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a Belgique est un pays jeune : successivement sous domination espagnole, autrichienne, française et hollandaise, les régions qui constitueront la Belgique ne deviendront indépendantes qu’en 1831, prenant la forme d’une monarchie constitutionnelle et héréditaire. Linguistiquement, le pays est divisé en deux : la Flandre, au nord, parle le néerlandais ; la langue de la Wallonie, au sud, est le français 1 . C’est cette littérature francophone 2 que nous évoquerons ici, en nous arrêtant aux grands noms qui jalonnent son histoire et en montrant comment son évolution est liée aux événements socio-historiques de l’É tat belge. Le professeur de collège pourra intégrer dans son programme plusieurs des œuvres de cette histoire littéraire qu’il trouvera dans la collection « Espace Nord » des éditions La Renaissance du livre. Notamment, en 6 e , poésie : Émile Verhaeren, Les Villages illusoires . En 5 e , récits d’aventures : Charles De Coster, La Légende et les A ventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs (extraits) 3 . En 4 e et 3 e , romans et nouvelles du XX e siècle : Simenon, Le B ourgmestre de Furnes ; André-Marcel Adamek, Le M aître des jardins noirs, L’Oiseau des morts ; les nouvelles de Colette Nys-Mazure, de Jacques Sternberg et de Thomas Owen ; les romans d’Armel Job, qui écrit aussi pour la jeunesse. En 3 e , théâtre, Maurice Maeterlinck, L’Oiseau bleu. Après un aperçu historique, ce supplément propose l’étude d’une œuvre intégrale : À l’étranger de Nicole Malincoli, paru dans la collection « Espace Nord ». Collège SUPPLÉMENT GRATUIT N OUVELLE R EVUE P ÉDAGOGIQUE novembre 2010 L Une brève histoire 1. De 1831 aux années 1920 : célébration d'une identité nationale ..................... 2 2. L'entre-deux-guerres .............................................. 2 3. La Seconde Guerre mondiale .............................. 3 et l'après-guerre : montée de l'individualisme Étude d'une œuvre À l'étranger, de Nicole Malinconi Étape 1 : Entrer en lecture ........................................ 4 Étape 2 : Étudier la narration ................................... 5 Étape 3 : Approfondir l'analyse ............................... 6 SOMMAIRE La littérature BELGE de langue française Par Jean-Pierre Dopagne, dramaturge et professeur de littérature à la Haute École Paul-Henri Spaak de Nivelles (Belgique) En collaboration avec Martine Rodde professeure de lettres au lycée Chaptal à Paris n-Pierre Dopagne n-Pierre Dopagne , dramaturge et prof esseu àl H t É É l P l H S k d N É Pa littératu (Belgiqu E l l ar Jea Jea é t

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a Belgique est un pays jeune : successivement sous domination espagnole, autrichienne, française et hollandaise, les régions qui constitueront la Belgique ne deviendront indépendantes qu’en 1831, prenant la forme d’une

monarchie constitutionnelle et héréditaire.

Linguistiquement, le pays est divisé en deux : la Flandre, au nord, parle le néerlandais ; la langue de la Wallonie, au sud, est le français1. C’est cette littérature francophone2 que nous évoquerons ici, en nous arrêtant aux grands noms qui jalonnent son histoire et en montrant comment son évolution est liée aux événements socio-historiques de l’État belge. Le professeur de collège pourra intégrer dans son programme plusieurs des œuvres de cette histoire littéraire qu’il trouvera dans la collection « Espace Nord » des éditions La Renaissance du livre. Notamment, en 6e, poésie : Émile Verhaeren, Les Villages illusoires. En 5e, récits d’aventures : Charles De Coster, La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs (extraits)3. En 4e et 3e, romans et nouvelles du XXe siècle : Simenon, Le Bourgmestre de Furnes ; André-Marcel Adamek, Le Maître des jardins noirs, L’Oiseau des morts ; les nouvelles de Colette Nys-Mazure, de Jacques Sternberg et de Thomas Owen ; les romans d’Armel Job, qui écrit aussi pour la jeunesse. En 3e, théâtre, Maurice Maeterlinck, L’Oiseau bleu.

