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Rénover LE DOSSIER notre patrimoine Au programme de la transformation du centre-ville, en complément des travaux entrepris sur les espaces publics, la municipalité mène une politique volontariste en matière de patrimoine immobilier : aides à la rénovation apportées aux propriétaires, incitation à la création de logements sociaux ou encore mesures coercitives pour faire disparaître des “verrues” problématiques. Mais la Ville a aussi vendu des maisons jusqu’ici propriétés municipales à des Niortais très entreprenants. Reportage et explications. Dossier : Véronique Bonnet-Leclerc - Photos : Bruno Derbord. patrimoine IMMOBILIER notre Rénover 16 VIVRE à NIORT Mars 2010 N°201

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Page 1: Rénover notre patrimoine...La guitare d’Olivier Savariau et les peintures de Delphine Drapier, les deux nou- ... toute sa beauté. ... nous pouvons entretenir. Et de vendre à des

Rénover

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notre

patrimoineau programme de la transformation du centre-ville, en complément des travaux entrepris sur les espaces publics, la municipalité mène une politique volontariste en matière de patrimoine immobilier : aides à la rénovation apportées aux propriétaires, incitation à la création de logements sociaux ou encore mesures coercitives pour faire disparaître des “verrues” problématiques. Mais la Ville a aussi vendu des maisons jusqu’ici propriétés municipales à des Niortais très entreprenants. reportage et explications. Dossier : Véronique Bonnet-Leclerc - Photos : Bruno Derbord.

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RePoRtage

La Maison de la Vierge a rouvert ses volets

C’est dans les frimas de novembre, lors des ouver-tures d’ateliers d’artistes,

que les bougies se sont remises à briller à travers ses fenêtres closes depuis des années. L’une des plus anciennes maisons de Niort, connue sous le nom de la “Maison de la Vierge” et sise au 55 rue Saint-Gelais retrouvait vie après de longues années de

désolation. La guitare d’Olivier Savariau et les peintures de Delphine Drapier, les deux nou-veaux propriétaires des lieux, réchauffent depuis lors les vieux moellons et les pans de bois médiévaux. A leurs côtés, une jolie compagnie d’artistes, pho-tographes, musiciens et comé-diens, réunis en association pour faire revivre un lieu historique dont on connaît quelques bribes (lire ci-dessous). Et des Niortais, voisins, mécènes ou amis des arts, qui petit à petit les rejoignent dans leur projet. “Lorsque je me suis retrouvée sans atelier, se souvient Delphine Drapier, je regardais les ventes aux enchères et j’ai découvert cette maison que vendait la mai-rie. Nous avons eu un coup de cœur avec Olivier : c’était exac-tement l’endroit qu’il nous fallait pour créer notre lieu culturel.”

Seuls acheteurs en lice de cette maison classée, malheureusement délabrée, la peintre d’origine australienne et le professeur de musique ont conscience qu’ils se sont engagés dans un pari un peu fou. Mais leur amour immodéré pour l’art et l’histoire

leur donnent toute l’énergie nécessaire. A défaut d’une fortune personnelle. Ils ont retroussé leurs manches et ont débarrassé la pauvre maison de toutes ses scories, couches de tapisseries, crépis et peinture qui recouvrait les murs ou l’escalier, seule pièce d’origine à l’intérieur. Ils ont patiemment gratté et la bicoque reconnaissante leur a prouvé sa vigueur : les planchers et la toiture sont bons, les murs découvrent le savant agencement des pierres et des poutres dans toute sa beauté. “J’ai même mis au jour un graffiti de 1848 !” s’émerveille le guitariste.

Le 17 juin, aura lieu l’inauguration officielle des lieux. L’occasion de lancer l’association La Maison de la Vierge dont l’objet consiste tout autant à faire exister un nouveau lieu culturel pluridisci-plinaire qu’à protéger et préser-ver notre patrimoine. Dans un quartier, la colline Saint-André, truffé d’artistes. “Nous avons invité l’architecte des Bâtiments de France lorsque nous avons pris possession des lieux. Nous allons monter un dossier auprès des monuments historiques pour

remettre en état la façade mais, dès à présent, nous allons pou-voir y organiser des expos, des stages ou même y installer un studio d’enregistrement, classi-que ou jazz. Au deuxième, l’acous-tique est parfaite !” A terme, Olivier et Delphine espèrent mettre sur pied des résidences d’artistes puisqu’avec ses trois étages qui s’évasent, la maison ne manque pas de ressources. Et ils espèrent cet été lancer un parcours historique avec des comédiens qui raconteraient l’histoire de la maison. Une histoire pleine de rebondisse-ments qui ne peut qu’inspirer les artistes qui désormais s’y retrouvent…

