sur les propriétés des mesures spectrales des opérateurs de dirac
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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 331, Série I, p. 575–580, 2000Physique mathématique/Mathematical Physics
Sur les propriétés des mesures spectralesdes opérateurs de DiracMathieu MARTIN
UFR de mathématiques, Université Paris-7–Denis-Diderot, case 7012, 2, place Jussieu, 75251 Paris cedex 05,FranceCourriel : [email protected]
(Reçu le 20 mars 2000, accepté après révision le 28 juillet 2000)
Résumé. Dans cette Note nous étudions les propriétés des mesures spectrales d’opérateurs de Diracunidimensionnels et multidimensionnelsH à partir du comportement asymptotique dessolutionsuλ de l’équation aux fonctions propres généralisées(H − λ)uλ = 0. 2000Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
On the properties of spectral measures of Dirac operators
Abstract. In this Note we study the properties of spectral measures of one- and multi-dimensionalDirac operatorsH from the asymptotic behaviour of solutionsuλ of the generalized eigen-function equation(H −λ)uλ = 0. 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques etmédicales Elsevier SAS
Abridged English version
Our purpose is to study the spectrum of Dirac operators. The theory of subordinate solutions of Gilbertand Pearson [5] gives results of great interest concerning the spectral structure of one-dimensional Schrö-dinger operators (see[8] for example). Those results of Gilbert and Pearson have been extended by Behncke[1] to Dirac systems.
Let H denotes a Schrödinger operator defined on an unbounded domainΩ of Rd and with Dirichletboundary conditions on∂Ω. Kiselev and Last [6] found a relation between the rate of growth of solutionsof the generalized eigenfunction equation(H − λ)uλ = 0 and properties of spectral measures ofH (seealso [3]).
In this Note we show an analog of these results for Dirac operators in both one- and multi-dimensionalcases. In particular (the one-dimensional case) we consider Dirac operators of the form
(Hu)(x) =
(0 1−1 0
)u′(x) +
(q(x) p(x)p(x) r(x)
)u(x)
Note présentée par Alain CONNES.
S0764-4442(00)01665-7/FLA 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. 575
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acting inL2(R;C2), wherep, q, andr are real-valued and locally integrable functions. We prove relationsbetween the rate of growth of theL2-norms
‖uλ‖L2([−R,R];C2)
of solutions of the generalized eigenfunction equation(H −λ)uλ = 0 and continuity properties of spectralmeasures ofH .
1. Introduction
Notre but est d’étudier le spectre d’opérateurs de Dirac. La théorie des solutions subordonnées de Gilbertet Pearson [5] a permis de donner des réponses à ce problème dans le cas des opérateurs de Schrödingerunidimensionnels (voir [8] par exemple). Ces résultats de Gilbert et Pearson ont été prolongés par Behncke[1] au cas des systèmes de Dirac de dimension un. Rappelons-les brièvement. Considérons un opérateur deDirac de la forme :
(Hu)(x) =
(0 1−1 0
)u′(x) +
(q(x) p(x)p(x) r(x)
)u(x), (1.1)
agissant dansH = L2(R;C2), où p, q et r sont des fonctions à valeurs réelles et localement intégrables.Une solutionu de l’équation(
0 1−1 0
)u′(x) +
(q(x) p(x)p(x) r(x)
)u(x) = λu(x) (1.2)
est dite subordonnée en+∞ si pour toute solution linéairement indépendantev de la même équation on a
limR→+∞
‖u‖R‖v‖R
= 0,
où ‖f‖R =∫ R
0|f(x)|2 dx. On définit de façon analogue les solutions subordonnées en−∞. Rappelons
également qu’un ensemble borélienS deR est un support minimal d’une mesure positiveµ siµ(Rr S) = 0,|T |= 0 pour tout borélienT ⊂ S satisfaisantµ(T ) = 0,
où | · | désigne la mesure de Lebesgue. Behncke a prouvé que les supports minimauxMac etMs des partiesabsolument continue et singulière de la mesure spectraleρ deH sont donnés par
Mac = λ∈R | l’équationHu= λu n’admet pas de solution subordonnée en−∞ ou en+∞,Ms = λ∈R | l’équationHu= λu admet une solution subordonnée en−∞ et en+∞.
