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Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008) Droit international privé F.268 1 14386 1 ROME II OU LA LOI APPLICABLE AUX OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES (1 re partie) par Rafaël Jafferali (1) Assistant à l'U.L.B. Avocat au barreau de Bruxelles I. Généralités n os 1-4 II. Articulation avec d'autres normes n os 5-10 III. Champ d'application n os 11-18 A. Champ d'application matériel n os 11-15 B. Champ d'application temporel n o 16 C. Champ d'application spatial n os 17-18 IV. Détermination de la loi applicable n os 19-42 A. Obligations quasi délictuelles n os 19-33 1. Règle générale n os 19-21 2. Responsabilité du fait des produits n os 22-24 3. Concurrence déloyale et actes restreignant la libre concurrence n os 25-27 4. Atteinte à l'environnement n os 28-29 5. Atteinte aux droits de propriété intellectuelle n os 30-31 6. Responsabilité du fait de grève ou de lock-out n os 32-33 B. « Culpa in contrahendo » n os 34-36 C. Obligations quasi contractuelles n os 37-39 D. Questions connexes n os 40-43 V. Domaine de la loi applicable n o 44 VI. Mécanismes correcteurs n os 45-50 VII. Conclusion n o 51 - (1) Je tiens à remercier Mme Nadine Watté, profes- seur à l'Université libre de Bruxelles et à l'Institut des études européennes, pour ses judicieuses observa- tions sur les rapports entre le droit international privé et le droit communautaire, tout en assumant naturel- lement seul la responsabilité de mes propos.

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Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008)

Droit international privé — F.268

1143861

ROME II OU LA LOI APPLICABLE AUX OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES

(1re partie)

par Rafaël Jafferali (1)

Assistant à l'U.L.B.Avocat au barreau de Bruxelles

I. Généralités nos 1-4

II. Articulation avec d'autres normes nos 5-10

III. Champ d'application nos 11-18

A. Champ d'application matériel nos 11-15

B. Champ d'application temporel no 16

C. Champ d'application spatial nos 17-18

IV. Détermination de la loi applicable nos 19-42

A. Obligations quasi délictuelles nos 19-33

1. Règle générale nos 19-21

2. Responsabilité du fait des produits nos 22-24

3. Concurrence déloyale et actes restreignant la libre concurrence nos 25-27

4. Atteinte à l'environnement nos 28-29

5. Atteinte aux droits de propriété intellectuelle nos 30-31

6. Responsabilité du fait de grève ou de lock-out nos 32-33

B. « Culpa in contrahendo » nos 34-36

C. Obligations quasi contractuelles nos 37-39

D. Questions connexes nos 40-43

V. Domaine de la loi applicable no 44

VI. Mécanismes correcteurs nos 45-50

VII. Conclusion no 51

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(1) Je tiens à remercier Mme Nadine Watté, profes-seur à l'Université libre de Bruxelles et à l'Institut desétudes européennes, pour ses judicieuses observa-

tions sur les rapports entre le droit international privéet le droit communautaire, tout en assumant naturel-lement seul la responsabilité de mes propos.

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I. — GÉNÉRALITÉS

1. — Introduction. — Le 11 juillet 2007, leParlement européen et le Conseil ontadopté le règlement (CE) no 864/2007 surla loi applicable aux obligations non contrac-tuelles, dit règlement « Rome II » (2), auterme d'un parcours législatif semé d'embû-ches (3). Comme a pu le relever un obser-

vateur américain, Rome II ne s'est pas faiten un jour (4)...

Le règlement vise à uniformiser les règlesde conflit de lois des Etats membres enmatière de responsabilité extracontrac-tuelle, de culpa in contrahendo et de quasi-contrats. S'agissant du premier domaine, larègle de base est l'application de la loi dulieu où le dommage s'est produit (infra,no 20). Des règles particulières sont égale-ment prévues en matière de responsabilitédu fai t des produits, de concurrencedéloyale et d'actes restreignant la libre con-currence, d'atteintes à l'environnement etaux droits de propriété intellectuelle, et deresponsabilité du fait de grève et de lock-out(nos 22 et s.). En revanche, le règlement nes'appliquera ni en matière d'atteinte à la vieprivée (no 15), ni en Belgique en matièred'accidents de la circulation routière (no 9).

Le règlement remplace ainsi pour une largepart les règles édictées par les articles 99 etsuivants du Code de droit international privédu 16 juillet 2004 (no 10).

Sous réserve de certaines précisions, il estapplicable à par tir du 11 janvier 2009(no 16).

2. — Contexte juridique. — Dans le jargondu droit international privé, les surnoms don-nés aux instruments communautaires évo-quent spontanément le phénomène desséries télévisées s’étendant sur plusieurs sai-sons. Ainsi, après le succès du règlement« Bruxelles I » (5), héritier de la Convention

(2) J.O.U.E. L 199 du 31 juillet 2007, p. 40. Cons. àce propos P. de Vareilles-Sommières, « La respon-sabilité civile dans la proposition de règlement com-munautaire sur la loi applicable aux obligations noncontractuelles (« Rome II ») », Les conflits de lois etle système juridique communautaire, Paris, Dalloz,2004, pp. 186 et s.; F. Guerchoun et S. Piedelièvre,« Le règlement sur la loi applicable aux obligationsnon contractuelles (« Rome II ») », Gaz. pal., 21-23 octobre 2007, pp. 4 et s. et Gaz. pal., 28-30 octobre 2007, pp. 9 et s.; G. Légier, « Le règle-ment “Rome II” sur la loi applicable aux obligationsnon contractuelles », Sem. jur., éd. G, I, no 207,pp. 13 et s.; C. Nourissat et E. Treppoz, « Quelquesobservations sur l'avant-projet de proposition de rè-glement du Conseil sur la loi applicable aux obliga-tions non contractuelles “Rome II” », J.D.I., 2003,pp. 7 et s.; S.-C. Symeonides, « Rome II and TortConflicts : A Missed Opportunity », à paraître dans leAm. Journ. Comp. Law, 2008, vol. 56, déjà accessi-ble sur http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1031803 (c'est cette ver-sion qui sera citée ci-après); T. Verbiest, « Proposi-tion de règlement sur la loi applicable aux obligationsnon contractuelles (“Rome II”) : adaptée aux techno-logie de l'information et de la communication? », [email protected], 2004/1, pp. 115 et s.; X, « Editorialcomments - Sometimes it takes thirty years and evenmore... », C.M.L.R., 2007, vol. 44, pp. 1567 et s. Lerèglement fera également l'objet d'un numéro spécialde la Revue de droit commercial au mois de juin2008.

(3) Le règlement a en effet été adopté selon la pro-cédure de codécision (article 251 du Traité CE), la-quelle, compte tenu des enjeux politiques, a été me-née jusqu'à l'étape ultime de la conciliation entre leParlement européen, le Conseil et la Commission.Parmi les travaux préparatoires du règlement, on re-tiendra la proposition initiale de la Commission du22 juillet 2003, COM(2003) 427 final; l'avis du comitééconomique et social du 2 juin 2004; le rapport duParlement européen en première lecture du 27 juin2005, doc. A6-0211/2005; la proposition modifiée dela Commission du 21 février 2006, COM(2006) 83 fi-nal; la position commune du Conseil du 25 septem-bre 2006, doc. 9751/7/06 REV 7, et son exposé desmotifs, doc. 9751/7/06 REV 7 ADD 1; la communica-tion de la Commission du 27 septembre 2006 sur laposition commune, COM(2006) 566 final; le rapportdu Parlement européen en deuxième lecture du22 décembre 2006, doc. A6-0481/2006; l'avis de laCommission du 14 mars 2007 sur les amendementsdu Parlement européen en deuxième lecture,COM(2007) 126 final; le document de travail du co-mité de conciliation transmis aux délégations duConseil le 10 mai 2007, doc. 9457/07; et le rapportdu Parlement européen en troisième lecture du28 juin 2007, doc. A6-0257/2007. La proposition ini-tiale de la Commission se base notamment (voy.p. 4) sur une proposition pour une convention euro-

péenne sur la loi applicable aux obligations non con-tractuelles, adoptée par le Groupe européen de droitinternational privé (G.E.D.I.P.) lors de sa réunion deLuxembourg du 25-27 septembre 1998 (accessibleavec un commentaire sur http://www.gedip-egpil.eu/gedip_documents.html). On peut également se rap-porter aux quelque 80 contributions écrites adres-sées par les milieux intéressés en réponse à la con-sultation publique lancée le 3 mai 2002 par laCommission (accessibles sur http://ec.europa.eu/justice_home/news/consulting_public/rome_ii/news_summary_rome2_en.htm), parmi lesquelleson retiendra en particulier celle du Hamburg Groupfor Private International Law; adde les observationsde l'Unité de droit international privé de l'Université li-bre de Bruxelles, accessibles sur http://www.dipulb.be/fileadmin/user_files/noterome2.pdf.(4) « Rome II Wasn't Built In a Day » (A. Warshaw,« Uncertainty from abroad : Rome II and the choiceof law for defamation claims », Brook. J. Int'l L.,2006, vol. 32:1, pp. 269 et s., spéc. p. 291).(5) Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du22 décembre 2000 « concernant la compétence judi-ciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisionsen matière civile et commerciale ».

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de Bruxelles (6) et complété par les règle-ments « Bruxelles II »(7) et « Bruxelles IIbis »(8), le législateur communautaire, vingt-septans après l'adoption de la « Convention deRome » (9) et alors que sa transformation enun règlement « Rome I » est en cours (10), adécidé d'adopter le règlement « Rome II »,« Le retour », serions-nous presque tentéd'ajouter.

Ces instruments ont vocation à constituer untout harmonieux. Ainsi, la Convention deBruxelles réalisait en 1968 une évolutionimportante en uniformisant les règles deconflit de juridictions dans les Etats mem-bres, objectif poursuivi depuis lors par lesautres instruments de la série « Bruxelles ».Il est toutefois rapidement apparu que, tantafin de faciliter la reconnaissance mutuelledes jugements que d'éviter les risques deforum shopping, cette première étape devaitêtre suivie par une uniformisation des règlesde conflit de lois (11). Tel était l'objectif de laConvention de Rome qui, à défaut d'accordentre les Etats membres, n'a pu porter quesur la matière contractuelle (12). Le règle-ment analysé s'inscrit explicitement dans laperspective de compléter cet édifice (13) et

devra donc être interprété à la lumière deces autres instruments (14).

On ajoutera que le règlement Rome II estadopté sur la base des articles 61, c), et 67du Traité CE (15). Il en résulte qu'à l'heureactuelle (16), et par dérogation au droitcommun (17), seule une juridiction natio-nale dont les décisions ne sont pas suscep-tibles de recours a la faculté (et non l'obliga-tion) de poser à la Cour de justice unequestion préjudicielle en interprétation durèglement (article 68, § 1er, du Traité CE). Ils'agit essentiellement, en droit belge, de laCour de cassation, voire de la Cour consti-tutionnelle et du Conseil d'Etat dans les casoù ils seraient amenés à faire application durèglement.

3. — Objectifs et méthodes. — Comme onl'a déjà indiqué, le règlement uniformise lesrègles de conflit de lois appliquées par lesEtats membres en matière d'obligations noncontractuelles. Cette uniformisation répondprioritairement à un objectif de prévisibilité,et donc de sécurité juridique (18). Mais le

(6) Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968entre les Etats membres de la Communauté écono-mique européenne concernant la compétence judi-ciaire et l'exécution des décisions en matière civile etcommerciale.(7) Règlement (CE) no 1347/2000 du Conseil du29 mai 2000 relatif à la compétence, la reconnais-sance et l'exécution des décisions en matière matri-moniale et en matière de responsabilité parentaledes enfants communs.(8) Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du27 novembre 2003 relatif à la compétence, la recon-naissance et l'exécution des décisions en matièrematrimoniale et en matière de responsabilité paren-tale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000.(9) Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles. Cette Con-vention a fait l'objet d'un rapport explicatif des profes-seurs M. Giuliano et P. Lagarde, J.O.C.E. C 282 du31 octobre 1980, pp. 1 et s.(10) Après avoir été approuvée en première lecturepar le Parlement européen, la proposition de règle-ment du Parlement européen et du Conseil sur la loiapplicable aux obligations contractuelles (Rome I) afait l'objet d'un accord politique sous la forme d'un« point B » au sein du Conseil le 6 décembre 2007(communiqué IP/07/1872). Elle devrait être très pro-chainement adoptée (le texte du futur règlement estdéjà consultable dans le doc. PE-CONS 3691/07 du31 mars 2008; adde doc. PE-CONS 3691/07 COR 3(fr) du 8 avril 2008).(11) Voy. le rapport Giuliano-Lagarde, nos 2 et 3,p. 5.(12) Ibid., no 5, p. 7.(13) Voy. les explications quelque peu lyriques de laproposition initiale de la Commission, qui voit dans le

règlement analysé « le prolongement naturel del'œuvre unificatrice des règles de droit internationalprivé en matière d'obligations, contractuelles et noncontractuelles, de nature civile ou commerciale, auniveau communautaire » (p. 2).(14) Voy. le considérant no 7 du règlement.(15) Pour une critique de la compétence de la Com-munauté pour adopter le règlement Rome II, cons.C. Nourissat et E. Treppoz, op. cit., J.D.I., 2003,nos 6 et s., pp. 11 et s.; X, op. cit., C.M.L.R., 2007,vol. 44, pp. 1574 et s. Cette question a fait l'objetd'une étude du 2 mars 2004 — tenue de manière as-sez singulière confidentielle — par le service juridi-que du Conseil (doc. 7015/04). On comprend cepen-dant à la lecture de la note du 13 avril 2005 de ladélégation du Royaume-Uni au Comité sur les ques-tions de droit civil (Rome II) du Conseil (doc. 8026/05, p. 2) que l'avis du service juridique était négatif àpropos des situations dans lesquelles tous les élé-ments pertinents ou la plupart d'entre eux sont situésen dehors de la Communauté.(16) L'article 68 du Traité CE sera abrogé lors del'entrée en vigueur de l'article 2, 67), du Traité de Lis-bonne du 13 décembre 2007 modifiant le Traité surl'Union européenne et le Traité instituant la Commu-nauté européenne (J.O.U.E. C 306 du 17 décembre2007, pp. 1 et s., spéc. p. 63), qui doit encore être ra-tifié par les Etats membres. Une coordination offi-cieuse des traités communautaires est déjà publiéedans Doc. parl., Sénat, sess. ord., 2007-2008, no 4-568/2.(17) Comp. article 234 du Traité CE.(18) Voy. les considérants nos 6, 14, 16 et 31 du rè-glement, ainsi que le considérant no 15 qui souligneque la règle traditionnelle de la lex loci delicti com-missi, quoique reconnue dans la plupart des Etatsmembres, pose des difficultés d'application concrèteen cas de dispersion des facteurs de rattachementdans plusieurs Etats.

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législateur européen a également veillé àménager une certaine flexibilité afin que leprincipe de proximité puisse dans la mesuredu possible être respecté dans chaque casindividuel (19). Enfin, le règlement poursuitcertains buts particuliers, qu'ils soient géné-raux (tels que le souci d'assurer un certainéquilibre entre les intérêts du responsableet de la victime (20) ou de réserver uneplace à l'autonomie de la volonté (21)) ouspécifiques (tels que la volonté d'éviter lesrisques de distorsion de concurrence entreles opérateurs économiques (22), d'assurerla protection des consommateurs sansnuire aux échanges commerciaux (23) ouencore d'atteindre un niveau élevé de pro-tection de l'environnement (24)).

Les objectifs d'uniformisation et de sécuritéjuridique se traduisent tout d'abord parl'introduction d'un certain nombre de con-cepts autonomes (25), tels que celui dedommage environnemental (26) ou deculpa in contrahendo (27). De manièregénérale, la Cour de justice devra veiller àce que les Etats membres ne compromet-tent pas l'entreprise poursuivie par le règle-ment en interprétant celui-ci exclusivementà la lumière de leur droit interne. Les con-cepts autonomes ne serviront toutefoisqu'au stade de l'opération de qualificationpréalable à la détermination du droit appli-cable; une fois celui-ci désigné, les qualifi-cations de droit interne retrouveront leurempire (28).

Pour le reste, les différents impératifs évo-qués ont conduit le législateur européen àadopter un principe général, à savoir l'appli-cation de la loi du lieu où le dommage s'estproduit (29), et à nuancer ensuite celui-cidans une série de domaines par l'adoptionde règles spécifiques (30). Les facteurs derattachement retenus sont souvent présen-tés sous la forme d'une cascade de critèressubsidiaires les uns aux autres, impliquanttantôt une concrétisation (31), tantôt unehiérarchisation des objectifs poursuivis (32).Ceux-ci donnent parfois lieu à l'insertiond'une clause d'exception faisant prévaloirune application concrète du principe deproximité sur les règles abstraites prévuespar le règlement (33) ou à l'ouverture d'uneoption protégeant la victime en lui permet-tant de choisir le droit applicable (34). Enfin,le législateur privilégie parfois le rattache-ment accessoire (35), ce qui constitue éga-lement une manifestation du principe deproximité et tend en outre à diminuer lesinconvénients liés aux difficultés de qualifi-cation (36), et attribue quelquefois un carac-tère impératif aux règles qu'il estime parti-culièrement importantes (37).

4. — Plan. — On examinera successive-ment le champ d'application du règlement

(19) Voy. le considérant no 14 du règlement. Sur leprincipe de proximité, cons. notamment N. Watté etC. Barbé, « Le nouveau droit international privé bel-ge - Etude critique des fondements des règles deconflit de lois », J.D.I., 2006, pp. 851 et s., nos 9 et s.,pp. 857 et s.(20) Voy. le considérant no 16 du règlement.(21) Voy. le considérant no 31 du règlement.(22) Voy. le considérant no 13 du règlement.(23) Voy. le considérant no 20 du règlement.(24) Voy. le considérant no 25 du règlement.(25) Cons. à ce propos M. Audit, « L'interprétationautonome du droit international privé communau-taire », J.D.I., 2004, pp. 789 et s.(26) Voy. le considérant no 24 du règlement.(27) Voy. le considérant no 30 du règlement.(28) Voy. Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Va-reilles-Sommières, Droit international privé, 8e éd.,Paris, Dalloz, 2004, no 194-1, pp. 244 et s. Ainsi, parexemple, au sens de l'article 10 du règlement, unehypothèse de paiement indu constitue un cas d'enri-chissement sans cause; mais si cette disposition dé-signe en l'espèce le droit belge, il y aura lieu d'appli-quer les règles belges sur le paiement indu, et nonsur l'enrichissement sans cause.

(29) Voy. infra, no 20(30) Sur les délits spéciaux, voy. infra, nos 22 et s.(31) Ainsi, par exemple, le principe général de l'ap-plication de la loi du lieu du dommage (article 4.1) estsubsidiaire à celui de l'application de la loi de l'Etatdans lequel tant le responsable que la victime ontleur résidence habituelle (article 4.2). En schémati-sant, on dira que cette double règle constitue uneconcrétisation du principe de proximité, car on esti-me que le fait dommageable présente en règle lesliens les plus étroits avec le lieu du dommage, maisque celui-ci est en principe moins significatif que larésidence habituelle des parties lorsque celles-ci ré-sident dans le même Etat. Comp. N. Watté etC. Barbé, op. cit., J.D.I., 2006, no 27, pp. 865 et s.(32) Ainsi, par exemple, en matière de responsabilitédu fait des produits, les objectifs de protection duconsommateur et des échanges commerciaux, pour-suivis par l'article 5.1, sont considérés comme subsi-diaires au principe de proximité, consacré parl'article 4.2, qui s'applique par priorité.(33) Ainsi, dans les articles 4.3, 5.2, 10.4, 11.4 et12.2, c). Voy. àce sujet infra, no 49.(34) Voy. les articles 6.3, b), et 7.(35) Voy. les articles 4.3, 5.2, 10.1, 11.1 et 12.1.(36) Ainsi, par exemple, dès lors qu'une culpa in con-trahendo est en principe soumise à la loi du contratauquel elle se rapporte (article 12.1), il importe peuqu'un manquement soit qualifié de contractuel ou deprécontractuel puisque la loi applicable sera en défi-nitive identique. Ceci contribue donc à renforcer lasécurité juridique.(37) Voy. les articles 6.4 et 8.3; infra, no 46.

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(III), les facteurs de rattachement retenuspar celui-ci pour déterminer la loi applicableen fonction de la matière considérée (IV),l'étendue des questions régies par la loiapplicable (V) et les mécanismes correc-teurs susceptibles de court-circuiter l'appli-cation normale du règlement (VI). Au préa-lable, on examinera l 'ar t iculat ion durèglement Rome II avec les autres normespertinentes tant nationales qu'internationa-les (II).

II. — ARTICULATION AVEC D'AUTRES NORMES

5. — Position du problème. — Selon leconsidérant no 35 du règlement, « Il con-vient d'éviter une situation où les règles deconflits de lois sont dispersées entre demultiples instruments et où il existe des dif-férences entre ces règles ». Pour louablequ'elle soit, cette déclaration d'intention acependant toutes les apparences d'un vœupieu, tant les normes pouvant influencer ladétermination de la loi applicable en matièred'obligations non contractuelles sont nom-breuses.

Il convient donc d'expliciter l'articulation durèglement avec les autres instruments com-munautaires de droit international privé(no 6), le droit communautaire matériel tantprimaire (no 7) que dérivé (no 8), les instru-ments extracommunautaires (no 9) et lesrègles nationales de conflit de lois (no 10).

6. — Articulation avec le droit internatio-nal privé communautaire. — A cet égard,on a déjà souligné la volonté du législateureuropéen d'insérer le règlement Rome IIdans un édifice cohérent, déjà composéprincipalement du règlement Bruxelles I etde la Convention de Rome (38). Il s'agiradonc d'interpréter le règlement en harmonieavec ces instruments pour éviter les recou-pements ou, au contraire, les lacunes. Nousaurons l'occasion de voir plusieurs applica-tions de ce principe d'interprétation (39).

Pour le reste, des règles de conflit de loisparticulières sont parfois insérées dans desdirectives ou autres instruments sectoriels.Ces règles s'appliquent la plupart du temps

uniquement en matière contractuelle; on nepeut toutefois exclure qu'elles concernentégalement dans certaines hypothèses lesobligations non contractuelles. En ce cas,l'instrument sectoriel l'emporte sur le règle-ment Rome II en vertu du principe lex spe-cial is derogat general i , consacré parl'article 27 du règlement (40).

7. — Articulation avec le droit matérielcommunautaire primaire. — Les rapportsentre le droit international privé et le droitcommunautaire matériel constituent unequestion épineuse qui n'est pas propre aurèglement Rome II. Il convient à cet égardd'envisager distinctement le droit primaire etle droit dérivé.

S'agissant du droit primaire (41), on sait quele Traité CE vise à la réalisation d'« un mar-ché intérieur caractérisé par l'abolition,entre les Etats membres, des obstacles à lalibre circulation des marchandises, des per-sonnes, des services et des capitaux » (42).Or, l'application des règles relatives auxobligations non contractuelles peut, danscertains cas, constituer une entrave à l'unede ces quatre libertés fondamentales (43).

(38) Voy. supra, no 2.

(39) Voy. par exemple infra, nos 13 et s., à propos duchamp d'application matériel du règlement, et no 37,à propos de la définition de l'enrichissement sanscause.

(40) Voy. également le considérant no 35, alinéa 1er,deuxième phrase, du règlement; pour des exemplesde ces instruments sectoriels, cons. M. Fallon, « Larelation du règlement Rome II avec d'autres règlesde conflit de lois », à paraître à la R.D.C., 2008/6,no 19.(41) Sur cette question, cons. M. Audit, « Régulationdu marché intérieur et libre circulation des lois »,J.D.I., 2006, pp. 1333 et s.; S. Bariatti, « Restrictionsresulting from the EC Treaty provisions for Brussels Iand Rome I », Enforcement of International Con-tracts in the European Union - Convergence and di-vergence between Brussels I and Rome I, Antwerp,Oxford et New York, Intersentia, 2004, pp. 77 et s.;M. Fallon, « Libertés communautaires et règles deconflits de lois », Les conflits de lois et le système ju-ridique communautaire, Paris, Dalloz, 2004, pp. 31et s.; M. Fallon, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 24 et s.; H. Muir Watt, « Integration andDiversity : The Conflicts of Laws as a RegulatoryTool », The Institutional Framework of European Pri-vate Law, Oxford, Oxford University Press, 2006,pp. 107 et s.; A. Nuyts, « L'application des lois de po-lice dans l'espace - Réflexions au départ du droit bel-ge de la distribution commerciale et du droitcommunautaire », Rev. crit. dr. int. priv., 1999,pp. 31 et s. et pp. 245 et s., nos 28 et s., pp. 245 et s.;M. Wilderspin et X. Lewis, « Les relations entre ledroit communautaire et les règles de conflits de loisdes Etats membres », Rev. crit. dr. int. priv., 2002,pp. 1 et s.(42) Article 3.1, c), du Traité CE.(43) Une affaire somme tout banale en fournitl'illustration : un commerçant allemand avait acquisune motocyclette auprès d'un importateur allemand,qui l'avait lui-même achetée à un concessionnairefrançais. Le commerçant avait revendu cette moto-

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En abordant cette question, il importe degarder à l'esprit que le droit communautaireprimaire n'implique nullement une applica-tion systématique de la loi du pays d'origine(44). Ce n'est donc jamais, en tant que telle,

la règle de conflit désignant la loi d'un autreEtat qui serait contraire au droit primaire(45). En revanche, il ne peut être exclu quela loi désignée par la règle de conflit consti-tue, dans des circonstances particulières,une restriction indue aux libertés de circula-tion. En vertu de la primauté du droit pri-maire sur le droit dérivé, et donc notammentsur le règlement Rome II, ces libertés fonc-tionnent alors comme un mécanisme cor-recteur de la règle de conflit, jouant un rôlesimilaire à celui de l'ordre public (46), enécartant ponctuellement la loi normalementapplicable en vertu de la règle de conflit(47).

