision qui les abreuve d’images autrementdifficiles et violentes, dont ils ne peuvent parleravec personne. À l’école, le maître est là pourécouter, laisser s’exprimer les réactions et lesincompréhensions, donner aussi les éclairagesnécessaires. La force des fictions littéraires, c‘estqu’elles parlent et font parler du monde, maisaussi des peurs et des bonheurs, des angoisses etdes désirs, des rêves et des souffrances, sansqu’on ait pour autant à parler directement de soi.

Une tâche difficile qui vaut la peine Ne met-on pas la barre trop haut ? On sent com-bien il sera difficile, dans le temps retreint de laclasse, d’avoir ce tact quotidien, la disponibilité,et aussi les savoirs pour répondre aux demandesdes élèves. Le premier risque serait d’être obsédépar l’efficacité à court terme (tenir le pro-gramme, « descendre dix livres » par an, commeon fait des kilomètres, les yeux fixés sur le comp-teur). Un autre risque serait de jouer aux profs delettres, de faire de l’analyse littéraire au rabais.Si on fait fonctionner les programmes naïvement,on risque d’avoir trop tôt des exigences qui serontbien remplies par des enfants de classesmoyennes, exactement comme au moment de laréforme des maths moderne. Il faut donc inven-ter des voies nouvelles, même si au départ c’estun peu « irréaliste ». Cela signifie que le terraina un pouvoir énorme dans la façon dont serontréalisés les programmes. Le terrain, c’est unpouvoir collectif et invisible. On a beau avoirune prescription ministérielle forte, négociée,discutée, l’usage qui sera fait des textes demeureun usage non prescriptible. Aujourd’hui, la balleest dans le camp des enseignants et malgré monpessimisme de Cassandre, j’ai envie d’avoirconfiance.

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Et où en est-on aujourd’hui avec la polyvalence ?

La polyvalence des enseignants dupremier degré est-elle un atout ou unefaiblesse pour penser à la définition dusocle commun ?De mon point de vue, en se limitant à la« polyvalence disciplinaire » (sansaborder la question de la « polyvalencefonctionnelle »), c’est incontestablementun atout, surtout si on donne un sens fortà « socle » et si on ne se contente pas dele voir comme une juxtaposition del’essentiel de chaque domaine ; c’est à lafois cela mais plus encore, car c’est cequi fait tenir tout le reste, ce qui le rendpossible, d’un triple point de vueinstrumental, méthodologique,conceptuel. La polyvalence permet depenser la formation des élèves et del’organiser de manière cohérente encoordonnant les enseignements, dediverses façons d’ailleurs : autour dethèmes parfois, en réseaux, en fonctionde compétences méthodologiques «transversales », etc.

Quels constats peut-on établiraujourd'hui de la polyvalence desenseignants du premier degré ?Ce fut une identité assignée. Si elle resteun objet d’attachement, la polyvalencene constitue pas, le plus souvent, une

identité pleinement assumée, ni plus, nimoins aujourd'hui qu'hier. Sa conceptionévolue mais aujourd’hui comme hier, àl’école élémentaire, dans les champsdisciplinaires de "l'apprendre par corps",c’est-à-dire tous les domaines où lespratiques, les savoir-faire sont dominantspar rapport aux savoirs, la polyvalencen’est pas vraiment mise en œuvre.

Quelles évolutions seraient nécessairesen terme de programmes, de structuresou de formation ?On ne peut pas sacrifier au dogme de lapolyvalence des pans entiers de laculture scolaire pour les élèves et fermerles yeux sur des lacunes de leuréducation. Pour éviter cela, on doit êtreattentif à la polyvalence de la formationdispensée - dans son extension et dansles principes mêmes de sa cohésiond’ensemble - et exigeant quant à cetobjectif, même si on admet desdominantes de formation. Peut-être aussidans les programmes, les liens entredomaines, entre formes d’activitéspeuvent-ils être clarifiés.

Entretien réalisé par Marianne Baby

3 Questions à Viviane Bouysse,IA-IPR, chef du bureau des écoles à la Direction des enseignements scolaires

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Bébés lecteursLes pratiques des enfants en bibliothèque sontpeu connues. Des générations de parents, lecteursenfants dans les bibliothèques dans les années 70,période de développement des bibliothèquespour la jeunesse, maintenant y amènent leursenfants. Notre génération, a découvert les com-pétences des bébés, avec un livre de Marie Bon-nafé (Les livres c’est bon pour les bébés) dans lesannées 90. Ou avec, en 1982, la création d’ACCES,( Actions Culturelles Contre les Exclusions et lesSégrégations ) qui s’est attaché à proposer deslivres aux bébés hors des bibliothèques, dans lesPMI, les crèches, les salles d’attente d’hôpitaux,etc. Ils ont montré à des familles où le livren’existait pas que dès lors que les bébés s’y inté-ressaient, elles pouvaient elles-même investirsur le livre. Cela a eu un gros impact sur la pra-tique des bibliothécaires qui, depuis, ont ungrand souci de l’âge préscolaire. Cela corres-pond en même temps à un développement del’édition de jeunesse, puisqu’en 2001, 55% destitres s’adressaient aux moins de 5 ans : des livresà regarder, à grignoter, à mettre dans le bain, àcaresser… Dans les bibliothèques ont fleuri destapis de lecture où l’on se vautre avec les bébés,des transats, un endroit pour les changer… Çadonne un aspect nursery aux sections jeunesse,et parfois en chasse les plus vieux qui ne se sen-tent plus chez eux.

Les ados oubliésOn perd beaucoup d’ados dans le couloir quisépare la section jeunesse de la section adulte.Traditionnellement, on inscrivait les enfantsjusqu’à 14 ans dans la section jeunesse, et à par-tir de 14 ans, ils étaient sensés fréquenter la sec-tion adulte. Aujourd’hui, on les inscrit à partirde 6 mois plutôt que 4 ans, mais à partir de 11-12 ans, ils considèrent que la section jeunessen’est plus pour eux. Ils continuent à fréquenterla bibliothèque parce qu’ils la connaissent depuislongtemps, mais ce n’est pas forcément un lieuoù ils lisent ou empruntent. Contrairement auxpays anglo-saxons, dans la plupart de nos biblio-thèques, il n’y a pas de section adolescence, parcrainte de renforcer un côté ghetto de l’ado-lescence…

Pour des formations communes aux enseignantset aux bibliothécairesSi dans les années 70, on s’efforçait de recevoirle maximum d’enfants, on privilégie aujourd’huil’accueil individuel. Ce n’est pas sans lien avecl’intérêt pour les bébés. De plus en plus, on favo-rise des moments avec un ou deux enfants pourraconter une histoire, discuter des livres. Avecl’école, les choses ont évolué dans le mêmesens : les bibliothécaires privilégient le projet.Ainsi autour d’un projet élaboré entre ensei-gnant et bibliothécaire, la classe va venir 4, 5, 6fois dans l’année. Ce n’est plus le ou la biblio-thécaire qui propose seule ce qu’on va faire. Sila plupart des enseignants ne connaissent pas letravail des bibliothécaires, la plupart des biblio-thécaires pour la jeunesse ne connaissent pasnon plus en profondeur le travail des enseignants.Aussi, je plaide pour des stages en commun, desformations continues et pourquoi pas initiales,autour de la littérature de jeunesse communesaux enseignants et aux bibliothécaires. Nousavons tout à y gagner !

Beaucoup de livres au compteurLa littérature enfantine a acquis ces dernièresannées une vraie légitimité sur le plan culturel,alors que, longtemps, écrire pour la jeunesse, cen’était pas être un « vrai » écrivain. Nous avonsune quantité d’illustrateurs géniaux et d’écrivainsde fiction remarquables et les universitairess’intéressent de plus en plus à cette littérature.Les bibliothèques pour enfants ont développé,leur propre conception de la lecture, où l’enfantdoit être immergé parmi un grand nombre delivres, même s’ils ont été soigneusement sélec-tionnés pour qu’ils puissent les aborder. L’unedes missions des bibliothèques pour la jeunesseest d’éduquer dès le plus jeune âge à choisir lelivre qui plaît ou qui va toucher parmi un grandnombre d’ouvrages. Une autre fonction de cetteconception de la lecture - l’apprentissage étantlaissé à l’école – est de faire acquérir des com-pétences de lecteur, en offrant et suscitant legoût de lire. Ce n’est que lorsqu’il a lu un cer-tain nombre de livres, qu’il a acquis à la fois pos-ture et compétences, qu’il est un bon lecteur.Il est capable d’aborder avec enthousiasme etpersévérance des gros livres, écrits petit et sansimage. C’est apprendre pourquoi on aime unlivre et pas un autre, une problématique orien-tée vers la pratique plus que vers l’apprentissage.Et si c’est un apprentissage, c’est celui d’unepratique, plus que d’une technique.