Dans le cas des opérateurs de Schrödinger en dimension quelconque, Kiselev et Last [6] (voir également[3]) ont trouvé d’autres relations entre le comportement asymptotique des solutions des équations deSchrödinger et les propriétés des mesures spectrales des opérateurs correspondants. Plus précisément, siH = −∆ + V (x) désigne un opérateur de Schrödinger défini sur un domaine non bornéΩ deRd avecconditions de Dirichlet sur∂Ω, alors Kiselev et Last ont exprimé des relations entre les taux d’accroissementdes normes‖uλ‖L2(BR∩Ω) lorsqueR→+∞ de solutions de l’équation aux fonctions propres généralisées(H − λ)uλ = 0 et des propriétés de continuité de certaines mesures spectrales deH .
Dans cette Note nous montrons un analogue de ces résultats pour les opérateurs de Dirac unidimen-sionnels (définis dansL2(R;C2)) et multidimensionnels (définis dansL2(R3;C4)). Ces résultats sont
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rassemblés dans le paragraphe 2. Dans le paragraphe 3 nous en donnons les démonstrations dans le casunidimensionnel.
2. Résultats
Dans la suite, on désignera parµϕ la mesure spectrale associée à un élémentϕ deH relativement àl’opérateurH . Si µ est une mesure borélienne finie surR etα ∈ [0,1], on appelle dérivéeα-supérieure deµ enx ∈R l’élément de[0,+∞] défini par
Dαµ(x) = lim supε→0+
µ(]x− ε, x+ ε[
)εα
.
Notre résultat principal est le théorème suivant. C’est l’analogue du théorème 1.1. de [6] pour les opérateursde Dirac unidimensionnels.
THÉORÈME 1. – SoitH un opérateur de la forme(1.1)et soitλ ∈R. Supposons qu’il existe une fonctionnon nulleuλ ∈H1
loc(R;C2) telle que:(i) uλ est une solution de l’équation(1.2) ;(ii) il existeα ∈ [0,1] vérifiant
lim infR→+∞
R−α∫ R
−R
∥∥uλ(x)∥∥2
C2 dx <∞ (resp.= 0).
Soitφ ∈ L20(R;C2) tel que
∫R〈φ(x), uλ(x)〉C2 dx 6= 0. AlorsDαµφ(λ)> 0 (resp.=∞).
Si α ∈ [0,1], on définit, pour toute partieA deR, la mesureα-dimensionnelle de Hausdorff deA par
hα(A) = lim infδ→0
+∞∑n=0
|In|α∣∣∣∣ In est un intervalle deR,
+∞⋃n=0
In ⊃A et |In|< δ
.
Rappelons quehα est une mesureσ-finie et queh1 = | · |. Le théorème 1 nous permettra de démontrer lerésultat suivant :
THÉORÈME 2. – SoitH un opérateur de la forme(1.1). Fixonsα ∈ [0,1]. Considérons un borélienSdeR qui vérifie les hypothèses suivantes:(i) hα(S)> 0 ;(ii) pour toutλ ∈ S il existe une fonction non nulleuλ ∈H1
loc(R;C2) telle queuλ est solution de l’équation(1.2),
lim infR→+∞
R−α∫ R
−R
∥∥uλ(x)∥∥2
C2 dx<+∞.
Alors, il existeϕ ∈ L20(R;C2) tel queµϕ(U) > 0 pour tout borélienU ⊂ S vérifiant hα(U) > 0. En
particulier, pour α = 1, S est le support essentiel de la partie absolument continue de la mesureµϕrestreinte àS, i.e.
∀B ∈ B(R), µϕ,ac(S ∩B) = 0⇐⇒ |S ∩B|= 0.
L’analogue des théorèmes 1 et 2 existe dans le cas des opérateurs de Dirac multidimensionnels. Laméthode à utiliser pour les prouver est analogue à celle du cas unidimensionnel. Nous nous contentons
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donc de définir ces opérateurs. Considérons les matrices hermitiennes suivantes, dites matrices de Dirac :
M1 =
0 0 0 10 0 1 00 1 0 01 0 0 0
, M2 =
0 0 0 −i0 0 i 00 −i 0 0i 0 0 0
, M3 =
0 0 1 00 0 0 −11 0 0 00 −1 0 0
.