L'écartement de cette loi ne sera donc pasautomatique. Il faut en effet qu'elle constitue

cyclette à un acheteur allemand en indiquant dansles conditions générales que celui-ci pourrait fairevaloir ses droits à la garantie auprès d'entreprisesagréées par le fabricant ou par l'importateur. Toute-fois, il s'était abstenu d'informer l'acheteur que lesconcessionnaires allemands refusent généralementd'effectuer des réparations au titre de la garantie surdes motocyclettes ayant fait l'objet d'une importationparallèle. La juridiction allemande saisie du litige y avu un manquement du commerçant à son devoir d'in-formation précontractuel, mais s'est interrogée sur lacompatibilité de ce devoir d'information avec le Trai-té CE. En effet, imposer au revendeur allemandd'une motocyclette importée depuis la France un de-voir d'information qui n'aurait par hypothèse paspesé sur un concessionnaire français revendant lamême motocyclette en France ne constitue-t-il pasune entrave à la liberté de circulation des marchan-dises? En l'espèce, toutefois la Cour de justice, inter-rogée par la juridiction allemande, a considéré que« les effets restrictifs que l'obligation d'information enquestion pourrait produire sur la libre circulation desmarchandises sont trop aléatoires et trop indirectspour que cette obligation puisse être regardée com-me étant de nature à entraver le commerce entre lesEtats membres » (C.J.C.E., 13 octobre 1993, CMCMotorradcenter c. Baskiciogullari, C-93/92, Rec.,1993, I, p. 5009). Dans l'affaire évoquée, la questionde la loi applicable n'était pas centrale, n'ayant entout cas pas été débattue devant le juge communau-taire. Elle devrait désormais être déterminée confor-mément à l'article 12 du règlement Rome II. Mais cedernier peut encore être à l'origine de nombreusesautres situations dans lesquelles un problème decompatibilité de la loi applicable avec les libertés decirculation peut se poser. Ainsi, par exemple,l'article 5 du règlement soumet en principe la respon-sabilité d'un fabricant du fait d'un produit à la loi del'Etat dans lequel la victime avait sa résidence habi-tuelle, si le produit a été commercialisé dans cepays. Le fabricant risque dès lors d'être soumis à desrègles potentiellement plus sévères que celles appli-cables dans son Etat d'origine. Cela ne constitue-t-ilpas une restriction à la liberté de circulation des mar-chandises? De même, conformément à l'article 4 durèglement, la responsabilité de l'entrepreneur établidans un Etat A et qui construit un immeuble dans unEtat B qui s'écroule sur la tête d'un passant sera enprincipe régie par la loi de cet Etat B, qui pourrait êtreplus sévère que celle de l'Etat A. L'entrepreneurn'est-il pas, en ce cas, dissuadé d'exercer ses activi-tés hors de l'Etat A, et ceci ne constitue-t-il pas unerestriction à sa liberté de prestation de service?

(44) Voy. C.J.C.E., 13 mai 1997, Allemagne c. Parle-ment et Conseil, C-233/94, Rec., 1997, I, p. 2405,point 64; M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006, nos 48 et s.,pp. 1352 et s.; O. De Schutter et S. Francq, « La pro-position de directive relative aux services dans lemarché intérieur : reconnaissance mutuelle, harmo-nisation et conflits de lois dans l'Europe élargie »,Cah. dr. eur., 2005, pp. 603 et s., no 2, p. 606;M. Wilderspin et X. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 2002, pp. 18 et 23; comp. cependant M. Fallon,« Les conflits de lois et de juridictions dans un espa-ce économique intégré - L'expérience de la Commu-

nauté européenne », R.C.A.D.I., 1995, t. 253, pp. 9et s., nos 67 et s., pp. 119 et s., et la conclusion nuan-cée, no 82, pp. 148 et s.; A. Nuyts, op. cit., Rev. crit.dr. int. priv., 1999, no 31, pp. 254 et s.(45) M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006, no 30, p. 1345;S. Bariatti, op. cit., Enforcement of International Con-tracts in the European Union, nos 2-6, p. 80;M. Fallon, op. cit., Les conflits de lois et le systèmejuridique communautaire, no 30, pp. 62 et s.; H. MuirWatt, op. cit., The Institutional Framework of Euro-pean Private Law, p. 120; M. Wilderspin et X. Lewis,op. cit., Rev. crit. dr. int. priv., 2002, p. 24. On réser-ve, bien sûr, l'hypothèse d'une règle de conflit discri-minatoire, mais cette question ne se pose pas dansle cadre du règlement Rome II.(46) M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006, no 38, p. 1349;M. Wilderspin et X. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 2002, p. 23. Comp. cependant C.J.C.E., 11 mai2000, Renault, C-38/98, Rec., 2000, I, p. 2973,point 32, où la Cour considère que la seule circons-tance que le droit communautaire, en l'occurrence laliberté de circulation des marchandises et le droit dela concurrence, aurait été mal appliqué ne justifiepas le recours à la clause d'ordre public pour refuserde reconnaître une décision étrangère dans le cadredu règlement Bruxelles I. Bien qu'elle n'ait pas été in-terrogée spécifiquement sur ce point, la Cour sembledonc partir du principe dans cette décision que ledroit communautaire primaire ne peut être invoquédirectement pour faire échec à la reconnaissanced'un jugement étranger, mais doit l'être dans le res-pect de la clause d'ordre public prévue par le règle-ment Bruxelles I. Selon M. Fallon, op. cit., Les con-flits de lois et le système juridique communautaire,no 45, p. 75, note no 145, l'enseignement de cettedécision ne pourrait toutefois être étendu à la matiè-re des conflits de lois.(47) Pour être complet, il convient de préciser que ledroit communautaire primaire peut conduire à l'écar-tement d'une loi rendue applicable, non seulementpar le facteur de rattachement de la règle de conflit,mais également par tout autre mécanisme correcteurde la règle de conflit, tel que l'ordre public (voy. etcomp. C.J.C.E., 24 octobre 1978, Koestler, aff. 15/78, Rec., 1978, p. 1971), les lois de police (C.J.C.E.,23 novembre 1999, Arblade, C-369/96 et C-376/96,Rec., 1999, I, p. 8453, point 31) ou la clause d'ex-ception (voy. M. Wilderspin et X. Lewis, op. cit., Rev.crit. dr. int. priv., 2002, p. 25).

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une véritable entrave à la liberté de circula-tion (48). En outre, même dans ce cas, ellesera néanmoins compatible avec le droitcommunautaire primaire à la condition,lorsqu'elle est indistinctement applicableaux marchandises et/ou aux opérateurs,tant nationaux qu'étrangers (49), de viser unbut légitime et d'être proportionnée à la réa-lisation de ce but (50).

Compte tenu de ces conditions, le droitcommunautaire primaire ne devrait, enrègle générale, pas perturber le fonctionne-ment des règles de conflit prévues par lerèglement Rome II (51). On observera tou-tefois que, dans le domaine de la loi appli-cable aux société, la Cour de justice a, parplusieurs arrêts récents, donné une inter-prétation extensive à la liberté d'établisse-ment, et ce au détriment de l'applicationnormale de la règle de conflit (52). On ne

peut exclure que cette approche extensivegagne à l'avenir d'autres branches des con-flits de lois, et notamment la matière desobligations non contractuelles.

8. — Articulation avec le droit matérielcommunautaire dérivé. — La question estplus délicate encore s'agissant des rapportsentre les règles de droit matériel prévuespar le droit communautaire dérivé et lerèglement Rome II. Deux situations peuventen particulier se présenter.

Premièrement, certaines directives peuventédicter des règles dites d'application immé-diate ou de police, ce qui signifie qu'ellesont vocation à s'appliquer indépendam-ment des règles de conflit de lois. Bien quel 'hypothèse ne soit pas fréquente enmatière non contractuelle, elle est prévuepar l'article 16 du règlement (voy. infra,no 48). La difficulté consiste dans le fait quela nature de ces règles ne découle pasnécessairement d'une formule sacramen-telle, mais doit parfois se déduire de l'éco-nomie de la directive (53).

Deuxièmement, certaines directives com-portent depuis la fin des années 1980 uneclause dite du « marché intérieur » ou du« pays d'origine » (54). L'exemple le plus

(48) L'existence d'une entrave est notamment écar-tée lorsque la loi applicable prévoit des exigences in-distinctement applicables aux produits nationaux etétrangers qui se rapportent aux méthodes de venteplutôt qu'à la composition et au conditionnement duproduit, ou lorsque la restriction au commerce se ré-vèle hypothétique ou aléatoire. Sur ces questions,cons. M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006, no 35, p. 1347;M. Fallon, op. cit., Les conflits de lois et le systèmejuridique communautaire, nos 9 et s., pp. 39 et s.;H. Muir Watt, op. cit., The Institutional Framework ofEuropean Private Law, pp. 122 et s.; A. Nuyts, op.cit., Rev. crit. dr. int. priv., 1999, no 28, pp. 248 et s.;M. Wilderspin et X. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 2002, pp. 19 et s.(49) Ce qui sera normalement le cas. Ainsi, parexemple, l'article 1382 du Code civil belge ne faitaucune distinction selon la nationalité ou la résiden-ce de l'auteur de la faute.(50) Voy. A. Nuyts, op. cit., Rev. crit. dr. int. priv.,1999, nos 29 et s., pp. 250 et s.; M. Wilderspin etX. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int. priv., 2002, pp. 22et s.(51) Voy., brevitatis causa, les développements deH. Muir Watt, op. cit., The Institutional Framework ofEuropean Private Law, pp. 122 et s., etM. Wilderspin et X. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 2002, pp. 30 et s.; adde M. Audit, op. cit., J.D.I.,2006, no 35, pp. 1347 et s., et nos 45 et s., pp. 1352et s.(52) Sur les arrêts Centros, Überseering et InspireArts, cons. notamment R. Jafferali, « L'applicationdu droit belge aux sociétés de droit étranger. Uneesquisse des contours de la lex societatis », R.D.C.,2004, pp. 764 et s., nos 10 et s., pp 771 et s. et réf.citées; G. Panopoulos, « Pour une nouvelle com-préhension du droit international des sociétés à lalumière de la jurisprudence de la Cour de justice : duconflit de lois au conflit d'autorités », Cah. dr. eur.,2006, pp. 697 et s.; P. Wautelet, « Quelques ré-flexions sur la lex societatis dans le Code de droit in-ternational privé », R.P.S., 2006, pp. 5 et s., nos 17et s., p. 21. Adde C.J.C.E. (gr. ch.), 13 décembre2005, Sevic Systems, C-411/03, Rec., 2005, I,p. 10805, J.T., 2006, p. 145, note T. Delvaux,

R.D.C., 2006, p. 404, note J. Wouters, [email protected], 2006/1, p. 7, note H. De Wulf, T.R.V., 2006,p. 241, note M.W. Comp. cependant les conclusionsde M. l’avocat général Poiares Maduro du 22 mai2008 dans l’affaire Cartesio, C-210/06, non encorepubliées au Recueil, points 22 et s., spéc. points 29,32 et 33.(53) Ainsi, par exemple, en matière contractuelle, laCour de justice a considéré que l'observation desarticles 17 à 19 de la directive 86/653/CE, relatifs àla résiliation du contrat d'agence commerciale, étaitnécessaire sur le territoire de toute la Communautépour réaliser les objectifs prévus par le Traité de li-berté d'établissement et de concurrence non faus-sée dans le marché intérieur. Il en résulte que, dèsqu'un agent commercial exerce ses activités sur leterritoire de la Communauté, il doit bénéficier de cesdispositions, indépendamment de la loi à laquelle lesparties ont soumis leur contrat, et ce bien que la di-rective ne l'indique pas expressément (C.J.C.E.,9 novembre 2000, Ingmar, C-381/98, Rec., 2000, I,p. 9305; voy. déjà A. Nuyts, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 1999, no 34, p. 259). Pour une application decette jurisprudence à la matière non contractuelle,cons. M. Fallon, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 20 et s., spéc. no 21 (responsabilité des trans-porteurs aériens), no 22 (propriété intellectuelle) etno 29 (responsabilité du fait des produits).(54) Cons. à ce propos M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006,nos 46 et s., pp. 1352 et s.; A. Cruquenaire avec lacollaboration de C. Lazaro, « La clause de marchéintérieur : clef de voûte de la directive sur le commer-ce électronique », Le commerce électronique euro-péen sur les rails? - Analyse et proposition de mise

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marquant en est sans doute la directive2000/31/CE sur le commerce électronique(55). Cette directive se caractérise parl'adoption de quelques règles matériellesuniformes assez limitées, qui constituent le« domaine harmonisé » de la directive (56),et un « domaine coordonné » beaucoupplus vaste, qui recouvre l'ensemble des« exigences prévues par les systèmes juri-diques des Etats membres et applicablesaux prestataires des services de la sociétéde l ' information ou aux services de lasociété de l'information, qu'elles revêtent uncaractère général ou qu'elles aient été spé-cifiquement conçues pour eux », et notam-ment les « exigences portant sur le compor-tement du prestataire, la qualité ou lecontenu du service, y compris en matièrede publicité et de contrat, ou sur la respon-sabilité du prestataire » (57). Le domaine

coordonné comprend donc, en règle, la res-ponsabilité extracontractuelle qui pèse surun prestataire de service recourant au com-merce électronique, matière égalementcouverte par le règlement Rome II. Dans leslimites du domaine coordonné, la directivepose deux principes complémentaires quiconstituent la clause du marché intérieur :d'une part, la compétence de l'Etat sur leterritoire duquel le prestataire est établi, àsavoir l'Etat d'origine, pour veiller au respectdes « dispositions nationales applicabledans cet Etat membre relevant du domainecoordonné » (article 3.1) et, d'autre part,l'interdiction faite aux autres Etats mem-bres, considérés comme Etats d'accueil, derestreindre la liberté de circulation des ser-vices de la société de l'information en pro-venance de l'Etat d'origine (article 3.2).

Le sens exact de la clause du marché inté-rieur est âprement débattu. A première vue,elle semble conférer compétence exclusiveà la loi interne de l'Etat d'origine pour régirles activités du prestataire, à la manièred'une véritable règle de conflit (58) qui,dans les limites du domaine coordonné,aurait vocation à se substituer entièrementaux règles classiques de conflit de lois etnotamment aux règles prévues par le règle-ment Rome II. Cette première impressionest toutefois démentie par les auteurs de ladirect ive qui ont précisé que cel le-ci« n'établit pas de règles additionnelles dedroit international privé » (59).

La portée de la directive est dès lors malai-sée à déterminer. Certains auteurs considè-rent à cet égard que, dans l'Etat d'origine, ladirective confère aux règles internes rele-vant du domaine coordonné le statut de loisde police écartant les règles normales deconflit de lois (60). Telle semble en tout cas

en œuvre de la directive sur le commerce électroni-que, Namur, F.U.N.D.P. et Bruxelles, Bruylant, 2001,pp. 42 et s.; M. Fallon et J. Meeusen, « Le commer-ce électronique, la directive 2000/31/CE et le droit in-ternational privé », Rev. crit. dr. int. priv., 2002,pp. 435 et s., nos 30 et s., pp. 472 et s.; M. Hellner,« The Country of Origin Principle in the E-commerceDirective - A Conflict with Conflicts of Laws? », Rev.eur. dr. priv., 2004, pp. 193 et s.; M. Wilderspin etX. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int. priv., 2002,pp. 298 et s.(55) Directive 2000/31/CE du Parlement européen etdu Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspectsjuridiques des services de la société de l'information,et notamment du commerce électronique, dans lemarché intérieur (« directive sur le commerceélectronique »), transposée en droit belge par la loidu 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques desservices de la société de l'information. Voy. dans lemême sens la directive dite « télévision sansfrontières » (directive 89/552/CEE du Conseil du3 octobre 1989 visant à la coordination de certainesdispositions législatives, réglementaires et adminis-tratives des Etats membres relatives à l'exerciced'activités de radiodiffusion télévisuelle). Sur le prin-cipe du pays d'origine dans le domaine du droit finan-cier, cons. notamment P.-A. Foriers, S. Hirsch,V. Marquette et R. Jafferali, Les offres publiquesd'acquisition - Le nouveau régime, Bruxelles, Lar-cier, 2008, no 349.(56) Ce domaine harmonisé couvre essentiellementl'accès à l'activité de prestataire de services de la so-ciété de l'information, les communications commer-ciales, la possibilité de conclure un contrat par la voieélectronique et la responsabilité des prestataires in-termédiaires.(57) Article 2, h), de la directive 2000/31. Pour despistes d'interprétation de cette disposition, cons.M. Hellner, op. cit., Rev. eur. dr. priv., 2004, pp. 199et s. Sont cependant exclues du domaine coordonnéles exigences applicables aux biens en tant que tels,à la livraison de biens et aux services qui ne sont pasfournis par voie électronique, ainsi que les questionsreprises à l'annexe de la directive, qui vise notam-ment la liberté des parties de choisir le droit applica-ble à leur contrat, les obligations contractuelles con-

cernant les contrats conclus par les consommateurset la validité formelle des contrats créant ou transfé-rant des droits sur des biens immobiliers lorsque cescontrats sont soumis à des exigences formelles im-pératives selon le droit de l'Etat membre dans lequelle bien immobilier est situé.(58) Voy. en ce sens le considérant no 22 in fine dela directive.(59) Article 1.4 de la directive; adde son considérantno 23.(60) En ce sens, M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006,nos 69 et s., pp. 1360 et s.; A. Cruquenaire etC. Lazaro, op. cit., Le commerce électronique euro-péen sur les rails?, no 91, pp. 49 et s.; M. Fallon etJ. Meeusen, op. cit., Rev. crit. dr. int. priv., 2002,no 43, pp. 486 et s.; S. Francq, « Internet : un mondesans frontières? - La loi applicable aux contrats con-

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être l'interprétation du législateur belge(61). D'autre part, dans l'Etat d'accueil, laclause du marché intérieur jouera un rôlesimilaire à celui du droit communautaire pri-maire (62). Elle ne se substituera donc pasau règlement Rome II mais écartera l'appli-cation de la loi désignée par celui-cilorsqu'elle constitue une entrave à la libertéde prestation de service (63). Toutefois, ladirective va plus loin que le droit commu-

nautaire primaire puisqu'elle subordonneles dérogations à la liberté de prestation deservice à des conditions plus strictes quecelui-ci (64).

Même si une intervention de la Cour de jus-tice sera sans doute nécessaire pour clari-fier ce régime, le praticien gardera toutefoisdès à présent à l'esprit ces questions quidevraient permettre dans certains cas defaire échec à l'application de la loi désignéepar le règlement Rome II.

On notera qu'alors que la proposition dedirective sur les pratiques commercialesdéloyales comportait également une clausedu pays d'origine — laquelle aurait large-ment privé de son sens l'article 6 du règle-ment Rome II — cette clause ne figure plusen tant que telle dans le texte final de ladirective, qui se borne à rappeler les liber-tés de circulation garanties par le droit pri-maire (65).

Dans le même ordre d'idées, rappelonségalement l 'existence de la direct ive« services », issue de la fameuse proposi-tion de directive « Bolkestein » (66). Dans

clus sur Internet », Rev. Ubiquité, 2000/7, pp. 47 ets., spéc. p. 65 (qui paraît toutefois considérer queseule la loi de transposition de la directive, et nontout le domaine coordonné par celle-ci, serait appli-cable au prestataire de services); M. Hellner, op. cit.,Rev. eur. dr. priv., 2004, pp. 206 et s.; contra :H. Muir Watt, op. cit., The Institutional Framework ofEuropean Private Law, p. 124, note no 70 etM. Wilderspin et X. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 2002, pp. 302 et s., pour qui les « dispositionsnationales » visées par l'article 3.1 de la directive in-cluent les règles de conflit de lois de l'Etat d'origine.Cette seconde interprétation, qui n'est pas sans rap-peler la technique du renvoi (comme l'observeM. Hellner, op. cit., Rev. eur. dr. priv., 2004, pp. 204et s.), aboutit en pratique à priver l'article 3.1 de la di-rective de tout effet utile, même s'il est vrai qu'un re-proche similaire pourrait être adressé à la premièreinterprétation à propos de l'article 1.4 de la directive.(61) Voy. l'article 5, alinéa 1er, de la loi précitée du11 mars 2003 : « La fourniture de services de la so-ciété de l'information par un prestataire établi sur leterritoire belge doit être conforme aux exigences ap-plicables en Belgique », et l'exposé des motifs, Doc.parl., Ch., sess. ord., 2002-2003, doc. 50-2100/001,p. 5. Il est vrai, cependant, que, pour déterminer les« exigences applicables en Belgique », le texte n'ex-clut pas formellement de recourir aux règles du droitinternational privé belge.(62) A. Cruquenaire et C. Lazaro, op. cit., Le com-merce électronique européen sur les rails?, no 110,p. 6; voy. supra, no 7.(63) M. Fallon et J. Meeusen, op. cit., Rev. crit. dr.int. priv., 2002, no 41, p. 485; M. Wilderspin etX. Lewis, op. cit., Rev. crit. dr. int. priv., 2002, p. 303;X, op. cit., C.M.L.R., 2007, vol. 44, p. 1572. C'est ensens qu'il faudrait lire le considérant no 35, alinéa 2,du règlement Rome II : « Le présent règlement nedevrait pas affecter l'application d'autres instrumentsfixant des dispositions destinées à favoriser le bonfonctionnement du marché intérieur, dans la mesureoù ces dispositions ne peuvent s'appliquer conjointe-ment avec la loi désignée par les règles du présentrèglement. L'application des dispositions de la loi ap-plicable désignée par les règles du présent règle-ment ne devraient pas restreindre la libre circulationdes biens et des services telle qu'elle est réglemen-tée par les instruments communautaires, par exem-ple la directive 2000/31/CE du Parlement européenet du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains as-pects juridiques des services de la société de l'infor-mation, et notamment du commerce électronique,dans le marché intérieur (“directive sur le commerceélectronique”) ». Voy. dans le même sens le consi-dérant no 23, deuxième phrase, de la directive 2000/31. Comp. cependant M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006,nos 69 et s., pp. 1360 et s., qui semble considérerque, dans l'Etat d'accueil, la clause du marché inté-rieur confère le caractère de lois de police aux lois de

l'Etat d'origine, et dans un sens similaire M. Hellner,op. cit., Rev. eur. dr. priv., 2004, pp. 208 et s.(64) Voy. l'article 3.4 de la directive. Certains auteursse sont néanmoins interrogés sur le point de savoirsi, dans le domaine non harmonisé de la directive,des exigences impérieuses non visées par cetarticle 3.4 pourraient justifier une entorse à la règledu pays d'origine : voy. A. Cruquenaire et C. Lazaro,op. cit., Le commerce électronique européen sur lesrails?, nos 165 et s., pp. 89 et s.(65) Comp. l'article 4 de la proposition de directive,COM(2003) 356 final, et l'article 4 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales dé-loyales des entreprises vis-à-vis des consommateursdans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Con-seil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlementeuropéen et du Conseil (« directive sur les pratiquescommerciales déloyales ») (pour cette observation,M. Audit, op. cit., J.D.I., 2006, no 59, p. 1357, noteno 86). Sur les réactions de certains Etats membres etde la Commission provoquées par la suppression dela clause du pays d'origine, cons. l'annexe II du projetde procès-verbal de la réunion du Conseil du 15 juin2004, doc. 9586/04, pp. 13 et s.(66) Directive 2006/123/CE du Parlement européenet du Conseil relative aux services dans le marchéintérieur, devant être transposée pour le 28 décem-bre 2009. Sur la clause du pays d'origine dans la pro-position de directive « Bolkestein » et son impact endroit international privé, cons. O. De Schutter etS. Francq, op. cit., Cah. dr. eur., 2005, nos 43 et s.,pp. 640 et s., et sur la version définitive du texte,M. Fallon et A.-C. Simon, « La directive “services” :quelle contribution au marché intérieur? », J.T.D.E.,2007, pp. 33 et s.

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sa version initiale, la proposition de directivevisait à introduire une clause du pays d'ori-gine pour l'ensemble des services du mar-ché intérieur. Le texte final adopté ne com-por te pas de telle clause et répète ensubstance le principe de la liberté de pres-tation de service reconnue par le droit pri-maire, en codifiant à droit plus ou moinsconstant la jurisprudence de la Cour de jus-tice sur les conditions auxquelles une res-triction à cette liberté peut être apportée(67).

Pour ces deux dernières directives, le rai-sonnement à suivre sera donc similaire àcelui proposé pour évaluer les rapportsentre le règlement Rome II et le droit pri-maire (68).

9. — Articulation avec le droit extracom-munautaire (69). — L'article 28 du règle-ment accorde la primauté aux conventionsinternationales qui répondent à une tripleexigence : (i) il doit s'agir de conventionsantérieures au règlement, en ce sens qu'unou plusieurs Etats membres y sont partieslors de l 'adoption du règlement (70);(ii) elles doivent comporter des règles deconflits de lois (71); et (iii) elles doivent êtreconclues au moins pour partie avec desEtats tiers (72). Une liste de ces conven-

tions devra être publiée par la Commissionau plus tard le 11 janvier 2009 (73).