Après un aperçu historique, ce supplément propose l’étude d’une œuvre intégrale : À l’étranger de Nicole Malincoli, paru dans la collection « Espace Nord ».

Collège

SUPPLÉMENT GRATUITN O U V E L L E R E V U E P É D A G O G I Q U E

novembre 2010

L Une brève histoire

1. De 1831 aux années 1920 :célébration d'une identité nationale ..................... 22. L'entre-deux-guerres .............................................. 23. La Seconde Guerre mondiale .............................. 3et l'après-guerre : montée de l'individualisme

Étude d'une œuvre

À l'étranger, de Nicole MalinconiÉtape 1 : Entrer en lecture ........................................ 4Étape 2 : Étudier la narration ................................... 5Étape 3 : Approfondir l'analyse ............................... 6

SOMMAIRE

La littérature BELGE

de langue française

Par Jean-Pierre Dopagne, dramaturge et professeur de littérature à la Haute École Paul-Henri Spaak de Nivelles (Belgique)En collaboration avec Martine Rodde professeure de lettres au lycée Chaptal à Paris

n-Pierre Dopagnen-Pierre Dopagne, dramaturge et professeuà l H t ÉÉ l P l H S k d NÉ

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NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE/ La littérature belge /novembre 20102

DÉBUT DE LA MODERNITÉ

Au sortir de la Première Guerre mondiale, la Belgique éprouve, comme beaucoup d’autres pays, un sentiment de rupture avec le passé, accentué par l’inquiétude que sus-cite l’accélération du progrès industriel et social.

Pour combler ce malaise, certains écrivains, essentiel-lement des poètes (Nougé, Goemans, Lecomte), se réfu-gieront dans le rêve et la remise en question de notre rapport au réel, en contribuant de façon originale, avec des peintres comme Magritte, au mouvement surréaliste.

D’autres, confi ants dans le socialisme, se lanceront dans une écriture romanesque « pour le peuple », peignant des révolutions sociales sur fond historique. Charles Plisnier, par exemple, tourne le dos au milieu bourgeois dont il est issu pour décrire les luttes proléta-

riennes et les interrogations des militants communistes (Faux passeports, prix Goncourt 1937). Et Constant Malva (Ma nuit au jour le jour, 1938) suggère de combattre le mal-être des ouvriers par la lecture et l’écriture.

Autre type de révolution : la femme ! Elle apparaît dans la littérature à la fois comme sujet de roman et comme auteur. Marie Gevers, dans La Comtesse des digues (1931), Madame Orpha (1933) et La Ligne de vie (1937), hisse la femme au même niveau social que l’homme. Quant à La Femme de Gilles (1937) de Madeleine Bourdouxhe, c’est un vrai chef-d’œuvre d’écriture et d’analyse psychologique, qui dépeint une femme en quête de reconnaissance.

2. L’ENTRE-DEUX-GUERRES

CÉLÉBRATION D’UNE IDENTITÉ NATIONALE

L’œuvre fondatrice de la littérature belge est à la fois roman, légende et épopée. Écrite par Charles De Coster dans une langue imagée, tantôt baroque, tantôt concise, La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glo-rieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs (1867) est une célébration glorieuse de la naissance du pays : elle dénonce la tyrannie, exalte les luttes démocratiques et exhorte à la conquête des li-bertés nationales et individuelles.

Les romans qui vont suivre, de veine réaliste et natu-raliste, s’inscrivent dans cette démarche historique don-nant la première place au peuple, à ses souffrances et à ses espoirs.

Camille Lemonnier décrit les paysans et les ouvriers dans une langue où se côtoient lyrisme et expressions dialectales. À travers les amours condamnées d’une fer-mière et d’un braconnier, Un mâle (1880) oppose nature et civilisation, loi et instinct. Happe-chair (publié en 1886, un an après Germinal de Zola) dénonce la misère des ouvriers d’un haut fourneau et la montée de la vio-lence.

Détresse et révolte des plus démunis se retrouvent également dans les œuvres de Georges Eekhoud (La Nou-velle Carthage, 1888), de Neel Doff (Jours de famine et de détresse, 1911, Keetje, 1919) ou, de manière plus régiona-

liste, d’Hubert Krains et de Jean Tousseul. De plus en plus, le réel s’observe à travers un regard critique, allant « directement de la nature à l’esprit » 4.

