spondylodiscite à candida albicans après un piercing chez une patiente immunocompétente

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Lettres à la rédaction / Revue du rhumatisme 80 (2013) 186–192 191 [3] Serrato VA, Azevedo VF, Sabatoski V, et al. Influenza H1N1 infection in a patient with psoriatic arthritis in treatment with adalimumab: a case report. Clin Rheu- matol 2010, http://dx.doi.org/10.1007/s10067-010-1415-5 . [4] Nocturne G, Ora J, Ea HK, Lioté F. Influenza A H1N1 and anakinra exposure in a patient with gout. Joint Bone Spine 2010;77:369–70. [5] Bournia VK, Sfontouris C, Konsta M, Iliopoulos A. H1N1 influenza out- come in rheumatic patients under biological therapy. Clin Exp Rheumatol 2012;30:311–2. [6] Ferreira MA, Matheson MC, Duffy DL, et al. Identification of IL6R and chromo- some 11q13.5 as risk loci for asthma. Lancet 2011;378:1006–14. [7] Ribeiro AC, Guedes LK, Moraes JC, et al. Reduced seroprotection after pandemic H1N1 influenza adjuvant-free vaccination in patients with rheu- matoid arthritis: implications for clinical practice. Ann Rheum Dis 2011;70: 2144–7. Daniel Wendling a,Sylvère Hugonnot b Florent Montini b Clément Prati a a Département de rhumatologie, CHU de Besanc ¸ on, 2, boulevard Fleming, 25030 Besanc ¸ on, France b Département de réanimation, CHU de Besanc ¸ on, 25030 Besanc ¸ on, France Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Wendling) Accepté le 27 juin 2012 Disponible sur Internet le 25 septembre 2012 http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2012.06.016 Spondylodiscite à Candida albicans après un piercing chez une patiente immunocompétente i n f o a r t i c l e Mots clés : Spondylodiscite Candida Piercing (body) 1. Introduction Nous rapportons le cas d’une patiente immunocompétente, souffrant d’une spondylodiscite (SpD) à Candida albicans dont la porte d’entrée suspectée était un piercing. 2. Observation Une étudiante de 22 ans, asthmatique sous salmétérol- fluticasone, est hospitalisée pour SpD L1-L2 révélée par une IRM lombaire (Fig. 1) réalisée devant des lombalgies persistantes depuis quatre mois avec élévation de la CRP (53 mg/L). La culture de plusieurs prélèvements disco-vertébraux était positive à Candida albicans. Aucune autre localisation septique ne fut mise en évidence (échographie cardiaque, scintigraphie osseuse, scanner abdomi- nopelvien). Il n’y avait pas d’immunodépression (sérologie VIH, dosage des immunoglobulines, immunophénotypage lymphocy- taire et complément normaux), ni de toxicomanie intraveineuse. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2012.07.013. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais la réfé- rence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus. Fig. 1. IRM lombaire (sagittal T1 sans et avec Gadolinium) : hyposignal du disque L1-L2 et des vertèbres sus- et sous-jacentes et mise en évidence d’une collection antérieure avec prise de contraste du disque et de la collection. La dernière antibiothérapie datait d’un an (lors d’une cholécystec- tomie) et il n’y avait pas eu de corticothérapie générale. Les portes d’entrée possibles étaient un piercing de la langue (avec picotements fréquents) et du nombril (posé sur l’orifice d’une cœlioscopie, retiré six mois auparavant devant un écoulement blan- châtre, d’évolution favorable sous soins locaux antiseptiques). Un prélèvement buccal retrouva un Candida albicans identique à celui de la vertèbre. Le piercing a été retiré et un traitement par Fluconazole pendant six mois (12 mg/kg par jour 15 jours puis 6 mg/kg par jour) a permis la guérison de la SpD. 3. Discussion Parmi les facteurs de risque de SpD à Candida, la toxicomanie intraveineuse est un facteur de risque classique retrouvé dans 20 % des cas [1]. Hormis la toxicomanie, les facteurs favorisants clas- siques sont l’antibiothérapie à large spectre, les cathéters centraux, une chirurgie majeure, l’immunodépression (VIH, corticothérapie, neutropénie, radiothérapie) et la nutrition parentérale [2]. Les cas survenus en l’absence de facteur de risque n’excèdent pas 2 % [1,2]. Ici, nous n’avons pas trouvé d’immunodépression ni de prise récente de corticoïdes oraux. Concernant la porte d’entrée, les deux piercings pouvaient être mis en cause : sur la langue (la fluticasone inhalée pouvant favori- ser les proliférations candidosiques) et au nombril (la macération locale pouvant favoriser le développement du candida). La mise en évidence de Candida (saprophyte buccal) dans la bouche n’a pas de valeur pathologique. Le passage systémique peut survenir lors de la pose du piercing ou lors de manipulation du bijou (effraction cuta- née) car une réépithélialisation se fait normalement 15 jours après la pose. Concernant les complications infectieuses des piercings [3], elles sont le plus fréquemment locales mais des infections à dis- tance sont également rapportées : endocardites, abcès (cérébraux et hépatiques) [4–6]. Au niveau osseux, une SpD de L3 et une ostéo- myélite de cheville à S. aureus (piercing d’oreille chez un enfant de 13 ans) ont été publiées [7]. Les germes en cause dans ces compli- cations sont Staphyloccocus aureus, Pseudomonas aeruginosa, et les streptocoques -hémolytiques du groupe A. Des infections à myco- bactéries ont également été rapportées [3,8] ainsi que deux cas d’infection fungique locale : à Aspergillus flavus [9] et à Veronaea botryosa [10]. À notre connaissance, notre observation est le premier cas rap- porté de SpD à C. albicans survenant au décours d’un piercing.