L'importance pratique de cette dispositionne doit pas être sous-estimée. Elle con-cerne en effet au premier chef deux Con-ventions de La Haye, l'une de 1971 sur la loiapplicable aux accidents de la circulationroutière (74), l'autre de 1973 sur la loi appli-cable à la responsabilité du fait des produits(75). Si la seconde de ces conventions n'apas été ratifiée par la Belgique, celle-ci esten revanche liée par la première. En prati-que, cela signifie donc qu'alors qu'une par-tie importante du contentieux transnationalde la responsabilité est constitué par lesaccidents de la route, le juge belge conti-nuera à l'avenir, sauf dénonciation de laConvention de La Haye de 1971 (76), àtrancher ces litiges en faisant application decette Convention plutôt que du règlementRome II (77), et ce même dans les rapportsavec les autres Etats membres (78). Parailleurs, en matière de responsabilité du faitdes produits, le juge belge appliquera cer-tes le règlement Rome II, mais ses voisinsfrançais, hollandais ou luxembourgeoisappliqueront de leur côté la Convention deLa Haye de 1973, dont les solutions ne

(67) Voy. l'article 16 de la directive. La directive affir-me par ailleurs avec force qu'elle ne porte pas attein-te aux règles de droit international privé, lesquellescontinuent à déterminer la loi applicable aux obliga-tions tant contractuelles que non contractuelles (voy.le considérant no 90 et les articles 3.2 et 17, 15, de ladirective).(68) Voy. supra, no 7.(69) Cons. M. Fallon, op. cit., à paraître à la R.D.C.,2008/6; adde C. Brière, « Réflexions sur les interac-tions entre la proposition de règlement “Rome II” etles conventions internationales », J.D.I., 2005,pp. 677 et s. Cette question a également fait l'objetd'une étude du 22 mars 2006 par le service juridiquedu Conseil (doc. 7645/06), dont le contenu est ce-pendant partiellement confidentiel.(70) Il résulte a contrario de cette disposition qu'unEtat membre ne pourra plus, à l'avenir, ratifier denouvelles conventions dans le domaine couvert parle règlement (F. Guerchoun et S. Piedelièvre, op.cit., Gaz. pal., no 16, p. 12; C. Nourissat etE. Treppoz, op. cit., J.D.I., 2003, no 19, p. 20). Eneffet, cette matière relève désormais de la compé-tence externe exclusive de la Communauté(C. Brière, op. cit., J.D.I., 2005, no 16, p. 690). Voy.cependant le considérant no 37 du règlement.(71) Sur les rapports entre le règlement et les con-ventions de droit matériel uniforme, cons. M. Fallon,op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 16 et s.(72) En revanche, le règlement prime sur les con-ventions conclues exclusivement entre deux ou plu-sieurs Etats membres (article 28.2 du règlement).

(73) Voy. l'article 29 du règlement.(74) Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loiapplicable en matière d'accidents de la circulationroutière, ratifiée à ce jour par l'Autriche, le Bélarus, laBelgique, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'Espa-gne, l'ex-république yougoslave de Macédoine, laFrance, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, leMonténégro, les Pays-Bas, la Pologne, la républiquetchèque, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et laSuisse (pour plus de détails, cons. http://www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.sta-tus&cid=81). Cette Convention est notamment appli-cable à l'action fondée sur l'article 29bis de la loi du21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoirede la responsabilité en matière de véhicules automo-teurs (Cass., 19 mars 2004, Pas., 2004, no 156,avec les conclusions de M. l'avocat général Werquin,R.G.A.R., 2004, no 13.941, note C. Barbé).(75) Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur laloi applicable à la responsabilité du fait des produits,ratifiée à ce jour par la Croatie, l'Espagne, l'ex-répu-blique yougoslave de Macédoine, la Finlande, laFrance, le Luxembourg, le Monténégro, la Norvège,les Pays-Bas, la Serbie et la Slovénie (pour plus dedétails, cons. http://www.hcch.net/index_fr.php?act=conventions.status&cid=84).(76) Voy. l'article 20 de la Convention.(77) Sous réserve des questions exclues du champd'application de la Convention par son article 2; addeinfra, note no 279.(78) Voy., de manière très claire, la communicationde la Commission sur la position commune, p. 5;contra, mais à tort : F. Guerchoun et S. Piedelièvre,op. cit., Gaz. pal., no 16, p. 12.

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coïncideront pas nécessairement avec celledu règlement. Les risques de forum shop-ping et de distorsion de la concurrenceentre entreprises ne sont dès lors pas min-ces (79).

Ces deux Conventions de La Haye ne sontpas les seuls traités qui conservent la pri-mauté sur le règlement. On songe égale-ment aux nombreuses conventions con-clues en matière de propriété intellectuelle(80) et de droit de l'environnement (81).

10. — Articulation avec le droit national.— Compte tenu tant de la primauté du droitcommunautaire sur le droit interne (82) quedu caractère universel du règlementRome II (83), celui-ci a vocation à se substi-tuer entièrement aux règles de conflit delois nationales. Les articles 99 à 104, 106 et107 du Code de droit international privéseront donc en principe écartés au profit durèglement, sauf pour les matières excluesdu champ d'application de celui-ci.

A cet égard, on notera que, lors de l'adop-tion du Code, le législateur avait tenucompte des travaux alors en cours sur leprojet de règlement Rome II (84). Par con-séquent, l'application du règlement ne cons-tituera pas un bouleversement fondamentaldes règles de conflit belges, même si lessolutions retenues diffèrent sur certainspoints particuliers. Il pourrait par ailleursêtre envisagé d'insérer dans le Code, à desfins didactiques, un renvoi au règlementRome II , à la manière de ce que fai t

l'article 98 du Code pour la Convention deRome.

Enfin, si le règlement se substitue auxrègles de conflit nationales, les lois depolice nationales pourront quant à ellesencore trouver à s'appliquer (85). Il n'y a làaucune entorse à la primauté du règlement,cette possibilité étant expressément prévuepar l'article 16 de celui-ci.

III. — CHAMP D'APPLICATION

A. — Champ d'application matériel

11. — Objet du règlement. — Le champd'application matériel du règlement estdéterminé par son article 1er (86). Cet ins-trument détermine, en cas de conflit de lois(no 12), en matière civile et commerciale(no 13), la loi applicable à une obligationnon contractuelle (no 14) qui n'est pasexclue du champ d'application du règlement(no 15).

12. — Nécessité d'un conflit de lois. —Le règlement Rome II ne s'applique que« dans les situations comportant un conflitde lois » (article 1.1) (87). Cette expression,qui figurait déjà dans la Convention deRome, vise toutes les « situations qui com-portent un ou plusieurs éléments d'extra-néité par rapport à la vie sociale interned'un pays et qui donnent vocation à s'appli-quer à plusieurs systèmes juridiques » (88).Il suffit donc, par exemple, que l'une desparties soit de nationalité étrangère, résideou soit domiciliée à l'étranger, ou qu'un deséléments constitutifs de l'obligation noncontractuelle (tel que la faute ou le dom-mage) se soit produit, au moins partielle-ment, à l'étranger, pour que le règlementtrouve à s'appliquer (extranéité objective)(89). Le règlement va même plus loin ens'appliquant à une situation dont tous leséléments seraient rattachés à un Etat déter-miné, lorsque les parties décident de sou-

(79) Sur l'insistance du Parlement européen, laCommission s'est néanmoins engagée à réexaminerla question des rapports entre le règlement Rome IIet la Convention de La Haye de 1971 (voy.l'article 30.1, ii), du règlement et la deuxième décla-ration de la Commission y annexée).(80) Pour autant qu'elles puissent s'interpréter com-me comportant des règles de conflit de lois : voy. in-fra, no 30 et note no 226.(81) Cons. à ce propos M. Fallon, B. Fauvarque-Cosson et S. Francq, « Le régime du risque trans-frontière et la responsabilité environnementale : enmarche vers un droit spécial des conflits de lois? -Rapport franco-belge », Les responsabilités environ-nementales dans l'espace européen - Points de vuefranco-belge, Zürich, Schulthess, Bruxelles, Bruylantet Paris, L.G.D.J., 2006, pp. 547 et s., nos 64 et s.,pp. 614 et s.(82) Principe rappelé par l'article 2 du Code de droitinternational privé (loi du 16 juillet 2004 portant leCode de droit international privé).(83) Voy. infra, no 18.(84) Voy. le rapport fait au nom de la commission dela justice par Mme Nyssens et M. Willems, Doc.parl., Sénat, s.e., 2003, no 3-27/7, pp. 176 et s.

(85) Voy. infra, no 48.(86) Cons. à ce propos B. Volders, « Niet-contrac-tuele verbintenissen en Rome II - Commentaar bij deartikelen 1 en 2 Rome II », à paraître à la R.D.C.,2008/6.(87) Sur cette question, cons. T. Kruger, « Wanneeris een zaak “internationaal” voor het EuropeseIPR? », R.D.C., 2006, pp. 941 et s., spéc. pp. 946 ets.(88) Proposition initiale de la Commission, p. 9.(89) Comp. rapport Giuliano-Lagarde, commentairede l'article 1er, no 1, p. 10.

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mettre leur situation à une loi étrangère(extranéité subjective). Il comporte toute-fois dans ce dernier cas une dispositionvisant à éviter une fraude aux dispositionsimpératives locales (90).

13. — Matière civile et commerciale. —Le règlement Rome II ne s'applique qu'auxobligations non contractuelles « relevant dela matière civile et commerciale ». Cetteexpression exclut en particulier les matièresfiscales, douanières et administratives, ainsique la responsabilité de l'Etat pour les acteset omissions commis dans l'exercice de lapuissance publique, ou acta iure imperii(article 1.1).

La matière civile et commerciale constitueune notion autonome bien connue, issue durèglement Bruxelles I et dont la jurispru-dence de la Cour de justice a contribué àéclaircir les traits. Elle coïncide en subs-tance avec le domaine du droit privé (91).La principale question que la Cour de jus-tice a dû résoudre est celle de savoir si lesrelations entre une personne privée et uneautorité publique échappent à la matièrecivile et commerciale. Elle a considéré qu'iln'en allait ainsi que lorsque l'autorité publi-que agit dans l'exercice de la puissancepublique, à savoir qu'el le exerce des« pouvoirs exorbitants par rappor t auxrègles de droit commun applicables dansles relations entre particuliers » (92).

Ainsi, par exemple, une action en responsa-bilité dirigée contre l'Etat allemand en rai-son d'un massacre de civils commis enGrèce par les forces armées allemande en1943 échappe manifestement à la matièrecivile et commerciale (93). En revanche,l'action récursoire par laquelle « un orga-nisme public poursuit auprès d'une per-sonne de droit privé le recouvrement desommes qu' i l a versées à t i tre d'aidesociale » relève de la matière civile et com-merciale « pour autant que le fondement etles modalités d'exercice de cette action sontrégis par les règles du droit commun » (enl'espèce en matière d'obligation alimen-taire). Si, par contre, « l'action récursoire estfondée sur des dispositions par lesquellesle législateur a conféré à l'organisme public

une prérogative propre, ladite action nepeut pas être considérée comme relevantde la “matière civile” » (94).

On notera encore que l'exclusion des actesjure imperii du champ d'application durèglement s'étend également à la responsa-bilité personnelle des organes et agents del'Etat agissant dans l'exercice de la puis-sance publique (95).

Quelle loi faut-il appliquer en présenced'une obligation non contractuelle relevantde l'exercice de la puissance publique? Lorsde l'adoption du Code de droit internationalprivé, le législateur belge semble avoirmanifesté l'intention de soumettre les auto-rités publiques aux mêmes règles de ratta-chement que les personnes privées, dumoins en matière d'obligations dérivant d'unfait dommageable (articles 99 et suivants duCode) (96). La question est toutefois déli-cate, dès lors qu'à l'instar du règlementRome II, le Code ne s'applique qu'enmatière civile et commerciale (article 2 duCode) (97).

14. — Obligation non contractuelle. — Lerèglement Rome II ne s'applique qu'aux

(90) Article 14.2 du règlement; voy. infra, no 46.(91) En ce sens, conclusions de M. l'avocat généralDàmaso avant C.J.C.E., 15 février 2007, Lechouri-tou, C-292/05, Rec., 2007, I, p. 1519, point 35.(92) Arrêt Lechouritou précité, point 34 et réf. citées.(93) Ibid., points 35 et s.

(94) C.J.C.E., 14 novembre 2002, Baten, C-271/00,point 37. Voy. dans le même sens C.J.C.E.,15 janvier 2004, Blijdenstein, C-433/01, Rec., 2004,I, p. 981, point 21, où la Cour relève que la subroga-tion légale en cause était soumise aux règles du droitcivil. Par conséquent, une action en répétition de l'in-du introduite par une autorité publique à l'encontred'un particulier sera soumise aux règles de conflit durèglement Rome II lorsque le droit de la sécurité so-ciale ne déroge pas au droit commun, en prévoyantpar exemple un délai de prescription particulier. Demême, le règlement déterminera la loi applicable àune culpa in contrahendo commise par l'Etat dans lanégociation d'un contrat commercial, mais non ànotre sens à l'action en responsabilité introduite con-tre les pouvoirs publics en raison par exemple d'unesignalisation routière défectueuse.(95) Voy. le considérant no 9 du règlement. En droitinternational, ces personnes jouissent d'ailleurs del'immunité de juridiction de l'Etat (voy. l'article 2.1, b),de la Convention des Nations unies du 2 décembre2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et deleurs biens, A/RES/59/38, et le projet d'articles y re-latif de la Commission du droit international, Ann.C.D.I., 1991, vol. II(2), pp. 13 et s., spéc. pp. 14 ets.).(96) Voy. M. Fallon, B. Fauvarque-Cosson etS. Francq, op. cit., Les responsabilités environne-mentales dans l'espace européen, nos 61 et s.,pp. 607 et s., spéc. no 63, pp. 613 et s.; M. Fallon,op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, no 10.(97) Voy. B. Docquir, V. de Francquen, M. Grégoire,R. Jafferali, M. Lamensch, V. Marquette et M.-D.Weinberger, « Le droit international privé économi-que - Exposé général du nouveau droit positifbelge », R.G.D.C., 2005, pp. 573 et s., no 90,pp. 589 et s.

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obligations non contractuelles (article 1.1).D'après le préambule du règlement, il s'agitd'une notion autonome, qui recouvrenotamment la responsabilité tant objectiveque délictuelle (98). Le règlement précisequ'il s'applique également aux « obligationsnon con t rac tue l les suscep t ib les desurvenir » (articles 2.2 et 2.3), c'est-à-direaux actions en responsabilité tendant à pré-venir l'apparition ou l'aggravation d'un dom-mage, telles qu'une action en cessation(99).

En réalité, le règlement régit principalementla responsabilité résultant d'un fait domma-geable, qui correspond à la « matière délic-tuelle ou quasi délictuelle » visée parl'ar ticle 5, 3), du règlement Bruxelles I.Selon la Cour de justice, la matière délic-tuel le es t subs id ia i re à la « mat ièrecontractuelle » visée à l'article 5, 1), durèglement Bruxelles I (100), laquelle sup-pose un « engagement librement assuméd'une partie envers une autre » (101). Laresponsabilité contractuelle ne relève doncpas du règlement Rome II mais de la Con-vention de Rome et, à terme, du futur règle-ment Rome I. La théorie des troubles devoisinage constitue quant à elle une formede responsabilité extracontractuelle objec-tive (102), et relève dès lors bien du règle-ment. Celui-ci s'appliquera également à laresponsabilité du « troisième type » instau-rée par la directive sur la responsabilité enmatière de produits défectueux (103), dès

lors qu'elle tend également à notre sens àl'indemnisation des conséquences d'un faitdommageable sur une base non contrac-tuelle.

Le règlement Rome II comporte égalementdes dispositions particulières relatives à laresponsabilité précontractuelle fondée surune culpa in contrahendo, ainsi qu'aux obli-gations quasi contractuelles, à savoir l'enri-chissement sans cause, le paiement indu etla gestion d'affaires.

En revanche, et bien qu'il ne comporte pasd'exclusion expresse à ce propos, le règle-ment Rome II ne s'applique pas à notresens à d'autres obligations qui, sensustricto, pourraient également être qualifiéesde non contractuelles (104). Ainsi, un enga-gement par déclaration unilatérale devolonté ne pourrait à notre sens être régipar le règlement Rome II, à défaut pourcelui-ci de comporter de règle de conflit yrelative (105).

15. — Exclusions. — Comme la Conven-tion de Rome, le règlement Rome II énu-mère une série de matières exclues de sonchamp d'application. En réalité, il s'agit biensouvent plus d'une délimitation du domainedes différentes règles de conflit que de véri-tables exclusions. Dans la mesure où il

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(98) Voy. les considérants nos 11 et 12 du règlement.(99) Cette précision est issue de la jurisprudence(C.J.C.E., 5 février 2004, DFDS Torline, C-18/02,Rec., 2004, I, p. 1417, point 27 et réf. citée), consa-crée à l'article 5, 3), du règlement Bruxelles I.(100) C.J.C.E., 20 janvier 2005, Engler, C-27/02,Rec., 2005, I, p. 481, point 29 et réf. citées. Cetteanalyse vaut également en matière de conflit de lois(proposition initiale de la Commission, p. 8).(101) Arrêt Engler précité, point 50 et réf. citées. Surles difficultés de qualification de l'action directe dansune chaîne de contrats, cons. M. Petergàs, « Thenotion of contractual obligation in Brussels I andRome I », Enforcement of International Contracts inthe European Union - Convergence and divergencebetween Brussels I and Rome I, Antwerp, Oxford etNew York, Intersentia, 2004, pp. 175 et s., nos 5-24,p. 183; adde les réf. citées par B. Docquir, V. deFrancquen, M. Grégoire, R. Jafferali, M. Lamensch,V. Marquette et M.-D. Weinberger, op. cit.,R.G.D.C., 2005, no 96, p. 591, note no 84.(102) L. Cornelis, Principes du droit belge de la res-ponsabilité extracontractuelle, Bruxelles, Bruylant,Antwerpen et Apeldoorn, Maklu Uitgevers et Bruxel-les, CED-Samsom, 1991, no 422, p. 704.(103) Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet1985 relative au rapprochement des dispositions lé-

gislatives, réglementaires et administratives desEtats membres en matière de responsabilité du faitdes produits défectueux, transposée en droit belgepar la loi du 25 février 1991 relative à la responsabi-lité du fait des produits défectueux. L'article 13 de ladirective précise qu'elle ne prive pas la victime dudroit de demander la réparation de son dommagedont elle disposerait sur la base du droit de la res-ponsabilité contractuelle ou extracontractuelle.(104) Dans le même sens, C. Tubeuf, « Enrichisse-ment sans cause, gestion d'affaires et culpa incontrahendo », à paraître à la R.D.C., 2008/6, no 12.(105) En effet, un engagement par déclaration unila-térale de volonté n'est pas à notre sens un fait dom-mageable (voy. et comp., dans le même sens, lesconclusions de M. l'avocat général Jacobs avantl'arrêt Engler précité, point 52 et s.), et encore moinsune culpa in contrahendo, un enrichissement sanscause ou une gestion d'affaire. Il devrait dès lors, enprincipe, être régi par la loi déterminée parl'article 105 du Code de droit international privé. Ilconvient toutefois de réserver le cas des actes unila-téraux relatifs à un contrat conclu ou à conclure, telsqu'une offre de contracter (voy. Doc. parl., Sénat,sess. ord., 2001-2002, no 2-1225/1, p. 128 et le rap-port Giuliano-Lagarde, pp. 28 et s.). En outre, laCour de justice paraît disposée à considérer qu'unengagement par déclaration unilatérale de volontéconstitue un « engagement librement assumé » quirelèverait, dès lors, de la matière contractuelle en-tendue dans un sens autonome (voy. l'arrêt Englerprécité, points 50 et s.; voy. cependant le rapportGiuliano-Lagarde, p. 29).

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s'agit d'exceptions au champ d'applicationdu règlement, elles doivent être interprétéesrestrictivement (106).

Tout d'abord, le règlement ne trouve pas às'appliquer en droit de la famille. Ainsi, il nerégit pas les obligations non contractuellesqui découlent (107), soit « de relations defamille ou de relations qui, selon la loi quileur est applicable, ont des effets compara-bles (108), y compris les obligations

alimentaires » [article 1.2, a)], soit « desrégimes matrimoniaux [ou] des régimespatrimoniaux relatifs aux relations qui, selonla loi qui leur est applicable, ont des effetscomparables au mariage et aux succes-sions » [article 1.2, b)]. Ainsi, par exemple,une action en responsabilité pour ruptureabusive des fiançailles ne serait à notresens pas régie par le règlement, mais par laloi déterminée conformément à l'article 45du Code de droit international privé (109).En revanche, la capacité aquilienne (c'est-à-dire l'âge à partir duquel un enfant estapte à engager sa responsabilité quasidélictuelle) relève de la loi déterminée par lerèglement (110).

Le règlement exclut ensuite de son champd'application « les obligations non contrac-tuelles nées de lettres de change, de chè-ques, de billets à ordre ainsi que d'autresinstruments négociables, dans la mesureoù les obligations nées de ces autres instru-

(106) Proposition initiale de la Commission, p. 10.(107) A notre sens, l'application du règlement n'estexclue que lorsque l'obligation non contractuelle estrégie par des règles dérogatoires au droit commun,ou qui du moins ne peuvent s'appliquer que dans lesrelations de famille. En revanche, le règlement nesera pas écarté par la seule circonstance que lesparties en présence sont apparentées, par exempledans l'hypothèse de coups et blessures entre époux(comp. supra, no 13, sur ce que le règlement n'estpas exclu du seul fait que l'une des parties a la qua-lité d'autorité publique). Par contre, une immunité deresponsabilité découlant de la qualité d'époux relèveselon nous de leur statut personnel (voy. en ce sensle commentaire de l'article 1er de la proposition duG.E.D.I.P.; comp. la proposition initiale de la Com-mission, p. 25, qui ne semble pas tenir compte del'exclusion des relations de famille du champ d'appli-cation du règlement).(108) La portée de cette périphrase est malaisée àcerner. A l'origine, le texte visait les relations de fa-mille et les « relations assimilées », cette expressionne figurant qu'au point a) et non au point b) del'article 1.2 (proposition initiale de la Commission,p. 35). Le Parlement a ensuite proposé de viser aupoint b) les « régimes de propriété dans le cadre derelations réputées avoir, en vertu de la loi applicable,des effets similaires à ceux du mariage » en vue depréciser que « le régime des biens dans une relationmatrimoniale n'est pas le seul à être exclu du champd'application matériel du règlement; celui d'une rela-tion juridique apparentée (communauté de vie extra-conjugale, par exemple) l'est aussi » (rapport du Par-lement européen en première lecture, p. 15). Peut-on cependant considérer qu'un simple concubinage,à l'exclusion de toute relation juridiquement organi-sée telle qu'une forme de cohabitation légale, puisseavoir des effets juridiques similaires à ceux d'un ma-riage? Quoi qu'il en soit, la Commission a déclaré re-prendre cette idée en visant les relations de familleet les « relations qui produisent des effets compara-bles en vertu de la loi applicable à ces relations », etce tant au point a) qu'au point b) de l'article 1.2 (pro-position modifiée de la Commission, p. 13). La for-mule se retrouve, sous réserve d'une très légère re-formulation, dans la position commune du Conseil(p. 11) qui a donné lieu au texte définitif du règle-ment. Plusieurs observations doivent être à cetégard être faites. Premièrement, la formule retenueest plus large que celle préconisée par le Parlement,puisqu'elle vise non seulement les relations compa-rables au mariage, mais également à d'autres typesde relations de famille, telles que par exemple la filia-tion. Deuxièmement, le règlement comporte unecontradiction car, alors que son article 1.2 prévoitque la notion de relations qui ont des effets compa-rables doit être appréciée selon la loi qui leur est ap-plicable, le considérant no 10 du règlement, égale-

ment issu de la position commune, prévoit quant à luide s'en référer à la lex fori (comme le relève leG.E.D.I.P. lors de sa dix-septième réunion tenue àHambourg les 14-16 septembre 2007 : voy. le comp-te rendu des séances de travail, point II, accessiblesur http://www.gedip-egpil.eu/reunionstravail/gedip-reunions-17t-fr.html). Troisièmement et enfin, indé-pendamment de la loi de référence, la formule rete-nue nous paraît receler une ambiguïté fondamenta-le. On croit comprendre, en effet, que le législateureuropéen avait en vue les nouvelles formes de par-tenariat organisé qui font leur apparition dans le droitdes Etats aux côtés de la traditionnelle institution dumariage. Parmi celles-ci, certaines sont suffisam-ment comparables à un mariage pour entrer dans lacatégorie « mariage » du droit international privé,même s'il ne s'agit pas d'un mariage au sens du droitinterne du for. Elles étaient, dès lors, déjà, à ce titre,exclues du champ d'application du règlementRome II. D'autres institutions, telles la cohabitationlégale ou le P.A.C.S., se caractérisent quant à ellespar le fait qu'elles n'ont pas d'effets comparables àceux d'un mariage (voy. l'article 58 du Code de droitinternational privé; adde la circulaire du 29 mai 2007modifiant la circulaire du 23 septembre 2004 relativeaux aspects de la loi du 16 juillet 2004 portant leCode de droit international privé concernant le statutpersonnel, M.B., 31 mai 2007, 1re éd., p. 29.469).Paradoxalement, la formule retenue à l'article 1.2 durèglement Rome II risque donc de ne pas exclure deson champ d'application les obligation non contrac-tuelles découlant de ces dernières institutions, alorsque c'est sans doute celles-ci que le législateur euro-péen avait à l'esprit lors de la rédaction de cette dis-position. On pense, par exemple, à l'action en res-ponsabilité pour rupture abusive d'une cohabitationlégale.(109) Comp. toutefois Unité de droit international pri-vé de l'Université libre de Bruxelles, op. cit. à la noteno 3, no 7, p. 5.(110) Article 15, a), du règlement; proposition modi-fiée de la Commission, p. 2.

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ments dé r i ven t de leu r ca rac tè renégociable » [article 1.2, c)] (111).

