sessions scientifiquesmediatheque.lecrips.net/docs/pdf_ged/s48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et...

8
L’efficacité des trithérapies pour la majorité des personnes infec- tées par le VIH ne fait plus aucun doute. Ces traitements permet- tent une charge virale indétec- table et une assez bonne restau- ration des cellules immunitaires, dont l’impact clinique est majeur. Mais il est encore impossible aujourd’hui d’éradiquer le virus. Afin d’adapter au mieux les trai- tements et d’envisager de nou- velles pistes thérapeutiques, il est donc important de connaître l’ac- tivité du VIH dans les différents types cellulaires qu’il peut infec- ter, ainsi que les mécanismes de transmission du virus d’une cel- lule à une autre. Le VIH, les cellules dendri- tiques et les lymphocytes T. Le D r Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté ses résultats de recherche portant sur les mécanismes précoces de capture du VIH par les cellules dendritiques et sur son transfert vers les lymphocytes T. Les cellules dendritiques sont perçues comme des senti- nelles affamées qui patrouillent dans l’organisme, à la recherche de pathogènes. Lors d’une contamination par le VIH, ces cellules sont probablement les premières infec- 4 Lors de cette première session scientifique, quatre chercheurs ont présenté leurs travaux, leurs connaissances et leurs points de vue relatifs aux traitements anti-VIH. Les bases de la compréhension actuelle de l’infection par le VIH, nécessaire pour trouver de nouvelles solutions thérapeutiques, ainsi que la résistance du virus aux médicaments, dont les effets secondaires ne sont pas négligeables, constituent autant d’enjeux importants pour la qualité de vie des personnes atteintes. Transversal n° 19 avril-mai-juin 2004 ATELIER AS 1 par Tiphaine Pierret Les traitements : du virus à la qualité de vie SCIENTIFIQUES SESSIONS tées. Elles capturent les virus en les englobant dans des vésicules puis les dégradent. Une petite quantité de virus peut cependant échapper à cette action et se répliquer fai- blement. Les produits de cette dégradation du VIH sont ensuite présentés aux lymphocytes T afin que ces derniers développent une réponse immunitaire spécifiquement diri- gée contre le VIH. Mais les virus encore vivants profitent de la proximité de ces deux cellules pour infecter les lym- phocytes T. Les cellules dendritiques sont donc utilisées par le virus comme une porte d’entrée vers les lymphocytes T 1 . La réplication du VIH dans les cellules dendritiques est pra- tiquement inexistante, mais elle devient cent fois plus impor- tante quand le virus se retrouve dans les lymphocytes T. De plus, la durée de vie d’une cellule infectée est différente selon le type cellulaire. Les résultats du D r Schwartz mon- trent qu’il existe une corrélation inverse entre la durée de vie d’une cellule et sa capacité à produire du virus. Par exemple, la demi-vie d’un lymphocyte T infecté, qui produit beau- coup de virus, est de moins d’un jour in vivo, alors que d’autres cellules, dites quiescentes, peuvent héberger le VIH pendant plusieurs années, sans exprimer de particules virales. Ces dernières constituent donc des réservoirs de virus susceptibles de réémerger à n’importe quel moment. Ainsi le VIH s’adapte au type de cellule qu’il rencontre, et chaque type cellulaire infecté contribue de manière diffé- rente à l’évolution de la charge virale d’une personne. Ces recherches s’inscrivent en amont de celles qui visent à développer de nouveaux médicaments anti-VIH. Elles jouent un rôle très important dans l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. L’intégrase virale : une nouvelle cible thérapeutique? Le moteur moléculaire du VIH est composé de trois enzymes : la transcriptase inverse, l’intégrase et la protéase. Celles-ci agissent successivement, à différents moments du cycle de réplication du virus. La plupart des molécules thérapeu- 1 Lire Transversal n° 13, mars-avril 2003, rubrique « recherche ». le D r Constance Delaugerre

Upload: others

Post on 17-Jun-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

L’efficacité des trithérapies pourla majorité des personnes infec-tées par le VIH ne fait plus aucundoute. Ces traitements permet-tent une charge virale indétec-table et une assez bonne restau-ration des cellules immunitaires,dont l’impact clinique est majeur.Mais il est encore impossibleaujourd’hui d’éradiquer le virus.Afin d’adapter au mieux les trai-tements et d’envisager de nou-velles pistes thérapeutiques, il estdonc important de connaître l’ac-tivité du VIH dans les différentstypes cellulaires qu’il peut infec-ter, ainsi que les mécanismes detransmission du virus d’une cel-lule à une autre.

Le VIH, les cellules dendri-tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’InstitutPasteur (Paris), a présenté ses résultats de recherche portant surles mécanismes précoces de capture du VIH par les cellulesdendritiques et sur son transfert vers les lymphocytes T.Les cellules dendritiques sont perçues comme des senti-nelles affamées qui patrouillent dans l’organisme, à larecherche de pathogènes. Lors d’une contamination par leVIH, ces cellules sont probablement les premières infec-

4

Lors de cette première session scientifique,

quatre chercheurs ont présenté leurs travaux,leurs connaissances et

leurs points de vue relatifsaux traitements anti-VIH.

