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Royaume du Maroc Université Mohammed V

Faculté des Sciences de l’Education Association ATFALE

COLLOQUE INTERNATIONAL

SUR

L’EDUCATION PRESCOLAIRE

PROBLEMATIQUES ET PERSPECTIVES

26, 27 et 28 Novembre 1997

RABAT, 1998

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Association ATFALE BP 8001, Rabat NU

Tél et fax (212 7) 77 11 81 http : //www.refer.org.ma/atfale/atfale.htm

E-mail : [email protected]

Dépôt légal : 1355/1998 Réalisation : Diwan 3000, Rabat.

Imprimerie El Maârif El Jadida, Rabat

A.T.F.A.L.E. (ALLIANCE DE TRAVAIL DANS LA FORMATION ET L’ACTION POUR L’ENFANCE), est une organisation non gouvernementale de recherche et d’action , à but non lucratif, qui vise le développement d’une éducation préscolaire de qualité pour l’ensemble des jeunes enfants, sans discrimination de sexe ni d’origine sociale.

LES OBJECTIFS DE L’O.N.G. A.T.F.A.L.E.

Développer une conception de l’éducation préscolaire, basée sur le respect des besoins de l’enfant et de son environnement socio-économique et culturel.

Contribuer à l’introduction de l’innovation pédagogique dans les institutions préscolaires existantes.

Promouvoir des recherches, des actions et des publications en faveur de l’éducation préscolaire et de la petite enfance . Organiser et mettre en œuvre des stratégies de formation et de sensibilisation à effet démultiplicateur, pour les acteurs de l’éducation préscolaire. Participer activement au développement de l’éducation préscolaire et de la petite enfance en coopération avec les O.N.G. et les instances nationales et internationales.

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SOMMAIRE

Remerciements Introduction PREMIERE SEANCE Impact du préscolaire et approches comparatives Approche comparative des systèmes préscolaires Sylvie RAYNA, France Changements culturels et institutionnalisation de l'éducation de la petite enfance Frédéric DAJEZ, France Impact du préscolaire sur le devenir scolaire Ghazi CHEKROUN, Tunisie La situation du préscolaire au Maroc Brigitte EL ANDALOUSSI, MAROC DEUXIEME SEANCE Importance de l’implication des parents dans l’éducation préscolaire Mobiliser les mères pour l’éducation préscolaire Yvette POLY Modèles éducatifs institutionnels et familiaux et pratiques éducatives dans les classes préscolaires, étude comparative Tchirine MEKIDECHE, Algérie L’accueil des enfants d’origine étrangère à l’école maternelle et la nécessité de prendre en compte la dimension familiale dans cet accueil Marie Nicole RUBIO, France Implication, partenariat ou coéducation avec les parents dans le préscolaire ? Olga BAUDELOT, France TROISIEME SEANCE Santé et éducation au préscolaire La santé psychique du jeune enfant en situation familiale ou institutionnelle carentielle : l’apport des connaissances actuelles , les difficultés pour les mettre en pratique, les perspectives d’avenir Danielle RAPOPORT, France Prévention : d’une définition à l’autre Marie-Françoise de TASSIGNY, Suisse Education à la santé Suzanne CARLIER WERY, Belgique

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Table ronde I : Formation initiale et formation continue des éducateurs du préscolaire

Nécessité et importance de la didactique des mathématiques Hamza HAJRI,Maroc

Formation initiale et formation continue des éducateurs du préscolaire Mehdi HEFIRI, Maroc

Quelle formation pour pouvoir accueillir tous les enfants dans les structure du préscolaire ?

Athina KAMMENOU, Suisse L’évaluation dans le formation initiale et continue des éducatrices

Zoubida SENOUOUCI, Algérie La formation continuée des maîtres

Suzanne CARLIER WÉRY, Belgique La formation initiale et continue des éducateurs du préscolaire : quelle demande pour quelle reconnaissance ?

Chantal EMRAN, Maroc

Table ronde II : Le préscolaire en zone rurale Allal BEN EL AZMIA, Maroc, Mustafa EL GOURAÏNA, Maroc

Table ronde III : Bilinguisme précoce au préscolaire Bilinguisme au préscolaire

Mohammed CHTATOU, Maroc Bilinguisme précoce au préscolaire

Nadia LAHRIM, Maroc Bilinguisme précoce au préscolaire

Jean DUVERGER, France Bilinguisme précoce au préscolaire

Moussa CHAMI, Maroc Témoignage sur le bilinguisme précoce

Mohammed FAIQ, Maroc Table ronde IV : Intégration de l’enfant en difficulté au préscolaire Intégration de l’enfant en difficulté au préscolaire

Athina KAMMENOU, Suisse L’intégration et le développement des enfants déficients mentaux dans préscolaire ordinaire au Brésil :

Sahda MARTA IDE, Brésil Table ronde V : Modalités de participation des parents dans l’éducation préscolaire A partir de « pris sur le vif » extraire les modes de participation

Yvette POLI, France

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Quelques démarches raisonnées de professionnels de la petite enfance vers les parents

Olga BAUDELOT, France La particpation des parents des élèves dans l’éducation de la petite enfance en Angleterre, en Espagne et en Suéde

Vicente Llorent BEDMAR, Espagne Comment l’éducation vient aux parents

Salima MRINI, Maroc Atelier I : Pédagogie la lecture et de l’écriture

André INIZAN, France Atelier II: L’approche « l’enfant par l’enfant »

Apprendre la santé par le conte Elisabeth DUMURGIER, France, Yvon MOREN, France

Atelier III : Psychopédagogie de la petite enfance (de la naissance à 3 ans) Une pédagogie interactive pour les enfants de moins de trois ans Sylvie RAYNA, France Présentation d’un film : l’éveil du tout petit : des collectivités en mouvement Danielle RAPOPORT, France Atelier IV: Arts plastiques et littérature au préscolaire Sindibad le marin Soizic PACHET, France, Eliane FRIOCOURT, France Atelier V: Civisme et droits de l’enfant Civisme et droits de l’enfant Christine BERNABEU, France Civisme et droits de l’enfant au jardin d’enfants Nadia Lahrim, Maroc

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COMITE SCIENTIFIQUE ET D’ORGANISATION

Président

M. M’hamed Zaïmi, Doyen de la Faculté des Sciences de l’Education

Coordinateurs

L’équipe A.T.F.A.L.E.: Khaled El Andaloussi Khadija Bouzoubaâ

Mohammed Faïq Brigitte El Andaloussi

Membres

Mustapha El Gouraïni El Hayat Erghouni

Logistique et secrétariat

Ahmed Ettermidi Abdelslam Lamrani

Abdelslam Benghabrit Sanaa Fihi

SOUTIEN FINANCIER ET LOGISTIQUE

Fondation Bernard Van Leer (La Haye, Hollande)

Service Culturel et de Coopération de l’Ambassade de France (Rabat, Maroc) Faculté des Sciences de l’Education (Rabat, Maroc)

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LISTE DES INTERVENANTS

PREMIERE SEANCE : IMPACT DU PRESCOLAIRE ET APPROCHE S COMPARATIVES

Mme Sylvie RAYNA M. Frédéric DAJEZ M. Ghazi CHEKROUN Mme Brigitte EL ANDALOUSSI

Enseignant universitaire, chercheur à l’INRP/CRESAS Paris- France Enseignant universitaire – Université Paris Nord - France Enseignant universitaire – Tunisie Professeur formateur – Coopérante du Gouvernement français Faculté des Sciences de l’Education- Rabat –Maroc (Membre d’A.T.F.A.L.E.)

DEUXIEME SEANCE : IMPORTANCE DE L’IMPLICATION DES P ARENTS DANS

L’EDUCATION PRESCOLAIRE Mme Yvette POLY Mme Tchirine MEKIDECHE Mme Marie Nicole RUBIO M.Rabi M’BAREK Mme Olga BAUDELOT

Formatrice FICEMEA - Paris- France Enseignant universitaire – Algérie Coordination Petite Enfance issue de l’immigration Strasbourg-France Enseignant universitaire - Rabat –Maroc Chercheur à l’INRP/CRESAS Paris- France

TROISIEME SEANCE : SANTE ET EDUCATION AU PRESCOLAIR E Mme Danielle RAPOPORT Mme Marie-Françoise de TASSIGNY Mme Elisabeth DUMURGIER Mme Suzanne CARLIER WERY

Psychologue-Psychanalyste – Hôpital Trousseau et Necker Paris- France Déléguée – Département municipal des Affaires sociales des écoles et de l’environnement – Genève- Suisse Directeur de programme- Institut Santé et Développement Paris -France Inspectrice de l’enseignement préscolaire - Belgique

FORMATION INITIALE ET FORMATION CONTINUE DES EDUCATEURS DU PRESCOLAIRE

M. Mehdi HEFIRI Mme Athina KAMMENOU M. Hamza HAJRI Mme Zoubida SENOUCI Mme Suzanne CARLIER WERY M me Chantal EMRAN

Directeur du groupe scolaire « La Résidence » Casablanca - Maroc Enseignante universitaire Université de Genève – Suisse Enseignant universitaire – Faculté des Sciences de l’Education - Rabat –Maroc Chargée de cours- ENSET- Oran- Algérie Inspectrice de l’enseignement préscolaire – Belgique Psychologue- Responsable Service Formation- AMSHAM Rabat –Maroc

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M. Ghazi CHEKROUN Mme Nadia SROUR Mme Hala SPANIOLI M me Khédija KADDAR Mme Leila HAMDANE Mme Sahar GHORAB

Enseignant universitaire – Tunisie Enseignante universitaire – Jordanie Al Tufula- Centre pédagogique- Nazareth- Palestine Inspectrice d’enseignement fondamental – CRASC- Oran-Algérie Centre d’éducation préscolaire, familiale et sociale – Palestine Centre d’éducation préscolaire, familiale et sociale - Palestine

BILINGUISME PRECOCE AU PRESCOLAIRE M. Jean DUVERGER Mme Mercedes TORTOSA M. Mohamed CHTATOU Mme Nadia LAHRIM M. Mohammed FAIQ M. Moussa CHAMI M. Mohammed BOUDOUDOU

Ministère des Affaires Etrangères - Paris- France Institutrice – Collège espagnol- Tétouan- Maroc Enseignant universitaire – ISESCO - Rabat –Maroc Directrice de maternelle « Al Madina » Casablanca - Maroc Enseignant universitaire – Faculté des Sciences de l’Education- Rabat –Maroc (Membre d’A.T.F.A.L.E.) Enseignant universitaire – Faculté des Sciences de l’Education - Rabat –Maroc Enseignant universitaire – Faculté des Lettres – Rabat-Maroc

INTEGRATION DE L’ENFANT EN DIFFICULTE AU PRESCOLAIR E

Mme Athina KAMMENOU M. Laajili OUSMAN M. Salim Al MOUJAHID Mme Sahda MARTA IDE M me Rima ZAAZAA

Enseignante universitaire - Université de Genève – Suisse Enseignant universitaire – Ezzaouia - Libye Enseignant universitaire – Ezzaouia - Libye Enseignante universitaire – Faculté de l’Education de Sao Paulo - Brésil Association « Solidarité et Développement » Nazareth Palestine

MODALITES DE PARTICIPATION DES PARENTS DANS L’EDUCA TION

PRESCOLAIRE Mme Yvette POLY Mme Tchirine MEKIDECHE M. Vicente Llorent BEDMAR Mme Milagros BOROBIA ABAD Mme Olga BAUDELOT Mme Catalina ARROYO AMAYA Mme Elena MANZANO Mme Salima MRINI

Formatrice FICEMEA - Paris- France Enseignant universitaire – Algérie Professeur d’Education Comparée- Université de Séville- Espagne Professeur d’Education préscolaire - Tétouan –Maroc Chercheur à l’INRP/CRESAS Paris- France Institutrice – Collège espagnol- Rabat- Maroc Institutrice – Collège espagnol- Rabat- Maroc Psychologue-Thérapeute familiale- Rabat- Maroc

PEDAGOGIE LA LECTURE ET DE L’ECRITURE

M. André INIZAN Professeur Emérite des Universités- France

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L’APPROCHE « L’ENFANT PAR L’ENFANT »

Mme Elisabeth DUMURGIER M. Yvon MOREN

Directeur de programme- Institut Santé et Développement Paris -France Institut Santé et Développement - Paris -France

PSYCHOPEDAGOGIE DE LA PETITE ENFANCE (de la naissance à 3 ans)

Mme Sylvie RAYNA Mme Danielle RAPOPORT

Enseignant universitaire, chercheur à l’INRP/CRESAS Paris- France Psychologue-Psychanalyste – Hôpital Trousseau et Necker Paris- France

ARTS PLASTIQUES ET LITTERATURE AU PRESCOLAIRE Mme Soizic PACHET Mme Eliane FRIOCOURT

Maître-formateur – IUFM de Versailles- France Institutrice - France

CIVISME ET DROITS DE L’ENFANT Mme Christine BERNABEU Mme Nadia LAHRIM

Professeur des Ecoles- Maître-formateur – Réseau AEFE Casablanca -Maroc Directrice de maternelle « Al Madina » Casablanca - Maroc

CHILD TO CHILD Mme Najia EL MOUTAOUAKIL MmeIman ATA TAWFIQ GHOSHEH Mme Najat SOBOH M. Najib KHOUZAM

Coordinatrice des programmes « Save The Children » Khemisset-Maroc Institution de la Princesse Basma pour les enfants handicapés Al Qods – Palestine Physiothérapeute- Palestine Chef de Département de psychologie de l’Education Aïn Shems- Egypte

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Remerciements

C’est un grand honneur pour l’équipe ATFALE, de publier les actes du Colloque International sur l’Education Préscolaire : Problématiques et Perspectives, qui s’est tenu à la Faculté des Sciences de l’Education de Rabat du 26 au 28 novembre 1997 avec la participation effective de : Monsieur le Conseiller de Sa Majesté le Roi, Monsieur le Ministre de l’Education nationale, Madame la Secrétaire d’Etat aux Affaires Culturelles Madame la Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, Monsieur le Recteur, Monsieur le Représentant du Service Culturel de l’Ambassade de France au Maroc, Monsieur le Doyen.

Nous rendons hommage à tous ces participants qui ont manifesté , par leur présence, le grand intérêt et le soutien qu’ils accordent à l’éducation préscolaire. C’est aussi un réel plaisir de réunir, à l’occasion de cette manifestation, des chercheurs, des éducateurs, des décideurs marocains, des experts des organismes internationaux et des spécialistes venant de plusieurs pays arabes et européens : Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Palestine, Liban, Jordanie, Espagne, France ,Suisse, Belgique, Hollande et Brésil. Le succès de ce colloque est l’expression de tous ceux qui ont présidé à la rigueur de son organisation et à la participation dans ses débats. Que tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette manifestation trouvent ici l’expression de nos remerciements.

Le comité scientifique

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Introduction

Après l’organisation du Premier Colloque Maghrébin sur l’Education Préscolaire (1992) et après l’organisation des journées Internationales Audiovisuelles sur l’Education préscolaire (1994), l’équipe ATFALE réitère avec la tenue du Colloque International sur l’Education Préscolaire qui s’est déroulé du 26 au 28 novembre 1997 à la Faculté des Sciences de l’Education de Rabat.

Cette manifestation vise à maintenir et à développer la dynamique engagée autour de la petite enfance et à créer une occasion supplémentaire de mettre, côte à côte, dans un débat franc et direct, tous les acteurs concernés, à différents niveaux, par l’éducation préscolaire au Maroc : les parents, les éducateurs, les administratifs, les chercheurs et les décideurs.

Cette manifestation s’inscrit dans l’objectif mené par l’équipe ATFALE et qui vise à sensibiliser l’opinion publique et à mobiliser toutes les bonnes volontés afin de donner à la petite enfance la place qui lui revient dans le développement des ressources humaines, condition incontournable pour le développement durable de notre société.

Notre compréhension de la petite enfance s’élargit : nous connaissons de mieux en mieux les différentes étapes de développement de l’enfant et l’impact des facteurs socio-économiques et culturels. La corrélation de plus en plus évidente entre une prise en charge de qualité des enfants en bas âge et le niveau de développement économique et social d’un pays nous amène à penser qu’il est urgent de revoir la politique éducative envers les enfants en âge préscolaire et d’investir sérieusement ce domaine.

Par ailleurs, il est démontré que la prise en charge de qualité des enfants en bas âge participe à améliorer la qualité de l’enseignement fondamental, à augmenter la rétention scolaire et surtout, à donner une chance à la petite fille dans le milieu rural de fréquenter l’école dont elle a toujours été exclue.

Tous ces éléments plaident pour transformer la prise de conscience de l’importance de la petite enfance en un vaste programme structuré qui permet de sauvegarder les acquis, de dynamiser ce secteur et de renverser les tendances négatives afin d’assurer un meilleur développement à nos enfants.

Ce défi est à notre portée, il a été exprimé à travers la richesse des interventions, la passion qui a animé les débats et l’enthousiasme qu’ont manifesté les nombreuses personnes (600 en moyenne chaque demi journée) qui ont participé tout au long de ces trois jours au colloque.

La publication des actes des travaux va permettre aux lecteurs de saisir, par lui même, à travers les conférences, les tables rondes et les ateliers, les idées et les positions qui ont été exprimées par les différents intervenants. Cependant, il nous paraît important de faire émerger les éléments qui nous ont semblé les plus saillants et qui méritent d’être relevés en guise de recommandations :

Au niveau sociologique : l’importance de la prise en charge des enfants en âge

préscolaire de toutes les couches sociales par les diverses institutions publiques, privées et sociales afin d’assurer la meilleure intégration de l’enfant dans la société.

Au niveau scientifique et pédagogique : la nécessité de diffuser des informations

relatives à la spécificité du jeune enfant le plus largement possible, de développer des systèmes de formation et d’impliquer les parents. La plupart des participants ont souligné aussi l’importance de promouvoir des expériences novatrices afin de réactualiser les méthodes

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éducatives et le matériel pédagogique et d’aborder la problématique du bilinguisme dans un contexte pédagogique.

Au niveau institutionnel : la nécessité de développer, dans l’esprit de la Convention Universelle des Droits de l’Enfant, un cadre juridique qui définit les orientations et les instructions du secteur préscolaire. Il faut également garantir des moyens de protections aux investisseurs et aux travailleurs de ce domaine.

Les résultats qui émanent de ce colloque sont le fruit d’un effort soutenu et conjugué

entre plusieurs acteurs, dans un partenariat constructif. Cette dynamique a besoin d’une réelle consolidation pour trouver des solutions durables à la problématique de l’éducation préscolaire au Maroc.

Khaled El Andaloussi Professeur à la Faculté des Sciences de l’Education

Président de l’Association ATFALE

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Première séance

IMPACT DU PRESCOLAIRE ET APPROCHES COMPARATIVES

Président : Larbi IBAAQUIL Rapporteur : Malika ATTIFI

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APPROCHE COMPARATIVE DES SYSTEMES

PRESCOLAIRES

Sylvie RAYNA, France Permettez-moi, tout d’abord, de dire combien je suis honorée et heureuse de participer à ce Colloque International. Je remercie vivement les organisateurs et tout particulièrement l’équipe ATFALE avec laquelle notre équipe du CRESAS a noué depuis deux ans des relations fructueuses à la suite d’un autre Congrès, organisé à Paris par l’INRP1. Les travaux de l’équipe ATFALE y ont été présentés et publiés (Bouzoubaa, 1997). Ils ont contribué ensuite à la réflexion menée, depuis 1996, dans le cadre d’un séminaire, co-organisé par l’INRP et l’Université Paris-Nord2 (Bouzoubaa, à paraître). Pendant ces trois jours, c’est pour moi, une nouvelle occasion d’échanger, dans un cadre plus large, et d’apprendre sur la façon dont les problèmes d’éducation préscolaire se posent dans d’autres contextes culturels. C’est ainsi que l’on peut parfois le mieux éclairer sa propre façon de les poser. L’approche d’éducation comparée commence à se développer dans notre équipe au sein de travaux centrés sur les conditions psychopédagogiques et les contextes institutionnels et sociaux favorables à la construction des connaissances chez tous les apprenants, depuis les bébés à la crèche jusqu’aux adultes en formation continue (CRESAS, 1991). Avec cette démarche d’éducation comparée, je proposerai, ici, quelques éléments de cadrages pour souligner les points de convergence et de divergence des divers types de systèmes préscolaires, en m’appuyant surtout sur les systèmes européens. Les sources principales, utilisées pour cet exposé, proviennent d’une part d’une synthèse, réalisée avec Eric Plaisance (Université René Descartes), sur les systèmes éducatifs préscolaires et la recherche en éducation de la petite enfance (Plaisance & Rayna, 1997), et d’autre part de la réflexion menée depuis deux ans, avec Gilles Brougère (Université Paris-Nord), dans le cadre du séminaire évoqué plus haut (Brougère & Rayna, à paraître). I- QUELQUES REMARQUES GENERALES

Sur le plan de l’éducation préscolaire, il s’avère que l’Europe se distingue des autres continents. L’étude comparative réalisée par Cochran (1995) souligne, notamment, un ensemble de caractéristiques communes des politiques européennes actuelles. Ces dernières s’avèrent, globalement, plus centrées sur les enfants (que sur les parents et la communauté), il y a plus de réglementation officielle et plus de subventions publiques, et elles attachent beaucoup plus d’importance à la formation initiale des personnels.

Des raisons historiques et économiques expliquent cette situation. L’Europe est, en effet, considérée comme le berceau de l’éducation préscolaire. C’est là que sont nées, au début de la période industrielle, les principales structures collectives : les infant schools en Angleterre, les écoles maternelles (Dajez, 1994) et les crèches (Norvez, 1990) en France, les Kindergarten (Erning, Neuman & Reyer, 1987) en Allemagne, dont les modèles sont ensuite repris sur les autres continents dans les pays d’économie avancée : Etats-Unis (Allen, à paraître), Japon (Watanabé, à paraître, Kato, à paraître), Venezuéla (Ball et Léon, à paraître), 1 Le 5ème congrès européen sur « La qualité de l’éducation des jeunes enfants » (La Sorbonne, 7-9 septembre 1995) 2 Séminaire « Politiques, pratiques et acteurs de l’éducation préscolaire en Europe et ailleurs »

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etc. (CERI 1982, Philips & Moss, 1989). Mais n’oublions pas que d’autres institutions, tels les kouttab sur lesquels insistera Brigitte El Andaloussi, sont ouverts aux jeunes enfants bien avant la période industrielle (Bouzoubaa, op. cit)...

Pourtant, le contraste existant entre l’Europe et les autres régions du globe, ne doit pas masquer la grande diversité qui existe derrière l’évidence de ces points communs. Cette diversité s’observe au niveau de l’importance de l’effort social consenti pour la garde et l’éducation de la petite enfance, comme au niveau des choix effectués (priorité : éducation/soins, accueil : collectif/familial, etc.). Elle apparaît en matière de rythmes, d’organisation, de formation, comme le souligne un grand nombre d’études récentes (Pierrehumbert, 1992, Euridyce, 1994, Uberhuemer et Ulich, 1996). Traditions, histoire et culture propres des différents pays ont conduit à des orientations et des options parfois opposées, et continuent de s’exprimer au travers des projets actuels.

Cependant, plusieurs facteurs contribuent à l’observation de convergences, parmi lesquelles ont peut souligner : • la référence aux conclusions de la recherche récente, dans le champ de la petite enfance et,

sous certains aspects, largement vulgarisées par les médias, • la rencontre de difficultés identiques (permanence de l’échec scolaire) et de réalités

économiques et sociales communes, • les priorités actuelles des différentes institutions européennes (Commission Européenne,

Conseil de l’Europe, OCDE) et des organisations internationales (UNESCO), autour des deux thèmes : l’égalité des chances et l’amélioration de la qualité de l’éducation (Vaniscotte, 1986).

La préoccupation d’harmonisation des systèmes éducatifs dans leur ensemble et de renforcement du secteur préscolaire se traduit différemment selon les pays. Si l’on prend l’exemple de l’âge de la scolarité obligatoire, on observe une résistance de certains pays nordiques à l’alignement sur l’âge de la scolarité obligatoire à 7 ans au Danemark, avec semble-t-il, une pression forte du préscolaire sur le scolaire (Broström & Vejleskov, 1994), passage à 6 ans en 1997 en Norvège, choix entre 6 et 7 ans laissé aux parents en Suède. Dans d’autres pays, ceux où le système préscolaire est très développé, c’est l’option pour une école obligatoire à 5 ans (Royaume-Uni) ou à 4 ans (Luxembourg, Pays-Bas). II- LE ROLE SOCIAL DES STRUCTURES PRESCOLAIRES

On connaît bien le rôle social, stricto sensu, des structures préscolaires à leur origine (permettre le travail des femmes, rendu nécessaire au début de la période d’industrialisation, et protéger les jeunes enfants). Aujourd’hui, la question de la garde des jeunes enfants se pose toujours et même de façon accrue puisque le travail féminin, dans tous les pays d’Europe, ne cesse d’augmenter.

En même temps, on reconnaît les effet positifs de la préscolarisation, l’accent étant mis sur les enfants et leur intégration scolaire, - comme en France, en ce qui concerne l’école maternelle dès 2 ans (Jarousse, Minguat & Richard, 1992) -, ou sur les familles et la communauté, - comme en Allemagne, en ce qui concerne le jardin d’enfants (Neumann, 1996) Or, le taux de fréquentation des structures préscolaires varie énormément d’un pays à l’autre. On peut, très schématiquement, distinguer trois types de situations : - les pays à politique forte en matière de préscolarisation, comme la France et la Belgique qui offrent actuellement une place en maternelle à la quasi-totalité des enfants de 3 ans, ou le Danemark qui a la plus large étendue des services subventionnés pour les 0-7 ans), - les pays où la préscolarisation fait cruellement défaut, la petite enfance étant traditionnellement du domaine privé, celui de la famille (l’Irlande, par exemple où il n’existe pas d’école maternelle, l’Allemagne où le jardin d’enfants reste peu fréquenté par les enfants

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des familles immigrées, le Royaume-Uni dont l’objectif à atteindre, par la mise en place d’un système récent de ’’bons’’, est l’accueil des enfants de 4 ans), - et entre les deux, un certain nombre de pays en position intermédiaire (le Portugal, la Grèce, etc.).

Concernant les tout-petits, notons l’apparition de structures non liées à la problématique de la garde et du travail féminin mais à une problématique de prévention psychologique et sociale primaire, comme les lieux d’accueil parents-enfants, en France (Eme, 1994) ou en Italie (Musatti, à paraître).

Plutôt que d’entrer dans les détails chiffrés des taux de préscolarisation, voyons les conceptions qui sous-tendent les différents systèmes préscolaires européens et que l’on retrouve, plus largement sur le plan international. III- UNE CONCEPTION DE LA PETITE ENFANCE UNIFICATRI CE OU DISTINCTE ?

Très schématiquement, on distingue trois types de systèmes préscolaires selon qu’ils reposent sur des conceptions distinctes de la petite enfance (les moins de 3 ans d’une part et les plus de 3 ans d’autre part), sur une conception unificatrice pour les 0-6/7 ans ou sur une conception mixte.

Le premier type de système qui est le plus fréquent, consiste en fait en un double système, la période antérieure à l’âge de la scolarité obligatoire étant conçue en deux phases. L’accueil des enfants s’effectue : - d’une part, par un système de garde, dépendant des ministères de la Santé ou des Affaires Sociales, pour les enfants de moins de 3 ans, avec des traditions sanitaires et sociales, des services variés (garde individuelle, type assistante maternelle, ou collective, type crèche), plus ou moins développés et généralement peu coordonnés, ni entre eux, ni avec les structures recevant les enfants de plus de 3 ans, type école maternelle ou jardin d’enfants, - et d’autre part, un système d’éducation préscolaire, dépendant des ministères de l’Education nationale, pour les enfants de plus de 3 ans, pouvant avoir des liens divers avec l’école primaire. Ces liens sont de trois sortes : Ce système peut être indépendant du primaire, comme en Belgique, pour les trois communautés, où l’école maternelle accueille les enfants à partir de 2 ans et demi ou 3 ans dans un contexte proche de celui de l’école maternelle française, avec toutefois une plus grande place accordée au jeu (Laevers, 1994, Brougère, 1997), il peut aussi être lié au primaire, comme en France où l’école maternelle, qui accueille les enfants dès l’âge de 2 ans, fait partie de l’école primaire qui englobe maternelle et élémentaire, avec une forte centration sur les apprentissages, dits ’’premiers’’ puis ’’fondamentaux’’ - la grande section de maternelle assure la liaison entre les deux écoles -,

Il peut être enfin fusionné avec le primaire, comme au Luxembourg, où l’école est obligatoire à 4 ans, ou aux Pays-Bas avec la fusion du jardin d’enfants et de l’école en une ’’école de base’’ pour les 4-12 ans (Van Oers, à paraître). Le second type de système, fondé sur une conception unificatrice de la petite enfance, est beaucoup moins fréquent. C’est le cas du Danemark et de la plupart des pays nordiques, avec des politiques fondées sur la notion d’’educare’’ (qui vient de ’’education’’ et de ’’care’’ qui signifie soins, en anglais). Les structures de jour qui accueillent l’ensemble des enfants de moins de 7 ans dépendent des ministères des Affaires Sociales (Broström & Vejlekov, 1994, De Jong & Rubinstein, 1994, Hännikäinen, 1994). La priorité éducative est accordée au développement des compétences sociales des jeunes enfants (Vejleskov, en préparation, Broström, en préparation).

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Le troisième type de système, qui mêle ces deux courants, s’observe dans d’autres pays, mais sous des formes très différentes. D’un côté, en Finlande, l’’educare’’ reste la conception unificatrice dans une même structure de jour pour tous les enfants jusqu'à 7 ans, mais elle n’exclut pas une valorisation du préélémentaire. D’un autre côté, en Espagne, la référence éducative concerne officiellement tous les enfants, même les plus jeunes. L’escuela infantil’’, sous la tutelle du ministère de l’Education, est ouverte aux 0-6 ans, mais en deux cycles spécifiques (0-3 ans, puis 3-6 ans). Les trois types de conceptions influent sur la formation des personnels de la petite enfance. IV- LA FORMATION DES PERSONNELS

Le niveau et la durée de la formation initiale peuvent être extrêmement variés d’un pays à l’autre, avec tous les intermédiaires entre un pôle allant de l’absence de formation à un autre comprenant cinq ans d’études universitaires. Ainsi : - les enseignants de maternelle, en France, en Espagne ou en Italie, et les éducateurs de jardins d’enfants, en Grèce, ou de services de jour en Suède ou Finlande sont diplômés de l’université (3 à 5 ans d’études), c’est aussi le cas du Royaume-Uni où les nursey schools ne concernent cependant qu’un tout petit nombre d’enfants, pris en charge à temps très partiel (Moss, 1996), - les professionnels, en Belgique, au Portugal et au Danemark, sont diplômés d’instituts supérieurs d’éducation (3 ans d’études), - ailleurs, pour d’autres personnels, comme les animateurs de playgroups, mode d’accueil le plus répandu en Irlande ou au Royaume-Uni, la formation (200h) est facultative (Curtis & Hevey, 1992). Au-delà du niveau et de la durée de la formation initiale, la présence ou non d’une ligne de partage entre groupes d’âge va de pair avec une formation unifiée ou spécifique pour chacun d’entre eux : - quand la formation est distincte, elle se révèle généralement plus courte, de nature plus sanitaire et sociale pour les personnels des structures accueillant les enfants de moins de 3 ans (crèche, etc.), pour les autres (personnels d’école maternelle et de jardin d’enfants), elle est plus longue et centrée (parfois exclusivement) sur l’éducatif, - par contre, dans les pays présentant un système de formation unique pour les 0-6/7 ans, comme au Danemark ou en Allemagne, on note une centration sur le travail social. Ce n’est pas le cas de l’Espagne, où la centration est sur l’éducatif. Si l’on regarde, à présent, le degré de spécialisation de la formation, de grandes variations sont également observables : - ainsi, en Belgique, les enseignants ont une formation spécifique pour les 3-6 ans, comme les éducateurs de jardin d’enfants en Grèce, un niveau élevé de spécialisation apparaît comme nécessaire à un travail de qualité auprès de ces enfants ; - ailleurs, une formation générale est, au contraire, considérée comme un facteur de qualité, au Danemark, les professionnels sont formés pour travailler également dans le périscolaire auprès d’enfants et d’adultes en difficultés, comme au Luxembourg ou en Allemagne, où les éducateurs sont en principe formés pour travailler auprès des 0-7 ans ; - ailleurs encore, la qualité est reliée à une formation commune pour l’éducation préélémentaire et élémentaire, c’est le cas de la formation des enseignants aux Pays-Bas (4-11 ans), au Royaume-Uni (3-11 ans) et en France (2-12 ans), qui soulèvent toutefois des débats faisant état d’une crainte d’alignement du préscolaire sur l’élémentaire. Cette diversité est révélatrice d’une controverse sur les objectifs de l’éducation de la petite enfance.

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V- OBJECTIFS ET PRIORITES

Actuellement, dans plusieurs pays, les objectifs et priorités de l’éducation préscolaire sont posés en terme d’égalité des chances en éducation. C’est l’argument développé en faveur d’un système préscolaire et scolaire unique, (obligatoire au Pays-Bas et au Luxembourg). Les structures sont considérées avant tout comme des lieux éducatifs auxquels tout enfant devrait avoir accès. En France, cet argument sous-tend le lien privilégié entre la maternelle (non obligatoire, mais fréquentée par la quasi-totalité des enfants de 3 ans) et l’élémentaire. D’autres arguments sont posés, au contraire, en faveur d’une séparation du préscolaire et de l’école obligatoire, avec une insistance sur l’importance du jeu, de la globalité du développement et de la créativité. Les structures d’accueil sont alors avant tout considérées comme des lieux de socialisation des enfants, où la participation des parents et le travail social des professionnels au sein du réseau communautaire, apparaissent comme fondamentaux. Dans la réalité, face aux besoins éducatifs des enfants de moins de 7 ans et aux besoins de leurs familles, la question semble se poser en termes de diversification et de coordination des structures existantes. Ce qui implique : une réorganisation et un renforcement de la formation initiale et continue de professionnels de l’éducation préscolaire, pour les rendre aptes à de multiples fonctions : pédagogie, gestion, conseil, communication, etc. (Oberhuemer & Ulich, op. cit., Rayna & Dajez, 1997), une redéfinition de la nature du partenariat entre les professionnels et les parents (Baudelot & Doray, à paraître) ainsi qu’entre les différentes catégories de professionnels, un réexamen du problème de la professionnalité des différentes catégories de personnels (Baudelot & Guibert, 1997), et une réflexion sur le processus même de définition de la qualité de l’éducation préscolaire. Sur ce dernier point, certains insistent sur une approche «intégratrice» (Moss, op. cit.), visant l’implication des différentes parties prenantes (parents, professionnels, responsables locaux, spécialistes, enfants). Pour ma part, en m’appuyant sur les conclusions des recherches pédagogiques du CRESAS, j’estime qu’un tel processus de définition de la qualité est à penser en terme de coconstruction : coconstruction de savoirs partagés au travers d’échanges équilibrés entre tous les partenaires, coconstruction qui fait appel à ce qui est commun à tout être humain, adultes ou très jeunes enfants, à notre besoin de connaître et de communiquer.(CRESAS, op. cit., Bréauté & Rayna, 1992, 1995 1997).

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CHANGEMENTS CULTURELS ET INSTITUTIONNALISATION

DE L'EDUCATION DE LA PETITE ENFANCE.

Frédéric DAJEZ, France

Les questions d'éducation préscolaire concernent désormais des pays de cultures très

différentes. Certains pays mettent en œuvre leurs politiques de préscolarisation en ayant achevé depuis longtemps la prise en charge des enseignements élémentaires ou fondamentaux.

D'autres pays, qui ont encore à fournir des efforts importants pour améliorer la prise en charge des enseignements fondamentaux, ont néanmoins compris la nécessité de développer parallèlement des politiques de préscolarisation .

Dans ces différentes situations, les formes de socialisation non-familiale des petits enfants se développent. On constate une même tendance à la généralisation de l'éducation institutionnelle de la petite enfance qui fait que des fonctions sociales jusqu'alors imparties à l'espace familial se trouvent de plus en plus occupées par des institutions spécialisées, organisées ou, au moins, contrôlées par la puissance publique.

Les historiens de l'éducation cherchent à expliquer ce phénomène en portant leur attention aux mutations de la famille, aux changements de régime de l'économie familiale. On évoquera ainsi le processus d’urbanisation, la constitution des nouvelles formes de travail salarié, la transformation des manières de vivre, des manières d'habiter, la transformation de la répartition du travail entre les générations et entre les sexes. L'historien de l'éducation de la petite enfance enrichira son regard d'une histoire des mœurs qui montre comment se transforment les logiques de l'éducation intra-familiale, comment s'installe une nouvelle représentation de l'enfance, une attention nouvelle à l'enfant en bas âge.

Mais l'histoire des transformations de la famille ou l'histoire des représentations de l'enfance ne suffit pas à rendre compte complètement du phénomène spécifique de la préscolarisation, du processus historique d'institutionnalisation de l'éducation préscolaire, de sa transformation en un système organisé, formalisé, régi par des normes explicites, avec des repères d'action spécialisés et des pouvoirs particuliers.

L'historien de la pré-scolarisation doit chercher à retracer la conquête de ces principes d'action et de ces normes, la conquête de ces principes politiques d'éducabilité collective et d'éducabilité publique du jeune enfant.

Il doit entreprendre une sorte de généalogie de ces principes politiques et de ces formes d'action sur l'enfant, en soulignant les points de rupture et les changements de modèle. L'histoire de la préscolarisation en France servira ici de support à une analyse du processus d'institutionnalisation de l'éducation de la petite enfance. A partir de l'étude des différentes traditions pédagogiques qui ont nourri le modèle français de l'école maternelle, on s'interrogera, dans une perspective d'éducation comparée, sur la nature des changements culturels qui ont accompagnés la laïcisation progressive de l'enseignement préscolaire. Trois configurations différentes nous serviront ici à marquer des repères.

La première configuration renvoie à un ordre ancien des tutelles sur l'enfant dans lequel domine un interdit constant sur l'éducation commune des petits et un interdit sur l'instruction précoce.

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La deuxième configuration se construit à partir de formes institutionnalisées de tutelle charitable destinées aux enfants pauvres et ouvriers. Elle correspond à l'apparition de l'asylum, de l'infant school et de la salle d'asile.

La troisième configuration est liée à une universalisation et à un élargissement du modèle précédent de tutelle éducative des petits. Elle commence à apparaître avec l'invention du kindergarten, de l'école maternelle et d'un nouveau type d'éducation légitime des petits.

1/ Dans le premier univers prédomine une représentation politique et pédagogique qui exclut la garde collective comme forme légitime d'éducation des petits et qui exclut l'intervention des autorités publiques dans les affaires des familles.

Ceci correspond à ce qu'on appelle au XVIIIe siècle et encore au XIXe siècle "l'ordre naturel des familles" : la garde et l'éducation des jeunes enfants relève d'un ordre intra-familial exclusivement privé dans lequel les pouvoirs civils et religieux ne peuvent en principe intervenir.

La tutelle des jeunes enfants est une tutelle exclusivement parentale et privée, sauf pour les enfants trouvés ou orphelins. Elle appartient aux parents qui peuvent néanmoins déléguer de gré à gré cette tutelle privée à une autre famille, à une servante, à une nourrice, à une gardeuse. La garde déléguée, et particulièrement la mise en nourrice, est, au XVIIIe siècle, très répandue mais elle fait en même temps l'objet d'une opprobre généralisée, elle est vue comme le signe d'une dégénérescence qu'il faut condamner.

L'éducation du jeune enfant doit être chose individuelle et non collective. L'éducation collective des petits appartient aux franges honteuses des consciences, c'est le domaine des garderies, des maisons de sevrage honteuses et clandestines, considérées comme barbares et médicalement dangereuses. Il ne peut exister aucune organisation publique de ces garderies ou maison de sevrage qui, faute de pouvoir être interdites, sont au mieux tolérées.

Les seules institutions d'éducation collective de la petite enfance faisant l'objet d'une opprobre atténuée sont celles qui sont liées à l'éducation religieuse des filles. Je pense aux activités de certaines petites congrégations religieuses de campagne à vocation à la fois soignante et enseignante dans les pays catholiques et à certaines autres formes d'ouvroirs pour jeunes filles dans les pays protestants. Ces maisons de protection sont essentiellement destinées aux fillettes et accueillent également les jeunes frères et sœurs. Elles dispensent une éducation quasi exclusivement orale, axée sur la prière, les récits de la Bible, le catéchisme, les chants religieux, associée à des travaux de mains, de filage, de tricotage, de broderie.

Ces institutions sont intéressantes mais leur importance ne doit pas être surestimée. En réalité, ce qui prédomine à l'époque, c'est bien un rejet de la scolarisation précoce. L'éducation du jeune enfant avant 6 ou 7 ans, doit être une éducation privée et non une instruction publique.

On peut certes commencer très tôt une éducation religieuse, morale et même intellectuelle Mais cette éducation doit être donnée par la mère ou à la limite par un précepteur privé. Pas question pour le petit d'éducation collective et scolaire. Voilà pourquoi les plans d'instruction publique élaborés pendant la révolution française, des plans très ambitieux comme ceux de Condorcet ou Talleyrand, qui conçoivent une école pour tous et même une école pour tous les âges écartent l'idée d'une école pour les petits car l'éducation des petits doit relever des mères.

2/ Le deuxième univers que nous voulons maintenant décrire se structure autour d'institutions nouvelles, que nous commençons maintenant à mieux connaître et qui portent le nom d'infant school, salle d'asile, bewaarschool, escuela de parvulos, asilo infantilo, kleinkinderbewahranstalten et d'autres noms encore dans les différents pays.

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Ces institutions ne représentent sans doute qu'une faible partie de l'économie de la garde à la journée de la petite enfance au XIXe siècle. L'importance de ce modèle de l'asile réside néanmoins dans le fait qu'on y a inventé, pour la première fois, une légitimité à cette garde non-familiale, qu'on y a inventé une tutelle particulière sur l'enfant, un rapport avec les parents, un mode d'action, une pédagogie. Invention pédagogique, d'abord

Il semble que dans presque tous les pays d'Europe, on trouve, dans les institutions de type asile, un même système pédagogique, une même façon d'organiser la vie quotidienne des enfants et une délimitation à peu près semblable des pratiques légitimes et des pratiques interdites à l'asile. On trouvera ainsi de très nombreux points communs dans le découpage particulier du temps, dans la gestion des groupes à direction monitoriale, dans les manières de répartir les enfants sur les estrades ou sur les bancs, dans la manière de les faire obéir et de s'adresser à eux, dans la manière de les faire marcher, réciter, travailler, compter, épeler. Dans les différents pays d'Europe, on trouve le même type d'enseignement, marqué par un projet moral et religieux mais également fortement marqué par la perspective d'une instruction accélérée et simplifiée, puisque s'adressant à des enfants destinés à avoir une scolarité écourtée par une mise au travail précoce. Il s'agit généralement d'un mélange entre l'enseignement oral des institutions religieuses féminines, les travaux de mains de couture ou de filage accompagnés de chants, mais également l'apprentissage de l'alphabet et des nombres et parfois de l'écriture, les leçons sur les choses avec interrogation par questions et réponses. Invention pédagogique, invention politique également

Ces établissements sont à l'origine des maisons de secours ou des établissements charitables, ressemblant par certains côtés à des hospices ou à des dépôts de mendicité, associés à divers systèmes de distribution de l'aumône et de répression du vagabondage et de la mendicité.

Mais ces maisons d'hospice ont une activité spécialisée. Ce sont des établissements de jour et non pas des établissements de nuit, ce sont des maisons qui s'adressent à des enfants qui ont leurs parents et non pas à des orphelins et des enfants abandonnés, qui s'adressent à des enfants déjà sevrés, depuis l'âge de 2 ans jusqu'à 6 ou 7 ans.

On entre avec les salles d'asile dans un nouvel univers moral et politique qui rompt avec les principes de prohibition de l'éducation collective précoce pour les jeunes enfants.

La légitimité de cette intervention se fonde sur le public visé : celui d'une enfance en danger, d'une enfance malheureuse, pour laquelle le bien consiste à être séparé de la mère. Les bienfaits de cette garde collective extra-familiale vue comme une séparation organisée de la mère et de son enfant, ne s'étendent en aucune manière à l'enfance bourgeoise ou à l'enfance des bonnes familles. Les participants à la réunion internationale de charité de 1855 qui rassemble de nombreux pays européens sont clairs à ce sujet. Au cours de cette réunion , le philanthrope Albert de Boys dénonce :

"Une ville en France que je ne veux pas nommer où la salle d'asile ne reçoit pas seulement les enfants pauvres mais aussi les petits bourgeois. Des mères qui pourraient et qui devraient surveiller leurs enfants en bas âge se débarrassent de cette responsabilité".

La légitimité de cette intervention protectrice de l'asile n'est nullement universelle. Elle se fonde sur une protection personnelle exercée par les gens de biens, les dames de haute extraction sur les enfants pauvres.

L'asile est la chose des fondateurs et des dames patronnesses de hautes origines qui se chargent de trouver un local et les ressources nécessaires auprès de l'église, de l'hospice ou de la commune, recrutent les surveillantes, inspectent leur travail et visitent parfois les familles.

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En France, l'Etat va organiser dès 1828 cette charité privée, lui donnant d'abord un statut administratif hospitalier, puis rattachant les asiles à un contrôle scolaire, tout en maintenant la prééminence des dames patronnesses.

La troisième configuration que nous voulons faire apparaître installe dès la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle les bases de l'éducation moderne de la petite enfance moderne, avec l'école maternelle.

Ce nouveau modèle politique et pédagogique résulte en premier lieu d'un "esprit nouveau" qui se développe dans toute l'Europe, l'esprit du kindergarten, du jardin d'enfants, de la casa dei bambini, de l'école maternelle qui prône un grand courant de réforme pédagogique, la transformation de tout ce qu'il faut faire et de tout ce qu'il faut savoir dans les établissements publics destinés aux petits.

En France, la vague néo-froebelienne donnera d'abord naissance à quelques jardins d'enfants pour les enfants de familles aisées. Elle sera surtout portée par les inspectrices républicaines, comme Pauline Kergomard et entraînera une réforme complète des dispositifs pédagogiques, des types d'activités et de la culture de référence.

L'organisation générale de l'espace éducatif, son rythme et son mouvement vont être modifiés. La disposition traditionnelle de la classe en gradins et cercles de lecture est peu à peu supprimée. La manière de commander aux enfants se transforme. L'encadrement monitorial et l'organisation du travail pédagogique qu'il impliquait disparaît. De nouveaux types de groupes, moins hiérarchiques et plus unifiés, se constituent.

Les activités des enfants se différencient plus nettement par âge, à partir d'une division en deux puis en trois sections. Dans la section des petits, les enseignements alphabétiques sont totalement supprimés. Les activités manuelles, le maniement de jouets individuels, le dessin prennent une place prédominante. Les leçons se détachent de la forme d'interrogation catéchémique et prennent la forme de conversations familières. Les activités gymnastiques se développent.

Les prières et les chants religieux sont supprimés. La pédagogie litanique s'efface, avec ses multiples répétitions collectives. L'univers biblique disparaît comme thème des récits et des chansons. Les connaissances transmises par l'école maternelle sont désormais mises en scène dans la représentation d'un monde profane où prédominent les représentations de la vie de famille, de la nature et du travail.

Ces transformations furent la conséquence de cet esprit nouveau du kindergarten qui soufflait sur toute l'Europe. Elles résultèrent également des événements politiques qui marquèrent les débuts de la IIIe République Elles furent, au moins pour partie, la conséquence de la guerre scolaire qui opposa jusqu'en 1914 les groupes laïcs et catholiques.

L'arrivée aux commandes de l'Etat du gouvernement républicain, la montée du courant d'opinion en faveur de la sécularisation de l'enseignement, le vote des différentes "lois scolaires" puis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, produisirent toute une série d'effets dans le petit univers clos des établissements de protection de jeunes enfants. Elles provoquèrent une rupture brutale de l'alliance qui existait autour des salles d'asile entre les notables philanthropiques, l'appareil ecclésiastique local, les congrégations religieuses et l'administration universitaire de l'Etat. L'Ancien Régime tutélaire des établissements de garde des petits vola en éclats, avec la suppression de la co-tutelle de l'Eglise catholique sur l'ensemble des établissements et la mise en sommeil des comités de dames patronnesses qui assuraient jusqu'alors la protection de l'œuvre. Les congrégations religieuses, qui occupaient une place prédominante, furent délogées de leurs bastions et totalement remplacées, entre 1886 et 1913, par un personnel civil.

Pour parachever cette rupture, les nouvelles écoles maternelles furent complètement intégrées à l'appareil administratif de l'enseignement élémentaire. Les surveillantes d'asiles,

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premières professionnelles de la petite enfance, devinrent des fonctionnaires de l'Etat, formées comme des institutrices. L'organisation de la garde et l'éducation collective de la petite enfance entre 2 et 6 ans relevaient désormais du budget central de l'Etat.

Ces différents événements constituèrent un violent accélérateur des réformes pédagogiques en cristallisant une opposition entre la vieille pédagogie des asiles, celle des religieuses, et la nouvelle pédagogie de l'école maternelle. La France se trouva ainsi placée, à l'époque, dans une situation tout à fait originale par rapport aux autres pays européens, où le système ancien persista plus longtemps, où la sécularisation et la laïcisation de la garde fut plus longue à s'accomplir.

Ce qui a été conquis dans cette histoire, c'est un déplacement de la frontière qui marque l'éducabilité collective et publique de l'enfant.

La première frontière de cette éducabilité fut une éducabilité de l'enfant pauvre exclusivement.

Le début du XXe siècle repoussa cette frontière en posant les bases d'une universalisation de l'éducabilité du jeune enfant.

On passe alors d'un système restreint de scolarisation précoce des indigents à un système élargi d'éducation différentielle du peuple, conçu théoriquement pour tous les enfants des classes populaires urbaines. La tutelle qui s'exerce sur le petit n'est plus tutelle d'exception, réservée au marginal, à l'indigent, au futur ouvrier de 8 ans. Le sujet auquel s'adressent les structures de garde collective, c'est l'enfant du citoyen, intégré à la cité, un enfant construit sur le type de celui des classes moyennes, destiné à être scolarisé complètement à l'école primaire.

Ce nouveau modèle pédagogique s'appuie sur la vision d'une enfance allongée, enrichie, où la maturité des forces ne doit plus être brusquement devancée mais progressivement conquise dans une succession d'étapes différenciées.

Autour du noyau dur que constituent, en France, les écoles maternelles, la frontière de l'éducabilité collective du jeune enfant n'a fait que s'élargir tout au long du XXe siècle.

Ce fut, en premier lieu, un élargissement social, caractérisé par un usage de plus en plus important de la garde et de l'éducation collective par les classes aisées. D'abord avec l'apparition timide de jardins d'enfants privés laïcs, avec la création de classes enfantines dans les lycées bourgeois.

Ensuite, après la deuxième guerre mondiale, avec l'investissement massif de l'école maternelle elle-même par les cadres et les professions libérales qui amenèrent dans l'école leurs exigences intellectuelles et culturelles, leur mode de sociabilité et qui contribuèrent à faire de l'école maternelle l'un des éléments du parcours de la réussite sociale.

Ce fut également une forme d'élargissement de la frontière de l'éducabilité du jeune enfant avec un abaissement continu de l'âge où la séparation de la mère et de l'enfant pouvait être acceptable.

On sevrait les enfants à 2 ans au XIXe, en France, et il est probable que l'abaissement continu de l'âge du sevrage et le développement de l'allaitement artificiel ont également contribué à faire percevoir l'enfant de 2 ans ou de moins de 2 ans comme un être susceptible d'une éducation collective, ouvrant ainsi un nouveau champ d'intervention et amenant au développement de nouvelles pratiques professionnelles.

Dans cet élargissement des frontières de l'éducabilité publique du jeune enfant, la marque différentielle de l'enfance, c'est-à-dire les caractéristiques qu'on lui attribue en terme d'instinct, d'affect, de capacités intellectuelles s'est trouvée remodelé en même temps que se transformait le contenu de la culture transmise à l'enfant et que se formalisaient des contenus légitimés en programme.