Sont également exclues les obligationsdécoulant du droit des sociétés, des asso-ciations et des personnes morales en géné-ral (voy. l'article 1.2, d). Cette exclusion doitêtre raisonnablement comprise (112). Ainsi,s'il ne fait pas de doute que la responsabilitéd'un administrateur pour violation des sta-tuts ou du droit des sociétés relève de la lexsocietatis et non de la loi déterminée par lerèglement Rome II (113), il est tout aussiclair que la responsabilité aquilienne de lasociété elle-même doit être fixée conformé-ment au règlement (114). Par ailleurs, ilnous semble que la responsabilité desadministrateurs vis-à-vis des tiers en raisond'un manquement au devoir général de pru-dence, c'est-à-dire conformément auxrègles du droit commun, ne relève pas de laloi de la société, mais entre au contrairedans le champ d'application du règlement(115). Enfin, on notera que la responsabilitépersonnelle des auditeurs n'est exclue duchamp d'application du règlement que « vis-à-vis de la société ou vis-à-vis de ses orga-nes chargés du contrôle légal des docu-ments comptables ». Cette précision sem-ble avoir pour but de soumettre en revanchela responsabilité de ces auditeurs vis-à-visde tiers tels que l'acquéreur de la société aurèglement Rome II (116).

Le règlement exclut encore de son champd'application les obligations contractuellesdécoulant d'un trust [article 1.2, e)]. A la dif-férence de la Convention de Rome, cetteexclusion ne porte toutefois que sur lestrusts créés volontairement, c'est-à-dire enréalité les express trusts. Cette précision apour but de permettre l'application du règle-ment aux constructive trusts, à savoir destrusts d'origine jurisprudentielle qui visent àremédier à une situation d'enrichissementsans cause (117).

Une autre exclusion porte sur les obliga-tions non contractuelles découlant d'undommage nucléaire [article 1.2, f)], ce quis'explique tant par l'importance des enjeuxéconomiques et étatiques que par l'exis-tence de conventions internationales en lamatière (118).

Une exclusion importante en pratique con-cerne les obligations découlant « d'atteintesà la vie privée et aux droits de la personna-lité, y compris la diffamation » [article 1.2,g)]. Cette exclusion s'explique par l'impossi-bilité de dégager un accord politique entreles Etats membres, compte tenu notam-ment des pressions exercées par le puis-sant lobby des médias qui craignaient quel'application d'une loi autre que celle dusiège de l'éditeur ne constitue une entrave àla liberté d'expression (119). Le juge belgecontinuera donc à appliquer en la matière laloi désignée par l'ar ticle 99, § 2, 1o, duCode de droit international privé. Reste à

-

(111) Ces obligations sont en effet déjà régies parles Conventions de Genève de 1930 et 1931; voy. laproposition initiale de la Commission, p. 9, et le rap-port Giuliano-Lagarde, commentaire de l'article 1er,no 4, p. 11.(112) Ainsi, en dépit d'une exclusion formulée en destermes presque identiques dans la Convention deRome, on admet que celle-ci s'applique aux conven-tions d'actionnaires, sauf dans la mesure où elles af-fectent le fonctionnement de la société (R. Jafferali,op. cit., R.D.C., 2004, no 35, pp. 779 et s.). Ici enco-re, le critère semble donc être de savoir si le rapportde droit est soumis au droit commun (en l'occurren-ce, le droit des contrats) ou à un droit spécifique (enl'occurrence, le droit des sociétés); comp. supra,no 13 et note no 107.(113) Article 111, § 1er, 9o, du Code de droit interna-tional privé.(114) Arg. article 23.1 du règlement.(115) Voy. R. Jafferali, op. cit., R.D.C., 2004, no 49,p. 784 et réf. citées; contra : F. Guerchoun etS. Piedelièvre, op. cit., Gaz. pal., 21-23 octobre2007, no 13, p. 10.(116) Voy. la note du 26 mai 2004 de la délégationdu Royaume-Uni au Comité sur les questions dedroit civil (Rome II) du Conseil, doc. 9009/04 ADD15, p. 1.

(117) Rapport du Parlement européen en premièrelecture, p. 16. On sait en effet que dans les droitsanglo-américains, la personne qui s'enrichit injuste-ment aux dépens d'autrui peut, à certaines condi-tions, être considérée comme ne détenant l'enrichis-sement qu'en qualité de constructive trustee pour lecompte de l'appauvri (voy. K. Zweigert et H. Kötz, In-troduction to Comparative Law, 3e éd., trad. T. Weir,Oxford, Clarendon Press, 1998, pp. 559 et s.).(118) Voy. la proposition initiale de la Commission,p. 10; cons. également M. Fallon, B. Fauvarque-Cosson et S. Francq, op. cit., Les responsabilités en-vironnementales dans l'espace européen, nos 71 ets., pp. 623 et s.; Hamburg Group for Private Interna-tional Law, op. cit. à la note no 3, pp. 5 et s.(119) Voy. le rapport du Parlement européen en pre-mière lecture, p. 23, la proposition modifiée de laCommission, p. 7, et l'exposé des motifs de la posi-tion commune du Conseil, p. 12. Pour un examendes travaux préparatoires et une critique de la solu-tion retenue dans la perspective des Etats-Unis,cons. A. Warshaw, op. cit., Brook. J. Int'l L., 2006,vol. 32:1, pp. 269 et s. La question sera cependantréexaminée dans un futur proche (voy. l'article 30.2du règlement et la troisième déclaration de la Com-mission y annexée).

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déterminer la portée exacte de l'exclusion.Elle concerne cer tainement le droit àl'image, au nom, à l'honneur et à la réputa-tion (120). En revanche, compte tenu tantde la ratio legis du texte que du principed'interprétation des exceptions, la notion de« vie privée » doit, à notre sens, dans cecontexte, être entendue strictement (121).

Pour terminer, le règlement ne s'appliquepas aux questions de preuve et de procé-dure, sous réserve de ses articles 21 et 22(122) (article 1.3). Ces matières sont eneffet traditionnellement régies par la lex fori(123).

Pour le reste, on observera qu'à la diffé-rence du règlement Bruxelles I (124), lerèglement Rome II n'exclut pas les procédu-res d'insolvabilité de son champ d'applica-tion. Il convient toutefois de concilier celui-ciavec le règlement 1346/2000 (125) qui pré-voit que « La lex concursus détermine tousles effets de la procédure d'insolvabilité,qu'ils soient procéduraux ou substantiels,sur les personnes et les rapports juridiquesconcernés » (126). Il en résulte à notre sensqu'une action en comblement de passif qui

trouve directement sa cause dans unefaillite, telle que celle fondée sur l'article 530du Code des sociétés, relève de la loi appli-cable à cette faillite et non de celle désignéepar le règlement Rome II (127).

Rappelons enfin, bien qu'il ne s'agisse pasd'une exclusion sensu stricto, que le jugebelge n'appliquera pas le règlement auxaccidents de la circulation routière (128).

B. — Champ d'application temporel

16. — Droit transitoire (129). — Confor-mément à l'article 32 du règlement, intitulé« Date d 'app l i ca t ion » , ce lu i - c i es t« applicable à partir du 11 janvier 2009 ».

Le doute surgit toutefois à la lecture del'article 31, intitulé « Application dans letemps », aux termes duquel « Le présentrèglement s'applique aux faits générateursde dommages survenus après son entréeen vigueur ». En effet, au sens strict, la dated'application d'un règlement ne coïncidepas nécessairement avec sa date d'entréeen vigueur, laquelle intervient, sauf disposi-tion contraire, le vingtième jour suivant lapublication de l'acte au Journal officiel(130). Une interprétation littérale du règle-ment imposerait dès lors de distinguer troispériodes : jusqu'au 20 août 2007, le règle-ment ne serait pas en vigueur; entre le20 août 2007 et le 10 janvier 2009, le règle-ment serait en vigueur mais ne serait pasapplicable; et à partir du 11 janvier 2009, lerèglement deviendrait applicable aux faitsgénérateurs survenus depuis le 20 août2007 (131).

(120) Voy., à propos de la même expression utiliséedans le Code de droit international privé, B. Docquir,V. de Francquen, M. Grégoire, R. Jafferali, M. La-mensch, V. Marquette et M.-D. Weinberger, op. cit.,R.G.D.C., 2005, no 86, p. 588, note no 48.(121) Il ne s'agit donc pas de lui donner l'interpréta-tion extensive que reçoit l'article 8 de la Conventioneuropéenne des droits de l'homme, qui garantit no-tamment dans une certaine mesure le droit à un en-vironnement sain (C.E.D.H., gde ch., 8 juillet 2003,Hatton e.a. c. Royaume-Uni, no 36022/97, § 96 etréf. citées), puisque les atteintes à l'environnementsont expressément visées par le règlement(article 7). De même, une atteinte causée par uneentreprise à l'image d'un concurrent relèvera à notresens de l'article 6 du règlement, même si elle impli-que une diffamation à son égard. En revanche, letraitement illicite de données à caractère personnelparaît bien être exclu du champ d'application du rè-glement (arg. article 30.2). L'expression « droits dela personnalité » viserait également l'utilisation dupatrimoine génétique d'une personne, selon le Ham-burg Group for Private International Law, op. cit. à lanote no 3, p. 25.(122) Sur ces deux dispositions, voy. infra, nos 42 ets.(123) Rapport du Parlement européen en premièrelecture, p. 16. Voy. cependant l'opinion plus nuancéede G. Légier, op. cit., Sem. jur., éd. G, I, no 207,p. 32, no 108; F. Rigaux et M. Fallon, Droit internatio-nal privé, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 2005, nos 11.15et s., pp. 476 et s.(124) Voy. l'article 1.2, b), du règlement Bruxelles I.(125) Règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil du29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité.(126) Considérant no 23 du règlement no 1346/2000.

(127) Voy., avant l'adoption du règlement Rome II,R. Jafferali, op. cit., R.D.C., 2004, no 44, p. 782 etréf. citées. S’il paraît délicat de suivre le même rai-sonnement en présence d'une faillite extracommu-nautaire, et dès lors non régie par le règlement 1346/2000, la loi de la faillite pourra toutefois en ce castrouver à s'appliquer par le détour de la clause d’ex-ception et d'un rattachement accessoire (article 4.3du règlement Rome II; voy. à ce propos infra, no 21).(128) Voy. supra, no 9.(129) Cons. sur ce point l'intéressante discussionpubliée sur http://www.conflictoflaws.net/2007/jurisdiction/eu/rome-ii-and-small-claims-regulations-published-in-the-official-journal.(130) Article 254 du Traité CE. Voy. par exemple lerèglement Bruxelles I, qui entre en vigueur le1er mars 2002 (article 76) mais n'est applicable, enrègle, qu'aux actions et aux actes postérieurs à sonentrée en vigueur (article 66.1).(131) Voy. semble-t-il en ce sens les conclusions deM. l'avocat général délégué P. De Koster avantCass., 2 novembre 2007, R.G. no C.06.0201.F,point 9; voy. également J. Meeusen, « Rome II :

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Cette interprétation nous paraît toutefoisdevoir être écartée en raison des consé-quences pratiques qu'elle entraîne. Elleaboutirait en effet à considérer que les obli-gations non contractuelles nées entre le20 août 2007 et le 10 janvier 2009 seraienttemporairement régies par la loi désignéepar la règle nationale de conflit de chaqueEtat membre, mais que dès le 11 janvier2009, elles seraient soumises, en quelquesorte rétroactivement (132), à la loi dési-gnée par le règlement. Cette situation seraità notre sens contraire aux exigences lesplus élémentaires de sécurité juridique,voire au principe d'égalité (133).

Il faut dès lors, à notre sens, interpréter lestermes « entrée en vigueur » figurant àl'article 31 du règlement comme visant enréalité la « date d'application » définie parl'article 32 (134). Il en résulte que le règle-ment s'applique selon à nous à dater du11 janvier 2009 aux faits générateurs surve-nus à partir de cette même date.

C. — Champ d'application spatial

17. — Etats membres liés par le règle-ment. — En vertu de l'accord intervenu lorsde la conclusion du Traité d'Amsterdam(135), le Danemark n'est pas lié par le

règ lement Rome I I (a r t i c le 1 .4 ) . LeRoyaume-Uni et l'Irlande ont en revanchefait usage de leur faculté d'opt in (136).

18. — Caractère universel du règlement.— En vertu de l'article 3 du règlement, « Laloi désignée par le présent règlements'applique, même si cette loi n'est pas celled'un Etat membre ». Les règles de conflitédictées par le règlement se substituentdonc entièrement aux dispositions nationa-les sans qu'il y ait lieu de distinguer entreles situations intra ou extracommunautaires.Ainsi, par exemple, le règlement peut con-duire indifféremment à l'application de la loibelge, danoise ou chinoise.

On notera que lorsque la loi désignée estcelle d'un Etat composé de plusieurs entitésqui disposent chacune de leur propre corpsde règles matérielles applicables en matièreextracontractuelle, chacune de ces entitésest considérée comme un Etat pour lesbesoins du règlement (article 25.1) (137).Ainsi, par exemple, en cas de dommagesurvenu en Ecosse, la loi désignée parl'article 4.1 du règlement sera la loi écos-saise (138).

(à suivre)

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nieuw Europees conflictenrecht voor niet-contractu-ele verbintenissen. Enkele algemene beschouwin-gen », à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 8 et s.(132) Il ne s'agit toutefois pas d'une rétroactivité lé-gislative au sens ordinaire, puisque le règlement neserait applicable qu'à des événements postérieurs àsa publication (comp. C.J.C.E., 26 avril 2005, GoedWonen, C-376/02, Rec., 2005, I, p. 3445, point 33).(133) En effet, la personne qui parviendrait à obtenirune décision coulée en force de chose jugée entre le20 août 2007 et le 11 janvier 2009 serait potentielle-ment soumise à une loi différente de celle applicablelorsque le procès serait encore en cours à cettemême date. Pareille différence de traitement ne nousparaît pas susceptible de justification objective et rai-sonnable.(134) On notera que le texte du futur règlementRome I a été amendé en ce sens (voy. la résolutionlégislative du Parlement européen du 29 novembre2007 sur la proposition de règlement du Parlementeuropéen et du Conseil sur la loi applicable aux obli-gations contractuelles (Rome I), doc. P6-TA-PROV(2007)0560, article 28). Alternativement, onpourrait considérer que l'article 32 du règlement fixeimplicitement la date d'entrée en vigueur de celui-ciau 11 janvier 2009 (en ce sens, G. Légier, op. cit.,Sem. jur., éd. G, I, no 207, p. 15, no 8, et les versionsespagnole, néerlandaise et roumaine de l'article 32du règlement dont l'intitulé se réfère à l'entrée en vi-gueur plutôt qu'à la date d'application du règlement).(135) Voy. le protocole sur la position du Danemarkannexé aux Traités CE et UE.

(136) Voy. le considérant no 39 du règlement et leprotocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Ir-lande annexé aux Traités CE et UE. On notera quele Traité de Lisbonne conférera également au Dane-mark une faculté d'opt in (voy. l'article 1er, 21), duprotocole no 1 annexé au Traité de Lisbonne du13 décembre 2007, J.O.U.E., C 306 du 17 décembre2007, pp. 165 et s., spéc. pp. 187 et s.). En atten-dant, le Danemark pourrait souhaiter appliquer le rè-glement par le biais d'une convention bilatérale avecla Communauté européenne (comp. l'Accord entre laCommunauté européenne et le royaume de Dane-mark du 19 octobre 2005 sur la compétence judiciai-re, la reconnaissance et l'exécution des décisions enmatière civile et commerciale, J.O.U.E. L 299 du16 novembre 2005, p. 62, qui rend le règlementBruxelles I applicable au Danemark).(137) Si, cependant, la situation est purement inter-ne à cet Etat, celui-ci n'est pas tenu d'appliquer le rè-glement (article 25.2).(138) Proposition initiale de la Commission, p. 29.

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ROME II OU LA LOI APPLICABLE AUX OBLIGATIONS NON CONTRACTUELLES(139)

(2e partie)

par Rafaël JafferaliAssistant à l'U.L.B.

Avocat au barreau de Bruxelles

IV. — DÉTERMINATION DE LA LOI APPLICABLE

A. — Obligations quasi délictuelles

1. — Règle générale

19. — Champ d'application. — L'article 4du règlement énonce la règle généraleapplicable aux obligations non contractuel-les découlant d'un fait dommageable (140).Ce domaine coïncide avec la « matièredélictuelle ou quasi délictuelle » visée àl'article 5.3 du règlement Bruxelles I (141).L'expression « fait dommageable » est pluslarge que celle de faute, car elle englobeégalement les hypothèses de responsabilitéobjective (142). Le règlement s'applique parailleurs quelle que soit la nature de la juri-diction saisie (143). Il déterminera ainsinotamment la loi applicable à une actioncivile portée devant les juridictions répressi-ves ou à une action formée contre un assu-reur en réparation d'un accident de travailportée devant des juridictions spécialisées,telles que le tribunal et la cour du travail enBelgique.

La règle générale est cependant écartée enprésence de « délits spéciaux » (144), àsavoir en matière de responsabilité du faitdes produits (voy. infra, no 22), de concur-rence déloyale et d'actes restreignant la

l ibre concurrence (voy. infra, no 25),d'atteinte à l'environnement (voy. infra,no 28) ou aux droits de propriété intellec-tuelle (voy. infra, no 30) et de responsabilitédu fait de grève ou de lock-out (voy. infra,no 32) (145). Rappelons par ailleurs que lejuge belge n'appliquera le règlement ni auxaccidents de la circulation routière (146), niaux atteintes à la vie privée et aux cas dediffamation (147).

20. — Facteurs de rattachement. —L'article 4 du règlement prévoit une cas-cade de deux rattachements, dont l'un estsubsidiaire à l'autre.

A titre principal, il convient de vérifier si lapersonne dont la responsabilité est invo-quée et la personne lésée ont leur rési-dence habituelle dans le même Etat aumoment de la survenance du dommage(148). Dans l'affirmative, c'est la loi de cetEtat qui est applicable (article 4.2). Il s'agitlà d'une consécration du principe de proxi-mité, comme le prévoyait déjà l'article 99,§ 1er, 1o, du Code de droit internationalprivé.

La notion de résidence habituelle est préci-sée à l'article 23 du règlement. Celui-ci dis-tingue entre personnes physiques et mora-

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(139) La première partie de cette contribution a étépubliée dans cette revue sous le no 14386.(140) Cons. à ce propos A. Nuyts, « La règle géné-rale de conflit de lois en matière non contractuelledans le règlement Rome II », à paraître à la R.D.C.,2008/6.(141) Voy. supra, no 14(142) Voy. le considérant no 11 du règlement.(143) Voy. le considérant no 8 du règlement.(144) De la même manière que l'on parle de« contrats spéciaux », soumis à des règles partielle-ment dérogatoires au droit général des contrats.Comp. article 99, § 2, du Code de droit internationalprivé.

(145) Comme le relève le G.E.D.I.P., le règlement necomporte aucune règle permettant de déterminer larègle applicable à un délit relevant simultanément dedeux ou plusieurs rattachements spéciaux, tel qu'unproduit qui causerait une atteinte à l'environnement(dix-septième réunion tenue à Hambourg les 14-16 septembre 2007, compte rendu des séances detravail, point II, accessible sur http://www.gedip-eg-pil.eu/reunionstravail/gedip-reunions-17t-fr.html). Enfaveur de la primauté de l'article 7 sur l'article 5 durèglement, G. Légier, op. cit., Sem. jur., éd. G, I,no 207, pp. 25 et s., no 67.(146) Voy. supra, no 9.(147) Voy. supra, no 15.(148) Cette précision vise à résoudre le conflit mobi-le en cas de déménagement ultérieur de l'une desparties.

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les. S'agissant des personnes physiques, lerèglement ne comporte pas de définition dela résidence habituelle. Il s'agit cependantd'une notion bien connue tant en droit inter-national privé qu'en droit communautairegénéral, qui peut se définir comme « le lieuoù l'intéressé a fixé, avec la volonté de luiconférer un caractère stable, le centre per-manent ou habituel de ses intérêts » (149).Le règlement prévoit toutefois que la rési-dence habituelle d'une personne agissantdans l'exercice de son activité profession-nelle (150) est le lieu où cette personne ason établissement principal (article 23.2)(151). Pour les personnes morales, enrevanche, la résidence habituelle est définiecomme le lieu de leur administration cen-trale (art. 23.1). Il s'agit cette fois d'unenotion empruntée au droit communautaireprimaire (152) qui désigne « le lieu où lasociété est effectivement administrée (lesiège réel) » (153). Toutefois, lorsque le faitgénérateur a été commis — ou le dommagesubi — dans le cadre « de l'exploitationd'une succursale, d'une agence ou de toutautre établissement » (154), c'est le lieu de

cet établissement secondaire qui servira derésidence habituelle.

A titre subsidiaire, lorsque le responsable etla victime n'ont pas leur résidence habi-tuelle sur le territoire du même Etat, l'obliga-tion est alors régie par la loi du lieu où ledommage direct s'est produit (article 4.1)(155). Il s'agit en réalité de la règle généraleet du principe de base consacrés par lerèglement. A la différence de la solutionprévue par l'article 99, § 1er, 2o, du Code dedroit international privé, il n'y a pas lieu detenir compte du lieu où le fait générateur aété commis. On ne tient pas non pluscompte du lieu de la survenance d'éventuel-les conséquences indirectes. Ainsi, parexemple, si un accident survenu dans unEtat A cause un dommage corporel à unevictime venue en vacances dans cet Etat etqui, de retour dans un Etat B, y subit uneperte de revenus pendant sa convales-cence, la loi de l'Etat A sera applicable àl'indemnisation de l'ensemble du préjudice,tant direct qu'indirect (156). Enfin, si le dom-mage direct s'est produit sur le territoire deplusieurs Etats, il y aura lieu d'appliquer demanière distributive les différentes lois enprésence : la réparation de chaque fractiondu dommage sera régie par la loi du lieu oùelle s'est produite (157).

21. — Clause d'exception. — A la manièrede l'article 4.5 de la Convention de Romeou de l'article 19 du Code de droit interna-tional pr ivé, l 'ar ticle 4.3 du règlementRome II introduit un facteur de souplessedans la règle générale formulée aux deux

(149) T.F.P.U.E., 20 novembre 2007, Kyriazis, F-120/05, accessible sur www.curia.europa.eu,point 47 et réf. citées, rendu en matière de statut desfonctionnaires européens; pour un examen de la no-tion de résidence habituelle dans le domaine du droitinternational privé dans la jurisprudence belge etétrangère, cons. la récente étude de S. Pfeiff, « Lerèglement Bruxelles IIbis - Bilan provisoire et pers-pectives de réforme », Espace judiciaire européen -Acquis et enjeux futurs en matière civile, Bruxelles,Larcier, 2007, pp. 45 et s., nos 18 et s., pp. 61 et s.(150) A notre sens, une victime « agit » dans l'exer-cice de son activité professionnelle au sens de cettedisposition lorsqu'elle subit un dommage dans le ca-dre cette activité (comp. article 23.1, alinéa 2, du rè-glement). Il appartiendra à la Cour de justice de pré-ciser l'intensité du lien devant exister entre ledommage et l'activité en question. Suffit-il ainsi quele dommage ait été subi au cours de l'activité profes-sionnel, ou est-il requis qu'il porte atteinte à cette ac-tivité? Par ailleurs, selon la Commission, il ne peuts'agir que d'une activité indépendante de nature libé-rale ou commerciale, à l'exclusion donc d'une activitésalariée (proposition initiale de la Commission,p. 29).(151) Voy. dans le même sens l'article 4.2, deuxiè-me phrase, de la Convention de Rome etl'article 19.1, alinéa 2, du futur règlement Rome I.(152) Voy. l'article 48 du Traité CE; voy. égalementl'article 60 du règlement Bruxelles I, l'article 4.2, pre-mière phrase, de la Convention de Rome etl'article 19.1, alinéa 1er, du futur règlement Rome I.(153) Voy. M. Fallon et J. Meeusen, op. cit., Rev.crit. dr. int. priv., 2002, no 20, p. 458.(154) Sur cette hypothèse, cons. C.J.C.E., 6 avril1995, Lloyd Register of Shipping, C-439/93, Rec.,1995, I, p. 961, points 18 et s., rendu à propos del'article 5.5 de la Convention de Bruxelles.

(155) De manière assez tautologique, l'article 2.1 durèglement définit le « dommage » comme « toute at-teinte résultant d'un fait dommageable ». La défini-tion ne pourrait d'ailleurs être plus précise car c'est àla loi applicable à l'obligation qu'il incombe de déter-miner la nature et l'étendue du dommage réparable(voy. article 15, a) et c), du règlement).(156) Voy. le considérant no 17 du règlement. Ils'agit d'une consécration de la jurisprudence de laCour de justice en matière de conflit de juridictions(C.J.C.E., 10 juin 2004, Kronhofer, C-168/02, Rec.,2004, I, p. 6009, point 19 et réf. citée). Sur la locali-sation du dommage subi par une victime « parricochet », voy. infra, note no 215.(157) Proposition initiale de la Commission, p. 12;commentaire de l'article 4 de la proposition de con-vention du G.E.D.I.P.; G. Légier, op. cit., Sem. jur.,éd. G, I, no 207, p. 21, no 43; C. Nourissat etE. Treppoz, op. cit., J.D.I., 2003, no 25, p. 24;A. Nuyts, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, no 6;comp., en matière de conflit de juridictions, C.J.C.E.,7 mars 1995, Shevill, C-68/93, Rec., 1995, I, p. 415,points 30 et s.

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premiers paragraphes de l'article 4. Il per-met en effet d'écarter la loi désignée parceux-ci « S'il résulte de l'ensemble des cir-constances que le fait dommageable pré-sente des liens manifestement plus étroitsavec un pays autre » (158). Il s'agit à nou-veau d'une consécration du principe deproximité. L'utilisation du terme « manifes-tement » souligne cependant que le recoursà la clause d'exception doit demeurer...exceptionnel (159), à peine de compromet-tre tout le système du règlement et de nuireà la sécurité juridique (160).