Les bases de la compréhension actuelle

de l’infection par le VIH,nécessaire pour trouver de nouvelles solutions

thérapeutiques, ainsi que la résistance du virus

aux médicaments, dont les effets secondaires

ne sont pas négligeables,constituent autant d’enjeux

importants pour la qualité de vie

des personnes atteintes.

Tran

sver

sal n

°19

avr

il-m

ai-ju

in 2

004

ATELIER AS 1 par Tiphaine Pierret

Les traitements :du virus à la qualité de vie

SCIENTIFIQUESSESSIONS

tées. Elles capturent les virus en les englobant dans desvésicules puis les dégradent. Une petite quantité de viruspeut cependant échapper à cette action et se répliquer fai-blement. Les produits de cette dégradation du VIH sontensuite présentés aux lymphocytes T afin que ces derniersdéveloppent une réponse immunitaire spécifiquement diri-gée contre le VIH. Mais les virus encore vivants profitentde la proximité de ces deux cellules pour infecter les lym-phocytes T. Les cellules dendritiques sont donc utilisées parle virus comme une porte d’entrée vers les lymphocytes T 1.La réplication du VIH dans les cellules dendritiques est pra-tiquement inexistante, mais elle devient cent fois plus impor-tante quand le virus se retrouve dans les lymphocytes T.De plus, la durée de vie d’une cellule infectée est différenteselon le type cellulaire. Les résultats du Dr Schwartz mon-trent qu’il existe une corrélation inverse entre la durée de vied’une cellule et sa capacité à produire du virus. Par exemple,la demi-vie d’un lymphocyte T infecté, qui produit beau-coup de virus, est de moins d’un jour in vivo, alors qued’autres cellules, dites quiescentes, peuvent héberger le VIHpendant plusieurs années, sans exprimer de particulesvirales. Ces dernières constituent donc des réservoirs devirus susceptibles de réémerger à n’importe quel moment.Ainsi le VIH s’adapte au type de cellule qu’il rencontre, etchaque type cellulaire infecté contribue de manière diffé-rente à l’évolution de la charge virale d’une personne.Ces recherches s’inscrivent en amont de celles qui visent àdévelopper de nouveaux médicaments anti-VIH. Elles jouentun rôle très important dans l’identification de nouvellescibles thérapeutiques.

L’intégrase virale : une nouvelle cible thérapeutique? Lemoteur moléculaire du VIH est composé de trois enzymes :la transcriptase inverse, l’intégrase et la protéase. Celles-ciagissent successivement, à différents moments du cycle deréplication du virus. La plupart des molécules thérapeu-

1 Lire Transversal n° 13, mars-avril 2003, rubrique « recherche ».

le Dr Constance Delaugerre

Page 2: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

5

Transversal n°19 avril-m

ai-juin 2004

tiques anti-VIH actuellement disponibles inhibent l’activité dela transcriptase inverse ou de la protéase et contrôlent ainsila reproduction du virus. Le Dr Mouscadet, de l’École nor-male supérieure de Cachan, s’intéresse à la troisièmeenzyme, l’intégrase, qui est responsable de l’étape centralede la réplication du VIH. Elle permet au virus de s’intégrerdans l’ADN de la cellule. Les recherches sur l’intégrase sontassez récentes, car elles n’ont pas bénéficié de précédentstravaux sur des enzymes homologues, contrairement à latranscriptase inverse et la protéase. Ainsi il n’existe toujourspas d’inhibiteur de l’intégrase disponible sur le marché.Cette enzyme constitue donc une cible privilégiée dans laconception de nouveaux médicaments. Mais, en amont, leschercheurs doivent pouvoir reproduire l’activité de l’enzymedans un essai simple afin de tester des molécules poten-tiellement actives, de décortiquer les processus biologiquesde l’enzyme et, si possible, de détailler sa structure tridi-mensionnelle. En 1995, le domaine central de l’intégraseest découvert, et deux grandes familles d’inhibiteurs de cetteenzyme se distinguent au cours de l’année 2000. À l’heureactuelle, plusieurs de ces composés font l’objet d’étudescliniques de phase I et II par les laboratoires Merck etGlaxoSmithKline. Leur activité est comparable aux inhibi-teurs de la transcriptase inverse ou de la protéase. L’actioninhibitrice de ces composés sur l’intégrase est confirmée invitro par l’apparition, à long terme, de mutations de résis-tance au niveau du gène de l’intégrase du virus. Grâce àces recherches, l’intégrase apparaît donc maintenant commeune cible thérapeutique crédible et pertinente. Les inhibi-teurs de cette enzyme pourront vraisemblablement venir unjour compléter l’arsenal thérapeutique anti-VIH et intervenirnotamment dans les cas d’échec de traitement.