Nic DIAMENTDirectrice de La joie par les livres,

Centre national du livre pour enfants

L’enfant, le livre et la bibliothéque

Longtemps méprisée la littérature de jeunesse est aujourd’hui reconnue. Lesbibliothécaires ont joué un rôle important dans cette reconnaissance et dansl’offre de lecture à des publics de plus en plus jeunes. Après des démarches concur-rentes, ils travaillent désormais en partenariat avec les écoles.

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colloque

Le boom des livres pour enfantsAvec plus de 9000 titres par an, la littérature jeunesse représente plus de10% du chiffre d’affaires de l’édition, sans compter les BD. En 1914,on ne recensait que 144 titres pour enfantset depuis les années 80, on voit chaqueannée le nombre de titres augmenter. Entre2001 et 2002 on a gagné 1000 titres. Enoutre, le tirage moyen d’un titre pourenfants est largement supérieur au tiragemoyen d’un titre pour adultes, puisqu’ildépasse les 10.000 exemplaires et le ratiode vente d’un tirage est supérieur à 80%.

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Après plusieurs années d’expansion de l’offre de lecture, certaines stagnations appa-rentes dans la demande des lecteurs questionnent enseignants, bibliothécaires etinstitutions. Les politiques de lecture sont au coeur du débat

positifs. Or, malgré la prolongation de la scola-rité et 25 ans d’efforts pour soutenir la lecturepublique, l’amélioration n’est guère spectacu-laire. 30% de la population fréquentant unebibliothèque est un progrès certes appréciablemais insuffisant comparé aux pays de l’Europe duNord où les taux dépassent 60, 70%. Pour ce quiest des bibliothèques scolaires, si les CDI sont ins-tallés, l’existence des BCD reste précaire.Compte tenu des objectifs nouveaux et ambitieuxde formation de jeunes lecteurs, compétents,polyvalents, leurs performances laissent encoreà désirer. L’élargissement sociologique des lec-torats est réel, mais il profite aux couchesmoyennes. C’est la fin d’une croyance : la proxi-mité spatiale du livre ne gomme pas la distancesociale à la culture de l’écrit.

L’école montrée du doigtL’Éducation nationale s’interroge sur ses résul-tats et se dote d’instruments de pilotage etd’évaluation, en ciblant notamment l’indica-teur de la lecture. Des pédagogues, militants dela lecture, de la littérature de jeunesse s’al-lient aux militants pédagogiques ( parfois appuyéspar l’institution) pour montrer qu’une autreoffre de lecture est nécessaire et possible, enclasse, en BCD, afin de s’adapter aux pratiquesculturelles et aux attentes des jeunes lecteurs.Ces enseignants relaient parfois les critiquesdes bibliothécaires, dont beaucoup pensent toutbas ce que le rapport Pingaud dit tout haut en1981 : « au lieu d’initier les élèves au plaisir dela lecture, l’école a tendance dans bien des casà les en détourner». Pourtant, de nombreux tra-

L’amplification de l’offreAprès 1981, tous les élus prennent conscience del’intérêt d’afficher une politique de lecture. Lademande populaire, la mobilisation de militants,le scandale de l’illettrisme accélèrent et accen-tuent ces prises de conscience. Les pouvoirspublics multiplient les offres de lecture alorsque l’édition connaît une sur-offre commer-ciale. Dans le secteur jeunesse on passe de 618titres en 1958, à 4 500 en 1980 et à plus de9 000 en 2003. Ce dynamisme s’accompagne dela diminution rapide de la vie des produits. Lesenseignants ont du mal à suivre l’actualité. Enréponse à l’offre, 30% de la population fran-çaise fréquentent une bibliothèque, 22% y sontinscrits, dont 18 % en bibliothèque municipale.Dans l’univers scolaire, en 25 ans, la quasi tota-lité des collèges et lycées est dotée d’un CDIpiloté par un documentaliste qualifié et formé.Les écoles conjuguent les ressources du coinlecture, la bibliothèque de classe avec l’usaged’une bibliothèque centre documentaire (BCD).L’amplification de l’offre est générale, et onvoit des bibliothécaires sortir de leurs murs etoffrir des lectures tous azimuts : en prison, àl’hôpital, pour les bébés, pour les vieux... Lesactions d’accompagnement et de promotion del’offre (salons, rencontres…) s’intensifient.

Limites et résistances Au delà de la découverte de l’illettrisme, partouton s’interroge sur les résultats obtenus, d’autantque l’exigence de résultats croît. Longtemps, lesbibliothécaires ont pensé que l’amélioration del’offre entraînerait mécaniquement des résultats

Max BUTLENMaître de conférence

à l’IUFM des Pays de Loire

Réduire la distancesociale à l’écrit

vaux de psychologues cognitivistes, dans ledomaine de la compréhension, et de théori-ciens de la littérature, dans le domaine de laréception des textes, font aussi progresser l’offrede lecture à l’école. Ils aident à mieux com-prendre que la formation du lecteur est au pointde rencontre du cognitif et du culturel, et qu’ilfaut mettre en œuvre une pédagogie de la com-préhension et de l’interprétation. Les pro-grammes de 2002 portent les résultats de ces tra-vaux. Alors que longtemps, on a estimé que lesjeunes enfants étaient incapables d’interpré-ter, ils posent notamment que l’on gagneraitbeaucoup à organiser des débats interprétatifsdès le cycle 2, en construisant une culture lit-téraire et en la faisant partager. Par ailleurs,l’opposition classique entre plaisir de lire, quirelèverait de la seule pratique culturelle, etsouffrance, qui serait liée aux apprentissagesdidactiques, est en train d’être dépassée. Oncomprend que le plaisir de lire résulte de l’iden-tification à des héros, à une « illusion référen-tielle », mais qu’il se fortifie avec la capacité demettre à distance les textes, de comprendreles effets qu’ils produisent sur nous. Cela supposeune nouvelle approche des textes, du paratexte,de l’intertexte, en procédant à des mises enréseau des œuvres pour comprendre et apprécierles valeurs, comparer les écrits entre eux, lesrapprocher, les éclairer les uns par les autres.

La lecture reste un enjeu d’actualitéL’inscription de la littérature de jeunesse auprogramme est une évolution et résulte d’unelongue mobilisation des militants du livre de jeu-nesse et des milieux professionnels. Cela a per-mis de poser le problème de la formation cultu-relle des jeunes, en même temps que celui desinégalités de distribution et d’appropriation desœuvres comme facteur d’inégalité et d’échec.L’affaire de la liste est un simple révélateur à lafois du chemin parcouru dans l’amélioration del’offre et des rapports de forces, et des ten-sions résultant de la concurrence entre acteursrésolus à faire prévaloir leurs valeurs, leursreprésentations, leurs politiques d’offre, et leursintérêts. Reste maintenant à faire en sorte quecette offre rencontre les demandes et sache lessusciter, ce qui ouvre un vaste programme de for-mation pour tous les enseignants.

« Une véritabledémocratisation supposeaussi et tout à la foisune transformationimportante des manièresd’offrir, un élargisse-ment des supportsd’apprentissage,l’encouragement aupartage des savoirsentre lecteurs et à ladiscussion autour deslectures, le pari dudébat interprétatif etargumentatif...»Fenêtres sur cours, 27 janvier 2004

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Les montagnes de la Mandragore,Les albums Duculot chez Casterman

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On voyage beaucoup dans vos livres. Lirec’est donc voyager ?Oui, on peut considérer la lecture comme unvoyage. Lire permet d’être dans un ailleurstout en restant à l’intérieur de soi-même.

Est-ce que la rencontre de vos lecteursinfluence votre travail ?J’ai rencontré beaucoup de mes lecteurs,mais cela n’a pas trop d’influence sur moi. Jene cherche pas à m’adapter à une tranched’âge. Je ne sais pas le faire. Ce qui m’inté-resse, dans ces rencontres, c’est plutôt desavoir ce que les enfants perçoivent, y com-pris lorsque des textes sont dit « difficiles ».

Pour qui écrivez-vous ? D’abord j’écris souvent en illustrant. C’estune forme d’écriture en « stéréo », puisque lepinceau dialogue avec la plume. Cela suffitpour me ranger dans la « littérature jeu-nesse », même si c’est parfois sur le fil durasoir, puisque je suis autant lu par desadultes. Ce que j’écris à trait à l’enfance,parce que les histoire de voyages sont liées àla nécessité de grandir, de découvrir. Et puis,

on écrit aussi avec des sensations d’enfance,des réminiscences de lectures, de certainsplaisirs que l’on a eus. La question c’est :est-ce que l’on peut aller vers son enfance etrencontrer les autres enfants en cours deroute ? Je crois qu’il faut que les gaminsaient accès à toute sorte de lectures diffé-rentes et de plaisirs différents dans la lecture.Il y a toujours dans la lecture, le plaisir dedécouvrir de nouveaux mots. Comme si ondésembuait une vitre. On voit toujours unpeu plus loin derrière la vitre quand on connaîtplus de mots. C’est l’apprentissage d’uneliberté. Manipuler les mots de sa langue, c’esthabiter sa maison, c’es l’agrandir, c’est avoirdes pièces plus nombreuses. Or, la lectureest un matériau difficile. C’est un apprentis-sage très dur, très long. Il y a dans la lectureune sorte de noyau à casser, il y a toujours unpetit effort à faire. Un écrivain que j’avaisécouté dans une conférence disait qu’il fautproposer aux enfants des textes en surplomb,mais en surplomb chantant. Peut-être qu’ilfaut aussi proposer aux enfants des textesqui marchent vers ça. Cela ne veut pas direque tous les enfants seront plus tard de grandslecteurs. Il s’agit juste d’ouvrir cette porte.