Elles vérifient
MjMk +MkMj = 2δj k1, j, k = 1,2,3,
où1 désigne la matrice unité4× 4. PosonsM = (M1,M2,M3). Les opérateurs que nous considérons sontdéfinis dansH= L2(R3;C4) parH =H0 + V (x) oùV est un potentiel et où
H0 =−iM · ∇=−i3∑
k=1
Mk∂
∂xk
est l’opérateur de Dirac libre dansH.
3. Démonstrations dans le cas unidimensionnel
Dans cette partie nous commençons par prouver le théorème 2 en supposant le théorème 1 vérifié, puis,après le rappel d’un lemme, nous démontrons effectivement le théorème 1.
Démonstration du théorème2. – Soit U ⊂ S un borélien deR tel que hα(U) > 0. Un simpleraisonnement par l’absurde montre qu’il existeR0 > 0 et un borélienUR0 ⊂ U avechα(UR0) > 0 telsque,
pour toutλ ∈ UR0 ,
∫ R0
−R0
∥∥uλ(x)∥∥2
C2 dx > 0. (3.1)
L’ensembleL2([−R0;R0];C2
)est un espace de Hilbert séparable. Il admet donc une base hilbertienne
dénombrableφnn>0. D’après (3.1), le théorème 1 permet alors d’affirmer que
pour toutλ ∈UR0 , il existen> 0 tel queDαµφn(λ)> 0. (3.2)
Un autre raisonnement par l’absurde utilisant (3.2) montre qu’il existef ∈ L2([−R0;R0];C2
)etW ⊂ UR0
tels quehα(W )> 0 et queDαµf (λ)> 0 pour toutλ ∈W . D’après le théorème 63 de [7] on aµf (W )> 0et par suiteµf (U) > 0 car W ⊂ U . En résumé, on a montré que pour tout borélienU ⊂ S vérifianthα(U)> 0 il existef ∈ L2
0(R;C2) tel queµf (U)> 0.– D’après le théorème 7.3.5 de [2] il existe une fonction de type maximal, i.e. il existe une fonctionϕ ∈Htelle que, pour toutf ∈H, µf soit absolument continue par rapport àµϕ. Ainsi,
pour toutA ∈ B(R) et tout f ∈H, µf (A)> 0 =⇒ µϕ(A)> 0.
On a doncµϕ(U)> 0 pour toutU ⊂ S vérifianthα(U)> 0. 2Pour prouver le théorème 1, nous aurons besoin du lemme suivant. Il correspond aux lemmes 3.2, 3.3
et 5.4 de [4].
LEMME 1. – Soitµ une mesure borélienne finie surR. Siβ ∈ [0,1], on pose
Qβµ(x) = lim supε→0+
εβ Im
(∫R
dµ(t)
t− x− i ε
).
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Alors, pour toutα ∈ [0,1] et toutx∈R, on a:1) siQ1−α
µ (x)> 0, alorsDαµ(x)> 0,2) siQ1−α
µ (x) = 0, alorsDαµ(x) = 0.
Démonstration du théorème1. – Posonsc=∫R〈φ(x), uλ(x)〉C2 dx 6= 0 et θε = (H − λ− i ε)−1φ pour
toutε > 0. FixonsR0 > 0 tel quesuppφ⊂ [−R0,R0].– Prenonsr >R0. En utilisant (i) et en effectuant une intégration par parties on montre aisément que
λ
∫ r
−r
⟨θε(x), uλ(x)
⟩C2 dx=
∫ r
−r
⟨(Hθε)(x), uλ(x)
⟩C2 dx
+[θε1(x)uλ2(x)
]r−r −
[θε2(x)uλ1(x)
]r−r.