C’est dans ce contexte que, précédant la France de quelques années, des romanciers, mais aussi des poètes et des dramaturges participent à l’émergence du symbo-lisme : Émile Verhaeren se fait le chantre du progrès (Les Villages illusoires, 1895) et Georges Rodenbach transpose l’humain dans le paysage (Bruges-la-morte, 1892). Mauri-ce Maeterlinck, pour qui il existe « autre chose » que le monde visible, propose une approche novatrice de l’être, annonciatrice de l’inconscient freudien (Pelléas et Méli-sande, 1892, Le Trésor des humbles, 1896, L’Oiseau bleu, 1908). Plus novateur encore, André Baillon transforme sa folie en une œuvre autobiographique, génératrice d’une écriture hautement métaphorique (Délires, 1927, Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928).

UNE « BRÈVE HISTOIRE »

Émile Verhaeren (1855-1916).

1. DE 1831 AUX ANNÉES 1920

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NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE/ La littérature belge /novembre 2010 3

3. LA SECONDE GUERRE MONDIALE ET L’APRÈS-GUERRE

1. Une toute petite partie de la population, à l’est, parle aussi l’allemand. 2. Il faut savoir que, jusqu’aux années 1940, la littérature francophone n’est pas spéci" quement liée à la région du sud. Beaucoup d’auteurs sont originaires de Flandre mais écrivent en français, unique langue “o$ cielle” du pays jusqu’en 1898. 3. Voir la séquence proposée dans le numéro de la NRP de novembre 2010. 4. Albert MOCKEL, théoricien belge du symbolisme, in Propos de littérature, 1894.

MONTÉE DE L’INDIVIDUALISME

Pendant la guerre 1940-1945, beaucoup d’auteurs contournent la censure de l’occupant allemand et se rient de l’envahisseur en transposant le thème du monstre à abattre dans le fantastique (Jean Ray, Michel de Ghelde-rode) ou le récit policier, que Georges Simenon enrichit depuis les années 1930 d’une approche sociologique et psychologique : sa série des Maigret et ses romans graves comme Le Bourgmestre de Furnes (1939) ou L’Horloger d’Everton (1954) posent la question de la liberté indivi-duelle face à la fatalité et au temps destructeur.

Les années 1950 voient se succéder de nombreux bou-leversements sociaux et moraux qui, précisément, vont accorder une place croissante à l’individu : immigration, société de consommation, revendications étudiantes, li-bération sexuelle, développement de la psychanalyse…

Épousant son époque, la littérature va, tout naturelle-ment, mettre le je au centre de ses investigations, un je qui se caractérise non par une autosatisfaction narcissi-que mais par des interrogations philosophiques, psycho-logiques ou sociales.

Henry Bauchau (La Déchirure, 1966, Le Régiment noir, 1972) ou Dominique Rolin (Les Marais, 1942, L’Enragé,

1978) analysent l’homme confronté à la réalité. Marcel Moreau critique le conformisme bourgeois et les compro-mis qui en découlent (Julie ou la dissolution, 1971). Jean Muno traduit le désespoir et la révolte de l’intellectuel déçu (Histoire exécrable d’un héros brabançon, 1982). Conrad Detrez est, lui aussi, un dénonciateur des scléroses et des injustices, au fi l d’une « autobiographie hallucinée » que dévoile par petites touches une écriture baroque et poétique (Ludo, 1974, L’Herbe à brûler, 1978). Nicole Malinconi, quant à elle, s’appuie sur sa formation

d’assistante sociale pour donner la parole aux laissés-pour-compte : l’avortement, la mort ou l’émigration sont autant de sujets qui peuplent des romans à tendance autobiographique comme Hôpital silence (1985), Nous deux (1993) ou À l’étranger (2003) qui sera étudié dans ce supplément. Psychothérapeute cultivant tous les genres littéraires, François Emmanuel scrute les énigmes des êtres et des choses en disséquant leurs parcours initiati-ques au gré d’une écriture sensible et musicale (La Nuit d’obsidienne, 1992, La Leçon de chant, 1996, Portement de ma mère, 2001). Travaillant elle aussi dans le domaine psychanalytique, Jacqueline Harpman aime aller à l’en-contre de la norme, au gré de personnages torturés, cyniques ou sauvages, mais lucides et toujours en quête de leur identité. Parmi une œuvre abondante d’une facture assez classique, Les Bons Sauvages (1966), La Fille dé-mantelée (1990) ou La Plage d’Ostende (1991) témoignent d’une grande habileté à dévoiler le secret des passions.