Comment devient-on lecteur ? Pour le plaisir et par curiosité. Mais c’estd’abord un apprentissage. Et il y faut un grand

nombre de médiateurs. Les enseignants, lesbibliothécaires, les parents, les grands-parents. C’est plus facile si dans l’environne-ment, il y a des gens qui lisent déjà.

Tous les enfants ne sont pas à égalité. Lasociété fait-elle assez pour favoriser l’accèsà la lecture ?Je crois qu’il y a beaucoup de choses qui sontfaites. Mais je crois aussi qu’il y a des concur-rences qui sont plus tonitruantes. On n’estpas à armes égales avec la vidéo, la télévision,le dvd. Les pouvoirs de séduction du livresont plus fragiles, parce qu’ils demandent desefforts.

Est-ce que la présence de vos livres dans lesécoles vous donne une responsabilité ?Je pense qu’il faut qu’il y ait beaucoup delivres dans les écoles. C’est une nécessitéimpérative que la lecture ne soit pas abordéeque techniquement, mais aussi sous sesaspects de plaisir, de curiosité, de diversité.

Etes-vous attentif à ce que les enseignantsfont de vos livres ?J’ai souvent l’occasion de me déplacer dansles écoles ou de rencontrer des enseignants,et donc de discuter de mes livres, mais jen’ai pas, heureusement, de pouvoir sur l’usagequi en est fait.

François Placeinterview

“Lire, c’est l’apprentissaged’une liberté.”

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Qu’est ce qui pourrait, selon vous, aider audéveloppement de la lecture aujourd’hui ?Je n’ai pas de réponse immédiate. Il y a beau-coup d’initiatives qui sont prises, dans et endehors de l’école. Et en même temps il y abeaucoup de carences, et d’immenses diffi-cultés. Il y a eu ces nouveaux programmes quiont suscité une violente controverse parcequ’y était jointe une liste « obligatoire ». Jecontinue à penser que c’était une porte qu’ilfallait pousser. On est toujours un peu enterre de mission quand on parle de lecture. Eten même temps on ne dit jamais pourquoion veut que les gens lisent. C’est la seulequestion : lire pourquoi ? Pour devenircitoyen ? Pour conquérir pour soi-même unespace de liberté ? Pour transmettre ? Pourdialoguer avec notre passé ? Pour interrogernotre futur ? Pour nous comprendre nous-mêmes ? On peut imaginer qu’un peuple qui litest toujours moins manipulable qu’un peuplequi ne lit pas.

Propos recueillis par Bruno Kozole

Des salons pour le livre de jeunesse

« Nous sommes despasseurs de livres »Les salons sont des lieux de rencontre

avec le livre sous toutes ses formes et avec leurs auteurs.

Vous organisez chaque année le salondu livre pour la jeunesse de Montreuil.À quoi sert un salon ?Les salons jouent un rôle important pourles enfants. C’est un moment où ilspeuvent prendre conscience d’une partdu nombre de livres qui sont écrits poureux, qui les concernent, qui parlent dechoses qui les touchent et aussi que cetévénement est créé pour eux. Parailleurs, les salons sont très importantspour rencontrer la création vivante. Ons’aperçoit que souvent pour les enfants,le livre est quelque chose d’abstrait,

derrière lequel il est difficile d’imaginerun auteur. La rencontre avec les auteurs,parler de littérature avec ceux qui lacréent, est quelque chose d’importantaussi. L’intérêt des salons c’est aussi dejouer sur la diversité des offres. Car lalecture est une affaire très intime, oùchacun entre pour des raisonsdifférentes. Enfin, il y a énormément delivres aujourd’hui et il n’est pas facile des’y retrouver. Les salons peuventapporter des clés de lecture.Il faut noter également que ces salonssont souvent portés par des puissancespubliques et il y donc des responsabilitésinstitutionnelles sur la lecture publique.Chez nous le Conseil général, avec laDrac et Ministère de la cohésion sociale,offre des « chèques lire » aux enfantsafin qu’ils puissent aussi acheter deslivres, car beaucoup d’enfants n’ont pasles moyens d’en acheter.

Comment préparez-vous le salon avecle public scolaire ?L’association travaille toute l’année avecles écoles. Avant le Salon, il y a tout untemps de rencontres, de discussions avecles enseignants. Quand une classerencontre un auteur, par exemple, onleur envoie ses livres, de façon à ce quela rencontre ait lieu sur le contenu. En fait nous travaillons avec eux dejanvier jusqu’à novembre. Et puis il y aaussi l’après salon, où l’on travailleencore avec eux, en publiant desbibliographies, où l’on fait circuler desmalles de livres dans les écoles. On faitpartie d’une sorte du réseau du livre, quiest actif en permanence, où nousagissons en tant que partenaire, quiassocie également les enseignants et lesbibliothèques. Nous animons aussi desateliers d’écriture dans ce cadre.

Arrivez-vous à mesurer l’impact de cesactions ?C’est difficile, mais c’est un événementqui a plus de vingt ans et chaque annéenous recevons plus de trente milleenfants et plus d’un tiers de la Seine-Saint-Denis, beaucoup d’enfants sontvenus plusieurs fois. Ce n’est sans doutepas neutre dans leurs parcours scolaire.Surtout dans un départements où lesinégalités sociales sont fortes et où lerapport à la lecture n’est pas forcémentfacile. On voit bien dans la manière dontles enfants parlent avec les auteurs, qu’ilse passe quelque chose d’important.

Sylvie VassalloDirectrice du Centre depromotion du livre dejeunesse en Seine-Saint-Denis

3 questions à...

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L’art comme lien majeurDans l’histoire de l’humanité, les chiffreset l’écriture viennent après le graphismeou la sculpture. Plus encore, c’est parceque l’homme a su tracer des formes dans

le sable à l’aide d’un bâton, projeter de lacouleur sur la paroi d’une caverne, réaliserdes tressages ou encore des encoches dans dubois, et échanger à partir de ces signes, quel’écriture et les chiffres ont été peu à peu éla-borés. Si « socle » signifie bien « soubassementsur lequel repose un édifice », mon expériencede plasticienne me fait dire que si on le retire,l’édifice tombe. Restreindre le socle communà savoir lire, écrire et compter, c’est présenterl’une des conséquences d’un lent chemine-ment vers une abstraction comme étant le sup-port de toute acquisition cognitive ultérieure.Effacer de nos mémoires ce qui fonde notresavoir et notre humanité est un moyen pour lemoins étrange de défendre transmission et tra-dition. C’est aussi nier que l’être humain abesoin d’appuis multiples pour construire sapersonnalité et élaborer sa pensée. La dimen-sion éducative de l’école, celle qui dépasseles apprentissages ciblés pour contribuer à laformation de citoyens responsables acteurs de

leur devenir est ainsi perdue de vue.

Pourquoi les relations à l’art posent-ellesproblème au sein du système scolaire ?L’évaluation est certainement le point qui fra-gilise le plus l’enseignement artistique dans lecadre scolaire, non en raison de défaillances,mais parce que le besoin de définition dans unchamp contamine les autres domaines. Dèslors, si nous questionnons l’évaluation réali-sée en éducation musicale ou en arts plas-tiques, nous entamons une réflexion en cascadesur ce qui motive et soutient un apprentissageen général, sur l’adaptation de connaissancesscolaires à la vie de tous les jours, les capaci-tés et les désirs d’une personne en regard deprogrammes et de méthodes communes et pour-quoi pas l’incidence de la génétique ! Ensomme, nous touchons à ce qui n’a pas à êtredéveloppé en mathématiques et en françaistant le risque est de remettre en cause le sys-tème en son intégralité. L’enseignement artis-tique apparaît ainsi tel un coin enfoncé dans lesprincipes mêmes de l’enseignement, d’autantplus que la verbalisation et l’analyse de pra-tiques ou de démarches que celui-ci sollicites’inscrivent en rupture avec les modalités domi-

nantes à l’école : celles de l’exposé magis-tral, de l’interrogation et de la correction.

