roméo et juliette entre théâtre et cinéma© les grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997...

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997 1 ROMÉO ET JULIETTE, ENTRE THÉÂTRE ET CINÉMA OBJECTIF Faire prendre conscience aux jeunes spectateurs de l’importance du travail d’adaptation auquel le réalisateur Baz Luhrmann a soumis la pièce de Sha- kespeare. Leur faire également apercevoir les différentes dimensions du travail ciné- matographique. MÉTHODE Les élèves sont répartis en plusieurs groupes chargés de comparer une scène de la pièce de Shakespeare avec son adaptation cinématographique. Chaque groupe lit la scène qui lui a été dévolue avant la vision du film. Lors de la projection, chaque participant s’attachera particulièrement à la scène en question. Une grille d’observation doit permettre d’orienter l’attention des spectateurs vers différents aspects de ce travail d’adaptation. On complétera en classe le plus rapidement possible la grille d’observation et l’on échangera ensuite les observations des différents groupes. DÉROULEMENT Une première partie de l’animation doit se dérouler idéalement avant la pro- jection du film (le jour précédent par exemple). La classe est répartie en quatre groupes qui se voient remettre chacun une scène de la pièce de Shakespeare avec des indications et des commentaires nécessaires à sa compréhension. Les élèves sont invités à lire silencieusement ce texte : le professeur répondra ensuite à toutes les questions de compréhension que pourraient susciter ces textes. Les quatre extraits proposés ici ont été choisis au début de la pièce afin que le film (même si les élèves en connaissent sans doute la fin) garde l’essentiel des effets de surprise déjà présents dans le drame de Shakespeare. On peut y ajouter, si les élèves sont très nombreux, la fameuse scène d’amour au balcon (acte II, scène 2) où les trouvailles du réalisateur abondent. Les élèves seront alors invités à s’attacher, lors de la projection du film, à la manière dont la scène qu’ils viennent de lire est adaptée par le réalisateur Baz Luhrmann. Comme les quatre groupes ont reçu un extrait différent, il devront être particulièrement attentifs à quatre moments différents du film (ce qui devrait permettre des échanges ultérieurs au sein de la classe). Pour orienter cette observation, il faut recommander aux élèves de repérer essentiellement les éléments de tous ordres qui ajoutent un supplément de sens évident au texte de Shakespeare ou qui modifient le sens de ce texte :

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19971

Roméo et Juliette, entre théâtre et cinéma

Objectif

◗ Faireprendreconscienceauxjeunesspectateursdel’importancedutravaild’adaptationauquelleréalisateurBazLuhrmannasoumislapiècedeSha-kespeare.

◗ Leurfaireégalementapercevoirlesdifférentesdimensionsdutravailciné-matographique.

méthOde

LesélèvessontrépartisenplusieursgroupeschargésdecomparerunescènedelapiècedeShakespeareavecsonadaptationcinématographique.

Chaquegroupelitlascènequiluiaétédévolueavantlavisiondufilm.Lorsdelaprojection,chaqueparticipants’attacheraparticulièrementàlascèneenquestion.Unegrilled’observationdoitpermettred’orienterl’attentiondesspectateursversdifférentsaspectsdecetravaild’adaptation.

Oncompléteraenclasseleplusrapidementpossiblelagrilled’observationetl’onéchangeraensuitelesobservationsdesdifférentsgroupes.

dérOulement

Unepremièrepartiedel’animationdoitsedérouleridéalementavantlapro-jectiondufilm(lejourprécédentparexemple).LaclasseestrépartieenquatregroupesquisevoientremettrechacununescènedelapiècedeShakespeareavecdesindicationsetdescommentairesnécessairesàsacompréhension.Lesélèvessontinvitésàliresilencieusementcetexte:leprofesseurrépondraensuiteàtouteslesquestionsdecompréhensionquepourraientsuscitercestextes.

Lesquatreextraitsproposésiciontétéchoisisaudébutdelapièceafinquelefilm(mêmesilesélèvesenconnaissentsansdoutelafin)gardel’essentieldeseffetsdesurprisedéjàprésentsdansledramedeShakespeare.Onpeutyajouter,si lesélèvessont trèsnombreux, la fameusescèned’amouraubalcon(acte II,scène2)oùlestrouvaillesduréalisateurabondent.Lesélèvesserontalorsinvitésàs’attacher,lorsdelaprojectiondufilm,àla

manièredontlascènequ’ilsviennentdelireestadaptéeparleréalisateurBazLuhrmann.Commelesquatregroupesontreçuunextraitdifférent,ildevrontêtreparticulièrementattentifsàquatre moments différents du film(cequidevraitpermettredeséchangesultérieursauseindelaclasse).

Pourorientercetteobservation,ilfautrecommanderauxélèvesderepéreressentiellementlesélémentsdetousordresquiajoutentunsupplémentdesensévidentautextedeShakespeareouquimodifientlesensdecetexte:

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touslescostumesontdûêtrechoisisparleréalisateur(ousoncostumier),maisseulscertainsdecescostumessontréellementsignificatifs.Onpeutaussileursuggérerd’observerenparticulierlesélémentssuivants:✗ lelieuetleschangementsdelieuxoùsedéroulelascène;✗ lescostumesetmaquillagesdespersonnages;✗ lesgestes,lesmouvements,lesdéplacementsdespersonnages;✗ lamusiqueetleschangementsdemusique(éventuellementlesilence)qui

accompagnentledéroulementdelascène;✗ lesmodificationsoulessuppressionséventuellesdansletextedeShakes-

peare;✗ lesémotions,lessentiments,lesidéessuggérésparlamiseenscènedufilm

etquinesontpasprésentsdansletexteShakespearien.Iln’estévidemmentpaspossiblelorsd’uneprojectionuniquedufilmd’ar-

riveràuneobservationcomplèteetdétailléedecesdifférentséléments(cequisupposeraituntravailavecdesralentis,desarrêts,desretoursenarrièresur magnétoscope ou banc de montage). Les nombreuses suppressions etmodificationsdetexte,parexemple,auxquellesaprocédéBazLuhrmannnepeuventêtretoutesrepéréesàlasimpleaudition,mêmesil’onabienluletexteauparavant:néanmoins,ilestfacilederemarquersicertainestiradesrelative-mentlonguesontétésupprimées.Onpeutaussisecontenter,lorsduretourenclasse,desoulignerdansletexteécritlesphrasesdontonsesouvientqu’ellesontétéeffectivementprononcéesdanslefilm:celasuffitàcomprendrequelecinéasteamiscertainespartiesdutexteenévidenceetenanégligéd’autres.

Ainsi,enrépartissantletravailentredifférentsgroupesetendemandantpeut-êtreauxélèvesàl’intérieurdechaquegrouped’observerchacununélé-mentdifférent(décors,costumes,gestes…),ondevraitrecueillirunesommed’observationssansdoutesommairesmaissuffisammentpertinentespourêtreéchangéesaveclesautresspectateurslorsduretourenclasse.

