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Situations cliniques autour du « refus de soins » Dr D. Grunwald Espace Ethique CHU Espace Ethique Alzheimer CMRR, CHU Grenoble Association SEL, Grenoble Ordre des médecins Dr A. Claustre Centre de Prévention pour les Retraités (Echirolles) 2ème Journée de géronto-psychiatrie, 17 octobre 2013, Grenoble

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Page 1: Situations cliniques autour du « refus de soins » Dr D. Grunwald Espace Ethique CHU Espace Ethique Alzheimer CMRR, CHU Grenoble Association SEL, Grenoble

Situations cliniques autour du « refus de soins »

Dr D. Grunwald

Espace Ethique CHU

Espace Ethique Alzheimer CMRR, CHU Grenoble

Association SEL, Grenoble

Ordre des médecins

Dr A. Claustre

Centre de Prévention pour les Retraités (Echirolles)2ème Journée de géronto-psychiatrie,

17 octobre 2013, Grenoble

Page 2: Situations cliniques autour du « refus de soins » Dr D. Grunwald Espace Ethique CHU Espace Ethique Alzheimer CMRR, CHU Grenoble Association SEL, Grenoble

Introduction : de quoi s'agit-il ? C'est le refus, l'opposition ou la protestation dans le soin, Concernant un, plusieurs  ou tous les « soins » proposés au patient, au domicile, en établissement/EHPAD, ou à l'hôpital :

- traitements médicamenteux, - soins de nursing, - alimentation, etc..- voir examens à visée diagnostique

Ce sont des situations complexes et ambiguës fréquemment en gériatrie..

Page 3: Situations cliniques autour du « refus de soins » Dr D. Grunwald Espace Ethique CHU Espace Ethique Alzheimer CMRR, CHU Grenoble Association SEL, Grenoble

Distinguer..

Le manque de motivation (ex : marcher, se lever..) La posture volontairement adoptée par le patient :

choix de vie ? fatalisme ?refuge ? recherche de confort ?

La conséquence d'une attitude ou d'une pratique professionnelle qui contraindrait le patient à refuser un soin qu'elle juge inacceptable

Une manifestation extrême de l'autonomie de la personne qui préfère l'abstention à un soin qu'elle estime sans la moindre valeur

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3 situations cliniques3 questionnements spécifiques

situation n°1 : Monsieur Jean, 77 ans

Le non consentement aux soins : un droit des patients..mais jusqu'où ?

situation n°2 : Madame Violetta, 84 ans

Les modalités d'hospitalisation...et l'entrée en EHPAD ?

situation n°3: Monsieur Victor, 96 ans

Relations avec les proches : comment faire comprendre les refus de soins?

Les Directives Anticipées 

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Situation n° 1 : Monsieur Jean, 77 ans non-consentement aux soins : un droit des patients

Vit avec sa femme dans une petite maison Fréquente assidûment le club de retraités de

son quartier, même si les relations avec les autres sont devenues difficiles : il se met souvent en colère.

Depuis quelques temps, son hygiène laisse à désirer, les odeurs qu'il dégage sont si fortes que les autres membres du club ont menacé de ne plus venir s'il ne se lavait pas.

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Ce qui est réalisé ou tenté..

Une visite à domicile est réalisée, avec l'accompagnatrice-santé, pour un entretien.

Un bilan global à l'hopital de jour gériatrique pour prise en charge dermatologique, cognitive et sociale est refusé par Mr Jean

Une consultation avec le psychiatre n'est pas réalisable

La famille est rencontrée

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La situation ne parait ni urgente ni dangereuse : une vigilance est mise en place (avec la famille, les proches, les médecins) : Il est décidé, avec le médecin traitant, de surveiller Mr Jean et d'intervenir en cas d'évolution :

Savoir respecter le refus afin de ne pas trop déstabiliser un fragile équilibre, dans une situation qui ne présente pas de risque immédiat (en dehors d'une « gêne sociale ») ?

Pour le moment Mr Jean garde une certaine « liberté de choix», sous surveillance..

«Agir dans le meilleur intérêt pour lui, garder les plus proches parents étroitement informés »

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Refus de soins : droit des patients( = non consentement aux soins )

«  Toute personne prend avec le professionnel de santé, et compte tenu des informations

et préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé » …

«  Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment  » .

(Loi Kouchner du 4 mars 2002 : art. 1111-4

du CSP )

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La loi du 22 avril 2005 : art. 1111-4 du Code de Santé Publique

« Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en

danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins

indispensables »...

 

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Evaluer la « capacité » de consentement ?

Evaluation médicale de la « présomption en faveur de la capacité mentale » : Compréhension appropriée de l'information Aptitude à mettre en balance les

bénéfices/risques de la procédure proposée (qualité de raisonnement)

Capacité à prendre une décision raisonnable Elle dépend :

Des troubles cognitifs, des troubles de personnalité

Du niveau de conscience « basique » de l'information

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Le « consentement éclairé » ?  

Entre le respect de la volonté du malade et la difficulté pour le patient de maîtriser tous les éléments dangereux du choix (a t'il conscience du risque?) 

Jusqu'au « consentement expérimenté » :

même si les troubles cognitifs sont sévères, il peut y avoir une expérience personnelle de la maladie

..Ou le « consentement négocié » : « Informations = fardeau » : l'intervention d'un proche est nécessaire (ex : personne de confiance)

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Au total

« Le médecin ne doit accepter le refus de son patient qu'après avoir mis en oeuvre tous les moyens de nature à faire prendre au patient la véritable mesure des conséquences de son refus » (jurisprudence)

En cas d'urgence on porte secours. L'urgence et l'impossibilité d'informer limitent l'obligation d'informer.