Parmi les femmes, de plus en plus présentes en littéra-ture, on distinguera aussi Françoise Lalande, Colette Nys-Mazure ou Caroline Lamarche, dont les langues très per-sonnelles pénètrent les doutes et les bonheurs quotidiens, ainsi que la célèbre Amélie Nothomb, aux multiples facet-tes, créatrice de personnages étranges et monstrueux.

Des univers spécifi ques naissent sous la plume d’auteurs singuliers : Thomas Owen (Le Jeu secret, 1950), Jacques Sternberg (Contes glacés, 1974) et Jean-Baptiste Baronian (La Nuit du pigeon, 1982) côtoient l’absurde, le burlesque et le fantastique ; Jean-Pierre Otte et René Hé-noumont rénovent le régionalisme ; Paul Émond interpelle le quotidien par un fl ux de paroles ; Armel Job fait feu de tout bois (histoire, art, religion…) pour débusquer l’inti-mité de personnages qui nous questionnent sur le sens de la vie (La Femme manquée, 2000, Le Conseiller du roi, 2003).

Très colorée est la langue dense et dansante d’André-Marcel Adamek, qui crée, à partir de situations individuel-les ou régionales, des personnages universels jetant un regard sombre mais teinté d’espoir sur l’avenir de la pla-nète (Le Maître des jardins noirs, 1993, La Grande Nuit, 2003).

Aujourd’hui émergent de jeunes auteurs issus de ces mouvances contrastées. Ils continuent à explorer le ma-laise de leurs contemporains. Malaise existentiel qui se double d’un malaise identitaire, la Belgique étant depuis plus de cinquante ans en proie à des crises institutionnel-les opposant les néerlandophones et les francophones…

Conrad Detrez en 1978.

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NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE/ La littérature belge /novembre 20104

SUPPORT : Nicole Malinconi, À l’étranger, La Renaissance du livre, coll. « Espace Nord », 2005 (première édition : Le Grand Miroir, 2003)

Niveau : classe de 3e

Objet d’étude : les textes autobiographiques

OBJECTIFS :

étudier un récit d’enfance et d’adolescence ;

étudier un roman du XXIe siècle porteur d’un regard sur l’histoire et le monde contemporain ;

étudier les modes de narration, la parole rapportée, la modalisation et le point de vue (Programmes d’enseignement du français, août 2008, p. 12).

DURÉE : 8 heures

ORGANISATION de la séquence :

Étape 1 : Entrer en lecture

Le premier chapitre

Étape 2 : Étudier la narration

Le temps du récit

Le narrateur

Le monologue intérieur

La langue

Étape 3 : Approfondir l’analyse

Les personnages

Roman ou autobiographie

ÉTAPE 1 : ENTRER EN LECTURE Objectifs : amorcer la lecture du roman

Durée : 1 heure

SÉANCE 1 : LE PREMIER CHAPITRE Support : titre, premier chapitre

Durée : 1 heure

Avant d’ouvrir le livre, les élèves formulent des hypothèses sur les sens connotés du titre et répondent aux questions ci-dessous. Ensuite, ils lisent le premier chapitre et véri# ent leurs hypothèses.

Le titre évoque-t-il une référence géographique ou un ailleurs à rejoindre (un but, une direction,

comme dans l’expression partir à l’étranger) ?

Cet ailleurs est-il positif ou négatif ?

Quel type de récit laisse-t-il entrevoir : roman d’aventures, roman sur le déracinement, récit

initiatique… ?

À l’issue de cette séance, les élèves lisent le roman.

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Étude d’une œuvre :

À l’étranger de Nicole Malinconi

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À qui s’adresse le narrateur ?