Àcemoment,lesélèvesdechaquegrouperapporterontlesrésultatsdeleursobservations:touteslesremarquesmisesencommunpermettrontderemplirdemanièreaussicomplètequepossiblelagrilled’observationproposéeci-dessous.Ensuite,lesdifférentsgroupeséchangerontlefruitdeleurtravailquiseraéventuellementphotocopiéetremisàtouslesélèves.

cOmmentaire

Danscetravaild’observation,deuxpointsméritentuncommentairesup-plémentaire.

Les effets musicaux jouent un rôle essentiel dans l’atmosphère du filmmêmes’ilsontrarementremarquésparlesspectateurs,cequirendletravaild’observation pour des jeunes élèves relativement difficile. On peut doncconseillerauxélèveschargésdedécrirelamusiquedesecontenterd’utiliserdesqualificatifssommaires(musiquerock,douce,rapide,mélancolique,vio-lente…)etsurtoutd’essayerdenoterlesmomentsdelascèneoùlamusiquechangeous’arrête.

Uneautremanièredeprocéderconsisteàacheterlamusiquedufilm(surdisquecompact)etàdemanderàunélèveaimantparticulièrementlamusiqued’écouterattentivementcedisqueavantlaprojectiondufilm,aupointd’êtrecapabledereconnaîtreimmédiatementlesdifférentsmorceaux:cetélèveseraalorschargélorsdelavisiondenoteràquelmomentlesdifférentsmorceauxsontutilisés(aumoinspendantlesquatrescènesquiaurontétédonnéesplusprécisémentàobserver).Ledisquenecomprendcependantpastouteslesmusi-quesnotammentunextraitdeMozart(symphonie 25)etdeWagner(Tristan

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et Yseult),signalésaugénériquefinal.

Dansletravaild’observation,onattireraégalementl’attentiondesélèvessuruntraitimportant,àsavoirlesémotions,lessentiments,lesidéessuggérésparlefilmmaisabsentsdutextedeShakespeare:ainsi,danslascènefinaleoùRoméoetJuliettes’unissentdanslamort,leréalisateurafaits’éveillersajeunehéroïnequelquesinstantsavantquenemeuresonamant,lajeunefilleparaissantencoreparalyséeàl’instantoùcelui-ciportelepoisonàseslèvres.L’effet(absentdutextedeShakespeare)estévident:ilauraitsuffid’unesecondepourquel’irréparablesoitévité.Enmêmetemps,leprocédéexpliquesansdoutebeaucoupmieuxqueJuliettecomprenneimmédiatementcequivientdesepasserpuisqu’ellel’avudesespropresyeux(danslapiècedeShakespeare,elledoitdéduirequesonamants’estsuicidéd’aprèsseulementlaprésencedupoisonauprèsdesoncadavre).

Document 1

Roméo et Juliette, acte i, scène 1

Vérone — Une place publiqueEntrent SAMSONet GRÉGOIREde la maison Capulet

armés d’épées et de boucliers.

SAMSON. — Ma parole, Grégoire! nous ne nous

laisseronspasmarchersurlespiedsparleurbande.

GRÉGOIRE. — Non, parce qu’alors nous serions

uneplate-bande.

SAMSON.—Jeveuxdireque,s’ilsnousmettenten

colère,nousallongeonslecouteau.

GRÉGOIRE. — Oui, mais prends garde qu’on ne

t’allongelecoutôtoutard.

SAMSON.—Jefrappevitequandonm’émeut.

GRÉGOIRE.—Maistueslentàt’émouvoir.

SAMSON. — Un chien de la maison de Montague

m’émeut.

GRÉGOIRE.—Quiestému,remue;quiestvaillant,

attenddepiedferme;donc,situesému,tutesauves.

SAMSON. — Quand un chien de cette maison-là

m’émeut,j’attendsdepiedferme.Jeprendrailecôtédumur

contretouslesMontagues,hommesoufemmes.

GRÉGOIRE.—Cequiprouvequetun’esqu’unfaible

drôle;lesfaibless’appuienttoujoursaumur.

SAMSON.—C’estvrai;c’estpourquoilesfemmes,

quisontdefaiblescalices,sonttoujoursadosséesauxmurs;

aussi,quandj’auraiaffaireauxMontagues,jerepousserai

leshommesdumuretj’yadosserailesfemmes.

GRÉGOIRE.—Laquerelleneregardequenosmaîtres

etnous,leurshommes.

SAMSON.—N’importe!jeveuxagirentyran.Quand

jemeseraibattuavecleshommes,jeseraicruelavecles

femmes.Jelespasseraiaufildel’épée.

GRÉGOIRE.— Tu feras donc sauter toutes leurs

têtes?

SAMSON.—Outousleurspucelages.Comprendsla

chosecommetuvoudras.

GRÉGOIRE. — Celles-là comprendront la chose,

quilasentiront.

SAMSON.—Jelaleurferaisentirtantquejepourrai

tenir ferme, et l’on sait que je suis un joli morceau

dechair.

GRÉGOIRE.—Ilestfortheureuxquetunesoispas

poisson;tuauraisfaitunpauvremerlan.Tiretoninstrument;

envoicideuxdelamaisondeMontague.

(Ilsdégainent.)

Entrent Abraham et Balthazar.SAMSON. — Voici mon épée nue; cherche-leur

querelle;jeseraiderrièretoi.

GRÉGOIRE.— Comment? dans mon dos? pour

mieuxfiler!

SAMSON.—Necrainsrien!

GRÉGOIRE.—Avoirpeurdetoi?Non,morbleu!

SAMSON.—Mettonslaloidenotrecôtéetlaissons-les

commencer.

GRÉGOIRE.— Je vais les regarder de travers en

passant près d’eux, et qu’ils le prennent comme ils

levoudront.

SAMSON.—C’est-à-direcommeilsl’oseront.Jevais

mordremonpouceenlesregardant,etceseraunaffront

poureux,s’ilslesupportent.*

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ABRAHAM, à Samson. — Est-ce à notre intention

quevousmordezvotrepouce,monsieur?SAMSON.—Jemordsmonpouce,monsieur.

ABRAHAM. — Est-ce à notre intention que vous

mordezvotrepouce,monsieur?SAMSON,bas à Grégoire. —Laloiest-elledenotre

côté,sijedisoui?GRÉGOIRE,bas à Samson. —Non.

SAMSON,haut à Abraham. —Non,monsieur,cen’est

pasàvotreintentionquejemordsmonpouce,monsieur;

maisjemordsmonpouce,monsieur.

GRÉGOIRE, à Abraham. — Cherchez-vous une

querelle,monsieur?

ABRAHAM. — Une querelle, monsieur? Non,

monsieur!SAMSON. — Si vous en cherchez une, monsieur,

je suis votre homme. Je sers un maître aussi bon que

levôtre.

ABRAHAM.—Maispasmeilleur.

SAMSON.—Soit,monsieur.

Entre, au fond du théâtre, Benvolio; puis, à distance, derrière lui, Tybalt.

GRÉGOIRE, à Samson. — Dis meilleur, voici un

parentdenotremaître.

SAMSON,à Abraham.—Si,monsieur,meilleur!

ABRAHAM.—Vousenavezmenti.

SAMSON. — Dégainez, si vous êtes hommes!

(Tous se mettent en garde.) Grégoire, souviens-toi de

tamaîtressebotte!