Cet élargissement constant des frontières de l'éducabilité du jeune enfant pose aujourd'hui de nombreux problèmes. Il oblige à repenser les cloisonnements institutionnels anciens, à

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faire éclater les anciens territoires fermés de l'enfance. Plus que jamais, la question de savoir "à qui appartient l'enfant" est une question centrale, qui devrait nous inciter à reconstruire démocratiquement la légitimité de nos actions.

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IMPACT DU PRESCOLAIRE SUR LE DEVENIR SCOLAIRE

Résumé

Ghazi CHAKROUN, Tunisie

L’élaboration de ce modèle d’animation éducative pendant la période du préscolaire représente le cadre théorique et référentiel des activités graphiques et mentales, pour préparer les enfants âgés de 5 à 6 ans à apprendre à lire et à écrire, qu’on a présenté lors des journées internationales audio-visuelles sur l’éducation préscolaire organisés au mois d’avril 1994 à la faculté des sciences de l’Education - Rabat.

Notre projet ne se limite pas à rejeter la situation traditionnelle de l’enseignement de la lecture et de l’écriture au sein des jardins d’enfants ou des écoles maternelles selon le programme de la première année de l’école de base ou élémentaire, mais propose un modèle d’animation socio-éducative susceptible de préparer les enfants aux apprentissages de base (lecture-écriture-calcul) selon la progression de leur niveau cognitif évalué à partir des différentes formes d’expression motrice, langagière et graphique.

Dans ce cadre, notre étude actuelle met en évidence l’influence du programme d’animation éducative (jeu, langage, dessin…) sur la progression d’un niveau cognitif inférieur à un niveau cognitif supérieur (de 1 à 12) évalué d’après les dessins libres des enfants âgés de 3 à 6 ans. Ainsi notre travail portera sur l’influence des opérations maîtrisées par les enfants, selon le développement de leur niveau cognitif évalué d’après leur dessin libre pendant le préscolaire sur leur niveau d’aptitude et de compétence à apprendre à lire et à écrire évalué d’après des tests psychologiques et pédagogiques au début de la scolarité (essentiellement les batteries et l’échelle composite de lecture élaborées par André INIZAN).

Notre recherche est expérimentale nous avons posé des hypothèses nous avons structuré des étapes pour les mettre à l’épreuve selon une étude longitudinale avec des enfants de 3 à 8 ans.

Elle s’apparente aussi à une démarche de type recherche-action : durant trois ans on a proposé une formation continue à un groupe d’animatrices de jardins d’enfants tunisiens à base d’une évaluation formative de l’animation éducative proposée.

Par cette figuration de ce résumé de nos idées, une gradation des niveaux cognitifs influence l’aptitude et la compétence des enfants à apprendre à lire et à écrire à la fin du préscolaire et au début de la scolarité. Elle apparaît en rapport avec le développement de la pensée et le modèle d’apprentissage élaboré selon des bases scientifiques et pédagogiques et adopté par l’institution éducative et la société.

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LA SITUATION DU PRESCOLAIRE AU MAROC

Brigitte EL ANDALOUSSI, Maroc

Avec mes collègues de l’équipe A.T.A.L.E. (Alliance de Travail dans la Formation et l’ Action pour L’E nfance), nous avons estimé que nous ne pouvions pas organiser cette rencontre internationale sans accorder un moment à la présentation de la situation de l’éducation préscolaire au Maroc. C’est donc ce que je vais tenter de faire dans cette communication.

Je présenterai successivement les différents types de structures préscolaires qui cohabitent puis je décrirai un peu plus longuement les deux structures d’accueil les plus fréquentées par les enfants et enfin, j’aborderai la question du rôle des parents dans ce secteur. Mais pour commencer, je souhaiterais attirer votre attention sur la complexité du système préscolaire. En effet, le préscolaire au Maroc : - appartient dans sa totalité au secteur privé et relève de plusieurs instances de tutelles relativement cloisonnées, - fonctionne avec une majorité d’éducateurs n’ayant bénéficié d’aucune formation spécifique dans le domaine de la petite enfance, - Se compose de différents types de structures d’accueil dans lesquelles chacune définit ses orientations pédagogiques sous la pression des parents. Nous allons essayer de répertorier l’ensemble de ces structures d’accueil. I- LES DIFFERENTS TYPES D’INSTITUTIONS PRESCOLAIRES

Actuellement, environ 820 000 enfants, entre trois et sept ans fréquentent une institution préscolaire, soit environ 1 enfant sur 3. Ces structures d’accueil peuvent être classées en quatre grandes catégories. • Les écoles maternelles

Elles relèvent de différentes ambassades (française, espagnole et américaine). Ces écoles sont fréquentées par des enfants étrangers mais elles accueillent également des enfants marocains. C’est l’école française qui regroupe, dans cette catégorie, le plus grand nombre d’enfants (environ 1900) avec une vingtaine d’établissements implantés dans les principales villes du pays. Ces écoles maternelles bénéficient d’une grande autonomie, les enseignants suivent les programmes du système éducatif de leur pays respectif.

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LES STRUCTURES PRESCOLAIRES AU MAROC

ETABLISSEMENTS PRESCOLAIRES MODERNES

JARDINS D’ENFANTS (Garderies - Crèches)

ECOLES MATERNELLES

M’sid Kouttab

préscolaires

MINISTERE DES

HABOUS ET DES

AFFAIRES ISLAMIQUES

Jardins d’enfants

Groupes scolaires

Ministère de l’Education Nationale*

• Direction de l’Appui Educatif

• Direction de la Coopération et de la promotion de l’Enseignement Privé

DEPARTEMENTS

MINISTERIELS

• Ministère de la Jeunesse et des Sports. • Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales

INSTITUTIONS PUBLIQUES

OU ORGANISMES NON

GOUVERNEMENTAUX

• Forces Armées Royales. • Ligue de Protection de l’Enfance. • Office Chérifien des phosphates

SERVICES CULTURELS DE

DIFFERENTES AMBASSADES • France • Etats-Unis • Espagne

* Selon le nouvel organigramme du ministère de l’Education nationale du 31-10-97, adopté par le Conseil des ministres le 17-01-98

ECOLES CORANIQUES

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• Les jardins d’enfants Ils sont également appelés garderies d’enfants, clubs d’enfants ou encore crèches. Ils

relèvent de départements ministériels : le ministère de la Jeunesse et des Sports et le ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales, d’instances publiques ou semi-publiques (comme les Forces Armées Royales, l’Office Chérifien des Phosphates, la Banque Populaire…) ou encore d’organismes non gouvernementaux (comme la Ligue de Protection de l’Enfance ou diverses associations). Ces jardins d’enfants ont souvent une visée sociale et sont implantés dans les différentes provinces du Maroc.

Dans cette catégorie, c’est le Ministère de la Jeunesse et des Sports qui accueille le plus grand nombre d’enfants, environ 14 200, dans ses 284 établissements.

Ces jardins d’enfants bénéficient d’une aide de la part de leur organisme de tutelle sous des formes diverses : octroi de locaux, mise à disposition de personnel, organisation de stages de formation … • Les établissements préscolaires modernes

Ils peuvent être des jardins d’enfants ou des groupes scolaires. Le groupe scolaire est une institution qui ne se limite pas à l’enseignement préscolaire mais englobe tout le primaire et quelquefois même le secondaire.

Ces établissements sont placés sous la tutelle de la Direction de la Coopération et de la Promotion de l’Enseignement Privé du ministère de l’Education nationale qui est habilitée à délivrer les autorisations d’ouverture et à assurer la supervision pédagogique. Ces établissements sont le plus souvent bilingues et optent pour un enseignement moderne.

• Les écoles coraniques

Elles se divisent en deux catégories. Nous distinguons les M’sid, structures traditionnelles, placées sous la tutelle du ministère des Habbous et des Affaires Islamiques et les Kouttab préscolaires placés sous la tutelle de la Direction de l’Appui Educatif du ministère de l’Education nationale qui est habilitée à délivrer les autorisations d’ouverture et à en assurer la supervision pédagogique.

Le M’sid se situe généralement à côté de la mosquée et a pour principale vocation l’éducation religieuse de l’enfant. Ces structures se rencontrent surtout en milieu rural.

Le Kouttab préscolaire est une institution qui se situe à mi-chemin entre le M’Sid et le Jardin d’enfants. Comme le souligne une étude évaluative des actions du ministère de l’Education nationale, l’école coranique moderne «ne répond pas aux normes idéales d’infrastructures et d’équipement d’une institution préscolaire mais, elle ne présente pas moins une version améliorée du M’sid »1

Enfin signalons que depuis la rentrée scolaire 96/97, Monsieur le ministre de l’Education nationale encourage, les écoles primaires des zones rurales lorsque l’effectif d’enfants est faible à accueillir des enfants dès l’âge de 5 ans. Cependant, cette mesure est trop récente pour que l’on puisse en décrire l’impact.

Voyons à présent quelques données chiffrées relatives aux nombres d’institutions et aux effectifs d’enfants préscolarisés.

1 LAMDASNI A., BENLAFKIH L., FATIHI M., ELHOSNI R., ALAOUI A. (1993) Etude évaluative des actions du Ministère de l’Education Nationale. Rabat: Etude réalisée dans le cadre de la coopération ministère de l’Education Nationale - UNICEF.

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II - QUELQUES DONNEES CHIFFREES2 RELATIVES AUX NOMBRES D’INSTITUTIONS ET AUX EFFECTIFS D’ENFANTS PRESCOLAR ISES

Répartition des établissements et des enfants selon le type de structures préscolaires *

TTYYPPEE DDEE SSTTRRUUCCTTUURREESS PPRREESSCCOOLLAAIIRREESS

Nb d’établissements

%

Nb d’enfants

%

Kouttab préscolaires

28 095

86.43

599 266

73.09

Les établissements préscolaires modernes ( jardins d’enfants et groupes scolaires)

3926

12.07

197 403

24

Jardins d’enfants Ministère de la Jeunesse et des Sports Ministère de l’Emploi et des Affaires sociales

483

1.48

23 219

2.83

TTOOTTAALL

32 504

100

819 888

100

* Ces estimations sont fournies par la Direction des Statistiques dans « LES INDICATEURS SOCIAUX 1996 », Premier Ministre - Ministère Chargé de la population

Au Maroc, la structure d’accueil préscolaire qui prédomine est le Kouttab préscolaire ou école coranique rénovée3. Il représente plus de 86% des établissements existants. Les établissements préscolaires modernes représentent 12% des structures d’accueil et les jardins d’enfants arrivent en troisième position, avec un peu plus d’1,48%.

Sur l’ensemble des enfants préscolarisés, 73% d’entre eux vont dans un Kouttab, et près de 27% fréquentent un établissement préscolaire moderne ou un jardin d’enfants.

Répartition des filles selon le type de structures préscolaires *

TTYYPPEE DDEE SSTTRRUUCCTTUURREESS PPRREESSCCOOLLAAIIRREESS

Nb d’enfants

Nb de filles

%

Kouttab préscolaires

599 266

153 286

25.57

Les établissements préscolaires modernes ( jardins d’enfants et groupes scolaires)

197 403

87 991

44.57

Jardins d’enfants Ministère de la Jeunesse et des Sports Ministère de l’Emploi et des Affaires sociales

23 219

N. C.

N.C.

* Ces estimations sont fournies par la Direction des Statistiques dans « LES INDICATEURS SOCIAUX 1996 », Premier Ministre - Ministère Chargé de la population

Dans le Kouttab, nous assistons à une sous-représentation des fillettes avec seulement 25% contre 75% de garçons. Par contre, dans les établissements préscolaires modernes le taux des fillettes est presque égal à celui des garçons. Ces inégalités n’incombent pas au type de l’institution mais plutôt à son lieu d’implantation. En effet, dans les grandes villes, le taux de préscolarisation des filles dans les écoles coraniques est très proche de celui des établissements préscolaires modernes. ( 44% pour Casablanca et même 52% pour Rabat). Par contre, dans certaines zones du Nord Ouest, le Kouttab n’accueille pratiquement aucune fille comme à Chefchaouen avec 1.6% de fillettes ou à Larache avec 2.1%. Revenons à présent sur le Kouttab préscolaire qui représente incontestablement la structure d’accueil la plus fréquentée. 2 DIRECTION DES STATISTIQUES (1996) Les indicateurs sociaux 1996. Royaume du Maroc. Premier Ministre. Ministère chargé de la population : pp. 166-167 ; 272-273 ; 351-355. 3 BEN EL AZMIA A. (1988) Evaluation de la réforme de l’école coranique. Rabat: Etude effectuée pour l’UNICEF.

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III - LE KOUTTAB PRESCOLAIRE

En effet, sur l’ensemble des enfants préscolarisés, sept enfants sur dix vont dans un Kouttab. C’est aussi l’institution la plus mal connue du public. Nombreuses sont les personnes qui ont fréquenté l’école coranique dans leur jeune âge et qui pensent que cette institution est restée la même.

Les Kouttab sont au nombre de 28 095, ils sont implantés dans l’ensemble du Royaume. Dans les villes et dans les petits centres urbains, les M’sid traditionnels (école religieuse tenue par un fkih qui enseigne aux enfants des versets du Coran sur une petite tablette de bois), ont connu des transformations4 à partir des années 60. En effet au lendemain de l’Indépendance, le développement de l’école publique entraîne des changements sociaux. Les parents qui traditionnellement mettaient leurs enfants dans des écoles coraniques vers l’âge de quatre ans jusqu’au moment de leur entrée dans la vie active vers 10 - 12 ans les envoient dorénavant à l’école publique. Il ne reste plus dans les écoles coraniques que les plus jeunes enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la scolarisation. L’école publique va non seulement absorber une grande partie des enfants mais également des enseignants. Ces derniers, seront mis à contribution pour l’enseignement de la langue arabe et de l’éducation islamique.

C’est le Discours Royal du 9 octobre 1968 qui va institutionnaliser ce nouveau rôle du Kouttab en lui donnant une double dimension : ancrer le jeune enfant dans son identité arabo-musulmane et le préparer à l’école primaire grâce à l’introduction de nouvelles activités comme la lecture, l’écriture et le calcul, le chant et la culture physique.

L’histoire de l’évolution du Kouttab préscolaire nous permet de souligner l’adaptabilité sociale de cette institution et l’originalité du modèle marocain qui a su intégrer cette institution ancestrale dans sa politique éducative. 1. Description des Kouttab préscolaires5

Ils sont situés au rez-de-chaussée de maison d’habitation à un ou deux étages. Deux à quatre pièces font office de salles de classe dans lesquelles les enfants sont répartis par tranche d’âge, une pièce est réservée au bureau du responsable du Kouttab. La cour de récréation est souvent inexistante. Le mobilier se compose de pupitres et de bancs pour les enfants, d’un bureau et d’un tableau pour le maître. Ce tableau constitue souvent l’unique support pédagogique.

Le nombre d’enfants par salle de classe est toujours excessif car du fait de la scolarité payante et du faible montant mensuel exigé aux parents (en moyenne de 10 à 80 dirhams), le directeur est contraint à multiplier le nombre d’inscrits pour permettre à son institution de survivre. Il est à remarquer qu’en zone urbaine, où près d’un quart de la population féminine est active, certains Kouttab accueillent également des bébés.

Les pratiques pédagogiques vont être en grande partie, déterminées par le type du local, son aménagement et son mobilier. Il est évident que cette organisation favorise une pédagogie centrée sur le maître et des activités d’apprentissage et de mémorisation.

Toutes les activités favorisant le mouvement, la créativité, la communication, l’autonomie et le jeu chez l’enfant trouvent difficilement leur place.

De façon générale, il existe une très forte corrélation entre la situation générale du Kouttab et le niveau socio-économique du quartier dans lequel il se situe. 2. Les éducateurs des Kouttab

Dans les Kouttab, le personnel est formé du directeur (qui peut être un fkih) et d’un nombre variable d’éducatrices et d’éducateurs. En effet, l’introduction de nouvelles activités 4 BOUZOUBAA. K. (1997) Une innovation pédagogique dans le préscolaire coranique au Maroc. In : Rayna S. Dajez F. Formation, petite enfance et partenariat. Paris : l’Harmattan. 5 EL ANDALOUSSI B. (1994) L’éducation pour la santé en milieu marocain. In: Actes des Journées Internationales Audiovisuelles sur l’Education Préscolaire. Rabat: ATFALE, faculté des Sciences de l’Education: pp. 171-182.

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éducatives dans les Kouttab a conduit l’ancien fkih à recruter de jeunes gens souvent en rupture de scolarité.

Le directeur a rarement la responsabilité de la classe, il s’occupe surtout de veiller à la «bonne marche » de son institution: gestion des frais de scolarité et surveillance du personnel. Le nombre d’éducateurs dans le Kouttab est toujours calculé en fonction du nombre des classes, on ne rencontre jamais de personnel supplémentaire. Nous avons au total 29 525 éducateurs dans les Kouttab. Leur niveau scolaire se situe entre la fin de l’enseignement primaire et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. La rémunération dans ce secteur est très faible et les conditions de travail très précaires ce qui explique la grande instabilité du personnel de ce secteur. Il n’existe aucun statut de l’éducateur. 3. L’encadrement pédagogique6 a/ Les conseillers pédagogiques

L’encadrement pédagogique du personnel des Kouttab est assuré par environ 500 conseillers pédagogiques qui sont des fonctionnaires du ministère de l’Education nationale.

Au départ, cette fonction a été proposée à des personnes âgées ayant exercé la fonction d’instituteur pendant environ 25 ans et ayant une connaissance parfaite du Coran. Leur identité professionnelle première les entraîne bien souvent à reproduire le système de l’école primaire dans le Kouttab plutôt que de participer à une définition de l’éducation préscolaire.

Cependant, depuis 1992 le ministère de l’Education nationale a décidé d’appliquer des normes plus strictes pour le recrutement de ces conseillers pédagogiques. Il privilégie les personnes âgées de moins de 45 ans, lauréats du Centre de Formation des Instituteurs et ayant une expérience d’animation et de communication. b/ Les inspecteurs

Depuis 1992, le Ministère de l’Education Nationale a également mis à la disposition du préscolaire 14 inspecteurs, lauréats du Centre de Formation des Inspecteurs.

De 1990 à 1995, les éducateurs, les conseillers pédagogique et les inspecteurs ont pu bénéficier dans sept délégations du Maroc d’une formation-continue dans le cadre d’une recherche-action visant l’introduction de l’innovation pédagogique dans les Kouttab préscolaires7. Ce projet s’est déroulé dans le cadre d’un partenariat entre l’équipe .T.F.A.L.E. et la Direction du Préscolaire et du Premier Cycle de l’Enseignement Fondamental8. IV - LES ETABLISSEMENTS PRESCOLAIRES MODERNES

Nous ne nous étendrons pas sur les établissements préscolaires modernes si ce n’est pour relever les éléments essentiels qui les différencient du Kouttab préscolaire. Les établissements préscolaires modernes, au nombre de 3926, sont en augmentation constante ces 3 dernières années. Ils se situent essentiellement dans les zones urbaines et sont implantés en majorité dans des quartiers économiquement favorisés. Les frais de scolarité se situent dans une fourchette très large (qui va de 150 dirhams à plus de 1000 dirhams par mois).

Leurs locaux sont installés dans des villas dont le jardin sert de cour de récréation. Il est à noter que les nouveaux groupes scolaires qui disposent de moyens financiers importants

6 EL ANDALOUSSI K (1995) Développement de la recherche-action et contribution à l’innovation de l’éducation préscolaire au Maroc. Thèse pour le doctorat d’Etat en sciences psycho-pédagogiques. Université de Mons, Hainaut. p. 271- 274. 7 EL ANDALOUSSI K. (1992) Le projet ATFALE : Une expérience d’innovation dans l’éducation préscolaire au Maroc. In: Actes du Premier Colloque Maghrébin sur l’Education Préscolaire : Théories et Pratiques. Rabat: ATFALE, faculté des Sciences de l’Education, pp.37-48. 8 FAIQ. M. (1995) Etude évaluative de la phase de diffusion du projet Koranic-Preshools, M.E.N., Direction de l’Enseignement Préscolaire et du Premier Cycle de l’Enseignement Fondamental / Faculté des Sciences de l’Education, Equipe ATFALE, Rabat.

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tendent à construire leur établissement et de ce fait proposent des infrastructures mieux adaptées aux jeunes enfants.

La majorité de ces institutions préscolaires pratiquent un enseignement bilingue. Les pratiques éducatives se limitent souvent à une juxtaposition d’activités sans continuité ni progression.

Le personnel est composé du chef d’établissement, d’éducatrices et « d'aides ». Le chef d’établissement joue le rôle de « leader» pédagogique. C’est lui qui conçoit les programmes et prépare les activités. Les éducatrices se limitent souvent à exécuter ses directives.

Actuellement, dans ce secteur nous comptons 7028 éducatrices. Contrairement à leurs collègues des Kouttab, elles sont plus stables dans la profession dans la mesure où elles sont mieux rémunérées. Elles ont également un niveau d’étude supérieur à celui de leurs collègues des Kouttab. Leur niveau d’étude se situe entre la fin des études secondaires et la licence. Là encore, l’immense majorité n’a bénéficié d’aucune formation dans le domaine de la petite enfance. Cependant certains chefs d’établissement commencent à sentir la nécessité d’instaurer un système de formation continue pour leurs enseignants.

Dans ce cadre, le Service Culturel de l’Ambassade de France a initié, depuis 1995, un projet de formation continue pour les groupes scolaires et les jardins d’enfants. Les Instituts Français organisent, dans plusieurs villes du Maroc, en coopération avec l’équipe A.T.F.A.L.E., des sessions de formation continue en faveur des éducatrices. Voici donc rapidement présentés les 2 types de structures d’accueil les plus fréquentées. Passons à présent à la place des parents dans le préscolaire.

V - LE ROLE DES PARENTS DANS LE PRESCOLAIRE MAROCA IN

Les parents jouent un rôle primordial dans la définition de l’éducation préscolaire au Maroc dans la mesure où ils financent entièrement la préscolarisation de leurs enfants. Ils définissent des attentes vis à vis de l’institution et n’hésitent pas à retirer leurs enfants si elles ne sont pas respectées. Cette pression constante pousse bien souvent le chef d’établissement à faire passer les exigences des parents avant l’intérêt du jeune enfant. Ainsi, le rôle de l’institution préscolaire varie de la ville à la campagne, d’un quartier à un autre, d’une catégorie sociale à l’autre. Il peut être tour à tour lieu de gardiennage, lieu d’éducation religieuse, lieu d’alphabétisation, lieu d’apprentissage des langues étrangères ou bien encore un brassage de l’ensemble. Cependant, la tendance générale soutenue par la pression des parents veut que l’institution préscolaire soit le lieu où les enfants apprennent à lire et à écrire sans aucune considération de leur âge. Cet apprentissage précoce semble garantir à leurs yeux la réussite scolaire future de leurs enfants. Cette situation rencontre l’adhésion des éducateurs qui n’ayant ni formation ni expérience personnelle de l’école maternelle n’ont qu’à reproduire le modèle de l’école primaire tel qu’ils l’ont eux-mêmes vécu. L’institution préscolaire tente d’imiter l’école primaire en reproduisant ses activités et en imposant des apprentissages et des méthodes inadaptées aux aptitudes des jeunes enfants. L’éducateur s’adresse en permanence à l’ensemble des enfants, le travail en petits groupes et la relation individualisée sont quasi absents.

Les activités ludiques, l’éducation physique, les arts plastiques, l’éducation musicale constituent souvent aux yeux de l’éducateur des activités récréatives et ne sont proposées qu’en guise de récompenses.

A l’heure actuelle, où de nouvelles aptitudes telles que la créativité, l’adaptabilité, l’initiative, sont attendues sur le marché du travail, ces méthodes pédagogiques apparaissent de plus en plus en déphasage avec les compétences à développer chez le jeune enfant.

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CONCLUSION

Je crois qu’au terme de cet exposé nous comprenons mieux pourquoi j’avais parlé, en débutant cet exposé, de situation complexe. En effet :

- Comment parvenir à une définition et à une organisation consensuelles du préscolaire compte tenu de la diversité des institutions et des instances de tutelle ?

- Comment répondre aux besoins de formation de plus de 35000 éducateurs déjà en activité ? - Comment définir une formation initiale qui répond aux besoins réels de la société et qui

implique tous les acteurs du préscolaire ? - Comment impliquer les parents pour un meilleur développement de ce secteur ? - Comment développer une éducation préscolaire qui ne vienne pas aggraver les inégalités

socioculturelles ? - Comment créer un réseau de solidarité et de communication entre les établissements ?

Nous espérons que ces trois jours apporteront des éléments de réponse à l'ensemble de ces questions.

BIBLIOGRAPHIE

ATFALE. (1990-1991) Projet d’introduction de l’innovation dans le préscolaire. Rabat: Rapport d’Activités : Faculté des Sciences de l’Education. ATFALE. (1992-1993) Projet d’introduction de l’innovation dans le préscolaire. Rabat: Rapport d’Activités : Faculté des Sciences de l’Education. BEN EL AZMIA A. (1988) Evaluation de la réforme de l’école coranique. Rabat: Etude effectuée pour l’UNICEF. BOUZOUBAA. K. (1997) Une innovation pédagogique dans le préscolaire coranique au Maroc. In : Rayna S. ,Dajez F. Formation, petite enfance et partenariat. Paris : l’Harmattan. DIRECTION DES STATISTIQUES (1996) Les indicateurs sociaux 1996. Royaume du Maroc. Premier Ministre. Ministère chargé de la population : pp. 166-167 ; 272-273 ; 351-355. EL ANDALOUSSI B. (1994) L’éducation pour la santé en milieu marocain. In: Actes des Journées Internationales Audiovisuelles sur l’Education Préscolaire. Rabat: ATFALE, faculté des Sciences de l’Education : pp. 171-182. EL ANDALOUSSI K. (1992) Le projet ATFALE : Une expérience d’innovation dans l’éducation préscolaire au Maroc. In: Actes du Premier Colloque Maghrébin sur l’Education Préscolaire : Théories et Pratiques. Rabat: ATFALE, faculté des Sciences de l’Education, pp.37-48. EL ANDALOUSSI K (1995) Développement de la recherche-action et contribution à l’innovation de l’éducation préscolaire au Maroc. Thèse pour le doctorat d’Etat en sciences psycho-pédagogiques. Université de Mons, Hainaut. p. 271- 274. FAIQ. M. (1995) Etude évaluative de la phase de diffusion du projet Koranic-Preschools, Ministère de l’Education Nationale, Direction de l’Enseignement Préscolaire et du Premier Cycle de l’Enseignement Fondamental / Faculté des Sciences de l’Education, Equipe ATFALE, Rabat. LAMDASNI A., BENLAFKIH L., FATIHI M., ELHOSNI R., A LAOUI A. (1993) Etude évaluative des actions du Ministère de l’Education Nationale. Rabat: Etude réalisée dans le cadre de la coopération ministère de l’Education Nationale - UNICEF. PILLODS S. (1994 novembre) Institutions préscolaires au Maroc. Ici, on ne joue pas, on apprend. Enfant d’abord: pp. 24-26. WAGNER D.A. (1993) Literacy, culture and developement. Becoming literate in Morocco. Cambridge University Press.

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Deuxième séance

IMPORTANCE DE L’IMPLICATION DES PARENTS DANS L’EDUCATION PRESCOLAIRE

Président : Boubker BEN OMAR

Rapporteur : Christine BERNABEU

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MOBILISER LES MERES POUR L’EDUCATION PRESCOLAIRE DE LEURS ENFANTS

Résumé

Yvette POLI, France

(Projet issu du séminaire inter états sur la Prime enfance en Afrique noire francophone à Ouagadougou en septembre 1996. Expérience de l’association des femmes de Jigiya de la commune II de Bamako au mali.)

Dans les pays d’Afrique Noire francophone, quelques pour cent seulement des jeunes enfants bénéficient d’une préscolarité. Les bénéficiaires sont surtout les familles les plus aisées et les petites filles sont très souvent très minoritaires.

Le «Clos d’enfants » s’inspire de pratiques traditionnelles aujourd’hui abandonnées. C’est un lieu pourvu de l’équipement minimum pour accueillir dans de bonnes conditions sanitaires et éducatives 15 enfants de 3 à 6 ans – Un espace avec de l’ombre, de l’eau potable, des latrines, où on peut parler, jouer, construire, utiliser le sable, l’argile, chanter, écouter des histoires, se nourrir convenablement dans un site sécurisant, un espace social à la taille des enfants.

Le « clos » mobilise des femmes du quartier (une quinzaine) qui par 2 ou 3 assurent chaque jour de 8h à 14h collation, repas et autres activités où 3 générations (mères, grand-mères, futurs mères) coopèrent.

Une 1ère expérience est lancée à Bamako et fonctionne depuis le 3 mars 97. Deux autres « clos » vont voir le jour fin décembre 97.

Les 3 « clos », situés dans 3 lieux particuliers de la commune II, visent tous les enfants de 3 à 6 ans d’un quartier, en particulier ceux des familles nécessiteuses ou en difficulté, chez qui ils veulent inscrire des habitudes d’hygiène, d’alimentation, d’apprentissage.

Trois « clos » dans la commune, cela fait 45 enfants et 45 femmes mobilisées, le projet étant d’arriver à 10 « clos » c’est à dire 150 enfants pour cette commune, une des plus peuplées de la ville; ce n’est pas suffisant mais c’est autant d’enfants écartés des nuisances quotidiennes des rues.

Les caractéristiques d’une telle structure : Accueil d’un petit nombre / Appui sur une structure évitant les investissements immobiliers / Réalisation communautaire mobilisant sur des périodes variables et d’une manière volontaire des familles dans lesquelles les femmes de 3 générations, sans hiérarchie interne s’organisent et agissent /

La prise en compte du développement de l’enfant dans sa globalité et peut être le déclenchement de ce « besoin d’école » pour lutter contre l’illettrisme. /Animer également une campagne de sensibilisation des autorités SANTE, EDUCATON, AFFAIRES SOCIALES. / Mise en place d’une équipe de supervision…

Pour ce faire, une formation minimale a été mise en place : théorie, pratique, réflexion et approfondissement. Elle est assurée par les CEMEA du MALI et s’étale de janvier à décembre, le stage pratique de 6 mois environ le plus délicat à assurer.

Ce projet intéresse de nombreux pays : Niger, Tchad, Burkina Faso, Guinée, Sénégal… tant en ville que dans les villages de la brousse d’une manière saisonnière. Ils s’inscrit dans les activités du Réseau Africain Prime Enfance qui bénéficie du soutien de l’UNESCO à travers le partenariat FICEMEA – UNESCO et du soutien de l’UNICEF.

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MODELES EDUCATIFS INSTITUTIONNELS ET FAMILIAUX

ET PRATIQUES EDUCATIVES DANS LES CLASSES PRESCOLAIRES

ETUDE COMPARATIVE

Tchirine MEKIDECHE, Algérie

Cette communication propose une analyse critique comparative des modèles éducatifs à l'œuvre dans la prise en charge d'enfants d'âge préscolaire tels qu'ils apparaissent dans les finalités assignées à l'éducation préscolaire par l'organisme de tutelle, dans les pratiques éducatives réelles telles qu'observées dans les classes préscolaires ainsi que dans les attitudes et pratiques éducatives des familles vis-à-vis de cette tranche d'âge qui, à défaut de préscolarisation, est autorisée à aller jouer "dehors", dans la "zanka"1. Le but est de mettre en évidence l'écart et/ou la similitude entre modèles éducatifs institutionnels vs familiaux, modèles éducatifs institutionnels vs pratiques éducatives réelles en classe, pratiques éducatives institutionnelles vs familiales. Cette analyse de la réalité éducative, de ses "pourquoi" et "comment-faire alors", devrait permettre de réfléchir à des modalités de prise en charge institutionnelle et familiale des moins de six ans, plus en prise avec la réalité éducative au Maghreb. I . REALITES DE L’EDUCATION PRESCOLAIRE EN ALGERIE

Durant les trois premières décennies2 l'éducation préscolaire n'a pas fait l'objet d'une

demande sociale suffisante pour donner lieu à la même attention et aux mêmes efforts financiers, matériels et humains consentis par les pouvoirs publics à l'enseignement primaire, moyen et secondaire. La prise en charge institutionnelle des moins de six ans a été totalement supprimée en 1976 et laissée à l'entière initiative des entreprises et organismes publics qui employaient un nombre important de femmes pour lesquelles se posait un réel problème de garde de leurs enfants pendant les horaires de travail.

Aussi dès les années 70, de grandes sociétés nationales ( Sonatrach, Sonelgaz, Sonarem, Cnan...), des ministères (PTT, Travaux Publics, Armée, Finances...), les autorités locales (APC, Conseil Populaire...), des organisations de masse (UNFA, Croissant Rouge Algérien..) ouvrent des jardins d'enfants, plus souvent dénommés garderies et en confient la gestion à leurs oeuvres sociales. C'est dire l'objectif éminemment social de cette institution destinée d'abord à venir en aide aux femmes travailleuses et aux familles nécessiteuses, institution qui ne peut assurer qu'un rôle pratique et immédiat de garde. Une très forte disparité dans la tutelle et la gestion administratives, la qualification du personnel, l'architecture et les capacités d'accueil de ces établissements résulte de cet état de fait.

1 Communication au Colloque international sur "L'éducation préscolaire: problématiques et perspectives" organisé par l'Université Mohammed V à Rabat, les 26-27-28 novembre 1997 2 Après le recouvrement de la souveraineté nationale en 1962.

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En 1976, dans le cadre de la réforme de l'enseignement et de la création de l'Ecole Fondamentale, est instituée l'école préparatoire. D'une durée de 2 ans, elle s'adresse aux enfants de 4 à 6 ans, dans des classes préparatoires, au sein même des établissements scolaires du cycle primaire. Très peu d'écoles primaires ont été et sont encore en mesure d'ouvrir des classes préparatoires. Actuellement, seul un très faible pourcentage d'enfants bénéficie d'une éducation préscolaire institutionnelle. Le nombre des jardins d'enfants est d'une insuffisance criante au regard de la population d'âge préscolaire. Certes, des jardins d'enfants privés et payants s'ouvrent çà et là, préscolarisant des enfants de milieux en général citadins et aisés. Mais la grande majorité des enfants reste à la maison...ou ailleurs3. II . MODELES EDUCATIFS INSTITUTIONNELS : LES FINAL ITES DE L’ECOLE PREPARATOIRE En 1990, la sous-direction de l'enseignement spécialisé du Ministère de l'Education Nationale formalise et diffuse, sous forme de livret de 90 pages édité par l'Institut Pédagogique National, un ensemble de directives officielles qui définissent de façon précise et détaillée les objectifs de l'enseignement préparatoire, les compétences à acquérir par l'élève en fin d'école préparatoire, le principe de base de sa pédagogie, les différentes activités d'enseignement, les contenus, les horaires et la méthode à suivre pour chaque activité. L'objectif majeur de ces textes élaborés sur le modèle des directives pédagogiques de l'enseignement primaire et secondaire, est de réaliser une homogénéisation et unification du fonctionnement pédagogique des multiples et si différents établissements préscolaires, mais surtout de permettre l'exercice effectif de la tutelle pédagogique du Ministère de l'Education sur ce type de prise en charge éducative. Mais ils constituent surtout une tentative d'instrumentalisation et de didactisation de l'éducation préscolaire. Ils inscrivent d'emblée l'école préparatoire dans deux grands courants de pensée dominants. Le premier, celui de la pédagogie de compensation qui veut que l'institution préscolaire soit le premier instrument de justice sociale, celle qui "consolidera et renforcera l'éducation familiale et palliera à certains de ses manques, de ses déficits. " 4 Le second , puérocentriste de type rousseauiste, met l'accent sur l'enfant, sur son individualité et son développement. Il s'agira alors pour l'école préparatoire," d'aider les enfants à épanouir leur potentiel de capacités et d'aptitudes, à exercer leurs sens et à construire leurs facultés intellectuelles". Huit objectifs sont assignés à cette prise en charge correspondant pour beaucoup aux aspects classiques de l'éducation préscolaire: besoins de socialisation de l'enfant (les habituer à l'effort et au travail en groupe), de développement physique et intellectuel, aux aspects moraux, civiques, religieux. Les textes définissent également les compétences à acquérir par l'enfant. Il s'agit ainsi pour lui, de " pouvoir converser de manière simple, savoir poser des questions et savoir répondre aux questions, connaître quelques sourates du Livre Sacré, le Coran, avoir acquis les habitudes de civisme de la vie quotidienne, les notions de temps, une bonne coordination et une motricité fine, sortir de son égocentrisme". Les activités éducatives consistent en activités d'observation, de langage, en éducation sensorielle, physique, psychomotrice, islamique, esthétique et en jeux éducatifs.

III . PRATIQUES EDUCATIVES EFFECTIVES DANS 3 Comme nous l'analyserons un peu plus loin. 4 Jardin d'enfants Nassiba Malki à El-Biar et La Boulonnerie à Chéraga, sous tutelle du Conseil Populaire de la ville d'Alger.

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LES CLASSES PRESCOLAIRES Les pratiques éducatives réelles des éducatrices ont été observées au sein de différentes classes de deux jardins d'enfants du grand Alger 5, dans le cadre d'un mémoire de fin de licence 6. Les données ont été recueillies grâce à une grille d'observation directe des interactions maîtresse - élèves, adaptée du Dyadic System 7 (7). La grille comprend 7 catégories d'interactions subdivisées en sous-catégories avec des indicateurs comportementaux: ordonne; impose; interdit; stimule; interroge; évalue. Les résultats présentés dans les tableaux et figures ci-dessous concernent les pratiques des éducatrices d'un seul jardin d'enfants. La figure 1 donne la distribution des fréquences d'interactions maîtresse-élèves en fonction des sept catégories comportementales définies.

TABLEAU 1

Distribution des interactions maîtresse-élèves par catégorie

1. Donne des ordres 2. Impose 1. Interdit

Total:

31,88 % 17,29 % 13,86 %

63,03 %

2. Stimule Total:

7,56 % 7,56 %

5. Interroge 3. Evalue

Total:

16,57 % 13,86 %

30,43 %

63 % des interactions maîtresse - élèves, soit les 2/3 du volume global des échanges consiste en comportements traduisant l'exercice du pouvoir vertical de la maîtresse, au travers d'attitudes directives, prenant peu en compte les désirs, idées ou sentiments de l'élève relatifs à la tâche (catégories 1, 2, 3 ). Les stimulations (catégories 4 et 5), dont le but principal est de permettre à l'enfant de s'engager, de prendre l'initiative d'un comportement original représentent le plus faible pourcentage d'occurrences. Un pourcentage appréciable de comportements, 30 %, concerne des fonctions de contrôle, de vérification, de censure (catégorie 6), mais surtout d'activités type apprentissage scolaire formel avec questionnement type leçon didactique d'apprentissage des langages fondamentaux de l'école primaire, lecture et calcul. (catégorie 5).

Si l'on compare le pourcentage d'occurrences des différents types de catégories selon le contexte d'activités - libres ou dirigées - et selon la nature de cette activité - jeux, dessin, activités d'expression - nous constatons une grande similitude entre eux (Tableau 2). Les taux d'occurrence des différentes catégories comportementales sont en majorité identiques. Les éducatrices différencient peu les contextes d'activités - libres vs dirigées témoignant ainsi d'une uniformité et d'un dirigisme certains dans leurs comportements éducatifs auprès des jeunes enfants de leur institution, dirigisme voire autoritarisme allant jusqu'aux sanctions corporelles, punitions diverses, en totale contradiction avec les exigences spécifiques aux différents types et natures d'activités préscolaires.

Figure 1

5 Traduit librement du texte en arabe. 6 Boucetta Fadila, Heni Sabrina, Analyse des pratiques éducatives dans les jardins d'enfants algériens, Mémoire de fin de Licence en Sciences de l'Education, sous la direction de Tchirine Mekideche, Université d'Alger, 1990 7 Good et Brophy, 1970

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Taux global des interactions maîtresse - élèves par catégorie comportementale

31,88%

17,29%13,86%

7,56%

16,57%13,86%

0,00%

5,00%

10,00%

15,00%

20,00%

25,00%

30,00%

35,00%

40,00%

Donnedes

ordres

Interdit Stimule Interroge

Tableau 2 . Taux global d'interactions maîtresse -élèves par catégorie selon le type d'activités

Jeux libres/ dirigés Dessins/ dirigés Activités d'expression/

Activités d'apprentissage Donne des ordres 38.18 / 38.23 25.97 / 23.52 31.48 / 21.11

Impose 10.90 / 23.52 12.98 / 14.70 15.33 / 19.52 Interdit 20 / 20.58 15.58 / 17.64 18.45 / 9.65

Interroge 14.55 / 5.88 12.98 / 14.70 12.03 / 13.33 Stimule 5.25 / 2.94 11.68 / 8.82 7.17 / 11.70 Evalue 7.27 / 8.82 14.28 / 14.70 11.27 / 27.18

Ces pratiques sont à corréler aux insuffisances liées aux types de formation professionnelle offerts à ces éducatrices, mais surtout à leur représentation des rôles et fonctions de l'éducation préscolaire et d'éducatrice de jardin d'enfants assimilés à ceux, plus didactiques, de l'enseignement primaire et qui leur fait adopter le modèle éducatif et relationnel prégnant à l'école primaire, rejoignant également la représentation que s'en font les familles. IV . MODELES EDUCATIFS FAMILAUX : LA "ZANKA" COMME ESPACE D'AUTONOMISATION ET DE SOCIALISATION DE L'ENFANT Ils sont nombreux à animer de leurs cris, rires et jeux d'enfants les "zanka" de nos cités, particulièrement lorsqu'ils ont moins de six ans, et qu'ils ne bénéficient pas d'une prise en charge éducative préscolaire institutionnelle. La zanka ou "rue-espace de jeu" n'est pas la rue au sens commun du terme. Il s'agit d'une notion liée au mode d'appropriation socio-culturelle de l'espace urbain propre aux sociétés maghrébines. La présence, facilement observable de l'enfant dans cet espace urbain pourrait être interprétée, comme cela est le cas dans les sociétés fortement industrialisées, urbanisées et motorisées, comme un signe de déviance, de délinquance. Les observations réalisées sur le terrain, les entretiens menés auprès de nombreuses mères de famille nous permettent de

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considérer cette présence comme la traduction d'une conception de l'enfance, de l'éducation à lui donner, de la place à lui accorder dans la société globale et l'espace urbain 8. Dans la cité maghrébine, la "zanka" représente, de manière schématique, un espace d'enfants, intermédiaire entre l'espace intérieur privé réservé à la femme, et l'espace extérieur public réservé à l'homme. Elle désigne tout espace extérieur proche ou moins proche et centré sur le domicile, à la libre appropriation des enfants, vécu dans la sécurité puisque lieux et personnes sont connus: seuils et porches des maisons ou immeubles, escaliers et cages d'escaliers, trottoirs, esplanades et chemins d'accès des immeubles, petites ruelles, impasses, talus, terrains non construits ou aménagés du quartier, squares publics, etc. C'est un lieu de rencontre entre enfants, en dehors de la société adulte. C'est surtout un espace de jeu. Ses limites sont déterminées par l'âge et le sexe, le territoire du garçon s'élargissant avec l'âge pour s'intégrer à celui du "dehors de l'homme, celui de la fille se rétrécissant pour se restreindre à celui de la femme et du "dedans". Entrer dans le monde de la zanka, c'est entrer dans le monde des semblables. C'est avec la société enfantine du voisinage qu'ils retrouvent dans cet espace de rencontre, que les enfants vont procéder à une bonne partie de leur apprentissage socio-cognitif. Dans une Algérie toujours attachée à ses valeurs arabo-musulmanes, l'éducation, notamment des petits, n'est pas envisagée comme uniquement descendante et du ressort exclusif de l'adulte et de l'institution scolaire. L'expérience de la zanka est jugée nécessaire au développement de l'enfant qui ne peut se contenter des "jupons de la mère". Il doit y acquérir très tôt, des savoirs et savoir-faire indispensables à sa vie sociale d'aujourd'hui et de demain; apprendre à agir et à réagir seul, à se débrouiller, sans le secours de l'adulte, avec ses pairs, ses aînés et ses cadets en âge. L'adulte considère qu'il n'a pas à intervenir dans ce que fait ou vit l'enfant dans ce champ d'expérience sociale qu'il lui offre. C'est son monde propre, où il est pratiquement libéré de l'autorité adulte mais sans en être isolé ou ségrégué. Il doit y procéder à une partie de son autoconstruction, celle que l'éducation formelle et explicite de l'école n'assure pas. Les conceptions éducatives implicites des familles quant aux modalités d'acquisition des apprentissages socio-cognitifs de l'enfant dans cet espace spécifique à la fois ludique et éducatif, avant l'entrée à l'école, rejoignent celles des socio-cognitivistes actuels, "qui réhabilitent la fonction instrumentale de l'imitation dans l'acquisition des savoirs et savoir-faire chez l'enfant dans des contextes interactifs entre pairs"9. Dans la zanka, l'enfant doit 8 Mekideche Tchirine, - Jeux et activités libres, dans la "zanka" "rue-espace de jeu", d'enfants de moins de six ans non préscolarisés : effets du sexe et du site, Revue Algérienne de Psychologie et des Sciences de l'Education, 1998, 6, sous presse. - L'appropriation spatio-ludique de la zanka par l'enfant d'âge préscolaire, Rapport final de recherche, accord-programme 93 DRS 103, à paraître. - La zanka: espace de socialisation et d'autonomisation de l'enfant dans la ville au Maghreb, in C. Herbaut, J.W. Wallet, Des sociétés, des enfants. Le regard sur l'enfant dans diverses cultures, Paris, l'Harmattan, Licorne, 1996, 49-59. - Jouer dans la rue ou espaces d'enfants dans la ville, Les Cahiers du CREAD, n° spécial, Jeunesse et Société, 1991, 26, 179-193. - L'appropriation ludique de l'espace, in T. Mekideche, M. Bennabi, M. Derguini, Enfants-Espaces: référenciation langagière, structuration cognitive, appropriation ludique de l'espace chez l'enfant algérien, Recherches, 1995, 3, 21-46. - Vision de l'Alger d'hier : la "rue-espace de jeu" pour l'enfant algérien, in S. Tessier (sous la direction) , L'enfant et son intégration dans la cité: expériences et propositions, Paris, Syros, Centre International de l'Enfance, 1994, 39-40. - Jouer dans la rue ou espaces d'enfants dans la ville, Les Cahiers du CREAD, n° spécial, Jeunesse et Société, 1991, 26, 179-193. - Apprendre à l'école de la rue, Revue Algérienne de Psychologie et Sciences de l'Education, 1990, 4, 24-34. 9 Winnykamen F. apprendre en imitant ? Paris, PUF, 1990.

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apprendre à s'intégrer au groupe d'enfants, interagir, et à faire comme les autres, apprendre par imitation interactive des aînés, des pairs, des semblables. C'est l'injonction favorite des mères à leurs enfants, surtout aux plus jeunes. Une grille d'observation a été mise au point pour recueillir et coder les activités des moins de six ans dans la zanka. Regroupés dans la catégorie "activités tournées vers les êtres", les activités d'observation directe, exploratoire ou attentive, celles de "déplacements vers, derrière, ou autour de grands", totalisent 15% des activités; toutes les activités manipulatoires se font en ayant toujours un œil sur les autres. Les plus jeunes sont toujours dans le sillage des plus grands. Les activités d'étayage des "grandes soeurs" auprès des plus jeunes ( rassembler les plus jeunes, les surveiller dans leurs déplacements, les faire jouer, les initier ou les intégrer à un jeu collectif ou à des activités données, intervention conciliatrice d'une grande en cas de dispute, les "punir" en cas de faute ou de désobéissance, etc. ) témoignent d'une structuration efficace de la société enfantine. La zanka assure ainsi une partie des rôles dévolus à l'éducation préscolaire formelle et institutionnelle : celui de l'autonomisation et de l'intégration sociales de l'enfant. V. POUR LES MOINS DE SIX ANS : DIDACTISME ? DIRIGIS ME ? LIBERALISME ? A l'heure de la redéfinition du système éducatif algérien, au sein des différents organismes chargés d'élaborer cette réflexion, un grand débat s'est engagé entre partisans et adversaires de la généralisation de la prise en charge institutionnelle des 3-6 ans, reflétant tout à fait la contradiction entre les différentes conceptions sous-tendant les textes officiels de l'école préparatoire, les pratiques réelles des éducatrices et les attitudes des parents tels que nous venons de les exposer. Entre didactisme des orientations ministérielles, dirigisme des éducatrices et liberté de s'auto-construire dans la zanka, offerte à l'enfant par la famille, qu'adopter ? Il serait tout à fait souhaitable, pour les pays maghrébins, de tenir compte de ces différentes dimensions dans la définition du modèle de prise en charge préscolaire et d'élaborer des formations d'éducatrices plus pertinentes car plus centrées sur les réalités éducatives de nos sociétés.

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L’ACCUEIL DES ENFANTS D’ORIGINE ETRANGERE A L’ECOLE MATERNELLE ET LA NECESSITE DE PRENDRE EN

COMPTE LA DIMENSION FAMILIALE DANS CET ACCUEIL

Marie Nicole RUBIO, France

L’école maternelle française traditionnellement n’était pas encline à s’intéresser aux parents. Elle était avant tout centré sur l’enfant. L’école de Jules Ferry avait pour objectif d’arracher les enfants à l’influence des parents jugés bien trop ancrés dans la religion et la tradition. Ce n’est qu’avec la fréquentation des couches moyennes et aisées et face à des revendications de parents, que l’école s’est ouverte aux parents à travers les conseils d’école mais les parents des milieux populaires et immigrés restent très peu représentés dans ces conseils d’école et je ne m’étendrai pas spécifiquement sur ce point ici. J’insisterai plutôt pour ma part sur le fait que l’enfant accueilli dans une structure est un enfant qui est déjà inscrit dans une histoire, une filiation. I - LA FAMILLE PREMIER LIEU D’EDUCATION Ce n’est pas une page blanche sur laquelle un message peut-être inscrit sans autre forme de procès. Avant même sa naissance, les parents, l’entourage ont déjà pensé à lui, parlé de lui, fait des projets en fonction de leurs histoires, de leurs désirs, de leur peurs, de leurs échecs également. Le choix du prénom est souvent un révélateur de la manière dont fonctionne la famille et dont le nouveau né va être inscrit dans la continuité de l’organisation familiale. En France aujourd’hui ce sont généralement les parents qui décident du choix du prénom mais pour certaines familles immigrées, ce choix peut être fait par les grands parents. Les représentations que l’on a de l’enfant, de ses capacités d’autonomie, de sa capacité de s’ajuster à la relation avec l’adulte, de concevoir le respect dû aux aînés sont en constante évolution en fonction des sociétés et des cultures. De même que la manière de se comporter face aux règles et aux interdits est déterminée par la façon dont on a été éduqué en tant qu’enfant et par les modèles qui sont véhiculés autour de nous. L’enfant est destinataire d’un patrimoine familial. Cette transmission familiale doit être distinguée de ce qu’on appelle parfois la transmission culturelle. En effet, la culture d’une famille ne saurait être représentative à elle seule de ce que peut être la culture d’un groupe, d’une ethnie ou d’une nation : c’est une micro culture même si la famille s’inscrit toujours dans un système culturel donné qui sert de cadre, voire d’étayage, à la transmission familiale. Ce n’est qu’une base à partir de laquelle les parents vont interpréter leur propre manière d’être dans la fonction et le rôle parental. Par ailleurs, la transmission familiale ne se réduit pas à une transmission culturelle car elle témoigne aussi d’une histoire familiale, d’une généalogie qui est propre à chaque famille. La prise de conscience de cette réalité devrait nous amener à plus d’attention et peut être d’humilité vis à vis des parents. Au fond, quelles que soient les compétences des professionnels, leur nombre, leurs qualités, elles ne sauraient à elles seules avoir vocation à se substituer à la fonction et au rôle des

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parents qui eux sont liés à l’enfant dans la durée. La continuité du lien affectif et de la responsabilité éducative est assurée par les parents et non par les professionnels. La première connaissance du monde, des relations qui s’y jouent, se fait au sein de la première institution de toute société c’est à dire la famille, même si celle-ci revêt des formes multiples et évolutives. Mais, et c’est une chance, les parents réalisent que l’enfant pour devenir un acteur à part entière de la société dans laquelle il naît, a besoin d’autres lieux d’éducation et de socialisation. Il y a quelques années quand j’allais dans les écoles en Alsace, on me parlait beaucoup de l’absentéisme des enfants d’origine étrangère. Aujourd’hui, cet absentéisme n’est plus aussi important parmi les familles maghrébines, il est plus significatif chez les familles turques d’une immigration plus récente mais tend globalement à régresser. De son côté depuis 1989, le ministère de l’Education Nationale a affiché une volonté de développer l’accueil des enfants dès l’âge de deux ans. Cet accueil ne fait que réactiver le questionnement concernant rupture et continuité entre école maternelle et famille. On s’est beaucoup appuyé sur l’étude conduite par l’IREDU de Dijon pour affirmer que la pré-scolarisation dès deux ans était un gage de réussite scolaire. A y regarder de plus prés, cette affirmation n’est pas établie pour les enfants de milieu immigré et populaire. La nature de l’avantage acquis à la suite de la pré-scolarisation est également un point de discussion, selon que l’on s’intéresse aux acquis cognitifs ou à l’attitude de l’enfant vis à vis du travail scolaire. Sans remettre en cause l’efficacité globale de l’Ecole Maternelle. c’est dans le domaine de l’attitude de l’enfant vis à vis du travail scolaire que les progrès sont les moins significatifs. «L’influence positive de la scolarisation est fortement biaisée par l’appartenance sociale des enfants ». Ce constat est très important pour développer des stratégies qui favorisent la réussite scolaire des enfants d’immigrés. En effet le rôle de compensation de l’école maternelle par rapport aux acquis du milieu familial n’est pas patent. Je fais l’hypothèse que ce qui pourrait contribuer à de meilleurs résultats c’est de travailler le lien avec les familles. II - LES DIFFICULTES D’UN ACCUEIL REUSSI • La prise en compte du lien affectif entre la mère et l’enfant est souhaitable pour favoriser le

travail de séparation. C’est quand même étonnant qu’aujourd’hui on puisse dire à un enfant qui n’a jamais fréquenté d’autre lieu social que son environnement familial proche : «Voilà on va t’emmener dans une classe où il y a 30 enfants et y a un adulte qui ne te comprend pas. C’est un cadeau ». C’est un peu difficile d’emblée. Si on veut faire de l’Ecole Maternelle un véritable cadeau, il faut peut-être un peu l’emballer pour que le premier passage se passe dans de bonnes conditions. En effet, il faut donner une sécurité suffisante à l’enfant, à la mère, pour que la mère sache à qui elle confie son enfant. En effet on ne confie pas un jeune enfant à une institution mais à des personnes avec lesquelles on peut échanger et créer un climat de confiance nécessaire pour autoriser une séparation provisoire durant le temps scolaire.