Transmission et persistance des virus multirésistants. L’unedes caractéristiques du VIH est sa grande variabilité géné-tique. Ainsi une personne infectée héberge de nombreusesespèces virales, génétiquement différentes. À l’initiation d’untraitement, la charge virale diminue, mais des virus peu-vent résister à l’action des médicaments grâce à leurs muta-tions génétiques. Insensibles aux médicaments, ils peuvent

se reproduire et ils finissent par former une population domi-nante par rapport aux virus dits « sauvages » (sensibles auxtraitements), issus de la « souche naturelle ». Ces virusmutés apparaissent donc sous la pression du traitement,lequel devient alors inefficace. Inversement, à l’arrêt du trai-tement, les virus « sauvages » peuvent se répliquer et rede-venir dominants par rapport aux virus mutés.L’Agence nationale de recherches sur le sida a mis en placeun réseau de surveillance des personnes nouvellement infec-tées par le VIH. Dans ce cadre, 304 personnes ont été prisesen charge entre 2001 et 2002. Le Dr Constance Delaugerre,de l’hôpital Necker (Paris), s’est intéressée à la présence devirus résistants chez ces personnes non-traitées. Parmi elles,12 % étaient infectées par un virus résistant à au moins unmédicament anti-VIH. Un an après l’infection, moins de 2%des personnes possédaient encore des virus résistants auxmédicaments. Ainsi, sans traitement, la population viralerésistante disparaît au profit de la population sauvage, qui seréplique plus rapidement. Cependant, quelques cas isolés,observés dès 1998, ont montré que des virus résistantstransmis à des personnes nouvellement infectées pouvaientpersister dans leur organisme.Le Dr Delaugerre en a présenté deux exemples 2. Il s’agitde deux personnes nouvellement infectées, qui ont hérité denombreux virus résistants issus de leurs partenaires. Aubout de deux ans, sans traitement, une seule mutation derésistance a disparu. La population virale résistante, trèshomogène, ne laisse ainsi pas la possibilité au virus sau-vage de réapparaître. Le Dr Delaugerre s’inquiète donc dessolutions thérapeutiques qu’elle pourra proposer à ces per-sonnes et pose, de manière plus générale, le problème desrisques majeurs de la transmission des virus résistants, deplus en plus observée actuellement.

Le point de vue du clinicien : comment gérer les échecs etles succès thérapeutiques ? Les causes des résistancesvirales sont multiples : mauvaise observance au traitement,interactions pharmacologiques, problèmes de mauvaise

2 Lire Transversal n° 16, octobre-novembre 2003, p. 31.le Dr Jean-Paul Viard

le Dr Olivier Schwartz

Page 3: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

Entre 1997 et 2003, des programmes d’accès aux médi-caments anti-VIH ont été mis en place dans différents paysen développement (PED), notamment en Côte d’Ivoire, auSénégal, au Chili, au Brésil et en Ouganda. L’intégrationdes sciences économiques et sociales dans l’évaluation deces programmes a permis d’en démontrer la faisabilité et lapertinence. Lors de son intervention, le Pr Jean-Paul Moatti,directeur du laboratoire « épidémiologie et sciences socialesappliquées à l’innovation médicale » (Marseille), a rappeléles enjeux économiques de la lutte contre le VIH dans lesPED 1. Il en ressort que prévention et soins dans ces paysne sont pas substituables mais complémentaires.

absorption ou difficultés de dosage. Actuellement, près de5 % des personnes infectées par le VIH sont en échec viro-logique majeur. Quel que soit le traitement prescrit, lacharge virale de ces personnes reste élevée. Elles se retrou-vent dans une situation d’impasse thérapeutique. Seule lamise à disposition de nouvelles molécules anti-VIH ou lavalidation de nouvelles stratégies thérapeutiques permet-traient à ces personnes de sortir de cette impasse.Chez les personnes en succès thérapeutique, de nouveauxproblèmes apparaissent. L’efficacité maximale des médi-caments est généralement obtenue au bout de quatre àcinq années, mais l’arrêt du traitement fait immédiatementremonter la charge virale. De plus, les médicaments, pris àlong terme, peuvent devenir toxiques et avoir des effetsindésirables comme des troubles du métabolisme ou desanomalies dans la répartition des graisses (lipodystrophies).Le Dr Viard, de l’hôpital Necker, a présenté deux étudesqui montrent que certains traitements anti-VIH majorentles risques cardiovasculaires et d’infarctus du myocarde.Une contradiction est donc à résoudre concernant le main-tien d’un traitement à vie, qui n’est pas curatif et qui peut

générer des problèmes métaboliques et cardiovasculaires,mais qui est indispensable pour prévenir les complicationsliées au déficit du système immunitaire. Face à ces diffi-cultés, les objectifs du traitement seraient à reformuler. Laréflexion doit se poursuivre, en particulier sur les critères demise en route d’un traitement, sur les avantages et lesinconvénients des différentes combinaisons de médica-ments et sur les moyens disponibles pour augmenter leurseffets immunologiques et/ou en économiser l’usage.Dans ce cadre, les stratégies d’interruption de traitementdoivent être plus amplement examinées 3, et les résultatspréliminaires des essais d’immunothérapie soulèvent denouveaux espoirs.Finalement, cette session scientifique consacrée aux trai-tements a tenté de souligner l’importance d’une approchemultidisciplinaire de la compréhension du VIH/sida, afinde trouver de nouvelles pistes thérapeutiques.

La plupart des recherches menées sur le VIH dans les pays en développement accompagnent

les programmes d’accès aux traitements. Deux sessions ont été consacrées aux avancées

de ces recherches et aux difficultés rencontrées quotidiennement sur le terrain. Des scientifiques

et des associatifs ont ainsi confronté leurs points de vue,en abordant les questions médicales,

socio-économiques et éthiques.