BENVOLIO, s’avançant, la rapière au poing. — Séparez-vous, imbéciles! rengainez vos épées; vous

ne savez pas ce que vous faites. (Il rabat les armes des valets.)

TYBALT,s’élançant, l’épée nue, derrière Benvolio.—

Quoi! l’épée à la main, parmi ces marauds sans cœur!

Tourne-toi,Benvolio,etfaisfaceàtamort.

BENVOLIO,à Tybalt. —Jeneveuxiciquemaintenir

la paix; rengaine ton épée, ou emploie-la, comme moi,

àséparerceshommes.

TYBALT.— Quoi, l’épée à la main, tu parles de

paix!Cemot,jelehais,commejehaisl’enfer,tousles

Montaguesettoi.Atoi,lâche!

Tous se battent. D’autres partisans des deux maisons arrivent et se joignent à la mêlée. Alors arrivent des citoyens armés de bâtons.

PREMIER CITOYEN. —A l’œuvre les bâtons, les

piques,lespertuisanes!Frappez!Écrasez-les!Abasles

Montagues!àbaslesCapulets!Entrent Capulet, en robe de chambre, et lady Capulet.CAPULET.—Quelestcebruit?...Holà!qu’onme

donnemagrandeépée.

LADY CAPULET. — Non! une béquille! c’est

une béquille qu’il vous faut… Pourquoi demander une

épée?

CAPULET.—Monépée,dis-je!levieuxMontague

arriveetbranditsarapièreenmenarguant!

Entrent Montague, l’épée à la main, et lady Monta-gue.

MONTAGUE.—Atoi,misérableCapulet!…Neme

retenezpas!lâchez-moi.

LADYMONTAGUE,le retenant. —Tuneferaspas

unseulpasverstonennemi.

Document 2

Roméo et Juliette, acte i, scène 3

Dans la maison des Capulet.Entrent LADYCAPULETet LANOURRICE.

LADY CAPULET. — Nourrice, où est ma fille?

Appelle-la

LANOURRICE.—Eh!aussivraiqu’àdouzeansj’étais

encorevierge,jeluiaiditdevenir…(Appelant.) Allons,

monagneau!allons,monoiselle!Dieumepardonne!…

Oùestdonccettefille?…Allons,Juliette!

Entre Juliette.JULIETTE.—Ehbien,quim’appelle?

LANOURRICE.—Votremère.

JULIETTE. — Me voici, madame. Quelle est votre

volonté?

LADY CAPULET. — Voici la chose… Nourrice,

laisse-nousunpeu;nousavonsàcauserensecret…(La nourrice va pour sortir.) Non, reviens, nourrice; je me

suisravisée,tuassisterasànotreconciliabule.Tusaisque

mafilleestd’unjoliâge.

LA NOURRICE. — Ma foi, je puis dire son âge à

uneheureprès.

LADYCAPULET.—Ellen’apasquatorzeans.

LA NOURRICE. — Je parierais quatorze de mes

dents,et,àmagrandedouleur,jen’enaiplusquequatre,

*Ondoitsupposerqu’à l’époquemordresonpouceétait considéré commeune injure comparable à«undoigtd’honneur»aujourd’hui.

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qu’elle n’a pas quatorze ans… Combien y a-t-il d’ici à

laSaint-Pierre-ès-Liens?

LADYCAPULET.—Unequinzaineaumoins.

LANOURRICE.—Aumoinsouauplus,n’importe!

Entretouslesjoursdel’année,c’estprécisémentlaveilleau

soirdelaSaint-Pierre-ès-Liensqu’elleauraquatorzeans.

Suzanneetelle,Dieugardetouteslesâmeschrétiennes!

étaientdumêmeâge…Oui,àprésent,Suzanneestavec

Dieu : elle était trop bonne pour moi; mais, comme je

disais,laveilleausoirdelaSaint-Pierre-ès-Lienselleaura

quatorzeans;elle lesaura,maparole.Jem’ensouviens

bien.Ilyamaintenantonzeansdutremblementdeterre;

etelle futsevrée, jene l’oublierai jamais,entre tous les

joursdel’année,précisémentcejour-là;carj’avaismisde

l’absintheauboutdemonsein,etj’étaisassiseausoleil

contrelemurdupigeonnier;monseigneuretvous,vous

étiez alors à Mantoue… Oh! j’ai le cerveau solide!…

Mais, comme je disais, dès qu’elle eut goûté l’absinthe

auboutdemonseinetqu’elleeneut senti l’amertume,

il fallaitvoircomme lapetite folle, toute furieuse, s’est

emportée contre le téton! Tremble, fit le pigeonnier; il

n’étaitpasbesoin,jevousjure,demedirededécamper…

Et il y a onze ans de ça; car alors elle pouvait se tenir

touteseule;oui,parlasaintecroix,ellepouvaitcouriret

trottinertoutpartout;car,tenez,laveillemême,elles’était

cogné le front; et alors mon mari, Dieu soit avec son

âme!c’étaitunhommebiengai!releval’enfant:Oui-da, dit-il,tutombes sur la face ? Quand tu auras plus d’esprit, tu tomberas sur le dos; n’est-ce pas, Juju ? Et, par

Notre-Dame, la petite friponne cessa de pleurer et dit :

Oui !Voyezdoncàprésentcommeuneplaisanterievient

à point! Je garantis que, quand je vivrais mille ans, je

n’oublierais jamais ça : N’est-ce pas, Juju ? fit-il; et la

petitefolles’arrêtaetdit:Oui!LADY CAPULET. — En voilà assez; je t’en prie,

tais-toi.

LANOURRICE.—Oui,madame;pourtantjenepeux

pasm’empêcherderirequandjesongequ’ellecessade

pleureretdit :Oui !Etpourtantjegarantisqu’elleavait

au front une bosse aussi grosse qu’une coque de jeune

poussin, un coup terrible! et elle pleurait amèrement.

Oui-da, fit mon mari, tu tombes sur la face ? Quand tu seras d’âge, tu tomberas sur le dos; n’est-ce pas, Juju ?

Etelles’arrêtaetdit:Oui !JULIETTE. — Arrête-toi donc aussi, je t’en prie,

nourrice!

LA NOURRICE. — Paix! j’ai fini. Que Dieu te

marque de sa grâce! Tu étais le plus joli poupon que

j’aie jamais nourri; si je puis vivre pour te voir mariée

unjour,jeseraisatisfaite.

LADY CAPULET. — Voilà justement le sujet dont

je viens l’entretenir…Dis-moi, Juliette,mafille, quelle

dispositiontesens-tupourlemariage?

JULIETTE.—C’estunhonneurauqueljen’aimême

passongé.

LA NOURRICE. — Un honneur! Si je n’étais pas

ton unique nourrice, je dirais que tu as sucé la sagesse

aveclelait.

LADYCAPULET.—Ehbien,songezaumariage,dès

àprésent;deplusjeunesquevous,damesfortestimées,

iciàVéronemême,sontdéjàdevenuesmères;sijeneme

trompe,j’étaismèremoi-mêmeavantl’âgeoùvousêtes

filleencore.Endeuxmots,voici : levaillantParisvous

recherchepoursafiancée.