Le constat que, pour apprendre, il est néces-saire de comprendre et de s’approprier desconnaissances est à la base de tout enseigne-ment artistique. Que penserions-nous d’unacteur qui jouerait involontairement à contre-temps, d’un danseur qui ne se dégagerait pasdes exercices de barre au sol ou d’un clown quirépéterait une blague éculée sans distance ? Lapratique de la réflexion collective repose sur laconfiance en l’autre et l’absence de jugementde valeur : capable d’apprendre, l’autre est àmême de nous apprendre et de nous sur-prendre. L’émerveillement ne naît pas de laconformité de la réponse, mais de ce qui faitévénement en comblant nos attentes au-delà dece que nous imaginions. C’est pourquoi « fairedes mathématiques » ne se limite pas à « savoircompter » et « écrire », pour un écrivain,n’est pas « savoir écrire ». L’invention, laréactivité, l’hypothèse comme la simulationou la fiction débordent ce qui autrement neserait qu’application sans lendemain. Dans lecas de l’artiste, un choix de vie soutenu par uneéthique issue de la pratique et de la réflexion

L’enseignement artistiqueun bien communEn nous confiant le premier chapitre du livre qu’elle est en train d’écrire, Joëlle Gon-thier nous fait un don précieux. Dans ce texte, elle expose les enjeux de l’enseignementartistique à l’école.

“Joëlle

GONTHIERest plasticienne et enseignante,agrégée d’arts

plastiques

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qu’elle éveille, accompagne une démarchemise au point grâce à un travail quotidien et àl’étude de ce qui fait l’art.Etre artiste c’est, au départ, décider de ledevenir en dépit de ce que pensent les autresjusqu’à ce que les effets de cette démarchesoient reconnus et regardés en manifestationsincontestables de l’art. Ce parcours nécessitedu temps et des moyens, parfois une vieentière. Qu’est-il possible d’en percevoir sur ladurée d’une scolarité ? Qu’est-il possible demettre en place durant cette période pourfavoriser le double déploiement de la capa-cité à créer et de celle à accueillir l’art, sanspour autant être soi-même artiste ? L’ensei-gnement artistique introduit une dimensionque l’école ne gère pas de même manière :celle du parcours individuel de chacun et desprolongements à longs termes de l’enseigne-ment reçu. L’évaluation traditionnelle portesur un « niveau » de connaissances de l’élèveet une assimilation plus ou moins fine d’ac-

quis correspondant à un état ponctuel. L’adap-tation des connaissances à l’usage effectif enclasse et leur pertinence en regard de leuremploi ultérieur par l’élève échappent le plussouvent à un tel sondage. Pour exister, l’en-seignement artistique doit, pour sa part, inté-grer ce dépassement en prenant l’art et sapratique – et non l’école- pour référent. Detels objectifs et positionnements modifient laperception d’une discipline par rapport à uneautre. Les « matières » estimées les plussolides sont celles qui collent à l’image del’école et en quelque sorte la fondent, tandisque les autres paraissent s’en écarter au pointde faire douter de leur place en son sein. Le «facultatif » (assimilé à un enseignement à lademande et non à ce qui développe des facul-tés) en regard du « fondamental » trouve làl’une de ses origines.

La détermination et la légitimité des contenusà étudier posent également problème à l’ins-

titution scolaire. L’artiste définit son champd’intervention, sa démarche ou encore sesmoyens en puisant dans un fonds qui nécessiteune réappropriation individuelle afin d’existeren acte. Enseigner l’art sans engager l’élève àexplorer cette voie reviendrait à le détournerde ce qu’est une pratique artistique. Ainsiquand l’art, aux frontières infiniment com-plexes et aux pratiques diversifiées, interrogel’enseignement artistique, l’école, dans sonversant le plus « scolaire », présente des «disciplines » tels des domaines circonscritsavec clarté (parce que s’en étudie toujours lemême noyau) régis par des règles d’intégrationdes connaissances prétendues indiscutables. «2+2 = 4 » adopte la valeur d’un fait avéré alorsque, selon les époques, l’art de Van Gogh,Schoenberg, Buren ou Boulez pose problème etquestionne l’école sur sa capacité à admettrece qui déplace les limites. Les critères qui permettent de légitimer ce quis’enseigne et ce qui possède assez de valeurpour rejoindre un champ de références sontconditionnés par la connaissance actualisée enun domaine spécifique, mais aussi par les rela-tions plus larges entretenues au savoir et auprojet politique nourri pour la personne appe-lée « élève », « parent » ou « enseignant »qui passe plusieurs années de sa vie à l’école.De façon paradoxale, le débat sur l’enseigne-ment artistique révèle les problèmes que l’ins-titution scolaire entretient au savoir, ainsi qu’àla formation initiale et continue. Demander sil’école a la capacité de recevoir l’art en trainde se faire revient à interroger la capacité decelle-ci à intégrer le savoir dont elle estcontemporaine. En effet, que le domaine soit

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laire ? Serait-ce des mots ?La pratique et son cortège de maux, cette fois,(salissures, besoins d’espace, de moyens maté-riels, de temps, de formation…) perturbe éga-lement l’école. Du diplôme obtenu avant d’en-trer dans « la vie active » à la « pédagogieactive » de l’Education nouvelle en regard deformes convenues, du « stage en entreprise »à l’ « orientation scolaire », tout semble rap-peler que le quotidien de l’école -pour ne pasdire son cœur- ne se reconnaît pas dans la pra-tique. Or le propre de l’enseignement artis-tique est précisément de valoriser la pratiqueafin d’élaborer une démarche qui la lie à laréflexion. Reléguer hors du temps scolaire com-mun l’enseignement artistique, c’est attenterà la pratique elle-même, à sa valeur formativeet à sa dimension créative qui la dégage de lasimple exécution. Cela revient aussi à supposerque faire apprendre consiste à faire entrer desdonnées sans autre support que le texte ou lelangage conçus comme des encodages pourparvenir à les fixer et à les restituer.

C’est en réalité le corps qui dérange : uncorps parfois malade mais toujours sexué, uncorps qui éprouve du plaisir, vit et se trans-forme, se voile et se dévoile… Dès lors, noncontents d’exclure l’enseignement artistique eninstaurant une ségrégation culturelle et socialedans les textes et les faits, les politiques relè-guent aussi l’éducation physique au rayon desaccessoires alors que la pratique et l’engoue-ment pour le sport n’ont jamais été aussi forts.Ici, comme avec l’art, la rupture est consom-mée avec les aspirations des jeunes d’autantque l’ascension sociale que le sport autorise

parfois semble effrayer. Les mutations du bul-letin scolaire et les débats autour du calculdes moyennes nous alertaient pourtant : il n’ya pas à mélanger les torchons et les serviettes,les notes de mathématiques et celles d’artsplastiques, d’ailleurs dans certains « grandslycées » seules « comptent » les notes demathématiques et de physique, même le «français » tombe du socle. La main restera-t-elle ainsi indéfiniment oppo-sée à l’esprit dans un schéma simpliste quifinit par adopter la tournure d’une confronta-tion de « classes » d’ordre plus social que sco-laire ? A quoi servent les recherches en scienceset sciences humaines si l’école et les politiquesne traduisent pas en acte ce qui est découvertdans le domaine de la perception, de la

mémoire, du langage, de l’apprentissage etplus largement de la pensée ? Existerait-il desmondes parallèles ou, une nouvelle fois, lascission artificielle entre recherche et appli-cation, théorie et pratique, occasionnerait-elledes dégâts sur les humains que nous sommes ?

L’école a du mal à intégrer la recherche et lesformes « désordonnées » que celle-cidéploie. Vue sous cet angle, la question del’enseignement artistique révèle bien plus leseffets des choix politiques que les problèmesposés par l’art et sa médiation. La diminutiondes crédits de recherche pour les laboratoirestrouve ainsi, à l’école, son pendant dans lamodicité des dédoublements de classe pourtravaux pratiques ou encore dans l’inadaptation

scientifique ou artistique, le « socle commun »n’arrête-t-il pas ses limites bien avant notrearrivée sur terre ? L’école parle-t-elle du mondequi est le nôtre ou d’un autre raconté dans leslivres et devenu mythique ? Quand, fait aggra-vant, le manuel scolaire n’existe pas en tantque support de cours (comme c’est le cas pourl’enseignement artistique) comment accréditerl’existence même de contenus tangibles etcommuns ? L’école instaure ainsi une hiérarchieentre les connaissances issues du livre et del’écriture et celles qui ne le sont pas. Pourrait-il en être autrement pour un mode d’ensei-gnement marqué historiquement par la reli-gion ? Non. Toutefois, pourquoi cette traceperdure-t-elle dans un système laïque où lesvaleurs de l’apprentissage, de l’échange, del’expérience acquise et celles du travail sontavancées pour consoler ceux qui échouent dansla voie majeure empruntée par le cursus sco-

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des locaux. La recherche nécessite du temps etdes moyens que l’école affirme ne pas avoir enraison de l’obligation de « résultats » et dudéroulement de « programmes » par ailleursétablis à la manière de listes de courses à faireà la hâte, plus que de contenus conceptuels àmaîtriser, de compétences à élaborer et dedomaines à investir. De fait, les démarchesexpérimentales sont trop rares en cours desciences, tandis que l’enseignement artistique-qui ne produit pas d’« objet d’art »- adoptel’allure de dilapidation de moyens dans uncontexte de dotations horaires de plus en plusallégées et de « soutien » scolaire réduit àune place symbolique qui le prive d’efficacité. L’école devient le lieu où l’on ne cherche pas,sans pour autant être celui où est appliqué ouétudié ce qui a été trouvé ailleurs. Il est dès lorsdavantage question d’y pratiquer le ressasse-ment de ce qui fait d’elle l’école. S’entrevoitici le fonctionnement actuel de la télévision quigénère des émissions sur la télévision, celuide la radio sur la radio ou encore de la publicitésur la publicité. Nous sommes dès lors confron-tés à un fait de société et non à une optionpédagogique recentrée sur des « enseigne-ments fondamentaux » garantissant la réus-site scolaire.