Tran

sver

sal n

°19

avr

il-m

ai-ju

in 2

004

6

Les difficultés des recherches opérationnelles. Pour le Pr Moatti, les priorités dans les pays du Sud résident dansl’organisation de recherches opérationnelles pluridiscipli-naires qui accompagnent la diffusion des médicaments surle terrain, afin d’en optimiser l’efficacité. Ces recherchesdevraient permettre d’adapter les recommandations de priseen charge à la rareté des ressources dans les PED et d’amé-liorer les modalités de financement et de délivrance dessoins. L’impact de l’accès aux traitements sur la préventionet sur les politiques de santé publique et de développementdevrait aussi être étudié. Mais les obstacles demeurent nom-breux. En effet, les instituts de recherches sont inadaptéspour conduire ce type de recherches et, inversement, lesagences opérationnelles, comme certaines Organisationsnon gouvernementales (ONG), ont des difficultés à intégrerdes opérations de recherche dans leurs actions. Le rappro-chement largement insuffisant entre les préoccupations deschercheurs et celles des représentants d’ONG a ainsi étésouligné à de nombreuses reprises. De plus, l’articulationentre programmes de recherche et programmes de coopé-

ATELIER AS 2 par Tiphaine Pierret

Quelles recherches dans les PED ?

3 Lire Transversal n° 15, juillet-août-septembre 2003,

rubrique « recherche ».

1 Lire Transversal n° 18, février-mars 2004,

rubrique « recherche ».

Page 4: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

7

Transversal n°19 avril-m

ai-juin 2004

ration est encore trop faible. Lors du débat, un pédiatreburundais a signalé la complexité des appels d’offres scien-tifiques, obligeant les chercheurs du Sud à avoir des parte-naires au Nord, qu’ils ont souvent du mal à localiser et àimpliquer dans leur thématique de recherche. Enfin, le pro-blème majeur qui subsiste en Afrique, lié au manque demoyens, de formations et de chercheurs, a été abordé.

Des techniques alternatives de moindre coût pour les exa-mens biologiques. L’intervention du Pr Christine Rouzioux, duservice de microbiologie de l’hôpital Necker, a soulevé le pro-blème du coût des examens biologiques dans les PED. Cesexamens permettent de mesurer la charge virale et le taux delymphocytes T CD4 chez les personnes infectées par le VIH. Cecoût est tel qu’il majore considérablement celui de la prise encharge thérapeutique de ces personnes. La nécessité de cesexamens est ainsi actuellement remise en cause par des ONGet des médecins, qui envisagent des suivis très allégés, voireaucun suivi biologique du tout ! Pourtant l’utilisation de cesmarqueurs est essentielle pour initier des traitements et pour lesadapter. L’économie réalisée en supprimant leur usage per-mettrait, sans doute, un accès au traitement à un plus grandnombre de personnes, mais elle risque d’avoir des consé-quences majeures sur le long terme. Lors du débat, un repré-sentant d’association a dénoncé les actions menées en Afrique,lesquelles ont tendance à privilégier un accès au traitementpour un plus grand nombre au détriment de la qualité dessoins. Pour exemple, il a cité le programme « 3 by 5 » del’Organisation mondiale de la santé, dont l’objectif est de dis-tribuer des médicaments à trois millions de personnes d’ici

2005, mais sans réaliser d’examens biologiques de suivi. Dansce contexte, les techniques alternatives de moindre coût pourréaliser ces examens doivent être étudiées. Le Pr Rouzioux adressé un bilan des avantages, des inconvénients et des coûtsdes techniques alternatives actuellement disponibles. Une atten-tion particulière a été portée sur la technique de PCR(Polymerase Chain Reaction) en temps réel, laquelle permetde mesurer la charge virale des personnes infectées, de manièresimple, reproductible et efficace, comme cela a été démontré enCôte d’Ivoire ou au Congo. L’appareil, petit et compact, resteassez cher, mais une fois acquis, le coût du test est relativementabordable (10 euros TTC). Cependant, la PCR en temps réeldoit encore faire face à l’extrême diversité génétique des virus.Elle ne constitue pas une solution miracle applicable à tous lesniveaux de structures de soins et d’étude du VIH, mais unevraie alternative d’un point de vue économique, qui doit per-mettre le développement de programmes de recherches opé-rationnelles. Enfin, cette technique se révèle être très intéres-sante dans le cadre du diagnostic précoce de l’infection del’enfant, qui constitue une priorité majeure dans les PED.

Une nouvelle initiative européenneImmunologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière(Paris), le Pr Patrice Debré a profité de la Conventionnationale pour présenter une nouvelle initiative euro-péenne de recherche vers les pays du Sud.Intitulée EDCTP (European & Developing CountriesClinical Trials Partnership), cette « première grandeinitiative européenne » porte sur l’ensemble destrois maladies de la pauvreté (VIH, malaria et tuber-culose) et sur la mise en place d’essais cliniquesde phase I à III « visant à augmenter les activités etles capacités des pays du Sud, et à traduire cesrésultats dans les politiques de santé des pays ».Un partenariat Nord/Sud en termes de choixstratégiques, doté d’un budget de 200 millionsd’euros sur cinq ans, avec des décisions prises enconsensus par des comités de coordination afri-cains chargés de transmettre les priorités et deuxsecrétariats, l’un au Cap (Afrique du Sud), l’autre àLa Haye (Pays-Bas), a été instauré.La première phase portera sur la transmissionmère-enfant et sur les régimes simplifiés d’antiré-troviraux.