LANOURRICE.—Voilàunhomme,majeunedame!

un homme comme le monde entier… Quoi! c’est un

hommeencire!

LADYCAPULET.—LeparterredeVéronen’offre

pasunefleurpareille.

LANOURRICE.—Oui,mafoi,ilestlafleurdupays,

lafleurparexcellence.

LADYCAPULET.—Qu’endites-vous?Pourrez-vous

aimercegentilhomme?Cesoirvousleverrezànotrefête;

lisezalorssurlevisagedujeuneParis,etobserveztoutes

lesgrâcesqu’yatracéeslaplumedelabeauté;examinez

ces traits qui se marient si bien, et voyez quel charme

chacunprêteà l’autre; siquelquechose resteobscuren

cettebellepage,vousletrouverezéclaircisurlamargede

sesyeux.Ceprécieuxlivred’amour,cetamantqu’ilresteà

relierpourêtreparfait,n’abesoinqued’unecouverture!…

Le poisson brille sous la vague, et c’est la splendeur

suprêmepourlebeauextérieurderecélerlebeauintérieur;

auxyeuxdebeaucoup,iln’enestqueplusmagnifique,le

livrequid’unfermoird’orétreintlalégended’or!Ainsi,

enl’épousant,vousaurezpartàtoutcequ’ilpossède,sans

quevous-mêmesoyezenriendiminuée.

LA NOURRICE. — Elle, diminuer! Elle grossira,

bien plutôt. Les femmes s’arrondissent auprès des

hommes!

LADY CAPULET, à Juliette. — Bref, dites-moi si

vousrépondrezàl’amourdeParis.

JULIETTE.—Jeverraiàl’aimer,s’ilsuffitdevoirpour

aimer:maismonattentionàsonégardnedépasserapasla

portéequeluidonnerontvosencouragements.

Entre un valet.LE VALET. — Madame, les invités sont venus,

le souper est servi; on vous appelle; on demande

mademoiselle; on maudit la nourrice à l’office; et tout

estterminé.Ilfautquejem’enaillepourservir;jevous

enconjure,venezvite.

LADY CAPULET. — Nous te suivons. Juliette, le

comtenousattend.

LANOURRICE.—Va,fillette,vaajouterd’heureuses

nuitsàtesheureuxjours.(Tous sortent.)

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997�

Devant la maison des Capulet.Entrent ROMÉO,costumé; MERCUTIO,BENVOLIO,

avec cinq ou six autres masques; des gens portant des torches, et des musiciens.

ROMÉO. — Voyons, faut-il prononcer un discours

pournousexcuser,ouentrersansapologie?

BENVOLIO.—Cesharanguesprolixesnesontplus

demode.Nousn’auronspasdeCupidonauxyeuxbandés

d’uneécharpe,portantunarcpeintàlatartare,etfaisant

fuir les dames comme un épouvantail; pas de prologue

apprisparcœuretmollementdébitéàl’aided’unsouffleur,

pourpréparernotreentrée.Qu’ilsnousestimentdans la

mesurequ’illeurplaira;nousleurdanseronsunemesure,

etnouspartirons.

ROMÉO.—Qu’onmedonneunetorche!Jenesuis

pas en train pour gambader!Sombre comme je suis, je

veuxporterlalumière.

MERCUTIO.—Ah!mondouxRoméo,nousvoulions

quevousdansiez.

ROMÉO. — Non, croyez-moi: vous avez tous la

chaussure de bal et le talon léger: moi, j’ai une âme

de plomb qui me cloue au sol et m’ôte le talent de

remuer.

MERCUTIO. — Vous êtes amoureux; empruntez à

Cupidon ses ailes, et vous dépasserez dans votre vol

notrevulgaireessor.

ROMÉO.—Sesflèchesm’onttropcruellementblessé

pourquejepuissem’élancersursesaileslégères;enchaîné

comme je le suis, je ne saurais m’élever au-dessus

d’une immuable douleur, je succombe sous l’amour

quim’écrase.

MERCUTIO.—Prenezledessusetvousl’écraserez:

ledélicatenfantserabienviteaccabléparvous.

ROMÉO.—L’amour,undélicatenfant!Ilestbrutal,

rude,violent!ilécorchecommel’épine.

MERCUTIO.—Sil’amourestbrutalavecvous,soyez

brutalaveclui;écorchezl’amourquivousécorche,etvous

ledompterez.(Aux valets.) Donnez-moiunétuioùplacer

monvisage!(Se masquant.) Unmasquesurunmasque!

Peu m’importe à présent qu’un regard curieux cherche

à découvrir mes laideurs! Voilà d’épais sourcils qui

rougirontpourmoi!

BENVOLIO.—Allons,frapponsetentrons;aussitôt

dedans,quechacunaitrecoursàsesjambes.

ROMÉO. —A moi une torche! Que les galants au

cœurlégeragacentdupiedlanatteinsensible.Pourmoi

Document 3

Roméo et Juliette, acte i, scène 4

jem’accommoded’unephrasedegrand-père:jetiendrai

lachandelleetjeregarderai…Avosbrillantsébatsmon

humeurnoireferaittache.

MERCUTIO.—Bah!lanuittousleschatssontgris!

Situesenhumeurnoire,noustetirerons,saufrespect,du

bourbierdecetamouroùtupataugesjusqu’auxoreilles…

Allonsvite.Nousbrûlonslalumièredujour…

ROMÉO.—Commentcela?

MERCUTIO. — Je veux dire, messire, qu’en nous

attardant nous consumons nos lumières en pure perte,

commedeslampesenpleinjour…Saisisseznotreintention,

carnotrejugements’exprimecinqfoismieuxdansnotre

intentionquedansnoscinqsens.

ROMÉO.—Enallantàcettemascarade,nousavons

bonneintention,maisilyapeud’espritàyaller.

MERCUTIO.—Peut-ondemanderpourquoi?

ROMÉO.—J’aifaitunrêvecettenuit.

MERCUTIO.—Etmoiaussi.

ROMÉO.—Ehbien!qu’avez-vousrêvé?

MERCUTIO.—Quesouventlesrêveurssefourrent

dedans!

ROMÉO. — Oui, dans le lit où, tout en dormant,

ilsrêventlavérité.

MERCUTIO.—Oh!jevoisbien,lareineMabvous

a fait visite. Elle est la fée accoucheuse et elle arrive,

pas plus grande qu’une agate à l’index d’un alderman,

traînéeparunattelagedepetitsatomesàtraverslesnez

des hommes qui gisent endormis. Les rayons des roues

desonchar sont faitsde longuespattesde faucheux; la

capote, d’ailes de sauterelles; les rênes, de la plus fine

toile d’araignée; les harnais, d’humides rayons de lune.

Sonfouet,faitd’unosdegrillon,apourcordeunfilde

laVierge.Soncocherestunpetitcousinenlivréegrise,

moinsgrosdemoitiéqu’unepetitebêterondetiréeavec

uneépingledudoigtparesseuxd’uneservante.Sonchariot

estunenoisette,vide,tailléeparlemenuisierécureuilou

parlevieuxciron,carrossierimmémorialdesfées.C’est

danscetappareilqu’ellegalopedenuitennuitàtravers

lescerveauxdesamantsquialorsrêventd’amour,surles

genouxdescourtisansquirêventaussitôtdecourtoisies,sur

lesdoigtsdesgensdeloiquiaussitôtrêventd’honoraires,

sur les lèvres des dames qui rêvent de baisers aussitôt!