L'article 4.3 du règlement précise qu'un lienmanifestement plus étroit « pourrait se fon-der, notamment, sur une relation préexis-tante entre les parties, telle qu'un contrat,présentant un lien étroit avec le fait domma-geable en question ». Il s'agit cette foisd'une forme de rattachement accessoire,également consacré à l'article 100 du Codede droit international privé (161). Ainsi, parexemple, le juge pourrait décider que la loiapplicable à un contrat — déterminée con-formément à la Convention de Rome —sera également applicable aux actions enresponsabilité extracontractuelle introduitesentre cocontractants et relatives à l'exécu-tion de ce contrat (162). Le rattachement àd'autres relations principales est égalementpossible, tel qu'à une relation de famille(163). De manière générale, le rattache-

ment accessoire permet de soumettrel'ensemble des aspects d'une situation àune même loi et diminue l'intérêt de l'opéra-tion de qualification.

La comparaison avec l'article 100 du Codes'arrête toutefois là. En effet, suivant cettedisposition, le rattachement accessoire estautomatique, il ne requiert aucune autreappréciation que le constat du caractèreaccessoire de l'obligation non contractuelle.En revanche, l'article du 4.3 du règlementne fait du rattachement qu'un élément parmitous ceux permettant au juge de décider derecourir à la clause d'exception, ou au con-traire de refuser d'appliquer celle-ci (164).Le rattachement accessoire est donc, dansce contexte, facultatif.

2. — Responsabilité du fait des produits

22. — Champ d'application. — L'article 5du règlement comprend une règle de ratta-chement spéciale en matière de responsa-bilité du fait des produits (165). Cette règles'inspire de la directive 85/374 sur la res-ponsabilité en matière de produits défec-tueux (166), qui ne comporte cependantpas de règle de conflit, et, dans une moin-dre mesure, de la Convention de La Hayedu 2 octobre 1973 sur la loi applicable à laresponsabilité du fait des produits (167).

Tout d'abord, le règlement ne contientaucune dé f in i t i on de la no t ion de« produit ». Il convient de s'en remettre à ladéfinition figurant à l'article 2 de la directive85/374 (168), qui vise « tout meuble, mêmes'il est incorporé dans un autre meuble oudans un immeuble », en ce compris l'électri-cité.

(158) Comp. avec l'article 19 du Code de droit inter-national privé qui requiert non seulement des liensplus étroits avec un autre Etat mais également quel'obligation en cause ne présente que des liens trèslâches avec l’Etat dont la loi est désignée par la règlede conflit.(159) Proposition initiale de la Commission, p. 13.(160) Comp. avec les réserves exprimées par leConseil d'Etat à propos de l'article 19 du Code dedroit international privé, Doc. parl., Sénat, s. o.,2001-2002, no 2-1225/1, pp. 267 et s. Pour une inter-prétation extensive de la clause d'exception à la lu-mière du considérant no 14 du règlement, voy. ce-pendant S.C. Symeonides, op. cit. à la note no 2,pp. 27 et s.(161) Voy. dans un sens comparable lesarticles 10.1, 11.1 et 12.1 du règlement.(162) Ainsi, par exemple, l'action introduite par lemaître de l'ouvrage contre l'entrepreneur en répara-tion du dommage corporel subi en raison d'un acci-dent survenu à l'occasion de l'inspection du chantier.La question de savoir si une telle action extracon-tractuelle est possible entre cocontractants est eneffet résolue par la loi déterminée conformément aurèglement Rome II (voy. infra, no 44 et note no 307).(163) Proposition initiale de la Commission, p. 14. LaCommission considère par ailleurs que lorsque la re-lation principale est un contrat de consommation oude travail au sens des articles 5 et 6 de la Conventionde Rome et que les parties ont soumis ce contrat à

une loi différente de la « loi de protection » prévueimpérativement par ces dispositions, le rattachementaccessoire ne peut s'opérer que vis-à-vis de la loi deprotection.(164) Pour la même observation, G. Légier, op. cit.,Sem. jur., éd. G, I, no 207, p. 22, no 50 et p. 28,no 82.(165) Cons. sur cette question T. Kadner Graziano,« The law applicable to product liability : the presentstate of the law in Europe and current proposals forreform », I.C.L.Q., 2005, vol. 54, pp. 475 et s.(166) Voy. la réf. complète donnée à la note no 103.Sur ce que cette directive pourrait constituer une loide police communautaire, voy. supra, note no 53.(167) Cette Convention a fait l'objet d'un rapport ex-plicatif de M. W.L.M. Reese publié dans les Actes etdocuments de la douzième session (1972) de laConférence de La Haye de droit international privé,t. III, La Haye, Bureau Permanent de la Conférence,1974, pp. 252 et s., accessible sur www.hcch.net.(168) Proposition initiale de la Commission, p. 14.

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A la différence de la directive, le règlementne requiert pas que le produit soit « défec-tueux » (169), mais uniquement que ledommage ait été « causé par » un produit(170). On pourrait dès lors considérer,comme le fait l'article 1er de la Conventionde La Haye, que la responsabilité du faitd'un produit inclus non seulement la répara-tion des dommages causés par le défautd'un produit, mais également « les domma-ges résultant d'une description inexacte duproduit ou de l'absence d'indication adé-quate concernant ses qualités, ses caractè-res spécifiques ou son mode d'emploi ».Par ailleurs, l'application de l'article 5 durèglement ne pourrait à notre sens êtreécartée pour le seul motif que la personnedont la responsabilité est invoquée contesteque le dommage allégué ait été véritable-ment causé par un produit. L'appréciationdu lieu de causalité devra en effet se faireconformément à la loi applicable à la res-ponsabilité (171), qui ne sera connue qu'àun stade ultérieur du raisonnement, c'est-à-dire après la détermination de la loi applica-ble. Il suffit donc, à ce stade, que la victimeallègue que son dommage ait été causé parun produit pour que l'article 5 du règlementsoit applicable (172).

Le règlement ne comporte aucune exigenceparticulière concernant la victime du dom-mage. Il pourra donc s'agir indifféremmentd'un consommateur ou d'un professionnel.De même, aucune précision n'est donnéequant à la qualité de la personne dont laresponsabilité est invoquée. Il pourra doncs'agir, notamment, du fabricant d'un produitfini, d'une matière première ou d'une partiecomposante, d'un intermédiaire dans lachaîne de distr ibution du produit, d'unimportateur ou d'un vendeur final (173),voire même d'un déposant, bailleur ou don-

neur d'échantillon (174). On rappellera tou-tefois que le règlement ne régit pas les rela-tions contractuelles entre les parties (175).

23. — Facteurs de rattachement. —L'article 5.1 du règlement prévoit une cas-cade de quatre rattachements, tempéréepar une clause de prévisibilité.

A titre principal, lorsque tant la victime quele responsable ont leur résidence habituelle(176) dans le même Etat, la loi de cet Etatest applicable (177).

A titre subsidiaire, on appliquera la loi dupays de la résidence habituelle de la victime(178) ou, à défaut, la loi du pays d'achat(179) du produit ou, encore à défaut, la loidu pays où le dommage (180) est survenu,pour autant à chaque fois que le produit aitété commercialisé dans ce pays.

Cette dernière condition tend à assurer unjuste équilibre entre les intérêts de la vic-time et du responsable (181). Il vise en effetà éviter que le producteur d'un bien se voieimposer l'application d'une loi dont il n'auraitpas pu prévoir l'application, ce qui risqueraitde nuire à l'innovation et aux échangescommerciaux. A l'origine, la proposition de

(169) Cette exigence, qui figurait dans la propositioninitiale de la Commission, a disparu dans la positioncommune du Conseil, sans que la moindre justifica-tion ne soit donnée sur ce point.(170) La réparation du dommage causé au produitpar une autre cause relève en revanche de l'article 4du règlement, du moins en matière de responsabiliténon contractuelle (voy. et comp. G. Légier, op. cit.,Sem. jur., éd. G, I, no 207, p. 23, no 55).(171) Voy. article 15, a), du règlement.(172) Comp. dans le même sens le raisonnementsuivi par C.J.C.E., 4 mars 1982, Effer, aff. 38/81,Rec., 1982, p. 825, point 7 (l'article 5.1 de la Con-vention de Bruxelles est applicable même lorsquel'existence du contrat est contestée par l'une desparties).(173) Proposition initiale de la Commission, p. 16.

(174) Rapport Reese précité, p. 259.(175) Voy. supra, no 14.(176) Sur la notion de résidence habituelle, voy. su-pra, no 20.(177) Ce résultat est atteint par une référence àl'article 4.2 du règlement.(178) Sur la notion de résidence habituelle, voy. su-pra, no 20. Telle était la solution retenue parl'article 99, § 2, 4o, du Code de droit international pri-vé.(179) Cette notion rappelle celle de pays d'acquisi-tion du produit figurant aux articles 4, c), et 5, b), dela Convention de La Haye de 1973. Le rapport Ree-se précise à cet égard qu'« Il s'agit du lieu où l'acqui-sition a été matériellement effectuée, autrement dit,du lieu où la personne directement lésée a pris ma-tériellement possession du produit. Il faut distinguerce lieu de celui où le droit sur le produit a été acquis.L'expression vise tous les cas où la possession ma-térielle du produit a été obtenue : peu importe que lapossession matérielle ait ou n'ait pas été acquise enmême temps que le droit légal au produit » (p. 262).Le terme « achat » est cependant plus restreint puis-qu'il suppose une acquisition à titre onéreux. Il n'esttoutefois pas certain que le législateur européen aitentendu exclure l'application de la loi du lieu où leproduit a été acquis à titre gratuit, s'agissant parexemple d'accessoires offerts à titre de promotionpublicitaire. Enfin, le critère du pays d'achat est diffi-cile à appliquer dans le cas d'une transaction par in-ternet.(180) Sur ce que seul le dommage direct doit êtrepris en considération pour les besoins de la détermi-nation de la loi applicable, voy. supra, no 20.(181) Voy. le considérant no 20 du règlement.

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règlement requérait que la commercialisa-tion dans un pays fût faite avec le consente-ment du responsable. Il en eût résulté quela victime n'eût pu bénéficier de la loi dupays de sa résidence lorsque le produitavait fait l'objet d'une importation parallèledans ce pays (182). Le texte final du règle-ment (183) ne contient plus cette exigencede consentement mais veille cependant auxintérêts du responsable par le biais d'uneclause de prévisibi l i té aux termes delaquelle, lorsque le responsable ne pouvaitraisonnablement pas prévoir la commercia-lisation du produit ou d'un produit de mêmetype (184) dans le pays en cause, la loiapplicable est celle de la résidence habi-tuelle du responsable (185).

La notion de commercialisation pourrait, deprime abord, laisser perplexe. En effet, ellene peut se déduire de la seule circonstanceque le produit a été acheté dans le pays encause, à défaut de quoi la condition posée àl'article 5.1, alinéa 1er, b), du règlementserait dépourvue de sens. Sans doute faut-ildès lors considérer qu'un produit n'a étécommercialisé (marketed) dans un paysque lorsqu'il a été vendu et acquis dans la

chaîne ordinaire de distribution (186). On serapprocherait dès lors de la notion de« mise en c i rcu la t ion » f iguran t auxarticles 7 et 11 de la directive 85/374 (187).Ainsi, la revente d'un bien d'occasion entreparticuliers ne suffirait pas pour considérerqu'un bien a été commercialisé dans cetEtat (188).

On remarquera que la cascade de rattache-ments prévue à l'article 5 du règlement estlacunaire dès lors qu'elle ne prévoit pas desolution résiduaire au cas où le produit n'apas été commercialisé dans les pays viséspar cette disposition (189).

(182) Voy. la proposition initiale de la Commission,p. 15, qui considère qu'ainsi « la solution est prévisi-ble pour le producteur qui maîtrise l'organisation deson réseau de commercialisation » et que, dans lamajorité des cas, la personne lésée « aura acquis unproduit légalement commercialisé dans le pays de sarésidence ».(183) Celui-ci résulte de la position commune duConseil, qui se borne à considérer qu'elle prévoit une« solution équilibrée » (exposé des motifs, p. 10).(184) Ni le règlement ni ses travaux préparatoires necomportent d'explication sur cette notion, apparem-ment issue de l'article 7 de la Convention de La Hayede 1973. Celui-ci est cependant rédigé en des ter-mes légèrement différents, puisqu'il vise l'hypothèseoù la personne responsable « établit qu'elle ne pou-vait pas raisonnablement prévoir que le produit ouses propres produits de même type seraient misdans le commerce dans l'Etat considéré ».(185) Sur la notion de résidence habituelle, voy. su-pra, no 20.(186) En ce sens, T. Kadner Graziano, op. cit.,I.C.L.Q., 2005, vol. 54, p. 479, qui se fonde sur la ju-risprudence de la Cour suprême d'Autriche et des ju-ridictions anglaises. Selon ce même auteur, en casde vente à distance, il y aurait commercialisationdans le pays où le vendeur a agi pour attirer des ac-quéreurs, par exemple en faisant de la publicité, etoù il est entré en concurrence avec d'autres produc-teurs pour vendre le produit qui a causé le dommage(ibidem, p. 482; comp. avec la notion de marché quisous-tend l'article 6 du règlement). Voy. égalementHamburg Group for Private International Law, op. cit.à la note no 3, p. 15, pour qui « The place of commer-cialisation is the place where the product is sold or letin another manner to a final user for the first time ».

(187) Dans le même sens, G. Légier, op. cit., Sem.jur., éd. G, I, no 207, p. 24, no 56. A cet égard, laCour de justice a considéré que la circonstancequ'un liquide de rinçage ait été produit dans la phar-macie d'un hôpital géré par une commune et utilisé àl'occasion d'une transplantation rénale effectuéedans un autre hôpital géré par la même communen'empêchait pas de considérer que ce liquide de rin-çage avait été « mis en circulation » au sens de la di-rective. Elle a précisé à cette occasion que« l'exonération de responsabilité en raison d'une ab-sence de mise en circulation du produit, prévue àl'article 7, sous a), de la directive, vise tout d'abordles cas où une autre personne que le producteur afait sortir le produit du processus de fabrication. Enoutre, (...) sont exclues du champ d'application de ladirective les utilisations du produit contre la volontédu producteur, par exemple lorsque le processus defabrication n'est pas encore achevé, ainsi que les uti-lisations à des fins privées ou dans des situationssimilaires » (C.J.C.E., 10 mai 2001, Veedfald, C-203/99, Rec., 2001, I, p. 3569, point 16). Cette der-nière précision doit cependant être nuancée dans lecadre du règlement Rome II puisque, comme on l'adéjà indiqué, la commercialisation ne doit pas néces-sairement être faite avec le consentement du res-ponsable. Dans un arrêt ultérieur, la Cour a décidéque le produit est mis en circulation « lorsqu'il estsorti du processus de fabrication mis en œuvre par leproducteur et qu'il est entré dans un processus decommercialisation dans lequel il se trouve en l'étatoffert au public aux fins d'être utilisé ou consommé »(C.J.C.E., 9 février 2006, O'Byrne, C-127/04, Rec.,2006, I, p. 1313, point 27).(188) Voy. Hamburg Group for Private InternationalLaw, op. cit. à la note no 3, p. 17. Plus délicate estl'hypothèse où la commercialisation du produit dansun Etat déterminé a cessé mais où un revendeur iso-lé continue néanmoins à écouler son stock de ceproduit (voy. et comp. rapport Reese, p. 264).(189) Comme l'observe le G.E.D.I.P. (dix-septièmeréunion tenue à Hambourg les 14-16 septembre2007, compte rendu des séances de travail, point II,accessible sur http://www.gedip-egpil.eu/reunions-travail/gedip-reunions-17t-fr.html), et sauf l'applica-tion de l'article 4.2 du règlement. Il paraît en outre dif-ficile de retomber sur la règle générale de l'article 4.1puisque l'article 5.1, alinéa 1er, c), du règlement viseprécisément à éviter l'application de la loi du domma-ge lorsque le produit n'a pas été commercialisé dansle pays où ce dommage s'est produit. La difficultéévoquée devrait cependant s'avérer exceptionnelleen pratique.

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Indépendamment de la loi applicable à laresponsabilité, on veillera en tout cas à tenircompte des règles de sécurité visées parl'article 17 du règlement (190).

24. — Clause d'exception. — L'article 5.2comporte une clause d'exception rédigéeen des termes identiques à celle figurant àl'article 4.3 du règlement (voy. supra, no 21)(191). Cette clause pourra notamment trou-ver à s'appliquer lorsque la victime est untiers n'ayant pas acquis le produit, de sorteque le critère de la commercialisation perdde sa pertinence à son égard (192).

3. — Concurrence déloyale et actes restreignant la libre concurrence

25. — Champ d'application. — L'article 6du règlement comporte des règles de ratta-chement spéciales relatives à deux typesde comportements nuisibles à la libre con-currence (193).

D'une part, l'article 6 s'applique aux actes deconcurrence déloyale. Selon la Commission,« Les règles de concurrence déloyale visentà protéger la loyauté de la concurrence enobligeant tous les participants à jouer le jeuselon les mêmes règles. Elles répriment,entre autres, les actes visant à influencer lademande (par exemple, la tromperie et lacontrainte), les actes qui tendent à entraverl'offre concurrente (par exemple, la perturba-tion de l'approvisionnement d'un concurrent,le débauchage de salariés, le boycott), ou

encore ceux qui exploitent la valeur d'un con-current (création d'un risque de confusion,exploitation de la bonne renommée, parexemple) » (194). Ces actes devraient cor-respondre à la notion d'acte contraire auxusages honnêtes en matière commercialeconnue en droit belge (195).

D'autre part, l'article 6 s'applique égalementaux actes restreignant la libre concurrence,à savoir les actes contraires au droit de laconcurrence proprement d i t , soi t lesarticles 81 (accords, décisions d'associa-tions d'entreprises et pratiques concertées)et 82 (abus de position dominante) du TraitéCE et les dispositions nationales correspon-dantes (196).

On rappellera par ailleurs que le règlementrégit tant la réparation d'un dommage néque la prévention d'un dommage futur, etdétermine dès lors également la loi applica-ble à une action en cessation (197).

26. — Facteurs de rattachement - Actesde concurrence déloyale. — L'article 6 durèglement distingue selon qu'un acte deconcurrence déloyale affecte exclusive-ment les intérêts d'un concurrent déterminéou nuise à l'ensemble des concurrentsactifs sur un marché.

Dans le premier cas, l'acte de concurrencedéloyale ne se distingue pas fondamentale-ment d'un fait dommageable ordinaire et estdès lors soumis à la règle générale del'article 4 (article 6.2) (198).

En revanche, dans le second cas, la loiapplicable est « celle du pays sur le terri-toire duquel les relations de concurrence oules intérêts collectifs des consommateurssont affectés ou susceptibles de l'être ».Derrière cette périphrase se cache en réa-lité l'application de la loi du marché (199),qui coïncide en règle avec la loi du dom-

(190) Voy. infra, no 44.(191) Prise littéralement, cette clause d'exception neparaît pas pouvoir être invoquée en cas d'applicationde l'article 4.2 du règlement.(192) Ainsi, par exemple, le piéton renversé par unevoiture dont les freins étaient défectueux (voy.M. Fallon, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6,no 8; Hamburg Group for Private International Law,op. cit. à la note no 3, p. 1). On notera que dans cettehypothèse, l'article 2.1 de la Convention de La Hayedu 4 mai 1971 exclut la responsabilité du producteurde son champ d'application.(193) Pour un examen des règles en la matière figu-rant dans le Code de droit international privé et de lajurisprudence belge récente, cons. A. Puttemans,« Les droits intellectuels et la concurrence déloyaledans le Code de droit international privé », R.D.C.,2005, pp. 615 et s.; P. Wautelet, « Quelques obser-vations sur la protection internationale du consom-mateur en Europe et la détermination de la loi appli-cable à une pratique anticoncurrentielle », note sousBruxelles, 8 décembre 2005, R.D.C., 2006, pp. 993et s. Sur l’article 6 du règlement Rome II, cons.P. Wautelet, « Concurrence déloyale et acte restrei-gnant la libre concurrence », à paraître à la R.D.C.,2008/6.

(194) Proposition initiale de la Commission, p. 16.(195) Articles 93 et s. de la loi du 14 juillet 1991 surles pratiques du commerce et sur l'information et laprotection du consommateur.(196) Voy. les considérants nos 22 et 23 du règle-ment.(197) Voy. supra, no 14.(198) Voy. supra, nos 20 et s.(199) La Commission souhaitait néanmoins évitercette expression dans la mesure où elle ne ferait passuffisamment apparaître que les règles de concur-rence déloyale visent également à assurer la protec-tion des consommateurs (avis de la Commission surles amendements du Parlement européen endeuxième lecture, p. 4).

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mage (200). Quelle(s) loi(s) appliquerlorsqu’un acte de concurrence déloyale pro-duit des conséquences sur les marchés deplusieurs Etats? Le texte présenté à l'ori-gine par la Commission s'efforçait de résou-dre cette difficulté en précisant que les rela-tions de concurrence ou les intérêts desconsommateurs devaient être affectés « defaçon directe et substantielle » (201). Cetteprécision ayant disparu par la suite, il faut ànotre sens en déduire une application distri-butive de la loi de chaque Etat concerné aumarché situé dans cet Etat (202).

Dans les deux cas, le facteur de rattache-ment est impératif, en ce sens qu'il n'est paspermis aux parties d'y déroger de communaccord (article 6.4) (203).

27. — Facteurs de rattachement - Actesrestreignant la libre concurrence. — Enmatière d'actes restreignant la libre concur-rence, l'article 6.3 prévoit expressémentl'application de la loi du marché (204).

Lorsque plusieurs marchés sont affectés, ily a lieu de faire une application distributivede la loi de chaque Etat dont le marché estconcerné (205). Conscients néanmoins desdifficultés qu'une telle mosaïque de droitsapplicables pourrait engendrer en pratique,le Parlement européen et la Commissionont obtenu que la victime puisse opter pourl'application d'une loi unique (206), à savoirla loi du for, à la condition (i) de saisir lesjuridictions du domicile du défendeur (207)

et (ii) que le marché de l'Etat membre (208)du for soit affecté de manière directe etsubstantielle par la restriction du jeu de laconcurrence. En cas de pluralité de défen-deurs, la victime peut également opter pourla loi du for à la condition (i) de saisir lesjuridictions du domicile de l'un des défen-deurs et (ii) que le marché de l'Etat membredu for soit affecté de manière directe etsubstantielle par la restriction du jeu de laconcurrence.

Sous réserve de l'option droit ainsi prévue,ces règles de rattachement sont égalementimpératives (article 6.4) (209).

4. — Atteinte à l'environnement

28. — Champ d'application. — L'article 7du règlement érige les atteintes à l'environ-nement au rang de délits spéciaux (210). Ledommage environnemental est défini par lepréambule du règlement comme « unemodification négative d'une ressource natu-relle telle que l'eau, les sols ou l'air, unedétérioration d'une fonction assurée parcette ressource au bénéfice d'une autre res-source naturelle ou du public, ou une dété-rioration de la diversité biologique » (211).Cette définition peut, en tant que de besoin,être précisée à la lumière de l'article 2 de ladirective sur la responsabilité environne-mentale (212).

(200) Voy. en ce sens le considérant no 21, premièrephrase, du règlement (« La règle spéciale prévue àl'article 6 ne déroge pas à la règle générale énoncéeà l'article 4, § 1er, mais elle la précise »); voy. toutefoisla proposition initiale de la Commission, p. 17 in fine.(201) Proposition initiale de la Commission, pp. 17 et36.(202) Voy. en ce sens la proposition initiale de laCommission, p. 17; F. Guerchoun et S. Piedelièvre,op. cit., Gaz. pal., 28-30 octobre 2007, no 38, p. 10;adde l'interprétation donnée à l'article 99, § 2, 2o, duCode de droit international privé (voy. sur ce pointB. Docquir, V. de Francquen, M. Grégoire, R. Jaffe-rali, M. Lamensch, V. Marquette et M.-D. Weinberger,op. cit., R.G.D.C., 2005, no 86, p. 588, note no 52).(203) Voy. infra, no 46.(204) Sur ses liens avec la loi du dommage, voy. su-pra, no 26.(205) G. Légier, op. cit., Sem. jur., éd. G, I, no 207,p. 25, no 64.(206) Voy. le rapport du Parlement européen en troi-sième lecture, p. 8. Sur le moment de l'exercice del'option de droit, voy., mutatis mutandis, infra, no 29.(207) Ce qui sera toujours possible lorsque le défen-deur est domicilié dans l'Union européenne (article 2du règlement Bruxelles I).

(208) Curieusement, l'article 6.3, b), du règlementparle d'« Etat membre » et non simplementd'« Etat », ce qui paraît contredire le caractère uni-versel du règlement (article 3). Il ne s'agit toutefoispas d'une inadvertance (voy. le document de travaildu Comité de conciliation transmis aux délégationsdu Conseil le 10 mai 2007, doc. 9457/07, p. 19).(209) Voy. infra, no 46.(210) Cons. sur cette matière K. Fach Gómez, « Thelaw applicable to cross-border environmentaldamage : from the European national systems toRome II », Yearb. PIL, 2004, pp. 291 et s.; M. Fallon,B. Fauvarque-Cosson et S. Francq, op. cit., Les res-ponsabilités environnementales dans l'espace euro-péen, pp. 547 et s.; F. Manari et La Schiano Di Pepe,« Liability for environmental torts in Europe : choiceof forum, choice of law and the case for pursuing ef-fective legal uniformity », Riv. dir. int. priv. proc.,2005, pp. 607 et s.(211) Considérant no 24 du règlement.(212) Directive 2004/35/CE du Parlement européenet du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilitéenvironnementale en ce qui concerne la préventionet la réparation des dommages environnementaux,évoquée par la proposition modifiée de la Commis-sion, p. 12, et le rapport du Parlement européen entroisième lecture, p. 8. Cette directive « ne prévoitpas de règles de conflit de lois supplémentaires lors-qu'elle précise les pouvoirs des autorités compé-tentes » (considérant no 10) et, « Sans préjudice de

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La règle de rattachement spéciale est éga-lement applicable aux « dommages subsé-quents subis par des personnes ou causésà des biens », tels que par exemple ledécès d'une victime qui aurait bu de l'eaupolluée ou la perte de revenus de l'exploi-tant d'un hôtel consécutive à une maréenoire.