Isabelle Célérier Les difficultés éthiques de la recherche au Sud

Nombreux sont ceux qui, lors de la session «Éthiqueet recherche dans les pays du Sud» (AT 2), ont sou-ligné la difficulté à faire respecter les règles éthiquesinternationales dans des pays où la recherche nedispose, généralement, d’aucun cadre légal.À l’instar du Cameroun, un pays qui connaît pourtantune intense activité de recherche, mais où, comme l’aexpliqué Jean-Marie Talom du réseau Éthique, Droit etSida du Cameroun, «si le discours officiel insiste surla nécessité de prendre en compte les considérationséthiques dans l’élaboration des protocoles et de toutfaire pour informer le patient avant l’obtention d’unconsentement éclairé, la réalité est que, parfois, mêmeles responsables de protocole n’y croient pas eux-mêmeset le font uniquement par souci de financement.»Le recueil d’un consentement réellement éclairésouffre, quant à lui, de l’analphabétisme d’unegrande partie de la population, et d’un biais nonnégligeable de recrutement. « Quand on n’arrivepas à se payer le traitement et qu’on vous l’offreau sein d’un protocole, les gens n’hésitent pas long-temps… », ajoute Jean-Marie Talom.Enfin, le Comité national d’éthique ne compteaucun représentant des communautés ou dessciences sociales, car seuls y siègent des cher-cheurs qui se retrouvent donc juge et partie. Quantaux hôpitaux, une fois devenus « centre de traite-ment agréé », ils se dotent de leur propre comité,qui ne dépend pas du Comité national d’éthique…Un bon résumé, semble-t-il, de la situation qui pré-vaut dans de nombreux pays du Sud.

I. C.

Page 5: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

8

Deux exemples de recherches dans les PED. Sans traite-ment, le taux de transmission du VIH de la mère à l’enfantreste de 35 % en Afrique. Le Dr Didier Koumavi Ekouevisupervise le programme DITRAME PLUS à Abidjan (Côted’Ivoire). L’objectif est d’évaluer un ensemble d’interventionsdirigées vers l’infection à VIH de la mère et de l’enfant 2. Il aprésenté certains résultats de ce programme, ainsi que, demanière plus générale, les obstacles à la prévention de latransmission mère-enfant (PTME) en Afrique. Il en ressortque la proposition de dépistage du VIH est relativement bienacceptée par les femmes (91%). Pourtant, seulement 35%des femmes infectées acceptent les interventions de PTMEproposées par le programme. Ce constat amène les scienti-fiques à réfléchir aux solutions qui favoriseraient leur adhé-sion. Une proposition consiste à traiter systématiquementpar de la névirapine toutes les femmes enceintes des PED oùla prévalence de la transmission mère-enfant dépasse 5 %,quel que soit leur statut sérologique. Il semble cependantque le frein majeur à leur consentement réside dans la dif-ficulté qu’ont ces femmes à accéder au traitement au-delà deces opérations. Plutôt que d’organiser un traitement géné-ralisé, des médecins soulignent donc la nécessité de déve-lopper de nouvelles approches, basées sur une prise encharge effective, accessible et, si possible, centrée sur lafamille, assurant aux femmes, à leur partenaire et à leursenfants un traitement anti-VIH à vie.Le refus de certaines femmes d’adhérer aux interventions deprévention de la transmission mère-enfant est également liéà la stigmatisation. Ainsi la démarche actuelle est d’impli-quer les partenaires de ces femmes, en commençant parparler de « transmission du VIH du parent à l’enfant » etnon plus uniquement de la mère à l’enfant.Les autres problèmes soulevés par le Dr Ekouevi concernent lesdifficultés de financement de projets, le manque de personnelqualifié et motivé, la situation sociopolitique dans certains PEDet l’insuffisance de volonté politique dans la lutte contre le VIH.Enfin, la question de la malnutrition des enfants dans ces pays,qui constitue l’une des complications majeures de l’infectionpar le VIH, a été mise en avant par le Dr Sabine Mercier-Deheuvels, laquelle mène le projet «Nutrition» au sein du pro-gramme opérationnel «Enfant Yopougon»3. L’objectif principalde ce projet est l’évolution de l’état nutritionnel et métaboliquedes enfants infectés, afin de renforcer leur état de santé général.Les premiers résultats, encore préliminaires, indiqueraient que lenombre d’enfants dénutris a diminué de 7%, voire de 16%4, etune amélioration du statut viral de ces enfants a été observéedans le même temps. Ce programme montre ainsi la pertinenced’un soutien nutritionnel adapté dans la prise en charge d’enfantsinfectés par le VIH et, de manière plus générale, la faisabilitéd’une prise en charge globale d’enfants atteints dans les PED.