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Page 1: Spondylodiscite à Candida albicans après un piercing chez une patiente immunocompétente

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Lettres à la rédaction / Revue du rhumatisme 80 (2013) 186–192 1

[3] Serrato VA, Azevedo VF, Sabatoski V, et al. Influenza H1N1 infection in a patientwith psoriatic arthritis in treatment with adalimumab: a case report. Clin Rheu-matol 2010, http://dx.doi.org/10.1007/s10067-010-1415-5.

[4] Nocturne G, Ora J, Ea HK, Lioté F. Influenza A H1N1 and anakinra exposure in apatient with gout. Joint Bone Spine 2010;77:369–70.

[5] Bournia VK, Sfontouris C, Konsta M, Iliopoulos A. H1N1 influenza out-come in rheumatic patients under biological therapy. Clin Exp Rheumatol2012;30:311–2.

[6] Ferreira MA, Matheson MC, Duffy DL, et al. Identification of IL6R and chromo-some 11q13.5 as risk loci for asthma. Lancet 2011;378:1006–14.

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Fig. 1. IRM lombaire (sagittal T1 sans et avec Gadolinium) : hyposignal du disqueL1-L2 et des vertèbres sus- et sous-jacentes et mise en évidence d’une collectionantérieure avec prise de contraste du disque et de la collection.

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[7] Ribeiro AC, Guedes LK, Moraes JC, et al. Reduced seroprotection apandemic H1N1 influenza adjuvant-free vaccination in patients with rhmatoid arthritis: implications for clinical practice. Ann Rheum Dis 2011;2144–7.

Daniel WendlingSylvère Hugonno

Florent MontinClément Pra

a Département de rhumatologie, CHU de Besanc onboulevard Fleming, 25030 Besanc on, Fran

b Département de réanimation, CHU de Besanc

25030 Besanc on, Fran

∗ Auteur correspondaAdresse e-mail : dwendling@chu-besancon

(D. Wendlin

Accepté le 27 juin 20

Disponible sur Internet le 25 septembre 20

http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2012.06.016

Spondylodiscite à Candida albicans après un piercing chez upatiente immunocompétente�

i n f o a r t i c l e

Mots clés :SpondylodisciteCandidaPiercing (body)

1. Introduction

Nous rapportons le cas d’une patiente immunocompétensouffrant d’une spondylodiscite (SpD) à Candida albicans dontporte d’entrée suspectée était un piercing.

2. Observation

Une étudiante de 22 ans, asthmatique sous salmétérfluticasone, est hospitalisée pour SpD L1-L2 révélée par une IRlombaire (Fig. 1) réalisée devant des lombalgies persistantes depquatre mois avec élévation de la CRP (53 mg/L). La culture

plusieurs prélèvements disco-vertébraux était positive à Candi

albicans.

Aucune autre localisation septique ne fut mise en évidence(échographie cardiaque, scintigraphie osseuse, scanner abdomi-nopelvien). Il n’y avait pas d’immunodépression (sérologie VIH,dosage des immunoglobulines, immunophénotypage lymphocy-taire et complément normaux), ni de toxicomanie intraveineuse.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2012.07.013.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc aise de cet article, mais la réfé-

rence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.

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La dernière antibiothérapie datait d’un an (lors d’une cholécystetomie) et il n’y avait pas eu de corticothérapie générale.

Les portes d’entrée possibles étaient un piercing de la lang(avec picotements fréquents) et du nombril (posé sur l’orifice d’ucœlioscopie, retiré six mois auparavant devant un écoulement blachâtre, d’évolution favorable sous soins locaux antiseptiques). Uprélèvement buccal retrouva un Candida albicans identique à cede la vertèbre.

Le piercing a été retiré et un traitement par Fluconazole pendasix mois (12 mg/kg par jour 15 jours puis 6 mg/kg par jour) a permla guérison de la SpD.