Opposé à la recherche sans but identifié etimmédiat dans laquelle l’enseignement artis-tique serait supposé se reconnaître, il y auraitle travail. Il est ainsi conseillé de « bien tra-vailler à l’école » et de ne pas y « rêver ».Toutefois quel artiste pourrait nier les vertus del’étude et du travail : le danseur, le sculp-teur, le violoniste, le cinéaste, le peintre, l’ac-

forme le citoyen en interrogeant, entre autres,ce qui fonde l’autorité d’une personne commeles symboles, les codes et les repères qu’unesociété toute entière se donne. L’enseigne-ment artistique authentique invite ainsi à unemutation car apprendre à regarder, c’est aussiapprendre à se regarder et à exercer son senscritique et politique.

Le pire est peut-être, en fin de compte, quel’enseignement artistique mette en avant lesujet. Dire « je » quand ailleurs il est questionde s’effacer, d’utiliser le neutre, de prendre dela distance, apparaît déplacé, obscène voireimmoral. Toutefois se construire en tant quesujet, reconnaître les autres en tant que tels,« travailler » au quotidien l’identité et l’alté-rité, éloigne-t-il de l’éducation ? Non, maiscomment contrôler l’imaginaire qui peut surgirà tout moment pour déborder la réalité de laclasse ? Ce qui trouble en ces temps où lagénération qui a moins de vingt ans n’a connuque le plan « vigie pirate » pour réglementerses déplacements, c’est d’ouvrir une porte :celle qui découvre l’espace de la création. Parcette voie, l’enseignement artistique ferait-ilpénétrer à l’école un souffle assez puissantpour qu’elle vacille de son « socle » ?

Paris janvier 2005

teur, le clown, le poète ? La nouvelle questionadressée à l’école et à la société est celle-ci :sont-elles capables de repenser le travail etses formes en les adaptant à la formation d’unepersonne ? En d’autres termes, n’existe-t-ilqu’un seul moyen pour enseigner, une seuleméthode pour apprendre, un seul protocolevalidant un travail effectif à l’école que cesoit pour l’élève, le maître ou les parents ?Plus encore, l’école que ceux qui nous gouver-nent cherchent à bâtir n’adopte-t-elle pas laforme d’une « pensée unique », celle qui seraitjugée légitime en son sein ? Les voies diver-gentes empruntées par la pensée ne seraientmême pas reconnues en tant que telles maisdévalorisées sous des appellations changeantes(« expressions », « émotions », « éveil »).Semblable école ne combattrait pas la violencepuisqu’elle contraindrait. En fait, avec la pré-tention d’agir pour le bien commun, elle exer-cerait elle-même la violence et en susciterait.

Le gouvernement adapte l’école à l’entre-prise, c’est dire si un débat portant sur la défi-nition des objectifs qui lui sont assignés estnécessaire. En effet, que faire de qualités créa-tives développées grâce à l’enseignement artis-tique dans une entreprise : au mieux des entre-preneurs au pire des syndicalistes ? Mieux vautécarter ce risque car ce qui gêne dans l’ensei-gnement artistique, c’est le fait que le dépas-sement du maître par l’élève s’inscrive dans sonprincipe même et atteste son efficacité. Lerapport à l’autorité inquiète. L’imagerie popu-laire préfère relater des chahuts en classe quele fait que Matisse, aussi, ait eu des maîtres.L’étude de l’art instruit sur la démocratie et ”

En décembre 2000, les minsitres del’Éducation nationale et de la Cul-ture, lançaient un « plan de cinq anspour les arts à l’école ». Deux ansplus tard, le nouveau gouvernementdiminuait les crédits de ce plan demanière cconsidérable et remettaitainsi en cause vingt ans d’un longrapprochement entre la Culture etl’Éducation nationale. En effet,l’éducation artistique à l’École s’estbâtie sur des dispositifs qui ont jouéun rôle d’entraînement et permisaux enseignants et aux profession-nels de la culture d’acquérir dessavoir-faire. Le protocole Culture-Éducation de 1983 créait les classesculturelles, les ateliers de pratiquesartistiques et les centres de forma-tion de musiciens intervenants. Laloi du 6 janvier 1988, institutionna-lisera plus tard le partenariat etvisera à développer largement l’édu-cation artistique. Enfin, le plan decinq ans se donnait pour ambition degénéraliser les apprentissages artis-tiques et culturels, de diversifier lespratiques et d’en assurer la conti-nuité de la maternelle à la termi-nale, notamment grâce aux classes àprojet artistique et culturel (PAC),tout en favorisant des projets locaux.

Culture Éducation, le temps de la déconstruction ?

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Le socle commun si mal définipar le projet de loi d’orienta-tion laisse craindre une dispa-

rition des pratiques culturelles etartistiques à l'école. L'ANRAT (asso-ciation nationale de recherche etd'action théâtrale) regroupe depuisvingt ans artistes et acteurs de l’édu-cation, pour réfléchir et agir enfaveur de l'initiation théâtrale desjeunes. Elle tenait, le 15 décembre2004, au Théâtre du Rond-Point,une conférence de presse pour quel'éducation et la pratique artistiqueet culturelle restent dans toutes lesécoles un droit pour tous les élèves,ainsi que l'un des meilleurs moyensd'accès aux objectifs fondamentauxde l' école. Cette conférence depresse s'est terminée par un appel« pour la présence régulière des artset des artistes à l'école » appel quiprend en compte par cinq pointsprécis à la fois la présence des artset de la culture dans les écoles, maisaussi les moyens nécessaires et lestatut des artistes intervenants. LeSnuipp soutient l'ANRAT dans sadémarche. Une réflexion est aussimenée sur la formation initiale et

continue et des expériences de for-mations communes élèves comédienset stagiaires professeurs des écolesont été réalisées en juillet 2003 àVilleneuve les Avignon. La présencede nombreuses personnalités de laculture et des arts est venue souli-gner l’importance de cette mobili-sation. Malgré la présence duMinistre de la Culture et de la com-munication qui a réaffirmé que « lesdisciplines artistiques font partie dusocle des savoirs fondamentaux » etla déclaration de François Fillon à lasortie du Conseil supérieur de l’édu-cation sur la place de l'éducationartistique dans notre école, rien n'aété dit sur des moyens donnés auxécoles, notamment en termes deformations, initiale et continue, etde temps pour les équipes. Il fau-dra donc être attentifs à la circu-laire commune que les deuxministres adresseront aux DRAC etaux recteurs afin de voir si ils n'ensont pas restés aux déclarations d'in-tentions.

Le texte d’appel est sur le site :[email protected]

Tous acteurs

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Artistes, comédiens, metteurs en scènes, auteurs,enseignants se mobilisent pour défendre la présencerégulière des arts et des artistes à l’école. Les faubourgs de Vienne (Isère), une route

qui descend vers la Nationale 7 le long de laGère où se distraient quelques pêcheurs à laligne. Dans ses eaux se fragmentent les refletsd’usines qui eurent leurs heures de gloire etleurs ouvriers parfois venus de loin. Lesouvriers sont restés, sans ouvrage. Les car-reaux des usines ont été brisés. L’écoleLafayette, même pas un vrai nom, juste celuide sa rue, émerge aujourd’hui dans ce vagueà l’âme, entre cette rue éponyme et la rivière. Le directeur, Patrice Ruol, n’hésite pas à par-

ler de « ghetto ». Lestrois classes maternelleset les trois classes élé-mentaires sont consti-tuées à 70 % d’élèvesd’origine turque et à 25% d’élèves d’originemaghrébine. C’est làque, pendant cinq ans,jusqu’en 2004, unepetite compagnie théâ-trale, Cœur d’Artichautest venu prendre ses

>> Appel de l’ANRAT

quartiers. Pas un squatt sauvage, une vraie ins-tallation. « Nous avions notre salle, les enfantsvoyaient notre travail. Cela nous a permisd’avoir très vite un langage commun », serappelle Dominique Chenet. L’idée initialede l’équipe pédagogique était de travaillerl’expression orale, la communication. D’oùle théâtre !«Un jour nous avons été interpellés par desécoles au sujet d’un projet dont personne nes’était occupé. En juillet 98, les instits ontécrit leur projet. Et nous avons cherché unecompagnie susceptible de travailler avecl’école », résume Jacqueline Broll, conseillèrepédagogique. Avec la responsable «Jeunepublic» du théâtre de Vienne, elle monte unprojet d’éducation artistique et rédige lesdemandes de financement.

Pendant 5 ans, une compagnie de théâtre jeunepublic, a «posé ses tréteaux» dans l’écoleLafayette, à Vienne. Retour sur le projet.