L’histoire de la vaccination contre le VIH est déjà longue, et lesrésultats des recherches menées dans ce domaine restenttrès décevants au regard des espoirs qu’ils soulèvent encoreaujourd’hui. Le Dr Pierre Sonigo, de l’institut Cochin (Paris),suggère de repenser le principe de vaccination dans le cadrede l’infection à VIH en essayant d’induire les réponses immu-nitaires les plus efficaces possibles, grâce notamment auxanticorps neutralisants ou aux lymphocytes anti-VIH. En outre,il explique que le meilleur candidat d’un vaccin anti-VIH (unvaccin vivant atténué) serait également celui qui entraîne lesplus gros risques de contamination. Un équilibre doit doncêtre trouvé entre l’efficacité du vaccin et sa dangerosité.L’objectif de cette troisième session scientifique était de présenterles différentes pistes de recherche qui sont explorées à l’heureactuelle pour essayer de mettre au point des vaccins thérapeu-tiques, voire préventifs. Dans ce cadre, le Dr Frédéric Tangy, del’Institut Pasteur (Paris), utilise le vaccin de la rougeole et tente d’yintroduire des gènes du VIH afin d’obtenir un vaccin recombinéqui puisse protéger de la rougeole et du sida en même temps. LeDr Anne Hosmalin, de l’institut Cochin, s’intéresse à l’utilisationpotentielle des cellules dendritiques dans des stratégies vacci-nale, car ces cellules sont capables d’induire des réponses immu-nitaires spécifiques au VIH1. Le Dr Christine Lacabaratz-Porret, dela faculté de médecine de Paris-Sud, évalue l’impact des inter-ruptions thérapeutiques et d’essais d’immunothérapie afin dedégager des réponses optimales des lymphocytes T anti-VIH, carces cellules présentent des défauts de maturation et des déficitsfonctionnels2. Enfin, le Dr Gianfranco Pancino, de l’Institut Pasteur,étudie les mécanismes multifactoriels de la protection naturelle decertaines personnes exposées au VIH, mais non-infectées3.Finalement, les travaux de recherche sur la vaccination etl’immunothérapie, qui représentent une alternative sédui-sante aux traitements, doivent être explorés plus précisé-ment. Les chercheurs appellent à ne pas crier victoire tropvite. La prudence et la patience sont donc de rigueur !

Tran

sver

sal n

°19

avr

il-m

ai-ju

in 2

004

2 Lire Transversal n° 16, octobre-novembre 2003, p. 32.3 Lire Transversal n° 17, décembre-janvier 2004, p. 30.4 Cette variation de pourcentages s’explique par la différence

des outils de mesures utilisées (indice de masse corporelle

ou rapport taille/poids).

1 Lire Transversal n° 13, mars-avril 2003, rubrique « recherche ».2 Lire Transversal n° 14, mai-juin 2003, rubrique « recherche ».3 Lire Transversal n° 8, avril-mai 2002, p. 24.

ATELIER AS 3 par Tiphaine Pierret

Immunité et VIH

le Dr Pierre Sonigo et le Pr Jean-François Delfraissy

Page 6: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

9

Transversal n°19 avril-m

ai-juin 2004

Poursuivre le débat de société. Pour sa part, AlainTrautmann a rappelé que si les associations n’étaient pasreprésentées au sein du comité chargé de lancer les Étatsgénéraux de la recherche (EGR), qui allaient se tenir dansles prochains mois sous l’impulsion du Collectif, ellesauraient, en revanche, toute leur place dans les débatspréparatoires prévus dans les régions et dans les différentscomités thématiques qui devraient rapidement se mettreen place. L’un d’eux aura pour thème « Recherche etSociété ». Le porte-parole a également souligné qu’il étaitimportant que les premières recommandations soient pro-duites d’ici au mois de juin « afin de peser sur la loi definances dont les orientations seront définies au cours del’été ». De son côté, Fernando Arenzana a indiqué que lesEGR étaient, «au-delà des revendications salariales et bud-

Quarante-huit heures après avoirété le théâtre de la démissioncollective de près de 2000 cher-cheurs de leurs fonctions admi-nistratives (lire encadré p. 10), lasalle des fêtes de l’hôtel de villede Paris a de nouveau résonnéde leurs revendications. S’y sontjointes celles des associations delutte contre le sida. En préam-bule, Paola De Carli, responsabledes programmes scientifiques deSidaction, a souligné combien ilétait essentiel que des pontssoient jetés entre le combat menépar le mouvement «Sauvons larecherche» et le monde associa-tif engagé dans la lutte contre lesida, car, a-t-elle dit, « les asso-ciations souffrent aussi d’unegrande précarité ». Rappelons

que Sidaction n’a de cesse dedénoncer les baisses de finan-cements publics destinés à larecherche sur le VIH/sida. En2003, elle a ainsi nettementsoutenu l’Agence nationale derecherches sur le sida (ANRS)afin que ses activités puissentse poursuivre alors que le gou-vernement voulait la dissoudre.Plus récemment, tandis que«Sauvons la recherche» prenaitcorps, Pierre Bergé l’a assuré deson soutien en participant dèsle début du mois de février àune conférence de presse et àl’émission de radio marathon «l’Avenir de la recherche» diffuséedurant cinq heures par France Culture. Fidèle à ses positions, leprésident de Sidaction n’a donc pas manqué de réaffirmer sonattachement au mouvement des chercheurs lors de cette ren-contre. Il a ainsi signalé «qu’un pays qui se coupe de ses élites,qui ne respecte pas ses chercheurs, qui les méprise, est unpays qui va mal.» Et d’ajouter : «Le seul espoir que j’ai tient enla détermination formidable des chercheurs et de ceux qui,emmenés par le Collectif, se sont admirablement opposés aupouvoir en place. D’autant que, dans leur ensemble, lesFrançais les soutiennent.»