Contact : La Maison de la Vierge, tél. 06 14 27 20 79 et [email protected]

Rachetée aux enchères l’été dernier, la célèbre maison à pans de bois de la colline Saint-André renaît à la vie grâce à deux Niortais passionnés…

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petite Histoire la Maison de la Vierge

hébergeait au XVie siècle l’auberge du Dauphin, ainsi nommée car le Dauphin, futur roi louis Xi, avait séjourné dans les parages.

elle fut ensuite, de 1619 à 1794 un relais de la poste aux chevaux. un massacre aurait eu lieu devant ses portes pen-dant les Guerres de religion.

au XiXe siècle, la maison devint une “boutique de curio-sités” avant d’être transformée, pendant la première moitié du XXe siècle, en café-épicerie.

pendant la seconde guerre mondiale, la cuisine était un lieu de réunion des résistants des ptt et fut l’objet d’une descente – infructueuse – de la Gestapo.

Dans les années 80, elle était le siège de la Jeune chambre économique avant que la Ville ne l’acquière dans les années 90.

Sources : Office de tourisme. Delphine et son atelier de peinture au premier, Olivier à la guitare au deuxième.

Les nouveaux propriétaires.

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Vivre à Niort. Quelle est la politique de la municipalité en matière de patrimoine immobilier ?

Franck Michel. Nous menons plusieurs actions qui s’intègrent au Programme local pour l’habi-tat de l’agglomération. D’un côté, nous aidons les propriétaires à rénover leur bien pour remettre sur le marché des locations de qualité dans le centre. C’est ce qui s’appelle l’Opération pro-grammée d’amélioration de l’habitat et que nous conduisons avec l’Etat. De l’autre côté, nous

avons fait un diagnostic très précis de tout le patrimoine immobilier appartenant à la mairie et nous avons mis en vente certaines propriétés.

Denis Thommerot. Au-delà de tous les bâtiments que pos-sède la Ville et qui répondent à des besoins précis, comme les écoles et leurs logements de fonction, les salles sportives et les maisons des gardiens par exemple, le patrimoine municipal niortais comprenait aussi des maisons. Or la municipalité a fait le choix de ne conserver que les propriétés qui correspondent à des projets d’actualité et que nous pouvons entretenir. Et de vendre à des particuliers certains biens.

Vivre à Niort. Qu’en est-il du Moulin de Comporté, de la Villa Rose ou encore de la Maison de la Vierge, maisons emblématiques de Niort ?

Franck Michel. Il n’était pas envisageable de conserver ces propriétés qui avaient été acqui-ses par le passé et n’ont été ni entretenues ni mises au service d’un projet. De plus, la politique culturelle que nous avons mise en place accompagne le déve-loppement d’une “une économie créative” : des Niortais ont des projets et nous les soutenons. Qui plus est quand ces projets permettent de rendre ces élé-

ments de notre patrimoine à tous les Niortais en les ouvrant au public.

Denis Thommerot. La Maison de la Vierge, colline Saint-André, a été vendue l’été dernier à des artistes qui ont constitué une association pour la faire vivre. En bord de Sèvre, le Moulin de Comporté, dont la toiture s’était effondrée il y a quelques années, pourrait bientôt donner lieu lui aussi à un beau projet privé, en lien avec la Coulée Verte et ce que nous voulons faire aux ancien-nes usines Boinot. Enfin, la Villa Rose, rue Alsace-Lorraine, dont la vente est assortie d’un cahier des charges strict de mise en valeur du patrimoine, devrait aussi être vendue à un investisseur qui souhaite mettre les lieux en valeur et y aménager des logements.

Vivre à Niort. Quant à la rénovation des logements du centre ancien, pensez-vous que l’action de la muni- cipalité soit suffisante ?