On rappellera toutefois que le règlementsera écartée en présence d'une règle deconflit prévue par une convention internatio-nale à laquelle sont parties des Etats non-membre de l'Union européenne (213).

29. — Facteurs de rattachement. —L'article 7 du règlement prévoit en principel'application de la loi du dommage direct(214). Il s'agira donc de la loi du lieu oùl'atteinte à l'environnement s'est concréti-sée, et ce même à notre sens si la pollutions'est ultérieurement répandue dans d'autresEtats où elle a causé des dommages sub-séquents aux biens et aux personnes (215).

Toutefois, dans le but d'assurer un degré deprotection élevé aux victimes et d'inciter lesopérateurs économiques à prendre lesmesures préventives idoines, et inspiré parle principe du pollueur-payeur, le législateureuropéen a ouvert à la victime d'un dom-mage environnemental une option de droit(216). Celle-ci pourra en effet choisir

d'appliquer la loi du lieu où le fait générateurs'est produit (217). Le moment où la victimepeut exercer cette option est déterminé parla loi du for (218), et plus précisément parles règles de procédure fixant le momentau-delà duquel il n'est plus possible d'intro-duire une demande nouvelle (219).

Ici également, indépendamment de la loiapplicable, il conviendra de tenir comptedes règles de comportement et de sécuritépertinentes (220).

5. — Atteinte aux droits de propriété intellectuelle

30. — Champ d'application. — L'article 8du règlement s'applique aux atteintes auxdroits de propriété intellectuelle (221). Cetteexpression désigne « notamment le droitd'auteur, les droits voisins, le droit sui gene-ris pour la protection des bases de donnéesa ins i que les d ro i t s de p ropr ié téindustrielle » (222) qui comprennent notam-

la législation nationale pertinente, (...) ne confère auxparties privées aucun droit à indemnisation à la suited'un dommage environnemental ou d'une menaceimminente d'un tel dommage » (article 3.3).(213) Sur ce principe, voy. supra, no 9, et pour unexamen de ces conventions, voy. la réf. citée supraà la note no 81.(214) Sur cette notion, voy. supra, no 20. C'est éga-lement la règle prévue par l'article 99, § 2, 3o, duCode de droit international privé. Sur le cas où ledommage se serait produit dans un territoire sanssouveraineté (haute mer ou atmosphère), cons.M. Fallon, B. Fauvarque-Cosson et S. Francq, op.cit., Les responsabilités environnementales dansl'espace européen, no 55, pp. 600 et s.(215) En effet, même si le dommage subséquent estsubi par une personne différente de celle qui a subil'atteinte initiale à l'environnement, cette circonstan-ce ne suffit pas à ôter à ce dommage « par ricochet »le qualité de conséquence indirecte du dommage ini-tial. Voy. en ce sens C.J.C.E., 11 janvier 1990, Du-mez, aff. 220/88, Rec., 1990, p. 49, à propos del'article 5.3 de la Convention de Bruxelles; en matiè-re de conflits de lois, Cass. fr., 28 octobre 2003,Bull., 2003, I, no 219, et les commentaires deM. Fallon, B. Fauvarque-Cosson et S. Francq, op.cit., Les responsabilités environnementales dansl'espace européen, no 12, pp. 556 et s.(216) Voy. article 174.2 du Traité CE et considérantno 25 du règlement. Pour une analyse de cette op-tion de droit comme outil de régulation, voy. H. Muir

Watt, op. cit., The Institutional Framework of Euro-pean Private Law, pp. 144 et s.(217) Lorsqu'il sera reproché à une entreprise de nepas avoir pris des précautions suffisantes pour éviterun dommage environnemental, ce fait générateurpourra à notre sens, en fonction des circonstances,être localisé au siège de l'entreprise, voire au siègede sa maison mère si c'est à cet endroit que les dé-cisions de la filiale ont de facto été prises (comp. ce-pendant C.J.C.E. , gde ch., 2 mai 2006, Eurofood, C-341/04, Rec., 2006, I, p. 3813, point 36). En outre,lorsque la prise de décision est éparpillée sur le ter-ritoire de plusieurs Etats, l'option de la victime devraitpouvoir porter sur le droit de chacun des Etats con-cernés. Cette interprétation permettrait, dans l'espritdu considérant no 25 du règlement, à la fois de nepas inciter un opérateur à délocaliser la prise de dé-cision finale relative à ses activités à haut risque en-vironnemental dans un pays où les règles applica-bles sont peu exigeantes et de donner un effet utileà l'article 7 du règlement en évitant que la loi du dom-mage ne coïncide systématiquement avec celle dufait générateur.(218) Considérant no 25 in fine du règlement.(219) Proposition initiale de la Commission, p. 21.En droit belge, voy. l'article 807 du Code judiciaire.(220) Voy. infra, no 44.(221) Sur cette question, cons. A. Cruquenaire, « Laloi applicable au droit d'auteur : état de la question etperspectives », A&M, 2000, pp. 210 et s.; F. de Viss-cher et B. Michaux, Précis du droit d'auteur et desdroits voisins, Bruxelles, Bruylant, 2000, nos 710 ets., pp. 557 et s., et nos 790 et s., pp. 631 et s.;B. Docquir, « Le titulaire du droit d'auteur - Etude deconflits de lois », Ing.-cons., 2003, pp. 409 et s.;A. Puttemans, op. cit., R.D.C., 2005, pp. 615 et s.;K. Roox, « Intellectuele eigendom in het nieuwe wet-boek I.P.R. », I.R.D.I., 2005, p. 149; K. Van der Per-re, « Over territorialiteit en oorspronkelijkheid », notesous Mons, 5 décembre 2006, A.&M., 2007, pp. 253et s.(222) Considérant no 26 du règlement.

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ment les brevets, marques, dessins etmodèles (223).

En ver tu de l 'ar t icle 13 du règlement,l'article 8 est applicable, non seulement auxobligations non contractuelles découlantd'un fait dommageable, mais également àcelles résultant d'une culpa in contrahendo,d'une gestion d'affaire ou d'un enrichisse-ment sans cause (224). Pour comprendrel'intérêt de cette disposition, il faut savoirque certains droits internes, à la différencepar exemple du droit belge, ne traitent pasles atteintes au droit de propriété intellec-tuelle comme un fait dommageable, maiscomme une situation d'enrichissement sanscause (225).

On rappellera toutefois que le règlement netrouve à s'appliquer que dans la mesure oùune convention internationale existante àlaquelle sont parties des Etats non mem-bres de l'Union européenne ne prévoit pasdes règles de conflits de lois (226). On ne

négligera pas non plus en la matière l'inci-dence des lois de police d'origine commu-nautaire (227).

31. — Facteurs de rattachement. —L'article 8.1 du règlement n'innove guère ensoumettant les atteintes aux droits de pro-priété intellectuelle à la loi du pays pourlequel la protection est revendiquée. Bienconnu, il s'agit du principe, exprimé dans unlatin approximatif (228), de la lex loci protec-tionis (229), lequel ne se confond pas néces-sairement avec l'application de la lex fori(230). Ainsi, en cas d'atteinte commise sur leterritoire de plusieurs Etats, il y aura lieu defaire une application distributive des lois enprésence (pour chaque Etat sa loi) (231).

Ce principe était toutefois difficilementtransposable en cas d'atteinte à un droit depropriété intellectuelle « communautaire àcaractère unitaire », à savoir un droit depropriété intellectuelle régi de manière uni-forme par un instrument communautaire. Enl'absence d'accord politique sur la créationd'un brevet communautaire, il s'agit essen-tiellement de la marque communautaire etdes dessins et modèles communautaires(232). Dans ce cas, « la loi applicable à

(223) Aux termes de l'article 1er, 2, de la Conventionde Paris du 20 mars 1883 pour la protection de lapropriété industrielle, « La protection de la propriétéindustrielle a pour objet les brevets d'invention, lesmodèles d'utilité, les dessins ou modèles industriels,les marques de fabrique ou de commerce, les mar-ques de service, le nom commercial et les indica-tions de provenance ou appellations d'origine, ainsique la répression de la concurrence déloyale ». Laconcurrence déloyale relève cependant de l'article 6du règlement Rome II. Sur le recours à la Conven-tion de Paris pour interpréter la notion de propriétéindustrielle qui figure également dans le Code dedroit international privé, voy. Doc. parl., Sénat, s. o.,2001-2002, no 2-1225/1, p. 119.(224) C'est cette dernière source d'obligation que lesauteurs du règlement avaient principalement à l'es-prit (voy. proposition initiale de la Commission,p. 23).(225) L'intérêt de cette analyse est de permettre autitulaire du droit intellectuel de réclamer, non l'indem-nisation du dommage qui lui est causé, mais le trans-fert du bénéfice réalisé par l'auteur de l'atteinte. Il enva ainsi en droit anglais en cas de waiver of tort (voy.K. Zweigert et H. Kötz, Introduction to ComparativeLaw, op. cit., pp. 558 et s.). En droit allemand, laquestion est également traitée comme une formed'enrichissement sans cause, mais on considère engénéral que le titulaire du droit ne peut réclamer queles sommes qu'il aurait pu obtenir en vertu d'un con-trat de licence juste et normal (il s'agit d'un casd'Eingriffskondiktion : ibidem, p. 545). En Belgique,pareils raisonnements paraissent exclus par la con-dition de subsidiarité de l'enrichissement sans cau-se; voy. cependant la cession de bénéfices prévueen cas de contrefaçon de mauvaise foi par la loi du9 mai 2007 relative aux aspects civils de la protec-tion des droits de propriété intellectuelle.(226) Voy. supra, no 9, et, sur ces conventions, lesréf. citées à la note no 221 (il s'agit notamment de laConvention de Berne de 1886 et de la Convention deParis de 1883). La règle contenue dans le règlement

ne présente donc d'intérêt que si ces conventionsdevaient s'interpréter comme ne comportant pas vé-ritablement de règle de conflit de lois (voy. en cesens Hamburg Group for Private International Law,op. cit. à la note no 3, pp. 22 et s.).(227) Voy. supra, no 8 et la note no 53.(228) Comme le relève A. Puttemans, op. cit.,R.D.C., 2005, no 20, p. 621.(229) Considérant no 26 du règlement. Sur la déter-mination de la loi de protection en cas de communi-cation émanant d'un Etat et destinée au public d'unautre Etat, cons. F. de Visscher et B. Michaux, Pré-cis du droit d'auteur et des droits voisins, op. cit.,nos 793 et s., pp. 635 et s.(230) Voy. A. Cruquenaire, op. cit., A&M, 2000,p. 212; F. de Visscher et B. Michaux, Précis du droitd'auteur et des droits voisins, op. cit., no 791, p. 632;B. Docquir, op. cit., Ing.-cons., 2003, no 59, p. 440;K. Roox, op. cit., I.R.D.I., 2005, p. 154.(231) Voy. dans le même sens F. de Visscher etB. Michaux, Précis du droit d'auteur et des droits voi-sins, op. cit., no 794, p. 637; K. Roox, op. cit.,I.R.D.I., 2005, p. 154.(232) Proposition initiale de la Commission, p. 22.Voy. le règlement (CE) no 40/94 du Conseil du20 décembre 1993 sur la marque communautaire etle règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 dé-cembre 2001 sur les dessins ou modèles commu-nautaires. Adde le règlement (CE) no 2100/94 duConseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime deprotection communautaire des obtentions végétales(voy. en ce sens la note du 4 mai 2004 de la déléga-tion polonaise au Comité sur les questions de droitcivil (Rome II) du Conseil, doc. 9009/04 ADD 3, p. 3).

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toute question qui n'est pas régie par l'ins-trument communautaire pertinent est la loidu pays dans lequel il a été porté atteinte àce droit » (article 8.2), qui ne coïncide pasnécessairement avec la loi du pays pourlequel la protection est demandée.

Dans les deux cas, le facteur de rattache-ment prévu par le règlement ne peut êtreécar té pa r un accord des pa r t ies(article 8.3) (233).

6. — Responsabilité du fait de grève ou de lock-out

32. — Champ d'application. — L'article 9du règlement comporte une règle de conflitspéciale en matière de responsabilité du faitde grève ou de lock-out. A l'analyse, la por-tée exacte de cette disposition apparaîtmalaisée à cerner (234). A l'origine, cetted isposi t ion, qu i v isai t toute « act ionsyndicale », fut proposée par le Parlementeuropéen en vue d'éviter de « vider de sasubstance le droit des travailleurs de recou-rir à des actions collectives garanties par lalégislation nationale, y compris le droit degrève » (235). En dépit de l'opposition de laCommission (236), le Conseil a adoptécette règle en adaptant son champ d'appli-cation qui vise désormais la grève (237) etle lock-out et est précisé par l'adoption dedeux considérants.

Ainsi, le considérant no 27 du règlementprévoit que « Le concept exact d'action enresponsabilité du fait de grève ou de lock-out varie d'un Etat membre à l'autre et estrégi par les règles internes de chaque Etatmembre. (...) ». Il paraît en résulter que leshypothèses de responsabilité du fait degrève et de lock-out ne doivent pas fairel'objet d'une qualification autonome (238),mais d'une qualification lege fori (239).

Quant au considérant no 28, il prévoit quel'article 9 du règlement est édicté « sanspréjudice des conditions auxquelles l'exer-cice de telles actions est soumis, selon lalégislation nationale, et sans préjudice dustatut juridique des organisations représen-tatives des travailleurs ou des syndicatsprévu dans le droit des Etats membres ». Ilsemble ressortir de ce considérant queseule la responsabilité pour les faits dom-mageables commis à l 'occasion d'uneaction de grève ou de lock-out serait viséepar la règle de conflit, à l'exclusion de laquestion de la légalité de l'action elle-même(240).

Par ailleurs, selon le texte de l'article 9,seule la responsabilité d'un travailleur, d'unemployeur ou d'une organisation représen-tant les intérêts professionnels de ces per-sonnes est visée, à l'exclusion donc de laresponsabilité d'un tiers qui aurait pris partaux faits de grève ou de lock-out. La dispo-sition ne comporte pas en revanche de limi-tation quant à la qualité de la victime dudommage (241). La Commission a regrettéà cet égard « que le texte demeure ambigupuisqu'il ne précise pas qu'il ne devrait pass'étendre aux relations avec les tiers »(242). En outre, même dans les rapportsentre employeur et travailleurs, la responsa-bilité contractuelle demeure exclue duchamp d'application du règlement (243).

(233) Voy. infra, no 46.(234) Cons. à ce propos F. Dorssemont et A. VanHoek, « De collectieve actie bij arbeidsconflicten inRome II », à paraître à la R.D.C., 2008/6.(235) Rapport du Parlement européen en premièrelecture, p. 24. Le Parlement craignait donc que l'ap-plication de la loi du lieu du dommage n'aboutissedans certains cas à l'application d'une loi étrangèrequi soit moins favorable au droit de grève que la loide l'Etat où celle-ci est menée.(236) Voy. la proposition modifiée de la Commission,p. 7.(237) Comp. avec les versions anglaise (« industrialaction »), espagnole (« acción de conflictocolectivo »), italienne (« attività sindacale ») et néer-landaise (« collectieve actie ») du texte.

(238) En ce sens, F. Guerchoun et S. Piedelièvre,op. cit., Gaz. pal., 28-30 octobre 2007, no 48, p. 12;comp. cependant F. Dorssemont et A. Van Hoek, op.cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 37 et s.(239) Sous réserve, sans doute, d'un contrôle margi-nal de la Cour de justice (comp., à propos de l'excep-tion d'ordre public, C.J.C.E., 28 mars 2000, Krom-bach, C-7/98, Rec., 2000, I, p. 1935, point 23), et cealors que les notions de grève et de lock-out ne sontpas inconnues du droit communautaire (voy. notam-ment l'article 137.5 du Traité CE et les conclusions deM. l'avocat général P. Mengozzi avant C.J.C.E.,gde ch., 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C-341/05, non encore publiées au Recueil, points 54 et s.).(240) Comp. cependant F. Dorssemont et A. VanHoek, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 50et s.(241) Dans le même sens, F. Dorssemont et A. VanHoek, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 46et s.(242) Voy. la communication de la Commission surla position commune du Conseil, p. 4.(243) Comme le rappellent F. Guerchoun et S. Pie-delièvre, op. cit., Gaz. pal., 28-30 octobre 2007,no 49, p. 12; cons. à ce propos F. Dorssemont etA. Van Hoek, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6,nos 43 et s. (not. sur la nature contractuelle des con-ventions collectives de travail).

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Enfin, il ne faudra pas négliger dans cesmatières l'impact du droit communautairematériel (244), l'exercice du droit de grèvepouvant dans certaines circonstances cons-tituer une entrave à la liberté de prestationde services (245).

33. — Facteurs de rattachement. — Lors-que la personne dont la responsabilité estinvoquée et la personne lésée ont leur rési-dence habituelle (246) dans le même Etat,la loi de celui-ci est applicable.

A défaut, la responsabilité sera régie par laloi du lieu où la grève ou le lock-out a été ouest engagé. Plutôt que la loi du lieu du dom-mage, l'article 9 du règlement opte doncpour la loi du lieu du fait générateur (247).

B. — Culpa in contrahendo

35. — Champ d'application. — L'article 12du règ lement , i n t i t u lé « cu lpa incontrahendo », s'applique aux « obligationsnon contractuelles découlant de tractationsmenées avant la conclusion d'un contrat »(248). Plutôt que le terme « tractations »,celui de « négociations » ou de « pour-parlers » nous aurait semblé plus approprié(249).

Selon le considérant no 30 du règlement, ils'agit d'une notion autonome, qui devrait àtout le moins inclure « la violation du devoird'informer et la rupture de négociationscontractuelles » (250). Ce considérant pré-cise également que la notion de culpa incontrahendo exige un « lien direct » entrel'obligation non contractuelle et les tracta-tions menées avant la conclusion d'un con-trat, de sorte qu'elle ne vise pas la répara-tion des dommages corporels subis aucours de la négociation d'un contrat (251).

On tiendra compte, en la matière, del'impact de la loi du 19 décembre 2005 rela-tive à l'information précontractuelle dans lecadre d'accords de partenariat commercial,applicable à titre de loi de police (252).

Enfin, la question de savoir si les négocia-tions ont été rompues à un stade tellementavancé qu'un accord était en réalité déjà néentre les parties relève, non de l'article 12du règlement, mais de la Convention deRome ou du futur règlement Rome I (253).

36. — Facteurs de rattachement. —L'article 12.1 du règlement prévoit que l'obli-gation résultant d'une culpa in contrahendoest régie, que le contrat ait été ou non effec-tivement conclu, et même s'il est nul (254),par la loi qui s'applique à ce contrat, ou quiaurait été applicable au contrat s'il avait étéconclu. Cette loi sera donc indirectementdéterminée par la Convention de Rome oule futur règlement Rome I.

Lorsque le contrat a été conclu, ce rattache-ment accessoire présente l'avantage d'évi-ter toute difficulté de qualification pouvantse présenter lorsque l'on tente de distinguerresponsabilité contractuelle et précontrac-tuelle. En effet, que l'on fasse ou non ledétour par le règlement Rome II, la loi appli-cable sera en définitive la loi applicable aucontrat , ce qui permet de soumettrel'ensemble de la situation à une seule loi(255).

Cette règle de conflit peut cependant susci-ter des difficultés lorsque le contrat n'a pasété conclu. On sait, en effet, qu'en matière

(244) Sur cette question, voy. supra, nos 7 et s.(245) Voy. l'arrêt Laval un Partneri précité à la noteno 239.(246) Sur cette notion, voy. supra, no 20.(247) Sur la localisation du fait générateur en cas deboycott, cons. F. Dorssemont et A. Van Hoek, op.cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6, nos 59 et s.(248) Cons. sur cette matière C. Tubeuf, op. cit., àparaître à la R.D.C., 2008/6.(249) Voy. les versions anglaise (« dealings ») etnéerlandaises (« onderhandelingen ») du texte.(250) Sur le plan des conflits de juridictions, cesquestions relèvent de la matière délictuelle visée àl'article 5.3 du règlement Bruxelles I (voy. C.J.C.E.,17 septembre 2002, Tacconi, C-334/00, Rec., 2002,I, p. 7357, point 27).

(251) La précision pourrait surprendre si la répara-tion de ce genre de dommages n'entrait pas précisé-ment dans le domaine de la culpa in contrahendodans le droit interne de certains Etats membres, eten particulier en droit allemand (cons. à ce proposB.S. Markesinis, H. Unberath et A. Johnston, TheGerman Law of Contract. A comparative Treatise,2e éd., Oxford et Portland (Oregon), Hart Publishing,2006, pp. 95 et s.).(252) Voy. infra, no 48.(253) F. Guerchoun et S. Piedelièvre, op. cit., Gaz.pal., 28-30 octobre 2007, no 62, p. 16.(254) En ce sens, proposition initiale de la Commis-sion, p. 13 in fine.(255) Ainsi, par exemple, si la victime d'un dol de-mande la restitution de la prestation qu'elle a fournieen vertu du contrat nul et l'allocation de dommages-intérêts complémentaires destinés à réparer le préju-dice non couvert par la restitution ordonnée, tantcette restitution (article 10, § 1er, e), de la Conven-tion de Rome; article 12, § 1er, e), du futur règlementRome I) que ces dommages-intérêts (article 12.1 durèglement Rome II) seront soumis à la loi du contrat.

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contractuelle, la loi applicable est en prin-cipe déterminée par la volonté des parties(256). Dès lors, tant que le contrat n'a pasété conclu, on ne peut en principe connaîtreavec certitude la loi qui aurait été applicableau contrat, puisque les parties auraient pu àtout moment insérer une clause de droitapplicable ou revenir sur celle qu'ellesavaient déjà négociées. La question devracependant être appréciée sur la base d'uneappréciation concrète des faits de la cause(257).

Bien conscient de cette difficulté, le législa-teur européen a prévu à cet égard une règlede conflit subsidiaire. Lorsque la loi applica-ble au contrat ne peut être déterminée,l'article 12.2 du règlement prévoit en subs-tance l'application de la loi de l'Etat danslequel les parties ont leur résidence habi-tuelle et, à défaut, la loi du lieu du dommagedirect. Il s'agit d'une solution presque identi-que à la règle générale prévue à l'article 4du règlement en matière d'obligations noncontractuelles résultant d'un fait domma-geable (258).

36. — Clause d'exception. — Lorsque laloi applicable au contrat ne peut être déter-minée et qu'il est fait application de la règlede conflit subsidiaire (voy. supra, no 35),l 'ar ticle 12.2, c), du règlement permetd'écarter la loi désignée par cette règle lors-

que l'obligation présente des liens manifes-tement plus étroits avec un autre Etat (259).

C. — Obligations quasi contractuelles

37. — Champ d'application. — La notiond'obligation quasi contractuelle ne figurepas expressément dans le règlementRome II, probablement parce qu'elle estinconnue du droit interne de certains Etatsmembres (260). Les articles 10 et 11 durèglement recourent plutôt aux notionsd'enrichissement sans cause et de gestiond'affaires (261). Toutefois, tant en raison dela parenté de ces notions que de l'identitédes règles de conflit qui s'y appliquent, ellesseront traitées ici conjointement.

Le règlement ne comporte aucune définitionde l'enrichissement sans cause. Il s'agitcependant d'une notion autonome. Ainsi,elle inclut notamment les hypothèses depaiement indu (262) qui, en droit belge, estune institution distincte. En revanche, ellesera parfois plus restreinte qu'en droitinterne, puisqu'elle n'inclut pas les restitu-tions découlant de la nullité d'un contrat(263). On rappellera également que les casd'enrichissement sans cause résultantd'une atteinte à un droit de propriété intel-lectuelle sont régis par l'article 8 du règle-ment (264). Enfin, le règlement ne fournitaucune réponse à l'épineuse question desavoir si, en matière de conflit de lois, l'enri-chissement sans cause doit être considéré(256) Article 3 de la Convention de Rome et du futur

règlement Rome I; à défaut de choix de la loi appli-cable, des règles subsidiaires sont prévues parl'article 4 des mêmes instruments; le tout sans préju-dice des règles particulières applicables à certainscontrats, tels que ceux conclus par un consomma-teur ou un travailleur.(257) Ainsi, par exemple, lorsque les partiess'étaient déjà entendues sur la plupart des clausesdu projet de contrat, en ce compris la clause de droitapplicable qui n'aurait fait l'objet d'aucune discus-sion, et que les négociations s'interrompent brutale-ment pour un motif étranger au choix de la loi appli-cable (par exemple, en raison de la décision de l'unedes parties de contracter plutôt avec un tiers avec le-quel elle avait mené des négociations parallèles), onpeut penser que le juge ne refusera pas de tenircompte de la clause de droit applicable sur laquelleles parties étaient déjà tombée d'accord. À l'inverse,lorsque les négociations échouent à leur début, ouque de nombreux points restaient encore en discus-sion, il paraît difficile de considérer que la loi du con-trat soit déterminable.(258) Voy. à ce propos supra, nos 20 et s. Toutefois,la résidence habituelle des parties est appréciée aumoment où le fait générateur se produit, et non aumoment de la survenance du dommage (comp.article 4.2 du règlement; pour cette observation,C. Tubeuf, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6,no 43).