Ces lèvres, Mab les crible souvent d’ampoules, irritée

de ce que leur haleine est gâtée par quelque pommade.

Tantôtellegalopesurlenezd’unsolliciteur,etviteilrêve

qu’ilflaireuneplace;tantôtellevientaveclaqueued’un

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19977

cochondeladîmechatouillerlanarined’uncuréendormi,

et vite il rêve d’un autre bénéfice; tantôt elle passe sur

le cou d’un soldat, et alors il rêve de gorges ennemies

coupées,debrèches,d’embuscades,delamesespagnoles,

derasadesprofondesdecinqbrasses,etpuisdetambours

battantàsonoreille;surquoiiltressaille,s’éveille,et,ainsi

alarmé,blasphèmeuneprièreoudeux,etserendort.C’est

cettemêmeMabqui,lanuit,tresselacrinièredeschevaux

et dans les poils emmêlés durcit ces nœuds magiques

qu’onnepeutdébrouillersansencourirmalheur.C’estla

strygequi,quand lesfillessontcouchéessur ledos, les

étreintetleshabitueàporterleurchargepourenfairedes

femmesàsolidecarrure.C’estelle...

ROMÉO. — Paix, paix, Mercutio, paix. Tu nous

parlesderiens!

MERCUTIO. — En effet, je parle des rêves, ces

enfantsd’uncerveauendélire,quepeutseuleengendrer

l’hallucination, aussi insubstantielle que l’air, et plus

variable que le vent qui caresse en ce moment le sein

glacé du nord, et qui, tout à l’heure, s’échappant dans

uneboufféedecolère,vasetournerverslemidiencore

humidederosée!

BENVOLIO. — Ce vent dont vous parlez nous

emportehorsdenous-mêmes: le souper estfini etnous

arriveronstroptard.

ROMÉO.—Troptôt,j’enaipeur!Monâmepressent

qu’uneamèrecatastrophe,encoresuspendueàmonétoile,

aurapourdate funestecettenuitdefête,et terminera la

méprisableexistencecontenuedansmonseinparl’injuste

châtiment d’une mort prématurée. Mais que Celui qui

est le nautonier de ma destinée dirige ma voile!... En

avant,joyeuxamis!

BENVOLIO.—Battez,tambours!(Ils sortent.)

Document 4

Roméo et Juliette, acte i, scène 5

ROMÉO,à un valet, montrant Juliette. — Quelleest

cettedamequienrichitlamaindececavalier,là-bas?

LEVALET.—Jenesaispas,monsieur.

ROMÉO. — Oh! elle apprend aux flambeaux à

illuminer! Sa beauté est suspendue à la face de la nuit

comme un riche joyau à l’oreille d’une Éthiopienne!

Beauté trop précieuse pour la possession, trop exquise

pourlaterre!Tellelacolombedeneigedansunetroupe

decorneilles,telleapparaîtcettejeunedameaumilieude

sescompagnes.Cettedansefinie,j’épierailaplaceoùelle

se tient, et je donnerai à ma main grossière le bonheur

de toucher la sienne. Mon cœur a-t-il aimé jusqu’ici?

Non;jurez-le,mesyeux!Carjusqu’àcesoir,jen’avais

pasvulavraiebeauté.

TYBALT, désignant Roméo. — Je reconnais cette

voix; ce doit être un Montague... (A un page.) Va me

cherchermarapière,page!Quoi!lemisérableosevenir

icicouvertd’unmasquegrotesque,pourinsulteretnarguer

notreréception?Ah!parl’antiquehonneurdemarace,je

necroispasqu’ilyaitpéchéàl’étendremort!

PREMIER CAPULET, s’approchant de Tybalt. — Eh bien! qu’as-tu donc, mon neveu? Pourquoi cette

tempête?

TYBALT.—Mononcle, voici unMontague, unde

nos ennemis, un misérable qui est venu ici par bravade

dénigrernotresoiréesolennelle.

PREMIER CAPULET. — N’est-ce pas le jeune

Roméo?

TYBALT.—C’estlui,cemisérableRoméo!

PREMIER CAPULET. — Du calme, gentil cousin!

laisse-le tranquille; il a les manières du plus courtois

gentilhomme;et,àdirevrai,Véroneestfièredelui,comme

d’un jouvenceau vertueux et bien élevé. Je ne voudrais

pas,pourtouteslesrichessesdecetteville,qu’ici,dansma

maison, il se sente insulté. Aie donc patience, ne fais

pas attention à lui, c’est ma volonté, si tu la respectes,

prends un air gracieux et laisse là cette mine farouche

quisiedmaldansunefête.

TYBALT.—Ellesiedbiendèsqu’onapourhôteun

telmisérable;jeneletoléreraipas!

PREMIERCAPULET.—Vousletolérerez!Qu’est-ce

à dire, monsieur le freluquet! J’entends que vous le

tolériez... Allons donc! Qui est le maître ici, vous ou

moi?Allons donc! Vous ne le tolérerez pas! Dieu me

pardonne! Vous voulez soulever une émeute au milieu

demeshôtes!Vousvoulezmettrelevinenperce!vous

voulezfairel’homme!

TYBALT.—Mais,mononcle,c’estunehonte.

PREMIER CAPULET. — Allons, allons, vous êtes

un insolent garçon. En vérité, cette incartade pourrait

vouscoûtercher.Jesaiscequejedis...Ilfautquevous

me contrariiez!... Morbleu! c’est le moment!... (Aux danseurs.)A merveille, mes chers cœurs!... (A Tybalt.)Vous êtes un faquin... Restez tranquille, sinon... (Aux

Page 8: Roméo et Juliette entre théâtre et cinéma© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997 nourrice !

© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997�

valets.) Deslumières!encoredeslumières!pardécence!

(A Tybalt.) Je vous ferai rester tranquille, allez! (Aux danseurs.)Del’entrain,mespetitscœurs!

TYBALT.—Cettepatienceimposéeetl’élandema

colèrefonttremblermachairdeleursassautscontraires.

Jemeretire,maiscettefureurrentrée,qu’encemomenton

croitadoucie,seconvertiraenfielamer.(Il sort.)ROMÉO, prenant la main de Juliette. — Si j’ai

profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, je

suisprêtàunedoucepénitence:permettezàmeslèvres,

commeàdeuxpèlerinsrougissants,d’effacercegrossier

attouchementparuntendrebaiser.

JULIETTE. — Bon pèlerin, vous êtes trop sévère

pour votre main qui n’a fait preuve en ceci que d’une

respectueusedévotion.Lessaintesmêmesontdesmains

que peuvent toucher les pèlerins paume contre paume:

c’estleferventbaiserdespèlerins.

ROMÉO. — Les saintes n’ont-elles pas des lèvres,

etlespèlerinsaussi?

JULIETTE. — Oui, pèlerin, des lèvres vouées à

laprière.