Franck Michel. Depuis le lancement de l’OPAH-RU qui accorde des aides aux proprié-taires d’un large périmètre, nous avons comptabilisé 90 logements rénovés. Certes, cela peut paraî-tre peu mais ce sont d’une part des logements qui étaient parfois insalubres ou vacants donc cela répond à notre objectif de lutte contre les locations indignes et de mise sur le marché de loge-

ments conventionnés. Et, d’autre part, il s’agit de rénovations de qualité, qui répondent de plus en plus à des critères environ-nementaux, avec isolation, ins-tallation de chauffage économe

en énergie, etc. Enfin, sachez que nous avons pris contact avec de nombreux propriétaires. Pour certains d’entre eux, dont les biens sont très dégradés, nos demandes vont se faire de plus en plus précises et pressantes.

Denis Thommerot. L’OPAH-RU court jusqu’en 2012 et nous espérons que les propriétaires vont être encouragés par les premières rénovations qui appa-raissent ici et là dans le centre-ville. Quand on découvre ce que son voisin a pu faire de son bien avec une aide de la Ville et de l’Etat, qui peut aller jusqu’à 90 % du montant des travaux, c’est incitatif. Et la profonde rénovation du centre-ville que nous avons entreprise, avec le projet de la Brèche et la restruc-turation des espaces publics – rues Ricard, Victor-Hugo, places du Temple et du Donjon, abords des Halles – va aussi stimuler les propriétaires...

Franck Michel

adjoint au maire chargé

des politiques d’aménagement

du territoire

Denis thommerotconseiller municipal délégué au patrimoine bâti.

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La Ville et l’État subventionnent les rénovations.

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C’eSt quoi ?

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Le Programme local pour l’habitat de la Communauté d’agglomération

définit toutes les priorités en matière de logement à l’échelle du territoire. C’est un document d’études et de programmation : il établit un diagnostic de la situation de l’habitat sur toute l’agglomération niortaise et propose un plan d’actions, y compris de suivi et d’évaluation. il définira pour une durée de 5 ans minimum (jusqu’en 2016) les

objectifs prioritaires en matière d’ha-bitat, notamment en ce qui concerne les logements des personnes défavo-risées et la répartition équilibrée de l’offre de logements entre les commu-nes. Ainsi, en ce qui concerne Niort, le PlH, en faveur duquel le Conseil muni-cipal de Niort s’est prononcé en janvier, vise à résoudre certains déséquilibres comme le fort taux de vacance des logements privés dans l’hyper-centre

et le vieillissement de la population, en favorisant la mixité sociale et la création de logements sociaux. logements sociaux qui sont soit neufs, construits par les bailleurs sociaux, soit rénovés, grâce aux aides apportées aux proprié-taires (oPAH-rU, lire ci-dessous). l’ob-jectif annoncé est de rendre possible la construction de 400 logements chaque année à Niort en moyenne dont 30% de logements sociaux.

Le code de l’urbanisme prévoit qu’une Ville puisse déterminer

des “opérations de restauration immobilière” (ORI) au sein des- quelles des travaux de remise en état de certains immeubles sont déclarés d’utilité publique. En clair, certains bâtiments identifiés comme dangereux ou insalubres sont repérés et les propriétaires mis en demeure de réaliser les travaux. Ces propriétaires bénéfi-cient alors du régime fiscal dit “loi Malraux” qui leur permet de déduire de leurs impôts 30 % des dépenses effectuées pour rénover leur bien. En retour, obligation leur est faite

de le louer pendant 9 ans. A Niort, ces ORI seront utilisées pour régler la question de certaines “verrues” qui sautent aux yeux de nos visiteurs et à tous ceux d’entre nous qui lèvent le nez. Dans certains cas, l’imbrication de tous les bâtiments entre eux rend impossible une réhabilitation simple. La Ville a donc décidé d’intervenir pour traiter ces îlots les plus dégradés qui sont situés d’une part du pas- sage du Donjon au passage du Commerce et d’autre part, quartier Nord, dans un périmètre situé à l’arrière de l’école Jules-Ferry et du supermarché.