DÉBAT SUR LES FINANCEMENTS DE LA RECHERCHE par Françoise Vlaemÿnck

Une lutte commune

Profitant de la tenue de la Convention nationale

de lutte contre le sida,Sidaction a mis sur pied

une table ronde consacréeaux financements de la recherche. Alain Trautmann

et Fernando Arenzana du collectif « Sauvons

la recherche », Michel Kazatchkine, directeur de l’ANRS,

Ronan Amicel de la Confédération

des jeunes chercheurs,Maryvonne Molina

d’Act Up-Paris, Bertrand Delanoë, maire de Paris, et Pierre Bergé,

président de Sidaction, y participaient.

gétaires, la chose la plus positive à laquelle les chercheurspouvaient aspirer. Ils permettront d’assurer, dans la plu-ralité, la continuité du débat de société qui s’est engagésur l’avenir de la recherche. » Alain Trautmann a enfin tenuà rassurer l’ensemble des associations quant à la collabo-ration des scientifiques au sein de leurs structures. « Lagrève administrative que nous avons entamée, a-t-il pré-cisé, ne concerne que les organismes publics dont nousdépendons et le ministère de la Recherche. »

Jeunes chercheurs… d’emplois. Au cœur de la colère etdes revendications du monde de la recherche, l’avenir desjeunes chercheurs tient une place centrale. Ils sont en effetles premiers à faire les frais des désengagements de l’État.Ronan Amicel a d’ailleurs brossé un tableau noir de leursituation. Alors que les doctorants et postdoctorants repré-

de gauche à droite : Pierre Bergé, le Pr Michel Kazatchkine, le Dr Fernando Arenzana et Paola De Carli

Bertrand Delanoë

Page 7: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

Tran

sver

sal n

°19

avr

il-m

ai-ju

in 2

004

10

sentent 50 % des effectifs des laboratoires de recherche,des milliers d’entre eux ne bénéficient pas de couverturesociale complète et d’autres ne perçoivent que le Smic pourtout salaire. D’autres encore ne sont pas du tout rémunéréset doivent pour survivre cumuler des petits boulots. « À 30ans, certains n’ont même jamais cotisé pour leur retraite !»,remarque-t-il. S’ajoute à cela la raréfaction des postes sta-tutaires ou leur transformation par le ministère de laRecherche en emplois précaires. Devant une telle absencede perspectives, un nombre non négligeable de jeunes cer-veaux s’expatrie ou, pis, abandonne la carrière. « C’est unvéritable gâchis, constate Ronan Amicel, d’autant que dansles dix prochaines années un grand nombre de chercheursvont partir à la retraite. Il faut donc assurer dès aujour-d’hui le passage de relais pour maintenir les compétenceset les savoir-faire dont la recherche a besoin. Les décisionsprises aujourd’hui conditionnent l’état de la recherche desdeux décennies à venir. » Sensibleau désarroi des jeunes chercheurs,Sidaction a entamé des discussionsavec la Confédération afin d’étudierla possibilité de convertir les finan-cements qu’elle attribue aujourd’huisous la forme de libéralité en de véri-tables contrats de travail. Pour cela, anéanmoins indiqué Paola De Carli,« nous allons lancer en parallèle uneaction de lobbying auprès du gou-vernement afin que l’État joue pleinement son rôle etprenne à sa charge la couverture sociale des jeunes cher-cheurs qui auront été sélectionnés. »

Pas de lutte contre le sida sansrecherche. De la recherche, danstoute sa diversité, dépend aujourd’huila qualité de vie, et la vie tout court,des personnes séropositives. Dans cecontexte, Maryvonne Molina a souli-gné «que les malades et les associa-tions qui les soutiennent ont besoind’une recherche novatrice, pérenneet indépendante. » Et d’ajouter :

« Nos actions seront toujours tournées contre des mesuresqui portent préjudice à la recherche publique. » MichelKazatchkine a, pour sa part, expliqué «que les coupes bud-gétaires ministérielles, de l’ordre de 2,5 millions d’euros en2003 1, avaient obligé l’ANRS à supprimer un appel d’offressida en 2004. » Par comparaison, toutes proportions gar-dées, le directeur de l’ANRS a également indiqué que lesÉtats-Unis consacreraient cette année 3,2 milliards de dol-lars à la recherche publique contre le sida et près de 765millions de dollars à la recherche vaccinale… En écho, lemaire de Paris a pourtant rappelé « que la recherche étaitindispensable pour aider ceux qui sont fragilisés par la mala-die. Des millions de gens, notamment en Afrique, ont aussibesoin du travail et des résultats des chercheurs. » En clô-ture de cette table ronde, Pierre Bergé a insisté sur l’indis-pensable union des malades, des chercheurs et des asso-ciations pour lutter contre l’infection : «Nous avons construitce combat ensemble. Depuis près de vingt ans, nous ten-tons, ensemble, de comprendre cette maladie et, ensemble,nous suivons son évolution et les progrès thérapeutiques.Alors, espérons qu’ensemble nous la vaincrons ! »

1 N.D.R.L. : le budget annuel de l’ANRS

s’élève à 45 millions d’euros.