3. Discussion

Parmi les facteurs de risque de SpD à Candida, la toxicomanintraveineuse est un facteur de risque classique retrouvé dans 20des cas [1]. Hormis la toxicomanie, les facteurs favorisants clasiques sont l’antibiothérapie à large spectre, les cathéters centrauune chirurgie majeure, l’immunodépression (VIH, corticothérapneutropénie, radiothérapie) et la nutrition parentérale [2]. Les csurvenus en l’absence de facteur de risque n’excèdent pas 2[1,2]. Ici, nous n’avons pas trouvé d’immunodépression ni de prrécente de corticoïdes oraux.

Concernant la porte d’entrée, les deux piercings pouvaient êtmis en cause : sur la langue (la fluticasone inhalée pouvant favoser les proliférations candidosiques) et au nombril (la macératilocale pouvant favoriser le développement du candida). La mise

évidence de Candida (saprophyte buccal) dans la bouche n’a pas

valeur pathologique. Le passage systémique peut survenir lors depose du piercing ou lors de manipulation du bijou (effraction cutnée) car une réépithélialisation se fait normalement 15 jours aprla pose.

Concernant les complications infectieuses des piercings [elles sont le plus fréquemment locales mais des infections à dtance sont également rapportées : endocardites, abcès (cérébraet hépatiques) [4–6]. Au niveau osseux, une SpD de L3 et une ostémyélite de cheville à S. aureus (piercing d’oreille chez un enfant

13 ans) ont été publiées [7]. Les germes en cause dans ces compcations sont Staphyloccocus aureus, Pseudomonas aeruginosa, et

streptocoques �-hémolytiques du groupe A. Des infections à myc

bactéries ont également été rapportées [3,8] ainsi que deux casd’infection fungique locale : à Aspergillus flavus [9] et à Veronaeabotryosa [10].

À notre connaissance, notre observation est le premier cas rap-porté de SpD à C. albicans survenant au décours d’un piercing.

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192 Lettres à la rédaction / Revue du rhumatisme 80 (2013) 186–192

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Références

[1] Miller DJ, Mejicano JC. Vertebral osteomyelitis due to Candida species: casereport and literature review. Clin Infect Dis 2001;33:523–30.

[2] Hendrickx L, Van Wijngaerden E, Samson I, et al. Candidal VertebralOsteomyelitis: report of 6 patients and a review. Clin Infect Dis 2001;32:527–33.

[3] Tweeten SS, Rickman LS. Infectious complications of body piercing. Clin InfectDis 1998;26:735–40.

[4] Giuliana B, Loredana S, Pasquale S, et al. Complication of nasal piercing by Sta-phylococcus aureus endocarditis: a case report and a review of literature. CasesJ 2010;3:37.

[5] Martinello RA, Cooney EL. Cerebellar brain abscess associated with tongue pier-cing. Clin Infect Dis 2003;36:e32–4. Epub 2003 Jan 3.

[6] Van Vugt ST, Gerritsen DJ. Liver abscess following navel piercing. Ned TijdschrGeneeskd 2005;149:1588–9.

[7] Sewnath M, Faber T, Castelein R. Pyogenic spondylitis as a complication ofear piercing: differentiating between spondylitis and discitis. Acta Orthop Belg

[8]

[9]

[10] Sang H, Zheng XE, Kong QT, et al. A rare complication of ear piercing: a caseof subcutaneous phaeohyphomycosis caused by Veronaea botryosa in China.Med Mycol 2011;49:296–302.

Christelle Darrieutort-Laffite a

Claire Lassalle a

Frédérique Chouet-Girard b

Lucia Perez c

Emmanuelle Dernis a,∗a Service de rhumatologie, centre hospitalier Le Mans,

194, avenue Rubillard, 72000 Le Mans, Franceb Chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre

hospitalier Le Mans, 194, avenue Rubillard, 72000 LeMans, France

c Service de maladies infectieuses et tropicales, centrehospitalier Le Mans, 194, avenue Rubillard, 72000 Le

Mans, France

∗ Auteur correspondant.

http

2007;73:128–32. Bengualid V, Singh V, Singh H, et al. Mycobacterium fortuitum and anaerobicbreast abscess following nipple piercing: case presentation and review of theliterature. J Adolesc Health 2008;42:530–2. Epub 2008 Feb 7.

Kontoyiannis DP, Chagua MR, Ramirez I, et al. Locally invasive auricular asper-gillosis after ear piercing in a neutropenic patient with leukemia. Am J Hematol2003;73:296–7.

Adresse e-mail : [email protected] (E. Dernis)

Accepté le 29 juin 2012

Disponible sur Internet le 28 fevrier 2013

://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2012.06.017