Sur la scène du Théâtre de Vienne

reportage

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Pourquoi un théâtre jeune public ?Beaucoup, dans le métier considèrent qu’iln’y a pas besoin d’une place spécifique pourle jeune public. J’ai envie de retourner laquestion : et pourquoi pas ? Au lieu d’avoirà justifier son existence, pourquoi êtrecontre. Depuis le 19e siècle les jeunes ont euune place différente dans la société. Lemonde a changé et les enfants sont scolari-sés. Tout à coup ils sont séparés desadultes. S’est posée la question de savoircomment permettre à ces jeunes d’avoirune relation avec la vie qui ne passe passeulement par l’école. Travaillez-vous uniquement pour fabriquerles futurs spectateurs adultes ?Je n’aime pas que l’on dise travailler pourles futurs spectateurs. Cela me dérange :c’est considérer qu’aujourd’hui les enfantsn’existent pas et n’ont pas droit à une vraievie quotidienne. Je fais duthéâtre pour eux aujourd’hui,parce que qu’ils sont en train degrandir aujourd’hui, qu’ils doi-vent vivre des expériences com-munautaires. Les acteurs, lesmetteurs en scène,... doiventconnaître ce jeune public s’il veu-lent réussir une réelle commu-nion dans une salle. Là où j’aitravaillé, on a toujours exploréla provocation et le plaisir d’of-frir un théâtre jeune public quis’ouvre le plus souvent possibleà la présence des parents. Pourque cette communionadultes/enfants ait lieu on abesoin d’espaces qui provoquentce genre de spectacle et de recherche.Quel est votre action avec les écoles ?On vient de commencer une activité d’actionculturelle avec les écoles du quartier, on esten bâtit un réseau de collaborations, d’ate-liers avec les écoles pour faire avant toutque le théâtre ait une présence significative.Nous espérons établir une interaction entrele travail artistique de la programmation etles enfants des écoles du quartier afin qu’ilstravaillent avec les artistes qui passent.On jette des bases de tout cela, mais onveut aussi répondre aux désirs des ensei-gnants. On va également faire un travailavec les enseignants en formation à l’IUFM.

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3 questions

gie de la coordinatrice REP, de la responsabledu théâtre de Vienne et de Jacqueline Broll,que Patrice Ruol qualifie de « cheville ouvrièredu projet ». « Ce projet a pu avoir lieu parcequ’il y avait une confiance suffisante entre lesgens », confie également cette dernière. Dela confiance pour apporter les financementsnécessaires (le démarrage s’est fait sur lesfonds propres du théâtre, abondés par lessubventions de la Drac ensuite, pour lamajeure partie). Le reste est venu des créditsZEP-REP, des contrats de ville, des créditsPAC.Côté scène, « il y a eu un vrai partenariat avecles enseignants. Et même lorsque les enfantsétaient spectateurs, c’était du travail. On acommencé par des choses sans texte, puis ona travaillé l’écoute, on en a parlé. » expliqueDominique Chenet. « Pour nous, ce fut trèsintéressant de travailler avec des profes-sionnels. Nous n’aurions jamais pu faire lamême chose sans les artistes », note PatriceRuol. Des répétitions auxquelles ils assistaientà leur propre travail, les enfants n’avaientqu’un pas à faire. Un pas exigeant toutefois,un vrai travail. Puis il y eut le travail d’écri-ture. Celui de la mise en scène, de la réali-sation. Et du spectacle ; pas le plus simple. Eneffet, les réticences vinrent des enseignantsau début : « pour nous ils s’agissaient avanttout d’un travail sur l’expression orale. »Dominique a su convaincre. « Il était impor-tant qu’ils acceptent l’idée de faire des chosesbien, de les montrer, que l’on en parle. Unjour Jacqueline a amené des stagiaires qu’elleencadrait. J’ai vu des instits pleurer. » Se sou-vient la comédienne. Ces gosses, qui n’arri-vaient pas à aligner trois mots dans un françaiscorrect, montent sur la scène du théâtre de

Vienne, et jouent en parlant « comme vous etmoi ».Cependant Patrice Ruol reconnaît qu’il estdifficile de dresser un bilan de tout cela. « Lasituation du quartier s’est tellement dégradéeet le retard est tellement lourd, que lethéâtre ne peut suffire. » Mais il se souvientaussi « d’enfants plus réceptifs, d’enfants enattente artistique. Des élèves plus silencieuxque ceux des autres écoles, lorsqu’ils allaientvoir un spectacle. » Mais il y a quand même unregret : « que les enfants n’aient pas pu pro-longer ce travail au collège. »Aujourd’hui, on sent Dominique Chenet entrecolère et nostalgie. « C’était magique àVienne ! On ne peut plus faire ce genre dechose. Le moindre projet donne lieu à des dis-cussions de marchand de tapis ! » Les finan-cements des classes à PAC ne peuvent finan-cer que des interventions courtes. En fait,maintenant, elle va dans les établissementsavec un spectacle déjà écrit. Elle fait au plusvite.Quant aux enseignants de l’école Lafayette, ilssont passés à d’autres projets. « On avaitpeut-être besoin de souffler et de passer àautre chose.» Car un tel projet a mobilisébeaucoup d’énergies. Et généré de belleschoses...BK.

Puis, en février 1999, à Lafayette, c’est la ren-contre avec Dominique Chenet. La premièrecomédienne de la Troupe à franchir les portesde l’école. Seule au début. Puis, à la rentréesuivante, avec d’autres comédiens. Partagedes lieux, partage d’intérêt aussi. « Faire untravail de création avec des enfants, c’estaussi s’interroger sur nos propres créations.C’est pourquoi le travail qui nous était pro-posé à Vienne était très intéressant. De nom-breuses conditions y étaient réunies : unevraie volonté, une vraie confiance, pas demégotage et les moyens de payer correcte-ment les gens. » Un aspect non négligeable. Enfait le projet couvrait 4 écoles et une dizainede classes. Sur les 5 années environ 40 000euros. Rien d’exorbitant. Mais une sommeconséquente néanmoins. Il y aura fallu l’éner-

« Des élèves plus réceptifs, en attente artistique…»

Patrice Ruol, directeur de l’école

Ninod’INTRONA

directeur duThéâtre des

NouvellesGénérations à

Lyon

à« Les enfants ont droit àune vraie vie quotidienne.»

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interviews

Qu’est ce qu’une culture scientifique ?La culture scientifique c'est réfléchir sur ceque pourrait avoir l'élève comme outils debase pour comprendre les éléments fonda-mentaux dans le monde qui l'entoure. La cul-ture scientifique et technique, ce n'est pas for-cément former des spécialistes des différentesdisciplines mais former des individus capablesde se faire une opinion personnelle sur lesinformations qu'ils reçoivent des médias dansces domaines.

Quelle place peuvent avoir les musées danscette démarche ?L 'intérêt d'amener des enfants au musée estplurielle. C’est un élément important de com-munication scientifique ; il joue et jouera deplus en plus un rôle de formation continue ducitoyen. Quand on interroge des adultes surl'intérêt des musées, on constate un vrai soucid'avoir une information plurielle et que lesexpositions temporaires, traitant en général desujets d'actualités, peuvent jouer ce rôle.L'école laïque, obligatoire, doit donner auxenfants, et notamment aux enfants en diffi-culté scolaire, la possibilité de s'appropriercette information. Car il ne faudrait pas qu'ilssoient doublement exclus, de l'école aujour-d'hui et de la société demain, parce qu'ilsn'auraient pas accès à l'un des outils de for-mation continue. C'est peut-être l'idée lamoins partagée, mais pour moi c'est fonda-mental. En deuxième lieu, le musée permet

une approche pluridisciplinaire d'un thème, ilpermet aux enfants de s'approprier desconnaissances en dehors du pur programmescolaire et de créer des liens entre des élé-ments vus au musée et des éléments appris àl'école. Emmener régulièrement des enfants aumusée, c'est les amener à être indépendant,à acquérir les notions de base leur permettantde comprendre qu'une exposition est un partipris, que ce sont des idées défendues par lesconcepteurs. Les enfants doivent entrer aumusée avec des attentes, ils doivent essayerde comprendre ce que l'on veut leur dire.

Cela nécessite donc de préparer la visite ?L'important est qu'il y ait une cohérence entrele projet pédagogique de l'enseignant et l'or-ganisation de la visite. Tout dépend aussi dunombre de visites possibles dans l'année. Si iln'y a qu'une seule visite, j'irais plutôt versune approche sensitive, et pas vers uneapproche cognitive. Il faut leur faire décou-

vrir un côté très positif du musée, l'émotion,le ludique, la découverte d'un lieu, de beauxbâtiments. Il ne faut jamais hésiter quand lesmusées possèdent un service pédagogique àmonter avec eux une visite à la carte qui s'in-tègre dans le projet pédagogique.