Donc, d’après la définition deθε, on obtient
Jε(r) = c− i ε∫ r
−r
⟨θε(x), uλ(x)
⟩C2 dx,
où l’on a poséJε(r) =[θε2(x)uλ1(x)
]r−r −
[θε1(x)uλ2(x)
]r−r . Soit R > R0. En intégrant la dernière
expression on montre que∫ R
R0
∣∣Jε(r)∣∣dr > |c|(R−R0)− ε∫ R
R0
∫ r
−r
∣∣⟨θε(x), uλ(x)⟩C2
∣∣dxdr. (3.3)
– On a, d’après la définition deJε(r),∫ R
R0
∣∣Jε(r)∣∣dr 6 ∫ R
−R
(∣∣θε2(r)uλ1(r)∣∣+ ∣∣θε1(r)uλ2(r)
∣∣)dr.
L’inégalité de Cauchy–Schwarz permet alors d’affirmer que∫ R
R0
∣∣Jε(r)∣∣dr 6 ‖θε‖L2([−R,R];C2) ‖uλ‖L2([−R,R];C2). (3.4)
En outre, ∫ R
R0
∫ r
−r
∣∣⟨θε(x), uλ(x)⟩C2
∣∣dxdr 6∫ R
0
‖θε‖L2([−r,r];C2) ‖uλ‖L2([−r,r];C2) dr
et donc ∫ R
R0
∫ r
−r
∣∣⟨θε(x), uλ(x)⟩C2
∣∣dxdr 6R‖θε‖L2([−R,R];C2) ‖uλ‖L2([−R,R];C2). (3.5)
D’après (3.4) et (3.5), l’inégalité (3.3) donne
(1 + εR)‖θε‖L2([−R,R];C2) ‖uλ‖L2([−R,R];C2) > |c|(R−R0). (3.6)
– D’après (ii), on alim infR→+∞R−α‖uλ‖2L2([−R,R];C2) < +∞. Il existe doncM > 0 et une suite
divergenternn>1 de réels positifs tels qu’on ait pour toutn> 1 :rn >R0 + 1,‖uλ‖2L2([−rn,rn];C2) 6M rαn .
(3.7)
Pour toutn> 1 on poseεn = 1/rn > 0. En remplaçantε parεn etR par1/εn− 1 dans (3.6), on obtient
2εn ‖θεn‖L2([−1/εn,1/εn];C2) ‖uλ‖L2([−1/εn,1/εn];C2) > |c|(1− εn(1 +R0)
).
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Commelimn→+∞ εn = 0 on déduit de la relation (3.7) qu’il existeN > 1 tel qu’on ait pour toutn>N :
ε2−αn ‖θεn‖2L2([−1/εn,1/εn];C2) >Const> 0. (3.8)
– En utilisant l’équation de la résolvante on montre aisément que pour tout opérateur auto-adjointA dansun espace de HilbertG on a :
∀ϕ ∈ G, ∀ z ∈CrR, Im⟨(A− z)−1ϕ,ϕ
⟩G = (Im z)
∥∥(A− z)−1ϕ∥∥2
G .
On a donc, d’après (3.8) :
∀n>N, ε1−αn Im
⟨(HV − λ− i εn)−1φ,φ
⟩H >C > 0.
Par suite,Q1−αµφ
(λ)> 0 et doncDαµφ(λ)> 0 d’après le lemme 1.– La deuxième partie du théorème 1 se démontre de la même façon, mais en utilisant l’assertion 2) dulemme 1. 2
Remarque. – Dans le cas multidimensionnel, l’analogue du théorème 2 se démontre de la même façonque précédemment. En ce qui concerne la preuve de l’analogue du théorème 1 la seule difficulté est d’établirune estimation de la forme (3.6). On l’obtient en introduisant la quantité
Jε(r) = i
4∑k=1
3∑j=1
4∑`=1
(Mj)k`
∫∂(B′(r))
θεk(t)uλ`(t)~n · ~ej dσ(t),
où B′(r) désigne la boule fermée deR3 de rayonr et centrée à l’origine et où l’on a poséMj =((Mj)k`)16`, k64 pourj = 1,2,3. Le reste de la démonstration se fait sans difficulté en adaptant la preuvedu théorème 1 à partir du troisième point.
Remerciements.Je tiens à remercier A. Boutet de Monvel et D.J. Gilbert pour les discussions fructueuses lors dela préparation de ce texte.
Références bibliographiques
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