• La prise en compte de la perturbation du désarroi de l’enfant qui ne comprend pas la langue des adultes qui l’accueillent devrait amener les équipes à rechercher même ponctuellement le soutien de personnes médiatrices bilingues. Ces personnes peuvent aussi permettre une meilleure relation avec les parents.

• La prise en compte de l’étrangeté de la situation pour l’enfant qui est amené à se reconstruire de nouveaux repères, du travail d’acculturation. Que doit faire l’enfant pour être intégré ? A deux ans les enfants issus de milieu populaire sont rarement familiarisés avec les livres, avec les pinceaux ou les crayons. Ceci n’est pas à considérer

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nécessairement comme un handicap ou comme l’effet d’une négligence des parents. L’enseignant qui prend en compte les différences de pratiques éducatives non pour les juger ou pour se plaindre de l’enfant qui est accueilli, mais en construisant peu à peu des règles, des attitudes, des activités, est plus apte à être gratifié des évolutions positives.

• La prise en compte parfois de la déception de l’enseignant parce que l’enfant n’accroche pas à l’offre qui lui est faite. Les enseignants sont souvent seuls face aux difficultés qu’ils rencontrent et sont demandeurs de soutiens pour accomplir leurs objectifs.

• La prise en compte de la crainte des parents que leurs enfants ne finissent par leur devenir étranger notamment quand la langue maternelle est abandonnée au profit de la langue de l’école. Ce sentiment est renforcé par le fait que les parents n’ont aucune maîtrise de ce qui se passe à l’école et se sentent parfois rejetés à travers les jugements dont font l’objet leurs enfants et, à travers eux, leurs pratiques parentales....

L’accueil nécessaire et indispensable ne modifie pourtant pas les objectifs qui sont fixés à l’école. Ces quinze dernières années se sont développées avant l’Ecole Maternelle des structures intermédiaires où l’accueil du lien parent-enfant fait partie intégrante du projet, ce sont des «lieux passerelles». La difficulté d’une passerelle c’est qu’elle doit être bien arrimée aux deux berges. Une des berges c’est l’école représentante de la société, l’autre berge c’est la famille. Il ne s’agit pas ici de rentrer dans une typologie de ces lieux divers et variés qui sont en plus en constante évolution. Il y a là toute une série d’actions qui visent à rapprocher les familles des écoles que fréquentent leurs enfants. Ces actions naissent bien souvent de la rencontre entre professionnels de la petite enfance et enseignants qui ont réfléchi aux difficultés qu’ils rencontraient et aux difficultés des familles et des enfants. Ceci n’est pas étonnant si l’on considère qu’en France l’accueil préscolaire est réparti entre les crèches, haltes-garderies et écoles maternelles. On ne peut pas résoudre l’ensemble des difficultés uniquement à partir de l’école. Ces lieux où on accueille l’enfant et les parents simultanément ont des objectifs éducatifs qui ouvrent sur l’école maternelle. Ces lieux présentent l’intérêt de rétablir des liens, des continuités entre les pratiques éducatives des familles et les pratiques éducatives de l’institution scolaire. Outre ces lieux passerelles, d’autres modalités pour faire face aux difficultés ont été imaginées dans des écoles maternelles se préoccupant de l’implication des parents à l’école maternelle. III - L’ACCUEIL A L’ECOLE MATERNELLE BROSSOLETTE DE MULHOUSE Pour organiser l’accueil des petits, cette école a mis en place, pendant une période de 6 semaines qui va de la rentrée aux vacances de la Toussaint, un dispositif où les mères peuvent rester dans la classe et sont accueillies deux matins par semaine par des interprètes et médiatrices qui donnent à l’enseignante, à l’enfant et à la mère l’occasion d’échanger des informations précieuses et nécessaires sur l’enfant, sur la famille, sur l’école et qui permettent :

• des ajustements dans la prise en charge de l’enfant par l’enseignant. Ces ajustements sont réellement utiles non pas pour que les enseignants finissent par adopter les manières de faire familiales, car cela ne favoriserait pas une socialisation de l’enfant, mais pour trouver le point de rencontre qui va permettre à chacun d’exercer son rôle en complémentarité.

• une compréhension minimale de ce que fait l’enfant à l’école maternelle par la mère.

• une possibilité de dialogue entre l’enfant et l’enseignante qui établit la sécurité nécessaire à l’élaboration de la séparation d’avec la mère et à l’investissement d’un nouvel environnement avec ses modalités linguistiques, ses repères, etc.

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Après cette étape transitoire, la présence d’un tiers interprète et médiateur n’est plus indispensable. En effet les relations entre parents et enseignants auront été nouées dans de bonnes conditions. Pour autant les parents et surtout les mères continuent à être accueillies, peuvent rester un peu s’il y a un problème spécifique ou dans le cadre de réunions conviviales autour de chants, de musiques... le choix de se passer de médiatrice au bout de 6 semaines est judicieux car si la médiatrice reste, il arrive parfois que l’enseignant se décharge du lien avec les parents sur la médiatrice. De même les parents risquent de s’adresser à la médiatrice pour parler de l’enfant ou la médiatrice est là pour porter leurs paroles auprès des enseignants. IV - DANS UNE ECOLE MATERNELLE, (QUARTIER DE LA THU R A WITTELSHEIM) L’enseignante des petits décide de faire un travail à long terme avec les mères et les enfants. Sur trois ans un projet un peu fou est élaboré. Il s’agit d’aboutir à un séjour à la mer pour tous les enfants. Pour mener à bien ce projet, on signifie aux parents que ce projet ne pourra se réaliser sans eux, qu’il est nécessaire de participer aux différentes phases du projet, non seulement en donnant l’autorisation de partir et en contribuant au financement de l’opération mais aussi en faisant du voyage de la rencontre avec la mer un objet commun autour duquel le dialogue, l’échange se noue. Pendant trois ans les mères ont été associées complètement à ce projet. On leur a demandé de parler de leur expérience, de leur représentation, des histoires qu’elles connaissaient par rapport à la mer, de ce qu’elles connaissaient du monde marin, de la plage .... tout cela pour donner à chaque mère l’occasion d’être en situation de transmission face à leurs enfants. Les expériences des mères sur leur rencontre avec la mer. Les sensations procurées par le sable, le monde marin etc. viennent ainsi alimenter l’espace imaginaire qui donnera des ailes pour aboutir au voyage réel... Ainsi ce qui s’est construit au travers d’un projet c’est la construction d’un rêve commun partagé par les enseignants, les enfants et les parents. Il faut dire que de Wittelsheim il faut compter 1000 km pour parvenir à la mer. En guise de clin d’œil, on peut remarquer que ce projet part des mères pour aller à la mer. Ce projet finalement a pris une telle importance qu’il fait rêver tout le quartier et les enfants sont tous partis. Sur le plan économique, les parents ont également été mis à contribution pour organiser des kermesses, des ventes, ... Finalement, cela a donné lieu à un livre qui a été fait après leur retour et qui retrace cette aventure. On me demande souvent de dire comment on fait un projet interculturel et cet exemple nous montre combien de nombreux sujets peuvent trouver une dimension interculturelle qui dépasse une vision folklorique et réductrice de la notion de culture. CONCLUSION Ce qui fait avancer les pratiques c’est la prise de conscience, la possibilité de formuler, d’éclairer les attentes des enseignants à l’égard des parents et de rechercher l’articulation entre les attentes des enseignants et les attentes des parents. Ce travail préalable est nécessaire car si l’on pose l’implication des parents comme un principe il faut avant tout savoir pourquoi et pour qui cette implication présente un intérêt. On ne peut agir de manière sensée et cohérente si on n’a pas établi de manière construite et approfondie ce à partir de quoi on pose nos actes. La théorie, la réflexion sont le point de départ nécessaire avant d’agir. Ce détour là mérite largement d’être fait car il évite bien des leurres et des désillusions. On ne mettra pas en oeuvre les mêmes choses si le point de départ est : l’enseignant a un savoir sur la pédagogie, sur l’éducation de l’enfant et qu’il a besoin de pouvoir le communiquer aux parents pour que les parents valorisent ce qui se passe à l’école auprès de

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l’enfant. Ou si le point de départ est : l’enfant que l’on accueille est inscrit dans une histoire familiale et c’est à partir de là que l’approche de l’enfant doit se construire. En fait ces deux pôles ne s’excluent pas nécessairement l’un l’autre, mais il y a lieu de préciser les choix sur lesquels reposent l’action et de les étayer. Pour conclure, je vous soumets la réflexion suivante : en France on parle d’enfants d’origine étrangère et l’on en arrive à penser qu’il faut respecter l’origine au singulier. Je crois qu’il est utile de rappeler que notre point de départ, notre acte de naissance c’est dans la différence et non dans l’unité de l’origine qu’il est inscrit parce que des parents on en a deux. Et puis comme le dit Daniel Sibony, «l’origine c’est un point de départ» et non un point d’arrivée.

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IMPLICATION, PARTENARIAT OU COEDUCATION

AVEC LES PARENTS DANS LE PRESCOLAIRE ?

Olga BAUDELOT, France

Exposé en deux temps : 1°) Rappel rapide de l'évolution du rapport entre les institutions de la petite enfance et les parents. 2°) Quelques éléments issus d'une recherche-action conduite avec des enseignants et des professionnels de la petite enfance dans un quartier défavorisé (20 000h) d'une ville de l'ouest de la France, portant sur les pratiques nouvelles qu'ils expérimentent en direction des parents. Je me centrerai ce matin sur l'école maternelle, incontournable dans ce quartier, bien souvent première expérience de socialisation en dehors de la famille. A l’origine, les institutions de la petite enfance - crèches comme écoles maternelles - se sont caractérisées par l’éviction des parents. Il s’agit, en prenant en charge les enfants dans la journée, de libérer les parents pour le travail tout en renforçant les liens familiaux (lutte contre l'abandon, envoi en nourrice, Mozère, 1992). Cette éviction se fait avec des arguments différents selon les institutions : neutralité laïque de l’école de la République, hygiénisme des crèches. La puissance publique prend en charge, dans des lieux séparés, protégés, les fonctions d’éducation et de soins pour une certaine fraction de la population, - le salariat urbain - qui relevaient jusque là de la sphère privée, de la famille. Pour le bien de l'enfant, les professionnels spécialistes se substituent aux parents dans l’incapacité de “protéger les enfants des dangers de la rue …” (Textes officiels Ecole Maternelle, 1927), ou “d’assurer les soins qu’exigent leur développement physique” (Textes officiels crèches, 1945) et ainsi invalidés dans leur fonction parentale. Ces personnels professionnels se trouvent dans la position de détenteurs du savoir légitime à propos de l’enfant et de prescripteurs de normes auxquelles ils cherchent à plier les parents. Cette relation asymétrique est revendiquée pour le bien de l’enfant ; les parents eux, soumis au règne de la nécessité, n’ont pas le choix. Ce schéma se retrouve encore dans les quartiers populaires aujourd’hui. L’apparition des parents comme acteurs dans le champ préscolaire est récente : jusque vers les années 70-80, l’action éducative des parents et des professionnels se fait de façon parallèle et relativement étanche. On ne rentre pas dans les classes de l’école maternelle, ni dans les lieux de vie des enfants dans les crèches. 1968 marque un tournant important : les parents étudiants affirment leur désir de concilier pour les deux parents vie professionnelle et responsabilité parentale, entraînant un remaniement de la place occupée par les parents dans les institutions de la petite enfance. La prise en charge éducative des enfants à l’extérieur de la famille se généralise avec l’explosion du taux du travail féminin, en particulier qualifié (Norvez, 1990). La généralisation de la scolarisation de 3 à 6 ans s'accélère, les modes de garde se multiplient et se diversifient (en particulier les crèches parentales, gérées directement par les parents) en même temps que se développe la thématique de l’accueil et de l’ouverture (Baudelot, 1984). Les parents des classes moyennes, les cadres revendiquent de participer à l’éducation de leurs

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enfants; un mouvement de prise en compte des parents se dessine avec des modalités un peu différentes selon les institutions (crèches ou écoles). 1975, les crèches s’ouvrent aux parents, ils deviennent des interlocuteurs 1981, les parents sont “les partenaires habituels de l’école” pour la première fois avec le développement des politiques territorialisées (ZP, DSQ) 1983, les parents doivent pouvoir continuer à exercer leur responsabilité parentale dans les modes de garde. Des structures innovantes, gérées par les parents, sont institutionnalisées. 1989, loi d'orientation sur l’Education : les parents font partie intégrante de la communauté éducative. Ils sont associés à l’élaboration du projet d’école et le valident. 1990, l’école assure conjointement avec la famille l’éducation globale de l’enfant, on parle de coéducation. Dans les crèches, c’est par le développement de la psychologie, après le règne du médico-social, que les parents se trouvent réintroduits car la psychologie fait exister le triangle relationnel enfant-parent-personnel. Par la pression aussi que ces nouveaux parents des couches moyennes et même supérieures opèrent, car ils choisissent la collectivité par conviction tout en voulant exercer pleinement leur responsabilité de parents (Baudelot, 1984). La place des parents se construit là de façon informelle, au jour le jour, dans la relation, au gré de la volonté des différents acteurs. Par contre, la représentation institutionnelle a du mal à s’organiser. Les associations de parents sont éphémères et les conseils de crèche incités en 1981, ont du mal à se pérenniser quand ils existent. Par contre, les parents peuvent traduire leur volonté d'exercer pleinement leur responsabilité de parent en prenant la gestion d'un établissement. L’évolution de l’école maternelle est un peu différente : elle fait partie du système éducatif et la fréquentation en est massive : 85% des 2 à 6 ans, dont 35% des 2-3 ans (INSEE, 1992). La place des parents s’y fait de façon institutionnelle, comme représentants de parents d’élèves, en même temps que pour l’ensemble de l’enseignement primaire dont l’école maternelle fait partie et qui se trouve définie par la loi d’orientation de 1989.

Au quotidien, par contre bien des barrières subsistent, l'entrée des parents n'est ni rapide, ni massive (45% d'entrées dans les classes maternelles en Loire-Atlantique en 1990). Dans les faits, c’est l’afflux des enfants de deux ans et la politique des zones prioritaires qui soulève interrogations et transformations dans les pratiques de l’école maternelle, particulièrement dans les quartiers sensibles. On oppose les effets de cette scolarisation précoce, en termes de réussite scolaire (Jarousse et Mingat, 1992) ou en termes psychologiques (séparation/attachement …) La politique territorialisée (ZEP/DSQ), elle, introduit les parents comme “partenaires habituels” et confronte l’école aux autres partenaires du quartier, à leurs regards et pratiques propres à l’égard des familles. Les professionnels “petite enfance” amènent leurs formulations et questionnements plus psychologiques (Dolto), les travailleurs sociaux amènent la préoccupation des familles dont ils se sentent et parfois se font, les porte-paroles auto-autorisés (Baudelot, 1987). Réseaux de relations complexes. Mais on se retrouve souvent pour déplorer le manque d’implication/participation des parents “surtout ceux qui en ont le plus besoin”. Après avoir invalidé les familles, on leur reproche de ne pas participer. Quant au partenariat, c’est le terme, à connotation plus juridique, qui est utilisé pour l’école maternelle ; il interroge suffisamment les enseignants pour faire l’objet du congrès de l’Association Générale des Instituteurs d'Ecole Maternelle (AGIEM) en 1992. Partenaire = c’est être allié pour un objectif commun : ce terme implique plusieurs parties et l’idée de contrat donc de négociation. A l’école maternelle, les parents peuvent être partenaires à plusieurs niveaux :

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- ils peuvent être partenaires institutionnels c'est à dire représentants des parents et c’est la plupart du temps à ce niveau que se placent les textes qui régissent l’école.

- ils peuvent être partenaires occasionnels autour d’un projet particulier pour l’ensemble de la classe et en tant que parents dans un groupe de parents (sortie piscine par ex.)

- ils sont partenaires à niveau personnel dans la coéducation de leur enfant, c’est en cela qu’ils sont des partenaires différents des autres, “partenaires premiers” disent certains. C’est un partenariat au quotidien, d’usager de l’école. Au Cresas, l'idée de partenariat ne peut que nous intéresser : notre thématique de recherche commune porte sur l’étude des conditions qui permettent à tous les enfants de s’investir dans la construction des savoirs et ce depuis le plus jeune âge. A côté de l’étude des processus d’apprentissage et des situations éducatives elles-mêmes à propos desquels nous avons pu élaborer les principes d’une pédagogie interactive (Cresas 1991), nous prenons en compte les interactions qui se développent autour des institutions, “l’écologie éducative” selon le terme de Uri Bronfenbrenner. Nous savons que le “dans l’école” est fortement intriqué avec le “hors l’école” et nous faisons l’hypothèse que selon la dynamique qui va s’instaurer entre l’école et les parents, les enfants vont s’investir plus ou moins facilement dans les activités éducatives proposées. Si ce qui est proposé à l’école fait sens pour les parents et qu’ils peuvent prendre une place active et reconnue dans l’action éducative, les acquisitions des enfants seront facilitées. Mais alors comment y arriver ? Y-a-t-il dans les quartiers d’habitat social une action spécifique à mener en direction des parents ? Comment assurer la coéducation avec les parents populaires, parfois très éloignés des normes de l’école, très divers aussi, avec des représentations et des expériences variées de la petite école et la plupart du temps une méconnaissance totale de ce qui s’y passe et qui ne participent que très peu au partenariat institutionnel ? Ce sont les questions que nous nous sommes posées dans la recherche-action avec les partenaires de terrain (Baudelot et Guibert, 1997). Nous avons cherché à construire des relations (plus) équilibrées, pour reprendre Piaget, avec les parents et pour cela nous avons adopté une démarche d’accueil au quotidien des enfants et de leurs parents afin de créer des points de rencontre entre les attentes et aspirations des familles et le projet éducatif de l’école. Pour cela, il nous a fallu : Changer de regard sur les parents. Nous avons constaté dans nos recherches actions (Baudelot et al., 1987) que tous les parents sont en fait très impliqués, préoccupés par l’avenir et la scolarité de leurs enfants, même si cela ne nous apparaît pas toujours clairement. Ils ont des projets pour leurs enfants et sont mobilisables pour eux.

Considérer la relation aux parents comme partie intégrante du travail de l’équipe éducative. Cette démarche d’accueil est un processus construit qui suppose un investissement et peut être un axe du projet d’école. On va là à l’encontre des pratiques passées des enseignants, où ce travail n’était pas pris en compte. Ce processus implique une démarche volontariste vers l’autre, qui n’est pas toujours facile, ni gratifiante d’emblée et qui se travaille. (Collection Cresas n°9, 1992)

Clarifier ses propres objectifs Pour nous c’était :

- faire en sorte que les premières rencontres avec l’école soient réussies, car elles conditionnent l’avenir et pour cela travailler l'accueil des tout petits.

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- faire en sorte que l’enfant puisse entrer dans la culture de l’école. Créer le triangle “parent-enfant-enseignant” qui fasse sentir à l’enfant qu’il est confié et que parents et enseignants sont alliés pour agir dans le même sens. Nous cherchons à éviter que les enfants soient tiraillés entre des impératifs contradictoires : croire et aimer ses parents ou croire et aimer la maîtresse.

- sortir de la relation négative, basée sur les remontrances ou les relations sporadiques, pour aménager des passerelles, des voies de circulation .

Etablir une base commune d’échanges dans des relations plus équilibrées pour construire une culture commune : nourrir le partenariat. • Elaborer le cadre de l’accueil quotidien Le cadre matériel : créer de la convivialité pour créer la confiance Penser aux espaces et aux moments propices: ex : à l'école Camille Claudel, le "petit circuit du matin" oblige les parents ou personnes accompagnatrices de la petite section, en les faisant entrer par la cour, à traverser la classe pour atteindre le vestiaire. Chacun doit y passer. Il y a un temps et un espace d'accueil. • Faire jouer l’ensemble des personnels Certains parents se sentent plus en confiance avec l’ATSEM en particulier. • Aller au devant, faire les présentations, des lieux, des personnes. • Expliciter sans cesse, se défaire de ce qui paraît évident ou connu, il est nécessaire pour l'enseignant de se décentrer . L'implicite, comme le dit Eric Plaisance est ce qui accentue le plus la différentiation sociale. • Penser les supports et les mots de l’information. Une institutrice de petite section organise des mini-réunions brèves (groupes de 4 familles, après la classe à 16h30) sur le prêt de livre aux enfants des petites sections et sur le fonctionnement de la Bibliothèque, Centre Documentaire (BCD). Cette organisation cherche à coller à la spécificité du quartier où les mères ne travaillant pas, viennent chercher leurs enfants à l'école à la sortie et sont en général muettes dans les grands groupes. • Travailler l’information en acte, donner du sens aux pratiques professionnelles Aménagement d'un temps d'accueil important (30mn) pour l'accueil dans les classes en activité ex : le "petit circuit du matin" déjà cité. En traversant la classe, les parents peuvent, sans obligation, accomplir diverses tâches, telles que : sortir la fiche de présence de l’enfant, lui mettre les chaussons, remplir, en accrochant des pictogrammes, un tableau à double entrée de présence pour la cantine. Ce sont autant d’occasions de découverte du fonctionnement de la classe et de dialogue.

ex : l’accueil autour de l’écrit Il s'agit d'accueillir les enfants et leurs parents chaque matin dans la classe autour d'un petit message écrit au tableau (information - demande de l'enseignant - annonce d'une sortie, etc.…). Les parents découvrent avec leurs enfants le message écrit et aident l'enfant à le lire. Ils aident aussi d’autres enfants lorsque des parents sont absents, trop pressés, ou encore trop éloignés de l'écrit pour oser s'approcher du message. Des échanges spontanés se créent entre les différents adultes, entre adultes et enfants et entre enfants. C'est un moment de transition de l’ordre d’une demi-heure où les parents, les frères et soeurs ou autres accompagnateurs, peuvent rester dans la classe, découvrir les activités en cours, particulièrement celles menées autour de l’écrit.

Cette activité, non structurée scolairement, laisse libre place à toutes les démarches "pédagogiques" des parents. Les institutrices, se tenant en retrait et laissant faire, peuvent noter la diversité des démarches d'accompagnement dans l'écrit, et la variété des réponses des

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adultes. Elles peuvent observer les enfants en relation avec leurs parents dans une démarche inhabituelle et constater aussi les nombreuses relations entre enfants. Des séances de tutorat spontané s’organisent entre certains enfants de la classe, des bébés accompagnateurs de moins de deux ans participent à l’activité de tout leur corps, en exultant devant la joie de leur aîné qui découvre le message. Ainsi, elles peuvent avoir une attitude d'observation qui permet une décentration par rapport à leur propre démarche de professionnelles. Ces moments permettent à chaque parent de prendre une place et un rôle selon sa volonté et à son rythme. Ils permettent en retour une connaissance personnalisée, différenciée, des parents, permettant d'affaiblir les méprises et l'incompréhension mutuelles qui nourrissent les stéréotypes. • Solliciter les parents sur leur façon d’être et de faire. Les enfants ont une histoire en dehors de la classe, les parents souvent cherchent à aider leurs enfants, parfois en contradiction avec ce qui se fait dans la classe. Le dialogue permet de faire converger les efforts en faisant sentir à l'enfant que parents et enseignants ont le même désir de réussite pour lui. • Permettre aux parents de prendre un rôle actif dans un projet éducatif commun (partenariat de type 2). Il s'agit là de partenariats plus formalisés, qui s'inscrivent dans un projet éducatif explicite qui peut être modeste ou beaucoup plus ambitieux. Par exemple, à Camille Claudel, les mères qui le souhaitent participent à l'élaboration avec l'aide de l'infirmière scolaire des goûters du matin et à la préparation avec les enfants de ces goûters organisés à l'école. Autre exemple, à Hem dans le Nord, les mères vont lire ou raconter des histoires aux enfants dans les classes de maternelle en collaboration avec les enseignants. Cette activité fait partie d'une vaste action culturelle autour du livre menée par l'association "Ecole et Quartier" avec les enseignants de la ZEP de Hem, qui inclue des formations communes à tous les partenaires. Tout ceci conduit (éventuellement) vers le partenariat institutionnel.

Quelques conditions pour que ça marche • La “sécurité de base professionnelle” C'est une condition essentielle pour que la rencontre avec les parents puisse être positive. Etre suffisamment assuré de ses propres pratiques - là aussi, le travail d’équipe est primordial - permet de ne pas se sentir menacé par les parents. Alors, la rencontre avec les parents, qui oblige au recul et au questionnement, renforce l'identité propre des enseignants. • Utiliser les compétences des partenaires du quartier (le local) Devant des parents divers, parfois très éloignés de l’univers des professionnels, le croisement des points de vue de différents professionnels, est précieux. Pouvoir utiliser les compétences et les disponibilités de partenaires du local : ils peuvent servir de médiateurs ou apporter des connaissances sur des groupes de parents particuliers (ex : tziganes, relations familiales chez familles maliennes…) ou simplement apporter un éclairage différent.

Les nouvelles formes d’accueil des enfants/parents ou les lieux passerelles. Un mot sur ces formes nouvelles qui se développent rapidement dans les années 90. Certains parents sont très réticents devant les institutions de la petite enfance et ne veulent pas confier leurs enfants ailleurs qu'à l'école maternelle. Leurs enfants sont souvent jugés comme ayant du mal à suivre d’emblée une scolarité maternelle, d’autres formes d’accueil qui concernent les parents et les enfants se développent donc parallèlement à l'école maternelle : les classes passerelles (Dupraz 1995) et les accueil parents/enfants (Eme1994 , Neyrand1995 ). Ces lieux,

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centrés sur l'accueil des enfants et de leurs parents, se présentent comme des propédeutiques à l’école maternelle et cherchent à pallier aux difficultés de l’accueil des enfants de 2 ans, particulièrement des milieux très marginalisés. (ex : la petite maison des Bruyères, Baudelot 1988). Ils se caractérisent par une présence plus importante des parents, un plus petit effectif. Ils servent de tremplin, de passerelle aux enfants. S'ils ne veulent pas être une instance de plus à laquelle il faudra une préparation de plus, ils doivent rester des lieux souples, fluides avec une existence éphémère qui doit d'adapter aux besoins locaux.

En conclusion Le partenariat premier c’est d’abord un droit pour tous les parents maintenant. C’est un devoir pour les enseignants qui doivent assurer l’intégration des enfants dans la société française et dans les valeurs de la République. L’école est un sas entre la famille (la sphère privée) et la société et la coéducation doit se construire. BIBILOGRAPHIE

BAUDELOT O.(1984) La crèche et les parents : histoire d’une ouverture. In : CRESAS Ouvertures : l’école, la crèche, les familles. Paris : INRP/L’Harmattan (Collection CRESAS n° 4). BAUDELOT O. et al.(1988) Échec scolaire, populations marginalisées et travail social. In : CRESAS. Les uns et les autres. Paris : INRP-L’Harmattan (Collection CRESAS n° 7). BAUDELOT O.(1992) De la protection maternelle et infantile à la prise en charge municipale de la petite enfance : évolution des pratiques d’accueil dans les crèches. In CRESAS Accueillir à la crèche, à l’école. Paris INRP/L’Harmattan (Collection CRESAS n° 9) BAUDELOT O. et GUIBERT L. (1997) Métiers ou professions “expertes” pour la petite enfance In : RAYNA S. et DAJEZ F. (eds.) Formation, petite enfance et partenariat. Paris : INRP- CRESAS, (1991) Naissance d’une pédagogie interactive. Paris, ESF. DUPRAZ L. (1995) Le temps d'apprivoiser l'école. Paris : Fondation de France. EME B. (1994) La croisée des liens (La fondation de France, Paris) JAROUSSE J.P, MINGAT A. et RICHARD M. (1992). La scolarisation maternelle à deux ans : effets pédagogiques et sociaux, Education et Formations, 31, pp 3-9. INSEE (1992). Les enfants de moins de six ans. Contours et caractère, Paris MOZERE L. (1992) Le printemps des crèches Logiques sociales, L’Harmattan, Paris. NEYRAND G. (1995) Sur les pas de la Maison Verte. (Paris, Syros) NORVEZ A. (1990) De la naissance à l’école. Santé, modes de garde et préscolarité dans la France contemporaine. Travaux et documents n° 126. (Paris PUF/INED)

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Troisième séance

SANTE ET EDUCATION PRESCOLAIRE

Président : Mohammed El Andaloussi

Rapporteur : Khadija HAMDANE

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LA SANTE PSYCHIQUE DU JEUNE ENFANT EN SITUATION FAMILIALE

OU INSTITUTIONNELLE CARENTIELLE : L’APPORT DES CONNAISSANCES ACTUELLES , LES DIFFICU LTES POUR LES METTRE EN PRATIQUE, LES PERSPECTIVES D’AVE NIR

Résumé Danielle RAPOPORT, France

La compréhension des besoins psychologiques d’un petit enfant de moins de trois ans a

fait des progrès considérables, et l’on identifie mieux les mécanismes très précoces à l’œuvre dans la structuration de sa personnalité, dans le développement de son langage et de sa communication à autrui, dans son éveil au monde. Mais cette précocité des compétences et des potentialités du tout-petit ne peut effacer son extrême dépendance aux adultes qui l’entourent.

La construction de son identité psychique, la conquête de son autonomie, l’évolution de son intelligence, sensori-motrice puis de son efficience intellectuelle, son épanouissement émotionnel et affectif, sont étroitement liés à la qualité relationnelle et éducative de son entourage…Qu’en est-il alors, pour ce bébé, ce jeune enfant si dépendant, lorsque ses parents ne peuvent être garant de son bon développement, et le mettent en situation de grande vulnérabilité ?

Qu’en est-il lorsque des professionnels de la petite enfance ne peuvent assumer leur fonction de suppléance parentale auprès de lui, et lui offrent un environnement institutionnel tout aussi carentiel, voir traumatique ?

Le soutien de ces familles, la guidance parentale, l’accueil de ces jeunes enfants en collectivité exigent des moyens très spécifiques que ces situations réclament, des effectifs en personnel formé, des réseaux en équipes pluridisciplinaires… Ceci ne va pas sans des résistances aux changements de pratiques ou aux innovation, lesquelles alimentent la répétition des blocages ainsi que la transmission transgénérationnelle de toutes ces souffrances.

Pourtant, sans ignorer les obstacles socio-économiques et culturels universellement à l’œuvre ici, nous pouvons réduire l’écart qui s’est creusé entre les progrès de nos connaissances, et leur mise en pratique.

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PREVENTION : D’UNE DEFINITION A L’AUTRE

Marie-Françoise de TASSIGNY, SUISSE I- HISTORIQUE Que signifiait la « prévention » à l’origine ? PREVENTION « Ensemble de mesures destinées à éviter les accidents, l’apparition ou l’aggravation des maladies ainsi que les moyens d’en limiter les séquelles ».

Cette définition de la « prévention » a prévalu dans les lieux d’accueil de la petite enfance

depuis leur création. Dès lors, on peut constater que le sens de la « prévention » n’avait pas la même signification à la fin du siècle dernier qu’aujourd’hui.

En effet, en 1874, en France, paraît la loi « ROUSSEL », avec pour objectif de protéger la vie et la santé de l’enfant du premier âge pour ceux placés -moyennant salaire- en nourrice ou en garde hors du domicile des parents. Il s’agit, à l’époque et selon les écrits que je cite : « [...] de mieux surveiller ce capital humain si facilement destructible [...] !».

D’autres font figure de pionnier, tel Paul STRAUSS qui, au début de ce siècle, demande que la puériculture soit mise au premier plan de la politique nationale et humanitaire. On souhaite que ce type d’interpellation soit reprise de nos jours...

Mais, c’est seulement à partir de 1945 que naît un système cohérent de prévention et de protection de la santé. Dès cette période, le mot « prévention » gagne ses lettres de noblesse.

Car, le concept de « prévention » a progressivement évolué et a acquis de nouvelles dimensions à partir d’expériences d’individus soucieux d’améliorer le bien-être de l’enfant et du futur adulte.

Ferdinand DELIGNY, instituteur spécialisé, fut un des grands précurseurs de cette mouvance, dans l’après-guerre française. Françoise DOLTO fut aussi une grande avocate de la « prévention » en affirmant que l’on peut prévenir des troubles psychiques graves de l’adulte en intervenant précocement par un soutien à la relation parent/enfant. Grâce à ces personnalités, leurs recherches, leur réflexion, nous bénéficions actuellement d’une politique de prévention moins expérimentale et plus intégrée à nos lieux d’accueil.

Aujourd’hui, la notion de « prévention » comprend une nouvelle valeur : la promotion de la santé. Car la santé mérite une mobilisation aussi importante que la maladie. La santé est perçue comme un capital de vie indispensable à l’équilibre de chacun. Il s’agit d’un concept positif mettant en valeur les ressources sociales et individuelles. C’est la raison pour laquelle il faut agir au niveau de la collectivité pour qu’elle se mobilise en faveur de la santé des enfants et des adultes.

Cette nouvelle valeur a élargi le sens de la « prévention », elle nécessite de tous les acteurs concernés un esprit d’ouverture et de connaissance aiguës, ainsi que la capacité de concilier le global et le particulier.

Les connaissances sur le développement de l’enfant et ses besoins ont évolué ces dernières années. Ainsi, la majorité des parents ont pris conscience de la nécessité de confier leurs jeunes enfants à des lieux d’accueil de qualité. De plus, l’élargissement de la formation des professionnels de la petite enfance a contribué à améliorer les prestations des institutions de la petite enfance.

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II- LA PREVENTION DANS LA PETITE ENFANCE A GENEVE Ainsi, le public visé est en tout premier l’enfant de 0 à 5 ans confié dans les différents lieux d’accueil de la petite enfance (crèches, garderies, jardins d’enfants,...). Par extension, sa famille peut aussi bénéficier d’un soutien éducatif par des professionnels ayant des formations diverses : en interne, des éducateurs de la petite enfance et en externe le soutien de professionnels formés à la prévention, en l’occurrence les services de l’Etat.

LA PREVENTION, C’EST AGIR EN AMONT

Les connaissances sur le développement de l’enfant et ses besoins ont évolué ces dernières années. Ainsi, la majorité des parents ont pris conscience de la nécessité de confier leurs jeunes enfants à des lieux d’accueil de qualité. De plus, l’élargissement de la formation des professionnels de la petite enfance a contribué à améliorer les prestations des institutions de la petite enfance.

Dans cette évolution des modes de garde du jeune enfant, la prévention, qui a toujours été un élément pris en compte par les professionnels de la petite enfance, s’est affinée. � La prévention primaire regroupe toutes les activités cherchant à favoriser le

développement et la santé de l’enfant et de son entourage. � La prévention secondaire englobe le dépistage et le traitement précoce des affections

physiques et mentales. � La prévention tertiaire correspond à l’intégration et au suivi des enfants handicapés,

malades ou présentant des troubles psychiques. En effet, les professionnels de la petite enfance offrent au quotidien des activités multiples

et variées qui développent l’autonomie et les capacités vitales et créatives de l’enfant. Par leur fonction éducative, ils participent pleinement à la promotion de la santé des enfants. Dans cette démarche de prévention primaire, ils sont soutenus par les services de Santé de la jeunesse, de Protection de la jeunesse et de Guidance infantile.

En collaboration active avec les équipes d’éducateurs de la petite enfance, les infirmières du service de Santé de la jeunesse et les psychologues de la Guidance infantile, interviennent en matière de dépistage précoce des troubles du développement de l’enfant. Ce mandat de prévention secondaire est une nécessité pour l’avenir de l’enfant.

Ces mêmes services, accompagnés du Service Educatif Itinérant, agissent ponctuellement dans les institutions de la petite enfance avec le mandat de prévention tertiaire. Il s’agit en effet d’offrir à l’enfant malade ou handicapé les meilleures chances pour une intégration réussie.

L’efficacité des activités de prévention est directement liée à la compétence des différents partenaires et à leur volonté de travailler ensemble. A ce titre, les parents sont leurs premiers interlocuteurs en relation avec les médecins référents de leur enfant.

La prévention est un choix de société. Renforcer la prévention nécessite des moyens et des ressources importantes.

La prévention est un instrument vers une meilleure qualité de vie [René Knüssel -1991]

QUELS SONT LES DIFFERENTS PARTENAIRES DE LA PREVENTION ? Groupe d’évaluation continue des lieux de placement (E.L.P.)1 Service de Protection de la jeunesse 1 Groupe E.L.P. - Service de protection de la jeunesse Rue Adrien Lahenal, 8 - 1211 Genève 3 Tél. 022.787.63.60 - Fax 022.787.63.52

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Son rôle : Garantir et favoriser la qualité des prestations offertes aux enfants accueillis dans les institutions de la petite enfance.

CHAMPS D’ACTION

1) Dans le cadre des institutions � Vérifie que les conditions d’accueil de base sont respectées, à savoir : • taux d’encadrement des enfants suffisant • personnel qualifié • sécurité et adéquation des locaux • viabilité financière � Octroie des autorisations � Surveille la qualité de l’encadrement en évaluant : • la réponse aux besoins fondamentaux des enfants • l’organisation globale du lieu d’accueil 2) Pour le public � Donne des informations diverses concernant les institutions et leur organisation � Offre des conseils pédagogiques et des recommandations de fonctionnement sur la prise en charge

de petits enfants � Suit les projets de création d’institution

MOYENS

� Observations sur le terrain � Analyse de documents concernant l’institution (plan d’aménagement, règlement, objectifs

pédagogiques, ...) � Entretiens, discussions avec des responsables d’institution, des professionnels et tout autre

partenaire si nécessaire (comité, parents, commune,...).

Equipe composée de travailleurs sociaux spécialisés en évaluation Mandat de prévention du Service Educatif Itinérant (S.E.I.)2 - ASTURAL Son rôle : Accompagner le personnel éducatif au sein des crèches, jardins d’enfants et garderies dans l’appui à l’intégration des enfants présentant un retard du développement global dû à un handicap.

CHAMPS D’ACTION ET MOYENS

1. Sur le terrain Suite à une demande de l’institution ou à une proposition du S.E.I. � Observer l’enfant, évaluer ses possibilités et identifier ses difficultés � Discuter avec l’équipe éducative : échange des observations et analyse de la demande � Elaborer des stratégies de prise en charge de l’enfant : orientation pour favoriser son maintien dans

le lieu d’accueil ou l’orienter vers une structure plus adéquate. � Accompagner l’équipe éducative dans le suivi des situations difficiles sur le lieu d’accueil � Proposer des appuis psychopédagogiques concret dans l’institution 2. Participation à la formation continue du personnel éducatif � Proposer une supervision psychopédagogique � Animer des réunions de réflexion et d’échanges autour de la notion d’intégration. 2 S.E.I. - ASTURAL Route de la Chapelle, 22 - 1212 Grand Lancy Tél. 022.343.87.09 Répond le mardi de 16 h00 à 17 h30 et le vendredi de 8 h30 à 12 h00

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Equipe composée de psychopédagogues Equipe de prévention du Service de Guidance infantile Son rôle : Accompagner le personnel éducatif au sein des crèches, jardins d’enfant et garderies dans le processus de prévention précoce des troubles psychiques et de détection de ces troubles.

CHAMPS D’ACTION ET MOYENS 1. Sur le terrain Suite à une demande de l’institution à la Guidance infantile � Observer l’enfant présentant des difficultés d’ordre psychologique (ex : comportement, retard de

développement, de langage, ...) � Discuter avec l’équipe éducative :échange des observations et connaissance de l’enfant et de la

famille � Elaborer des stratégies de prise en charge de l’enfant � Accompagner l’équipe éducative dans le suivi des situations difficiles au sein de l’institution. 2. Participation à la formation continue du personnel éducatif � Animer des colloques à la Guidance infantile et dans les institutions � Participer aux réunions de parents dans les institutions

Equipe composé de pédopsychiatres, de psychologues et de logopédistes La section préscolaire du service Santé de la jeunesse3 Son rôle : Protéger et promouvoir le développement et la santé des enfants accueillis en crèches, jardins d’enfants et garderies.

CHAMPS D’ACTION DES INFIRMIERES � Observer la santé globale des enfants en groupe qui permet un dépistage précoce des troubles du

développement de l’enfant, complémentaires aux visites médicales pratiquées au cabinet du pédiatre, en ville (la majorité des enfants sont suivis régulièrement de 0 à 4 ans).

� Animer des séances d’éducation à la santé : sommeil, alimentation, hygiène, maladies d’enfance, ..., interventions destinées aux enfants, aux parents et au personnel.

� Appliquer des mesures préventives lors de maladies infectieuses et risque d’épidémie pour l’enfant et son entourage sur la base des prescriptions sanitaires en vigueur.

� Surveiller la qualité des soins, des mesures d’hygiène et de sécurité, de l’alimentation. Cette compétence est déléguée au S.S.J. par la P.d.J.

� Suivre les problèmes de santé, handicap ou maladie chronique avec aide et soutien à l’équipe éducative et parfois aux parents.

� Conseiller et recommander un suivi médical des enfants et promouvoir les vaccinations requises.

CHAMPS D’ACTION DES PSYCHOMOTRICIENNES � Observer des enfants, des interactions dans le groupe � Animer régulièrement des séances de psychomotricité, moment de partage et de jeu. � Echanger et analyser des séances avec le personnel des crèches � Intervenir à la demande pour des enfants présentant des problèmes psychomoteurs. � Selon les besoins ponctuels des institutions, animer ou participer à des colloques, psychomotricité

pour adultes, informations aux parents, entretiens,...

3 Glacis de Rive, 11 - 1211 Genève Tél. 022.787.61.50 - Fax 022.787.61.71

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Equipe composée de pédiatres, d’infirmières en santé maternelle, infantile et santé publique, de psychomotriciennes et de techniciennes vue-ouïe. POUR UNE BONNE PREVENTION ET UNE BONNE COLLABORATI ON Pour remplir leur mandat de prévention différents services collaborent étroitement avec l’ensemble des professionnels de la petite enfance, les familles des enfants ainsi que les médecins traitants. Ces services sont : Département de l’Instruction publique - Office de la jeunesse - le Groupe d’évaluation des lieux de placement (E.L.P.) du Service de protection de la jeunesse Une ordonnance fédérale du 19 octobre 1977 soumet le placement d’enfants hors du foyer à autorisation et à surveillance. - le Service de santé de la jeunesse

Département de l’Action sociale et santé - H.U.G. Clinique de psychiatrie infantile - Guidance infantile Le Service Educatif Itinérant - ASTURAL

III- LA PREVENTION : SA REALITE Les objectifs concernant la prévention font généralement l’unanimité, ce qui ne signifie pas obligatoirement la connaissance des moyens et encore moins des résultats. Les enjeux de la politique de prévention sont très importants pour la collectivité comme pour les personnes. La rigueur en matière de prévention passe par une double démarche d’acquisitions de connaissances et d’ouverture d’esprit. Pour effectuer un travail préventif socio-éducatif, il est essentiel de se donner le temps nécessaire à la réflexion et à l’analyse.

LES OBJECTIFS SPECIFIQUES

• Sensibiliser et former à la prévention les professionnelles de la petite enfance en formation

de base et en formation continue. • Soutenir les équipes éducatives dans leur démarche de prévention. • Informer les partenaires et le public du travail de prévention dans les institutions de la

petite enfance. • Créer des groupes de réflexion sur la politique de prévention.

LES MOYENS

Le budget de prévention est déterminé par deux instances. L’Etat En offrant le service d’équipes pluridisciplinaires aux différents modes de garde. • Le Département de l’Action Sociale, par l’intermédiaire de la Guidance, y consacre deux

postes et demi et donne également une subvention spécifique pour la petite enfance au Service Educatif Itinérant.

• Le Département de l’Instruction Publique, par l’intermédiaire du Service Santé Jeunesse, dispose d’une équipe pluridisciplinaire de diverses formations de la santé. Son service de Protection de la Jeunesse, par le biais de travailleurs sociaux spécialisés en évaluation, garantit et favorise la qualité des prestations offertes aux enfants accueillis dans les

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institutions de la petite enfance. Il gère également la formation des éducateurs/trices de la petite enfance par son école d’éducateurs/trices du jeune enfant.

Les communes Elles peuvent selon le mandat communal octroyé par la loi cantonale du 17 décembre 1971, déterminer les conditions dans lesquelles une institution peut être mise au bénéfice d’une aide financière communale et contribuent ainsi d’une manière plus ou moins conséquente à la prévention. En l’occurrence, la Ville de Genève contribue activement à la prévention : • en mettant dans les institutions de la petite enfance du personnel qualifié en nombre

suffisant. • en consacrant un budget important à la formation continue. • et surtout en apportant des soutiens financiers ou autres au problème d’intégration aux

enfants ayant des besoins différents. IV- FONDS POUR L’INTEGRATION D’ENFANTS AVEC DES BES OINS SPECIAUX

SON MANDAT Mener une réflexion sur les questions et les problèmes relatifs à l’intégration d’enfants en bas âge (0 à 5 ans) en milieu non spécialisé. Evaluer les besoins. Développer une politique d’intégration. Veiller à coordonner les actions des différents organismes impliqués. Rechercher les moyens nécessaires à cette politique. Informer régulièrement les personnes concernées.

SES TACHES Recenser et étudier les demandes. Proposer des solutions adaptées : conseils pédagogiques, supervisions d’équipe, mise à disposition ponctuelle de personnel supplémentaire, organisation et aménagement des espaces. Assister financièrement et attribuer les moyens favorisant l’intégration. Organiser différents séances d’informations auprès des professionnel(le)s des différents acteurs concernés. Favoriser le lien avec l’enseignement public.

LA COMPOSITION DE LA COMMISSION

La commission est composée de membres de services officiels et privés : • Un représentant de la Protection de la Jeunesse • Un représentant du Service Santé Jeunesse • Un représentant du Service de Guidance Infantile • Un représentant du Service médico-pédagogique • Un représentant de la Délégation à la Petite enfance • Un représentant du Service Educatif Itinérant • Un représentant de l’Ecole d’éducateurs/trices du jeune enfant • Deux représentants d’institutions spécialisées petite enfance • Deux représentants de l’Association genevoise des directeurs/trices de crèche • Un représentant de la faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education • Deux représentants des parents.

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PRINCIPES Comme l’enfant normal, l’enfant avec des besoins spéciaux fréquente un milieu ordinaire

en vue de stimuler ses apprentissages et de développer ses compétences sociales. La raison d’être de la commission est de donner un « coup de pouce » permettant une intégration adéquate. Elle est aussi à disposition, pour soutenir la réflexion et donner conseil.

L’aide à l’intégration doit être décidée, après consultation de tous les intervenants, pour chaque situation. L’évaluation des besoins du lieu d’accueil doit prendre en compte l’enfant, ses possibilités, ses limites, ses besoins ainsi que les ressources dont il dispose dans les institutions de la petite enfance, le milieu familial et à l’extérieur.

Chaque situation nécessite la mise en place d’une bonne concertation entre tous les intervenants afin d’élaborer des objectifs clairs et de mettre en oeuvre des mesures d’appui appropriées. Des évaluation régulières sont indispensables pour permettre une adaptation continue de l’aide apportée.

POUR QUI ?

La commission aide l’intégration d’enfants depuis leur naissance jusqu'à leur entrée dans la vie scolaire. Elle s’adresse aux enfants à besoins spéciaux présentant des troubles moteur, sensoriels, mentaux ou du comportement et dont l’intégration en institution de la petite enfance a besoin d’être soutenue.

QUELLE AIDE ?

L’aide à l’intégration peut être offerte sous différentes formes : Informer les équipes et les parents des différents services et coordonner les ressources existantes. Orienter les demandes auprès des professionnels compétents. Financer du personnel supplémentaire tel que :

• Du personnel qualifié • Des superviseurs • Des « bras de plus » • Des remplaçants (pour temps de synthèses collaboration, documentation etc.)

Rechercher ou prêter du matériel adapté facilitant l’intégration et l’aménagement des espaces en conséquence. Veiller à coordonner les ressources.

COMMENT OBTENIR UNE AIDE ? Une demande écrite doit être présentée à la commission, conjointement par le lieu d’accueil et les parents.

LE FONDS But : Soutien à l’intégration précoce d’enfants avec des besoins spéciaux dans les lieux d’accueil de la Petite Enfance. Moyens : Aides financières pour permettre un accompagnement et/ou un espace adapté à l’enfant avec des besoins spéciaux Bénéficiaires : Les institutions officiellement reconnues de la Petite Enfance du Canton de Genève devant répondre à des besoins ponctuels et spécifiques pour l’intégration d’un enfant. Gestion : La gestion du fonds est confié à ASTURAL - Action pour la jeunesse - qui travaille en partenariat avec un bureau composé de cinq personnes déléguées par la Commission Intégration. Le bureau chargé du traitement des dossiers se réunit au minimum deux fois l’an

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en vue de l’attribution des fonds. Les requêtes sont adressées à la commission « Intégration » c/o ASTURAL au moyen d’un questionnaire ad hoc. Décisions : Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. Ressources : Le fond est constitué de fonds privés sur la base de legs, de dons et d’éventuelles subventions.

Réalisation d’une action commune entre les différents partenaires étatiques ou privés et la Ville de Genève

Une plaquette d’information sur la prévention a été élaborée à l’occasion d’une journée consacrée aux professionnels de la petite enfance. Un partenariat a été trouvé pour son financement avec la Loterie Romande. Cette réalisation a obligé les partenaires à réfléchir sur leurs modes d’intervention et leurs spécificités.