ROMÉO. — Oh! alors, chère sainte, que les lèvres

fassentcequefontlesmains.Ellesteprient;exauce-les,de

peurqueleurfoinesechangeendésespoir.

JULIETTE. — Les saintes restent immobiles, tout

enexauçantlesprières.

ROMÉO. — Restez donc immobile, tandis que je

recueillerai l’effet de ma prière. (Il l’embrasse sur la bouche.) Voslèvresonteffacélepéchédesmiennes.

JULIETTE. — Mes lèvres ont gardé pour elles le

péchéqu’ellesontprisdesvôtres.

ROMÉO.—Vousavezprislepéchédemeslèvres?

O reproche charmant!Alors rendez-moimonpéché. (Il l’embrasse encore.)

JULIETTE.—Vousavezl’artdesbaisers.

LANOURRICE,à Juliette. — Madame,votremère

voudrait vous dire un mot. (Juliette se dirige vers lady Capulet.)

ROMÉO,à la nourrice. —Quidoncestsamère?

LANOURRICE.—Ehbien,jeunehomme,samère

estlamaîtressedelamaison,unebonnedame,etsageet

vertueuse;j’ainourrisafille,celleavecquivouscausiez;

jevaisvousdire:celuiquiparviendraàmettrelamainsur

ellepourrafairesonnerlesécus.

ROMÉO.—C’estuneCapulet!Otropchèrecréance!

Mavieestdueàmonennemie!

BENVOLIO, à Roméo. — Allons, partons; la fête

estàsafin.

ROMÉO, à part. — Hélas! oui, et mon trouble est

àsoncomble.

PREMIERCAPULET,aux invités qui se retirent. — Çà,messieurs,n’allezpasnousquitterencore:nousavons

unméchantpetitsouperquiseprépare...Vousêtesdonc

décidés?... Eh bien, alors je vous remercie tous... Je

vous remercie, honnêtes gentilshommes, bonne nuit.

Des torches par ici!... Allons, mettons-nous au lit! (A

son cousin Capulet.) Ah! ma foi, mon cher, il se fait

tard: je vais me reposer. (Tous sortent, excepté Juliette et la nourrice.)

JULIETTE. — Viens ici, nourrice: quel est ce

gentilhomme,là-bas?

LA NOURRICE. — C’est le fils et l’héritier du

vieuxTibério.

JULIETTE.—Quelestceluiquisortàprésent?

LA NOURRICE. — Ma foi, je crois que c’est le

jeunePétruchio.

JULIETTE, montrant Roméo. — Quelestcetautrequi

suitetquin’apasvouludanser?

LANOURRICE.—Jenesaispas.

JULIETTE.—Vademander sonnom. (La nourrice s’éloigne un moment.) S’ilestmarié,moncercueilpourrait

bienêtremonlitnuptial.

LANOURRICE,revenant. — SonnomestRoméo;c’est

unMontague,lefilsuniquedevotregrandennemi.

JULIETTE. — Mon unique amour émane de mon

uniquehaine! Inconnuvu trop tôt et reconnu trop tard.

Oprodigieusenaissancedel’amourqu’ilmefailleaimer

monennemiexécré!

LANOURRICE.—Quedites-vous?quedites-vous?

JULIETTE.—Unestrophequevientdem’apprendre

undemesdanseurs.(Voix au-dehors appelant Juliette.)LANOURRICE.—Toutàl’heure!toutàl’heure!...

Allons-nous-en;touslesétrangerssontpartis.*Ondoitcomprndre:Mêmeles[imagespieusesdes]saintes ont des mains [comme j’en ai] que peuventtoucherlespèlerins.

Page 9: Roméo et Juliette entre théâtre et cinéma© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997 nourrice !

© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19979

Doc

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 199710

Doc

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 199711

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19971�

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19971�

qu’a

près

sa

mor

t,el

lee

xige

que

le

prin

cef

asse

exé

cute

rR

oméo

,po

rtan

tai

nsi

aup

lus

haut

poi

nt

(mêm

esi

c’e

ste

npa

rtie

inco

nsci

ent)

lec

onfli

tave

csa

fille

.

Aut

re

Pour

sou

ligne

rl’

agita

tion

dela

mèr

ede

Jul

iette

,cer

tain

spl

ans

pass

ente

nac

célé

ré.

En

résu

Dan

sce

ttes

cène

,le

réa

lisat

eur

aust

ralie

naj

oute

man

ifes

tem

ent

une

inte

rpré

tatio

npe

rson

nelle

au

text

eSh

akes

pear

ien

ena

ccen

tuan

tle

con

tras

tee

ntre

Jul

iette

et

sam

ère,

ent

reu

nej

eune

fille

don

tla

pur

eté

est

mis

een

ava

nte

tun

efe

mm

evi

eilli

ssan

teq

uis

eve

ute

ncor

ebe

lle,q

uie

sta

gité

epa

rde

spa

ssio

nsa

mou

reus

esc

aché

es(

mêm

esi

cel

aap

para

îtda

nsu

nes

cène

ulté

rieu

re)

etq

uid

ece

fai

tpe

rçoi

tsa

fille

com

me

une

riva

leq

u’el

lee

ssai

ede

dom

iner

sin

ond

em

ater

.

la d

ista

nce

qui s

épar

e m

ère

et fi

lle

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19971�

Doc

um

ent

8

act

e i,

scèn

e 4

: an

alys

e

lieux

etc

hang

emen

tsd

elie

ux,d

écor

sL

asc

ène

sep

asse

sur

las

cène

de

théâ

tre

vide

prè

sde

lap

lage

.L’e

xcita

tion

dela

fêt

equ

ise

prép

are

esta

ccen

tuée

par

les

expl

osio

nsd

’un

feu

d’ar

tifice

.

cost

umes

,maq

uilla

ges

Tout

lem

onde

est

cos

tum

épo

urle

bal

:R

oméo

en

part

icul

iere

sth

abill

éd’

une

arm

ure

etd

’une

cot

te

dem

aille

s,c

equ

ipeu

têtr

eco

mpr

isc

omm

eun

clin

d’œ

ilà

lap

ièce

de

Shak

espe

are

quis

epa

sse

àla

Ren

aiss

ance

,épo

que

oùc

esa

ttira

ilsé

taie

nte

ncor

eut

ilisé

s(b

ien

que

larg

emen

tsur

led

éclin

).

Mai

sce

qui

fra

ppe

surt

out,

c’es

tle

dég

uise

men

tde

Mer

cutio

,l’a

mi

deR

oméo

dég

uisé

en

fem

me

avec

min

ijupe

,per

ruqu

ebl

anch

ese

tpai

llette

s.

gest

es,m

ouve

men

ts,d

épla

cem

ents

des

per

sonn

ages

To

ute

las

cène

est

dom

inée

par

lag

estu

elle

pro

voca

tric

ede

Mer

cutio

qui

nou

sm

ontr

eno

tam

men

tse

sfe

sses

pui

sso

rtd

ede

ssou

ssa

jupe

ttele

car

ton

d’in

vita

tion

qu’i

lrem

ettr

Rom

éo.

mus

ique

etc

hang

emen

tsd

em

usiq

ue

La

scèn

edé

bute

ave

cle

feu

d’a

rtifi

cee

tla

mus

ique

dis

cod

eG

avin

Fri

day

Ang

el.