(259) Voy., mutatis mutandis, supra, no 21.(260) Il en va ainsi en droit anglais (voy. K. Zweigertet H. Kötz, Introduction to Comparative Law, op. cit.,p. 554). Elle a cependant été évoquée au cours destravaux préparatoires (voy. notamment le compterendu du 26 février 2004 des travaux du Comité surles questions de droit civil (Rome II) du Conseil, doc.6518/04, p. 2).(261) Sur ces dispositions, cons. C. Tubeuf, op. cit.,à paraître à la R.D.C., 2008/6.(262) Voy. l'article 10.1 du règlement.(263) En droit international privé, cette question relè-ve en effet de la loi contractuelle (article 10, § 1er, e),de la Convention de Rome; article 12, § 1er, e), du fu-tur règlement Rome I). En droit interne, l'enrichisse-ment sans cause est utilisé comme fondement desrestitutions après nullité en droit allemand(K. Zweigert et H. Kötz, Introduction to ComparativeLaw, op. cit., p. 542), en droit anglais (ibidem, p. 556)ainsi que, selon certains auteurs, en droit belge,mais la question demeure controversée (cons. no-tamment à ce propos L. Cornelis et V. Sagaert,« Postcontractuele bedingen », Contractuele clausu-les rond de (niet-)uitvoering en de beëindiging vancontracten, Antwerpen et Oxford, Intersentia, 2006,pp. 291 et s., nos 14 et s., pp. 299 et s.).(264) Voy. supra, no 30.

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comme une catégorie subsidiaire à celled'obligation résultant d'un fait dommageable(265).

Quant à la notion de gestion d'affaires, ellene fait également l'objet d'aucune définitiondu règlement (266). Elle sera probablementconsidérée comme une notion autonomedont la portée résultera d'une analyse dudroit comparé des Etats membres (267).

38. — Facteurs de rattachement. — Lesauteurs du règlement se sont efforcés, danstoute la mesure du possible, de soumettreles obligations découlant d'un enrichisse-ment sans cause ou d'une gestion d'affairesà une loi aisément identifiable, plutôt qu'à la

loi du lieu du fait générateur de l'obligationqui risque de s'avérer fortuit (268).

Tout d'abord, lorsqu'elle peut être rattachéeà une relation préexistante entre les parties,notamment de nature contractuelle (269) ouquasi délictuelle, l'obligation quasi contrac-tuelle sera soumise à la même loi que cellequi gouverne cette relation (articles 10.1 et11.1). La priorité est donc donnée au ratta-chement accessoire.

A défaut, si les parties ont leur résidencehabituelle (270) sur le territoire du même Etat,la loi de cet Etat s'applique. Cette vérificationdoit s'opérer au moment où survient « le faitdonnant lieu à l'enrichissement » ou « le faitdonnant lieu au dommage » en cas de ges-tion d'affaires (articles 10.2 et 11.2) (271).

A défaut encore, on applique respective-ment la loi du lieu où l'enrichissement sanscause s'est produit (article 10.3) (272) ou laloi du lieu où la gestion d'affaires s'est pro-duite (article 11.3).

39. — Clause d'exception. — Les articles10.4 et 11.4 prévoient enfin une claused'exception permettant d'écarter l'applica-tion de la loi désignée par les principesexposés précédemment lorsque la situationprésente des liens manifestement plusétroits avec la loi d'un autre pays (273).

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(265) Tel est le cas dans le Code de droit internatio-nal privé (voy. B. Docquir, V. de Francquen, M. Gré-goire, R. Jafferali, M. Lamensch, V. Marquette et M.-D. Weinberger, op. cit., R.G.D.C., 2005, no 91,p. 590). On se souviendra par ailleurs que la Cour dejustice considère la matière délictuelle comme subsi-diaire à la matière contractuelle et que la Commis-sion a apparemment étendu cette appréciation àl'ensemble des obligations non contractuelles, ycompris donc l'enrichissement sans cause (voy. su-pra, no 14). En revanche, en droit interne, les droitsbelge et français font figures d'exception en faisantde l'enrichissement sans cause une institution subsi-diaire (voy. K. Zweigert et H. Kötz, Introduction toComparative Law, op. cit., p. 563). S'il apparaît doncclair que, dans le règlement Rome II, la notion d'en-richissement sans cause est subsidiaire à celled'obligation contractuelle, on peut se demander s'ildoit en aller de même vis-à-vis d'une obligation dé-coulant d'un fait dommageable. Un exemple figurantdans les (maigres) travaux préparatoires permetd'en douter. Ainsi, le Parlement européen a critiquél'application de la loi du lieu de l'enrichissement dansle cas où « un fraudeur décide d'ouvrir le comptebancaire sur lequel seront frauduleusement versésles montants en cause » (rapport du Parlement euro-péen en première lecture, pp. 27 et s.). Or, une frau-de constitue a priori toujours une faute, et donc unfait dommageable. Envisager l'application de la règlede conflit relative à l'enrichissement sans causedans cette hypothèse semble impliquer que cette rè-gle n'est pas subsidiaire à celle prévue à l'article 4 durèglement (dans le même sens, C. Tubeuf, op. cit., àparaître à la R.D.C., 2008/6, no 23). L'importancepratique de la question est cependant réduite par lerattachement accessoire prévu à l'article 10.1 du rè-glement.(266) Dans la version anglaise du règlement,l'article 11 est intitulé « Negotiorum gestio » etl'article 11.1 exprime cette notion sous la formed'une périphrase : « a non-contractual obligation ari-sing out of an act performed without due authority inconnection with the affairs of another person ».(267) Voy. récemment la définition donnée àl'article V.-1:101 par le Study Group on a EuropeanCivil Code et le Research Group on EC Private Law(Acquis Group), Principles, Definitions and Model Ru-les of European Private Law. Draft Common Frame ofReference (DCFR). Interim Outline Edition, Munich,Sellier European Law Publishers, 2008, p. 297.

(268) Voy. en ce sens le rapport du Parlement euro-péen en première lecture, p. 27.(269) « Par exemple, dans le cadre de l'exécutiond'un contrat – tel un mandat – une partie fait davan-tage que ce à quoi elle était tenue » (commentaire del'article 7 de la proposition de convention duG.E.D.I.P.). Selon la Commission, il pourrait mêmes'agir d'un contrat nul (proposition initiale de la Com-mission, p. 23).(270) Sur cette notion, voy. supra, no 20.(271) Comp. article 4.2 du règlement qui tient comp-te de la résidence habituelle au moment de la surve-nance du dommage (pour cette observation,C. Tubeuf, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6,no 43).(272) Malgré une certaine ambiguïté de la formuleutilisée, et afin de donner un effet utile au texte, l'ac-cent nous paraît être mis sur le lieu où l'enrichisse-ment s'est produit, indépendamment du lieu de l'ap-pauvrissement (c'est-à-dire le caractère « sanscause » de l'enrichissement); voy. en ce sensF. Guerchoun et S. Piedelièvre, op. cit., Gaz. pal.,28-30 octobre 2007, no 57, p. 15; comp. G. Légier,op. cit., Sem. jur., éd. G, I, no 207, pp. 28 et s., no 86,et C. Tubeuf, op. cit., à paraître à la R.D.C., 2008/6,nos 46 et s., qui estiment que le règlement ne tranchepas la question; comp. avec la formulation plus claireutilisée par l'article 128, § 2, de la loi fédérale suissedu 18 décembre 1987 sur le droit international privé,R.S., 291.(273) Voy., mutatis mutandis, supra, no 21.

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D. — Questions connexes

40. — Action directe contre l'assureur duresponsable (274). — L'article 18 du règle-ment comporte une règle de conflit spécialerelative à l'admissibilité de l'action directede la victime contre l'assureur de la per-sonne responsable, c'est-à-dire les condi-tions d'exercice de cette action (275). Celle-ci peut être introduite dès qu'elle estadmise, soit par la loi applicable à l'obliga-tion non contractuelle (déterminée confor-mément au règlement (276)), soit par la loidu contrat d'assurance. Il s'agit donc d'uncumul de lois dit facultatif ou alternatif, favo-rable à la victime (277).

L'étendue de l'obligation de l'assureur est,quant à elle, toujours fixée par la loi applica-ble au contrat d'assurance (278).

41. — Subrogation légale et responsabi-lité multiple (279). — Conformément àl'article 19 du règlement, la loi applicable àl'obligation d'un tiers de payer la dette noncontractuelle d'un débiteur détermine si, etdans quel mesure, ce tiers est subrogédans les droits du créanciers envers cedébiteur (280). Ainsi, par exemple, l'assu-reur qui a indemnisé la v ict ime serasubrogé, conformément à la loi du contrat

d'assurance, dans les droits de cette victimecontre le responsable (281).

L'article 20 du règlement prévoit une règleanalogue en cas de pluralité de débiteurstenus de la même obligation. Ainsi, lorsquedeux responsables sont tenus solidairementd'indemniser une victime et que le premieracquitte la dette du second, la loi applicableà l'obligation non contractuelle dont le pre-mier était tenu envers la victime déterminesi, et dans quelle mesure, le premier peutse retourner contre le second (282).

Cette seconde règle pourrait sembler n'êtrequ'une appl icat ion de cel le prévue àl'article 19 du règlement. Toutefois, à l'ana-lyse, son champ d'application paraît à la foisplus étendu et plus restreint : plus étendu,car elle vise le droit de celui qui a indemniséla victime « d'exiger une compensation dela part des autres débiteurs », ce qui estplus large que la seule hypothèse de lasubrogation (283); plus restreint, car ellesuppose que les codébiteurs soient tenusde la « même obligation », ce qui sembleexclure les hypothèses de codébition in soli-dum (284).

En réalité, au-delà de cette lecture assezexégétique, les ar ticles 19 et 20 nousparaissent devoir recevoir une interprétationlarge afin de couvrir l'ensemble des hypo-thèses de subrogation légale et de recourscontributoires entre codébiteurs en matièred'obligations non contractuelles (285). Onrappellera en effet que les catégories du

(274) Sur l'action directe dans les chaînes de con-trat, cons. les réf. citées supra à la note no 101.(275) Voy. en ce sens, à propos de l'article 106 duCode de droit international privé, B. Docquir, V. deFrancquen, M. Grégoire, R. Jafferali, M. Lamensch,V. Marquette et M.-D. Weinberger, op. cit.,R.G.D.C., 2005, no 96, p. 591.(276) Le choix par les parties de la loi applicable nepeut cependant nuire aux tiers (article 14.1, alinéa 2,du règlement). Si ni la loi du contrat d'assurance, nila loi normalement applicable à l'obligation non con-tractuelle n'admettent l'action directe, la victime nepourrait donc introduire celle-ci contre l'assureur, fût-elle permise par la loi convenue par la victime avecle responsable(277) Comp. article 106 du Code de droit internatio-nal privé qui aboutit au même résultat par le recoursà une règle subsidiaire.(278) Proposition initiale de la Commission, p. 27.(279) Comme l'observe G. Légier, op. cit., Sem. jur.,éd. G, I, no 207, p. 31, no 104, ces questions seront,par exception, tranchées par le juge belge conformé-ment au règlement dans le cadre d'un accident de lacirculation routière, étant exclues du champ d'appli-cation de la Convention de La Haye du 4 mai 1971par son article 2, points 4 à 6.(280) Cette disposition reprend la règle figurant déjà,en matière d'obligations contractuelles, à l'article 13de la Convention de Rome (article 15 du futur règle-ment Rome I) et, de manière générale, àl'article 107, alinéa 1er, du Code de droit internatio-nal privé.

(281) Proposition initiale de la Commission, p. 27.(282) Voy. dans le même sens, en matière d'obliga-tions contractuelles, l'article 13.2 de la Conventionde Rome (article 16 du futur règlement Rome I, et laprécision apportée par la deuxième phrase de cettedisposition), et, de manière générale, l'article 107,alinéa 2, du Code de droit international privé.(283) Ainsi, en droit belge, on a parfois admis que lerecours entre codébiteurs solidaires se fonde sur lathéorie de l'enrichissement sans cause (voy. Cass.,21 octobre 1965, Pas., 1966, I, 240, note P.M.;Cass., 25 mars 1955, Pas., 1955, I, 823).(284) Celles-ci seraient donc régies par l'article 19,du moins lorsque le recours contributoire entre codé-biteurs in solidum est fondé sur une subrogation; onadmet cependant en droit belge qu'il soit égalementfondé sur les articles 1382 et 1383 du Code civil(Cass., 17 juin 1982, R.C.J.B., 1986, pp. 680 et s.,note L. Cornelis) ou sur l'enrichissement sans cause(Cass., 21 octobre 1965, Pas., 1966, I, 240, noteP.M.).(285) Y compris donc, par exemple, le recours entrecodébiteurs in solidum d'une obligation non contrac-tuelle fondé sur les articles 1382 et 1383 du Code ci-vil belge ou sur la théorie de l'enrichissement sanscause.

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droit international privé doivent être con-çues de manière suffisamment souple pourpouvoir englober des institutions issues dedroits matériels parfois fort différents (286),et qu'au-delà des nuances de la techniquejuridique, il faut aussi avoir égard à la fonc-tion sociale remplie par ces institutions(287).

42. — Validité des actes juridiques unila-téraux relatifs à une obligation non con-tractuelle. — L'article 21 du règlement pré-voit qu'un acte juridique unilatéral relatif àune obligation non contractuelle (288) estvalable quant à la forme s'il satisfait auxconditions posées, soit par la loi qui régitl'obligation non contractuelle (déterminéeconformément au règlement), soit à la loi dulieu où l'acte juridique est intervenu. Sanssurprise, il s'agit donc d'une applicationfacultative de la règle locus regit actum(289).

La validité quant au fond de cet acte relèvequant à elle de la loi applicable à l'obligationnon contractuelle (290).

43. — Preuve. — La preuve de l'obligationnon contractuelle est exclue du champd 'app l i ca t ion du règ lement (291) .L'article 22 règlemente toutefois certainsaspects limités du droit de la preuve (292).

Conformément à l'article 22.1 du règlement,la charge de la preuve et les présomptionslégales en matière d'obligations non con-tractuelles sont régies par la loi applicable àcelle-ci (293).

L'article 22.2 du règlement règle quant à luil'admissibilité des modes de preuve desactes juridiques unilatéraux relatifs à uneobligation non contractuelle (294). Un modede preuve est admissible pour autant qu'ilsatisfasse aux conditions posées par la loi,soit de l'obligation non contractuelle, soit dulieu de l'acte juridique, soit encore du for,pour autant dans les deux premiers cas quel'acte soit valable en la forme conformémentà cette loi (295) et qu'un tel mode de preuvepuisse être administré devant le tribunalsaisi (296).

V. — DOMAINE DE LA LOI APPLICABLE

44. — Etendue du domaine de la loiapplicable. — L'article 15 du règlementprécise les questions régies par la loi déter-minée conformément au règlement. Lelégislateur européen ayant eu principale-ment à l'esprit les obligations résultant d'unfait dommageable lors de la rédaction decet ar ticle, celui-ci devra être appliquémoyennant les adaptations nécessaires auxobligations quasi contractuelles (297).

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(286) Voy. Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Va-reilles-Sommières, op. cit., no 192, p. 241. Ainsi, parexemple, en droit anglais, la subrogation n'est pasenvisagée comme une institution autonome maiscomme une forme d'enrichissement sans cause(voy. K. Zweigert et H. Kötz, Introduction to Compa-rative Law, op. cit., p. 555). On ne pourrait cepen-dant à notre sens s'arrêter à cette qualification legecausae pour refuser de lui appliquer les articles 19 et20 du règlement.(287) Voy. en ce sens F. Rigaux et M. Fallon, Droitinternational privé, op. cit., no 7.18, p. 291(288) Selon la Commission, il s'agirait de tout acteunilatéral ayant pour effet de créer ou d'éteindre uneobligation non contractuelle (proposition initiale de laCommission, p. 28). En raison de la formulation lar-ge de l'article 21, on pourrait concevoir qu'il s'appli-que également par exemple à la validité formelle dela ratification par le maître de l'affaire des actes ac-complis par le gérant de l'affaire.(289) Voy. dans le même sens l'article 9 de la Con-vention de Rome (article 11 du futur règlementRome I).(290) Arg. article 15, a), du règlement, quant auxconditions dans lesquelles le maître de l'affaire esttenu par les actes du gérant de l'affaire, et h), s'agis-sant des actes unilatéraux extinctifs de l'obligationnon contractuelle; dans le même sens, G. Légier, op.cit., Sem. jur., éd. G, I, no 207, p. 32, no 107.(291) Sur la loi applicable, voy. supra, no 15, et lesréf. citées à la note no 123.

(292) Voy. dans le même sens l'article 14 de la Con-vention de Rome (article 18 du futur règlementRome I).(293) En revanche, une présomption se rattachantau droit procédural sans être propre aux obligationsnon contractuelles, telle qu'une présomption d'ac-quiescement du défendeur défaillant aux allégationsdu demandeur, relève de la lex fori (comp. RapportGiuliano-Lagarde, commentaire de l'article 14, A,p. 36).(294) Sur cette notion, voy. supra, no 42. Bien que letexte se réfère aux « actes juridiques » en général,seul les actes visés à l'article 21 du règlement sonten fait visés (proposition initiale de la Commission,p. 28). Les actes juridiques multilatéraux relèventd'ailleurs en règle du champ d'application de la Con-vention de Rome ou du futur règlement Rome I.(295) Comp. la précision figurant au Rapport Giulia-no-Lagarde, commentaire de l'article 14, B, p. 37.(296) Cette réserve permet au juge de refuser d'ad-mettre un mode de preuve, certes permis par la loi del'obligation non contractuelle ou du lieu où l'acte aété accompli, mais qui ne peuvent, en vertu de sa loide procédure, être administré devant lui, tel quedans certains droits le serment, le témoignage del'une des parties ou la commune renommée (comp.Rapport Giuliano-Lagarde, commentaire del'article 14, B, p. 36).(297) Ainsi, par exemple, la « responsabilité » de ce-lui qui s'est enrichi sans cause devra s'entendre de

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De manière générale, le domaine de la loiapplicable doit être interprété largement,l'énumération figurant dans cette dispositionn'étant qu'exemplative et se recoupantd'ailleurs sur certains points (298). Il inclut :

a) Les conditions et l'étendue de la respon-sabilité.

Quant aux conditions de la responsabilité,la loi applicable définit les éléments consti-tutifs de la responsabilité (responsabilitépour faute ou responsabilité objective; défi-nition de la faute, y compris la question desavoir si elle peut consister en une absten-tion d'agir; définition du lien causal et dudommage; capacité aquilienne, c'est-à-direla question de savoir si un mineur, un inca-pable ou une personne en état d'ébriétépeut engager sa responsabilité extracon-tractuelle (299)).

S'agissant plus particulièrement de la défi-nition de la faute, si elle est soumise à la loiapplicable à l'obligation non contractuelle,l'article 17 du règlement impose cependantde tenir compte (300), « en tant qu'élémentde fait et pour autant que de besoin desrègles de sécurité et de comportement envigueur au lieu et au jour de la survenancedu fait qui a entraîné la responsabilité ». Estainsi visée « toute la réglementation ayantun lien avec la sécurité et le comportement,y compris, par exemple, les règles enmat ière de sécur i té rout ière en casd'accident » (301). Ainsi, par exemple, si un

Belge en visite à Londres commet un acci-dent de la circulation en oubliant de tenir sagauche et blesse ainsi un passager belge,le juge anglais définira la faute conformé-ment au droit belge en vertu de l'article 4.2du règlement, mais devra tenir compte,dans l'appréciation du comportement duconducteur raisonnablement diligent et pru-dent, de la circonstance qu'un conducteuren Angleterre est censé rouler à gauche. Demanière moins caricaturale, pour appréciers'il y a faute au sens de la loi applicable, lejuge pourra tenir compte de la circonstanceque l'auteur d'une atteinte à l'environne-ment s'est conformé aux prescriptions envigueur dans le pays de l'exploitation (302)ou du respect, par un producteur, des nor-mes de fabrication d'un produit (303). Cetteprise en compte permettra notammentd'apprécier la gravité de la faute commise,voire même la bonne ou mauvaise foi del'auteur (304).

Quant à l'étendue de la responsabilité, ellevise notamment l'existence d'un plafond deresponsabilité et l'obligation à la dette dechacun des coauteurs (305).

b) Les causes d'exonération (force majeure,erreur invincible, état de nécessité et autrescauses de justification; validité des clausesd'exonération de responsabilité (306)), de

son obligation d'indemniser celui qui s'est appauvri.Pour une explicitation du domaine de la loi applicableaux obligations quasi contractuelles, voy. HamburgGroup for Private International Law, op. cit. à la noteno 3, pp. 31 et 32.(298) Sauf indication contraire, les précisions qui sui-vent sont issues de la proposition initiale de la Com-mission, pp. 24-26. L'article 15 du règlement étantfortement inspiré de l'article 8 tant de la Conventionde La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable enmatière d'accidents de la circulation routière que dela Convention de La Haye 2 octobre 1973 sur la loiapplicable à la responsabilité du fait des produits, leRapport Reese, précité à la note no 167, et le Rap-port explicatif de M. E.W. Essen, Doc. parl., Ch.,s. o., 1972-1973, no 661/1, pp. 5 et s., sont égale-ment de bonnes sources d'interprétation.(299) Commentaire de l'article 5 de la proposition deconvention du G.E.D.I.P.(300) La disposition laisse donc un pouvoir d'appré-ciation au juge (proposition modifiée de la Commis-sion, p. 4; exposé des motifs de la position communedu Conseil, p. 7), lequel est exprimé par les termes« pour autant que de besoin » dont la portée appa-raît plus clairement dans les versions anglaise etnéerlandaise du texte (« in so far as is appropriate »et « in passende mate »).

(301) Considérant no 34 du règlement. Rappelonsque le juge belge n'appliquera pas le règlement enmatière d'accident de la circulation routière (supra,no 9).(302) Proposition initiale de la Commission, p. 21.(303) Commentaire de l'article 10 de la propositionde convention du G.E.D.I.P. Pour une interprétationextensive de la notion de règles de sécurité, voy. leRapport Reese, p. 269, qui considère qu'elle inclut« toute la réglementation d'un produit. L'expressioncouvre, par conséquent, la réglementation concer-nant la fabrication, la vérification et la réparation duproduit, ainsi que les dispositifs de sécurité dont leproduit doit être pourvu. Pour donner un exemple,les mots « règles de sécurité » pourraient concernerla réglementation limitant le nombre d'heures de tra-vail qu'un travailleur doit accomplir dans une usine,pourvu que cette réglementation ait pour but, partiel-lement tout au moins, de mieux assurer la sécuritédu produit ». Voy. également les explications figurantdans la Rapport Essen, pp. 31 et s.(304) Proposition initiale de la Commission, p. 27.Sur les rapports entre ce mécanisme et le principedu pays d'origine, voy. H. Muir Watt, op. cit., The Ins-titutional Framework of European Private Law,pp. 126 et s.; et pour un rapprochement avec la doc-trine des intérêts gouvernementaux, ibidem, pp. 146et s., et S.C. Symeonides, op. cit. à la note no 2,pp. 39 et s.(305) Sur la contribution à la dette, voy. supra, no 41.(306) Rapport Reese, p. 265.

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limitation (307) et de partage de responsa-bilité.

c) L'existence, la nature et l'évaluation dudommage réparable (possibilité d'indemni-ser le dommage corporel, matériel, écono-mique, moral ou environnemental (308)ainsi que la perte d'une chance) et la répa-ration de ce dommage (octroi des intérêts ettaux de ceux-ci (309); réparation en natureou par équivalent; paiement d'une sommeunique ou de versements échelonnés(310)). L'identification des principes applica-bles à l'évaluation du dommage ne doitcependant pas être confondue avec l'éva-luation du dommage en fait (311). Ainsi, parexemple, si la loi applicable prévoit le prin-cipe de la réparation intégrale du dommage,le juge devra tenir compte de l'ensembledes circonstances de fait permettant d'éva-luer ce dommage, et notamment du coût dela vie dans l'Etat de la résidence habituellede la victime, qui peut différer de celui del'Etat dont la loi est applicable à l'obligationde réparation ou de celui du for (312).

d) Les mesures que le tribunal peut ordonnerpour assurer la prévention, la cessation(313) ou la réparation du dommage, à moinsque cette mesure n'excède les pouvoirs dontdispose le juge en vertu de la lex fori.

e) La transmissibilité du droit à réparation,que ce soit entre vifs (314) ou à cause demort (315).

f) Les « personnes ayant droit à réparationdu dommage qu'elles ont personnellementsubi », c'est-à-dire la question de savoir siune victime « par r icochet » (telle quel'époux de la victime directe) peut se préva-loir d'un préjudice propre réparable.

g) La responsabilité du fait d'autrui (316),ainsi que du fait des choses ou des ani-maux (317).

h) Enfin, les modes d'extinction de l'obliga-tion, tels que les règles de déchéance et deprescription, y compris celles relatives aupoint de départ, à l'interruption et à la sus-pension de la prescription.

VI. — MÉCANISMES CORRECTEURS

45. — Généralités. — Plusieurs mécanis-mes, dont certains sont au demeurant clas-siques, peuvent perturber le fonctionnementnormal des règles de conflit édictées par lerèglement. Il s'agit de l'autonomie de lavolonté (no 46), de l'ordre public (no 47),des lois de police (no 48) et de la claused'exception (no 49). En revanche, le règle-ment exclut expressément l'application de lathéorie du renvoi (no 50).

46. — Autonomie de la volonté. — Tantafin de respecter l'autonomie de la volontéque de renforcer la sécurité juridique (318),l'article 14 du règlement confère aux partiesla liberté de déroger aux règles de conflitprévues par le règlement en choisissant laloi applicable à une obligation non contrac-tuelle (319). Cette liberté est cependantstrictement encadrée par de nombreusesconditions.