Un groupe de réflexion comprenant le service Santé Jeunesse, le service Protection de la Jeunesse, le service de Guidance Infantile et le service Educatif Itinérant a été constitué et a élaboré les textes de présentation de la prévention dans la petite enfance. Cette démarche a permis à chaque partenaire de mieux définir son champ d’action et à approfondir sa collaboration avec chaque service. L’objectif d’informer les institutions de la petite enfance des moyens et des forces mis à disposition pour la prévention dans ce secteur a été atteint. Lors des journées sur la prévention, chaque intervenant dans la petite enfance a eu l’occasion de présenter plus en détail son travail dans les institutions de la petite enfance démontrant les aspects positifs et les faiblesses du système.

CONCLUSION C’est donc grâce à tous les professionnels de la petite enfance et tous les intervenants spécialisés de la « prévention », que nous pouvons consolider cette notion de « prévention » et faire de ce principe un élément incontournable du secteur de la petite enfance. Ainsi, la « prévention » renforcée est un des fleurons du travail de grande qualité qui se pratique dans les institutions de la petite enfance. Cette ambition déclarée vous sensibilisera, je l’espère, pour obtenir les moyens et les ressources nécessaires au développement de cette politique de prévention. La Prévention est un choix de société. Renforcer la prévention nécessite des moyens et des ressources importants. Et je terminerai par une citation de René Knüssel - 1991 « La Prévention est un instrument vers une meilleure qualité de vie »

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EDUCATION A LA SANTE

Suzanne CARLIER WERY, Belgique

I. LA SANTE DANS SA GLOBALITE Quand nous parlons de santé, la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est l’absence de plainte physique. Nous savons pourtant que si nous n’éprouvons pas de souffrance corporelle caractérisée, des difficultés émotionnelles, familiales, des états de tension, peuvent endommager notre capital santé. Nous garder en bonne santé est un processus dans lequel nous intervenons continuellement et globalement, que nous améliorons sans cesse. Les principales causes de décès ont radicalement changé ces 50 dernières années. Aujourd’hui, les maladies cardio-vasculaires, les accidents de la route ou domestiques, sont davantage liés à des erreurs de comportements plutôt qu’à des lacunes physiologiques. Donc, la santé n’est pas une question de lutte contre la maladie. C’est avant tout le résultat de comportements individuels et collectifs. Notre action éducative sera donc avant tout préventive mais, la prévention est toujours un pari sur l’avenir, c’est un pari ingrat, celui de lancer l’enfant dans une aventure dont il ne connaîtra pas l’aboutissement. Face à ce constat, les actions éducatives ont elles aussi changé puisqu’il y a une trentaine d’années, lorsqu’on parlait éducation à la santé, les préoccupations étaient surtout d’ordre sanitaire : propreté, poux, vue, ouïe, nutrition, se protéger contre certaines maladies. Actuellement l’éducation à la santé se veut beaucoup plus globale. Si on pose aux enfants de 10-12 ans la question « qu’est ce que la santé ? », ils répondront, « cela me fait penser à la vie, c’est quand on peut aller jouer avec ces copains, c’est être en forme, c’est être plein de force pour faire du sport, c’est ne pas avoir des idées noires, c’est ne pas être malade pour aller travailler ». Ces définitions recouvrent tout un champ d’actions qui nous montre bien que la santé c’est être bien dans sa peau physiologiquement mais aussi mentalement et que l’éducation à la santé va donc couvrir plusieurs volets. Il nous semble important d’aborder l’éducation à la santé dans sa globalité et dans sa finalité. Cette éducation globale précède l’éducation par le développement de thèmes tels que : l’alimentation, l’hygiène des dents, le tabagisme. Malgré l’influence de la famille, l’école reste un lieu privilégié pour faire progresser la promotion de la santé et ancrer chez les jeunes des comportements favorables à une bonne santé. Son action va porter sur 2 paramètres : 1. Organiser un milieu de vie pour l’adapter aux besoins physiologiques, physiques, psychologiques et intellectuels de l’enfant. 2. Réaliser des projets d’école, de classe visant à s’approprier ou changer des comportements

qui répondent à une hygiène de vie salutaire. 3. S’adjoindre les services des centres PMS qui assurent aux enfants un suivi médical. II. POURQUOI INTERESSER LES ENFANTS SI TOT AUX PROB LEMES DE

SANTE ? Il est important de commencer très tôt cette éducation à la santé et prendre en compte l’ensemble des besoins de l’enfant tant physiologiques, psychologiques qu’éducatifs car c’est dans la petite enfance que les comportements de santé, sont les mieux intégrés.

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Les objectifs poursuivis par l’école dans cette campagne d’éducation à la santé 1. Eduquer à l’autonomie :

Acquérir progressivement des comportements positifs par rapport à : • ses besoins physiologiques (toilettes, repos, sommeil...). • sa propre santé : j’ai froid, j’enfile un pull, j’ai soif... sans que l’adulte ne doive intervenir.

2. Connaître son corps et son fonctionnement et à plus longue échéance (2ème primaire

environ), connaître la place des organes essentiels pour pouvoir localiser, déterminer des endroits douloureux.

« J’habite un corps que j’apprends à connaître » 3. S’occuper de sa santé même quand on n’est pas malade. Adopter une politique de santé préventive par des habitudes de vie saine. « Ma santé m’intéresse même quand je ne suis pas malade ». Donc adopter une politique de santé préventive par des habitudes de vie saine.

• Soins corporels. • Sport : éprouver la nécessité de bouger, le plaisir de faire du sport, • ce qui déterminera ensuite l’habitude de fréquenter des organismes sportifs.

4. Développer une politique de bonne santé mentale La santé n’est pas seulement physique. Outre la satisfaction des besoins physiologiques, elle implique la satisfaction des besoins psychologiques, intellectuels et émotionnels. « Ma santé n’est pas uniquement celle de mon corps » La mise en place pour les enfants de lieux et de temps de parole les aidera à exprimer leurs attentes, leurs difficultés personnelles, leurs croyances, leur vécu, leurs malaises. « J’ai des occasions de parler de ce que je vis » A court terme, il est judicieux de faire acquérir par les enfants, de bonnes habitudes de vie dans les domaines cités. A long terme, une meilleure sensibilisation à la santé entraînera moins de tabagisme, d’alcoolisme, d’obésité, une diminution dans la prise de médicaments. III. DES PROJETS POUR

Mettre les enfants en santé . Eduquer à la santé 1. Améliorer les espaces de vie pour :

Le plus souvent, des projets d’écoles généreux favorisent une meilleure organisation matérielle de l’école et permettent aux enfants de vivre leur scolarité dans de bonnes conditions physiques et psychologiques. L’accueil • Création des espaces d’accueil où l’enfant peut bouger, communiquer. • Organisation d’un accueil personnalisé dans la classe des plus petits. Trop souvent encore

on accueille tous les enfants d’une même école dans un espace unique où le bruit perturbe les jeunes enfants qui arrivent à l’école.

Les petits déjeuners

• Installation dans la classe d’un coin « petit déjeuner » pour permettre le repas matinal si nécessaire à l’enfant, qui arrive en classe sans avoir eu le temps de le prendre chez lui.

• Certains établissements réalisent un buffet le matin pour offrir, moyennant finance, du cacao et des sandwichs aux enfants qui ne peuvent déjeuner avant de partir de chez eux.

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La cantine scolaire

• Repenser l’organisation du restaurant des petits, utiliser des meubles à la mesure des enfants, décorer le restaurant scolaire pour le rendre plus accueillant.

• Aménager un espace « éducation corporelle » pour mieux vivre les temps de midi. Les cours de récréation Diversifier les espaces des cours de récréation en y organisant des espaces d’actions, de repos, de convivialité. Si chacun y trouve son agrément, moins d’agressivité sera développée. Le coin repos • Organiser des salles de sieste pour répondre au besoin de repos des plus petits • Adapter les temps de repos à leur rythme chronobiologique. Le plus souvent des projets développés par l’équipe éducative dans les écoles permettent un changement bénéfique dans l’organisation des milieux de vie. Ces changements ont une incidence certaine sur la santé physique et psychologique des enfants. Développer des projets qui incitent les enfants à prendre progressivement en compte leur santé physique, psychologique, et mentale. Quelques projets :

pour intégrer l’éducation nutritionnelle à l’école. Des projets sur l’alimentation : « l’alimentation est le premier acte conscient de la vie de l’enfant, sur laquelle il exerce une action volontaire » Freud.

A. Des projets d’écoles en santé Il existe un projet européen soutenu par la Croix Rouge pour promouvoir l’éducation à la santé à l’école. Ce projet « REES » (ou réseau européen d’école en santé) a été mis en place dans 32 pays européens. En communauté française, il concerne 11 écoles pilotes. Deux écoles par province ont été choisies dans des milieux économiquement défavorisés, et qui exprimaient une attente pour cette éducation à la santé. Cette éducation à la santé se fait à tous les niveaux de l’école : maternel, primaire, secondaire, ce qui détermine une cohérence dans le projet. Ces écoles participent au projet santé. Ce projet Rees perçoit l’éducation à la santé en retenant 12 critères. Nous verrons à la lecture de ces 12 critères, qu’il est fondamental d’inclure cette éducation à la santé dans différents domaines si on veut percevoir des résultats probants au niveau de la santé scolaire. Nous essayerons ensuite de déterminer des pistes de travail qui favorisent une prise en charge scolaire, personnelle ou familiale de la santé.

Critères du programme REES 1. Elaborer le projet éducatif à partir des demandes des enfants, des parents. Ou du moins en

tenir compte. 2. Promouvoir l’estime de soi de chaque élève. 3. Favoriser les bonnes relations entre les enseignants, entre les élèves eux-mêmes. 4. Faire percevoir clairement aux élèves, aux enseignants, les objectifs sociaux de l’école. 5. Mobiliser les élèves dans des activités stimulantes incitant à un mode de vie sain. 6. Protéger ou améliorer l’environnement physique que constitue l’école. 7. Fonder des relations entre le milieu scolaire et la famille.

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8. Etablir des liens entre l’enseignement maternel, primaire, secondaire pour élaborer des programmes d’éducation cohérents.

9. Promouvoir la santé, le bien être du personnel enseignant, du personnel d’encadrement. 10. Conférer aux enseignants un rôle de référence en matière d’éducation à la santé. 11. Affirmer le rôle complémentaire de l’alimentation scolaire dans le programme d’éducation

pour la santé. 12. Exploiter le potentiel éducatif des services de santé dans l’optique d’un soutien actif du

programme d’éducation pour la santé. B. Des projets de classes

A côté de ces projets d’écoles se développent chaque jour dans différentes classes de l’enseignement maternel des projets riches et motivants qui interpellent l’enfant dans un vécu quotidien et améliore sa qualité de vie donc sa santé. Des activités culinaires sont réalisées dans la cadre de projets pour :

• Les anniversaires fêtés à l’école (originaux et bons pour la santé) • Recevoir les correspondants. • Utiliser des produits de la ferme, du marché, du jardin. • Organiser le petit déjeuner collectif à l’école pendant 1 semaine. • Organiser un projet de collations « santé ».

Il y en beaucoup parce que en outre l’aspect purement diététique, la nourriture véhicule : • Une charge émotionnelle, affective qui joue énormément dans la relation en tant que

valeur d’amour, de récompense, de consolation que représente parfois la prise d’aliments. L’anorexie, la boulimie en sont des manifestations.

• Une charge socialisante : qui commence avec la mère pour s’élargir à la famille, au groupe social élargi ensuite.

• Une charge culturelle : qui transparaît dans l’attachement à la nourriture de sa maman, de sa famille, de son pays... d’où la difficulté de changer ses habitudes alimentaires. Recevoir une maman d’origine étrangère en classe, lui demander de préparer des loukoums, un couscous, c’est participer grandement à l’intégration de l’enfant la famille dans le cadre scolaire.

Se nourrir de façon équilibrée est nécessaire pour la croissance et l’entretien de l’organisme. Intégrer le plaisir de la diététique aux activités culinaires réalisées à l’école donne aux

jeunes enfants les moyens d’acquérir des connaissances nécessaires et suffisantes pour mieux se nourrir et mieux se porter. Les enfants, comme les adultes, sont souvent les victimes d’habitudes alimentaires négatives qui prennent leur origine dans l’enfance puisque c’est dès l’enfance qu’ils fabriquent leurs tissus graisseux. La petite enfance est le moment le plus propice pour acquérir des principes diététiques simples et facilement réalisables car les enfants sont capables d’assimiler le principe des groupes alimentaires et l’action des différents groupes dans la nutrition. Le comportement alimentaire devient alors plus conscient. A l’âge de la maternelle, les enfants racontent souvent à leurs parents ce qu’ils font à l’école. L’expérience le prouve. Les parents intégrés à l’action éducative sont susceptibles d’acquérir de meilleures habitudes alimentaires.

Les collations Les enfants viennent souvent en classe avec des collations qui ne sont pas toujours

appropriées. En dressant un tableau des collations prises par les enfants durant la semaine, il

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est possible de changer le choix de celles-ci pour les rendre plus nutritives. La coopération des parents peut donc être associée à ce projet. Bien choisir sa collation. • Dresser un tableau des collations prises par les enfants durant la semaine, • Porter une analyse critique sur le choix des collations. • Changer nos habitudes alimentaires. Des activités d’éveil 1. Rencontrer les aliments :

Les connaître. Reconnaître les caractères communs des différents aliments. Connaître leur rôle dans notre corps. Les enfants doivent savoir que chaque catégorie d’aliment apporte des éléments nutritionnels essentiels à la santé et qu’il est donc important qu’à chaque repas, on prenne un aliment de chaque catégorie. 2. Parallélisme avec les animaux :

A l’école maternelle, les enfants sont constamment en contact avec le monde vivant. Ils élèvent des animaux, soignent des plantes. Par ces activités, ils mettent en place des concepts de vie fondamentaux. Tout ce qui est vivant naît, se nourrit, s’active, dort, grandit, meurt,... L’enfant perçoit très bien qu’un manque de soin, d’hygiène, de nourriture est fatal pour la santé, la survie de ses protégés. Ces activités d’éveil et plus spécifiquement les soins donnés aux animaux contribuent aussi à faire apparaître la fragilité de la vie mais aussi à établir le parallèle entre sa propre vie et la vie de l’animal, à comprendre aussi l’influence de la nourriture, du milieu sur sa croissance. 3. Des projets de prévention qui : •••• Permettront à l’enfant de prendre conscience de son corps. •••• Lui feront comprendre que son corps lui appartient. •••• Installeront chez l’enfant des mesures de prudence. •••• Amèneront les enfants à se confier à l’adulte de son choix. 4. Des projets sociaux qui : •••• Conscientisent l’enfant sur l’existence d’une population qui ne bénéficie pas du minimum

vital, et lui permet de participer à cette chaîne d’amitié, d’aide pour subvenir aux besoins élémentaires des plus démunis.

•••• Montrent à l’enfant la valeur de cette nourriture qu’il délaisse quelquefois. 5. Des projets de prévention des accidents domestiques

Les accidents domestiques sont encore trop nombreux, mais au delà d’une prévention de terrain, l’école peut jouer un rôle éducatif certain, de mise en garde. Enfin, Une information médicale.

Les enseignants reçoivent une formation sur le bien fondé de certaines interventions en cas d’accidents ou de maladie que l’enfant pourrait contacter durant sa présence à l’école. En adoptant le bon geste à certaines situations, l’enseignant donne à l’enfant les moyens de réagir positivement à des accidents de santé. Développer une politique sportive Une expérience d’éducation corporelle où l’enfant bénéficie d’une activité sportive par jour, de la maternelle jusqu’au 6ème primaire, a prouvé que les petits écoliers qui bénéficiaient

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chaque jour d’une activité sportive étaient en bien meilleure santé, et avaient vis à vis de l’école et des enseignants une image beaucoup plus positive. Les enseignants bénéficient donc de formations continuées pour la pratique de la natation, de l’unihockey, de l’expression corporelle, de l’éducation rythmique et sportive. Souvent, l’enfant qui très tôt a bénéficié d’activités sportives régulières continuera à pratiquer un sport pour le plus grand profit de sa santé.

En synthèse : Vivre et apprendre la santé à l’école Nous pourrions dire que l’enfant doit vivre et apprendre la santé à l’école dans ses actes quotidiens pour que l’enfant puisse acquérir : • Une certaine autonomie dans la réalisation de ses besoins physiologiques. • L’habitude d’une alimentation variée et équilibrée. • L’habitude d’activités corporelles régulières. • Des réflexes de sauvegarde face aux accidents divers qui pourraient endommager sa santé. • Des habitudes de propreté aux différents moments de sa vie scolaire. Si on sait que le plus souvent, les adultes reproduisent les comportements qu’ils ont acquis durant leur jeunesse, notre action est donc double : préparer les adultes de demain .et en sensibilisant les familles jouer un rôle de relais rappelant aux parents les bienfaits de certains comportements.

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TABLE RONDE 1

FORMATION INITIALE ET FORMATION CONTINUE POUR LES EDUCATEURS DU

PRESCOLAIRE

Président : Mohamed GUEDIRA Rapporteur : El Hayat ERGHOUNI

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NECESSITE ET IMPORTANCE DE LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES

Hamza HAJRI, Maroc

Dans le domaine de l’éducation préscolaire, les multiples rencontres, auxquelles nous avons la chance de participer, nous ont permis de constater que les éducatrices et les éducateurs se posent tous avec insistance, et non sans une certaine perplexité, diverses questions concernant l’activité mathématique au préscolaire : • Les mathématiques peuvent-elles être considérées, à l’école maternelle, comme une

discipline à part entière, comme un ensemble de contenus à enseigner ? • Qu’est-ce qu’enseigner des mathématiques à des enfants de moins de sept ans ? • Comment peut-on organiser cet enseignement ? • Qu’est-ce qui permet de considérer que certaines activités sont mathématiques alors que

d’autres ne le sont pas ? • Comment peut-on gérer ces activités ? etc. Si ces questions, tout à fait légitimes, demeurent sans réponses claires, bien assimilées et parfaitement adaptées, les « pauvres » éducateurs du préscolaire ne pourraient point accomplir convenablement leur mission. D’une part, ceci justifie, nous semble-t-il, la nécessité et l’importance d’une formation initiale en didactique des mathématiques pour les éducateurs du préscolaire. Mais, d’autre part, ces questions ont obtenu, durant l’histoire, des réponses diverses, voire opposées. Et, depuis la création de l’école maternelle, il est certain que les « objets à enseigner » aussi bien que les conceptions de l’apprentissage, ont évolué. Les problématiques en didactique des mathématiques ont toujours été, jusqu'à maintenant, à l’origine de toute évolution des programmes des mathématiques dans le préscolaire. Nous pensons qu’il faudrait que les éducateurs comprennent les problématiques actuelles pour pouvoir non seulement suivre toute évolution possible dans les programmes, mais aussi comprendre les bases théoriques sous-jacentes à toute activité proposée. Pour cela, il est indispensable de connaître la manière dont l’approche des mathématiques à l’école maternelle s’est transformée, et en quoi ces transformations sont très fortement liées à l’état des connaissances, au développement des recherches dans des domaines aussi variés que la psychologie, les mathématiques ou la didactique des mathématiques. Pour mettre en exergue ces propos, prenons l’exemple de l’évolution des programmes de mathématiques à l’école maternelle en France (étude de Dominique VALENTIN de l’IUFM de Versailles). Selon l’auteur, trois périodes ont caractérisé cette évolution : a) la première période va de 1880 à 1970, • il s’agit d’enseigner les bases du calcul ainsi que des connaissances sur les unités de

grandeurs, • l’enseignement est basé sur l’imitation, l’observation et la répétition, • les élèves sont censés apprendre tous la même chose au même instant, • l’enseignement est centré sur les contenus numériques, la géométrie fait partie de

l’enseignement du dessin.

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b) la deuxième période va de 1971 à 1985, • il ne s’agit plus de proposer une liste de connaissances à acquérir mais beaucoup plus d’objectifs exprimés en termes de savoir-faire, • la rubrique « mathématique » n’apparaît plus en tant que telle : les notions mathématiques sont intégrées au chapitre intitulé « le développement cognitif », • il ne s’agit plus de nombre, par exemple, et encore moins de calcul, • l’accent est mis sur le développement des capacités, • c’est la période d’une véritable révolution qui a abouti à ce qu’on a appelé la réforme « des maths modernes », • cette réforme est fondée sur les développements récents des mathématiques (les structures) et sur les travaux du psychologue suisse Jean PIAGET, • d’où des principes tout à fait intéressants : - mettre l’accent sur l’activité du sujet dans la construction de ses connaissances : « activités réfléchie », « assimilation active », organisation des actes du sujet en « schèmes », - organiser les savoirs à enseigner : articulations existant entre les différents savoirs, structures communes aux différents savoirs, - développer la pensée logique de l’enfant à l’aide d’activités spécifiques, => Mais, cette réforme a échoué. Elle n’a pas été assez analysée au départ, elle n’a pas été assez préparée au niveau de la formation didactique des maîtres.

c) la troisième période va de 1986 à nos jours, La circulaire de 1986, qui régit encore l’école maternelle (du moins, à ma connaissance, jusqu’au début de l’année 1996), propose des listes de compétences et cherche à conserver quelques acquis de la période précédente mais avec des orientations nouvelles qu’on peut résumer ainsi : • ne pas développer des savoir-faire pour eux-mêmes (comme en deuxième période), • ne pas chercher à faire apprendre par coeur des connaissances en dehors de leur domaine

d’utilisation (comme en première période), • c’est en confrontant l’enfant à un problème bien choisi que la nécessité des connaissances

nouvelles doit se faire jour. Analyse didactique de cette évolution :

Selon un schéma de Gérard VERGNAUD (IREN de Paris VII) : Tout concept (mathématique en particulier) peut être lié à des situations (les référents de ce concept), il vérifie certaines propriétés (les invariants du concept en question) et il possède ses propres désignations (ses signifiants).

SIGNIFIE (Concept)

REFERENTS (situations)

INVARIANTS (propriétés)

SIGNIFIANTS (désignations)

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On peut analyser, selon ce schéma, la façon dont un concept peut être conçu. Il semble qu’à chacune des périodes précédentes, un seul des trois axes évoqués ait été privilégié.

Période axe privilégié 1880 - 1970 SIGNIFIES - SIGNIFIANTS 1971 - 1985 SIGNIFIES -INVARIANTS 1986 - 1996 SIGNIFIES - REFERENTS

A propos des programmes de mathématiques actuels

Les contenus mathématiques proposés à l’école maternelle sont aujourd’hui organisés, en France, par le texte de 1986, autour de trois grands thèmes :

� les relations spatiales, � les relations logiques, � les relations numériques.

Dans la rubrique concernant les mathématiques au cycle 1, nous citons l’une des plus importantes orientations : « Savoir poser et résoudre un problème ou une situation est le propre de l’activité scientifique et donc de la formation tout au long de la scolarité : c’est une compétence à mettre en œuvre dans une activité scientifique. Au cycle des apprentissages premiers, l’enfant doit pouvoir mettre en œuvre des stratégies de tâtonnement pour trouver des solutions aux problèmes qui lui sont proposés ». Cette orientation nécessite une formation solide des éducateurs du préscolaire. Il faudrait tout au moins certains éclaircissements : - Qu’est ce qu’un problème ? (non routinier, inhabituel, défi à l’intelligence du sujet, désir de chercher et de trouver tout seul, etc.). - L’heuristique ? étapes successives : • préparation psychologique (le problème devient celui du sujet, il est pris par la volonté et le

désir de rechercher et de trouver). • bricolage (stratégies de tâtonnements, patience et confiance de l’éducatrice, résister aux

tentations de souffler des réponses pour ne pas voler à l’enfant ce plaisir de découverte !) • incubation (rôle du sommeil dans l’organisation des idées, etc.). • inspiration (plaisir de découvrir tout seul, joie, etc.). • vérification (ne pas prendre ses désirs pour de la réalité, reprendre le cycle depuis le début

si la solution est fausse, etc.).

Pour conclure : Il est certain que, en mathématiques, les « objets à enseigner » changent et que les conceptions de l’apprentissage évoluent. Pour bien mener leur mission, les éducateurs du préscolaire doivent suivre ces changements et ces évolutions. Mais la maîtrise de ces changements nécessite la compréhension des problématiques qui sont à leur origine, d’où l’évidente nécessité des formations initiale et continue en didactique des mathématiques.

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FORMATION INITIALE ET FORMATION CONTINUE DES EDUCATEURS DU PRESCOLAIRE

Mehdi HEFIRI, Maroc

On ne peut poser les questions inhérentes au préscolaire en dehors du système éducatif, en

dehors de ses dysfonctionnements, et de ses enjeux actuels et à venir. Dans notre pays, l’école tout entière est appelée à relever des défis. Parmi ceux-ci la mise en place d’un enseignement préscolaire efficace, conforme, dans sa pratique, aux droits fondamentaux de l’enfance, et s’inspirant - en les adaptant - des avancées scientifiques qui permettent de mieux cerner la personnalité de l’enfant dans son développement.

La question fondamentale que l’on peut se poser, et dont découleront toutes les autres est, à

notre avis, celle de la place du préscolaire au sein du Ministère de l’Education Nationale. De gros efforts de structuration du secteur sur les plans administratif et pédagogique sont fournis par le MEN depuis 1968. Largement dominé par l’école coranique, institué par dahir en 1937, le préscolaire compte aussi des jardins d’enfants, au départ mis sous tutelle du Ministère de la Jeunesse et des Sports par dahir en 1941.

Dans l’enseignement de type coranique, avec des objectifs certes limités, mais précis et clairs pour tous, la nécessité d’une formation du personnel du préscolaire ne s’est faite sentir que tardivement. Cependant, d’autres variantes que celle de l’école coranique ont vu le jour et se sont multipliées pour répondre aux exigences de nouvelles catégories socio-économiques. Celles-ci aspirent à d’autres approches dans la formation de leurs enfants.

Dans cet environnement nouveau où, il est vrai, le préscolaire n’occupe qu’une place infime, s’est développé le besoin d’un personnel formé à travailler avec des enfants de 2 à 6-7 ans. Cette demande insuffisamment exprimée par les acteurs du préscolaire, n’a pas été prise en compte par les différents plans de formation mis en œuvre par le M.E.N. Quelques actions initiées par d’autres départements que le M.E.N. n’ont pas abouti aux résultats escomptés ni quantitativement ni qualitativement. Nous citerons à titre d’exemple Al Manar, initiative du privé, la formation des aides éducatrices par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, les tentatives avortées de l’Office de Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPTT) dans ce domaine. Bref, il a fallu attendre cette décennie pour que soit instituée la maîtrise en éducation préscolaire à la faculté des sciences de l’éducation. Combien forme-t-on d’éducateurs du préscolaire par an ? Le nombre de lauréats arrivera-t-il à couvrir les besoins à l’échelle d’une nation ? Ces retards sur le plan de la formation du personnel préscolaire ont engendré une hétérogénéité des profils. Ainsi dans une même unité d’enseignement préscolaire, on peut trouver : • des éducatrices formées sur le tas, • des jardinières d’enfants, • des puéricultrices, • des auxiliaires, • des éducatrices diplômées à l’étranger.

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La formation initiale est censée doter l’éducatrice de savoirs et de savoir-faire de base

relatifs aux développements affectif, social, psychomoteur et cognitif de l’enfant. Les premiers apprentissages chez l’enfant se construisent sur des fonctions encore immatures : perception, représentation spatio-temporelle, mémoire etc.

L’éducateur est, à la fois, l’observateur de l’évolution de ces fonctions, des comportements spontanés de l’enfant, et le pédagogue averti qui réinvestit ces observations pour orienter ses actions pédagogiques dans des projets cohérents. Ces actions ne devraient en aucun cas se limiter à la seule organisation matérielle des lieux ou à un comportement bienveillant (sécurité, santé et propreté). Dès lors, se dessine le profil de l’enseignant du préscolaire : il est un instituteur apte à gérer le développement de l’enfant. Le temps ne presse pas ! Le rythme de l’enfant doit être systématiquement pris en considération.

En l’absence de la formation initiale qui faciliterait la tâche aux intéressés et qui permet des

régulations ponctuelles, en phase avec le renouveau dans le domaine, la formation continue prend en charge le processus à son début. En fait, l’école maternelle est supposée donner une formation globale qui prépare l’enfant aux apprentissages ultérieurs et le dispose à l’enseignement de toute discipline pendant le primaire. Un tel projet ne peut aboutir à des résultats performants que s’il est confié à des professionnels. La professionnalisation du personnel se fera progressivement, grâce à une formation continue intense et diversifiée. D’où l’urgence d’une intervention du MEN dans ce domaine. Une formation continue efficace à l’échelle nationale ne peut se faire sans l’aide de centres de formation. Les quelques dispositifs de formation continue montés par les responsables privés du secteur n’ont de cohérence qu’à l’intérieur de l’école qui les initie. Ces dispositifs sont par ailleurs l’expression du souci de mieux faire et témoignent de la marginalisation du secteur par les services publics. Au sein du groupe scolaire la Résidence nous avons développé une tradition de formation continue qui couvre plusieurs composantes de l’acte éducatif.

Cette formation s’organise de la façon suivante : chaque fin d’année, on élabore un plan de

formation qui prend en charge les besoins du personnel déjà en activité, ou récemment recruté. On peut distinguer : • Des séminaires étalés sur l’année animés par des intervenants étrangers, les séminaires

s’inscrivent dans le cadre de conventions signées avec des centres de formation étrangers. • Des séminaires animés par des nationaux à partir de cahiers de charges précis. • La participation des éducatrices aux stages de formation organisés épisodiquement par le

MEN. • Des activités de formation en partenariat avec des organismes éducatifs avec lesquels nous

partageons les mêmes soucis en matière de formation du préscolaire. • Des conférences, tables rondes avec des intervenants étrangers au nationaux. • Un encadrement personnalisé par des formateurs du MEN ou de partenaires étrangers

opérant sur le territoire marocain. • Des rencontres, des réunions pédagogiques animées par des responsables des sites pour

harmoniser les actions pédagogiques par cycle. • En parallèle, nous encourageons l’autoformation, et mettons à la disposition des

enseignants la documentation nécessaire et nous facilitons leur accès à des centres documentaires à même de répondre aux besoins des éducatrices.

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• Les résultats obtenus jusqu'à présent sont probants, mais nous souhaitons pour plus d’efficacité que certains partenariats entre les différents acteurs intéressés par le domaine voient le jour pour une meilleure coordination.

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QUELLE FORMATION POUR POUVOIR ACCUEILLIR TOUS LES

ENFANTS DANS LES STRUCTURES DU PRESCOLAIRE

Athina KAMMENOU, Suisse

Si je suis parmi vous, autour de cette table ronde, c’est parce que j’ai envie de vous faire part de ma conviction que la formation de base et encore plus celle continue, des éducateurs/trices de la petite enfance, et des enseignants doit s’inscrire dans une perspective d’intégration. Les jardins d’enfants, les garderies et les crèches ont été crées pour accueillir les enfants d’âge préscolaire. Ces structures et leur personnel qualifié devraient pouvoir répondre aux besoins de tout enfant, qu’il soit francophone ou de langue étrangère, qu’il soit noir ou blanc, de milieu familial et économique proche ou différent du nôtre, qu’il soit valide ou handicapé. Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais d’abord vous présenter en bref le système préscolaire à Genève. Dans le canton de Genève le préscolaire qui ne fait pas partie de la scolarité obligatoire, se compose de deux parties bien distinctes. La 1ère partie qui regroupe les enfants de 2 mois à 4 ans, se compose des crèches, jardins d’enfants et garderies (chacune de ces structures ayant ses particularités) et la 2ème partie qui accueille les enfants de 4 à 6 ans, se compose des 2 classes enfantines (ayant elles aussi leurs propres particularités). Les professionnels qui travaillent dans les premières structures, les éducateurs et éducatrices de la Petite Enfance, ont suivi après la scolarité obligatoire, l’Ecole d’éducatrices et éducateurs du jeune enfant une formation de 3 ans partagée entre les cours théoriques et les stages pratiques. L’enseignement dans les 2 classes enfantines qui font d’une certaine façon partie de l’école, est assuré par des enseignants/tes qui, depuis 2 ans, ont une formation universitaire de 4 ans.

Je reviens maintenant au but initial, la formation. Après plusieurs années d’existence, pour Genève je dirais même plusieurs décennies, le préscolaire passe du simple gardiennage à une éducation plus différenciée et individualisée. Dans l’intention d’apporter à chaque enfant un accueil adapté à son âge et à sa personnalité, c’est autour de deux pôles que doit se tisser l’éducation préscolaire et auxquels les professionnels doivent être aptes à répondre.

Un premier pôle concerne l’éducation qui se doit d’être la plus différenciée possible. Chaque enfant se développe à un rythme qui lui est propre et qui doit être respecté. Des besoins spécifiques existent pour chacun à des moments différents dans le temps. L’éducateur doit pouvoir offrir un projet éducatif le plus individualisé possible dans un environnement capable de se modifier et de s’adapter, selon les circonstances, aux besoins prioritaires de chaque enfant.

Un deuxième pôle concerne l’entourage de l’enfant. Pour mieux comprendre l’enfant et pouvoir l’accompagner dans son développement, il faut prendre en considération son milieu familial. Chaque enfant a une histoire, des parents, des frères et soeurs, de la famille plus large qui interagit d’une façon ou d’une autre avec lui, et qui ont une influence sur lui. Ce facteur, longtemps négligé, et qui doit être pris sérieusement en considération, nous amène à un autre point essentiel, une compétence nécessaire : l’ouverture vers l’extérieur et le travail pluridisciplinaire. Parfois l’éducateur sera amené à parler avec l’assistant social, le conseiller dans son travail quotidien avec lui.

Jusqu'à présent, tout professionnel par sa formation est préparé pour travailler seul, isolé, individuellement. Par exemple à l’école, dans sa classe, l’enseignant agit comme le seul

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expert, il doit identifier les problèmes et les résoudre tout seul. Pourtant les choses évoluent et on ne peut actuellement parler de milieu intégré, de milieu destiné à tout enfant, sans parler de collaboration, de travail pluridisciplinaire. En plus, après plusieurs années de fonctionnement du secteur d’enseignement spécialisé, on peut aujourd’hui constater que les compétences professionnelles attribuées jusqu'à présent aux enseignants spécialisés, deviennent actuellement celles de tout professionnel de la petite enfance. Si dans un premier temps on a cru que des cours sur la description des différentes déficiences et pathologies et des informations détaillées sur les caractéristiques de l’enfant en difficulté et des conditions handicapantes, pourraient être utiles dans une formation de base, cela ne signifie pas automatiquement une meilleure acceptation du principe de l’intégration. Au contraire, je dirais, accentuer les différences et les difficultés qui peuvent apparaître, risquent plutôt de renforcer les craintes, et les doutes. Actuellement on pense qu’une bonne formation de base doit prendre en considération plusieurs facteurs et offrir, entre autres, plutôt des cours généraux sur la gestion d’une classe comme par exemple : • planification d’un projet individualisé, • travail pluridisciplinaire, travail en équipe, • techniques de dépistage et d’évaluation, • travail adaptatif, travail à plusieurs niveaux.

En 1994 nous avons mené à Genève une enquête dans le but d’en savoir un peu plus sur la relation entre formation théorique et pratique quotidienne des professionnels qui étaient engagés dans un processus d’intégration. Selon les résultats recueillis, les professionnels ont réclamé une formation complémentaire, une fois que l’enfant en difficulté se trouve dans leur classe. Sous forme de formation continue ou de conférences ponctuelles, sur des thèmes spécifiques, cette formation devrait toucher surtout le domaine des informations plus approfondies sur les différents handicaps et la gestion d’une classe hétérogène. Il paraît qu’une autre source d’information-formation qualifiée d’informelle, sont les rencontres, sous forme de synthèses, de discussions, entre les différents spécialistes qui cherchent à trouver des réponses convenables aux problèmes rencontrés. A la base d’un travail pluridisciplinaire, nous pensons que ces rencontres informelles peuvent s’organiser de façon que les enseignants se sentent libres de poser toute question, chercher l’information dont ils ont besoin, poser leurs problèmes et pourquoi pas leurs craintes. L’élaboration des interventions spécifiques, adaptées aux possibilités réelles de l’enfant, doit se faire sur une base de réflexion et discussion commune entre tous les intervenants.

Actuellement à Genève chaque professionnel a droit à 7 journées de formation continue, cours ou conférences qui sont subventionnées par la Ville et le Département de l’Instruction Publique.

Si on veut que les structures du préscolaire répondent à leur mission et puissent vraiment accueillir et inclure tout enfant, il faut offrir aux professionnels une formation qui leur permet une ouverture vers l’extérieur, une capacité mais aussi une volonté de collaborer, une possibilité de se remettre en question et une capacité de s’adapter à toute nouvelle situation.

Si chacun reste enfermé dans son coin, non seulement le travail de l’enseignant devient difficile et parfois inefficace, mais on risque d’avoir des structures éducatives sélectives, adressées à une petite partie de la population.

BIBLIOGRAPHIE

FRIEND M., & COOK L. (1992). Interactions. Collaboration skills for school professionals. (2nd ed.). N.Y. : Longman Publishers. KAMMENOU A. (1995). La formation du corps enseignant en ce qui concerne l’intégration des enfants handicapés dans les classes ordinaires. Projet indépendant non publié, Université de Genève. Genève, Suisse.

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L’EVALUATION DANS LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE DES EDUCATRICES

Zoubida SENOUCI, Algérie

Je voudrais faire un rappel succinct de la situation de l’enseignement préscolaire ou plus exactement des modes de prise en charge de la petite enfance en Algérie afin de mieux situer l’objet de mon intervention et de le replacer dans le cadre de la recherche - action entreprise par le G.R.A.P.S.2 L’enseignement préscolaire a été le parent pauvre de l’Education nationale depuis l’indépendance. Ce n’est qu’en 1976, en instaurant l’école fondamentale, qu’on lui reconnaît une certaine importance sans pour autant lui attribuer un caractère obligatoire. Quelques classes enfantines furent ouvertes au sein des écoles primaires à partir de 1981-1982 (notamment à Oran). Mais leur nombre, au lieu d’augmenter, n’a cessé de diminuer depuis, ceci étant dû à leur caractère marginal. En effet, l’ouverture d’une classe enfantine se fait souvent grâce à la bonne volonté du chef d’établissement qui n’hésite pas à la supprimer lorsque celle-ci lui pose des problèmes (pression des parents, manque d’enseignantes, etc.). Certes, d’autres structures, tout aussi rares, scolarisent des enfants entre 3 et 6 ans mais leur nombre reste également insuffisant, ce sont : - les jardins d’enfants de la commune, - les écoles coraniques, - les jardins d’enfants des entreprises nationales (SONATRACH, SNS) et de l’ANP. Plus récemment (depuis les années 1990), les jardins d’enfants privés ouvrent un peu partout et surtout dans les grandes villes. Cette diversité des lieux institutionnels chargés de la petite enfance reflète également le niveau très inégal du recrutement et de la formation du personnel d’encadrement. D’une manière générale, la majorité des éducatrices n’ont reçu aucune formation initiale. Et hormis les classes enfantines qui relèvent de l’Education nationale, et bénéficient de ce fait d’un soutien pédagogique, la plupart des autres structures échappent à tout contrôle susceptible de contribuer à une meilleure formation continue de leur personnel d’encadrement. De ce fait, quelle va donc être la pédagogie adoptée ? Qu’est-ce qui va caractériser les comportements pédagogiques de ces éducatrices ? Nos observations des pratiques pédagogiques dans les classes enfantines révèlent que les modèles éducatifs qui sous-tendent l’action des éducatrices, s’appuient principalement sur les représentations traditionnelles que ces dernières se font de la petite enfance. La pédagogie qu’elles mettent en oeuvre est de type scolaire, c’est à dire calquée sur le modèle de l’école primaire et basée sur la contrainte et la coercition. L’enfant est considéré comme une « page blanche », un être qu’il faut modeler selon les normes des adultes tout en lui inculquant des savoirs conçus en dehors de son initiative et de ses potentialités. Dans d’autres cas, le préscolaire est plutôt conçu comme un lieu de gardiennage où la démarche pédagogique s’apparente au style « colonie de vacances ».

2 Groupe de Recherche-Action pour le Préscolaire du C.R.A.S.C. (Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle).

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L’enfant est donc livré aux initiatives tâtonnantes d’éducatrices ignorantes des finalités de la prise en charge efficace de la petite enfance et de la spécificité de sa pédagogie, où est absente l’évaluation conçue comme une aide à l’enfant et non comme un contrôle-sanction. C’est à partir de ce constat que la recherche-action menée par le G.R.A.P.S. va aboutir à l’élaboration d’un guide méthodologique à l’intention des éducatrices. Outre le volet théorique susceptible de contribuer à une meilleure connaissance de l’enfant, et à une maîtrise progressive des outils didactiques et épistémologiques nécessaires à toute action éducative, un volet pratique permet à l’éducatrice à travers des projets, de concevoir et d’organiser des activités d’apprentissage et de les évaluer. Pour le G.R.A.P.S., l’innovation éducative introduite à travers la pédagogie du projet permet de poser l’évaluation comme un aspect indispensable dans la formation professionnelle des éducatrices. I- L’EVALUATION ENTRE OBJECTIFS DU PRESCOLAIRE ET N OUVELLE CONCEPTION DE L’ENFANT Parler d’évaluation dans le préscolaire peut surprendre voire susciter appréhension et inquiétude chez les éducatrices et les parents. Cela s’expliquerait par la représentation traditionnelle de l’évaluation considérée, comme nous venons de le dire, comme synonyme de contrôle, de notation et de classement, réservée habituellement au système éducatif à partir de l’école primaire. Or, si évaluer signifie : examiner le degré d’adéquation entre un ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats à l’objectif fixé, en vue de prendre des décisions, l’enseignement préscolaire ne peut échapper à l’évaluation dès lors que lui ont été assignés certains objectifs. De plus, actuellement avec l’ouverture des crèches privées, le préscolaire doit « rendre des comptes ». En effet, les parents payent parfois le prix fort pour la préscolarisation de leurs enfants et sont donc vigilants quant aux apprentissages de ces derniers et aux prestations pédagogiques offertes par ces structures. L’Ordonnance de 1976 portant réforme du système éducatif lui attribue deux objectifs principaux qui ne doivent pas échapper à l’évaluation : - Préparer l’enfant à l’école fondamentale. - Compenser les handicaps socio-culturels. Dès lors, la question qui se pose est de savoir comment les éducatrices vont oeuvrer à la réalisation de ces objectifs. Quelles démarches pédagogiques vont-elles entreprendre ? Comment vont - elles vérifier les résultats de leurs actions globalement d’abord, sur chaque enfant ensuite. C’est à ces nombreuses questions que l’évaluation tente de répondre afin d’éviter que l’éducatrice ne travaille à l’aveuglette, sans avoir une idée précise de son action. La conception de l’évaluation dans le préscolaire exclut toute idée de compétition, de palmarès et d’étiquetage des enfants. Cet étiquetage devient possible et dangereux lorsque l’éducatrice juge intuitivement les comportements des enfants. L’évaluation devient une démarche intégrée à l’action pédagogique, un outil qui permet à l’éducatrice d’organiser des contenus d’apprentissages appropriés, de repérer les difficultés rencontrées dans certaines activités et d’y apporter une remédiation. Le préscolaire doit mettre en place les apprentissages fondamentaux en développant les capacités et les compétences des enfants, en assurant leur devenir intellectuel, sensori-moteur et socio-affectif. C’est également en aidant l’enfant à construire son savoir, en adaptant son action à ses spécificités qu’elle peut évaluer sa propre efficacité. Elle ne doit pas ignorer que l’enfant arrive au préscolaire porteur de toute une expérience : affective, motrice et cognitive. Il sait identifier les informations sensorielles qui lui

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parviennent tout en étant capable de raisonner sur des faits concrets et des situations réelles. Bref, il est capable d’apprendre, c’est à dire de percevoir, communiquer, conceptualiser et mémoriser. L’enfant d’âge préscolaire est capable de participer à la construction de son propre savoir à condition qu’on l’y encourage et qu’on lui propose des activités qui développent ses compétences. Il possède ses propres stratégies d’apprentissage que l’éducatrice doit aider à faire émerger. L’évaluation de ces apprentissages fournit à l’enfant lui-même, à ses parents et à l’institution une idée précise sur les démarches. La logique de l’évaluation en termes de compétences, constitue une innovation pédagogique. Le changement chez les éducatrices concerne surtout la conception qu’elles se faisaient de l’enfant. II- QUELLE EVALUATION DANS LE PRESCOLAIRE ? L’évaluation intervient à trois moments du processus d’apprentissage. A chacun de ces moments, elle revêt une fonction spécifique. * L’évaluation diagnostique, intervient en début d’apprentissage et permet à l’éducatrice de faire l’inventaire des capacités mentales, langagières et socio-affectives pour pouvoir élaborer un plan d’activités mettant l’accent sur les compétences à développer. * L’évaluation formative : elle a lieu en cours d’apprentissage et c’est cette fonction qui parait la plus importante dans la pédagogie du préscolaire dans la mesure où, intégrée à l’action, elle permet un ensemble cohérent d’attitudes pédagogiques : - Informe l’éducatrice des difficultés d’apprentissage. - Contribue à l’interprétation des facteurs qui sont à l’origine des difficultés observées. - Adaptation des activités à partir des informations recueillies et des observations. - Continuité des apprentissages en prévoyant des étapes supplémentaires sur la base de nouvelles hypothèses qui engagent une remédiation. L’évaluation formative permet de faire le point avec l’enfant lui-même, en train d’apprendre, sur les essais, les tâtonnements rencontrés en cours d’apprentissage.

* L’évaluation sommative : elle intervient en fin d’apprentissage pour vérifier la maîtrise d’une compétence, sa stabilité voire son transfert et sa généralisation : l’enfant doit réorganiser, réinvestir ses acquisitions dans d’autres situations. Si les trois formes d’évaluation sont utilisées dans le système scolaire dans une perspective sommative et certificative, il n’en est pas de même dans le préscolaire car elle doit être fortement intégrée au processus de l’apprentissage. Dans une perspective interactionniste, elle informe à tout moment sur le cheminement adopté par l’enfant et permet à l’éducatrice de tenir compte des différences individuelles. Par conséquent, elle ne peut être que « formative » même si pour des raisons pratiques, il est fait une distinction des moments d’évaluation. III- COMMENT EVALUER ? Pour vérifier qu’un enfant maîtrise une compétence ou que celle-ci est en train de se construire, l’éducatrice doit disposer d’outils qui ne peuvent être élaborés qu’à partir de l’observation fine et de l’analyse minutieuse des paramètres jugés significatifs d’un comportement donné (production réalisée...). Ce sont les critères d’évaluation. Par exemple, une production permet en fonction des objectifs que se fixe l’éducatrice, d’obtenir des informations, soit sur une compétence transversale (domaine de la méthode de travail...) soit sur une compétence disciplinaire (langue, mathématique). L’élaboration d’une grille d’évaluation détaillée, collective (pour l’éducatrice) et individuelle (pour que l’enfant soit informé de ses acquisitions) permet : • d’identifier des situations concrètes dans lesquelles l’enfant exercera ses capacités,

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• d’établir une liste de comportements observables, • d’émettre des hypothèses sur l’origine des difficultés d’apprentissage et proposer des

remédiations. Dans le cadre de la recherche-action menée avec les éducatrices pour le GRAPS, et parmi les projets réalisés au sein de classes pilotes, nous allons prendre l’exemple du projet « papier », projet dont l’objectif était d’arriver à la fabrication du papier à partir du recyclage de papier. Ce projet a duré plusieurs mois. Une multitude d’activités ont été proposées dans les différents domaines (cognitif, sensori-moteur etc.). Les éducatrices ont été pleinement impliquées dans la stratégie de l’évaluation : évaluation du projet et évaluation des apprentissages des enfants. IV- L’EVALUATION DU PROJET Le projet papier ayant été défini, planifié et réalisé, son évaluation s’impose pour vérifier s’il y a adéquation ou inadéquation entre l’objectif qui lui a été assigné au départ et sa réalisation concrète. Cette évaluation portera sur : • le projet dans sa globalité, • les apprentissages réalisés par les enfants. Il n’y a certes, pas de réponse toute prête pour tous les problèmes que pose l’évaluation. Cette dernière nécessite une démarche qui se construit pas à pas et qui reste le lieu de maintes interrogations. Il s’agit d’ouvrir des pistes de travail qui seront balisées par la réflexion et les apports de chacun. Quels peuvent être les critères objectifs d’évaluation du projet dans sa globalité ? V- EXEMPLES DE PROPOSITION : • La rédaction du projet est-elle suffisamment explicite pour en permettre sa réalisation ? • Tel que défini, le projet a-t-il laissé une place importante à l’initiative personnelle des

enfants ? • Le projet a-t-il été suffisamment dynamisant pour intéresser et impliquer les différents

partenaires (éducatrice, enfants, parents) ? • La communication et les échanges ont-ils été favorisés ? (enfant/enfant, enfants/adulte, ...). • Les moyens financiers, matériels et institutionnels ont-ils répondu correctement aux

besoins ? • Les objectifs, ont-ils été bien définis ? • Les compétences ont-elles été bien identifiées ? VI- L’EVALUATION DES APPRENTISSAGES

• l’enfant s’auto-évalue. • l’enfant évalue les autres (pairs). • l’éducatrice évalue l’enfant. • l’éducatrice s’auto-évalue (feed-back sur sa propre action).

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Exemple de grilles d’évaluation Exemple 1

Domaines Langue Technologie Mathématique Compétence

Prénom

S’exprimer de façon compréhensible

Découvrir les outils et leur fonction

Utiliser un appareil Ranger / trier

Ali + / + Nabila / / +

= non acquis

/ en voie d’acquisition + = acquis

L’enfant devient capable de :

− constater s’il a réussi à se servir correctement du marteau, de la scie, etc. − décider par lui-même de recommencer un travail qui ne le satisfait pas (il recommence la

fabrication du cornet). Il est fier de réussir une tâche difficile et en prend conscience peu à peu, il peut pointer sur une grille selon une consigne de l’éducatrice, puis tout seul.

Exemple 2 Compétence

Nom

Nommer et reconnaître

les 3 formes ???? O >

Utiliser une scie Mémoire : un poème une sourate

Ali + / / Nabila / + Souad + /

Observations : La convention établie en classe

je ne sais pas encore.

/ je commence à savoir un peu.

+ je sais très bien.

Exemple 3 Capacité : Fabriquer un pylône Compétence : Trier et reconnaître la résistance d’un papier pouvant être utilisé pour fabriquer un objet. Le pylône sera réussi si : oui non Les consignes sont comprises Le découpage de chaque partie est propre Les bases sont identiques Les enfants savent nommer les différentes bases * L’éducatrice peut retenir un ou plusieurs critères à la fois.

Exemple 4 Capacité : communiquer oralement Compétence : l’enfant sera capable de décrire les étapes de la construction du bonhomme en papier.

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La description sera réussie si : oui non La prononciation est correcte L’articulation est correcte La voix est audible L’ordre des mots est respecté Le temps des verbes est respecté Le vocabulaire est précis Les actions sont nommées dans l’ordre La conjugaison est correcte

CONCLUSION L’évaluation dans le préscolaire ne doit pas apparaître comme un phénomène de mode qui chercherait à aligner les classes enfantines sur les autres degrés d’enseignement. Elle est un véritable outil de travail et d’auto-formation dans certains cas (auto-évaluation des éducatrices). Les éducatrices qui sont persuadées qu’elles ont toujours observé les enfants et consigné leurs remarques sur leur cahier-journal, ne savent sans doute pas que l’évaluation aide à formaliser cette observation qui est souvent formulée par des appréciations plus ou moins vagues, plus ou moins subjectives. De même qu’une observation basée sur l’intuition peut porter de graves préjudices aux enfants qui ont le plus de difficultés, en portant sur eux des jugements de valeurs et en les étiquetant sans rien leur proposer comme remédiation. L’évaluation invite à une observation continue guidée par des objectifs fixés au préalable et en même temps déterminés par elle. Elle est au service de l’enfant qu’elle aide à apprendre en lui donnant la possibilité de se rendre compte de ses réussites comme de ses échecs à travers ses propres démarches. L’éducatrice aménage, voire réaménage l’itinéraire pédagogique de chaque enfant.