Comment positionnez-vous l'idée de cul-ture scientifique par rapport à la démarchede « la main à la pâte » ?Il y a eu des choses très intéressantes dans ladémarche de « la main à la pâte », mais l'uti-lisation systématique de la démarche OHE-RIC pose le problème de la réflexion à la base.Il peut y avoir des effets pervers dans lamesure où il y a parfois une incompréhensionsur ce qu'est l'observation scientifique et natu-raliste. Par conséquent, il faut d'abordapprendre aux enfants à se demander pour-quoi ils observent, et commencer à bâtir aveceux des grilles d'observation, un questionne-ment par rapport à l'observation.

Entretien réalisé par Carole Crammer

« Emmener régulièrement des enfants au musée,

c'est les amener à être indépendant »

Le musée lieu de savoirs

Yves GIRAULTProfesseur au Museum national

d’histoire naturelle de ParisDirecteur de l’unité scientifique

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Roland CHARNAYProfesseur de mathématiques

Co-responsable du groupe Ermel (INRP)

Pour beaucoup, un « problème » est plus unénoncé écrit suivi d’une question demandantdes opérations, qu’une situation qui fait pro-blème. Or, tout énoncé suivi d’une questionn’est pas problème : si je dis à un adulte que,dans une salle, il y a 45 rangées de 25 fauteuils,pour lui ce n’est pas un problème. Il lui vient toutde suite à l’esprit de multiplier 45 par 25. Parcontre, si je lui dis que 300 personnes vonttoutes se serrer la main et que je demandecombien de poignées de main vont être échan-gées en tout, cela devient un problème : il n’apas d’idée a priori des stratégies à utiliser pourrépondre. Ça ne veut pas dire qu’il ne peutpas répondre, mais qu’il n’a pas mémorisé deréponse directement utilisable pour cette ques-tion, du coup il est confronté à un problème.

Ainsi, le but de l’école primaire, c’est de rendreles élèves capables de traiter 3 catégories desituations. Premier cas : la situation ne fait pasproblème, car j’ai construit à travers mesapprentissages un schéma de résolution que jepeux plaquer immédiatement sur le problèmeposé. Deuxième cas : je peux élaborer la solu-tion en déterminant un certain nombre d’étapes,articulées par le biais d’un raisonnement, dansune démarche déductive (on parle de pro-

blème à étapes). Troisième cas : le « vrai » pro-blème de recherche : je comprends la situationet la question, mais « comment élaborer laréponse ? » Il est primordial de faire prendreconscience aux élèves que, même avec desconnaissances réduites, ils peuvent résoudredes problèmes qui vont bien au-delà de l’ap-plication directe de celles-ci. Ils doivent osers’affronter à des problèmes dont la solutionne leur a pas été enseignée.

Un pas vers l’autonomieLes maths apprennent aux élèves à être plusrigoureux (enchaînement, déduction, raison-nement), mais il y a un autre versant : celui del’inventivité, de la créativité, de l’initiative. L'au-tonomie intellectuelle, c’est bien sûr pouvoirtraiter seul les questions que l’on a appris àrésoudre, mais c’est aussi affronter des ques-tions qu’on ne sait pas encore résoudre, enosant s’engager dans “ quelque chose ” pou-vant peut-être conduire à la solution.

Les maths ont une place centrale dans laculture communeUn rôle économique et social d’abord : lesconnaissances et compétences mathématiquesacquises par un individu doivent lui servir dans

Dans « lire, écrire, compter », compter ne rend pas compte de la place due auxmaths dans la culture des élèves. La maîtrise des connaissances, des compétencesreste assez vaine si elle ne débouche pas sur la capacité à les utiliser : la réso-lution de problèmes doit être l’objectif principal de tout apprentissage.

Je fais des maths,donc je suis !

sa vie quotidienne, professionnelle, dans sesformations futures. Une place citoyenneensuite, en permettant à chacun de prendre lesbonnes décisions, de faire les bons choix,d’être lucide et critique par rapport à l’infor-mation. Une place dans la formation de lapersonne : l’aider à organiser sa pensée, contri-buer à la formation de son intelligence. Si lecarburant de la pensée, ce sont les connais-sances et les compétences, le moteur résidedans la pensée qui permet de les utiliser. Enfin,une place culturelle : les maths sont une acti-vité humaine ancestrale, aussi vieille que lelangage. Il est important que l’école permetteaux élèves de se faire une idée de ce qu’estl’activité mathématique. Il ne s’agit pas de lesrendre mathématiciens, mais plutôt “ mathé-matisants ”, en les confrontant à quelquesaspects de la pratique des maths. On parlede culture littéraire, scientifique, mais jamaismathématique. Pourtant, on peut faire com-prendre aux élèves que cette activité a un rap-port avec le réel (résoudre des problèmes dela réalité du monde) et avec d’autres disci-plines (physique, géographie, économie...),mais aussi que les mathématiciens se posentdes questions pour mieux connaître lesconcepts qu’ils ont créés, ce qui explique quecette discipline a toujours eu un rapport étroitavec la philosophie.

Entretien réalissé par Daniel Labaquère et Brigitte Lopez

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En quoi l'EPS est-elle un constituant de la culturecommune ?Réfléchir sur la culture commune, c'est se demanderce qu'il est nécessaire de savoir et de maîtriser pours'insérer le plus facilement et le plus efficacement pos-sible dans une société. Il y a dans l'EPS des enjeux spé-cifiques qui sont de l'ordre des savoirs (savoir nager parex), mais qui au delà ont un enjeu social, un rôled'intégration et de construction de l'équilibre per-sonnel. L'EPS a aussi un rapport à la culture dans lamesure où il faut aider les élèves à comprendre ce quise joue dans le sport spectacle, ce qui peut amener lesconduites suicidaires comme le dopage ou la violencedans les stades. L'EPS participe à la formation decitoyens libres qui possèdent une culture communemais aussi la capacité de la faire évoluer.

Quel est l'intérêt de la dominante de formation EPSet que peut-elle apporter dans l'exercice du métier deprofesseur d’école ?Posséder la dominante peut permettre aux professeursd’écoles d'être un relais intéressant dans les écolesdans ce domaine et entre complètement dans le cadrede la polyvalence, vers une polyvalence d'équipecomme vous le revendiquez. Cela devrait servir àaméliorer le sort de l'EPS dans les écoles en particu-lier dans les grands niveaux.

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Pour comprendrece qui se jouedans le sport

Yvan Moulin,

Pourquoi apprendre à danser, à l’école,aujourd’hui ? D’abord pour apprendre à communiquer avecles autres de manière inhabituelle. De toustemps, les hommes et les femmes ont dansé. Ladanse a revêtu suivant l’époque et lescivilisations, des formes de pratiques auxfonctions sociales différentes. Les dansescollectives, qui se développent à nouveau (balsfolk), correspondent à un besoin deconvivialité, de rencontres sur un mode

coopératif et solidaire. Cela nécessited’apprendre à danser en rythme, avec despartenaires (souvent de l’autre sexe), qu’ilfaut prendre en compte, suivre, tenir, pour quela danse soit réussie et agréable. La danse contemporaine, autre aspect culturel,sollicite les élèves sur un mode totalementinhabituel et unique. Danser, c’est exprimer,évoquer, suggérer une intention avec son corpspour créer un impact sur l’autre, partenaire ouspectateur. C’est permettre la construction

d’une motricité expressive qui engage l’élèvedans un processus de création artistique. Faire de la danse, c’est apprendre à sortir duquotidien et c’est difficile, mais il faut lefaire pour plusieurs raisons. Parce que c’est “s’engager ”, jouer un rôle pour mettre en scènesa personne, c’est prendre des risques parrapport à soi. Il ne s’agit pas de reproduire desgestes inventés par d’autres mais de choisirdes gestes, les styliser en fonction d’uneintention. Et de réduire le décalage entre cetteintention et l’effet produit sur le spectateur.Parce que c’est aussi s’éloigner d’une motricitéutilitaire, s’éloigner du réel, jouer avec denouvelles normes, de nouveaux codes culturels

(oser se toucher par exemple) ; c’estentrer dans une autre culture quipeut dérouter parce que le langagecorporel n’est pas univoque. C’estapprendre à prendre ses distancesavec les stéréotypes véhiculés par latélévision. Enfin parce que c’estapprendre à ne pas avoir peur duregard de l’autre ou au contrairel’ignorer. Le spectateur est celui aqui « on fait le cadeau de la danse »et qui interprète les émotions créées.Développer un regard de spectateuraverti, donc à la fois exigeant,tolérant et ouvert, c’est un desenjeux de la danse à l’école. Pour finir, la danse est une activitéconnotée « féminine », elle estplébiscitée par les filles jusqu’au Bacet après. Par contre, elle est souvent

dénigrée par les garçons. L’école primaire,c’est l’âge où les stéréotypes sexués sefabriquent ; la danse a un rôle particulier àjouer dans la mixité et la construction del’égalité des garçons et des filles. Ellecontribue ainsi à une des spécificités de l’école: apprendre ensemble pour pouvoir vivreensemble.