Il s’agit d’un programme d’aides apportées par l’Etat et la Ville

aux propriétaires de logements anciens situés dans un vaste périmè- tre dans le centre de Niort (tous les

détails sur www.vivre-a-niort.com). Au total, une enveloppe de 8,8 mil - lions d’euros est disponible pour cofinancer les travaux à réaliser : les propriétaires qui habitent leur logement et n’ont pas de ressour-ces suffisantes pour faire face à des travaux cruciaux (chauffage, électricité, isolation…). Et les propriétaires qui peuvent avoir loué ou vouloir louer leur bien : plus les loyers sont bas, “très sociaux”, plus les aides sont importantes, pouvant aller jusqu’à 90 % du montant total HT des travaux. Au bout de deux années

– l’OPAH-RU court jusqu’en 2012 – 90 logements ont pu bénéficier de ces aides. Ce qui correspond à 4,5 millions de travaux engagés dont 2,4 millions ont été subven-tionnés. Pour accompagner ce grand mouvement de réhabilitation du patrimoine immobilier, la muni-cipalité s’est engagée dans une transformation du centre-ville, de la place de la Brèche à la Sèvre, en passant par les rues Ricard, Victor-Hugo, Brisson, des Cordeliers et les places du Temple et du Donjon. Un investissement global de 44 millions d’euros d’ici 2012.

Le Programme local pour l’habitat

Les opérations de restauration immobilière

L’Opération programmée d’amélioration de l’habitat et de rénouvellement urbain

Réhabiliter nos maisons et créer des logements.

L’îlot situé entre le passage du Donjon et le passage du Commerce est prioritaire.

Plusieurs rénovations rue Basse et rue Saint-Gelais.

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RePoRtage

Un coup de foudre comme au cinéma…

C’est une grosse maison carrée, fleuron de l’archi-tecture du XIXe siècle,

située derrière l’église Saint-Hilaire. Une maison qui avait été achetée par la Ville dans le cadre du projet du Musée d’Agesci, derrière lequel elle s’impose, mais qui finalement, s’est retrouvée sans destina-tion, malgré ses splendides 530 mètres carrés sur parquet d’époque. Mise en vente aux enchères par la municipalité, comme la Maison de la Vierge, la belle demeure a conquis le cœur d’une peintre parisienne et de son mari, décorateur de cinéma. Encore tout émerveillés par cette acquisition qui res-semble tant aux lieux pleins d’esprit qu’on voit dans les films. Hall de marbre rose et noir, boiseries et plafonds à corniche, boutons de porte ciselés, le tout donnant sur un parc avec gloriette et cloche d’autrefois…“Nous ne sommes pas origi-naires de la région mais nous voulions quitter Paris. C’est par des amis qui y vivent que nous avons découvert Niort et que nous nous sommes dit « pourquoi pas ? » explique Mireille Landelle, qui avait

exposé dans notre ville l’an passé lors du festival Impul-sions Femmes. Parce que ce n’est pas trop loin de Paris où mon mari a impérativement besoin d’être de temps en temps et parce que le climat y est très agréable et la lumière belle. J’ai visité la Villa Rose mais c’est cette maison qui nous a immédiatement séduits. A la fois pour y vivre mais aussi pour y créer un lieu d’expo.”

Partage

Et parce que cela entre dans leur philosophie de partage, Mireille et son mari, Patrick Widdrington, ont décidé de profiter de l’OPAH-RU lancée par la Ville et l’Etat en aména-geant deux logements sociaux qu’ils loueront aux derniers étages. Tout en bénéficiant d’aides non négligeables pour cette maison “restée dans son jus” depuis 50 ans. “Les com-bles font par endroit 7 mètres sous plafond, vous imaginez ? Les techniciens de l’OPAH-RU vont nous conseiller pour aménager au mieux ces espa-ces formidables.”

En plein cœur de ville, à deux pas de la Brèche et de son futur parc, à trois pas des rues commerçantes rénovées et… à une heure de route de la mer, la peintre et le décorateur ont trouvé un cadre à leurs talents. Ils ont rouvert les doubles portes à battants, accroché leurs toiles et regardé du balcon la ville qui s’offre à eux. Pour lui donner en échange une énergie créatrice et des projets à partager...

Le couple d’artistes parisiens est tombé sous le charme de notre ville et d’un hôtel particulier vendu par la Ville. Résidence principale, lieu d’expo et logements sociaux : la maison abandon-née revit.

La peintre et le décorateur de cinéma ont trouvé un cadre à leurs talents.

et côté pile, la maison revit.Côté face...

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