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LA FORMATION CONTINUEE

DES MAITRES

Suzanne CARLIER WÉRY, Belgique I- CONCEPTION GENERALE

La profession d’enseignant est d’une telle complexité que quelles qu’en soient la durée et la nature, la formation initiale est nécessairement incomplète. Et, même si elle était parfaite à un moment donné, le développement toujours accéléré des connaissances dans les sciences de l’éducation la rendrait bientôt lacunaire. Il n’est donc pas possible d’admettre que pendant une carrière entière un éducateur puisse se passer d’une remise à jour systématique. Etant l’un des principaux responsable du progrès des enfants qui lui sont confiés, l’enseignant a le devoir de toujours progresser lui-même dans son avenir, son savoir-faire et sa personnalité. L’une des faiblesses majeures de la situation actuelle dans notre communauté est l’absence presque complète de récompense pour des efforts significatifs de formation continuée. II- ORGANISATION DE LA FORMATION CONTINUEE.

Afin de mieux comprendre comment s’organise chez nous la formation continuée, il n’est pas inutile de rappeler le rôle et les actions de l’inspection. Elle joue un rôle d’animation pédagogique et de contrôle par : • la programmation et l’animation de journées pédagogiques, • les visites de classe qu’elle organise. (Nous pouvons ainsi mieux cerner les besoins des

enseignants dans le domaine de la formation et les retombées pratiques de ces formations sur le terrain).

• l’organisation des groupes de travail pour réaliser avec les enseignants plus motivés des documents pédagogiques qui seront exploités dans le cadre de journées pédagogiques.

• le contrôle de l’application du programme qui est un programme d’activités et non un programme de matière, et le contrôle de la neutralité de l’enseignement.

Elle assume la cohérence pédagogique entre les différentes écoles de la Communauté En Communauté française, c’est à l’inspection du fondamental qu’incombe la responsabilité de la formation continuée. Par l’intermédiaire de l’organisation des études, via le chef d’établissement, les enseignants reçoivent l’invitation à assister à des journées de formation. Il appartient au chef d’établissement de faire en sorte que tous les enseignants participent aux journées pédagogiques programmées par l’inspection. Ces journées se donnent pendant les heures de cours des élèves et lorsqu’une enseignante participe à la journée pédagogique, ses élèves sont donc répartis dans les autres classes. Le service d’inspection travaille étroitement avec le centre d’autoformation (CAF). Dans ce centre de formation travaillent des chargés de mission (enseignants détachés de leur classe) qui aident efficacement à la formation des enseignants. Ils apportent aussi une aide personnalisée aux enseignants en difficulté ou en recherche. L’enseignant, en tout cas, doit être conscient, comme le sont les responsables de l’éducation que la formation de l’école normale n’est pas une fin en soi et doit être suivie d’une formation

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continuée qui donne au maître la possibilité de se perfectionner régulièrement. Les formations suivies n’ont aucune incidence sur le traitement de l’enseignant. Efficacité d’une formation continuée L’existence d’une formation continuée sérieuse et régulière peut jouer un rôle déterminant dans la revalorisation d’un corps professionnel et aider à l’aboutissement d’une pédagogie de la réussite. Pour être efficace, cette formation continuée doit : 1. Toucher un grand nombre de personnes A cet effet, l’inspection et les directions d’écoles veillent à ce que tous les enseignants participent activement aux formations proposées, si on veut que les répercussions sur le terrain soient significatives. 2. Etre centrée sur les problèmes de classe Il n’y a pas si longtemps encore, centrer les journées pédagogiques sur les problèmes de classe aurait fait sourire, tant la pédagogie ambiante était de modèle « applicationniste ». En effet, bon nombre d’enseignants encore en fonction actuellement ont suivi une formation de base centrée sur la leçon modèle. Celle qu’il fallait imiter au mieux. Cette pratique tenait peu compte de la personnalité de l’enseignant, des apprenants et des situations particulières des classes. Actuellement, au regard de la montée considérable de l’hétérogénéité des publics scolaires et de la nécessité d’adapter les méthodologies de manière souple afin qu’elles soient accessibles à tous, les enseignant doivent être considérés comme de véritables acteurs sociaux. 3. Répondre aux problèmes que se posent les enseignants Accepter de se pencher sur les problèmes que posent les pratiques de classes suppose que l’on donne à l’enseignant suffisamment de latitude pour organiser un enseignement qui répond aux besoins des enfants tout en tenant compte de la personnalité de l’enseignant pour organiser sa classe et donner les différents apprentissages. Les visites des classes maternelles par les membres de l’inspection permettent aux inspectrices de mieux cerner les besoins des enseignants et de programmer des formations en fonction des besoins. La réussite d’un maître dans sa classe tient à une multitude de facteurs. Le maître doit être capable : • d’établir des contacts humains valables, • de connaître suffisamment la matière, • d’être conscient des objectifs à atteindre dans les apprentissages donnés, • d’utiliser des stratégies méthodologiques efficaces. Chacun sait qu’avec l’enfant, les apprentissages fondés sur la seule matière n’ont guère de chance d’aboutir, si une motivation basée sur l’affectif et le fonctionnel n’engage pas l’enfant dans une démarche personnelle de recherche. Pour mettre l’enfant en situation de réussite, certains critères doivent être respectés : • donner à l’enfant une éducation globale, • engager l’enfant dans des apprentissages motivants où autonomie et recherche personnelle

sont possibles, • par une évaluation formative, lui permettre de progresser à son rythme aussi loin qu’il lui

est possible. Psychologie, pédagogie et méthodologie, tels seront les maîtres du jeu de la formation des enseignants qui devront accompagner les enfants dans leur cursus scolaire. La formation continuée va donc s’appuyer sur ces paramètres pour apporter aux enseignants une formation

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qui se veut la continuité de la formation initiale. La formation des maîtres est plutôt formative que somative. La formation ne peut plus être modélisante. Elle doit viser à doter les maîtres d’une souplesse opérationnelle visant à développer des aptitudes à coopérer, à innover, à communiquer, à se remettre en cause, à acquérir un style personnel de travail. Les objectifs des formations qui apparaissent déterminants sont : 1. Développer chez l’enseignant la créativité des maîtres pour mettre en œuvre une

organisation de classe qui permet de répondre aux besoins d’individualisation et d’autonomie des enfants.

2. Améliorer la capacité de l’enseignant à observer l’enfant en basant sa formation sur une solide connaissance de la psychologie de l’enfant.

3. Cerner les moyens à mettre en œuvre pour répondre aux différents types d’enfants en situation d’apprentissage.

4. Cibler les capacités transversales et opérationnelles qui devront être assimilées dans le cadre du cycle, et ce dans tous les domaines, afin de donner aux enfants une éducation globale.

5. Développer des recherche-actions qui amènent praticiens et chercheurs à travailler dans une même direction, l’élaboration de banques de données, recherche de moyens pédagogiques adéquats capables d’améliorer l’apprentissage des enfants.

6. Aider les enseignants à pratiquer une pédagogie moins individuelle. 7. Donner à l’enseignant des outils d’évaluation qui lui permettront d’analyser le résultat de

l’apprentissage de l’enfant. III- QUELLES FORMATIONS ? Dans le souci de répondre à l’application d’une pédagogie globale, des thèmes illustrant cette pédagogie sont proposés régulièrement : 1. Education corporelle

• Psychomotricité générale • Initiation au baby basket • Education rythmique et sportive • Unihockey • La natation en classe maternelle (ou la connaissance du milieu aquatique).

2. Activités créatrices • Découverte de techniques d’expression manuelle • Fabrication de marionnettes

3. Activités musicales

• Expression corporelle et rythmique • Le chant (création et exploitation de chants dans le vécu quotidien des classes

maternelles)

4. Activités langagières • Utilisation du théâtre de marionnettes en classe maternelle. • Initiation poétique dans une vie de classe • Le conte : savoir écouter ; savoir parler, exploitation d’un livre, et de la BCD

5. Activités autour du livre

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• L’approche fonctionnelle de l’écrit. • L’activité graphique en maternelle • L’exploitation d’un livre, et de la BCD

6. Activités mathématiques

• La mathématique au quotidien • Du jeu à la mathématique

7. Pédagogie

• La pédagogie du projet • L’organisation des classes en ateliers • La pratique de l’évaluation formative • Environnement social et pédagogique de l’enfant de petite section • Exploitation de différents projets sur « les droits de l’enfant »

8. Education à la santé • des projets de classe pour une alimentation saine et des habitudes d’hygiène de vie • Intervention de l’enseignant face aux accidents et aux problèmes de santé auxquels il

pourrait être confronté dans le quotidien de la vie scolaire Remarque Dans le souci d’établir une meilleure collaboration entre l’enseignement préscolaire et l’enseignement primaire certaines formations s’organisent en commun pour la dernière maternelle et le 1er degré primaire.

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LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE DES EDUCATRICES PRESCOLAIRE :

QUELLE DEMANDE POUR QUELLE RECONNAISSANCE ?

Résumé

Chantal EMRAN, Maroc

Le service Formation de l’AMSAHM propose depuis une dizaine d’années des stages et des formations de sensibilisation, de perfectionnement ou de spécialisation dans le domaine de la petite enfance, et de l’enfance handicapée. Ces stages sont animés par des professionnels du domaine concerné (exemples : pédagogie, psychomotricité,…) et visent à donner des outils pratiques et de création d’ateliers dans les jardins d’enfants, les maternelles, ainsi qu’à sensibiliser à la relation adulte-enfant. Mais la demande est plus centrée sur l’acquisition de techniques que sur les relations pédagogiques…

Notre réflexion portera donc sur la demande réelle de formation continue : pour qui ? pour quoi ? où se trouve le cadre de la formation continue ?

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TABLE RONDE 2

LE PRESCOLAIRE EN ZONE RURALE

Président : Allal BEN EL AZMIA Rapporteur : Mustafa EL GOURAÏNI

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RAPPORT DE LA TABLE RONDE

L’animateur de la séance, après avoir relevé l’absence des trois intervenants qui devaient animer le débat autour de la question, et après avoir présenté les différents participants, a fait, en guise d’entrée en matière, une comparaison entre le travail au préscolaire, en ville et dans le monde rural. Il a insisté sur la difficulté de travailler dans le monde rural : - taux élevé de l’exode rural ; - les établissements généralisés dans le préscolaire sont les écoles coraniques (inexistants dans le monde urbain) ; - le préscolaire moderne avec ses différents types d’établissements qui ne vont pas sans poser des problèmes au niveau des ressources matérielles et humaines ; - au niveau de l’encadrement des petits (contenus pédagogiques et éducatifs) ; - la problématique du préscolaire en zone rurale relève principalement de l’isolement du monde rural par rapport au développement qui a accompagné l’urbanisation (encadrement, équipement et pédagogie). Les préliminaires de la discussion ont dégagé deux expériences qui ont enrichi la réflexion sur le thème de la table ronde : • L’une marocaine présentée par quatre coopérants français dans quatre localités du royaume,

dans le cadre du projet S.N.B.A.J. 97 de coopération franco-marocaine. • L’autre concerne une expérience d’implantation du « préscolaire » dans le désert du

Néguèv présentée par deux responsables palestiniens de la petite enfance. I . L’EXPERIENCE DU NEGUEV : Réalités o 50 % des enfants scolarisés ne peuvent pas profiter d’une éducation préscolaire. o Eloignement des populations cibles. o Conditions climatiques difficiles. o Régime de vie sous l’occupation.

Solutions

• Recensement des populations. • Organisation de rencontres entre des personnes instruites en vue de former des groupes

pouvant favoriser le développement de l’éducation préscolaire. • Redonner confiance aux populations locales et les sensibiliser à la nécessité de

scolariser leurs petits. • Ouverture d’institutions préscolaires ( rudimentaires). • Aide fournie par les fondations internationales. • Participation locale.

II . L’EXPERIENCE MAROCAINE DANS LE CADRE DU PROJET DE COOPERATION : − Objectif du projet : préscolarisation et renforcement de la scolarisation des petites filles

dans le milieu rural.

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− Objectif qualitatif : scolarisation des enfants et mise en place de stratégies pour développer leurs capacités et leur sens de l’autonomie.

− Proposer l’aide pour l’installation d’alternatives. − Formation d’équipes spécialisées afin d’y aboutir. Réflexion bilatérale sur le préscolaire

marocain et surtout sur les obstacles qui gênent son développement. − Organisation de séminaires régionaux comme celui tenu à Al Haouz du 19 au 21 novembre

97 et le séminaire national tenu à Rabat le 24 et le 25 novembre 1997.

A Tiznit Travail avec des associations qui ont installé des classes préscolaires et qui cherchent à se développer.

- Parallèlement, échange avec l’école française d’Agadir (déplacement d’enseignants de cette institution à Tiznit dans le but d’exposer la philosophie et les objectifs de l’école).

- Création d’une forme de partenariat ou de tutorat .

Objectifs : − Création d’un modèle pour la réalité marocaine. − Ouverture de 10 à 15 nouvelles écoles pour l’année scolaire 1997-98. − Création d’une commission qui regroupe des inspecteurs et des formateurs (coopérants) qui

se charge de la formation des personnes intervenant dans l’enseignement préscolaire et de l’encadrement des animatrices (atelier et matériel pédagogique).

A El Haouz - Milieu associatif pauvre - Sensibiliser les populations du douar à la préscolarisation de leurs enfants. - Mettre des enfants en âge préscolaire dans des classes primaires. - Bénévolat d’une demi journée consenti par des instituteurs en vue de leur initiation et de leur participation à l’enseignement préscolaire. - Création de nouvelles salles de classe. - Formation de quatre inspecteurs (en didactique)

A Chefchaoun Situation caractérisée par la présence du Kouttab (école coranique) et des écoles modernes.

- Les partenaires institutionnels faisant défaut, l’expérience en est au stade de la sensibilisation autour de la question du préscolaire et de l’information et la mise en place d’habitudes de travail. - Projet d’installation de Kouttab et d’institutions modernes (privées). - Recherche de partenaires (associations).

DISCUSSION Elle a porté essentiellement sur les difficultés et les obstacles qui entravent l’implantation de l’instruction préscolaire en zone rurale.

− L’éloignement et le manque d’infrastructures rendent difficile l’implantation en milieu rural d’un enseignement préscolaire.

− La réticence des parents à la scolarisation de leurs petits et le non-respect de l’application des textes de loi concernant la scolarisation obligatoire ajoutent à l’acuité du problème.

Il s’est dégagé de la discussion un ensemble de propositions de solutions résumées comme suit :

− Analyser la situation de la préscolarisation existante en rural.

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− Développer l’expérimentation. − Mettre des stratégies en place à partir des délégations. − Lutter contre l’exploitation de la force de travail des enfants et sensibiliser les

parents de ces derniers à scolariser leurs petits durant leur petite enfance (âge préscolaire).

− Créer des jardins d’enfants dans un cadre associatif.

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TABLE RONDE 3

BILINGUISME PRECOCE AU PRESCOLAIRE

Président : Sofia AKOURI

Rapporteur : Brigitte EL ANDALOUSSI

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BILINGUISME AU PRESCOLAIRE

Résumé

Mohammed CHTATOU, Maroc

Dans nombre de pays du monde, le bilinguisme précoce n’est un cas d’étude isolé,

mais une réalité socio-culturelle quotidienne à laquelle sont assujettis des milliers d’enfants de bas âge.

A titre d’exemple, en Afrique, vu la prolifération des langues locales, beaucoup d’enfants sont amenés, dès leur petite enfance à apprendre la langue maternelle et une des autres langues en usage, sachant pertinemment que dans la même rue deux langues différentes peuvent être en présence, sinon plus. Parallèlement, on peut trouver des exemples similaires dans les pays d’Asie.

Le Maroc n’échappe nullement à ce phénomène, qui est en principe dicté par la dichotome tamazight - arabe. Dans les régions tamazightophones, les enfants dont la langue maternelle et le tamazight se heurtent à l’arabe dialectal – darija - dès leur premier contact avec la rue. De ce fait, ils sont obligés de s’adapter à cette nouvelle réalité, au prix de maintes frustrations d’ordre pédagogique, psychologique et identitaire. Pour beaucoup de gens, il n’y a pas à s’inquiéter, parce que les enfants à bas âge ont une grande capacité d’adaptation linguistique, mais bien sûr la réalité et toute autre.

Dans le présent travail, nous essayerons de faire la lumière sur le bilinguisme précoce, ses aspects et ses différentes manifestations tant sur le plan linguistique, que socio-culturel que psycho-pédagogique. Par la même occasion nous essayerons de dégager, autant que possible, les inconvénients et les avantages, tout en oeuvrant pour la démystification de certains concepts courants.

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BILINGUISME PRECOCE AU PRESCOLAIRE

Résumé

Nadia LAHRIM, Maroc

Il existe plusieurs bilinguismes de par le monde. Ils sont souvent liés à la situation particulière de chaque région. C’est pour cela qu’une telle rencontre entre praticiens et théoriciens est importante pour réfléchir sur le cas particulier du bilinguisme au Maroc. Mon intervention se présentera essentiellement sous forme de questionnements dans le bus d’aller vers une meilleur conception du « Bilinguisme ». I. INTRODUCTION 1. Bénéfices du bilinguisme

. Il permet un recul par rapport à sa 1ère langue.

. Il développe : − l’esprit critique − l’ouverture − la tolérance

. Il permet des approches différentes d’une même notion. 2. Risque d’un bilinguisme mal installé

. Perturbation ou blocage de la fonction langage

. Echec scolaire

. Production de semi-lingues : personne qui ne maîtrise ni la 1ère ni la 2ème langue II. QUAND INTRODUIRE LE BILINGUISME ?

. Peut-on introduire une deuxième langue avant que l’enfant n’ait acquis un comportement de parleur ?

− Quel est le plus déterminant pour la réussite d’un bilinguisme, est-ce le moment où on l’introduit ou plutôt la manière dont on l’introduit ?

II. COMMENT INTRODUIRE LE BILINGUISME ?

. De manière générale la meilleure manière d’acquérir une langue consiste à la faire fonctionner. Donc il faut aller plutôt vers l’enseignement dans la langue et non pas seulement de la langue.

. Former des enseignants dans une optique bilingue et organiser une coordination entre l’action des différents enseignants d’un même enfant.

. Mettre les enfants de différents niveaux en interaction pour permettre des échanges fructueux.

. Introduire l’écrit et l’oral en parallèle pour permettre une consolidation mutuelle.

. Utiliser des outils pédagogiques variés (jeux, ordinateur, walkman, vidéo…)

. Exploiter les apports extrascolaires (la famille, les médias, les institutions )

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IV. QUEL BILINGUISME POUR LE MAROC − L’arabe classique est-elle la 1ère langue de l’enfant marocain ? − Comment est-elle enseignée dans les maternelles ? − Quelles deuxièmes langues pour les enfants marocaines ?

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BILINGUISME PRECOCE

AU PRESCOLAIRE

Jean DUVERGER, France Le bilinguisme précoce familial "simultané", c'est à dire acquis dès la naissance dans le cadre de familles mixtes linguistiquement, est relativement bien connu, et a fait l'objet de nombreuses analyses. Moins connu sans doute est le bilinguisme précoce "différé", acquis seulement à l'école et, spécifiquement, à l'école maternelle, correspondant à ce que vous appelez ici le "préscolaire". Ce bilinguisme précoce, que l'on souhaite installer vers 3/4 ans, mérite pour réussir pleinement, que l'on s'attarde un peu sur les conditions de sa mise en place, tant au plan environnemental (institutionnel, psychofamilial) qu'aux plans psychogénétique et pédagogique. Avant de décrire ces conditions, et en préalable, quelques mots sont nécessaires pour rappeler les bénéfices attendus de ce bilinguisme : il convient en effet d'être clair sur les objectifs visés. I - LES BENEFICES ATTENDUS SONT D'ORDRE LINGUISTIQUE, C ULTUREL ET COGNITIF... 1- Les bénéfices linguistiques - Exposer un jeune enfant à une deuxième langue dès l'école maternelle est naturellement un excellent moyen de lui apprendre cette deuxième langue, car il est alors particulièrement réceptif aux stimulations langagières, et tout a été dit, d'une façon générale, sur l'immense capacité d'apprentissage du très jeune enfant (la "malléabilité" de son cerveau, etc.) - Mais au delà de ce bénéfice premier, et évident, il faut savoir que l'enseignement-apprentissage en deux langues, à l'école maternelle, et dans de bonnes conditions, favorise le développement de la langue maternelle. Ce second bénéfice n'a pas toujours été reconnu, il est pourtant incontestable, et nombre de recherches le prouvent maintenant. Le fait pour l'enfant d'être exposé à deux langues lui permet en effet de développer des compétences métalinguistiques (à son insu bien sûr, le plus souvent) à partir de comparaisons, de tâtonnements, de mises en relation, d'hypothèses entre les fonctionnements de ces deux langues. Il comprend mieux, intuitivement, le fonctionnement de sa langue maternelle (surtout si on l'aide bien sûr) en la comparant au fonctionnement de l'autre langue. - Ce développement de compétences métalinguistiques permet ensuite à l'enfant d'aborder d'autres langues, d'autres codes linguistiques, avec plus de facilité... Cette éducation linguistique qu'il acquiert petit à petit est tout à fait précieuse pour sa scolarité future lorsqu'il apprendra une troisième... une quatrième langue. - Toujours dans le champ des bénéfices linguistiques, on sait maintenant clairement que l'apprentissage précoce d'une deuxième langue permet à l'enfant de conserver des potentialités à la fois auditives et phonatoires qui disparaissent vers 9 ou 10 ans chez les individus monolingues... (d'où les problèmes d'incapacité à produire certains sons, accents, etc. pour les apprentissages de langue tardifs). - L'enseignement-apprentissage en deux langues, dès le préscolaire, permet aussi de former de meilleurs lecteurs (l'enfant développe en effet des comportements de vrai lecteur, en "faisant du sens" directement à partir de l'écrit, sans passer par l'oral) mais il faudrait là sans doute, développer quelque peu... nous y reviendrons...

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- On pourrait ajouter, naturellement, que l'exposition précoce à deux langues permet de former d'excellents traducteurs, etc. mais l'essentiel est de retenir que les bénéfices linguistiques généraux sont considérables et connus, et que la langue maternelle, dans des conditions normales de scolarité, ne peut qu'y gagner. 2- Les bénéfices culturels Ils sont également nombreux et connus. Le bilinguisme précoce ouvre la voie à l'interculturalité, il permet de connaître d'autres valeurs, d'autres repères, d'autres découpages de la réalité. S'il est bien conduit, il débouche sur des valeurs d'intercompréhension, de tolérance, de convivialité. Il ouvre au monde, il met en relation, il relativise... Le bilinguisme précoce, s'il est vraiment bilinguisme, s'il est bien conduit et vécu, ne nuit pas au sentiment identitaire, aux racines, il peut permettre au contraire d'identifier des valeurs, et de les faire vivre, mais dans le respect d'autres valeurs. Mais peut-être reviendra-t-on sur cet aspect des choses. 3- Les bénéfices cognitifs Les bénéfices cognitifs, c'est à dire des bénéfices pour l'enfant au niveau de ses capacités d'apprentissage, sont moins connus mais tout aussi précieux. On sait maintenant qu'un enseignement bilingue précoce peut développer des capacités d'abstraction, de conceptualisation, donc des compétences transversales utiles pour tout apprentissage... L'état d'alerte intellectuelle permanent, induit par l'exposition à deux langues, développe une flexibilité cognitive souvent décrite par des recherches universitaires (notamment au Canada). Par ailleurs, ce bilinguisme développe des compétences de créativité, utiles tant au plan artistique qu'au plan comportemental en général. Au total, par conséquent, et très rapidement évoqués, les bénéfices d'un bilinguisme précoce, dès l'école maternelle, peuvent être considérables. II- MAIS POUR OBTENIR UN MAXIMUM DE BENEFICES... IL FAUT CERTAINES CONDITIONS Pour les commodités de l'exposé, on peut proposer deux groupes de conditions : - des conditions d'ordre environnemental (autour de la classe) - des conditions de pratiques scolaires (dans la classe) 1- Des conditions d'ordre environnemental à créer et maintenir... - D'abord et avant tout, il faut veiller à ce que le "statut" des deux langues soit soigneusement, et en permanence, "équilibré". En d'autres termes, il s'agit d'être très attentif à ce que l'enfant ne vive pas la deuxième langue comme une "rivale" de la première - sa langue maternelle -, il convient de l'aider, à tout instant, à considérer que la deuxième langue est un "plus", qu'elle est une autre manière d'exprimer des émotions, de comprendre et découvrir le monde. L'enfant doit avoir une image positive - également positive - des deux langues qui lui sont offertes, même s'il se rend compte qu'elles ne sont pas tout à fait superposables... Même statut intériorisé, même image, même valeur pour les deux langues mais avec des utilisations à des moments différents, dans des situations affectives ou intellectuellement différentes, élargissant ainsi ses possibilités de compréhension de l'environnement, et d'action sur lui. Concrètement, ça veut dire quoi? - Cela veut dire que l'institution qui accueille le jeune enfant doit être très au clair avec ce problème du statut des langues. Les responsables de l'école maternelle, les enseignants, doivent être en contact étroit avec les familles, et travailler dans le même sens...

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L'objectif linguistique central doit être explicité : la langue française sera introduite EN RELATION avec la langue arabe, sans préjudice du développement de la langue arabe, en harmonie avec celle-ci... L'idée sous-jacente étant naturellement que la deuxième langue ne doit pas dans l'esprit de l'enfant éliminer la langue maternelle, cette langue maternelle qui a structuré son identité et sa fonction langage... D'où des réunions préparatoires entre l'institution préscolaire et les familles, avant la rentrée; d'où des réunions régulières en cours d'année... - Cela veut dire également, et en liaison avec ce qui précède, qu'au sein de la famille, le jeune enfant doit pouvoir vivre son bilinguisme naissant avec sérénité, et sans tensions. Autrement dit, les parents doivent très attentifs à ne pas dévaloriser une des deux langues, à ne pas leur donner des spécificités par trop marquées (par exemple l'affectif uniquement en langue arabe... ou les apprentissages scolaires uniquement en langue française...). Il s'agit de développer chez l'enfant des parités réfléchies entre les deux langues, au sein du milieu familial, que les parents soient eux-mêmes bilingues ou non (et ils le sont, je l'imagine, le plus souvent, dans la situation qui est la vôtre). - Toujours au plan environnemental, il convient assurément, si l'on veut développer chez le jeune enfant un bilinguisme fonctionnel, de créer autour de lui un contexte qui donne du sens à ce bilinguisme qu'on lui propose... d'où le développement de médiathèques bilingues à l'école, de lieux (y compris à la maison) où ce bilinguisme que l'on vise est lisible... visible... palpable. Finalement, il faut comprendre que si l'on décide, pour l'enfant - et sans lui demander, naturellement, son avis - qu'il doit être bilingue, il faut lui donner en même temps un environnement qui lui permette de donner du sens à ce bilinguisme attendu; il faut qu'il y trouve du plaisir, des significations qui sont propres à l'enfance... Cet "amont", cet "autour" de la classe, sont tout aussi importants que ce qui se passe à l'intérieur de cette classe. Et rien n'est jamais définitivement acquis en ce domaine... il faut réactiver sans cesse... Ceci étant, que faire en classe, en liaison avec l'environnement décrit précédemment, pour réussir ce bilinguisme? 2- Des conditions de pratiques de classe variées et convergentes... - En classe, le premier souci, me semble-t-il, doit être d'introduire progressivement la langue française sans évacuer la langue maternelle... Progressivement, c'est à dire sans heurts, sans "submersion", sous le prétexte pédagogique qu'il faudrait "imprégner" l'enfant de la langue seconde visée. Les pratiques d'immersion précoce (vers 3/4 ans) sont pleines de risques, pour des raisons d'ordre psychogénétique; car l'enfant, à cet âge, n'a pas encore mis en place définitivement sa fonction langage, cette fonction langage qui se développe progressivement depuis sa naissance grâce à un code, un système linguistique, qui est sa langue maternelle... Bloquer brutalement (6 heures par jour, à l'école) l'usage de la langue maternelle peut naturellement bloquer le développement de la fonction langage (le comportement de "parleur"), ce qui est bien sûr préjudiciable à l'enfant. Tout dépend bien sûr du contexte linguistique familial, c'est à dire des degrés de monolinguisme ou bilinguisme des échanges familiaux... mais l'essentiel est ici de comprendre que la rupture "familiale" due à l'entrée à l'école (l'enfant quitte sa famille...) ne doit pas être doublée d'une redoutable rupture linguistique (l'enfant introduit dans un milieu où il ne comprend plus ce qui est dit...). Il convient d'être prudent, attentif, de voir cas par cas... mais, en tout état de cause, d'avoir le souci de "l'accueil linguistique", et de faire coexister les deux langues; ne jamais évacuer la langue maternelle... Et savoir... savoir que la compréhension précède largement l'expression.

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Etre patient... patient. Ne pas s'attendre à ce que l'enfant s'exprime rapidement en langue seconde. - En classe encore, et pour aider l'enfant à se repérer, progressivement dans les deux langues proposées, il est utile de suivre la loi dite "Grammont-Ronjat", qui préconise la formule simple : "une personne-une langue "... C'est une bonne manière de respecter les deux langues, de pratiquer l'accueil linguistique avec pertinence, en faisant varier les moments, les lieux, les thèmes où les deux langues sont utilisées... C'est au sein de l'équipe pédagogique que l'on peut trouver les ressources pour organiser ce dispositif en binômes... c'est là le travail du projet pédagogique. Je citerai maintenant, en liaison avec les principes évoqués précédemment, un certain nombre de pratiques pédagogiques qui sont entre elles en cohérence, en synergie, et d'égale importance par conséquent... - Avoir le souci de faire des activités de même nature en L1 (langue maternelle) et en L2 (langue nouvelle); pour ce faire, on peut installer la classe de telle manière que les deux langues soient également omniprésentes (coins spécialisés, affichages, etc.). - Penser qu'une langue peut "piloter" l'autre, c'est à dire qu'une activité faite dans une langue peut être reproduite dans l'autre langue, avec quelques variantes, ce qui aide l'enfant à intérioriser la parité entre les langues. Le concept de "langue pilote" peut guider de nombreux ateliers, tout au long de la journée. - S'efforcer de faire des activités psychomotrices dans les deux langues. Ces activités, qui articulent langage et corps, sont éminemment favorables au développement d'un bilinguisme fonctionnel, on le sait... - De la même façon, les activités artistiques impliquant le corps (théâtre, jeux dramatiques) sont à privilégier, et doivent se dérouler dans les deux langues. - Les activités de contes, comptines, histoires... doivent naturellement également se vivre dans les deux langues : l'aspect interculturel est ici important à réguler, toujours dans ce même souci de coexistence entre les deux systèmes de langue et de valeurs. - Toutes ces activités, autant qu'il est possible, seront donc animées par des enseignants travaillant en binômes, les deux personnes constituant le binôme pouvant d'ailleurs changer de rôle (de langue) d'une classe à l'autre, d'une année à l'autre... (c'est un problème d'équipe pédagogique, de projet d'école). - Une idée centrale du travail du binôme est de mettre en place, le plus souvent possible, une pédagogie du projet, du projet bilingue... Ces projets bilingues, dans l'enseignement préscolaire, peuvent être faciles à mettre en oeuvre : préparation d'anniversaires, de fêtes, organisation de sorties, fabrication de marionnettes (les unes parlant L1, les autres parlant L2), etc. - D'autres pratiques favorisant le bilinguisme sont celles qui mettent en place des ateliers transversaux, multiâges : dans ces ateliers, les enfants qui arrivent vivent avec leurs aînés, les observent dans leur usage de la langue 2, perçoivent intuitivement les difficultés, les réussites, et du sens est ainsi donné à l'apprentissage de cette deuxième langue. - Il va de soi, par ailleurs, que, comme pour l'oral, les contacts avec l'écrit doivent être abordés parallèlement, en L1 comme en L2. Si l'on veut que l'enfant soit bilingue, il convient que son comportement de lecteur se développe en même temps en L1 et L2... "On n'apprend à lire qu'une fois ", c'est à dire que les stratégies à développer pour devenir un bon lecteur sont les mêmes, quelle que soit la langue... Et le passage par l'oralisation pour apprendre à lire, qui n'est déjà pas fonctionnel pour la langue maternelle, l'est encore moins pour la langue 2... et le fait que les alphabets soient différents, que le sens de l'écriture soit différent, etc. ne changent rien à l'affaire... (Mais il faudrait sans doute plusieurs heures pour traiter de ce sujet...).

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- D'autres pratiques favorisant le bilinguisme doivent être encouragées : ce sont celles qui aident l'enfant à observer - au niveau qui est le sien - le fonctionnement des deux langues... Il faut l'aider à comparer le lexique, les structures syntaxiques, les "formes" phonétiques... Il faut encourager l'étude comparative, contrastive, il faut habituer l'enfant aux bonnes traductions, à éviter les pièges sémantiques, à traiter les interférences. Là encore, le travail en binôme est particulièrement indiqué pour conduire ces activités... - Il faudrait encore évoquer, dans les pratiques scolaires, le bon usage de la médiathèque bilingue, patiemment constituée, ou encore l'aménagement des "coins écoutes" bilingues dans chaque classe. Il faudrait évoquer les concertations et préparations entre enseignants des binômes pour conduire les projets pédagogiques bilingues, les fabrications d'outils didactiques bilingues (jeux, marionnettes, cassettes audio ou vidéo bilingues, livres bilingues, etc.). Mais l'essentiel, et ce sera ma conclusion, est d'être convaincu que la mise en place d'un bilinguisme est possible et hautement souhaitable en éducation préscolaire, pour peu qu'on soit respectueux de la langue maternelle de l'enfant, et qu'on donne du sens à l'apprentissage de la deuxième langue... Un mot encore auquel je tiens : il faut savoir qu'il n'y a pas de contre-indication pour des enfants réputés défavorisés : le bilinguisme est utile et bénéfique à tous les enfants (cf. études canadiennes de Gennessee), il ne doit pas être réservé à quelques uns...

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BILINGUISME PRECOCE AU PRESCOLAIRE

Moussa CHAMI, Maroc Une délimitation du sens des vocables utilisés dans le titre du présent article s’impose. De quoi s’agit-il, en fait, quand on parle du préscolaire au Maroc et du bilinguisme précoce ?

a) - Le préscolaire est la période qui précède le point de départ de la scolarité officielle de l’enfant qui, au Maroc, est entamée vers l’âge de sept ans. Avant cet âge-là les enfants marocains1, ont la possibilité de fréquenter :

• soit des msids2 qui sont disséminés un peu partout dans le pays, aussi bien dans les centres urbains que dans les centres ruraux. Les msids urbains sont relativement mieux structurés que ceux des campagnes. • soit des institutions scolaires privées qui sont l’apanage des centres urbains. Elles sont plus ou moins bien structurées selon leur lieu d’implantation et la clientèle qui les fréquente. Les institutions privées des quartiers déshérités dispensent un enseignement qui souffre de nombreuses tares. Leurs enseignants ne disposent pas d’une bonne formation professionnelle et sont mal payés. Quant aux institutions privées des quartiers aisés, elles rivalisent d’ardeur pour satisfaire au mieux, aux exigences de leur clientèle... • soit ce qu’on appelle « les grandes maternelles », classes tenues par les établissements scolaires relevant des Services Culturels Français et qu’on ne trouve que dans quelques grandes villes du Royaume. Ces classe sont fréquentées par la progéniture d’une couche sociale restreinte, composée entre autres, de familles mixtes assez aisées...

Le préscolaire au Maroc est donc constitué par la clientèle de ces différentes institutions. b)- Le bilinguisme peut se définir comme étant la possibilité qu’a un individu de passer d’un code linguistique, quelle que soit sa valeur sociale et politique, à un autre code, ne traduisant pas l’un par l’autre, mais les possédant au contraire comme deux systèmes linguistiques totalement indépendants. Le vrai bilinguisme désigne non seulement la maîtrise du domaine structural de deux codes linguistiques, mais aussi celle de deux systèmes de pensée et donc de deux cultures. Par conséquent, qui dit bilinguisme dit nécessairement biculturalisme. Le bilinguisme au préscolaire sous-entend à la fois l’apprentissage et l’acquisition3 d’une seconde langue par les enfants, en même temps que leur langue maternelle. Or, quand on essaie d’appréhender la langue maternelle des enfants marocains, les choses se compliquent, car on se trouve là face à une terminologie propre à la linguistique qui fait problème (dialecte, langue, diglossie, niveau de langue...). c) - Les idiomes maternels des enfants marocains sont, selon les régions du pays, soit l’une des trois variétés de l’amazigh (le tarifit au nord, le tamazight au centre, le tachelhit au sud) soit l’arabe marocain, communément appelé « arabe dialectal », soit le hassania (propre aux régions sahariennes), soit encore le français pour une toute petite catégorie de marocains, fils de quelques familles mixtes qui n’usent que de la langue française dans leur foyer.

1 En 1997 quelques trois à quatre millions d’enfants n’étaient pas scolarisés. 2 On les appelle également des « Kuttâbs ». Ce sont les écoles dites coraniques, au nombre de 38 000 environ, au Maroc. 3 Pour la distinction de ces deux termes, voir : - Krashen, S.D. (1981) : « Second Language acquisition and second Language Learning ». New-York. Pergamon Press.

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Sur un plan strictement linguistique, le tarifit, le tamazight et le tachlhit, langues maternelles de plus de 50% de la population marocaine, sont des langues à part entière4, et point n’est l’occasion de discuter ici cette question5. L’enfant amazighophone qui fréquente le msid à la campagne va se trouver en situation bilingue, car il va être mis au contact de la langue officielle du pays : l’arabe dit « classique »6, langue d’enseignement au msid. Quant à l’enfant amazighophone citadin, il connaît sans doute l’arabe marocain (ou bien il est en train de l’apprendre vers l’âge de trois ou quatre ans) quand il est mis en contact avec l’arabe dit classique dans les msids de la ville. Sa situation se complique davantage s’il fréquente une école privée où les langues utilisées sont l’arabe dit classique et le français. L’enfant amazighophone est donc soit bilingue (une variété de l’amazigh, arabe classique) s’il fréquente les msids ruraux, soit trilingue (une variété de l’amazigh, arabe dialectal, arabe dit classique) s’il fréquente les msids urbains, soit quadrilingue (une variété de l’amazigh, arabe dialectal, arabe dit classique, français) s’il fréquente les écoles privées des centres urbains. L’arabe dialectal est l’idiome maternel d’une très grande partie de la population marocaine qui habite aussi bien la campagne que la ville. Jusqu'à présent aucune étude linguistique sérieuse n’a pu définir l’arabe dialectal en rapport avec l’arabe dit classique. Est-ce qu’il est à considérer comme une langue à part entière ou bien n’est il pas tout simplement un niveau de langue comme le serait le niveau familier de la langue française par rapport à son niveau soutenu ? Autrement dit, quand l’enfant arabophone est mis en contact avec l’arabe dit classique, se trouve-t-il réellement en situation bilingue ? Certains chercheurs (Ferguson, 1959) parlent ici de situation diglossique7. La diglossie serait-elle une forme de bilinguisme ou n’est elle que l’expression d’une hiérarchisation des registres d’une langue donnée ? Pour ma part, j’ai toujours soutenu que l’arabe dialectal n’est autre qu’un niveau de langue de l’arabe dit classique8, le niveau familier, relâché (qui ne respecte pas la flexion désinentielle, importante en arabe dit classique) de celui-ci et qui est appelé à se développer avec la scolarisation, et donc à fusionner avec l’arabe dit classique au fur et à mesure que l’on avance dans cette scolarisation. Il faut cependant souligner ici que le passage de « l’arabe dialectal » (langue essentiellement orale) à l’arabe dit classique (langue orale et écrite) n’est pas sans poser à l’enfant marocain des problèmes d’interférences linguistiques qui ne sont pas plus graves que ceux rencontrés par le petit Français de six ans quand, à l’école primaire, il est confronté pour la première fois au code scriptural compliqué de la langue française. L’enfant arabophone est mis en situation de bilinguisme véritable quand, dans les écoles privées des milieux urbains, il est mis en contact avec la langue française... Cette situation où se trouve les enfants arabophones et amzighophones, avant leur accès à l’école primaire, est-elle pour favoriser ou défavoriser leur développement mental ? Ce bilinguisme précoce serait-il bénéfique pour eux ? Serait-il un avantage, un plus, un atout ou bien serait-il nocif et constituerait-il, pour eux, un fardeau, un handicap, un désavantage ? Mais tout d’abord que nous disent, à propos du bilinguisme précoce, les spécialistes de ce domaine de par le monde ? Sur ce problème, les chercheurs du monde entier ne sont pas unanimes quant aux effets du bilinguisme précoce. 4 Voir à ce propos la définition que donne A Martinet à des termes tels que « dialecte », « langue » dans ses « Eléments de Linguistique Générale » (1970). 5 Voir à ce sujet les différents articles parus dans le journal « Tamunt » (Maroc). 6 L’adjectif « classique » a une connotation péjorative et ne convient pas du tout à une langue qui s’impose partout aujourd’hui par son dynamisme et sa vivacité. 7 Voir ce que Ferguson dit notamment à propos du « low speech » et du « how speech ». Revue « World » (1959). 8 Mémoire pré-doctoral. Université de Montréal. Faculté des Sciences de l’Education. (1974).

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Ceux qui le considèrent comme un avantage déclarent qu’il existe chez l’enfant une «plasticité psychologique » qui lui permet d’apprendre sans problème aucun, plusieurs langues en même temps aussi bien sur le plan prosodique que sur plan morpho-syntaxique. Entre quatre et huit ans, le cerveau humain présente la capacité spéciale, nécessaire à l’acquisition de plusieurs langues qui inclut l’aptitude à imiter soigneusement les traits prosodiques de la langue et à utiliser les structures linguistiques avec beaucoup de facilité. Il y a donc là des raisons neurophysiologiques qui plaident en faveur de l’apprentissage précoce d’une seconde langue (Penfield et Roberts, 19599; Glees, 1961). Pour les défenseurs du bilinguisme précoce, l’apprentissage simultané de deux langues ou plus, dès le bas âge, dote l’enfant d’un talent au plan linguistique, difficile à acquérir à l’âge adulte10, et favorise le succès dans la formation intellectuelle. En tout cas, il n’a pas d’effets nocifs apparents sur le développement mental de l’enfant (Arsénian, 1937). Les différentes langues apprises par l’enfant, dès le bas âge, ne sont en fait, pour lui, que des registres d’un seul et unique système, un ensemble de signifants différents qui désignent les mêmes signifiés. En l’absence de contraintes pédagogiques (notes, examens, sanctions...) dans l’environnement où évolue l’enfant, celui-ci s’adonne à l’apprentissage des langues comme si c’était une activité ludique, un jeu passionnant et motivant. Pour toutes ces raisons, des chercheurs tels que Balkan (1970), Titone (1972, 1979) et bien d’autres qu’il serait fastidieux de citer tous, préconisent l’introduction d’une seconde langue au préscolaire et la continuation de son étude tout au long du primaire pour ne pas priver l’enfant d’un bagage linguistique et culturel qu’il lui sera difficile d’acquérir, à la perfection, à l’âge adulte. L’unilingue adulte, en effet, doit passer un nombre considérable d’heures dans les laboratoires de langue pour acquérir une certaine aisance (sauf pour la prosodie) dans la maîtrise d’une seconde langue, alors que s’il entreprend cet apprentissage, dès la petite enfance, il apprendra convenablement bien et rapidement cette langue11.

9 Penfield se déclare partisan convaincu d’une initiation précoce à l’apprentissage bilingue. Pour lui, le cerveau humain devient progressivement raide et rigide après l’âge de neuf ans. Le moment idéal de l’apprentissage d’une seconde langue, en accord avec les impératifs de la physiologie cérébrale, se situe entre quatre et dix ans. Il écrit notamment : « Nous devrons accepter le fait que l’organisme jeune possède une capacité d’acquisition de nouveaux mécanismes linguistiques que l’adulte ne possède plus au même degré. Par conséquent, on devrait exploiter cette « plasticité » propre au cerveau au cours des premières années de vie, puisque, pour un cerveau jeune, l’apprentissage de deux ou trois langues n’est pas plus difficile que l’apprentissage d’une seule ». Dans le mécanisme cortico-thalamique du langage joue ce que Penfield appelle « un commutateur automatique », lequel permet de passer facilement d’une langue à l’autre. A l’âge où l’enfant édifie les unités de langage dans son cerveau avide de connaissances, ce commutateur est particulièrement efficace et, si l’enfant entend trois langues, il en assimile les unités sans confusion aucune. 10 Malgré la plus grande spontanéité qui caractérise le bas âge, rien ne permet de présager que l’enfant bilingue précoce (l’enfant à deux langues maternelles) peut acquérir une double maîtrise qualitativement supérieure à l’âge adulte. Le seul niveau linguistique dont tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il est favorisé par l’apprentissage précoce c’est celui de la prosodie. C’est un aspect important, mais ce n’est pas toute la connaissance d’une langue. 11 L’hypothèse dite « de l’âge critique » veut qu’après la puberté des contraintes biologiques altèrent le capacité d’apprentissage linguistique, mais ce que Penfield disait en 1959 sur le développement neurologique fut largement remis en question. Neufeld (1979) a stigmatisé les études qui soutenaient que les adultes étaient biologiquement incapables de maîtriser une seconde langue comme celles de Lenneberg (1967) par exemple. Pour Neufeld qui met en cause la réalité même de l’âge critique, l’incapacité de l’adulte à apprendre une seconde langue est liée à la production et non à la réception du discours. Suffisamment d’adultes motivés parviennent à maîtriser une seconde langue. La non-universalité est donc la principale faille de la théorie des contraintes de maturation.

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Pour les détracteurs du bilinguisme (Jespersen, 195412; Epstein, 1915 ; Bibeau, 1982 ; et bien d’autres), l’apprentissage d’une seconde langue dans la tendre enfance met en danger l’évolution naturelle de la langue maternelle. L’enfant doit compléter certaines phases de maturation dans la langue maternelle avant d’entamer l’apprentissage d’une nouvelle langue, sinon, découragées par le bilinguisme, les fonctions rationnelles de son esprit, entraveront la formation des concepts. Sa maturité sera peu élevée, sa pensée manquera de netteté et sa culture sera hybride. Sur le plan linguistique, l’enfant bilingue est victime d’une espèce d’érosion des contenus linguistiques qui sape progressivement une partie de sa sémantique. Il mélange souvent les vocables, a des trous de mémoire et construit des phrases caractérisées par leur bizarrerie (Bibeau, 1982). Sur le plan psychologique, le fait de soumettre des enfants à l’apprentissage, précoce des langues secondes, de façon prolongée et intensive, peut déclencher des émotions qui troublent leur vie affective et vont jusqu’à provoquer des changements dans leur personnalité. Il y a là un état d’insécurité affective, dû à l’étrangeté de l’environnement qui est ainsi créé. Les enfants bilingues manquent de confiance en eux-mêmes. Il y a chez eux, une difficulté grandissante de s’identifier psychologiquement aux communautés dont ils connaissent les langues. Ils deviennent, selon l’expression de Van Deth (1979) des schizoïdes sociaux et développent, quand leur intérêt pour la seconde langue est grand, des sentiments graves d’anomie (relâchement ou disparition des liens avec son groupe)13. Pour d’autres chercheurs et grands pédagogues (A.T Keller, 1960 ; Decroly, 1934) le bilinguisme ne constitue pas un préjudice pédagogique pour des enfants doués d’une grande intelligence, mais il en est certainement un pour les moins doués. Dans ce dernier cas, il risque d’être une surcharge ou un obstacle à l’activité mentale générale. Après avoir évoqué brièvement quelques effets positifs et négatifs du bilinguisme précoce, on est en droit de se poser la question de savoir si ce bilinguisme prédestine l’enfant marocain à une intelligence médiocre et à une créativité limitée ou si, au contraire, il contribue au développement de ses capacités intellectuelles, au raffermissement de sa personnalité et à l’ouverture de son esprit... En l’absence d’enquêtes scientifiques sérieuses sur le terrain, il nous est difficile de répondre à cette question d’une manière objective. Toutefois, il est permis de dire qu’on constate dans la société marocaine, la présence de bilingues parfaits parmi les enfants, les jeunes et les adultes qui passent, sans difficulté aucune, de l’arabe dit classique au français et vice-versa aussi bien à l’oral qu’à l’écrit ou d’une variété de l’amazigh à l’arabe marocain, à l’arabe dit classique, au français et inversement, résultat, à coup sûr, d’un apprentissage précoce de ces langues. Et ces cas ne sont pas rares et ne sont pas l’apanage d’une couche sociale favorisée14. Que le bilinguisme provoque des difficultés émotives, des désadaptations de la personnalité, des troubles de caractère est une opinion aussi vieille qu’infondée. Et si on a évoqué quelques

12 Jespersen ne croit pas aux bienfaits du bilinguisme précoce. Pour lui, l’éducation bilingue dispensée dès le bas âge au foyer ou à partir de l’âge scolaire, dans le cadre de l’enseignement, ne présente pas d’avantages. Au contraire «l’énergie intellectuelle exigée par la maîtrise d’une seconde langue affaiblit chez l’enfant les aptitudes à apprendre les autres matières ». Jespersen a notamment écrit que « si l’enfant a deux cordes à son arc , aucune des deux n’est tendue comme il se doit ». 13 Une personne qui devient bilingue devient également biculturelle et se crée une dualité intérieure qui réduit considérablement son sentiment d’appartenance à l’une ou l’autre des communautés linguistiques, avec comme conséquence la création de problèmes sérieux de communication entre cette personne et l’une ou l’autre des communautés (Bibeau, 1982). 14 Il n’y a qu’à méditer le cas de ces enfants qui, à Marrakech, à Agadir, à Fès, à Tanger et dans d’autres villes marocaines, usent à la perfection des langues comme le français, l’anglais, l’allemand, l’italien, avec les touristes qui visitent le Maroc

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effets négatifs du bilinguisme sur le caractère et l’hygiène psychique, il faut bien préciser que de telles tares peuvent très bien être les effets d’autres facteurs qui ne sont pas nécessairement liés au bilinguisme. Par conséquent, il faut bien se garder d’imputer n’importe quelle insuffisance des sujets bilingues à leur bilinguisme parce qu’on rencontre chez les unilingues un pourcentage important de locuteurs au débit difficile et heurté, à la pensée peu structurée, à la personnalité des plus faibles ... (Titone, 1972). Aucune enquête, jusqu'à présent, n’a été apte à prouver que l’unilinguisme mène à l’expression aisée d’une pensée structurée ni à démontrer le rapport obligatoire entre le bilinguisme et l’infirmité verbale et la déficience mentale. On peut reconnaître avec Weinreich (1953) et Martinet (1970) qu’à l’époque moderne des millions de personnes apprennent, dès la petite enfance, à parler une seconde langue avec autant de précision, de couleur et de saveur que leur langue maternelle, et que lorsqu’on compare l’assimilation spontanée chez l’enfant de deux langues avec l’effort qu’exige l’apprentissage d’une seconde langue à l’âge adulte, on ne peut manquer d’être frappé par le gain de temps et l’abaissement de coût que suppose l’éducation bilingue précoce. Celle-ci suppose, évidemment, des structures pédagogiques adéquates, une ambiance psychologique saine et sereine, des conditions socio-économiques favorables et une intelligence normale. Aucune étude scientifique n’a pu, non plus, établir l’impossibilité de maîtriser une seconde langue en bas âge sans aucun problème, lorsqu’il n’est pas question d’une véritable déficience mentale chez l’enfant. Un apprentissage efficace des langues, dès la petite enfance, exige que l’on recrée un environnement linguistiquement naturel et psychologiquement accueillant et stimulant et que toutes les activités d’apprentissage de l’enfant soient colorées d’un caractère nettement ludique, puisque le jeu est l’activité qui stimule le plus vitalement et fonctionnellement le développement total de l’enfant. Dans le cas du Maroc, le bilinguisme précoce demeure, comme d’ailleurs partout dans le monde, une grande richesse pour les enfants. Ceux-ci ne se posent pas des questions à propos des langues qu’ils acquièrent en jouant. Toutefois, la situation change complètement avec la maternelle où les enjeux apparaissent avec les notes, les examens, la réussite pour le passage d’une classe à une autre. En maternelle, nous sommes déjà dans le domaine de l’apprentissage forcé des langues, apprentissage imposé et non spontané, artificiel et non naturel, ce qui n’est pas le cas du préscolaire. C’est donc dans le primaire et dès le cours préparatoire, que les problèmes dus au bilinguisme se posent avec acuité, car ici nous abandonnons les situations d’acquisition naturelle des langue pour accéder dans le domaine de l’apprentissage avec tout ce qu’il engendre comme contraintes, inhibition et interférences linguistiques.