Lecture du début du chapitre 3 (p. 11) : de « La langue étrangère vous ignore » à « ne pas devenir notre étranger ».

a. Qui représente le vous ?

b. Proposez deux autres formulations de la phrase : « À cause de la langue que vous ne parlez pas, c’est vous qui devenez étranger. »c. Comment s’appelle ce type de récit ?

Lecture du début du chapitre 8 (p. 29) : de « Roberto, le ! ls du garage » à « pour la station service ». Dans cet extrait, relevez les particularités concernant :

a. le type de phrases ;

b. la syntaxe ;

c. les paroles rapportées.

Réécrivez cet extrait en rétablissant les règles que l’auteur a modi% ées.

Quel e& et apportent les modi% cations stylistiques de l’auteur ?

La langueRelecture de quelques extraits, au gré du professeur.

Par exemple :

a. « Ma mère et moi, on n’allait pas souvent à la fabrique […]. » (p. 48)

b. « L’ombre de la treille, c’était l’endroit des femmes, où faire les rideaux de dentelle au crochet et broder les draps de lit pour plus tard, qui prenaient des mois et des années, tellement la broderie, elles la faisaient haute. » (p. 73)

c. « Bien que pour un retour, c’était un aller. » (p. 118)

Les élèves répondent aux questions suivantes :

Que remarquez-vous dans les constructions de phrases de ces extraits ?

Quel est le niveau de langue utilisé dans ces extraits ? Est-il constant dans l’ensemble du roman ? Justi% ez ce choix de l'auteur.

ÉTAPE 2 : ÉTUDIER LA NARRATION Objectifs : étudier le système d’énonciation, le point de vue, la parole rapportée

Durée : 3 heures

SÉANCE 2 : LE TEMPS DU RÉCIT ET LE NARRATEUR Support : l’ensemble du romanDurée : 1 heure

Le temps du récit Le professeur fait lire trois extraits :

chapitre 1er, p. 5 : de « À notre arrivée, il pleuvait » à « Ce fut une occasion unique » ;

chapitre 4, p. 15 : de « Un jour, on apprend la mort de Joseph Staline » à « apprendre le crime d’un seul coup » ;

chapitre 27, p. 118 : de « Quand nous étions sorties » à « c’était un aller ».

Les élèves doivent répondre aux questions suivantes

À quels temps est écrit le récit ? Qu’en déduisez- vous quant au rapport existant entre la narratrice et les événements qu’elle raconte ?

Examinez le début du premier chapitre et la % n du dernier chapitre. Sur combien de temps s’étale l’histoire ?

À quelle époque se situent les événements racontés ? Montrez de quelle manière le narrateur nous fait connaître l’époque.

Le narrateur

À quelle personne est écrit le récit ?

Que sait-on du narrateur ? Connaît-on son sexe ? Son âge ? Sa personnalité ? Le récit donne-t-il toutes les informations nécessaires ? Appuyez-vous sur le premier chapitre et sur le dernier.

Quel est le point de vue du narrateur ?

SÉANCE 3 : LE MONOLOGUE INTÉRIEUR ET LA LANGUE Support : l’ensemble du roman et en particulier les pages 11 et 29

Durée : 2 heures

Le monologue intérieurLes élèves examinent la manière dont la narratrice rapporte son vécu et les paroles des autres personnages.Ils répondent aux questions suivantes :

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NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE/ La littérature belge /novembre 20106

ÉTAPE 3 : APPROFONDIR L’ANALYSE Objectifs : dégager le(s) sens du texte

Durée : 4 heures

SÉANCE 4 : LES PERSONNAGES Support : l’ensemble du roman et un retour sur le premier chapitre

Durée : 2 heures

Dès son arrivée, la mère se forge une opinion négative de l’Italie : « Avec leur mentalité d’arriérés […] et de ne même pas savoir qu’ailleurs on vit mieux qu’eux » (p. 7).

Cette opposition Belgique / Italie n’est pas la seule. Les relations entre les personnages sont, elles aussi, organisées selon un système d’oppositions, que le professeur fait rechercher aux élèves. Cette recherche pourra faire l’objet de travaux individuels ou par équipes de deux, puis d’exposés devant la classe.