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(307) Notamment les conditions auxquelles une ac-tion en responsabilité extracontractuelle peut être in-troduite entre cocontractants (F. Rigaux et M. Fallon,Droit international privé, op. cit., no 15.19, p. 933).Sur les immunités de responsabilité entre époux,voy. supra, note no 107.(308) Le déjà célèbre jugement rendu le 16 janvier2008 par le T.G.I. de Paris dans l'affaire de l'Erika(accessible sur www.faroetgozlan.com), qui conclutà la possibilité d'indemniser le dommage environne-mental en droit français, suffit à illustrer l'enjeu de ladétermination de la loi applicable.(309) Rapport Reese, p. 265.(310) Rapport Reese, p. 265.(311) Voy. le commentaire de l'article 5 de la propo-sition de convention du G.E.D.I.P.(312) Voy. en ce sens le considérant no 33 du règle-ment; rapport du Parlement européen en deuxièmelecture, p. 12; rapport du Parlement européen entroisième lecture, p. 7.(313) Sur la compétence du président du tribunal decommerce pour ordonner la cessation d'un acte deconcurrence déloyale contraire à une loi étrangère,cons. P. Wautelet, op. cit., R.D.C., 2006, nos 8 et s.,pp. 997 et s., qui fait une intéressante application dela théorie de l'équivalence.(314) Voy. déjà l'article 12.2 de la Convention deRome (article 14.2 du futur règlement Rome I).

(315) La dévolution successorale proprement ditesera quant à elle régie par le droit désigné par lesarticles 78 et suivants du Code de droit internationalprivé.(316) En revanche, l’imputabilité à une personnemorale des fautes de ses organes est déterminéepar la loi applicable conformément à l'article 110 duCode de droit international privé (arg. article 1.2, d),du règlement; voy. R. Jafferali, op. cit., R.D.C., 2004,no 47, p. 783).(317) Arg. article 103, 2o, du Code de droit interna-tional privé, article 15, a, du règlement et le caractèrenon exhaustif de l'énumération.(318) Voy. le considérant no 31 du règlement.(319) Sur la question de savoir si un choix de la loiapplicable doit être distingué d'un accord procéduraldéduit de la circonstance que les parties plaident endroit belge sans se référer à la possible applicationd'une loi étrangère, voy. le commentaire de l'article 8de la proposition de convention du G.E.D.I.P.;F. Guerchoun et S. Piedelièvre, op. cit., Gaz. pal.,

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Premièrement, la règle de conflit prévue parle règlement ne doit pas être impérative, cequi est le cas en matière de concurrencedéloyale et d'actes restreignant la libre con-currence (article 6.4) et d'atteintes à un droitde propriété intellectuelle (article 8.3) (320).

Deuxièmement, dans un but de protectionde la partie faible, un tel accord ne peut enprincipe être conclu qu'après la commissiondu fait générateur (article 14.1, alinéa 1er,a). Par exception, il peut également êtreconclu avant ce moment, mais en ce cas àla double condition qu'il soit conclu entrepersonnes exerçant une activité commer-ciale (321) et qu'i l ait été « librementnégocié », ce qui exclut le choix opéré dansun contrat d'adhésion (322) (article 14.1,alinéa 1er, b).

Troisièmement, ce choix doit être exprès ourésulter de façon certaine des circonstan-ces (323) (article 14.1, alinéa 2).

Quatrièmement, ce choix ne peut porterpréjudice aux droits des tiers (article 14.1,alinéa 2). Le choix par la victime et le res-ponsable d'une loi qui aggrave en définitiveles obligations de ce dernier sera doncinopposable à l'assureur (324).

Cinquièmement, lorsque tous les élémentsde la situation sont localisés, au moment dela survenance du fait générateur, dans unEtat déterminé, les parties ne peuvent, enchoisissant la loi d'un autre Etat, porteratteinte aux règles impératives du premierEtat, à savoir les règles auxquelles, dans ledroit interne (325) de cet Etat, il ne peut êtredérogé de commun accord (article 14.2). Ils'agit d'une consécration de l'interdiction dela fraude à la loi (326). Dans le même ordred'idées, lorsque tous les éléments de lasituation sont localisés, au moment de lasurvenance du fait générateur, sur le terri-toire d'un ou plusieurs Etats membres(327), les parties ne peuvent, en choisissantla loi d'un Etat tiers, porter atteinte auxrègles impératives issues du droit commu-nautaire, telles qu'elles ont été transposéesdans l'Etat du for (328) (article 14.3).

Sixièmement et enfin, les autres conditionsde validité d'un accord portant sur la loiapplicable à une obligation non contrac-tuelle devront à notre sens être régies par laloi applicable à cet accord, tel que détermi-née par la Convention de Rome ou le futurrèglement Rome I.

28-30 octobre 2007, no 69, p. 18; F. Rigaux etM. Fallon, Droit international privé, op. cit., no 6.53,p. 266; comp. les réflexions de C. Tubeuf, « L'accordprocédural en droit international privé et l'office dujuge au cours d'une procédure judiciaire », note sousLiège, 29 mai 2000, R.G.D.C., 2003, pp. 224 et s.,nos 26 et s., pp. 232 et s., et de l'Unité de droit inter-national privé de l'Université libre de Bruxelles, op.cit. à la note no 3, no 49, p. 44.(320) Cette règle n'a toutefois pas à notre sens poureffet de conférer un caractère impératif aux disposi-tions matérielles désignées par la règle de conflit.Rien n'empêcherait donc les parties de transiger surle fond du droit si la loi applicable ne s'y oppose pas.(321) On sait qu'à la différence des droits belge etfrançais, la plupart des droits, et notamment le droitcommunautaire, ne comportent pas un corps de rè-gles spécifiques aux commerçants. Voy. ainsi la di-rective 2000/35/CE du Parlement européen et duConseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre leretard de paiement dans les transactions commer-ciales, applicable dans les relations entre entrepriseset entre entreprises et pouvoirs publics. A notresens, la notion de personne exerçant une activitécommerciale au sens de l'article 14 du règlementRome II devrait s'interpréter à la lumière de la défini-tion de l'entreprise figurant à l'article 2, 1), de la di-rective 2000/35/CE, à savoir « toute organisationagissant dans l'exercice d'une activité économiqueou professionnelle indépendante, même lorsquecette activité n'est exercée que par une seulepersonne » (voy. également l'article 2, b), de la di-rective 2005/29/CE sur les pratiques commercialesdéloyales). Voy. en ce sens le point 27 de la note du3 février 2006 de la présidence du Conseil auCoreper II, doc. 5864/06, p. 8, qui énonce : « Quantaux conventions conclues au préalable, elles ne de-vraient être admises que dans le cadre des relationsentre commerçants » [in a business-to-businesscontext] « où toutes les parties agissent dans un butpouvant être considéré comme relevant de leur acti-vité professionnelle. Seraient ainsi exclues les con-ventions conclues par des consommateurs et desemployés ». En revanche, les professions libéralesne sont à notre sens pas exclues.(322) Proposition modifiée de la Commission, p. 3.On pense notamment au règlement général des opé-rations de banque.

(323) Sur cette hypothèse, comp. le Rapport Giulia-no-Lagarde, commentaire de l'article 3, no 3, p. 17.(324) Voy. la proposition initiale de la Commission,p. 24.(325) La catégorie de ces dispositions impérativesde droit interne est donc beaucoup plus étendue quecelle des dispositions internationalement impérati-ves visées à l'article 16 du règlement ou des disposi-tions relevant de l'ordre public international du for ausens de l'article 26 du règlement (proposition initialede la Commission, p. 24).(326) Voy. dans le même sens l'article 3.3 de la Con-vention de Rome et du futur règlement Rome I.(327) A l'exclusion du Danemark (article 1.4 du rè-glement; comp. article 1.3, deuxième phrase, du fu-tur règlement Rome I).(328) Les version anglaise et néerlandaise du texteconfirment qu'un « pays tiers » au sens del'article 14.3 est un Etat non-membre de l'Unioneuropéenne, et non simplement un Etat membre surle territoire duquel aucun élément de la situation neserait localisé (voy. dans le même sens l'article 3.4du futur règlement Rome I).

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47. — Ordre public. — L'article 26 durèglement consacre l'exception bien connuede l'ordre public (329). On sait que l'excep-tion d'ordre public permet d'écarter l'appli-cation de la loi étrangère désignée par larègle de conflit lorsqu'elle heurte les con-ceptions fondamentales du for, que son utili-sation doit demeurer exceptionnelle (330),et que l'ordre public au sens du droit inter-national privé est plus restreint que l'ordrepublic au sens du droit interne.

La principale question en la matière estcelle de savoir si une loi prévoyant l'alloca-tion de dommages-intérêts punitifs, à savoirdes dommages-intérêts qui ne se bornentpas à réparer le dommage mais infligent àla personne responsable une véritablepeine privée, doit être considérée commecontraire à l'ordre public (331).

A l'origine, la proposition de règlementapportait à cette question une réponse tran-chée puisqu'elle prévoyait un écartementautomatique de la loi octroyant des domma-ges-intérêts punitifs (332). Le Parlementeuropéen a nuancé cette approche enréservant au juge un pouvoir d'appréciationau regard des conceptions du for (333) et laCommission a tenu à préciser que le jugen'écarterait que les dommages-intérêtspunitifs dont le montant serait excessif(334), idées qui, après quelques péripéties(335), se trouvent exprimées au considérantno 32 du règlement (336).

En droit belge, si l'interdiction de principedes peines privées est encore vivace (337),il est toutefois permis de se demander sil 'octroi de dommages-intérêts punitifsheurte encore véritablement les concep-tions fondamentales de la Belgique, alorsnotamment que le législateur belge a volon-tairement généralisé cette possibilité, certesdans certaines limites, en cas d'atteinte àun droit de propriété intellectuelle. En effet,« En cas de mauvaise foi, le juge peut, àtitre de dommages et intérêts, ordonner lacession de tout ou partie du bénéfice réaliséà la suite de l'atteinte, ainsi qu'en redditionde compte à cet égard. Seuls les frais direc-tement liés aux activités de contrefaçonconcernées sont portés en déduction pourdéterminer le bénéfice à céder », alors quele bénéfice réalisé par l'auteur de la contre-façon peut excéder le montant du dommagesubi par le titulaire du droit de propriétéintellectuelle (338).

48. — Lois de police. — Sous l'appellationun peu mystérieuse de « Dispositions impé-ratives dérogatoires », l'article 16 du règle-ment vise en réalité le mécanisme des loisd'application immédiate (339), aussi appe-

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(329) Voy. Cass., 18 juin 2007, [email protected],2007/2, p. 33; Cass. (1re ch.), 27 février 1986,R.C.J.B., 1989, p. 56, note N. Watté; voy. égalementla proposition initiale de la Commission, pp. 29 et s.Sur le contrôle marginal exercé par la Cour de justicesur la notion d'ordre public, cons. C.J.C.E., 11 mai2000, Renault, C-38/98, Rec., 2000, I, p. 2973,points 28 et 32.(330) Voy. les exemples de refus d'application de laclause d'ordre public en droit français cités parF. Guerchoun et S. Piedelièvre, op. cit., Gaz. pal.,28-30 octobre 2007, no 83, pp. 22 et s.(331) Sur les règles de conflit appliquées aux Etats-Unis en matière de dommages-intérêts punitifs et unexamen de cette notion, cons. S.C. Symeonides,« Resolving punitive-damages conflicts », Yearb. PIL,2003, vol. 5, pp. 1 et s., accessible sur http://pa-pers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=903469.(332) Article 24 de la proposition initiale de la Com-mission, p. 41, qui considérait, p. 30, que de telsdommages-intérêts heurtent l'ordre public commu-nautaire.(333) Rapport du Parlement européen en premièrelecture, p. 35.(334) Proposition modifiée de la Commission, p. 5(335) Voy. l'exposé des motifs de la position commu-ne du Conseil, p. 11; la communication de la Com-

mission sur la position commune, p. 4; le rapport duParlement européen en deuxième lecture, p. 18; etl'avis de la Commission sur les amendements duParlement européen en deuxième lecture, p. 3.(336) Cette solution paraît plus respectueuse de lajurisprudence de la Cour de justice, qui ne paraît pasconsidérer que des dommages-intérêts punitifs se-raient par nature contraires au droit communautaire,sauf lorsqu'ils entraînent un enrichissement sanscause (voy. C.J.C.E., 13 juillet 2006, Manfredi, C-295/04 à C-298/04, Rec., 2006, I, p. 6619, points 93et s.).(337) Voy. notamment P.-A. Foriers, « Observationssur le thème de l'abus de droit en matièrecontractuelle », note sous Cass., 30 janvier 1992,R.C.J.B., 1994, pp. 189 et s., no 23, p. 221 et la noteno 106.(338) Voy. la disposition insérée par la loi du 9 mai2007 relative aux aspects civils de la protection desdroits de propriété intellectuelle dans les lois sur lesbrevets d'invention, les obtentions végétales, les to-pographies de produits semi-conducteurs, le droitd'auteur et les droits voisins, les programmes d'ordi-nateur, les bases de données et les appellationsd'origine. Le législateur belge va ainsi plus loin quene l'exigeait le droit européen (Doc. parl., Ch., s. o.,2006-2007, no 51-2943/001, p. 30) : voy. l'article 13de la directive 2004/48/CE du Parlement européenet du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect desdroits de propriété intellectuelle et son considérantno 26 qui souligne que le but n'était « pas d'introduireune obligation de prévoir des dommages-intérêtspunitifs ».(339) Sur cette notion, voy. notamment R. Jafferali,op. cit., R.D.C., 2004, no 9, p. 770 et réf. citées;

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lées règles spéciales d'applicabilité, et qui,depuis l'abrogation de l'article 3, alinéa 1er,du Code civil, se confondent désormaisavec les lois de police (340).

Il s'agit de règles de droit interne, impérati-ves ou d'ordre public, qui dérogent aumécanisme normal de la règle de conflit enfixant elles-mêmes leur champ d'applicationdans l'espace. Leur nature ressort, soit dutexte même d'une loi particulière qui com-porte une règle de rattachement qui lui estpropre, soit d'une interprétation de lavolonté du législateur qui permet de consi-dérer que celui-ci a entendu appliquer cetteloi à l'ensemble des rapports juridiqueslocalisés sur son territoire en vue d'assurerl'effectivité d'une certaine politique (341).On notera que s'il vise les lois de policenationales, éventuellement issues de latransposition d'une directive, l'article 16 durèglement Rome II ne réserve en revancheaucune place à l'application des lois depolice étrangères (342).

Les lois de police ne sont pas fréquentes enmatière d'obligations non contractuelles(343). On peut tout d'abord citer la loi du

19 décembre 2005 relative à l'informationprécontractuelle dans le cadre d'accords departenariat commercial (344). On peut éga-lement songer (345) au régime d'indemni-sation des victimes d'actes intentionnels deviolence prévu par la loi du 1er août 1985portant des mesures fiscales et autres, dontl'article 31bis, 1o, précise qu'il s'appliquelorsque « L'acte de violence a été commisen Belgique » (346), et à la récente loi du15 mai 2007 relative à l'indemnisation desdommages résultant de soins de santé(347), qui ne s'applique, aux terme de sonarticle 3, § 1er, qu'aux dommages « causésen Belgique » (348). Lorsque le fait domma-geable s'est produit en Belgique, la victimepourra donc bénéficier de l'application deces deux dernières lois, même si le règle-

F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, op.cit., nos 4.4 et s., pp. 129 et s.(340) F. Rigaux et M. Fallon, Droit international pri-vé, op. cit., no 4.14, p. 138.(341) Voy. F. Rigaux et M. Fallon, Droit internationalprivé, op. cit., no 4.9, p. 133; adde l'arrêt Arblade,précité à la note no 47, point 30, qui définit les lois depolice comme « des dispositions nationales dontl'observation a été jugée cruciale pour la sauvegardede l'organisation politique, sociale ou économique del'Etat membre concerné, au point d'en imposer lerespect à toute personne se trouvant sur le territoirenational de cet Etat membre ou à tout rapport juridi-que localisé dans celui-ci ». Sur les lois de police is-sues du droit communautaire dérivé, voy. supra, no 8et la note no 53.(342) A la différence de l'article 7 de la Conventionde Rome et de l'article 20 du Code de droit interna-tional privé, et contrairement à ce que prévoyaitl'article 12 de la proposition initiale de la Commis-sion. L'exposé des motifs de la position commune duConseil se borne à cet égard à indiquer qu'« il a étéconvenu lors des négociations de supprimer » l'ap-plication des lois de police étrangères « qui poseraitdes problèmes à certains Etats membres » (p. 8), àsavoir notamment le Royaume-Uni et l'Allemagne(voy. le compte rendu du 26 février 2004 des travauxdu Comité sur les questions de droit civil (règlementRome II) du Conseil, doc. 6518/04, p. 5) et la Letto-nie (doc.9009/04 ADD 9, p. 3). Comp. article 9.3 dufutur règlement Rome I.(343) Outre les exemples cités ci-après, voy.M. Fallon, B. Fauvarque-Cosson et S. Francq, op.cit., Les responsabilités environnementales dansl'espace européen, no 53, p. 598, qui s'interrogentsur le point de savoir si la directive no 2004/35 relati-

ve à la responsabilité environnementale, précitée àla note no 212, ne doit pas être qualifiée de loi de po-lice.(344) Pour une analyse de l'article 9 de cette loi quilui confère le caractère de loi de police, cons.J. Toro, « L'information précontractuelle dans le ca-dre d'accords de partenariat commercial en droit in-ternational privé », R.D.C., 2006, pp. 923 et s., spé-cialement pp. 930 et s.(345) Voy., dans le même sens, M. Fallon, op. cit., àparaître à la R.D.C., 2008/6, no 15.(346) Comp. Cass. fr., 3 juin 2004, Rev. crit. dr. int.priv., 2004, p. 750, note D. Bureau, décidant que « lalégislation française concernant l'indemnisation devictimes d'infractions par les commissions d'indemni-sation des victimes d'infraction (C.I.V.I.) institue undroit à réparation du dommage résultant d'une infrac-tion commise à l'étranger; que cette loi est destinée àassurer une indemnisation fondée sur la solidarité na-tionale, au moyen d'un système de garantie du risquesocial de la délinquance, confié à une juridiction civilespécialisée, avec une dérogation à la règle de l'appli-cation de la loi du délit; qu'elle a, ainsi, le caractèred'une loi d'application nécessaire excluant toute réfé-rence au droit étranger » (nous soulignons).(347) L'entrée en vigueur de cette loi, initialementfixée au 1er janvier 2008, a été reportée à une date àfixer par le Roi et au plus tard le 1er janvier 2009 parune loi du 21 décembre 2007, publiée in extremis le31 décembre 2007.(348) Bien que les travaux préparatoires de la loisoient muets sur son champ d'application territorial,la volonté du législateur de lui conférer le caractèrede loi de police est confortée par certains passagesde l'exposé des motifs qui insistent sur le fait qu'ils'agit d'une « d'une question qui intéresse la sociétédans son ensemble » (Doc. parl., Ch., s. o., 2006-2007, no 51-3012/001, p. 5), le souci d'éviter unehausse des primes sur le marché belge des assuran-ces de responsabilité professionnelle et la multiplica-tion des comportements de médecine défensive(p. 6) et de répondre aux besoins de la population(p. 8), l'avancée importante que représente la loi entermes de politique de santé (p. 10) et, de manièregénérale, la mise en place d'un système de solidariténationale pour indemniser les victimes de domma-ges résultant de soins de santé (comp. supra, noteno 346).

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Revue Générale des Assurances et des Responsabilités (2008)

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ment Rome II prescrit l'application d'une loiétrangère, par exemple parce que l'auteuret la victime ont tous deux leur résidencehabituelle à l'étranger (article 4.2 du règle-ment). En revanche, il ne paraît plus possi-ble aujourd'hui de considérer que la loi du14 juillet 1991 sur les pratiques du com-merce et sur l'information et la protection duconsommateur serait, globalement, une loide police (349).

Si les lois de police s'appliquent d'autorité àune situation normalement soumise à uneloi étrangère, réciproquement, elles refu-sent en principe de s'appliquer lorsque leurcritère d'applicabilité n'est pas rempli,même lorsque la règle de conflit désignel'ordre juridique dont elles émanent. Ellessont, en ce sens, « autolimitées » (350).Ainsi, si les lois précitées des 1er août 1985et 15 mai 2007 peuvent bien être qualifiéesde lois de police, elles ne s'appliqueront enprincipe pas lorsque le fait dommageableest survenu à l'étranger, et ce même si la loibelge est applicable en vertu du règlementRome II (351).

49. — Clause d'exception. — Une claused'exception permet au juge d'écarter la loidésignée par la règle de conflit lorsqu'il

constate que la situation en cause présentedes liens manifestement plus étroits avecun autre Etat.

Le règlement Rome II ne comporte pas declause générale d'exception (352). Il faitcependant ponctuellement application dumécanisme dans la règle générale applica-ble à la responsabilité résultant d'un faitdommageable (article 4.3), en matière deresponsab i l i t é du fa i t des p rodu i t s(article 5.2), d'enrichissement sans cause(ar t i c le 10 .4 ) , de ges t ion d 'a f fa i re(article 11.4) et de culpa in contrahendo(article 12.2, c). Dans les deux premierscas, l'appréciation des liens manifestementplus étroits doit tenir compte d'un possiblerattachement accessoire à une relationpréexistante entre les parties.

Pour le surplus, le fonctionnement de laclause d'exception a déjà été exposé ci-avant (voy. supra, no 21).

50. — Exclusion du renvoi. — L'article 24du règlement exclut l'application de la théo-rie du renvoi (353). Le droit désigné par lerèglement ne comprend donc que les dispo-sitions de droit matériel, à l'exclusion desrègles de droit international privé.

VII. — CONCLUSION

51. — Appréciation. — Vingt-sept ansaprès l'uniformisation des règles de conflitde lois en matière d'obligations contractuel-les réalisée par la Convention de Rome, lerèglement Rome II constitue une avancéeimportante dans le domaine des obligationsnon contractuelles. Alors que ces dernièresannées ont vu se multiplier les interventionsdu législateur communautaire dans lasphère du droit international privé, d'un inté-rêt parfois variable (354), ce règlementapportera à notre sens une grande simplifi-cation de la tâche du praticien confronté à

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(349) En effet, en adoptant l'article 99, § 2, 2o, duCode de droit international privé, le législateur a né-cessairement exclu cette qualification (voy. A. Putte-mans, op. cit., R.D.C., 2005, no 23, p. 622; P. Wau-telet, op. cit., R.D.C., 2006, no 5, p. 995). Le mêmeraisonnement pourrait être tenu à propos des règlessur la protection de la concurrence économique et dela propriété intellectuelle (M. Fallon, op. cit., à paraî-tre à la R.D.C., 2008/6, no 15).(350) Voy. P. Kinsch, « L'autolimitation implicite desnormes de droit privé matériel », Rev. crit. dr. int.priv., 2003, pp. 403 et s., nos 14 et s., pp. 419 et s.;A. Nuyts, op. cit., Rev. crit. dr. int. priv., 1999, nos 23et s., pp. 67 et s.; F. Rigaux et M. Fallon, Droit inter-national privé, op. cit., no 4.9, p. 134. Selon cesauteurs, le fait que la loi de police constitue une règlede protection minimale d'un intérêt privé pourrait in-citer à étendre son application à des hypothèses nonprévues par son critère d'applicabilité lorsque le droitde l'Etat qui l'a édictée est rendu applicable par la rè-gle de conflit; mais voy. cependant, à propos de la loidu 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatéraledes concessions de vente exclusive à durée indéter-minée, Cass., 6 avril 2006, R.G. no C.05.0290.N et lanote (1), R.D.C., 2007, p. 162, note P. Vandepitte etA. De Schoutheete, R.W., 2006-2007, p. 446, noteD. Mertens.(351) Il conviendra cependant de s'assurer que cetteautolimitation n'engendre par une discriminationprohibée par le principe constitutionnel d'égalité oule Traité CE (comp. A. Nuyts, op. cit., Rev. crit. dr. int.priv., 1999, no 29, p. 252). Sur l'articulation entre loisde police et droit communautaire, voy. supra, nos 7 ets.

(352) En dépit de la suggestion exprimée dans l'avisdu Comité économique et social, point 6.5.(353) Sur cette théorie, F. Rigaux et M. Fallon, Droitinternational privé, op. cit., nos 6.12 et s., pp. 228 ets. et les réf. citées. Sur le cas où la loi désignée parle règlement est celle d'un Etat comportant plusieursentités territoriales ayant chacune leurs propres rè-gles en matière d'obligations non contractuelles, voy.supra, no 18.(354) Comp. par exemple l'importance du règlementRome II avec le règlement (CE) no 861/2007 du Par-lement européen et du Conseil, adopté également le11 juillet 2007, instituant une procédure européennede règlement des petits litiges.

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une situation transnationale et, de manièregénérale, un renforcement souhaitable de lasécurité juridique.

Au-delà des réserves ponctuelles que l'onpeut formuler dans le choix de certainesrègles de conflit, on retiendra surtout deuxlacunes, importantes en pratique, dansl'application du règlement, d'une part, enmatière de diffamation (voy. supra, no 15),d'autre part, en matière d'accidents de lacirculation, du moins pour la Belgique quicontinuera à appliquer la Convention de LaHaye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en

matière d'accidents de la circulation routière(voy. supra, no 9). Force est dès lors deconstater qu'en matière d'obligations noncontractuelles, tous les chemins ne mènentpas nécessairement à Rome II...

Enfin, on ne perdra pas de vue que le règle-ment Rome II et, de manière plus générale,le droit international privé dans son ensem-ble, risquent de voir leur rôle remis en ques-tion de manière fondamentale au cours desprochaines années sous la pression du droitcommunautaire matériel (voy. supra, nos 7et 8).

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