Références

Arsénian S. (1937) « Bilingualism and mental development ». New-York, Teachers College, Columbia University. Balkan L. (1970) « Les effets du bilinguisme français-anglais sur les aptitudes intellectuelles ». Bruxelles AIMAV. Bibeau G. (1982) « L’éducation bilingue en Amérique de Nord ». Guérin Canada (Québec). Bibeau G. Bessette E. (1990) « L’apprentissage précoce des langues secondes ». Revue Marocaine de Didactique les Langues. Decroly O. (1934) « Comment l’enfant arrive à parler ». Vol I et II Cahiers de la Centrale. Centre du P.E.S. de Belgique Vol. 8. Epstein I. (1915) « La pensée et la polyglossie ». Paris Payot. Ferguson G.A. (1959) « Diglossia ». Word Vol 15, pp 325-340. Glees P. (1961) « Experimental Neurology ». Oxford. Clarendon Press. Jespersen (1954) « Language, its nature, development and origin » . London, Allen and Unavin.

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Tabouret Keller A. (1960) « Problèmes psychopédagogiques du bilinguisme » International Review of Education, VI, I, pp 52-60. Krashen S.D. (1981) « Second Language Acquisition and Second Language Learning » New-York. Pergamon Press. Lenneberg E.H. (1967). « Biological Foundations of Language » New-York Joh Wiley Sons. Martinet A. (1970) « Eléments de Linguistique Générale ». Paris Armand Colin. Neufeld G. (1979) « La capacité d’apprentissage linguistique chez les adultes » Encrages (n° spécial). Université de Paris VIII. Penfield W. G, Roberts, L. (1959) « Speeche and Brain-Mechanisms, Princeton University Press. Titone R. (1972) « Le Bilinguisme précoce » Bruxelles Charles Dessart. Titone R. (1979) « Psycholinguistique appliquée » Paris - Payot Van Deth J.P. (1979) « L’enseignement scolaire des langues vivantes dans les pays membres de la communauté européenne ». Bruxelles Didier AIHAV Weinreich, U. (1953) « Languages in contact » New-York Pablications of the Linguistic Circle of New-York.

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TEMOIGNAGE SUR LE BILINGUISME

AU PRESCOLAIRE

Mohammed FAIQ, Maroc

Plus de dix années vécues sur le terrain du préscolaire au Maroc, une connaissance directe des institutions préscolaires, des discussions interminables et des échanges avec des centaines d’éducatrices, d’éducateurs et des dizaines de conseillers pédagogiques et de parents m’ont permis de bien appréhender la réalité et le fonctionnement de ce secteur. Cette imprégnation de secteur me pousse à penser que la question de savoir s’il faut adopter le bilinguisme précoce (ou non précoce) est dépasser dans notre pays et que l’enjeu est véritablement ailleurs.

Que se passe-t-il au niveau des institutions préscolaires de notre pays ? Les jardins d’enfants : sur un échantillon de plus de 54 institutions de Casablanca, rabat, Meknés, plus de 80% pratiquent le bilinguisme selon différents formats, alors que le reste pratique le français en évacuant complètement la langue maternelle des enfants.

Les Kouttab coraniques préscolaires : officiellement, les kouttab coraniques n’enseignent pas le français, mais en réalité, ils dispensent des cours de français à l’insu des conseillers pédagogiques. A titre d’exemple, sur l’ensemble des kouttab coraniques touchés par le projet de l’équipe ATFALE, pratiquement tous offrent des cours de français (le plus modeste a pour objectif l’apprentissage de l’alphabet dans la grande section).

Les institutions relevant des missions étrangères au Maroc : -Les écoles du réseau de l’Agence pour l’enseignements du français à l’étranger (AEFE) relevant de l’Ambassade de France. -Des institutions relevant de l’ambassade d’Espagne et des USA. -Les écoles de type français mais non subventionnées par l’Etat français (la totalité des frais de la scolarisation est prise en charge par les parents)

Dans ces institutions, il est difficile de parler de bilinguisme, dans la mesure où la langue d’enseignement est celle du pays dont relève l’institution en question.

Tout cela est très révélateur du fait que les parents marocains, quand ils ont les moyens, choisissent pour leurs propres enfants, l’apprentissage précoce d’une langue étrangère.

Qui sont ces enfants qui fréquentent les institutions décrites précédemment ? La variable indépendante la plus déterminante à mon avis est représenté par les moyens ou le niveau socio-économique de la famille. Ainsi, nous pouvons dire que :

Les enfants issus de milieux défavorisés fréquentent les kouttab coraniques (ils offrent dans l’ensemble les prix les plus bas).

Les enfants issus d’un niveau socio-économique immédiatement supérieur fréquentent les jardins d’enfants (ils offrent un large éventail de prix). Ce sont les parents de ces enfants qui enfants qui plus tard paieront (quand ils peuvent) des cours de français dispensés par les Instituts français afin de favoriser leurs enfants, au sein du système scolaire public marocain.

Les enfants issus d’un niveau socio-économique immédiatement supérieur au précédent vont de préférence dans les écoles de la mission subventionnées par l’état français, et à défaut, ils se rabattent sur les écoles françaises non subventionnées et qui ont été crées pour répondre à une demande de plus en plus croissante.

Les deux derniers niveaux socio-économiques, à savoir : - celui des parents qui peuvent se permettre d’envoyer leurs enfants aux jardins d’enfants,

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- celui des parents qui peuvent inscrire leurs enfants dans des écoles étrangères (française, espagnole, américaine, anglaise…) subventionnées par l’Etat ou non représentent l’élite du pays. Cette élite est composée des cadres de l’Etat, des hommes d’affaires, des dirigeants, des animateurs et des militants des organisations et organismes politiques, syndicaux, commerciaux, culturels et des organes de presse…

C’est cette élite qui dispose d’une « voix » et des moyens intellectuels, matériels et des canaux pour se faire entendre. C’est ce qu’on appelle communément les faiseurs d’opinion. Or là où le désarroi frise le vertige, c’est quand on réalise que c’est cette même élite – qui pose systématiquement le bilinguisme par opposition à l’arabisation – qui alimente la demande croissante de l’enseignement précoce d’une langue étrangère dès qu’il s’agit de sa propre progéniture, ne reculant devant aucun sacrifice pour aboutir à leur fin. Quelles sont les motivations et quels sont les enjeux derrière une telle attitude ? Le débat reste ouvert. Quand à moi, je ne m’aventurai pas à fournir une réponse. Par contre, si vous me demandez si « le bilinguisme rend idiot », la réponse est évidemment NON ! Parole d’un trilingue !!!

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TABLE RONDE 4

INTEGRATION DE L’ENFANT

EN DIFFICULTE AU PRESCOLAIRE :

Président : Amina DEBBAGH Rapporteur: Halima EJAMAI

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INTEGRATION DE L’ENFANT EN DIFFICULTE AU PRESCOLAIRE

Athina KAMMENOU, Suisse

Malgré que le titre de cette table ronde soit « l’intégration » des enfants en difficultés, j’aimerais, en me basant sur des expériences que nous avons eues jusqu'à présent, vous parler de la non ségrégation de ces enfants du milieu ordinaire. Je dois d’abord préciser ce que j’entends par intégration ou présence d’un enfant handicapé dans un milieu éducatif ordinaire. Je n’entends pas une simple présence physique, c’est à dire l’enfant qui est « posé » à côté des enfants non handicapés; même pas une présence sociale c’est à dire la présence qui implique quelques interactions sociales, mais j’entends la présence fonctionnelle, c’est à dire la participation complète de l’enfant handicapé aux mêmes activités, avec le même matériel et dans les mêmes lieux que ses pairs non handicapés. Comme c’est connu, il y a 20 ans, à Genève commençait timidement l’intégration des enfants handicapés dans les crèches, garderies et jardins d’enfants de la Ville. Si, au départ, il s’agissait de cas isolés, actuellement ce phénomène a pris de l’ampleur et aujourd’hui il y a même des structures qui ont adopté dans leur statut le principe de l’intégration. Si la mentalité et les convictions des gens de l’époque constituaient un obstacle à l’intégration, il n’en était pas le seul. Les structures du secteur spécialisé qui offrent à chaque enfant selon son handicap et son âge, une institution spécialisée, ont été et restent encore je pense, l’obstacle majeur à cette idée qui veut que les jeunes enfants handicapés, fassent ensemble, avec leur pairs dits normaux, les premiers pas dans la vie sociale, dans des structures éducatives destinées à tout le monde. Je ne veux pas parler ici de tous les côtés positifs d’une intervention précoce mais j’aimerais relever quelques éléments qui ont fortement contribués à la non ségrégation des enfants handicapés des structures du préscolaire. 1. les jardins d’enfants et les crèches ne sont pas tenus à un horaire fixe, ils peuvent adapter

l’heure d’arrivée et du départ de chaque enfant selon les besoins et les capacités propres. 2. chaque enfant peut, selon ses capacités, participer aux activités diverses proposées. 3. et surtout, à la fin de chaque année, chaque enfant n’est pas tenu à atteindre un certain

niveau de compétences, obstacle souvent évoqué par les enseignants/tes. 4. les différences, tant au niveau social que cognitif, à cet âge sont très souvent minimes et

avec une intervention précoce adéquate peuvent rester minimes ou mêmes diminuer. 5. finalement, les différences physiologiques, et là je pense à la trisomie 21, à l’enfant IMC...

qui peuvent parfois accompagner certaines déficiences, chez les tout petits enfants passent inaperçues.

Il y a 2 ans, nous avons voulu observer la présence des enfants handicapés dans un jardin d’enfants spécialisé et un jardin d’enfants ordinaire où ils étaient en intégration quelques heures par semaine dans le but de décrire et d’étudier le mieux possible les deux milieux différents offerts aux enfants handicapés. Pendant presque une année nous avons filmé 4 enfants avec une arriération mentale, pendant des activités libres et des activités structurées. Vu que un des objectifs principaux de l’intégration au préscolaire est la socialisation de l’enfant, notre intérêt majeur s’est porté sur les interactions sociales que ces enfants développaient avec les adultes, éducateurs, ainsi qu’avec leurs pairs handicapés ou pas (selon le milieu où ils se trouvaient).

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Dans un premier temps nous avons voulu savoir qui initiait l’interaction, si c’est l’adulte, l’enfant observé ou un autre enfant. Ensuite nous avons regardé la nature de l’intervention de l’adulte, les initiatives que l’enfant handicapé pouvait prendre, ses réactions avec ses pairs mais aussi avec le matériel pédagogique qui lui est offert et finalement comment son temps est géré. Je ne vais pas passer en détail les différentes catégories, ni le système utilisé pour l’analyse des données mais j’aimerais vous présenter quelques premiers résultats (vu que la recherche n’est encore terminée). • Une première constatation est que l’enfant handicapé dans un milieu préscolaire

« ordinaire » ne reste pas isolé mais entretient des interactions sociales aussi bien avec les adultes qu’avec ses pairs.

• La présence de l’adulte est beaucoup plus interventionniste dans le milieu spécialisé. • L’enfant handicapé interagit moins avec ses pairs en milieu spécialisé mais surtout ces

pairs présentent souvent une pathologie plus importante que la sienne, facteur qui diminue sensiblement les chances d’un apprentissage par imitation.

• Le milieu ordinaire étant moins dirigeant, laisse plus de temps libre à l’enfant pour observer, pour développer son envie d’imiter le comportement d’un autre enfant, choisir son matériel et acquérir peu à peu une autonomie.

En terminant j’aimerais préciser que dans aucun cas je ne nie l’importance immense de l’éducation spécialisée, ni le grand service qu’elle rend aux enfants qui présentent une déficience. Ce que je mets en doute est la façon dont ces services se mettent en place. Les structures du préscolaire sont par excellence les structures qui peuvent offrir à chaque enfant tout ce dont il a besoin en incluant dans leurs programmes tout type d’intervention. Il faut que vous profitiez du fait que vous n’avez pas encore un système d’éducation spécialisée bien établi au préscolaire pour revendiquer l’intégration ou encore mieux la non ségrégation des enfants en difficulté dans les structures actuelles. Certes il faut une préparation à plusieurs niveaux, un travail pluridisciplinaire, un programme avec des objectifs bien définis et une évaluation presque constante, mais il faut donner à ces enfants leur juste place dans un milieu éducatif qui a été conçu au départ pour tout le monde. Je vous remercie de votre attention et c’est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.

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L’INTEGRATION ET LE DEVELOPPEMENT DES ENFANTS DEFICIENTS MENTAUX

DANS PRESCOLAIRE ORDINAIRE AU BRESIL :

Sahda MARTA IDE, Brésil Un des problèmes les plus importants en psychologie moderne de l’apprentissage est, sans doute, le développement et l’évaluation de la capacité d’intelligence. Ce thème a été la raison de nombreuses réunions scientifiques au cours de ces dernières années. En effet, il est nécessaire d’élucider et d’établir des paramètres minimums pour l’évaluation du potentiel d’apprentissage et les moyens d’augmenter ce potentiel par des interventions d’enrichissement cognitif convenables. Malgré toutes ces études, l’évaluation pour l’identification des enfants porteurs de déficiences intellectuelles est encore faite au Brésil, au moyen de procédés de mesure de la sous-normalité intellectuelle et de la capacité d’adaptation sociale. Le test individuel d’intelligence est toujours l’instrument le plus employé pour déterminer la sous-normalité intellectuelle, malgré les doutes qui existent quant à son adéquation dans tous les cas. L’adaptabilité sociale est un concept moins définitif parce qu’elle englobe normalement d’innombrables perspectives déterminées par des contextes socioculturels spécifiques d’un système socio-économique donné. Les porteurs de déficiences mentales graves sont facilement diagnostiqués puisqu’ils présentent des problèmes organiques qui atteignent leur système nerveux central. Toutefois, ceci ne se présente pas chez les déficients mentaux légers qui, dans la plupart des cas, sont confondus avec ceux qui présentent des « problèmes émotionnels », des troubles et/ou des difficultés d’apprentissage qui mènent à « l’échec scolaire ». Ce problème a conduit de nombreux chercheurs à s’interroger au sujet de la déficience mentale légère, principalement de celle qui est déterminée par des facteurs de l’environnement, mettant souvent en doute la nécessité de classes spéciales pour les déficients mentaux légers au Brésil. Dans ces classes, très souvent, on ne trouve que des élèves qui ont subi des échecs scolaires successifs et qui, par une évaluation inefficace, sont identifiés et étiquetés comme déficients sans avoir reçu, auparavant, une intervention pédagogique appropriée pour surmonter leurs difficultés. Plusieurs travaux ont été réalisés dans le but d’éviter la stigmatisation scolaire, résultat de la définition de déficient imposée à quelques enfants au Brésil. Nous citons le mémoire de maîtrise de Schneider (1974) qui est une étude sur les enfants appelés « Elèves exceptionnels » et la situation sociale devant laquelle ils se trouvent placés. L’auteur affirme : « Mon objectif n’a pas été d’examiner ce que c’est vraiment qu’un élève exceptionnel, au contraire, c’est de montrer que l’élève exceptionnel est toujours ce que les autres définissent qu’il est. Autrement dit, nous avons à faire à des étiquettes qui sont collées sur des personnes... Les élèves exceptionnels ne sont pas seulement déviants, ils le sont dans un contexte institutionnalisé, ce qui signifie que leur déviation est définie par et pour l’institution ».

Les institutions ont toujours tendance à renforcer l’étiquette de déviation. On a démontré, par exemple, comment l’institutrice trouve toujours, en salle de classe des

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« signes » pour confirmer cette déviation de l’enfant. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’un procédé conscient dans lequel des individus « méchants » établissent un système « méchant ». Au contraire, il y a un procédé d’interaction constant entre l’individu et le système qui agissent et réagissent entre eux...

L’institutrice renforce, naturellement, l’idéologie de la déviation, mais elle est, elle-même, « endoctrinée » par le système.. ’’(p.90).

Selon Ernest Drucker (apud Schneider, 1974), « l’utilisation des procédés d’évaluation d’intelligence, comme base pour établir la différence entre les individus, est un genre de test-diviseur culturel qui sert à la simple fonction sociale de scruter et de sélectionner les individus qui peuvent réagir correctement à un système éducationnel déterminé avec ses points de vue particuliers au sujet de ce qui constitue l’intelligence et le style général de comportement.

Ces mesures ont comme but de sélectionner et, plus encore de façonner des individus de n’importe quelle classe sociale, selon un certain style de pensée qui sera ensuite défendu comme étant celui du développement supérieur. Ainsi, une définition prédominante de style intellectuel de la classe moyenne est stimulée et préservée au moyen d’une sélection systématique pour s’ajuster à un modèle particulier... Donc, dissimulée derrière des catégories psychologiques, souvent, une classification sociale est cachée » (p. 48).

Leontiev (1959) a également fait une importante observation à ce sujet : « Les tests ne découvrent jamais la nature du retard et ne permettent pas de l’interpréter de façon absolue, ils ne donnent que l’illusion d’une cause du retard. Donc, ils ne peuvent pas fournir une base pour décider quelles méthodes doivent être employées avec différents enfants ou groupes d’enfants pour surmonter leurs déficiences intellectuelles. Inversement, prétendre que les tests étudient des facteurs permanents et, donc, permettent des pronostics valables, signifie que les méthodes des tests répandent l’idée que le retard intellectuel est inévitable et empêchent, ainsi, le développement de méthodes pédagogiques différenciées et basées sur la science pour les enfants retardés... « (Lùria et collaborateurs, 1991, p. 101).

Je trouve valables et réelles ces incertitudes quant à l’identification de qui est ce déficient intellectuel, principalement celui, qui est légèrement retardé, qui, souvent, est ainsi caractérisé par l’imprécision des tests psychologiques, par la stigmatisation sociale ou, encore, par la structure même de l’éducation qui existe au Brésil. Ceci en vue du fait qu’elle se sert, comme critère pour l’acheminement des élèves vers les classes spéciales, de la production scolaire non satisfaisante. Cependant, c’est notre devoir de lutter contre cet état de choses.

Je crois que cette lutte doit commencer par la recherche et l’analyse des causes de ces « échecs », troubles et difficultés. Quand nous agissons ainsi, nous trouvons et observons quelques faits d’une importance vitale pour une meilleure compréhension du problème.

La plupart des enfants de l’école publique brésilienne, surtout ceux qui fréquentent les classes spéciales pour déficients mentaux légers, viennent des milieux où manquent les stimulus cognitifs. Personne ne cause avec eux et personne ne stimule leur raisonnement. Les textes écrits, comme des revues ou des journaux, sont pratiquement absents dans le milieu où ils vivent. Il y a très peu d’informateurs alphabétisés autour d’eux (IDE, 1990).

Il faut ajouter à ce tableau une école où les initiatives éducationnelles dirigées vers ces enfants viennent, presque totalement, de méthodes et de techniques qui n’acceptent pas l’activité assimilatrice de l’intelligence dans la construction de la connaissance. Dans cette école, est pratiqué un enseignement qui dirige, qui verbalise, qui programme, qui prédit, qui contrôle. L’imitation y est un procédé de base pour obtenir des comportements désirés et puis assurés par l’emploi de renforçateurs (Mantoan, 1990).

Le professeur est celui qui est préconisé par la transmission culturelle (Kolhberg et Mayer, 1979). Celle-ci prêche l’incorporation de valeurs et de connaissances propres à la culture comme étant fondamentales à la formation des jeunes. Le professeur sera donc un

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agent du maintien de l’ordre social. Ce maître s’applique presque toujours à préparer ses élèves pour satisfaire les comportements académiques et de groupe socialement souhaitables. La lecture du monde physique et social est exclue des tableaux interprétatifs du sujet. La vérité est apprise par les sens à partir de ce qui est observé. Donc, elle est une copie de la réalité.

Le professeur devient ainsi un professionnel capable uniquement de transmettre un savoir tout prêt, établi pour le développement social et intellectuel de l’élève. Par conséquence, on lève une option pour des méthodes et des techniques qui n’acceptent pas l’activité assimilatrice de l’intelligence dans la construction des connaissances.

Ces faits, bien souvent, mènent à des « échecs » successifs pendant la première année du cours primaire. Et les enfants qui « échouent » sont conduits à leur tour à des évaluations psychologiques qui, comme nous l’avons dit plus haut, n’évaluent pas et « ne découvrent pas la nature de « l’échec » et, ainsi, ne permettent pas une intervention appropriée pour la solution de ces problèmes.

De cette façon, l’éducation, au lieu de devenir une expérience bien réussie pour ces enfants, de leur donner des bases pour leur vie de façon positive, finit par se transformer en une expérience sans succès et, pour beaucoup d’élèves, en apprentissages inutiles et ennuyeux qui atteignent directement leur auto-estime, leur auto-concept et, à cause de cela, augmente l’anxiété et le manque de motivation pour participer aux tâches de l’apprentissage.

2. Révision de l’échec

Cependant, si nous voulons changer ce tableau et si l’objectif est de développer les capacités cognitives de ces enfants, en les rendant capables de penser, de réfléchir et de construire la connaissance de façon significative, deux aspects très importants doivent être observés : 1. la présence d’un médiateur (parents, professeurs, camarades), c’est-à-dire, des personnes qui s’interposent entre le stimulus et l’organisme, en créant, de façon systématique, des situations qui conduisent l’individu à se développer; 2. les moyens, les instruments pédagogiques doivent être appropriés à ces enfants, permettant la construction, de la connaissance d’une manière pensante.

Les interactions entre l’enfant et le monde passent, très souvent, par un médiateur. Ce médiateur crée chez l’enfant certains procédés qui ne touchent pas seulement les stimulus qui ont été soumis à la médiation, mais qui aident aussi, très significativement la capacité des individus de profiter du stimulus qui entre directement dans l’organisme. (Feurstein, 1982).

Le médiateur se charge d’organiser, de sélectionner, d’établir des priorités à certains stimulus qui ont subi la médiation, mais il peut aussi éliminer ou faire entrer de manière diffuse certains stimulus chez l’enfant. Le médiateur crée chez l’individu des dispositions qui touchent son fonctionnement de façon structurale.

L’« échec», le «trouble», la «difficulté » de l’apprentissage sont presque toujours des échecs, des troubles et des difficultés de la médiation.

Cette préoccupation avec le médiateur nous mène à un autre aspect important: les instruments et les moyens employés par lui. Nous savons que beaucoup de ces instruments peuvent faciliter ou rendre difficile tout apprentissage, ne menant pas à un développement cognitif.

3. La qualité de l’action du médiateur

Nous croyons qu’un médiateur qui a une nouvelle manière de voir l’enfant qui apprend ou un enfant actif qui compare, exclut, ordonne, catégorise, reformule en hypothèses, réorganise en pensée et en action effective (Ferreiro, 1985), selon son niveau de

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développement, aura l’occasion d’activer l’auto-stimulation et la suppression des difficultés cognitives chez les élèves des classes spéciales pour déficients mentaux légers.

Nous savons aujourd’hui que le développement intellectuel ne consiste pas à accumuler des informations, mais à restructurer les informations antérieures quand celles-ci entrent dans un nouveau système de relations. La connaissance est acquise par un procédé de nature assimilatrice qui ne se limite pas à enregistrer. La connaissance générale est un tout organisé et cohérent qui se construit peu à peu par l’intermédiaire de l’activité même de l’enfant. Les connaissances spécifiques sont graduellement assimilées par la structure de connaissance générale, s’intégrant à celle-ci et devenant de plus en plus riche et spécifique.

Les personnes déficientes mentales réalisent les échanges avec le milieu de façon précaire ce qui gêne leur développement. La sollicitation appropriée du milieu va fournir à ces personnes une stimulation favorable, capable de compenser, dans la mesure du possible, les dégâts de la structuration mentale. Donner au milieu des conditions qui stimulent le développement signifie que le médiateur connaît les capacités de ses élèves et crée les activités à partir de ces informations.

A cause de la complexité de l’interaction qui entoure les aspects affectifs et cognitifs de l’apprentissage, le médiateur doit développer avec l’enfant une relation de respect mutuel, d’affection et de confiance qui favorise le développement de son autonomie. Un climat socio-affectif tranquille et encourageant, libre de tensions et d’impositions, est fondamental pour que l’élève puisse interagir de façon confiante avec le milieu, assouvissant sa curiosité, découvrant, inventant et construisant, enfin, sa connaissance. Le médiateur doit respecter l’intérêt de l’élève et travailler à partir de l’activité spontanée de cet élève, écoutant ses doutes, formulant des défis à la capacité d’adaptation enfantine et accompagnant son procédé de construction de la connaissance. Avec cette philosophie on peut organiser un programme qui utilise des ressources comme des jeux ou des amusements. 4. Le jeu comme un instrument

Le jeu ne peut pas être considéré seulement comme un amusement ou un divertissement pour dépenser de l’énergie puisqu’il aide le développement physique, cognitif, affectif, social et moral. Pour Piaget (1967), le jeu est la construction de la connaissance, principalement dans les périodes sensori-motrice et pré-opératoire. Agissant sur les objets, les enfants, même depuis leur tout petit âge, structurent leur espace et leur temps, développent la notion de causalité arrivant jusqu’à la représentation et finalement à la logique.

Les enfants sont plus motivés pour employer leur intelligence parce qu’ils veulent bien jouer. Ainsi ils s’efforcent de surmonter les obstacles aussi bien cognitifs qu’émotionnels. Etant plus motivés pendant le jeu, ils sont aussi plus actifs mentalement. Bien que plusieurs philosophes et théoriciens de l’éducation aient montré le «paradoxe du jeu», parce qu’il est ludique et éducatif en même temps, nous croyons qu’il est un moyen efficace adopté par le médiateur pour combler les lacunes décrites plus haut. Dans ce contexte, la signification du jeu c’est celle-là même qu’il a dans le champ de l’éducation. Le jeu associé à la fonction ludique de procurer de la diversion, du plaisir et même du déplaisir, quand il est choisi de manière volontaire, et le jeu avec sa fonction éducatrice, celle qui enseigne en complétant le savoir, la connaissance et la découverte du monde par l’enfant (Campagne, 1989, p. 112, apud Kishimoto, 1992.p.28).

Le jeu, parce qu’il est libre de contraintes et d’évaluation (conduite fréquente chez les enfants déficients mentaux en classe spéciale au Brésil), crée un climat favorable à l’apprentissage. Il est un bon instrument pour le médiateur car il crée un espace de liberté pour l’action, stimule la moralité, l’intérêt, la découverte et la réflexion.

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Nous savons que les expériences positives nous donnent l’assurance et le stimulus pour le développement. Le jeu nous permet l’expérience du succès car il est significatif, rendant possible l’auto-découverte, l’assimilation et l’intégration avec le monde au moyen de relations et d’expériences vécues. Le jeu permet à l’enfant déficient mental d’apprendre, suivant son rythme et ses capacités. Il y a un apprentissage significatif associé à la satisfaction et à la nécessité ce qui est à l’origine de l’auto-estime. Quand celle-ci augmente, l’anxiété diminue, permettant à l’enfant de participer aux tâches d’apprentissage avec une plus grande motivation.

En plus du fait qu’il améliore l’auto-estime et, par conséquent, l’auto-concept, l’emploi du jeu permet une meilleure interaction de l’enfant déficient mental avec les enfants normaux de son âge et avec le médiateur.

Outre le fait de déchaîner des actions interactives, le jeu permet des mécanismes d’acquisition sociale et cognitive, comme la tutelle, la co-construction et l’imitation. Pendant le jeu, la tutelle suppose une asymétrie de compétence des individus en relation. L’objectif du sujet apprenti est de « faire ».

Le tuteur met à la disposition de l’apprenti des informations, des objets utiles à l’exécution du jeu de façon à ce que l’apprenti soit capable d’assimiler. A mesure que l’apprenti progresse, le tuteur laisse la tâche et le contrôle de cet apprentissage à l’apprenti lui-même. Celui-ci fait des progrès dans sa capacité d’auto-contrôle et dans la compétence qui est premièrement inter-individuelle et qui ensuite devient intérieure.

La co-construction suppose, au contraire, la symétrie de compétence et de relations et un objet partagé. Il s’agit d’une prise de décision en commun avec le partenaire afin d’exécuter ensemble une action. Cette prise de décision peut être faite sous forme de coopération ou de conflit.

L’imitation, quant à elle, se trouve dans l’emploi intentionnel de l’autre comme point de départ et/ou comme guide de l’activité orientée vers un objectif. Le modèle, extérieur ou intérieur, est une référence à partir de laquelle le sujet évalue et contrôle individuellement ses tentatives. Pendant le jeu, ce mécanisme de construction des savoirs peut présenter, du point de vue social, deux variantes :

1.- le modèle auquel le sujet se rapporte, partiellement ou totalement, n’intervient pas directement. La limite ne peut pas être consciente et, dans ce cas, c’est le sujet qui gère son activité, pas à pas, par les relations des sphères extérieures qui lui sont données.

2.- Le modèle est conscient de son rôle et il l’accepte. Dans ce cas il est possible qu’il y ait un progrès. Celui-ci peut consister à sortir d’une construction presque individuelle, transformant les mécanismes imitatifs en une interaction, de tutelle, comme il arrive dans la transmission d’un savoir-faire particulier, au moyen de la démonstration.

Pendant ces interactions produites par le jeu, le respect mutuel entre le médiateur et l’enfant est assuré dans un climat où l’enfant a l’occasion de construire la connaissance sociale, physique et cognitive en structurant ainsi son intelligence et son interaction, avec son environnement. Dans cette perspective, deux types de jeux occupent un espace dans l’éducation de ces enfants déficients mentaux légers :

1.- les jeux libres, comme ceux de rôle ou de faire-semblant, qui facilitent l’autonomie, la socialisation et, par conséquent, une meilleure adaptation sociale de l’avenir.

2.- Les jeux orientés par le maître, comme les jeux éducatifs ou didactiques qui sont importants pour le développement de la pensée et l’acquisition des contenus parce qu’ils facilitent une modification cognitive, c’est-à-dire, le passage d’une position de sujet non-pensant à celle d’un sujet intellectuellement actif.

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Dans les jeux de rôle ou de faire-semblant, l’enfant est libre de choisir le type de jeu et de définir ses règles. Son fonctionnement est un procédé qui a une fin en lui-même. L’enfant joue et prend plaisir à jouer. Dans ces jeux, l’enfant prend les initiatives, organise des actions. Enfin, il fait des plans et remplace la signification des objets dans le but de reproduire des relations et des phénomènes observés par lui. Les suggestions de jeux de rôle ou de faire-semblant dépendront du niveau de développement où se trouve l’enfant et de la complexité des concepts de son entourage. Les jeux pourront traiter de sujets tels que la famille (éducation des enfants, école, fêtes), imitation du travail adulte (commerce, industrie, transports et de métiers comme ceux d’avocat, de médecin, de dentiste, de professeur etc.). Ces suggestions aident l’enfant à comprendre les sentiments, les aspects moraux et sociaux de la communauté où il vit.

Les jeux éducatifs ou didactiques sont orientés vers la stimulation du développement cognitif et ils sont importants pour le développement de la connaissance scolaire, plus élaborée : calculer, lire et écrire.

Ce sont des jeux fondamentaux pour l’initier aux connaissances et pour permettre le développement des fonctions mentales supérieures qui sont endommagées chez ces enfants.

Dans l’éducation des enfants déficients mentaux légers qui fréquentent les classes spéciales, on doit considérer que leur développement, dans la plupart des cas, correspond à celui des enfants préscolaires normaux. Cependant, comme le problème du déficient mental léger est, fondamentalement, de structuration mentale, sa relation avec l’environnement se fait de façon précaire, rendant difficile la construction du monde physique. Pour cette raison, les jeux qui les aident à cette construction ont aussi une très grande importance.

La connaissance physique a comme source l’objet. Celui-ci contient des informations pour l’enfant qui les assimile par la manipulation et l’observation. Ainsi l’enfant extrait la connaissance par abstraction empirique. Cependant, il faut que le médiateur soit présent pour conduire les jeux, sélectionnant des objets riches en attributs, fournissant des informations et orientant l’enfant.

Les jeux de construction gagnent une grande place dans la recherche de cette connaissance physique parce qu’ils développent l’habileté manuelle et la créativité. Ils enrichissent l’expérience sensorielle et favorisent l’autonomie et la sociabilité.

Avec l’acquisition de la connaissance physique, l’enfant aura des éléments pour établir des relations et développer son raisonnement logico-mathématique, ce qui est très important pour le développement de sa capacité de calculer, de lire et d’écrire. Pour le raisonnement logico-mathématique, le médiateur doit organiser des jeux qui tendent vers la classification, la série, la séquence, l’espace, le temps et la mesure.

Dans la classification, action de grouper des objets par leur ressemblance ou différence au moyen de la comparaison, nous devons chercher à donner à ces enfants des jeux qui obéissent à l’échelle suivante de difficultés : 1.- Des jeux qui mènent l’enfant à observer, à percevoir et à nommer les attributs des objets. 2.- Des jeux qui mènent l’enfant à établir des rapports de ressemblance et de différence entre les objets. 3.- Des jeux qui mènent l’enfant à la formation de classes d’objets par la discrimination et généralisation des attributs observés. 4.- Des jeux qui mènent l’enfant à proposer des critères en stimulant la consistance dans le maintien du critère choisi. 5.- Des jeux qui conduisent l’enfant à employer des symboles pour identifier un ensemble déterminé.

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Les jeux décrits aux numéros 1 et 2 facilitent l’exploration des propriétés physiques de l’objet. Les jeux des numéros 3, 4 et 5 permettent la classification parce qu’ils créent des situations qui aident à la construction de classe d’objets. La série, rangement linéaire d’un ensemble d’objets, de façon à ce qu’un objet ait avec l’objet voisin le même rapport de différence, est construite, également, sur le procédé de comparaison.

Pour que les enfants soient capables de réaliser la série, les jeux doivent avoir un ensemble d’objets qui varient selon un seul attribut. Exemples : 1.- Des jeux avec des objets qui s’emboîtent, barriques, timbales, anneaux, cercles, etc. 2.- Des jeux qui travaillent avec le corps même de l’enfant (hauteur, poids, couleur, etc.). 3.- Des jeux avec des objets relatifs à différents attributs : tonalités de couleurs (morceaux de tissus, bouts de laine, de fil, etc.) :

Pour que l’enfant apprenne la notion de séquence, le jeu doit présenter une succession régulière et linéaire d’objets qui aient entre eux la même relation de voisinage, formant un modèle standard lequel, quoique arbitraire, doit être suivi après avoir été fixé. Ces jeux doivent provoquer des actions qui conduisent l’enfant à :

− continuer une séquence déjà établie, − remplir les espaces vides d’une séquence partiellement établie, − créer une nouvelle séquence en établissant un modèle, − décrire les critères définis pour un modèle déterminé, − exprimer avec d’autres symboles, les critères qui définissent une séquence déjà

présentée. Ces jeux comprennent une activité cognitive complexe parce qu’ils touchent non

seulement la perception et la différenciation des aspects importants des objets, mais aussi l’abstraction des relations qui déterminent leur organisation.

Un autre concept bien complexe est celui de mesures. Les expériences initiales doivent se présenter dans des jeux qui donnent l’occasion de vivre des situations concrètes qui mènent à la construction de concepts en relation avec la capacité, le poids, la longueur, le température. Dans ce cas les jeux de construction sont aussi les plus adéquats.

Capacité : c’est la propriété des objets qui détermine le volume d’un récipient déterminé. Les jeux pour développer ce concept doivent permettre à l’enfant de constater que les récipients varient de volume et que à cause de cela, ils peuvent contenir plus ou moins de substances.

Longueur, hauteur, distance de manière générale ils signifient la mesure entre deux points. Quand il s’agit d’enfants déficients mentaux, ces notions devront être démontrées de façon à ce que ces différences soient bien évidentes. Ainsi, les jeux doivent permettre la comparaison d’objets, deux à deux. Seulement après beaucoup de travail et quand les sens ne sont plus suffisants, c’est alors que l’on doit leur apprendre à se servir d’instruments de mesure.

Poids : peut être perçu par l’enfant, pourvu que les jeux utilisent des instruments appropriés et permettent de vérifier de manière significative les différences entre les objets. Il est important que l’enfant puisse réfléchir sur ces différences et qu’il ne confonde pas le poids et la taille des objets. L’utilisation de la balance obéit au même critère que celle des instruments de mesure.

Temps : celui-ci est un concept bien complexe et d’acquisition difficile pour l’enfant déficient mental. Pour cette raison les jeux doivent fournir des conditions permettant de structurer le temps. Des exemples : a) des jeux d’enregistrement pour l’appropriation du temps vécu,

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b) des jeux qui excitent le rythme, c) des jeux qui incluent les mesures du temps. Dans ce cas aussi, l’utilisation du calendrier et d’une montre doivent venir plus tard.

Espace : la notion d’espace doit être travaillée par le moyen de jeux qui permettent à l’enfant de percevoir son corps dans l’espace (déplacement) et qui établissent la relation des objets quant à la position qu’ils occupent et la position que l’enfant occupe dans l’espace.

L’adoption des jeux comme un des moyens que le médiateur peut employer dans l’intervention pédagogique avec des enfants déficients mentaux n’est pas une pratique récente. Les premiers travaux réalisés sur ce sujet ont été ceux de Itard (1838) et Seguin (1946).

Plus tard, ces travaux ont été copiés et augmentés par d’autres éducateurs comme Maria Montessori, par exemple. Actuellement, ce moyen est amplement répandu dans de nombreuses écoles et par des éducateurs du monde entier qui travaillent avec des déficients mentaux.

La possibilité de découverte et de manipulation que le jeu offre, plaçant l’enfant déficient mental en contact avec des enfants normaux, avec des adultes, avec les objets et avec l’environnement permet d’établir des relations et contribue à la construction de sa personnalité et de son développement cognitif, ce qui fait du jeu une activité indispensable dans l’éducation de ces enfants.

L’ ’’échec’’ , sentiment éprouvé par les élèves des classes spéciales, peut être remplacé par le sentiment d’auto-satisfaction et d’auto-estime parce que le jeu provoque du plaisir et du déplaisir. En effet quand l’enfant joue il est libre de tensions et d’évaluation de la part des adultes.

D’un autre côté, par le moyen du jeu, le médiateur a la possibilité d’une vraie interaction affective avec le déficient mental, ce qui permet de le conduire jusqu'à l’autonomie intellectuelle et morale.

Cette interaction est également utile pour l’observation des difficultés et des doutes que le déficient mental présente, permettant au médiateur de reformuler la programmation et de faire un diagnostic plus précis.

Ainsi, nous pouvons dire que le jeu est une ressource dont le médiateur peut se servir pour aider les enfants déficients mentaux à devenir des sujets pensants, participants et heureux.

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125

TABLE RONDE 5

MODALITES DE PARTICIPATION DES PARENTS DANS L’EDUCATION PRESCOLAIRE

Président : Mustapha CHOUIREF Rapporteur : Halima EL GHARI

126

A PARTIR DE « PRIS SUR LE VIF »

EXTRAIRE LES MODES DE PARTICIPATION

IMPLICATION DES PARENTS

ET EDUCATION PRESCOLAIRE

Borobia Abad MILAGROS

Ambassade d’Espagne au Maroc I- INTRODUCTION Le modèle d’école que préconisent la LODE et la LOGSE (lois qui régissent le système éducatif espagnol) accorde une grande importance à la participation de tous les acteurs de la communauté scolaire. Dans ce cadre, la participation des parents est prévue à deux niveaux : 1- Celui qui concerne le fonctionnement, la gestion et le pilotage des organes des centres éducatifs (APE, Conseils...). 2- Celui qui suppose une implication plus ou moins systématique des parents dans la dynamique de l’école. Cela comporte une présence plus importante et une participation plus active des parents, non seulement dans notre programmation annuelle mais aussi dans n’importe quelles sortes d’activités proposées par l’institution éducative : excursions, visites culturelles ... En outre, dans notre constitution, le droit des parents à participer représente un des principaux éléments de la politique sociale de l’Etat. Ce droit des parents à pouvoir participer à la démarche des institutions éducatives est aussi inclus dans le Droit International qui considère que la famille est l’élément essentiel pour le développement et l’éducation du petit enfant. Donc, on ne peut pas remettre en question le droit des parents à collaborer et à participer à l’éducation de leurs enfants quelles que soient leurs valeurs culturelles ou leurs traditions, surtout au cours des premières années de la vie de l’enfant. Même le droit naturel reconnaît aux parents la responsabilité d’orienter l’éducation de leurs enfants pour le bon développement de leur personnalité en respectant les droits et libertés fondamentales. II- JUSTIFICATION Tout cela justifie le fait que quotidiennement nous éprouvions le besoin d’une collaboration intense et de qualité avec les parents. C’est le moyen le plus sûr pour arriver à une éducation de qualité qui tienne compte de l’objectif principal de l’éducation à savoir : le plein développement de la personnalité du petit enfant. En 1995 j’ai présenté un exposé aux ‘‘journées de participation éducatives sous le patronage du Conseil Municipal d’Education d’Alcorcon (Madrid)’’. Dans ces journées il a été présenté une étude, réalisée par le Service Psychopédagogiques Municipal, sur le degré de participation des divers acteurs (ou secteurs) de l’éducation. Voici quelques résultats :

127

Taux de participation aux dernières élections des conseils des écoles

Comme on peut constater par le graphisme, la réalité est bien décevante : les parents participent peu. Ce fait est corroboré par les études réalisées par la Communauté de Madrid ainsi que par mon expérience dans les diverses institutions dans lesquelles j’ai exercé mes activités d’enseignante. Mais je crois pouvoir dire que les parents, d’une part, acceptent et évaluent très positivement leur participation cependant, la plupart des fois ils ignorent non seulement le chemin à suivre mais aussi les fonctions qu’ils y peuvent remplir. D’autre part, il ne faut pas ignorer que parfois les parents interprètent leur participation comme un moyen de contrôle de l’institution ou comme une plate-forme de pouvoir. Personnellement j’ai toujours cru au bien-fondé de cette collaboration parents-enseignants. Je crois que l’école doit assumer le compromis que comporte la participation des divers acteurs de la Communauté Educative non pas comme un droit mais comme une responsabilité morale. Dans le passé, on a beaucoup insisté sur le fait que la famille et, surtout, la mère avait la responsabilité de l’éducation des plus petits. Aujourd’hui nous reconnaissons (grâce aux apports de la psychologie évolutive et aux changements sociaux) que, au lieu de se situer dans des contextes différents, la famille et l’école doivent unir leurs efforts pour construire le même objectif : l’éducation et le développement global de l’enfant. Il y a un autre facteur à considérer. Suivant quelques études, les acteurs éducatifs les plus importants ayant une influence éducative se répartissent de la manière suivante :

Famille : 30 % Ecole : 10 % Entourage : 60 %

De là, on peut déduire l’importance que doit avoir l’union famille-école.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

74,3

43,5

89,7

93,4 89,9 92,2

13 10

3,8

EGB EEMM TOTAL

PERES/MERES CORPS ENSEIGNANT ALUMNADO

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III - MES EXPERIENCES SUR LA COOPERATION DES PARENT S DANS ET EN DEHORS DE LA CLASSE Depuis plusieurs années, j’ai la préoccupation d’impliquer les parents, d’une façon ou d’une autre, dans le processus éducatif des enfants au delà d’un simple échange d’information. En parlant de mes inquiétudes avec mes collègues et après plusieurs réunions, on a étudié les possibilités de mettre au point un projet : ateliers avec les parents. Nous avons exposé l’idée aux parents et ils ont accepté de coopérer avec nous durant l’horaire scolaire dans une sorte d’activités complémentaires à notre action éducative, toujours dans une attitude de valorisation du rôle des parents avec qui nous pouvons partager des informations et des expériences. C’est ainsi qu’on a commencé à travailler « en équipe » parents-professeurs, en principe tous les 15 jours et puis, à mesure qu’on a envisagé plus de possibilités, une fois par semaine afin de pouvoir accomplir toutes les activités programmées, mais toujours en considérant : 1- Le travail à l’école de la petit enfance doit être une manifestation expressive de la vie

personnelle de l’enfant. 2- L’enfant, à cet âge, doit réaliser sa socialisation d’une façon correcte en respectant toujours

le groupe, ses normes, ses rythmes, etc. Alors nous avions la prétention d’obtenir les objectifs : 1- Que l’enfant acquiert toute sorte d’habilitées lui permettant d’être en rapport avec le

groupe dans un climat d’affection et de détente (Identité et Autonomie Personnelle). 2- Introduire une situation de relation adulte-enfant en considérant les adultes et les enfants de

son entourage et connaître quelques règles de conduite social (Milieu Physique et Social). 3- Introduire une situation de relation adulte-enfant, en petit groupe, afin d’améliorer

l’expression de ses idées d’une façon chaque fois plus riche (Communication et Représentation).

On a constaté que les parents peuvent participer à beaucoup d’activités qui présentent un certain degré de difficulté dans leur organisation ou bien même dans leur réalisation. Il y a surtout deux groupe d’activités : − des jeux de table, qui développent surtout la logique, des habitudes sociales

(collaboration, savoir attendre son tour, accepter de perdre, savoir compatir...), etc. − Dominos en couleur − Dominos d’animaux − Dominos de formes géométriques − Dominos de véhicules − Le jeu de l’oie − Le jeu du perchis − Des jeux de carte − Des jeux logiques. − Des activités oculomotrices qui travaillent la coordination et la motricité fine : − Faire des nœuds − Tresser − Coudre − Tisser − Pliage du papier − Modeler − Utilisation du burin, des ciseaux, des aiguilles... − Emploi du couteau.

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On peut organiser ces ateliers de parents pendant une heure chaque semaine. Ce temps peut être distribué comme suit : une demi heure consacrée aux jeux de table et une demi heure consacrée aux activités oculomotrices.. Le nombre de parents est calculé en fonction du nombre d’équipes, chaque groupe doit être formé de quatre à cinq enfants. La fonction du professeur, durant la session d’atelier est de coordonner les activités, répondre aux besoins, distribuer les matériaux, etc. Voyons maintenant deux exemples de travail de ces ateliers: un pour le niveau des 4 ans et un autre pour le niveau des 5 ans.

Modèle d’atelier pour l’éducation préscolaire d’enfants de 4 ans comme activité

complémentaire du programme domaines de compétences activités matériaux observation / évaluation

Activité plastique Déchirer le papier avec les doigts

Logique mathématique Les couleurs basiques Association de couleurs Structuration spatiale

Langage Emploi correct du vocabulaire C’est ton tour Je passe (j’attends) C’est à moi C’est mon tour

Identité et autonomie Des habitudes d’ordre Des habitudes de savoir attendre Savoir perdre dans le jeu

Faire une guirlande ou un collier de papier . Jouer aux dominos en couleurs . Se boutonner et se déboutonner Mettre et enlever les blouses.

Du papier des journaux ou d’autres publications déjà lues Jeux de domino : Un par équipe. Jeux des poupées

Habilité, dextérité manuelle. Identification de la couleur et comment placer les fiches. Emploi correct du vocabulaire et des structures de la langue. Degré d’attention. Autonomie pour se boutonner et se déboutonner. Mettre et enlever les blouses tous seuls.

Durée de la séance : une heure.

Modèle d’atelier pour l’éducation préscolaire d’enfants de 5 ans comme activité

complémentaire du programme domaines de compétences activités matériaux observation / évaluation

Activité plastique Pliage du papier Logiques - Mathématique Association quantité-nombre Compter jusqu’au numéro 6 Langage Emploi correct du vocabulaire : C’est ton tour C’est à toi Je passe Identité et autonomie Des habitudes d’ordre Des habilités et dextérités sociales

Faire un bonnet en papier plié. Des jeux de l’oie (Chaque enfant emploie une fiche seulement). Mettre un cordon aux souliers Faire un nœud simple.

Du papier de journaux ou d’autres publications déjà lues. De la colle. Tables et fiches du jeu classique de l’oie. De souliers. Des cordons.

Habilité et dextérité manuelles. Identification du nombre de points sur le dé. Compter jusqu'à six sans dépasser la case qui correspond. Emploi correct du vocabulaire et des structures du langage. Autonomie pour mettre ses souliers avec le moins d’aide. Degré d’attention.

Durée de la séance : une heure.

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IV- D’AUTRES EXPERIENCES En plus de ces expériences de collaboration systématique des parents, j’ai abordé d’autres activités comme mettre en marche un atelier de théâtre de marionnettes fait par des adultes pour les petits enfants avec les personnages des cahiers de travail. Par exemple, l’an dernier, à Tétouan, cette idée nous a permis, grâce à la réalisation d’une petite pièce de théâtre, de renforcer le langage oral du niveau des 3 ans, en travaillant par les dialogues toutes les structures étudiées, le vocabulaire, les chansons et les poèmes appris par les enfants. On va continuer cet atelier de marionnettes avec les niveaux de 4 et 5 ans. On est en train de les traduire en arabe (avec l’aide des collègues du séminaire d’arabe de mon Ecole) pour faire des échanges d’activités avec les écoles marocaines. Les parents ont aidé non seulement à la réalisation des marionnettes mais aussi à la représentation et à mettre leur voix en espagnol et en arabe. V- EVALUATION Quand on fait, à posteriori, l’analyse de la participation des parents sous la forme d’atelier, plus ou moins systématique, Les résultats nous amènent à faire une évaluation très positive parce que, surtout, ces parents établissent une excellente relation famille - école. Les parents qui participent peuvent : - observer les conduites de leurs enfants dans une ambiance tout à fait différente de celle du foyer. - Voir le moment de maturation à l’égard du groupe. - Apporter un ’’climat affectif’’ dans la classe. - Etablir une plus grande relation de confiance et d’aide parents-professeur. - Comprendre mieux le travail du professeur. - Echanger entre eux. - Augmenter leur sentiment d’appartenance à la Communauté Scolaire. - Comprendre mieux toute la problématique de l’école non seulement au niveau organisationnel mais aussi humain. - Devenir plus compréhensifs vis à vis de petits défauts qui existent dans n’importe quel groupe avec une dynamique telle que celle qui se développe dans la classe préscolaire. - Se sentir plus impliqués dans le devenir de l’école et accepter plus volontiers les responsabilités. - Participer plus volontiers aux activités formatives (école parents) organisées par l’école et par les organismes collaborateurs. (Parfois les parents en s’impliquent pas dans le vie scolaire par manque de formation). Les enfants peuvent: - bénéficier d’une ambiance agréable que relie foyer-école : En ce qui concerne leur identité et leur autonomie personnelle : - Se sentir plus valorisées, en augmentant leur estime quand ils reçoivent une attention plus personnelle. - Améliorer leur personnalité en contrôlant les petits problèmes de timidité, de relation, paresse, etc. - Augmenter ses habilités logiques et dynamiques En ce qui concerne le développement physique et social : - Manipuler les objets d’une façon plus technique et contrôlée.