C

ette

mus

ique

va

pour

tant

céd

erl

apl

ace

àun

eam

bian

cem

usic

ale

beau

coup

plu

sso

mbr

equ

iva

ac

com

pagn

erto

ute

lati

rade

de

Mer

cutio

surl

are

ine

Mab

,la

fée

deso

nges

.Cet

tem

usiq

uein

quié

tant

es’

acce

ntue

rae

ncor

eav

ecle

sm

auva

isp

résa

ges

deR

oméo

que

sou

ligne

un

cour

text

rait

del’

opér

ade

Wag

ner,

Tris

tan

et Y

seul

t.

Mai

sce

ttes

ombr

eim

pres

sion

ser

ara

pide

men

teff

acée

par

lem

orce

aud

isco

de

Kym

Maz

elle

You

ng

Hea

rts

Run

Fre

equ

iacc

ompa

gne

l’ar

rivé

ede

lab

ande

àla

réc

eptio

nde

sC

apul

et.

les

mod

ifica

tions

dan

sle

text

ede

Sha

kesp

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L’

esse

ntie

ldu

tex

tes

hake

spea

rien

sem

ble

cons

ervé

,not

amm

ent

lem

onol

ogue

de

Mer

cutio

sur

la

rein

eM

ab,f

éed

ess

onge

s,m

ême

sic

erta

ines

cou

pes

onté

tép

ratiq

uées

çà

etlà

.

émot

ions

,idé

ess

uggé

rées

par

lam

ise

ens

cène

M

ercu

tio,t

rave

stip

rovo

cate

ur,e

st-i

lun

hom

osex

uela

mou

reux

de

Rom

éo?

Cet

tein

terp

réta

tion

de

Baz

Luh

rman

nje

ttee

nto

utc

asu

néc

lair

age

orig

inal

sur

la

scèn

e:

elle

ren

dau

ssi

beau

coup

plu

str

agiq

uel

afin

de

Mer

cutio

qui

meu

rtb

less

épr

esqu

epa

rac

cide

ntm

ais

port

ant

auc

œur

un

amou

rim

poss

ible

pou

rR

oméo

.

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D

erri

ère

l’as

pect

pro

voca

teur

du

pers

onna

getr

ansp

araî

tain

siu

ned

imen

sion

bea

ucou

ppl

ustr

agiq

ue

quis

eré

vèle

not

amm

entà

lafi

nde

sa

tirad

esu

rla

rei

neM

ab:

alor

squ

’ila

com

men

cés

atir

ade

sur

lem

ode

com

ique

,ilb

ascu

letr

èsra

pide

men

tdan

sun

eex

cita

tion

dram

atiq

ueq

uis

’acc

entu

elo

rsqu

’il

parl

ede

srê

ves

d’am

our

que

sont

cen

sées

épr

ouve

rle

sje

unes

fille

s(R

oméo

l’in

terr

ompt

d’a

illeu

rs

avec

dou

ceur

àc

em

omen

tcom

me

s’il

sent

aitq

ues

ona

mié

tait

prêt

àg

lisse

rda

nsu

nef

olie

dan

ge-

reus

e).C

’est

luia

ussi

qui

épr

ouve

san

sdo

ute

ces

rêve

sd’

amou

rim

poss

ible

.

Aut

re

Mer

cutio

off

reà

Rom

éou

nep

ilule

san

sdo

ute

d’ex

tasy

,con

firm

anta

insi

son

imag

ed’

hom

me

des

plai

sirs

«p

erve

rs»

ou

«dé

fend

us»

(bi

ene

nten

du,à

not

reé

poqu

e,l

’opp

robr

equ

ifr

appa

itl’

hom

o-se

xual

itéo

ula

con

som

mat

ion

ded

rogu

ese

stb

eauc

oup

moi

nsf

orte

tcon

trib

uee

nfa

itsu

rtou

tàla

fa

scin

atio

nqu

epe

utp

rovo

quer

lep

erso

nnag

e).M

ais

cette

pilu

lejo

ues

urto

utu

nrô

leim

port

antd

ans

las

cène

qui

sui

toù

Rom

éod

écou

vrir

aJu

liette

au

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ento

ùil

sort

ira

préc

isém

entd

uca

uche

mar

pr

ovoq

uép

arl’

exta

sy.

En

résu

Mer

cutio

tra

vest

iet

pou

rvoy

eur

ded

rogu

e,l

apr

ovoc

atio

nse

mbl

son

max

imum

par

rap

port

à

l’im

age

clas

siqu

ede

Sha

kesp

eare

.Elle

ne

doit

cepe

ndan

tpas

mas

quer

l’an

alys

epl

usfi

ned

uca

ract

ère

deM

ercu

tiop

ropo

sée

lefi

lm:

sous

des

deh

ors

cari

catu

raux

,l’

ond

evin

eun

per

sonn

age

trag

ique

,vi

ctim

ed’

una

mou

rim

poss

ible

,don

tla

mor

tpré

figur

ece

lles

deR

oméo

etd

eJu

liette

.

la fo

lie e

t la

mél

anco

lie d

e M

ercu

tio

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19971�

Doc

um

ent

9

act

e i,

scèn

e 5

: an

alys

e

lieux

etc

hang

emen

tsd

elie

ux,d

écor

sPl

usie

urs

élém

ents

de

déco

rso

rigi

naux

son

tutil

isés

par

ler

éalis

ateu

r,no

tam

men

tl’a

quar

ium

àtr

a-ve

rsle

quel

Rom

éoa

perç

oitp

our

lap

rem

ière

foi

sJu

liette

,ens

uite

lac

olon

ned

erri

ère

laqu

elle

ils

eca

che

pour

sai

sir

lam

ain

deJ

ulie

tte,e

nfin

l’as

cens

eur

oùto

usd

eux

ser

éfug

ient

pou

réc

happ

era

ux

pour

suite

sde

lam

ère

deJ

ulie

tte.

cost

umes

,maq

uilla

ges

Rom

éoe

npr

eux

chev

alie

r,Ju

liette

en

ange

,Mer

cutio

en

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euse

de

revu

em

usic

ale,

Cap

ulet

en

empe

reur

rom

ain

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déc

aden

ce,l

esc

ostu

mes

cen

sés

mas

quer

les

pers

onna

ges

dévo

ilent

en

réal

ité

leur

âm

e.P

aris

en

cosm

onau

ted

égag

equ

antà

luiu

nef

orte

impr

essi

ond

eri

dicu

le.

gest

es,m

ouve

men

ts,d

épla

cem

ents

des

per

sonn

ages

À

trav

ersl

’aqu

ariu

m,R

oméo

etJ

ulie

ttese

déc

ouvr

ents

imul

tané

men

t(al

orsq

ued

ansl

api

èce,

Julie

tte

nes

embl

ere

gard

erR

oméo

que

lor

squ’

illu

isa

isit

lam

ain)

:s’

inst

itue

ains

ien

tre

eux

unt

rès

long

je

ude

reg

ards

qui

leur

per

met

litté

rale

men

tde

fair

eco

nnai

ssan

ce.L

orsq

u’el

led

anse

raa

vec

Pari

s,

Julie

tten

ece

sser

aai

nsid

’obs

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rRom

éo,l

uis

igni

fiant

par

de

fines

mim

ique

squ

’elle

se

moq

ued

eso

nca

valie

r.