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Situation n° 2 : Madame Violetta modalités d'hospitalisation en cas de refus de soins

84 ans, handicapée de naissance. Pas de famille proche. Elle vit seule. Pas de suivi médical.

Elle est autonome jusqu'à une mauvaise chute. Les voisins alertent le syndic de l'immeuble car elle fait

beaucoup de bruit la nuit : déménagement, cris + odeurs violentes de l'appartement.

De nombreux contacts seront tentés par le CCAS : elle refuse les aides proposées et tout contact (famille, voisins, professionnels).

Celle ci sera finalement hospitalisés sous contrainte en psychiatrie après avoir été retrouvée en haillons sur son balcon en plein hiver.

Elle sera placée en EHPAD par la suite.

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Les difficultés

Pas d'interlocuteur pouvant être personne-ressource

Pas de dialogue ou de compréhension possibles

Pas de diagnostic médical posé, pas de bilan , pas de ttt..

Situation avec mise en danger de la personne : décision urgente à prendre..

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Modalités d'hospitalisation et refus de soins

Hospitalisation « sans consentement »

Loi du 5 juillet 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ».

Elles gardent la capacité à consentir aux soins autres que psychiatriques. 

Autres modes d'hospitalisation : « ouverts »

«  Le patient hospitalisé peut à tout moment quitter l'établissement sauf exceptions prévues par la loi, après avoir été informé des risques éventuels qu'il court » ( charte du patient hospitalisé)

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Situation particulière des EHPAD

Conditions d'entrée en institution : refus d'entrée ?

Difficultés d'organisation : sécurité ou liberté ?droit au choix, droit au risque ?

Problèmes éthiques des prises en charge : ex : refus des soins quotidiens de base / la toilette, refus de s'alimenter

Statut des établissements : unités fermées ?

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Situation n° 3 : Monsieur Victor, 96 ans

relations avec les familles : comprendre le refus de soins Ancien contremaitre d'usine Hébergé en EHPAD depuis 2 ans : il y rejoignait sa

femme qui vient de décéder. Autonome à son entrée (ce qui faisait sa fierté)

malgré une insuffisance respiratoire sévère sur BPCO Depuis une fracture du col du fémur il refuse l'aide à la

toilette et les relations avec les soignants deviennent très conflictuelles...

Sa famille ne le reconnait plus : il ne veut plus sortir avec eux au restaurant comme il le faisait tous les dimanches. Elle pense que c'est un mauvais passage et qu'il faut le secouer..

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un bilan gériatrique global avec avis psychiatrique une rencontre avec Monsieur Victor et sa famille. une réunion avec l'équipe de l'établissement pour

rechercher les modalités de soins et d'accompagnement de Mr Victor dans ce deuil.

un suivi par la psychologue

Ce qui est proposé à Mr Victor et sa famille

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Après une petite amélioration, son état de santé se dégrade à nouveau et il refuse maintenant de manger..

L'équipe soignante se sent impuissante et elle est mise en cause une nouvelle fois par la famille.

Une hospitalisation est envisagée mais monsieur Victor refuse en disant qu'il préfère « retrouver sa femme ». la famille est rencontrée et la situation lui est

expliquée.. peut-on ou doit-on respecter le désir de monsieur

Victor?.

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Relations avec les personnes de confiance, les familles, les proches

« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance...reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle ci (la personne malade), sauf opposition de sa part. »

( art. 1110-4 du CSP )

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« Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection (au malade), mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception, ou si le malade a préalablement interdit cette révélation, ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ».

( art. 4127-35 du CSP)

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La personne exprime son choix, après avoir été informée : le médecin doit le respecter.

La famille ne peut exprimer de choix.

Informer la famille (et ensuite agir) mais ne pas agir «en accord» avec la famille 

La personne est hors d'état d'exprimer sa volonté... » : rechercher et prendre en compte les souhaits antérieurement exprimés

- directives anticipées : limitation ou arrêt de traitement...

- lors de la procédure collégiale : la famille est sollicitée pour témoigner. La famille n'a pas la responsabilité des décisions qui doivent être prises par le médecin.

Loi du 22 avril 2005 dite loi Léonetti 

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 L'avis de la personne de confiance : elle exprime exactement la volonté du patient et non pas la sienne.

Elle assiste et accompagne le patient, s'il le souhaite, dans toutes ses démarches, tous ses entretiens médicaux et l'aide dans ses décisions

( art. 1111-4 du CSP )

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« Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait

un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits

de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou

l'arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. »

( Loi « Léonetti » : art. 1111-11 CSP )

« Souhaits » = « refus anticipés de soins » ???

Les directives anticipées

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Face au refus de soins

Démarche éthique : Identification du preneur de décision : le médecin Identification du traitement à donner par rapport à la

tolérance et au comportement, Déterminer rapport bénéfices par rapport aux risques

des traitements Informer :

« Exposer » : l'objectif de la situation pour que tout le monde soit sur la « même longueur d'ondes », fixer des objectifs réalistes, définir les préférences du patient

« Ecouter » Consulter la personne de confiance

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Conclusions

« Les situations de refus de soin semblent justifier d'une approche plus respectueuse de la liberté et des droits de la personne malade, de sa dignité et du respect de ses choix dans un contexte souvent incertain et délicat »

Les dispositions légales pour aider médecins et soignants face au refus de soins doivent être connues (lois « Kouchner » et « Léonetti »)

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Le soignant peut être confronté à un choix difficile (fatalisme.. ou combattre la démotivation ?) face au refus de soins qui peut révéler une souffrance du malade dont il faut rechercher les causes..

Cette attitude déroutante pour les soignants doit aussi entrainer un questionnement éthique, dans le cadre du projet de soins et de vie, qui intègre les attentes du patient et les relations soignant / soigné.