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- Acquérir les normes des conduite sociales, en se soumettant aux exigences de la dynamique du petit groupe (en attendant son tour et en collaborant avec ses pairs). En ce qui concerne la communication et la représentation : - Améliorer leur communication orale, avec un traitement plus personnalisé. - Enrichir leur vocabulaire selon l’activité réalisée. - Améliorer son expression corporelle, plastique, musicale et symbolique. CONCLUSION Selon ma pratique de plusieurs années à l’école de la petite enfance avec la collaboration des parents, comme je viens de l’exposer, je crois heureusement qu’il est relativement facile d’impliquer les parents à cette étape de l’éducation. Mais il est vrai qu’il faut que les Organismes Officiels (mairie, maison de la culture, hôpitaux, etc.) et l’école, comme l’Organisme le plus intéressé, fassent des efforts pour que les parents continuent à participer à la dynamique des Centres au-delà de l’éducation préscolaire. Je me fais l’écho des inquiétudes qui ont surgi des études sociologiques vérifiées : Il faut analyser les causes qui entraînent la diminution de la participation des divers secteurs éducatifs, au fur et à mesure que montent les niveaux éducatifs. Je me pose la question : Pourquoi les parents participent moins quand les enfants grandissent ?

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QUELQUES DEMARCHES RAISONNEES DE PROFESSIONNELS DE LA PETITE ENFANCE VERS LES PARENTS

Résumé

Olga BAUDELOT, France

Les politiques territorialisées comme les Zones d’Education Prioritaires et le Développement Social des quartiers développées en France dans les années 1980 ont beaucoup insisté sur la nécessité de l’implication des habitants dans les actions qui les concernent et par conséquent des parents quand les s’agit des enfants. Or, on sait que ce sont précisément les parents de ces quartiers qui sont les plus éloignés culturellement des institutions éducatives.

Nous avons, dans le cadre d’une recherche-action missionnée par la ville de Nantes, animé pendant trois ans un groupe de réflexion et d’action « horizontal » portant sur l’accueil des jeunes enfants par les différentes structures existant dans le quartier nord de Nantes. Ce groupe de travail a réuni des représentants de l’ensemble des professionnels concernés par les enfants de moins de 6 ans, (institutrices, personnels des crèches, puéricultrices de PMI, médecins PMI, prévention spécialisée, animateurs socioculturels, ect ,…)

L’objectif était de présenter et d’analyser les actions dans le cadre des institutions ordinaires de quartier, ce que les uns ou les autres avait élaborer pour faciliter l’accueil de tous les enfants et parents. Nous présenterons au cours de la table ronde quelques exemples de ces démarches raisonnées de praticiens et ce qu’elles impliquent.

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LA PARTICIPATION DES PARENTS DES ÉLÈVES DANS

L'EDUCATION DE LA PETITE ENFANCE EN ANGLETERRE,

EN ESPAGNE ET EN SUÈDE

Vicente Llorent BEDMAR, Espagne

Dans les pays de l'Europe Occidentale il n'y a pas d'uniformité quant aux objetifs et aux fonctions de l’éducation de la petite enfance, ainsi qu’en ce qui concerne la participation des parents des élèves dans l'éducation de leurs enfants. Comme modéles pour montrer ces différences, nous avons choisi trois pays: l'Angleterre, l'Espagne et la Suède. ÉDUCATION DE LA PETITE ENFANCE EN ANGLETERRE En Angleterre il y a beaucoup de types d'éducation préscolaire. En tenant compte de leur fonction et de leur organisation, nous les avons regroupés en cinq blocs: 1. Garderies des Services Sociaux, qui accueillent les enfants de moins de deux ans. 2. Écoles Maternelles Publiques (Nursery Schools). Avec une grande présence du secteur privé

et des Autorités Locales d’Education (LEAs), les centres accueillent les enfants de deux à cinq ans, car l'éducation obligatoire commence à cinq ans.

3. Cours de l'École Maternelle (Nursery Classes). Parfois les écoles maternelles ont des cours pré-scolaires, auxquels assistent des enfants qui ont entre trois et cinq ans.

4. Jardins d'Enfants Privés. Ils sont multiples et variés. 5. Les Play Groups (Groupes de Jeu). Dans les années soixante les familles, surtout les mères,

devant les difficultés qu'elles avaient pour trouver une garderie pour leurs enfants, décidèrent de créer le Pré-school Playgroups Association. Il est devenu la principale organisation éducative pour les enfants de moins de cinq ans.

I- LES PLAY GROUPS Nous allons étudier ces types de centres. Dans ceux-ci les parents non seulement participent et collaborent dans le développement des activités, en s'impliquant dans le contrôle et la gestion, mais, en plus, ils apprennent des stratégies et des techniques qui leur seront utiles pour l'éducation de leur enfant. C'est précisément les parents qui ont fondé ces groupes de jeu. Ils choisissent les employés du centre, gèrent et contrôlent tout ce qu'on y fait. Leur intervention arriva plus tard: de la façon la plus naturelle ils entrèrent aux centres et ils collaborèrent dans les activités qu'on y faisait, devenant de véritables éducateurs de leurs enfants, dans et en dehors du foyer. Si on tient compte du fait que les enfants apprennent beaucoup mieux et plus vite si leurs parents sont près d'eux pour les aider et les appuyer, nous comprendrons la base de ce type de centres éducatifs. Grâce à la grande connaissance qu'ils ont de leurs enfants et leur relation affective, les parents sont les personnes les plus à même d’élever leurs enfants. Cela se déroule dans un climat de sécurité, où les enfants vont être stimulés, dans une ambiance de sécurité affective qui va leur offrir la confiance et l'indépendance nécessaires pour qu'ils aient une attitude ouverte devant les nouvelles connaissances et les problèmes qu'ils rencontrent.

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II - IL Y A DE MULTIPLES TYPES DE PLAY GROUPS - Play Groups de 3 à 5 ans. Les enfants sont accueillis avec leurs parents ou sans eux, aucune session ne peut durer plus de 4 heures. - Groupe de Jeu de Parents-Enfants. Les centres se dédient aux enfants de moins de 3 ans. Les parents doivent rester avec les enfants pendant toute la session. Il y a une session et demie par semaine. - Groupe de Jeu d'enfants de moins de 5 ans. C'est un mélange des groupes antérieurs, les sessions durent plus de 4 heures. Les parents des enfants de 3 à 5 ans peuvent être présents s'ils veulent. Les enfants plus petits doivent être accompagnés de leurs parents. - Groupe de Jeu pour des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux. - Centre Familial. Dans ces groupes on trouve des enfants de n'importe quel âge et les membres de la famille qui le souhaitent. On fait plus on moins 7 sessions par semaine avec des groupes de 20 enfants. - Groupe de Jeu pendant le jour. Ils accueillent des enfants de 3 à 5 ans et les parents ne peuvent pas assister. - Groupe de Jeu pendant toute la journée. Dans des sessions de 8 heures ou plus par jour, les enfants de moins de 5 ans ne sont pas accompagnés par leurs parents. ÉDUCATION DE LA PETITE ENFANCE EN ESPAGNE L'unité familiale a vécu une grande évolution pendant les dernières décades, surtout dans les grandes villes, où les changements des conditions de travail, les horaires, les distances, l'entrée de la femme dans le monde du travail etc., ont produit une plus grande collaboration avec d'autres institutions. Le concept d'education pré-scolaire est très critiqué et il est en train d'être remplacé par celui d'éducation de la petite enfance, qui comprend les enfants de zéro à 6 ans. L’éducation de la petite enfance n’est pas une préparation pour l’école, c’est une période éducative particulière. Donc, il n’y a pas une préparation pour l’école. On veut avoir une plus grande participation des parents des élèves dans cette première étape scolaire. L'essentiel de cet objectif est que les parents puissent participer dans les projets éducatifs des centres et collaborer dans les activités, en plus ils pourront avoir une relation plus étroite avec les éducateurs, pour qu'ils puissent se transmettre l'information qu’ils ont de l'enfant, de ses intérêts et de ses besoins. III - IL Y A DEUX TYPES DE CENTRES : 1. Les garderies. La plupart sont des centres privés. La participation des parents varie selon la direction du centre. Mais, en général, elle est presque nulle. 2. Les premiers cours de l'éducation obligatoire. Les enfants, à partir de 4 ans, peuvent aller à une école avec les enfants de quatre à douze ans. Ici chaque père et chaque mère peut participer à 3 niveaux différents: A. Individuellement les parents peuvent échanger des informations et des opinions avec les professeurs. B. Au niveau de la classe, ou bien, collectivement, à travers des réunions avec les parents de toute la classe. C. Au niveau du centre scolaire. Les parents peuvent appartenir à l'Association des Parents des Élèves du Centre et, en plus, il comptent avec des représentants dans le Conseil Scolaire du Centre. Là sont représentés tous les différents membres de la communauté éducative. Le personnel de la fonction publique ont droit à 4 mois de congé de maternité, aussi bien pour la mère que pour le père. Ils ont également droit à une reduction de la journée de travail d’une demi

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heure chaque jour, durant 9 mois pour s’occuper de leur petit enfant dès sa naissance. Dans le secteur des entreprises privées, chacune a des conditions différentes. ÉDUCATION DE LA PETITE ENFANCE EN SUÈDE En Suède on considère la famille d’une toute autre façon. L'Etat l'aide et l'encourage de différentes manières. Par exemple, quand l'enfant naît ou quand il est malade, leurs parents reçoivent un salaire chaque mois jusqu'à ce que l'enfant ait dix huit ans. Avec celle-ci et avec d'autres mesures le taux de natalité en Suéde a changé radicalement. En ce moment, la Suède a un des plus hauts taux de natalité de l'Europe. Quand les deux époux travaillent hors du foyer, ils ont le droit à une allocation. Un des parents a le droit de rester pendant un an dans le foyer pour soigner mieux son enfant, et il reçoit 80% de son salaire (Avant 1995 c'était 90% du salaire). L’intérêt pour les enfants maltraités est grande. Évidemment, les châtiments physiques sont interdits. L'Ombudsman des Enfants a éte créé en 1993 . C'est lui qui fait qu'on respecte les droits de l'enfant et que celui-ci ait un développement adéquat. Dès les premières semaines dans beaucoup de garderies, les enfants apprennent le numéro de téléphone de l'organisation des bénévoles, appelée: Droits de l'Enfant dans la Société, pour ponvoir l'utiliser en cas de maltraitance, pour avoir une aide ou simplement pour demander un conseil. Des actions comme le fait qu'une mère ou un père donnent une claque dans la rue à l'enfant sont presque impossibles en Suède. Parfois cette sensibilité, à propos de ce sujet, peut arriver à des extrêmes qui ne sont que des anecdotes: par exemple, il y a quelques années dans la presse locale de Linköpin, cité de Suède, apparut une nouvelle dans laquelle on racontait comment un petit enfant qui avait été puni par ses parents, à ne pas manger de dessert, communiqua à travers le téléphone ce fait aux autorités. Quelques minutes après une voiture de la police arriva chez lui avec un dessert pour l'enfant; mais la police lui reprocha la conduite qui avait provoqué cette punition. Types de centres A. Garderies B. Groupes à mi temps. Ils accueillent des enfants d'un an pendant plus de 4 heures par jour. C. Surveillance dans des foyer particuliers. Pendant la journée une famille peut accueillir dans sa maison des enfants et avec ceux qui habitent là, ils ne peuvent pas être plus de quatre. D. Centres de Récréation. Ils sont faits pour couvrir l'horaire de travail des parents et pour des enfants qui ont besoin d'un appui spécial. Ils sont ouverts pendant l'horaire non scolaire, c'est-à-dire entre les classes ou en vacances. Garderies: Elles ont pour but de s'adapter à l'horaire de travail de la mère. Dans la plupart d’entre elles, l'horaire est de 6 heures 30, à 18 heures 30. Sauf les garderies destinées à accueillir les enfants des étrangers. qui sont privées, le reste a un système de financement partagé entre l'État, les mairies et les parents. L'apport des parents varie selon la situation de la famille, surtout selon le salaire des parents et le nombre d’enfants qu'ils ont. Le prix le plus cher concerne le premier enfant, et à partir du troisième c’est minime. Pour finir, j'aimerais vous raconter comment se fait la période d'adaptation des enfants dans les garderies suédoises. En effet dans beaucoup de pays, dont le mien, il est normal de voir durant les premiers jours qui suivent la rentrée, un ou deux enfants par classe qui pleurent et qui ont des problèmes d’intégration dans le centre éducatif. Pour éviter ce problème, en Suède, les premiers jours de classe, la plupart des mères et parfois des pères, quand ils accompagnent leur enfant, prennent un café et parlent faisant ainsi connaissance et échangeant des opinions avec les employés du centre. Cependant, le plus important c'est que les enfants, à côté de leurs mères, commencent peu à peu à jouer avec les

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autres enfants, s'habituant au nouvel endroit et à la nouvelle situation. La sécurité que produit la présence de la mère fait qu'après un certain temps les enfants l’oublient, en évitant les situations dramatiques qu'on voit dans d'autres pays.

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COMMENT L’EDUCATION

VIENT AUX PARENTS

Salima MRINI, Maroc I - INTRODUCTION

Après trois jours de travail intense où les spécialistes de la petite enfance nous ont présenté les situations préscolaires des différents pays je tiens à féliciter l’équipe ATFALE pour son organisation et remercie la Fondation BERNARD VAN LEER ainsi que les autres organismes de leur soutien. Je voudrais partager aujourd’hui avec les parents, le corps administratif et le corps éducatif du préscolaire, les difficultés, les attentes et les possibilités que nous pouvons exploiter pour aboutir à l’épanouissement de l’enfant.

Etant moi-même psychothérapeute, mon objectif est d’apporter une meilleure compréhension de la situation éducative entre les différents acteurs, la famille, système naturel et qui après avoir fait son choix rencontre l’institution préscolaire. Chacun de ces deux systèmes a ses propres règles et ses propres implications sociales, économiques, intellectuelles et affectives. Sans les parents l’institution préscolaire n’aurait pas d’enfants. L’enfant acteur principal passe de l’un à l’autre. Comment rendre ce passage moins douloureux et permettre à l’enfant d’évoluer vers une autre phase de son cycle de vie si ce n’est de créer un contexte collaboratif entre la famille considérée comme partenaire intéressant et intéressé et le système préscolaire. II - COMMENT DEFINIR LA FAMILLE ?

On est avant tout l’enfant de ses parents avant d’être les parents de ses enfants. Etre parents n’est pas une donnée en soi, alors qu’être enfant est une donnée en soi. Avant l’arrivée du premier enfant le couple à vécu un certain nombre d’étapes, d’abord la rencontre des deux partenaires, le choix d’être ensemble entraîne la phase des fiançailles à laquelle succède l’étape du mariage qui est la consolidation de la relation. Chacun des partenaires apporte un modèle éducatif avec ses normes, ses règles et ses valeurs de sa famille d’origine. L’étape de procréation est une nouvelle phase du couple marié. Lorsque l’enfant parait, le cercle de la famille se trouve composé d’un père, d’une mère, des grands-parents, d’oncles, de tantes. La configuration du système familial change. A l’étape de post-natalité succède l’étape de parentalité qui constitue de nouvelles responsabilités, une nouvelle forme d’engagement dans l’éducation des enfants. Il y a des choix, des prises de position entre les deux parents pour aboutir à un consensus. Cette relation triadique est constamment en mouvement et selon le cycle de vie de la famille nous aurons des éducations très différentes d’un enfant à l’autre et d’une famille à l’autre ayant des enfants du même âge. Chaque famille possède des règles de fonctionnement explicites et implicites qui vont déterminer l’évolution du développement de l’enfant. En s’occupant de son nouveau-né la mère se base sur les apprentissages qu’elle a reçus et intégrés de sa propre famille et qu’elle va réaliser dans sa relation à son enfant. A ce moment là, la mère est très vulnérable et à besoin d’être prise en charge par son mari qui doit être disposé et disponible pour elle. La relation du couple est transmise à l’enfant par la mère qui donne les premiers soins à l’enfant.

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Avant, le cycle de vie de l’enfant dans son milieu naturel allait de zéro à six ans. Actuellement comme nous l’avons vu l’enfant est scolarisé à 2/3 ans. Il passe de la relation à la mère qui est la matrice de sa future pensée à la relation avec l’éducatrice qui est chargée d’assurer une continuité dans la socialisation de l’enfant, de stimuler par sa participation à travers les jeux de l’enfant les performances et d’approfondir ses apprentissages. Sa contribution est de faciliter le développement du sentiment d’existence et plus tard de l’identité de l’enfant. III - LE CONTEXTE PRESCOLAIRE

En mettant leur enfant au préscolaire les parents s’ouvrent pour la première fois au monde extérieur. A la panique et l’anxiété du choix du système scolaire qui répondra le mieux à leur attente s’ajoute la douleur de la première séparation mutuelle entre parents enfants. La crise vécue par les parents à cette période se manifeste parfois par des difficultés d’adaptation de l’enfant en classe. (cris, pleurs, refus de participer aux activités proposées par l’éducatrice). S’ajoute également la crise de l’éducatrice qui malgré son effort n’arrive pas à faire participer l’enfant.

L’angoisse de la mère d’être jugée par le personnel éducatif comme « mauvaise mère » va la pousser soit à trop s’investir dans l’institution scolaire pour continuer à être la première éducatrice de son enfant, soit à fuir l’institution en la qualifiant de « mauvaise» dans la mesure où son enfant ne s’y est pas plu. Face à cette situation, il y a un glissement du rôle de l’éducatrice qui commence à critiquer, donner des ordres aux parents en les éduquant et perd la possibilité de les considérer comme partenaires capables de trouver des modalités d’intervention à la situation présente.

Certaines écoles demandent aux parents d’amener leur enfant voir un psychologue. L’anxiété, la difficulté d’accepter ce verdict poussent les parents soit à changer leur enfant d’établissement, soit à consulter sur la demande de l’école un psychologue sans grande conviction en mettant le psychologue face à l’établissement. Si la relation Parents/ éducateurs n’est pas basée sur la confiance, l’enfant ne pourra pas être à l’aise et produire dans son espace scolaire. Par loyauté vis-à-vis de ses premiers éducateurs qui sont ses parents et qui n’ont pas été considérés en tant que tels par l’établissement scolaire, il mettra en échec les deuxièmes éducateurs. Une escalade symétrique s’installera entre parents et éducateurs s’accusant les uns et les autres d’incompétents dans leur rôle respectif. IV - CONCLUSION Je dirais que dans un premier temps, les parents sont amenés à quitter leur rôle d’éducateur en le léguant au personnel éducatif du préscolaire qui s’en charge et qui a le devoir de considérer les parents comme partenaire à part entière. Dans un deuxième temps, la création d’une relation complémentaire entre parents/éducateurs est vitale. Ce n’est que dans ce contexte de collaboration qu’émergera le processus éducatif qui implique autant la famille que le système scolaire. L’éducation n’a pas la même valeur pour les deux systèmes ( Familial/ préscolaire) mais l’objectif et le même celui d’aboutir à un changement chez l’enfant. De passer d’une relation de dépendance à l’adulte à une autonomie et une responsabilité de lui même relative à son cycle de vie. En tant que thérapeute relationnelle, j’interviens pour ce problème en tenant compte du contexte familial. Je travaille avec les parents en les considérant comme des alliés, des cothérapeutes parce qu’ils sont les moteurs du processus éducatif.

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Il serait souhaitable qu’une intervention ponctuelle se fasse dans le contexte préscolaire pour ajuster les difficultés entre les différents acteurs : parents / éducateurs au profit de l’enfant. Je remercie les parents, les responsables administratifs et le personnel éducatif des établissements préscolaires pour leur participation à ce problème épineux qu’est l’éducation.

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Atelier I

PEDAGOGIE DE LA LECTURE ET DE L’ECRITURE

Animatrice : Khadija ZAIMI

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PEDAGOGIE DE LA LECTURE ET DE L’ECRITURE

André INIZAN, FRANCE Ce compte rendu déborde le sujet prévu et qui avait fait l’objet du résumé diffusé avant le colloque : « se préparer à apprendre à lire, sans écrits, dès 5 ans ». A ma surprise de cette extension du sujet de ma communication a suivi une deuxième surprise : on m’avait annoncé une quinzaine de personnes, et c’est plus de 80 participants qui voulaient m’entendre. Le public et Khadija, la Présidente de séance, m’ont vite éclairé : « Les participants sont essentiellement des praticiens qui exercent dans des jardins d’enfants privés situés dans les grandes villes. (Les écoles maternelles publiques au Maroc sont encore à l’état de projets). Les parents paient pour l’éducation de leurs enfants, et veulent qu’ils bénéficient d’une formation efficace. Or, ils pensent que leur devenir social dépend de leur compétence en français. Aussi, les jardins d’enfants doivent apprendre le français aux petits marocains, oral dès 2/3 ans, et écrit, aussi tôt que possible, et notamment déjà à 4/5 ans, sans trop se préoccuper des possibilités d’acquisition de chaque enfant. Ainsi, le contenu prévu de mon exposé qui devait se limiter aux conditions d’opportunité de l’apprentissage de la lecture ainsi qu’à sa préparation, c’est à dire à l’évaluation et au développement (sans recours à des écrits) des ressources cognitives des enfants de 5 ans, n’a constitué que la première partie de ma communication. L’auditoire m’a entraîné à développer une seconde partie consacrée à l’apprentissage proprement dit de la lecture-écriture et à la présentation de l’ensemble de la pédagogie active et personnalisée que je préconise : « apprendre à lire et s’y préparer à son heure et à son rythme (2as) »1. I- PREPARER, SANS ECRITS, LES ENFANTS DE 5 ANS A APPRENDRE A LIRE. Nul ne marche sur le vide. Personne ne sait rien qu’il n’ait appris et n’apprend rien à partir de rien. Notamment nul ne lit d’instinct. Le petit d’homme peut certes tout apprendre, mais à tout moment, chacun de ses acquis dépend des outils cognitifs qu’il s’est déjà forgés et des savoirs qu’il a déjà accumulés. Il importe donc, qu’à tout moment l’histoire personnelle de chaque apprenant soit prise en compte, que son temps soit respecté. L’école maternelle française a plus de 100 ans. Elle n’est pas obligatoire, mais en fait tous les enfants de 5 ans, et déjà à 2 ans un enfant sur deux, la fréquentent. Si l’entretien de l’école maternelle est à la charge de la commune, les enseignants font partie du même corps de fonctionnaires que ceux de l’école obligatoire et sont donc à la charge de l’Etat ainsi qu’une partie du coût de la construction. Les enseignants français ont le choix de leurs méthodes pédagogiques. En matière de préparation à l’apprentissage du langage écrit, deux conceptions coexistent dans les maternelles : le libéralisme sauvage fondé sur l’imprégnation, le «grand bain d’écrits» et l’aide méthodique au développement cognitif. 1 Apprendre à lire et s’y préparer à son heure et à son rythme, ’’2as’’, (Manuel et ensemble de matériels didactiques) EAP, 95 Bd Sébastopol, Paris 75002.

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1. Les propagandistes du «grand bain d’écrits», Ils dédaignent les méthodologies et professent qu’ « on apprend à lire en lisant » et prétendent limiter la préparation à l’attirance de l’enfant vers les livres. A les entendre, il suffirait de plonger l’enfant assez tôt dans «un bain d’écrits abondants et variés». A l’école maternelle française actuelle, la plupart des praticiens s’inspirent de cette conception. On assiste à une escalade qui implique les parents, les enseignants, mais aussi les auteurs et les éditeurs. On demande aux parents de lire chaque jour des histoires aux enfants. On développe des bibliothèques de classe, d’école, de quartier. On pousse en classe les enfants à produire de l’écrit alors qu’ils ne savent pas lire du tout. De leur côté, spontanément, les parents, croyant bien faire, entraînent les enfants à connaître les lettres qu’ils désignent fâcheusement par le nom qu’ils leur donnent eux-mêmes (bé, ka, i grec, zed, etc.). Or, en dépit du temps important consacré à cette fréquentation des écrits, les effets moyens ne dépassent guère la saisie de ce que c’est que lire (moyen de communication à distance) et l’envie d’apprendre à lire. Certes, cette saisie et cette envie ne sont pas négligeables. Mais, de nos jours, compte tenu de l’abondance des écrits dans l’environnement de tous les enfants, elles sont tôt et vite acquises et ne justifient pas le temps qu’on y passe. Il y a beaucoup mieux à faire. De toute façon, l’envie d’apprendre à lire n’apprend pas à lire. Même, toute activité scolaire qui ne débouche pas sur des acquis journaliers laisse des traces regrettables : de l’amertume et de la rancune. Beaucoup d’élèves des maternelles françaises s’y vaccinent contre l’écrit affronté prématurément. Qui, plus tard, fréquentera de lui-même les bibliothèques dont on fait tant de cas ? Ceux qui ont souffert de leur rencontre scolaire de l’écrit ? Sûrement pas. 2. Le développement méthodique des composantes instrumentales de l’aptitude à

apprendre à lire. C’est cette conception qui a notre préférence. L’école n’a pas à reproduire le chaos du monde extérieur. Il lui revient de filtrer les données de la maison et de la rue, de connaître les caractéristiques de chaque apprenant si différent l’un de l’autre et de s’y adapter, au moins en jouant sur le temps du développement de chacun, afin d’assurer en permanence le plein emploi de ses possibilités d’acquisition. Admettons que le «grand bain» amène certains enfants, privilégiés par la nature ou par la société, à reconnaître quelques mots, voire quelques lettres désignées, comme il est souhaitable, par le son qu’elles transcrivent dans les mots. Le problème est de savoir quel est le prix et quel est le profit de ces acquisitions. Le temps passé à ces acquisitions n’aurait-il pas été plus fécond et plus gratifiant s’il avait été consacré à développer d’autres acquis et les outils cognitifs qui seront impliqués dans le proche apprentissage de la lecture-écriture, par exemple, l’analyse de l’écoute de la parole à laquelle une bonne partie de nos «activités préalables» est consacrée ?(1). Sans renoncer bien au contraire à l’importance de l’attrait de l’écrit et des livres, nous avons démontré qu’un certain équipement cognitif fonde et facilite l’apprentissage de la lecture-écriture : notre Batterie Prédictive2 non seulement permet d’évaluer en chaque enfant l’opportunité de l’apprentissage de la lecture, mais ses items constituent un inventaire des composantes des ressources cognitives nécessaires à l’apprentissage de la lecture-écriture. Présentation des 10 épreuves de la BP (2),

2 Le temps d’apprendre à lire. EAP, 95 Bd Sébastopol, 75002 Paris

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à l’aide des feuilles de tests proposées aux enfants et du manuel. - épreuves dont les réponses sont à donner, crayon en main (et qui peuvent être appliquées en petit collectif) : FG. Copie de dessins géométriques (carré, losange...) MD. Reconnaître parmi d’autres des dessins déjà vus puis cachés DV. Différencier des dessins de formes voisines, notamment symétriques RC. Reproduire, crayon en main, des structures rythmiques. CL. Compréhension du langage oral : repérer parmi d’autres une image selon sa description - épreuves dont les réponses sont à donner oralement AP. Répéter des mots de plus en plus difficiles à prononcer LE. Dire ce qu’il faut faire pour compléter, à l’aide d’étiquettes, un tableau lacunaire DPh. Repérer à l’écoute un son (un phonème) commun à deux mots suggérés par des dessins - épreuves dont le support est psycho-moteur (épreuves nécessairement individuelles) C. Construire des compositions géométriques avec quatre cubes (de kohs) RR. Reproduire, par percussion, une structure rythmique donnée par percussion. Voilà des activités dont nous avons expérimentalement démontré qu’elles étaient prédictives de l’apprentissage de la lecture : les performances qu’un enfant y obtient annoncent la facilité ou la difficulté qu’il va rencontrer dans cet apprentissage. La diversité des performances des divers enfants du même âge (5 ans notamment) révèle combien la tentative généralisée de l’apprentissage précoce est prématurée et donc nocive pour les enfants qui n’y sont pas prêts. Elle suggère des arguments à faire valoir auprès des parents qui s’imaginent qu’on peut enseigner n’importe quoi, à n’importe qui, n’importe quand. En cas d’inopportunité, les épreuves de la BP précisent en outre quels types d’exercices il convient de proposer à chaque enfant qui «n’est pas prêt », afin de hâter le moment de son engagement opportun et par suite gratifiant dans l’apprentissage. Il est toutefois vrai que l’élaboration d’exercices et leur mise en oeuvre au sein d’une classe, à partir d’informations issues de l’application d’un test, ne va pas de soi. Adaptée en plusieurs langues et dans plusieurs pays (à notre connaissances, Espagne, Italie, Portugal, Hongrie, Tchécoslovaquie, Tunisie, etc.) le BP ne sert pas toujours à promouvoir l’action pédagogique. Nous allons voir que cette promotion est l’objet du sous-progarmme des «activités préalables» de2as. BATTERIE PREDICTIVE ABREGEE Nous venons de mettre au point une forme abrégée de la Batterie Prédictive. Elle regroupe les quatre épreuves les plus prédictives et dont par chance l’application est collective (FG, DV, RC, DPh). Cette Batterie Prédictive Abrégée ne supprime pas l’usage de la BP classique, outil à usage clinique des psychologues. La BPA devrait notamment permettre aux maîtres de CP qui entreprennent de pratiquer une didactique réellement différenciée, de structurer très vite leur classe, précisément de constituer dès le début de l’année des équipes de travail, chaque équipe regroupant les enfants les plus voisins dans leurs ressources cognitives pour apprendre à lire. - A quoi bon connaître les ressources cognitives pour apprendre à lire d’un enfant, ses prérequis, si ce n’est pour l’aider à les développer ? Ainsi, la BP constitue un inventaire des outils cognitifs nécessaires pour apprendre à lire. Pratiquement, si beaucoup de praticiens de la Maternelle plongent si tôt et de façon élitiste les enfants dans un grand bain d’écrits, c’est surtout, de l’aveu des plus lucides, parce qu’ils n’ont pas mieux à faire. En effet, ils ne sont pas équipés pour animer des activités dépourvues d’écrits et cependant plus rentables et motivantes parce que appropriées au développement cognitif requis par l’apprentissage de la lecture-écriture. Redisons que l’élaboration

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d’exercices propres à réduire un défaut ou à développer un manque cognitif, défaut et manque révélés notamment par la BP, n’est pas évidente. Elle est notamment hors des possibilités de création, d’expérimentation et de mise en forme des praticiens aussi ingénieux et consciencieux soient-ils. Certaines Grandes Sections de maternelle font malgré tout une place à la préparation instrumentale, à travers la pratique d’ateliers. Mais, alors que leur préparation et leur conduite sont très lourdes à l’enseignant, ces ateliers ne peuvent assurer un entraînement efficace. En effet, ils ne sont pas équipés pour ajuster les activités aux possibilités de chaque élève. Les contenus des activités qu’ils proposent ne couvrent pas tous les domaines cognitifs impliqués, par exemple, l’entraînement aux discriminations phonologiques ne peut efficacement s’accommoder de la conduite collective de la classe : on ne peut empêcher l’élève rapide de révéler la réponse au problème posé à tous et de priver ainsi ses camarades du plaisir de trouver et même de l’effort de chercher. Et puis, ce sont des groupes hétérogènes, constitués au hasard qui séjournent tour à tour dans les ateliers, chacun comprenant des enfants dont les besoins particuliers sont tout autres, mais qui se complaisent à répéter ce qu’ils réussissent, sans se soucier d’harmoniser leurs ressources cognitives. Pourtant, alors que nul ne comprend et ne découvre sur commande ni comme son voisin, l’enfant lent a autant besoin que le rapide de comprendre par lui-même et de découvrir. Personnalisable, notre ensemble didactique («2 as») est respectueux du temps de chaque enfant. Inspirées des contenus de la Batterie Prédictive, le sous-programme des «activités préalables» est un ensemble progressif d’activités qui constituent une préparation féconde à l’apprentissage de la lecture-écriture. Il comprend des séries progressives d’exercices pour développer. : - la représentation de l’espace et du temps - la fonction symbolique, l’esprit logique - le graphisme de l’écriture - et tout particulièrement «l’analyse de l’écoute de la parole» déjà évoquée, depuis la segmentation d’un énoncé en mots jusqu'à la saisie d’un phonème commun à plusieurs mots, les mots et les énoncés étant suggérés par leurs illustrations, sans référence à des écrits tellement alors prématurés. En illustration, nous avons présenté une série progressive de planches de discriminations phonologiques (L12). Pour chaque planche (qui ne comporte que des dessins), il s’agit de découvrir quel est le phonème commun aux deux mots très familiers dont le dessin est contenu dans le «noyau» (au centre de la planche) puis de barrer parmi les dessins «satellites», l’intrus, le seul dont le nom ne comporte pas ce phonème commun. Ces exercices sont conçus pour être réussis par chacun à l’abri des soufflages, à son heure et à son rythme, isolé et autonome bien qu’au sein du collectif-classe. 2. Aider les enfants à apprendre à lire, à l’heure et au rythme de chacun Il s’agit d’amener chaque enfant à savoir lire. Précisons tout d’abord, à l’aide de notre Batterie de Lecture, ce qu’expérimentalement nous entendons par «savoir lire». Présentation rapide des trois épreuves qui constituent la Batterie de Lecture (1) La BL s’applique normalement en fin de CP. Elle permet de vérifier si la prédiction s’est réalisée : si l’enfant a fait comme prévu à la BP, mieux ou moins bien. Elle comprend trois épreuves complémentaires : • compréhension de la lecture silencieuse avec contrôle par le dessin • vitesse de la lecture à haute voix d’un texte simple (pendant deux minutes). • orthographe d’un petit texte simple dicté (maîtrise de la combinatoire).

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Non seulement c’est cette Batterie de Lecture qui a établi la validité des épreuves de la BP en tant qu’épreuves prédictives, mais elle permet de donner une définition précise, fidèle et féconde de ce qu’est «savoir-lire». Simple chiffrage de l’estimation moyenne des maîtres de CP, le seuil du savoir-lire correspond au Total Pondéré de 25 points. L’étalonnage de la Batterie de Lecture nous révèle en outre que ce seuil est atteint ou dépassé par 75% des écoliers français de 7 ans à la fin du CP, ce qui revient à dire que 25% des enfants ne réussissent pas à apprendre à lire au cours de leur année normale de CP. Beaucoup de ces enfants, noyés par l’enseignement frontal, expositif, le même pour tous en même temps, ne se relèvent jamais de cette année d’échec et de souffrance. Le rendement du premier des apprentissages scolaires n’est pas satisfaisant. Il ne s’agit pas d’incriminer les maîtres mais de montrer que la mission dont ils sont chargés, de pratiquer une pédagogie «différenciée» alors qu’ils sont les mains vides du nécessaire, est une mission impossible. A notre époque d’urgence et donc d’exigence, il faut les équiper d’avance, pour toute l’année et pour tous les élèves qui, en avance ou en retard, rapides ou lents, ont des besoins si différents. Il faut aider les maîtres bien davantage qu’on ne l’a jamais fait Il ne s’agit ni de mettre deux enseignants dans la même classe, ni de multiplier les aides spéciales, ni de demander l’aide des parents (les enfants en grande difficulté ont des parents qui ne sont pas en mesure de les aider). Il importe de leur offrir des équipements didactiques appropriés qui ne réclament pas nécessairement de moyens informatisés. C’est pour prouver que c’est possible que nous avons élaboré «2as» (1), avec ses mille unités de travail progressives, ses 52 jeux coordonnés, sa collection progressive de 22 mini-livres, les dispositifs de contrôles et tout d’abord ses séries d’«activités préalables» déjà évoquées, dépourvues d’écrits, et qui développent les ressources cognitives pour apprendre à lire. Présentation d’une vidéo - cassette de 13 mn Elle montre à la mi-mai, les élèves d’une Grande section de maternelle et ceux d’un CP, au cours d’«activités préalables» et d’apprentissage proprement dit (jeux à deux partenaires, activité papier-crayon en solitaire, approche solitaire de mini-livres, etc.). Principes de la procédure d’apprentissage proprement dit, selon 2as Elle relève de la méthode naturelle, mais à l’opposé du libéralisme sauvage à la mode, puisqu’elle propose aux enfants des écrits signifiants en vue de les amener sans soufflage à la découverte et à l’exploitation de la combinatoire. • les écrits de départ sont sélectionnés pour leur rentabilité : très familiers, en très petit

volume et sobres d’écriture. • ces écrits sont fixés en mémoire : ils deviennent pour chacun des matériaux d’analyse et

de découverte grâce à une alternance de jeux et d’exercices papier-crayon coordonnés. Illustration : présentation, en exemple, d’un exercice de mémorisation et d’un jeu coordonné.

• puis ils sont exploités, confrontés, afin de révéler à chaque apprenant, au sein de son équipe d’élèves de même force que lui, toujours à son heure et à son rythme, les invariants phonème (s) - graphème(s). Cette découverte des éléments de la combinatoire se fait également à travers des exercices écrits et des jeux coordonnés d’autres types. Illustration : présentation d’un exercice et d’un jeu de traitement.

• enfin, le savoir lire naissant est investi par chacun dans la découverte de mini-livres pour le plaisir. Présentation de la collection progressive des 22 mini-livres, avec le livret de contrôle «ai-je bien lu ?» et les cassettes-son grâce auxquelles, finalement, chaque

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enfant peut entendre sous le casque la dramatisation sur fond musical du texte qu’il vient de lire.

En France l’usage de 2as, «activités préalables» et «apprentissage proprement dit», est prévu pour s’étaler sur deux années pour les enfants moyens (de 5 à 7 ans). L’ensemble du programme couvre leur année de GS et celle du CP. Le passage à l’apprentissage proprement dit de la lecture-écriture intervient pour la plupart plus ou moins tôt au cours de la Grande Section. Une troisième année est possible pour les plus lents, soit qu’ils passent au CE1 où ils sont protégés afin de terminer le programme «2as», soit qu’ils redoublent le CP où ils reprennent également le programme là où les vacances l’avait interrompu. De toute façon, ces enfants lents présentent alors un retard, mais ils n’ont pas connu l’échec, ayant jusqu’alors réussi chaque jour les mêmes activités que les rapides, plus lentement tout simplement. Avec 2as, la fonction de l’enseignant change : pour ce qui concerne l’apprentissage de la lecture et sa préparation, il conserve le meilleur de sa fonction. Il constitue ses équipes, chacune regroupant ses élèves les plus voisins dans leur progression, désormais grâce à la Batterie Prédictive Abrégée. Les 5ans consacrent en début d’année une demi-heure par jour, puis, en vitesse de croisière, jusqu'à une heure par jour, voire une heure et demie en fin d’année, comme au CP. Convaincu qu’il ne doit ni freiner les rapides ni bousculer les lents, il accepte des décalages entre les équipes le long de cette progression, normalement de plusieurs mois. Il sait que le camouflage de ces décalages a pour effet de les accentuer et de les fixer. Ce qui est grave pour un enfant, ce n’est pas tellement le retard que sa lenteur occasionne inévitablement, c’est de s’être conditionné à ne pas comprendre, à renoncer et à se désespérer. Si un exercice est bon, parce qu’il s’inscrit de façon fonctionnelle dans la progression, il est bon pour tous mais à condition que chacun puisse l’aborder, dès que mais seulement quand, il peut le réussir. Il n’est plus tenté de recourir à l’actualité afin de produire des écrits «pour apprendre à lire», car il a constaté que l’improvisation à partir de l’actualité ignore tout de la progressivité des difficultés et de la diversité des possibilités d’acquisition de ses différentes élèves. D’ailleurs, il lui reste beaucoup de temps chaque jour pour les activités collectives moins ardues que l’acquisition du langage et qui peuvent sans risque s’inspirer de l’actualité, des vécus communs. Une diffusion de «2as» au détail. Ma participation à ce colloque m’a fait comprendre que notre ensemble «2as» peut fonder directement, sans traduction et adaptation, l’engagement de nombre de petits marocains dans l’apprentissage de la lecture-écriture du français. L’entraînement à l’usage de cet ensemble peut aussi se faire de façon progressive chez des parents comme chez des enseignants à partir de morceaux de l’ensemble, par exemple : • activités préalables, sans langue écrite (avec planches et étiquettes,) • analyse de l’écoute de la parole à partir d’illustrations de mots et de phrases • développement de la pensée logique • développement de la coordination de l’espace et du temps • entraînement au graphisme de l’écriture • aider à l’apprentissage proprement dit, en jouant avec l’enfant (avec planches,

étiquettes, jetons) • jeux de mémorisation • jeux de traitement

en lui proposant une collection progressive de 22 mini-livres sonores et parlants J’ai terminé en proposant mon concours, à la disposition des groupes comme des particuliers, pour revenir au Maroc et étudier avec les intéressés les différentes possibilités de recourir peu

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ou prou aux batteries d’évaluation et à l’ensemble didactique «2as», en vue du développement des prérequis, notamment en jardins d’enfants privés, ou de l’apprentissage de la lecture-écriture en français, dans les écoles publiques ou privées.

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ATELIER II

L’APPROCHE « L’ENFANT POUR L’ENFANT »

Animatrice : Brigitte EL ANDALOUSSI

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APPRENDRE LA SANTE PAR LE CONTE

Résumé

Elisabeth DUMURGIER, France Yvon MOREN, France

L’approche, l’Enfant pour l’Enfant, en éducation pour la santé appliqué aux enfants d’âge pré-scolaire.

L’Enfant pour l’Enfant est un programme international d’éducation pour la santé des enfants, avec des projets dans plus de 70 pays, du sud mais aussi du nord. Lancé en 1978 - en 1985 pour les pays francophones - il repose sur l’idée que l’enfant même jeune peut, à son niveau, diffuser des messages de santé et les mettre en pratique. La « santé » est prise ici au sens large : autant la protection de l’environnement que la prévention des maladies et des accidents, la croissance de l’enfant et son développement que la nutrition, l’hygiène et les soins élémentaires.

Il s’adresse en priorité aux enfants d’âge scolaire mais utilisé avec des tout petits, il peut être l’occasion pour l’enfant d’apprendre comment fonctionne son corps, comment construire et protéger sa santé. En éducation pour la santé comme ailleurs, il est important d’aborder les sujets très tôt dans la vie de l’enfant, pour les élargir et les approfondir progressivement, à mesure qu’il grandit.

La méthodologie préconisée – à l’école et en dehors de l’école - est active et « souriante » et fait appel à la créativité et à l’imaginaire des enfants par le jeu, le théâtre, le conte. Les documents pédagogiques de l’enfant pour l’enfant sont multiples : des feuilles d’activités regroupées en dossiers thématiques, des livres de conte et des documents-ressource plus théoriques. S’adressant aux enseignants, aux éducateurs, aux animateurs, mais aussi aux parents et aux grands enfants, ils comportent tous un contenu scientifique simple mais très précis et des suggestions d’activités, des jeux, des contes pour permettre aux enfants de comprendre, d’assimiler, d’agir, de transmettre leur savoir autour d’eux et d’évaluer leur action.

L’idée d’utiliser le conte pour divertir et éduquer n’est pas nouvelle : le but premier du conte est la transmission d’une expérience des aînés aux plus jeunes et la pédagogie moderne le redécouvre en y retrouvant ses principes : pour intéresser un enfant, il faut l’amuser, éveiller sa curiosité, stimuler son imagination. Mais il n’existait pas de conte pour l’éducation à la santé.

En créant des contes sur des thèmes prioritaires de santé (l’alimentation des bébés, la fièvre, les poux, les dents, les microbes…), l’équipe de l’enfant pour l’enfant tente de répondre au besoin de nouveaux supports pédagogiques, adaptés à l’enfant. Inspirés des contes traditionnels, ces contes en reprennent les structures classiques, les personnages connus de tous. Comme eux, il se veulent d’abord divertissants, amusants à écouter et à raconter. La fiction est évidente mais les conduites à tenir, explicites, sont faciles à retenir. Cette pédagogie souriante est efficace. Tout en s’amusant, l’enfant découvre par l’image, le symbole ou l’analogie ce qu’on veut lui enseigner. En milieu scolaire ou non, l’utilisation du conte permet des animations autour de l’expression orale, de la lecture, un enrichissement progressif du vocabulaire.

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Ces contes sont publier sous forme de petits livres bien illustrés qui comportent aussi un livre pédagogique pour le maître ou l’éducateur. Ils peuvent être lus, racontés, joués, tels quels ou adaptés, voire traduits. L’idéal est de partir de ces documents pour bâtir de nouveaux contes, mieux adaptés aux réalités locales : La structure des contes étant universelle et les personnages interchangeables, la transposition d’un conte d’une culture dans une autre est relativement aisée. La traduction en langue nationale ne peut être littérale, mais doit s’adapter aux données culturelles de la société. Seule, la trame du récit et son contenu scientifique seront conservés, pour que s’opère une naturalisation du conte, une assimilation au folklore local…

N’oublions cependant pas que le conte n’est qu’un outil – attractif, certes – mais qui ne suffit pas à lui seul à atteindre tous les objectifs d’une éducation pour la santé. D’autres activités, d’autres jeux, à l’école, à la maison, dans le village ou le quartier, viendront compléter le travail entamé avec le conte.