Les travaux porteront essentiellement sur les oppositions et extraits suivants :

la Belgique / l’Italie (p. 31 : de « Roberto disait que la Belgique » à « Roberto avait gagné » ;pp. 35-36 : de « On va aux commissions » à « il fallait croire ») ;

la mère et la narratrice / le père et sa famille (pp. 57-63 : de « Quand on allait dans la famille » à « pour ne pas la prendre au mot ») ;

la mère et la narratrice / le centre ville (pp. 53-55 : de « Ma mère et moi » à « La soirée était gâchée ») ;

la mère et les femmes du quartier / la narratrice (pp. 73-75 : de « Elle avait raconté » à « comme une lame ») ;

la mère et le père / la narratrice (pp. 95-97 : de « Mon père était venu après tout le monde » à « dans une langue étrangère ») ;

la mère / le père (pp. 105-107 : de « Mon père avait sans doute regardé » à « Etrangère à lui, donc ») ;

SÉANCE 5 : ROMAN OU RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE ? Support : l’ensemble du roman, en particulier la page 47, et les deux textes ci-dessous.

Durée : 1 heure

Le professeur fait lire les textes suivants :

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Texte 1 : À l’étranger, p. 47, de « Mon père traversaitla ville » à « d’une personne de métier ».

Texte 2 : « Née à Dinant (Belgique, 1946), Nicole Malinconi est italienne par son père qui travaillait dans la restauration 1. »

Texte 3 :

a. « L’autobiographie est un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité 2. »

b. « C’est en tant qu’autobiographie que le roman est décrété plus vrai 3. »

Les élèves répondent aux questions suivantes :

Comparez la page 47 avec le texte 2. Quelle conclusion pensez-vous pouvoir tirer de cette comparaison ?

Après avoir lu le texte 3a, pensez-vous que À l’étranger constitue une vraie autobiographie ? Le je représente-t-il Nicole Malinconi ? Justi% ez votre réponse en vous basant sur les aspects narratifs de l’œuvre et ses références au réel.

À l’aide du texte 3b, expliquez pourquoi l’auteur quali% e son récit de roman.

SÉANCE 6 : LA BELGIQUE ET L’IMMIGRATION / ÉMIGRATION ITALIENNE Support : l’ensemble du roman et le texte ci-dessous.

Durée : 1 heure

En 1945, après la Deuxième Guerre mondiale, la Belgique % t appel à la main-d'œuvre étrangère pour livrer la « bataille du charbon », indispensable à la relance économique et à la reconstruction du pays.

L'Italie sortait à cette époque de 20 ans de fascisme... /...

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Des travailleurs italiens arrivent en gare centrale à Bruxelles, 1955.

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Légende de p. 1 : Couverture de la Wallonie, décembre 1890-janvier 1891, revue littéraire ; Charles De Coster (1827-1879).

et la situation économique y était désastreuse. Les dirigeants saisirent donc l'occasion d'exporter la main-d'œuvre en échange du charbon indispensable à la reprise économique du pays. La Belgique ayant besoin de cette main-d'œuvre, c'est le 23 juin 1946 que fut signé, à Rome, le protocole d'accord économique entre l'Italie et la Belgique. L'accord prévoyait l'envoi de 50 000 travailleurs italiens, contre l'approvisionnement payant à l'Italie de 3 millions de tonnes de charbon annuellement. Des recruteurs belges aidés d'enrôleurs italiens partirent pour l'Italie. La Belgique appâtait les ouvriers italiens grâce aux salaires attrayants. Les Italiens arrivèrent par convois entiers. Les candidats passaient une visite médicale de routine, et ensuite embarquaient dans des wagons en direction de la Belgique. En 1952, le nombre maximal de 48 598 mineurs italiens fut atteint.

(Document réalisé à partir du site Terrils.be)

On voit que la présence italienne en Belgique joua un important rôle historique et économique.

Question :

Quelle est l’originalité du roman de Nicole Malinconi par rapport à cette réalité historique ?