Rom

éop

rofit

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des

appl

audi

ssem

ents

qui

sal

uent

la

find

ela

pre

stat

ion

mus

ical

ede

la

chan

teus

eno

ire

pour

sai

sir

lam

ain

deJ

ulie

tte,c

aché

der

rièr

eun

pili

er.

S’

ensu

ivra

tou

tun

jeu

de

scèn

equ

ipe

rmet

tra

àR

oméo

et

Julie

tted

es’

éclip

ser

dans

l’a

scen

seur

,m

onta

nte

tdes

cend

antp

our

écha

pper

àla

mèr

ede

Jul

iette

acc

ompa

gnée

de

Pari

s.

mus

ique

etc

hang

emen

tsd

em

usiq

ue

Tout

led

ébut

de

las

cène

est

mar

quée

par

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usiq

ued

isco

de

Kym

Maz

elle

alo

rsq

ueR

oméo

est

sou

sl’

empr

ise

dela

dro

gue

etq

u’il

voit

nota

mm

entM

ercu

tioe

nm

eneu

sed

ere

vue.

Mai

sle

sile

nce

sefa

itlo

rsqu

’ils

epl

onge

lev

isag

eda

nsl’

eau;

pui

s,lo

rsqu

’ilé

chan

ges

esp

rem

iers

reg

ards

ave

cJu

liette

,un

ech

ante

use

noir

e(p

rése

nte

àl’

écra

n)c

hant

eun

mor

ceau

de

blue

sac

com

pagn

éea

upi

ano

(ils

’agi

tdu

thèm

edu

film

,Kis

sing

You

par

Des

’ree

).L

afin

de

las

cène

(lor

sque

les

aman

tsd

écou

vren

tqu’

ils

appa

rtie

nnen

tàd

esfa

mill

ese

nnem

ies)

est

cep

enda

ntm

arqu

éep

aru

nem

usiq

ued

evi

olon

sbe

auco

up

plus

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bre

:un

cou

rti

nsta

nt,

ler

ock

deO

neI

nch

Punc

h,P

retty

Pie

ce o

f Fle

sh,

sem

ble

rena

ître

(qua

ndM

ercu

tioe

mba

rque

Rom

éod

ans

l’au

to),

mai

sle

mêm

eth

ème

som

bre

subm

erge

Jul

iette

sur

so

nba

lcon

Inco

nnu

vutr

optô

tetr

econ

nutr

opta

rd»

)et

Rom

éoq

uis

’élo

igne

d’e

lle.

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© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 199717

les

mod

ifica

tions

dan

sle

text

ede

Sha

kesp

eare

L’

esse

ntie

ldes

rép

lique

sse

mbl

eco

nser

vém

ême

s’il

ya

sans

dou

tep

lusi

eurs

pet

ites

coup

ures

pou

rra

ccou

rcir

lete

xte.

émot

ions

,idé

ess

uggé

rés

par

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ise

ens

cène

L

am

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cène

de

Baz

Luh

rman

nm

etl’

acce

nts

url’

écha

nge

der

egar

dse

ntre

Rom

éoe

tJul

iette

:ils

se

déco

uvre

ntà

trav

ers

l’aq

uari

um,p

uis

Julie

ttef

aitd

esp

etits

sig

nes

àR

oméo

pen

dant

qu’

elle

da

nse

avec

Par

is,e

tce

n’es

tqu’

ensu

iteq

ues

epr

odui

tle

prem

ieré

chan

gev

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lent

ree

ux.C

eslo

ngs

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nges

de

rega

rds

perm

ette

nta

insi

àl

’am

our

des

’ins

talle

ren

tre

eux

alor

squ

eda

nsl

api

èce

ilse

mbl

erai

tque

Jul

iette

répo

nde

imm

édia

tem

enta

uxp

rem

ière

spa

role

sde

Rom

éoc

omm

esi

que

lque

sm

ots

suffi

saie

ntà

las

édui

re.T

oute

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cène

dan

sle

film

est

par

aill

eurs

trai

tée

defa

çon

très

légè

reà

ca

use

nota

mm

entd

upe

rson

nage

rid

icul

ede

Par

isd

onts

em

oque

Jul

iette

,ain

siq

ued

esa

mèr

equ

ila

pou

rsui

tmal

adro

item

ent.

C

’est

aus

sip

arl

ere

gard

que

Rom

éoc

ompr

endr

aqu

eJu

liette

app

artie

ntà

la

fam

ille

des

Cap

ulet

lo

rsqu

’ill

ave

rra

appe

lée

par

sam

ère.

Mai

cem

omen

t,la

scè

nep

rend

rau

neto

urnu

reb

eauc

oup

plus

dra

mat

ique

.

Aut

re

Pour

trad

uire

lem

alai

sed

eR

oméo

sou

sl’

influ

ence

de

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rogu

e,u

ntr

ucag

eno

usm

ontr

ele

jeun

eho

mm

eco

mm

eem

port

ésu

run

man

ège

tour

noya

nt,t

outl

edé

cor

etle

sau

tres

per

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ages

défi

lant

au

tour

de

lui.

En

résu

La

mis

een

scè

ned

eB

azL

uhrm

ann

nec

hang

epa

sle

sen

sfo

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enta

lde

las

cène

,tel

leq

u’el

les

etr

ouve

che

zSh

akes

pear

e.E

llem

etc

epen

dant

en

évid

ence

les

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nges

de

rega

rds

entr

eR

oméo

et

Julie

tte(à

trav

ers

l’aq

uari

um,l

orsq

ueJ

ulie

tted

anse

ave

cPa

ris)

tout

en

mul

tiplia

ntle

sdé

plac

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ts

des

pers

onna

ges

(le

jeu

avec

l’as

cens

eure

sté

vide

mm

enta

bsen

tche

zSh

akes

pear

e)e

ten

utili

sant

au

max

imum

les

res

sour

ces

del

’esp

ace

(Rom

éoc

aché

der

rièr

eun

pili

er,R

oméo

au

bas

del

’esc

alie

roù

Jul

iette

rej

oint

sa

fam

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.L

eré

alis

ateu

rét

ire

ains

ilo

ngue

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tla

scè

ned

ela

séd

uctio

n(q

ui

fait

àpe

ine

dix-

huit

vers

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zSh

akes

pear

e),c

equ

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nds

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dout

epl

usv

rais

embl

able

cet

am

our

quis

’ins

talle

ent

reR

oméo

etJ

ulie

tte.E

nm

ême

tem

ps,c

ette

pri

orité

àl’

imag

epe

rmet

de

supp

léer

au

xdi

fficu

ltés

dute

xte

deS

hake

spea

reo

ùR

oméo

com

pare

ses

lèvr

esà

des

pèl

erin

s,c

ompa

rais

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Page 18: Roméo et Juliette entre théâtre et cinéma© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 1997 nourrice !

© Les Grignoux (Écran large sur tableau noir), 19971�

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