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ATELIER III

PSYCHOPEDAGOGIE DE LA PETITE ENFANCE DE LA NAISSANCE A TROIS

Animatrice : Wafaa ACHAACHI

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UNE PEDAGOGIE INTERACTIVE POUR LES ENFANTS DE MOINS DE TROIS ANS

Sylvie RAYNA, France Je me propose de présenter ici les principales caractéristiques d’une pédagogie interactive, développée au Cresas en amont et en aval de l’école, en me centrant sur l’approche que nous avons élaborée et expérimentée à la crèche en collaboration étroite avec les professionnels qui y travaillent. Mais, tout d’abord, quelques mots sur cette institution qui accueille, en France, les enfants âgés de moins de trois ans dont les parents travaillent. I- UN REGARD SUR L’EVOLUTION DES CRECHES Créées, comme l’école maternelle (Plaisance, 1986, Dajez, 1995), au 19ème siècle en raison principalement des besoins de garde liés à l’industrialisation de ce pays, les crèches ont pour objectif prioritaire au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la lutte contre la mortalité infantile. Les premiers règlements établissent, ainsi, une série de mesures visant à assurer la sécurité et la bonne santé des enfants (Norvez, 1991). Ces mesures engendrent un milieu de vie organisé autour de chasse aux microbes, le jeune enfant étant alors considéré comme un corps qu’il s’agit de nourrir et de soigner. Les travaux sur les effets des carences en soins maternels alimentent, à partir des années cinquante, une méfiance à l’égard des collectivités de jeunes enfants (Mozère, 1992) mais en France, contrairement aux pays anglo-saxons, les crèches continuent à se développer, l’administration cherchant alors à procurer aux enfants un cadre plus adapté à leurs besoins psychologiques. Dans les années soixante, on recrute donc de nouveaux personnels spécialisés (puéricultrices, éducatrices, auxiliaires de puériculture, psychologues) et des formations continues sont mises en place, s’inspirant d’une part des travaux d’Irène Lézine, qui voit dans les crèches des milieux d’appui pour les parents et des milieux éducatifs pour les enfants (1964, 1976), et d’autre part des travaux de psychanalystes qui s’attachent à pallier les risques de carences affectives dans les collectivités de jeunes enfants (David & Appel, 1973). Cependant les personnels des crèches éprouvent des difficultés quant à la façon de satisfaire les besoins psychologiques de chaque enfant avec, pour référence, le modèle maternel qui les enferme dans une logique de substitut ne valorisant pas leur travail et gênant l’émergence d’une possible spécificité de leur rôle. Le modèle pédagogique rencontre, de son côté, de profondes résistances chez ces personnels, du fait du caractère contraignant attaché au modèle traditionnel de l’école. Après les mouvements de 1968, on constate un intérêt accru pour la crèche, en raison de l’augmentation du travail féminin et de la demande de « nouveaux » parents qui revendiquent une éducation collective pour leurs enfants, allant jusqu’à créer eux-mêmes des crèches dites « sauvages » au cours des années soixante-dix, qui seront reconnues une décade plus tard et se développeront sous le nom de « crèches parentales ». Les valeurs éducatives de ces parents d’origine sociale plus favorisée que les familles de milieu populaire qui utilisaient la crèche jusque-là, vont faire pression dans ces établissements qui selon le règlement, étaient jusque-là fermés à toute personne extérieure au service, et ce pour des raisons d’hygiène. Les crèches s’ouvrent peu à peu, devant la demande de ces parents favorables à une coéducation avec le soutien d’un discours psychologique; favorable à une plus grande transition entre famille et crèches. Il en résulte une image de plus en plus positive de ce lieu de garde, les listes d’attentes s’allongent, la notion de professionnalisation des personnels se développe. Les

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années quatre-vingts voient apparaître une volonté politique, liée à une demande sociale forte (Bouyala & Roussille, 1982) pour définir une politique globale d’accueil de la petite enfance. Durant cette décade, les recherches scientifiques se multiplient, en France comme à l’étranger, sur le développement psychologique du jeune enfant et leurs conclusions sont largement médiatisées. « Le bébé est une personne », tel est le titre d’une émission télévisée de 1985 qui a fait date, suivie de bien d’autres. Ces recherches, réalisées dans des contextes théoriques et méthodologiques variés, convergent vers la reconnaissance des diverses compétences des tout-petits et l’importance de la qualité de l’environnement matériel et social pour permettre l’actualisation de ces compétences. Un tel contexte amène la crèche à se reconnaître une fonction éducative spécifique, en complément de l’éducation familiale. De nombreuses expériences sont menées, soutenues par les psychologues, la formation continue, la vulgarisation des innovations en matière de petite enfance, se dégageant à la fois du modèle de la famille et de celui de l’école. La recherche de relations nouvelles avec les jeunes enfants mettent l’accent sur l’établissement d’une relation stable et continue avec eux, mais également sur l’établissement d’une relation médiatisée par le jeu. Diverses organisations sont conçues pour éviter les ruptures : groupes d’âges mélangés ou groupes d’âges homogènes avec suivi ou non des enfants par de multiples propositions d’activités visant essentiellement le bien-être affectif et sensoriel à travers le plaisir de la manipulation (de graines, d’eau, de pâte à sel) et de la découverte de l’expression musicale et graphique. Il en résulte de nouvelles demandes de formation... qui vont largement contribuer à transformer ces lieux de garde en véritables lieux de vie et d’éducation. II- QUELQUES MOTS SUR LA FORMATION La crèche fonctionne aujourd’hui avec une équipe composée d’une directrice (puéricultrice : bac + 4), d’éducatrices (bac+2), d’auxiliaires de puériculture (BEPC + 1) et d’agents de services. Elle comprend aussi un médecin et souvent d’autres personnels vacataires : psychologues, psychomotriciens. Des formations continues, proposées par divers organismes, complètent la formation initiale, hétérogène, de ces divers personnels. En région parisienne, au cours des années soixante, les premières sessions de formation conçues par les psychologues, qui travaillent dans le sillage d’Irène Lézine, ont pour objectif principal la sensibilisation à l’aspect psychologique du développement des enfants (Bréauté, Rayna & Baudelot, 1995) avec visites de crèches pilotes, apports théoriques et échanges avec les stagiaires. Ces sessions de formation se transforment dans les années soixante - dix en groupes de formation à partir de l’expérience des stagiaires. Les thèmes traitent principalement des dynamiques relationnelles entre les personnels, avec les enfants et, de plus en plus, avec les parents qui commencent à entrer dans les lieux (Baudelot, 1992). A la même époque, Jeanine Lévy, oeuvrant dans la perspective d’une prévention précoce, parle pour la première fois ’’d’éveil pour le tout-petit’’, approche développée plus en détail ici par Danielle Rappoport. Certaines puéricultrices formées deviennent formatrices à leur tour et les crèches où se pratique cet éveil du tout-petit, accueillent de nouveaux stagiaires. Ainsi se propagent de nouvelles pratiques qui transforment les relations avec les jeunes enfants et valorisent les personnels dans leurs fonctions. Dans la même perspective, l’administration propose des séances d’information sur le travail exemplaire de la pouponnière de Loczy (David & Appell, 1973). A la fin des années soixante-dix, une thématique nouvelle apparaît, en liaison avec les découvertes sur les compétences précoces du jeune enfant évoquées plus haut. Le débat sur les activités se développe dans les formations. A Paris, une formation est confiée à un musicien compositeur. Il s’agit d’expérimenter soi-même entre adultes ce langage nouveau qu’est l’improvisation musicale, puis de réfléchir sur ce qui a été vécu, avant de prolonger l’activité

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avec les enfants. A la fin des années quatre-vingt, l’accueil de la petite enfance passant sous la responsabilité des municipalités, la formation continue se développe dans le cadre des politiques municipales. Les actions de formation sont proposées par un nombre grandissant d’organismes et touchent des domaines nouveaux et variés (projet éducatif, éveil culturel, mais aussi gestion, maltraitance, sida, etc.) (Rayna & Dajez, 1997). C’est dans ce contexte que nous avons développé avec plusieurs équipes de crèches des recherches-action-formation qui contribuent à l’élaboration d’une pédagogie interactive pour les petits... mais aussi pour les grands. III- UNE PEDAGOGIE INTERACTIVE DE LA PETITE ENFANCE Depuis sa création en 1969, le CRESAS a entrepris des travaux en crèche, qui visent à la fois la connaissance des débuts du développement psychologique et la définition des situations éducatives favorables à l’actualisation optimale de ce développement. Cette bipolarité fonde le caractère ’’psychopédagogique’’ de notre approche, adoptée dans des travaux réalisés, par ailleurs, à l’école maternelle et élémentaire, et à présent jusqu’au lycée. Notre objectif étant de mieux comprendre les causes de l’échec scolaire (que l’on sait massif, précoce et socialement sélectif) et de chercher les moyens d’y remédier afin que tous les enfants s’engagent dans un processus actif d’acquisition des connaissances, nous nous sommes posé la question de savoir quelles sont les démarches spontanées des enfants pour construire leurs savoirs (et cela bien avant l’âge d’entrer à l’école) et quelles sont les situations éducatives respectueuses de ces démarches. Ces études menées en crèche l’ont été conjointement à celles entreprises par des collègues à l’étranger qui partagent avec nous les conceptions constructivistes de Piaget sur l’origine des connaissances dans les actions ludiques des bébés et la source du raisonnement et de l’objectivation des savoirs dans les échanges équilibrés entre pairs, mais aussi celles de Wallon sur la nature sociale du développement et l’importance des contextes dans la production des conduites. Dès nos premières observations, nous avons pu dégager dans les activités spontanées des tout-petits des capacités insoupçonnées, tant au plan cognitif que communicatif. Mais ces données n’ont pas été recueillies dans n’importe quelles conditions... Dans des situations de libre manipulation d’objets, sélectionnés avec soin et proposés sans question ni démonstration de la part de l’adulte mais sous son regard attentif et porteur, ces jeunes enfants montrent une grande curiosité et une volonté impérieuse de comprendre. Ils abordent de leur propre initiative des problèmes complexes qu’ils s’acharnent à résoudre avec une ténacité remarquable, au cours de séquences ludiques cohérentes et prolongées. L’analyse de ces séquences montre qu’ils construisent, en jouant, divers types de savoirs sur le monde physique et social, en même temps qu’ils élaborent une logique de l’action qui sous-tend, à travers ces jeux, leurs procédures de découverte et d’invention (Sinclair & al. 1982). Présenté à des petits groupes d’enfants, ce type de matériel ’’ouvert’’ à des explorations sans fin donne lieu à des jeux qui s’enrichissent des idées des uns et des autres et où l’on voit apparaître des formes précoces de collaboration entre enfants (Stambak & al., 1983). Ces résultats qui mettent l’accent sur la créativité des démarches propres des jeunes enfants et sur l’importance des relations entre pairs se vérifient grâce à l’aménagement de telles situations dans d’autres établissements et d’autres situations encore, qui viennent prendre sens dans la vie quotidienne proposée aux enfants. Grâce à l’implication commune des chercheurs et des professionnelles dans l’élaboration de situations nouvelles, d’autres aspects du développement psychologique des jeunes enfants et de l’organisation des situations éducatives se précisent. Un atelier marionnettes a ainsi permis d’en savoir plus sur le jeu de fiction entre enfants de trois ans, les processus de négociation interpersonnelle et les savoirs psychosociaux manifestés à ces âges (Bréauté & al., 1987, Rayna & al., 1990). L’aménagement d’activités de

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découverte et d’invention, dès la rentrée, au moment de la période dite ’’d’intégration’’, va réduire les difficultés habituellement rencontrées, en offrant aux ’’nouveaux’’ un contexte ludique chaleureux, qui fait sens pour eux, et aux professionnelles la possibilité de mieux repérer les stratégies propres de chaque enfant et de s’y ajuster de façon plus personnalisée (Rayna & al., 1992). Tout ceci, et les données recueillies par ailleurs à l’école maternelle et élémentaire, a abouti à l’élaboration d’une pédagogie interactive (CRESAS, op. cit.). fondée sur la nécessité d’un ancrage étroit des pratiques éducatives sur les démarches psychologiques des enfants. Cette approche pédagogique s’est construite, sur le terrain, dans une dynamique d’auto-évaluation régulatrice au cours de laquelle les relations entre adultes se sont transformées au sein d’une identification plus précise des rôles et statuts professionnels. Grâce aux échanges équilibrés entre eux et avec les chercheurs, une coconstruction de savoirs psychopédagogiques s’est enclenchée pour aboutir à un changement profond du regard porté sur les enfants comme sur les pratiques. Par échanges équilibrés, nous entendons les interactions développées autour de problèmes partagés, chacun se sentant autorisé à prendre des initiatives, à exprimer ses hypothèses et à les confronter avec celles des autres. Il en résulte une prise de recul sur la pratique et une objectivation progressive des savoirs. Cette coconstruction permet aux professionnelles de trouver une troisième voie entre activité libre et activité dirigée, entre garderie et ’’pédagogisme’’. Les équipes engagées, auprès de nous dans l’expérimentation de situations de découverte et d’invention partagée qui laissent libre cours aux initiatives et démarches spontanées des enfants, ressentent l’impact de cette dynamique de recherche sur la qualité du travail d’équipe, un travail de plus en plus centré sur des projets éducatifs ajustés aux besoins des tout-petits, dans lequel elles-mêmes trouvent du sens, une valorisation et une reconnaissance de leur fonction, et le plaisir pris dans les découvertes faites ensemble. IV- UNE FORMATION A LA PEDAGOGIE INTERACTIVE PAR LA PEDAGOGIE INTERACTIVE Comment partager, au-delà des établissements où ont eu lieu ces recherches-actions, cette pédagogie interactive qui s’avèrent bénéfique aussi bien pour les enfants et pour les adultes ? En transposant la démarche de recherche-action dans un travail interétablissements, fondé sur la même conception d’une construction sociale des savoirs et du rôle de l’action transformatrice des professionnelles sur et à partir de leurs propres pratiques. Deux groupes d’une vingtaine de personnes chacun sont ainsi constitués, composés de représentantes (la directrice et un ou deux membres de l’équipe) de plusieurs établissements volontaires. Ces groupes fonctionnent pendant trois ans, à raison d’une réunion mensuelle, avec le projet de développer la réflexion sur l’organisation des activités de jeu. La méthodologie de la recherche-action qui fait alterner des moments d’expérimentation des professionnelles dans leurs crèches et des moments d’analyse collective, dans le groupe, des observations recueillies, permet au fil des mois une appropriation active de la pédagogie interactive, proposée non comme un modèle mais comme cadre de référence. Les principes en sont également utilisés pour l’animation de ces groupes, favorisant les initiatives de chacune et les échanges entre elles. Il en résulte un engagement dans une démarche innovante, à l’origine de connaissances nouvelles, issues de la mise en place de situations inédites (l’accueil d’enfants porteurs de handicaps dans les activités, la découverte du livre en partenariat avec le bibliothèque, etc.) qui dépassent de beaucoup l’objectif de départ. Au terme des trois années, ces innovations sont présentées lors d’une manifestation internationale, avec le soutien de la mairie, sous forme de montages-vidéo et de posters réalisés par les professionnelles elles-mêmes qui se regroupent spontanément à deux ou plusieurs établissements et travaillent à ce

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projet pendant plusieurs mois. De nouvelles dynamiques interactives se développent au sein des petits groupes et entre eux. La distanciation impliquée par la nécessaire explication en direction des participants de la manifestation internationale amènent des élaborations et une argumentation de plus en plus fines. De la position d’acteurs les professionnelles passent à celle d’auteurs. Après cette expérience que toutes estiment positive (reconnaissance et valorisation du travail, établissement de liens forts entre établissements, échanges avec d’autres collègues françaises et étrangères, découverte d’autres collègues françaises et étrangères, découverte d’autres pratiques, etc.), la rédaction d’un ouvrage collectif s’impose. L’expérience de l’écriture, durant une année, entraîne de nouveaux approfondissements par petits groupes (les auteurs de chacun des chapitres) de cette pédagogie interactive. Les chercheurs accompagnent la difficile mise en mots et mise en forme au cours de laquelle chacun est contraint de clarifier et de justifier (Bréauté & Rayna, 1995). Il s’ensuit un plus grand recul sur la pratique. Sur cette base, de nouveaux échanges entre établissements et avec d’autres professionnels se développent sur le terrain, l’action s’étend... La possibilité pour certaines d’accéder à des fonctions de formateur se précise et aboutit. Une formation fondée sur les principes de la pédagogie interactive va en effet voir le jour dans le cadre de l’IEDPE en direction des crèches de Paris, et actuellement au-delà, et elles y sont intégrées peu à peu comme formatrices. Au fil des ans, on observe que les directrices participantes occupent les unes après les autres des fonctions d’encadrement des crèches. La pédagogie interactive trouve ainsi des relais, les acquis de la recherche se diffusent...

BIBLIOGRAPHIE

- Baudelot O. (1992). De la protection maternelle et infantile à la prise en charge municipale de la petite enfance : évolution des pratiques d’accueil dans les crèches. In : CRESAS. Accueillir à la crèche, à l’école : il ne suffit pas d’ouvrir la porte. Paris : INRP-L’Harmattan - Bouyala N. & Roussille B. (1982). L’enfant dans le vie, une politique pour la petite enfance. Paris : Documentation Française. - Bréauté M. & al. (1987). Au jardin d’enfants, des enfants marionnettistes : une recherche-action. Paris INRP- L’Harmattan. - Bréauté M., Rayna S. (Eds) (1995). Jouer et connaître chez les tout-petits. Paris : INRP-Ville de Paris. - Bréauté M., Rayna S. & Baudelot O. (1995). Introduction. In : Bréauté M. & Rayna S. (Eds). Jouer et connaître chez les tout-petits : Paris : INRP-Ville de Paris. - CRESAS (1991). Naissance d’une pédagogie interactive. Paris : ESF-INRP. - David M.& Appell G. (1973). Loczy ou le maternage insolite. CEMEA. Paris : le Scarabée. - Lézine I. (1976). Les soi-disant carences affectives. Les cahiers du CERM, Petite Enfance, n°125. - Lézine. I. (1964). Psychopédagogie du premier âge. Paris : PUF. - Mozère L. (1992). Le printemps des crèches. Paris : L’harmattan, coll. Logiques sociales. - Norvez A. (1990). De la naissance à la parole. Paris : PUF (coll. INED). - Plaisance E. (1986). L’enfant, la maternelle, la société.. paris : PUF. - Rayna S. & al. (1992). L’entrée en crèche : une expérience d’accueil, in - CRESAS, Accueillir à la crèche, à l’école : il ne suffit pas d’ouvrir la porte. Paris : INRP-L’Harmattan. - Rayna S. & al. (1990). Les spectacles de marionnettes improvisés par des couples d’enfants de trois ans. Paris : PUF (Pretend play among three years olds. New York : Laurence Earlbaum, 1993). - Rayna S. & Dajez F. (1997). Formation, petite enfance et partenariat. Paris : INRP-L’Harmattan. - Sinclair H. & al. (1982) Les bébés et les choses : la créativité du développement cognitif, Paris : PUF (Infants and objects. New York : Academic Press, 1989) - Stambak M. & al. (1983). Les bébés entre eux : découvrir, inventer et jouer ensemble. Paris : PUF.

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Présentation d’un film

L’EVEIL DU TOUT-PETIT : DES COLLECTIVITES EN MOUVEMENT

Danielle RAPOPORT, France

(30mn 1987, Janine LEVY, Daniel RAPOPORT). Ce film montre l’évaluation des techniques d’éveil du tout-petit et l’intégration d’une psychopédagogie du premier âge à la dynamique des collectivités de jeunes enfants. Il témoigne aussi de l’évolution des relations de soins, des moments possibles d’intimité dans le groupe, du rôle de l’observation et du plaisir partagé, et surtout de la créativité des enfants qui rejoint et stimule celle des adultes professionnels qui les entourent.

Etape parmi d’autres dans le long cheminement des connaissances dans le domaine de la Petite Enfance, ce film peut introduire des débats et des échanges pour tracer des perspectives d’avenir.

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ATELIER IV

ARTS PLASTIQUES ET LITTERATURE

AU PRESCOLAIRE

Animatrice : Khadija BOUZOUBAA

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SINDBAD LE MARIN

Soizic PACHET, France

Eliane FRIOCOURT, France

I- PUBLIC CONCERNE Contrairement à l’annonce initiale, l’atelier, animé par la seule Eliane Friocourt, Maître formateur, s’adressera essentiellement à des enseignants de maternelle. Il s’appuiera concrètement sur le travail mené depuis la rentrée dans deux moyenne et grande sections de l’école maternelle Dunoyer de Segonzac ( Anthony, France). II- OBJECTIF DE L’ATELIER La lecture des Voyages de Sindbad est un projet sur l’année. Le but de l’atelier proposé est de montrer comment un (grand) texte peut devenir le support d’une pédagogie qui met au premier plan l’activité des enfants, mobilise leurs outils d’expression (langage et activités plastiques) pour élaborer leur histoire de Sindbad et ce faisant, vivre une aventure de lecture et une fête de l’imaginaire, tout en progressant dans les acquisitions requises. Bien d’autres récits seront dits ou lus au quotidien (la « chaise du conteur » n’est pas exclusivement réservée à Sindbad), mais avec un statut évidemment différent. La lecture des Voyage de Sindbad le Marin sera littéralement mise en scène à partir de l’expérience des enfants (l’expérience des voyages, par exemple), mais aussi de ce qu’ils savent, de ce qu’ils imaginent, tout cela nourri par les documents, les recherches, les échanges. III- CHOIX DE LA TRADUCTION : Le choix de la traduction de René Khawam, de préférence à celle d’A. Galland, a plusieurs justifications : modernité, qualité littéraire, fidélité aux sources. Mais surtout, l’adaptation qu’il en a fait lui-même, allège le texte de ses longueurs, de ses notes géographiques et offre au lecteur un pur récit merveilleux, rapide et captivant. IV- PROLOGUE ET DISCOURS DE LA METHODE L’appropriation de l’espace de la classe, en début d’année, va de pair avec la construction de la maison de Sindbad : il faut créer le décor de l’histoire qu’on va vivre, élaborer le monde de référence du récit. Un héros, qui devient le compagnon de route imaginaire, et un lieu, celui de la classe, transfiguré, tels sont les deux points d’appui nécessaires pour que l’aventure collective démarre, pour que les événements merveilleux du récit de Sindbad aient le retentissement dont les réalisations plastiques permettent de mesurer l’ampleur. En tout début d’année, de grandes disparités existent entre les enfants qui arrivent pour moitié de petite section, le geste graphique notamment est incertain et la décoration du Palais de Sindbad sera l’occasion de s’exercer et de progresser. V- MISE EN SCENE DE LA LECTURE 1. Découpage Le texte est lu à haute voix par la maîtresse à raison d’une page et demie environ. Ainsi, le prologue sera lu en deux fois. Il s’agit de trouver une pause adéquate. Exemples : • Première pause : p.11 « A qui appartient ce lieu ? » On lui répond : « A Sindbad le Marin. »

Le nom du personnage est prononcé : le travail peut commencer.

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• Premier voyage : une pause p.21 : « Nous prîmes nos dispositions pour demeurer

longtemps sur le rivage de cette île. » (Qu’est-ce qu’une île pour les enfants ?) Une deuxième, p.22 « remontez vite à bord » (L’île est un poisson géant !), puis le naufrage proprement dit.

2. Rythme Il est conditionné par le travail des enfants. On n’avance dans le récit que lorsque les enfants sont prêts à poursuivre, c’est à dire qu’ils se sont, par le travail du langage et de l’expression plastique notamment, appropriés le sens du texte. • Un mois sur le prologue : la mise en route est lente, notamment en début d’année, quand le

groupe n’est pas encore constitué. A cet égard, le récit de Sindbad est idéal, parce que le prologue va permettre toute la mise en place de la classe et du personnage de Sindbad dans la classe. Il s’agira, jusqu'à la Toussaint, de construire la maison, le palais de Sindbad, construction « en faux », diront les enfants, jusqu'à aboutir à un projet commun aux deux classes : construire le jardin du palais dans le couloir qui les sépare.

• Dès que Sindbad s’embarque, le récit avance très vite et ce sont les thèmes qui

commanderont le rythme : île, baleine, oiseau, roc... La classe est rodée, le rythme peut s’accélérer.

3. Langage Les enfants écoutent le texte. Une lecture suffit, mais des relectures sont possibles, soit à leur demande (après les vacances de la Toussaint, on a un peu oublié l’histoire : « T’as qu’à relire », disent les enfants), soit parce qu’ils n’ont pas entendu quelque chose (dans la deuxième partie du prologue, par exemple, le nombre de voyage). On peut également relire un passage pour amener une question à débattre (dans le film « On travaille sur les Grecs », projeté lors du deuxième colloque, Jacqueline Oheix reprend l’épisode de Triptolème et du blé ainsi : « s’il n’y avait plus de farine, qu’est-ce qu’on deviendrait ? »), mais dans la classe d’Eliane, le questionnement rebondit généralement à partir de la discussion elle-même. Cette discussion s’engage à partir de ce que les enfants ont entendu et retenu de la lecture et le rôle de la maîtresse est alors à la fois d’encourager les échanges et d’être à l’écoute. C’est pourquoi, elle prend des notes de ce qui est dit et va jusqu'à surligner après coup dans le texte les passages qui ont fait mouche. 4. Fonction des notes de la maîtresse • Ces prises de note témoignent d’abord du respect dû à la parole des enfants. L’écriture de

cette parole valorise les enfants et les met en situation de pouvoir rivaliser avec le texte et la parole de l’adulte. Les enfants ne se contentent pas de restituer, ils questionnent et, de questions en réponses, constituent le sens du récit.

• Les notes vont permettre en outre à l’enseignante d’évaluer la réception du texte : quels

passages, quels mots les ont frappés, mots qu’ils connaissent ou ne connaissent pas comme « mât de misaine », ou « destination », « mer orientale ». Ces mots reviendront dans les discussions suivantes et seront maîtrisés par l’usage. De ces discussions émergent aussi des thèmes (le découpage du texte permet de les prévoir, mais pas toujours). C’est à partir de ces thèmes qu’une progression est envisageable et que seront organisés les ateliers.

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D’un jour à l’autre, les représentations, floues au départ, se préciseront progressivement : on le constate à travers les discussions et les travaux des enfants. Exemple : représentation de l’île-poisson géant. • Les « notes » permettent enfin d’écrire l’histoire de la classe, et d’en garder la trace. 5. Arts plastiques et langage L’expression plastique (outil primordial de l’enfant) est le relais essentiel de la parole. Elle requiert la même attitude de respect. Elle évolue grâce à plusieurs facteurs : • Les interactions entre les enfants, encouragées et répercutées par la maîtresse. • L’analyse par les enfants des travaux réalisés (sélectionnés ou pas). • Le recours à des documents qu’on va observer (activité de commentaire, essentielle pour

affermir le vocabulaire), la présence dans la classe d’images (reproductions d’oeuvres d’art) ou la lecture de poèmes (ou de récits, Amos et Boris, par exemple) qui inspirent et nourrissent l’imaginaire.

• La reprise des premiers jets (spirale qui recommence). • Les interventions de la maîtresse qui peut décider de photocopier telle forme, réussie par

l’un des enfant, la faire agrandir (par les enfants) pour les aider à franchir une étape (ex : Le palmier).

• Selon les difficultés, des exercices de graphisme pur peuvent appuyer la progression purement plastique (pédagogie différenciée).

6. Les ressources documentaires C’est à l’occasion des questions que se posent les enfants que la nécessité d’aller chercher de l’information en BCD va se manifester. Une fois en BCD, s’il y a un accueil (c’est le cas à l’école primaire attenante), la maîtresse s’éclipse pour laisser les enfants raconter leur histoire et formuler leur demande. Les livres sont ramenés dans la classe et peuvent donner lieu à des recherches en atelier. On aura successivement des livres sur l’habitat (habitat islamique à distinguer d’autres types), des albums des Mille et une nuits et des albums des Voyages de Sindbad, des documents sur les îles, les bateaux, les baleines, au fur et à mesure que le besoin s’en fait ressentir. On peut également décider de demander à des enfants plus âgés et qui « savent lire » de trouver les réponses au questionnaire qu’on élabore .Ex : les C.P. vont prendre en charge l’information désirée sur les baleines. Mais la maîtresse peut aussi photocopier tel document et le donner en atelier (ex : Palais et déserts, pour les portes et fenêtres, au début de l’année). 7. Le tableau Le tableau est la trace essentielle des travaux de la classe. il est leur mémoire. Chaque jour, il s’ouvre sur des dessins d’enfants de la veille, accrochés par les enfants eux-mêmes (autonomie, affirmation de soi). La phrase de lecture (qui évolue) n’a pas été effacée. La journée peut démarrer sur le question rituelle : Où en sommes-nous de notre histoire ? 8. Lecture Dès la rentrée, les enfants qui apprennent à écrire leur nom en lettres d’imprimerie sont confrontés au nom du personnage, Sindbad, à travers une phrase, écrite au tableau, avec laquelle on va jouer , autant de fois qu’il sera nécessaire, pour les amener à prélever des indices : Sindbad le Marin a un palais

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Le S de Sindbad va les fasciner. La maîtresse joue avec les enfants : substitutions (jamais aléatoires) Sindbad le Marin / le portefaix / Sonia / Xavier, ou maison / palais / jardin. C’est de la lecture globale qui évoluera au rythme des compétences acquises et au fil de l’histoire. 9. Le journal C’est un choix de la maîtresse que les enfants s’approprient lentement, avec l’aide des parents. Comprendre qu’un seul titre sera choisi suppose un effort conceptuel qui demande de la maturation. A travers Sindbad, la maîtresse ne cesse de semer les graines de l’apprentissage. CONCLUSION Un texte de portée universelle, comme Les Voyages de Sindbad le Marin a pour qualité essentielle d’être inépuisable. Mettre les enfants en condition de le lire révèle leurs capacités d’intelligence et d’imagination. Une telle pédagogie ne marche que si les enfants sont acteurs. La difficulté est d’anticiper sur ce qui va se passer. Il faut préparer, prévoir les thèmes, réfléchir sur chacun de ces thèmes à tous les possibles pédagogiques pour ne pas être pris au dépourvu et tenir la barque. Les enfants sont le meilleur soutien, si on sait leur faire confiance.

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LE CAHIER DE NOTES DE LA MAITRESSE : EXEMPLE

De retour de vacances, nous reprenons notre étude, et ceci commence par la question rituelle : Où en étions-nous ? (Le palais est installé dans la classe, avec son jardin, Sindbad le portefaix est installé chez Sindbad le marin, qui entame son récit). LE PREMIER VOYAGE DE SINDBAD - Tu allais dire un voyage - Tu as écrit les 7 voyages de Sindbad - Il y en a encore beaucoup, il en a plus que 6. - On se rappelle plus très bien à cause des vacances. - On dit à la maîtresse de nous lire.

Intéressant de remarquer la référence à la permanence de l’écrit. On peut lire et relire. Le

marque-page est aussi un outil de lecture. Et que le décompte n’est pas oublié, 7-1 = 6. Aussitôt dit, aussitôt fait, je prends le livre, et j’y ai mis un nouveau marque-page. - Tiens, un marque-page comme des mosaïques. - J’ai aussi pensé à des mosaïques en le voyant, c’est pour cela je l’ai acheté pour le livre de

Sindbad. - Il y a des trucs brillants. - Il y a des couleurs. - Il y a des carrés, des étoiles dans le carré, des lunes. - Il y a du rouge, du vert. - Derrière y a une étiquette. - C’est pour marquer combien on va payer. - Il y a comme des petits toits, des chapeaux de sorcière, c’est des triangles. Je lis la page 19, 20, 21. Je m’arrête à : « ...Nous arrivâmes un beau jour en vue d’une île verdoyante ». - J’ai entendu des petits pièces d’argent. - J’ai entendu une richesse. - J’ai entendu une Bi (Arabie ?) - Il a eu ses pièces d’argent en vendant ses habits. - Il vendait ses habits pour pouvoir être riche. - On le payait à chaque fois. - Il a donné des sous, il a acheté à manger. - Il est en train de raconter ses aventures. - Peut-être qu’il les a mis dans un coffre-fort, pour payer ses affaires. - Peut-être payer le loyer, une maison. - Un voyage ça veut dire qu’on part en voiture. - En deltaplane. - En avion. - En T.G.V. - Je suis parti en Martinique.

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- Quand je suis partie en Espagne, j’ai pris l’avion. - Moi je suis partie en Tunisie. - Moi, en Algérie, en avion. - Moi je suis partie en Algérie en bateau et en voiture. - Moi je suis partie en avion et j’ai mangé et j’ai dormi dans le bateau. - On va bientôt partir en Angleterre en avion. - Je suis partie à la campagne. - Je suis allée en Guadeloupe en l’avion. - Quand je suis allée en Algérie, j’ai pris le bus, puis l’avion, il y avait des tables dans l’avion. - Nous quand on va au bateau, quand on va au Djerba.... - Moi j’ai fait un tour de bateau. - Moi, un tour de cheval. - J’ai fait un grand tour de vélo dans la forêt. - C’est pas un voyage parce qu’il a beaucoup d’arbres. - Le pays où on habite, c’est la France, si on va changer de pays, je me souviens plus comment on a fait, on a attendu et on a pris le bus. - Sindbad est parti en bateau, en avion, peut-être à pied. - Pas en avion si c’est un marin. - Il est parti en bateau - J’ai entendu mer. - J’ai entendu qu’il se faisait transporter. - J’ai entendu sa résolution. - J’ai entendu port. - Est-ce que Sindbad va venir une fois à l’école ? - Non parce qu’il est trop grand. - Il est comme à la taille d’Eliane. - J’ai entendu la gauche, la mer, la mer Orientale, Arabie. - J’ai entendu, nous voguions. - Voile de misaine. - Vague. - J’ai entendu, il a jeté la planche à voile. - J’ai entendu, nous quittions une mer, jeter l’ancre. - Il arrive au pays des rêves. - Une île d’aventure. - Une île c’est une ville très grande. - Tout autour de l’île il y a de l’eau. - C’est une construction tout autour, il y a de la pierre. - Ca peut pas bouger parce que c’est de la pierre. - Sur les livres, j’ai vu une île, sur les cocotiers. Voilà, nous avons notre définition d’une île, nous approfondirons cela au fur et à mesure des voyages de Sindbad. Cette définition est acceptable. Il est prévu une visite au musée d’histoire naturelle, où une exposition sur les îles nous fournira de quoi travailler. Les enfants parlent aussi de leurs expériences de voyage. Des moyens de locomotion utilisés pour un voyage, ou simplement un déplacement. Où les notions de distance sont supposées, puisque la promenade en forêt évoquée n’est pas un voyage, et qu’on cherche un argument. Ils ont aussi retenu beaucoup de mots concernant la navigation et les bateaux. Je laisse volontairement la construction du bateau pour plus tard, pour vraiment partir en voyage avec Sindbad.

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Je sais qu’il aura des naufrages et d’autres bateaux à construire. Nous prenons la mer... Restitution de l’histoire Activité pour les étudiantes qui n’étaient pas là. Vraie situation de communication, puisqu’elles ne connaissent pas l’histoire. Où l’on se doit d’arriver à un langage explicité. Où les questions posées sont de vraies questions, puisqu’on ne connaît pas déjà les réponses. Les questions posées indiquent un manque de clarté dans l’énonciation ou dans le récit. - La souris elle est un mammifère - La baleine c’est un mammifère. - La baleine crachait de l’eau dans le petit trou de sa tête - C’était pas sa tête, c’était son dos. - Il y avait une tempête. - Boris a cherché 2 éléphants et a tiré de toutes ses forces. - Pour pousser la baleine. - Parce que si elle vivait sur le sable, elle mourrait. - La baleine arrive là, à cause de la tempête. - La baleine voulait plonger dans l’eau. - Il y avait, un bousculement, c’était le vent et le tempête. - La tempête était tellement forte. - La tempête déchaînée. - Il y a des éclairs, il y a de l’orage - Il y a de la pluie, un gros vent. - Il n’y a pas de soleil. - Il y a une vague qui fait une boucle, le soleil est couché. Constat Les enfants ont retenu le mot mammifère qui classe la baleine, à rapprocher de carnivore qui apparaît plus bas, 2 mots scientifiques. Il y a aussi des essais de définition du mot, en fonction de ce qu’on sait de la baleine, son milieu de vie. D’où aussi vivre / sable # mourir, perception du milieu de vie. Le mot tempête, apparaît aussi, événement commun aux 2 histoires, mais non cité dans cet épisode de Sindbad. Au fur et à mesure que nous nous intéressons à cette mer, la maturation de notre sujet amène un vocabulaire plus riche, plus précis, que l’on ajuste. Les conditions météorologiques sont évoquées, le vent qui sert tant à la navigation et que l’on verra plus tard. Les causes et les effets. - La baleine c’était un carnivore. - C’était un mammifère. - Un mammifère, ça vit dans l’eau. - Non, un mammifère, c’est un animal qui a des mamelles, qui allaite son bébé. - Comme une vache. - Mais la baleine est un mammifère marin, elle vit dans l’eau. - Un mammifère marin, ça veut dire qu’ils aiment l’eau. - Elles crachent l’eau. Elles aiment l’eau, mais elles la crachent, comment les idées s’enchaînent, et la conversation rebondit et la cohérence se cherche. Comment peut-on aimer l’eau et la cracher ?

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- Dans mon bain, j’ai ouvert ma bouche, j’ai recraché. - Il y a un trou pour respirer et un trou pour boire. - La baleine respire. - Respirer ça veut dire sortir l’air. - Les poissons, ils respirent pas, ils n’ont qu’une bouche. - Et nous, si on ferme la bouche, on ne respire pas ? - On respire par le nez. - Quand on ferme la bouche, on respire quand même. Inspirez, soufflez, (inutile de dire 33) - Et les 2 trous qui nous servent à respirer s’appellent des évents ? - non ! des narines - La baleine quand elle monte à la surface, c’est pour respirer. - L’air qu’on a c’est l’air des arbres. - Les dents, c’est des traits. - Cela s’appelle des fanons. La baleine n’a pas de dents. - Les trous sur le dos de la baleine, s’appellent des évents, il y en a 2. - Des fois, il y a des gens qui font du rouge à lèvres avec les baleines. - Avec le sang. Une connaissance de l’utilisation des baleines, qui a causé leur chasse et leur diminution importante. Le rouge à lèvres, par sa couleur rouge, suscite une association avec le sang. - Non, avec la peau parce que c’est gras. - On la tue, on lui fait une grosse piqûre dans le dos, on jette un filet. Les baleines ont une peau et non des écailles, car faut-il le répéter, ce n’est pas un poisson ! On cause, on cause, mais pour certains un problème n’est pas élucidé, une île baleine, avec de l’herbe et des fleurs, c’est incroyable ! - La baleine, comment elle pouvait faire des fleurs ? - Peut-être que quand elle reste immobile sur l’eau, elle avait la moitié du corps dans l’eau, le corps il restait longtemps et ça a fait pousser les fleurs. - Elles sont à la surface, peut-être pour attraper des hommes. - non, c’est pour respirer. - Si des vrais hommes avaient vu ça, ils auraient pas cru que c’était une île, ils auraient su. Sindbad, donc, n’est pas un vrai homme, mais un personnage dans un livre, notre héros. Où la réalité se frotte à la fiction. Et puis une île baleine, c’est acceptable dans l’imaginaire, mais on aimerait comprendre. Alors on se pose des questions, et on cherche des réponses. On émet des hypothèses, on vérifie, on sait où chercher. D’ailleurs, l’enfant qui s’interrogeait fortement sur ces fleurs poussées sur la baleine, a trouvé une photo de baleine dont la peau est couverte de parasites, coquillages etc. - Si c’était un bateau de pêche, ils lançaient leurs piques. - Une baleine, ça peut sauter très haut. Et peut-être, éviter de se faire tuer. Un procédé d’évitement.

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- Qu’est-ce que ça mange, une baleine ? Elle n’est pas carnivore, carnivore cela veut dire manger de la viande. Alors que mange-t-elle ? - Des algues, des gens peut-être, elle a des petites dents. - Non, elle n’a pas de dents, elle a des fanons. - Comment peut-on faire pour savoir ce qu’elle mange ? - On peut voir dans un gros dictionnaire. - Mon papa, il m’a dit du pain mou. - Dans un livre, mais on sait pas lire. - Myriam, elle sait lire, elle connaît toutes les lettres. - La maîtresse. - Il y a des grands qui savent lire. - En primaire, il y a des grands qui savent lire. On sait déjà où aller chercher des informations. On dit aussi, une des représentations de l’acte de lecture que l’on a à cet âge. On dit aussi que plus tard, on saura lire, quand on sera un peu plus grands. Et que si les images des livres nous donnent des informations, elles ne suffisent pas. - Très bonne idée, on peut aller demander aux grands. - Il faut dire bonjour - S’il vous plaît, vous pouvez nous lire ce livre ? Que va-t-on leur demander ? - Qu’est-ce qu’elle mange ? - Comment elle mange ? - Quand elle voit quelque chose qu’elle aime, elle saute dessus. - Comme elle a pas de dents, elle avale tout doucement, comme nous l’estomac. - C’est l’estomac qui avale. Là encore, puisqu’elle n’a pas de dents pour déchirer, elle doit manger du pain mou, ou des algues, ou avaler doucement, l’estomac fait aussi partie du système digestif, ceci démontre des connaissances, même si elles sont approximatives. - Peut-être dans l’histoire de Sindbad la baleine va manger, et on saura. Référence à notre livre de Sindbad, va et vient permanent entre notre récit, et nos sujets d’études suscités par le récit, on sait pourquoi on travaille sur la baleine. - Je vais donc lire la suite. - Il y a des gens qui se noient. - Il y a des grosses vagues, elles le bousculent, d’un côté, de l’autre. - Le bateau, la mer l’a poussé.. - Sindbad s’accroche à un bout de bois. - Si il avait pu aller sur la queue, il serait pas allé dans les vagues. Dessin Sindbad dans l’eau, la baleine sonde. Tri des livres pris en B.C.D Nous avons installé les livres sur le présentoir, après avoir retiré les livres de palais et de jardin. Après avoir vérifié que la baleine était plus grosse qu’un dauphin, Aujourd’hui il sera question de ne garder que les livres de baleines, en écartant les dauphins et autres poissons. Nous affinons notre choix. C’est déjà une classification. Le 18/11 Questions posées aux enfants de C.P

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Nous allons à la grande école, expliquer aux enfants qui apprennent à lire, ce que nous voulons savoir, et pourquoi on travaille sur la baleine. - Nous, notre histoire, c’est Sindbad. On travaille sur la baleine. - Sindbad arrive sur une île. L’île est une baleine. - La baleine, on voudrait savoir : 1) Qu’est-ce qu’elle mange ? 2) Comment elle mange ?

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ATELIER V

CIVISME ET DROITS DE L’ENFANT

Animatrice : Khadija BOUZOUBAA

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CIVISME ET DROITS DE L’ENFANT

Christine BERNABEU Agence pour l’enseignement du français à l’étranger

Quelques définitions : Civisme : il s’agit du sens civique. Civique : ce qui est relatif au citoyen. Citoyen : individu considéré du point de vue de ses droits, c’est à dire détenteur d’un certain nombre de droits dans la cité. Les droits de l’enfant

La déclaration des droits de l’enfant a été votée par les Nations Unies le 20 Novembre 1959 (L’UNICEF : fonds des Nations Unies pour l’enfance, avait été crée le 11 décembre 1946 par les Nations Unies également pour organiser des secours d’urgence en faveur des millions d’enfants menacés de mort par la maladie ou la malnutrition).

Trente ans plus tard, le 20 novembre 1989, c’est la Convention des Droits de l’Enfant qui est votée par les Nations Unies. Le 20 novembre est désormais journée nationale en France (décision du ministre Français Bayrou le 9 octobre 1996).

Il dit que c’est aux enseignants qu’il revient de donner au texte toute sa portée à l’école en sensibilisant les enfants à leurs droits et obligations.

Des articles, bien sûr, sont plus adaptés à l’âge des enfants que l’on a dans sa classe, plutôt que d’autres. Cette Convention internationale contient 54 articles. Elle affirme que l’enfant est titulaire des mêmes droits et libertés fondamentales que l’adulte, elle lui reconnaît un statut de personne et de citoyen et ouvre à l’école le chantier d’une nouvelle citoyenneté. Le droit de participation qui est un des critères de la citoyenneté et le droit d’exprimer son avis (l’opinion et l’avis des enfants devront être pris en considération dans toute décision concernant leur vie, à l’école bien entendu) doivent être reconnus. Ce qui signifie que l’on considère l’enfant comme une personne ayant ses intérêts, ses besoins, ses démarches et ses rythmes propres et que l’on reconnaît des droits et des libertés chez tous les enfants. Une lecture croisée de certains articles de la Convention trouve un écho dans des disciplines aussi variées que l’éducation physique, le domaine de la langue, les activités artistiques, les sciences ou la technologie et donc tout au long de la journée. Charles Hadji (professeur de sciences de l’éducation, à l’IUFM de Grenoble) écrit : «j’ai n’ai de droits que dans la mesure où j’ai des devoirs». Essayons tout d’abord de mieux comprendre cette réciprocité des droits et des devoirs . Le droit exprime en premier lieu ce qui est permis ou légal au sein d’une « cité » : circuler, s’exprimer, travailler, vivre libre ... Chaque citoyen à « le droit » d’exiger cela ! Mais en disant les droits ainsi entendus - ce à quoi un citoyen peut légitimement prétendre - la loi fixe des règles qui, en spécifiant « l’exigible » lui donnent le statut « d’autorisé » : en démocratie, il est permis de s’exprimer. Chacun de mes droits est reconnu alors par l’ensemble des autres citoyens. Sans cette reconnaissance, le droit n’est pas. Mes droits concernent les autres, du double point de vue de ce que je peux exiger d’eux (exemple : qu’ils m’assistent quand je suis en danger) et de ceux qu’ils m’autorisent (exemple : défendre mes idées). Dans la loi sont présents ces deux dimensions de l’exigible (point de vue de l’individu seulement : laissez-moi parler, j’en ai le droit) et du permis (point de vue des autres : tu peux parler, nous t’y autorisons).

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Tout droit implique une règle. Le droit est constitué par l’ensemble des règles qui régissent les rapports des hommes entre eux. C’est sans doute la première caractéristique d’un droit que de référer à une règle, qu’elle soit morale ou sociale. Et le privilège, ou la prérogative, auxquels on pense spontanément, ne sont que la conséquence, du point de vue de l’individu, de « l’existence » d’une règle valant pour tous (en tout cas dans la cité). C’est bien pourquoi ce qui, sous un aspect, peut être désigné comme droit , en même temps, sous un autre aspect, peut être désigné comme devoir. J’ai le droit de vivre librement. Les autres ne peuvent m’en empêcher. Respecter ma liberté est pour eux un devoir.

Dans le droit, la règle est au service du sujet. Dans le devoir, le sujet est au service de la règle. Revenons à présent au cadre scolaire, notamment avec de jeunes enfants.

Quelles pratiques, quel état d’esprit vont permettre de former dès l’école maternelle de futurs citoyens responsables conscients de leurs droits et de leurs devoirs ?

Si l’on veut que l’enfant prenne conscience de ses droits (droit de s’exprimer, de parler, de donner son avis, droit d’être écouté, d’être cru, droit de participer au processus de décision et même de prendre seul des décisions) et de ses devoirs (limites à respecter, écouter l’autre, respecter l’autre, respecter les lieux, le matériel ...) si l’on souhaite qu’il devienne responsable, cela signifie que la classe ne peut plus être conçue comme un lieu où l’enseignant seul est décideur et où les enfants ne font qu’exécuter des tâches prévues par l’enseignant. Il faut donc donner la parole aux enfants, en tenir compte. L’enseignant doit être à l’écoute de ses élèves, prendre le temps de les entendre, de leur répondre, de créer des moments de dialogue authentique. La décision d’accorder des droits et des libertés aux enfants à l’école a longtemps été dépendante de l’enseignant, et l’est encore aujourd’hui, bien entendu.

Dans sa classe, l’enfant va donc être actif, en coopération avec les autres, conscient qu’il appartient à un groupe-classe, capable de gérer son cadre de vie. Ce cadre de vie va se mettre en place progressivement ENSEMBLE (élèves et enseignants). On va habituer l’enfant à s’exprimer, à faire des propositions très simples, à donner son avis. On va mettre en œuvre des principes d’entraide, de solidarité, d’autonomie, de coopération tant pour la réalisation de projets communs définis ensemble que pour la réalisation de projets individuels afin que les enfants deviennent des acteurs responsables de leur vie scolaire. C’est bien évident que des enfants habitués à obéir ne peuvent user subitement et avec discernement de la liberté. Sur un plan plus pédagogique, quelles activités mettre en place ? Comment procéder ? En début d’année, et cela afin d’apprendre à VIVRE ENSEMBLE, il est important d’élaborer un règlement de vie de la classe avec les enfants, qui met en évidence les droits et les devoirs de chacun. Ce règlement sera affiché dans la classe et deviendra une référence tout au long de l’année scolaire. Un tableau, voire des tableaux rappelant les responsabilités de chacun (distribution du goûter, des feuilles, rangement du matériel...) seront également affichés dans la classe. En début d’année, il est important également d’établir la liste de tout ce qui va être fait dans la classe, de tout ce que les enfants vont apprendre ENSEMBLE. La question essentielle « Qu’allons-nous faire ensemble ? » sera posée par l’enseignant dès les premiers contacts avec le nouveau groupe-classe. Les projets seront élaborés collectivement sur des périodes de durée variable. Quelques exemples : - la réalisation d’un album, - l’élaboration de petits jeux, de jeux collectifs, de jeux à règles. Tous les problèmes qui se posent sont présentés au groupe-classe. Les solutions sont trouvées par les enfants. L’enseignant posera régulièrement ce type de questions à ses élèves : - qu’en pensez-vous ? Etes-vous d’accord ? - Qu’en penses-tu ?

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- Pourquoi dis-tu cela ? - Comment le sais-tu ? - Comment le savez-vous ? L’enfant devient ainsi véritablement acteur de ses apprentissages. CONCLUSION Si nous souhaitons former de futurs citoyens responsables, conscients de leurs droits et de leurs devoirs, c’est dès l’école maternelle qu’une éducation à la citoyenneté de tous les jours doit être mise en place. C’est en effet à partie de la vie de la classe que les élèves découvriront les règles de la vie en commun en participant notamment : - A des dialogues sur de vrais problème à résoudre à l’occasion de cas concrets rencontrés dans la vie collective. - A des activités de langage invitant à écouter les autres, à argumenter et à négocier afin d’apprendre à se maîtriser. - A des jeux à règle, à des activités sportives. Chaque enseignant a donc un rôle fondamental à jouer, quotidiennement, dans l’apprentissage de la vie en commun au sein de sa classe.

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CIVISME ET DROITS DE L’ENFANT

AU JARDIN D’ENFANTS

Nadia LAHRIM, Maroc I - SITUATION DES DROITS DE L’ENFANT AU MAROC Le Maroc a ratifié la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant en juin 1993. Mais cette ratification n’implique pas une garantie du respect des droits de l’enfant car l’article 4 de cette même convention précise que la nation doit prendre toutes les dispositions administratives ou législatives pour réaliser la convention, mais concernant les droits économiques sociaux et culturels elle doit faire de son mieux dans les limites de ses ressources. Il existe également depuis mai 1995 un Observatoire National des Droits de l’Enfant. Cet observatoire a pour mission de surveiller l’application de la Convention, de protéger l’enfant et de promouvoir ses droits dans tous les domaines (santé, éducation, famille, législation, loisirs, culture..). Cependant, la réalité montre que les droits de l’enfant sont loin d’être respectés. Citons quelques exemples: la législation marocaine mentionne les droits de l’enfant envers ses parents. Mais quand les parents ne peuvent, faute de moyens financiers ou autres, garantir ces droits à leurs enfants, il n’y a aucune prise en charge de ces droits par l’Etat. Plus grave encore, certains enfants se voient privés du droit à l’état civil, ce sont des enfants nés de mariages non enregistrés, situation assez courante dans les campagnes. La situation se complique lorsque intervient un divorce ou tout simplement un abandon par le père car les demandes juridiques et administratives pour prouver l’identité de l’enfant sont longues. Quant au droit à l’enseignement, bien que la loi prévoit l’obligation de l’enseignement de 7 à 13 ans beaucoup d’enfants n’iront pas à l’école. II - COMPETENCES ET LIMITES DE L’ECOLE DANS LA PRES ERVATION DES DROITS DE L’ENFANT Le rôle de l’école pour préserver les droits de l’enfant se résume en deux points. Les enseignants en premier lieu et toute personne ayant un contact avec l’enfant doivent être attentifs à son état. Ils doivent remarquer si un enfant est négligé, mal soigné ou maltraité. Ils doivent ensuite faire part de leur constat au directeur de l’institution. Ce dernier doit intervenir auprès des parents pour redresser la situation. C’est une tâche en général assez délicate qu’il faut mener avec beaucoup de tact. Le second rôle de l’école pour préserver les droits de l’enfant est de faire connaître à l’enfant ses droits et ses obligations. Ceci se fait à travers une éducation civique. III - L’ECOLE LIEU PRIVILEGIE POUR L’APPRENTISSAGE DES DROITS ET DES RESPONSABILITES Avant d’avoir un aperçu sur le développement de cet apprentissage à l’école en général. La première forme d’éducation civique qu’a connu l’école est une éducation aux civilités : apprendre aux enfants à bien se comporter. Mais depuis plusieurs années, on prend de plus en plus conscience que ceci n’est pas suffisant pour former un citoyen responsable et averti. Il faut que les enfants prennent conscience de leurs droits et devoirs de citoyens. Pour cela, il faut leur donner la parole, et cela doit avoir des effets. Dans plusieurs pays d’Europe, sont nées entre les deux guerres des coopératives scolaires. C’est un essai de l’apprentissage de la

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démocratie: les enfants élaborent des lois, les votent et peuvent ainsi agir sur la vie de leur Ecole. Depuis 1994 existe en France le parlement des enfants. Il concerne les élèves du CM2 et dispose de règles précises. Il siège chaque année à l’Assemblée Nationale. Dans les écoles marocaines, il existe bien sûr une discipline appelée «éducation civique». Elle débute en classe de C5 mais c’est une matière que les enfants n’arrivent pas à assimiler à cause des thèmes abordés et surtout à cause des méthodes d’apprentissage pratiquées. En classe de C6 par exemple le programme vise plus à décrire le système administratif (communes urbaines et préfectures) qu’à faire vivre aux enfants une expérience citoyenne. Quant à l’éducation aux bons comportements, elle est prise en charge en grande partie par une discipline qui est l’Education islamique, mais toujours avec des méthodes peu efficaces. IV - L’EDUCATION CIVIQUE AU PRESCOLAIRE Aux Etats Unis par exemple, elle se résume en une inculcation des valeurs nationales. En France elle intervient sous l’appellation «vivre ensemble» car l’un des grands objectifs du préscolaire est la socialisation. Pour notre cas d’école privée, et en l’absence d’un programme marocain du préscolaire nous avons construit notre propre pédagogie de l’éducation civique en nous inspirant fortement du modèle français tout en tenant compte de notre culture et de notre religion. L’éducation civique se limitera au préscolaire à l’apprentissage des bons comportements et à la mise en valeur de nos fêtes nationales et religieuses. Il est à noter d’abord qu’on ne peut exiger d’un enfant n’importe quel comportement et à n’importe quel âge. D’autre part, l’enseignant doit être conscient qu’un comportement s’acquiert progressivement. Par exemple, on ne peut pas exiger d’un enfant de 3 ans de jouer ou travailler avec un objet sans l’abîmer mais on peut l’habituer à l’utiliser avec ménagement. Si on veut apprendre l’ordre à l’enfant on sait qu’à un enfant de 3-4 ans on peut demander de ranger le matériel qu’il a lui même utilisé, à un enfant de 4-5 ans on demande de ranger le matériel utilisé par les autres, et d’un enfant de 5-6 ans on exige de ranger spontanément le matériel en toutes circonstances. Je ne donnerai pas une liste exhaustive des comportements, mais il est à noter que ces comportements sont de trois types : 1) Ceux qui sont relatifs au respect de l’environnement aussi bien de la classe et de l’école qu’en dehors de l’école. 2) Ceux qui sont relatifs au respect d’autrui aussi bien des enfants que des adultes. 3) Ceux qui révèlent l’autonomie chez l’enfant. En résumé notre objectif est d’éduquer l’enfant dans le respect de son environnement de le former à la parole, l’écoute et à l’autonomie. Les différentes pratiques que nous mettons en œuvre pour réaliser cet objectif sont les suivantes: a) Le travail d’équipe : il commence d’abord par un travail de groupe qui tend à amener les enfants à coopérer et s’entraider pour construire une vraie équipe, que ce soit pour une activité esthétique ou la réalisation d’une recette de cuisine ou tout autre travail qui nécessite coopération et entraide. b) Les jeux : les enfants doivent y apprendre non seulement à utiliser un matériel mais aussi à accepter l’autre. c) L’éducation physique : c’est une activité où le jeu d’équipe a un grand rôle socialisant et où l’enfant apprendra à perdre et à gagner, à prendre des risques mesurés, à partager un espace ou un matériel avec les autres. d) Distribution des tâches : c’est une pratique assez simple qui apprend à l’enfant l’autonomie et la prise de responsabilité au sein d’un groupe.

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Les enfants à tour de rôle s’occupent des tâches quotidiennes de la classe. On met en place en général un tableau de service, il permet à l’enfant par simple lecture de connaître la tâche qu’il doit effectuer. (Il s’agit d’un tableau à double entrée où on aura les services à l’horizontale et les noms d’enfants à la verticale et chaque semaine la maîtresse désignera le service de l’enfant en mettant un signe à l’intersection du nom et du service). e) Les sorties : elles revêtent un intérêt particulier parce qu’elles permettent de découvrir l’environnement réel de l’enfant. Toute sortie doit avoir un objectif précis. Une sortie à la forêt par exemple peut avoir un objectif écologique. L’enseignant doit connaître l’endroit d’avance et s’y préparer. On peut aussi organiser des rencontres entre écoles ou des visites aux orphelinats, cela permet de connaître de nouveaux enfants, car les enfants qui fréquentent une même école privée appartiennent à peu près à la même catégorie sociale, leur apprendre à vivre entre eux n’est pas suffisant pour une vraie socialisation. f) Les fêtes nationales ou religieuses : Ces événements sont des occasions pour tisser des liens entre les différents citoyens en général. A l’école, nous avons deux manières de les marquer soit en organisant une manifestation à l’intérieur de l’école ou en préparant un cadeau ou une carte de vœux pour les parents. V - LE ROLE DE L’ENSEIGNANT Il ne faut pas perdre de vue que le rôle du maître est très déterminant. Il faut d’abord qu’il soit lui même civique car souvent un enseignant enseigne plus ce qu’il est que ce qu’il dit, ensuite il doit être très proche de ses enfants, les écouter et les encourager à prendre la parole, à exprimer des avis, des choix et des préférences, bien les observer pour détecter les comportements à redresser. Par exemple, s’il remarque qu’un enfant s’accapare un jouet et refuse de laisser les autres l’utiliser il doit lui faire comprendre que c’est une propriété commune et que chacun a le droit de jouer, s’il remarque qu’un enfant est exclu du groupe, il doit comprendre la raison de son exclusion et intervenir habilement pour l’intégrer dans le groupe. En conclusion l’école peut véhiculer les plus belles valeurs, mais si ces valeurs ne trouvent pas d’écho chez les parents ni dans la société, et surtout si elles sont régulièrement contredites, l’impact d’une bonne éducation civique à l’école restera assez limité.