CONCLUSION

Au terme de l’analyse, le titre peut se lire au-delà du plan géographique. Si l’Italie constitue, pour la narratrice et sa mère, un ailleurs par rapport à leur pays natal, la notion d’étranger imprègne aussi les relations humaines : au sein d’une communauté, d’une famille, d’un couple…

À l’étranger n’est pas seulement le roman d’un déracinement ou d’un retour impossible, il est aussi le roman de la solitude. Et peut-être pourrait-on lire le mot étranger non plus comme un pays mais comme une personne, comme un destinataire. Le récit de la jeune adolescente pourrait être reçu comme une longue lettre qu’elle écrit à l’étranger que chacun représente pour autrui. Et peut-être à l’étranger que chacun devient pour lui-même lorsqu’il doit se laisser habiter par une autre langue que sa langue maternelle.

Cette conclusion o# re au professeur l’opportunité de renvoyer les élèves au chapitre 3, a$ n qu’ils identi$ ent les cinq étapes de la transformation de l’individu.

« La langue étrangère vous ignore » (p. 11) ;

« À cause de la langue que vous ne parlez pas, c’est vous qui devenez étranger » (p. 11) ;

Nicole Malinconi.

« Hors de la chambre on apprenait pourtant, il fallait bien vivre » (p. 11) ;

« Puis un jour, vous dites quelque chose dans leur langue à eux, rien qu’un mot peut-être, mais celui-là, vous le dites comme s’il venait de soi, ou, plutôt, de vous […] » (p. 12) ;

« À force, je devenais de langue italienne ; cette langue-là était devenue comme une langue première. C’était comme s’il fallait oublier l’une pour l’autre » (p. 13).

Avec, au bout du chemin, l’absurdité et l’échec pressenti : le retour en Belgique, vers la langue d’autrefois…

Au-delà des questions que posent l’exil et la solitude,ce court roman de Nicole Malinconi a, pour le lecteur belge, une résonance particulière : celle de l’insécurité linguistique qui règne dans le pays depuis sa création. Lorsqu’il franchit la frontière linguistique qui sépare la communauté francophone et la communauté néerlandophone, le Belge devient un étranger dans son propre pays, sachant de moins en moins où sont ses racines, qu’il ne trouve pas davantage dans son passé que dans l’Europe de demain.

Écrit par une romancière à cheval sur deux langues, À l’étranger ne pouvait voir le jour que dans cette Belgique bilingue, dans cette Belgique où la langue fait peur, dans cette Belgique où l’errance identitaire nourrit depuis toujours l’art et la littérature.

1. Michel JOIRET et Marie-Ange BERNARD, Littérature belge de langue française, Bruxelles, Didier Hatier, 1999, p. 315. 2. Philippe LEJEUNE, Le Pacte autobiographique, Paris, Le Seuil, 1975, p. 42. 3. Ibid., p. 42.

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Supplément à la NRP Collège n° 2 de novembre 2010. Ne peut être vendu séparément.Texte : J.-P. Dopagne et M. Rodde - Éditeur : Nathan, 25 avenue P. de Coubertin 75013 Paris – Directeur de la publication : Catherine Lucet – Directeur délégué : Françoise Fougeron – Directeurs de la rédaction : Yun Sun Limet, Jean-Claude Mary – Maquette : Julia Girodroux – Iconographie : Laure Penchenat – Partenariats : Christophe Vital-Durand. Tél. : 01 45 87 52 83 – Dépôt légal : novembre 2010 – N° d’édition : 101 70 637 – Code article : 109728Crédits Photos : couverture: h gauche, ARCHIVES NATHAN ; couverture milieu gauche, ARCHIVES NATHAN ; 2 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor ; 3: RUE DES ARCHIVES / Rene saint paul ; 6 : LEEMAGE / Farabola ; 7 : EPICUREANS / Ulf Andersen Retrouvez la NRP Collège sur http://www.nrp-college.com

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Page 8: supplement espace nord resize 2 - Nathan...Villages illusoires, 1895) et Georges Rodenbach transpose l’humain dans le paysage (Bruges-la-morte, 1892). Mauri-ce Maeterlinck, pour

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la Belgiquede l’étrange

1945-2000

nouvelles fantastiquesréunies par Éric Lysøe

Jean de Boschère

Marthe et l’enragéPréface d’Antonin Artaud

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le monastère des Deux-Saints-Jean

suivi de Entre deux anges

Marie Gevers

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Maurice Maeterlinck

Pelléas et Mélisande

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André-Marcel Adamek

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