Claire PontaisSNEP.FSU

Entrez

dans la

danse

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L’histoire pour apprendre la complexitéQuelle est la place de la culture com-mune dans les nouveaux programmes ?quelle culture commune faut-il donneraux élèves au 21ème siècle ? Cette ques-tion est au cœur des nouveaux pro-grammes. C’est d’abord une culture de lacomplexité, alors que socle évoquequelque chose de simple. Cette com-plexité du monde s’apprend dès le plusjeune âge pour pouvoir affronter le mondeéconomique et social, et devenir citoyend'un pays démocratique. C'est le refus dumanichéisme et la valorisation de la diver-sité. Cela ne signifie pas tout accepter :il existe des valeurs, comme les droits del'homme, qui ne sont pas négociables. Onne peut reconnaître l'excision au nom dela diversité culturelle. Il faut, très tôt ettrès jeune, apprendre que tout n'est pasnoir ou blanc, bon ou méchant.

Quel est le rôle de l'histoire et de lagéographie dans l'acquisition de cetteculture commune ? La transversalité est le fil conducteur desnouveaux programmes. Aucun domainen'est refermé sur lui même, il doit tou-jours être relié aux autres. Avec l’his-toire et la géographie, on travaille aussi enfrançais, en lecture, en écriture, on s’ini-tie aux arts, etc. Cette transversalité n'estpas propre à l'histoire ou la géographie etcorrespond bien à notre monde où tout estlié. L’apprentissage de la complexité,

impose que l'enseignement de l'histoirese fasse, dès le primaire, à partir de docu-ments, pour ne pas faire une histoiremythologique, mais avoir un rapport à laréalité et, modestement, forger desesprits critiques. Dans la perspective de laculture commune, faire de l'histoireconsiste à acquérir l'intelligence du tempshistorique. Dire que le temps s'écoulerenvoie à un caractère d'inévitabilité. Lacontinuité fait de nous des héritiers, et enmême temps, c'est à chaque fois nou-veau. Ensuite, il faut rentrer dans l'histoirepar des exemples précis, pour accéder àsa complexité. Le 16ème siècle, époquedes temps modernes, de la renaissance etde la découverte de nouveaux mondes, estaussi celui de l'esclavage. Le 20ème siècle,celui de l'égalité hommes-femmes, est lesiècle des totalitarismes, du nazisme, desgénocides... Enfin, une culture commune,passe par un début d'histoire des sciences: Copernic illustre la révolution scienti-fique, mais permet aussi de faire com-prendre aux élèves l'évolution des savoirs,et la nécessité de vaincre les préjugés.

Est-il plus important de montrer la com-plexité historique plutôt qu’une chro-nologie des faits ?Je ne nie pas la nécessité de mettre endates une chronologie. Mais toute chro-nologie est au service de cette intelli-gence du temps historique et ne doit pas

être vue en elle-même. Il ne s’agit pasd’apprendre une série de dates … mais lesquelques dates à retenir doivent montrerle déroulement dans le temps, être signi-ficatives. Il y a une manière d’apprendredes dates comme on apprend une récita-tion, plutôt contre productive !

L’enseignement de l’histoire et de sacomplexité permet donc une meilleureappréhension du monde d’aujourd’hui ?Oui. C’est généralement en fonction denos problèmes "21ème siècle" que l’onregarde le passé. Par exemple, l’égalité «hommes femmes », nous amène, parce quenous y sommes très sensibles, à interrogerle passé, avec notre regard d’aujourd’hui…

Avec nos valeurs d’aujourd’hui…Il faut bien se rendre compte que les sen-timents étaient différents et donc éviterl’anachronisme, ne pas croire que les genspensaient comme nous… Il faut com-prendre que nos valeurs, aujourd'hui uni-verselles, se se sont élaborées dans letemps. Ainsi, au moment de la révolu-tion française, ceux qui écrivent la Décla-ration universelle des droits de l'hommen'abolissent pas l'esclavage. Pour eux l'éga-lité reste réservée aux gens instruits.

Entretien réalisé par Daniel Labaquèreet Marianne baby

Dans un monde qui semble avide d’idées simples, Philippe Joutard rappelle que l’histoireest elle aussi un apprentissage de la complexité, nécessaire à la pensée et à la compré-hension du monde.

Philippe Joutard

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On a pu assister, au cours du débat sur la Loi d’orientation, à un énième recen-trage sur le « lire-écrire-compter ». Aussi, il nous a semblé important de nouspencher sur les rapports du savoir et de la culture.

Autrement dit, est-ce que lire- écrire-compter c’est seulement lire-écrire-compter...? comme se plaît régulière-ment à le répéter tel ou tel ministrepersuadé de ramener les enseignants dansle droit chemin, et les enfants dans lavoie du savoir. En effet, on sait aujour-d’hui que pour apprendre à lire, à écrire,à compter, il faut que ces apprentissagessoient porteurs de sens. Qu’ils permettentde communiquer et d’expliquer, des’émouvoir et de grandir, d’apprendreet de comprendre, de choisir et de déci-der, de contester et d’argumenter.

Ainsi pour lire, écrire et compter, il fautfaire des sciences, de l’histoire, de lagéographie, des mathématiques, maisaussi de l’éducation physique et desenseignements artistiques, entre autres.Cela paraît aller de soi. Et pourtant...

Les savoirs peuvent-ils exister sans cul-ture ? Certains pensent que les savoirspré-existent à la culture. Mais rien nefonde cette thèse. Au contraire, toutela recherche contemporaine montre quec’est la culture qui donne du sens ausavoir. Lire ne consiste pas seulement àmaîtriser une technique, encore faut-ildonner du sens à ce qu’on lit, avoir enviede lire, car l’un ne fonctionne pas sansl’autre. D’où l’intérêt suscité par l’in-troduction de la littérature de jeunessedans les programmes de 2002 ou par laquestion, complexe et difficile, de latransversalité des savoirs.

La manière dont sont traités les ensei-gnements artistiques et culturels aujour-d’hui, nous fournit un exemple plutôtinquiétant, du rapport actuel à la cul-ture. Ainsi, la forte diminution des crédits

du plan, dès octobre 2002, annonçant laphilosophie de la Loi d’orientation, a misl’éducation artistique en grande diffi-culté, après vingt années de longs rap-prochements entre les ministères del’Éducation nationale et de la Culture.Et, alors que les enseignements artis-tiques étaient considérés sous l’angled’un rapport savoir–culture où l’art et laculture sont pensés comme partie inté-grante du développement de l’individu,donnant du sens au savoirs de l’élève,en prônant le retour au lire-écrire-comp-ter et en considérant l’éducation artis-tique comme complémentaire, la logiqueactuelle du gouvernement fait opérer unrecul considérable.

Car, on ne peut ignorer que l’école pri-maire joue un rôle fondamental dans laconstruction d’une culture commune dehaut niveau. C’est non seulement un outilpour une école de la réussite de tous,pour une école plus démocratique, maisc’est aussi un facteur d’égalité dans l’ac-

Une vraie culture Pour une école qui crée un monde commun

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Retrouvez le SNUipp sur son site www.snuipp.frL’actualité, les positions du SNUipp, des infos administra-tives, des dossiers, des documents de réflexion, des liensvers d’autres sites, les publications en ligne, la littératureenfantine,...à mettre dans vos favoris !

Une référence, qui en est déjà à saquatrième édition. Textes de loi,réglementation, conseils...accompagné de son cd-rom :incontournable.Le Kisaitou est disponible auprèsde chaque section départemen-tale du SNUipp.

Également disponiblesauprès des sectionsdépartementales, les

numéros spéciaux sur l’école rurale, la maternelle,le handicap à l’école, lamixité filles-garçons...

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cès aux savoirs pour les plus démunis.C’est pour cela qu’il est nécessaire dedonner toute leur place à l’ensemble desdisciplines et des domaines d’activités.

Certes, l’école ne peut pas tout. C’estpourquoi, il faut lui donner les moyensd’assumer ses missions. Ainsi, pour le SNUipp, il ne peut s’agir deréduire les ambitions de l’école. Il nes’agit pas non plus d’éluder la question del’accumulation des notions et savoirs.Sans doute, faut-il poursuivre le travailqui a abouti aux programmes de 2002, ettrouver cet équilibre qui permet de don-ner le plus possible à chaque enfant, uneculture commune qui soit une vraie cul-ture pour tous. Car, une chose est évi-dente, on ne peut préparer les enfants àla complexité du monde, en éludant cettecomplexité, mais au contraire en la ren-dant lisible et en lui donnant les cléspour la lire.

Pour cela, il est nécessaire de continuer

à réfléchir et à revendiquer une véri-table transformation de l’école : disposerde temps et de moyens pour travailler enéquipe, permettre une prise en chargedes élèves les plus en difficulté en tra-vaillant avec des groupes d’élèves et plusde maîtres que de classes, mais aussi endéveloppant les partenariats nécessaires,comme pour l’éducation artistique, parexemple.

En un mot, il faut travailler pour que lajeunesse ait accès aux savoirs et à la cul-ture, pour qu’elle soit en capacité decomprendre le monde et ses enjeux, defaire des choix pour elle-même et lesgénérations futures.

Juin 2005

pour tous !

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