« Il faut assurer

dès aujourd’hui

le passage de relais

pour maintenir

les compétences

et les savoir-faire

dont la recherche

a besoin. »

« De la recherche,

dans toute

sa diversité,

dépend aujourd’hui

la qualité de vie,

et la vie tout court,

des personnes

séropositives. »

Manifestations des chercheurs en mars 2004. © Sauvons la recherche

Page 8: SESSIONS SCIENTIFIQUESmediatheque.lecrips.net/docs/PDF_GED/S48152.pdf · 2018. 3. 1. · tiques et les lymphocytes T. Le Dr Olivier Schwartz, de l’Institut Pasteur (Paris), a présenté

« Sauvons la recherche »

La révolte grondait depuis plusieurs années déjà dans nombre de laboratoires de recherche del’Hexagone. En quelques jours, elle a fait irruptiondans le débat public pour révéler une crise profonde. Rappel.

Crédits gelés, coupes claires dans les budgets, dimi-nution substantielle et précarisation des emploisdestinés aux jeunes chercheurs, le tout conjugué aumanque chronique de moyens qui mine les labora-toires et unités de recherche depuis des années, iln’en fallait pas plus pour faire déborder l’éprouvettede la recherche publique française. C’est d’ailleurssur ces constats qu’a été fécondé, en décembre 2003,l’embryon de la rébellion. Emmenée par deux biolo-gistes, Alain Trautmann, directeur de laboratoire àl’institut Cochin et Fernando Arenzana, directeur derecherche à l’Institut Pasteur, la fronde des chercheursa donné naissance en janvier dernier au collectif« Sauvons la recherche », relayé par un appel épo-nyme, diffusé via Internet 1. Les rédacteurs y poin-taient notamment qu’« À l’aube du XXIe siècle, laFrance a besoin d’une recherche vigoureuse. Cetteactivité est indispensable aux innovations de demain,au développement économique de notre pays, ainsiqu’à son rayonnement culturel. Dans la conjonctureactuelle, les pays qui ne maintiendront pas un outilde recherche d’excellence seront incapables de suivrel’accélération de l’évolution économique associée àla production des connaissances. Plus grave encore,ils deviendront rapidement incapables de former lesjeunes générations de manière compétitive. Ils entre-ront donc dans une dépendance économique diffi-cilement réversible. […]En dépit du discours officiel affirmant que la rechercheest une priorité nationale, le gouvernement françaisest bel et bien en train de fermer le secteur de larecherche publique, sans même se rendre compte

qu’il n’y a rien pour la remplacer. Il asphyxie finan-cièrement les organismes de recherche publique. Lesbaisses de crédits ajoutées aux annulations de cré-dits et au non-paiement des crédits votés par leParlement – début décembre 2003, 50 % des cré-dits de fonctionnements 2002 du CNRS ne lui avaienttoujours pas été versés ! – mettent plusieurs EPST(Établissements publics à caractère scientifique ettechnique, comme le CNRS, l’Inserm ou l’Inra) et lesEPIC (Établissements publics industriels et com-merciaux, dont le CEA) au bord de la faillite. Alorsque la recherche, qui est une activité sur le long terme,a besoin de perspectives claires, le gouvernementdécide une réduction brutale du nombre de recrute-ments de jeunes chercheurs (un exemple, pour lesrecrutements de chargés de recherche à l’Inserm :95 recrutements en 2002, 30 prévus en 2004.) […] »Face à ce bilan, le Collectif met en demeure le gou-vernement de verser immédiatement aux organismesde recherche les dotations promises en 2002. Il demandeégalement que le nombre de possibilités d’embaucheproposées aux jeunes chercheurs en 2004 soit signi-ficativement augmenté. Enfin, il enjoint le ministèrede la Recherche de mettre en chantier la préparationd’Assises nationales de la recherche. Pour peser davan-tage sur les pouvoirs publics, « Sauvons la recherche »brandit la menace d’une démission collective des direc-teurs d’unités et d’équipes, signataires de l’appel, deleurs fonctions de direction si ses doléances ne sontpas entendues et prises en compte par le gouverne-ment. En quelques jours, la pétition, qui circule sur leWeb, reçoit le soutien de milliers de chercheurs et decitoyens. Le 9 mars dernier, devant l’inadéquation dela réponse gouvernementale, près de 2000 chercheursremettent leur démission à leur ministre.

F. V.

11

Transversal n°19 avril-m

ai-juin 2004

7 janvier 2004 – 7 avril 2004

« Après trois mois de lutte, « Sauvons la Recherche » a obtenu satisfaction pour toutes les mesures d’urgence.Aujourd’hui, heureux et fiers, nous restons vigilants et mobilisés pour demain.

Vous nous soutenez depuis toujours dans notre travail et vous avez été au rendez-vous au cours de ces trois derniersmois pour appuyer nos revendications afin de placer la recherche scientifique au cœur des priorités de notre société.Nos protestations légitimes ont été entendues. Merci de nous avoir aidés avec votre foi et votre enthousiasme, lesmêmes que vous témoignez si souvent lorsque vous œuvrez pour que la recherche devienne cet outil essentiel,générateur de progrès et de bien-être pour la qualité de vie et la santé de vos proches.Nous sommes désormais engagés pleinement dans la réforme d’une recherche scientifique qui doit répondre aux cri-tères les plus exigeants d’excellence et de service. Nous vous convions à participer à cette entreprise. Rejoignez-nousà travers les travaux préparatoires des États généraux de la recherche, afin que cette réforme soit aussi la vôtre. »Informations sur le site : http : //cip-etats-generaux.apinc.org

1 Le texte intégral est disponible sur le site :

http://recherche-en-danger.apinc.org/