rhetoriques visibles

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1 Introduction à Rhétoriques du visible, numéro spécial de Protée, vol. 24, n° 1, 1996 NON CORRIGE Rhétoriques du visible Groupe µ (F. Edeline, J.-M. Klinkenberg) Université de Liège Le trope est, chacun en conviendra, un élément majeur du dispositif de la rhétorique verbale. Ses vertus herméneutiques expliquent sans doute le rôle capital qu'il joue dans les communications littéraire, scientifique, affective, publicitaire, etc. Les mécanismes du trope verbal ont été mis en évidence par la néo-rhétorique structurale des années soixante (Jakobson, Levin, Genette, Groupe µ, etc.). Mais ces acquis ont été sensiblement réévalués, au cours de la dernière décennie, grâce à l'apport de la sémantique cognitive (Lakoff et Johnson, Kleiber...), de la psychologie de la perception (Kennedy, Hochberg...), de la pragmatique (Sperber et Wilson, Moeschler et Reboul...) et de la philosophie (Rastier, Prandi, Charbonnel...). Ces développements ont été prodigieux au cours des dernières années, comme le montrent les nombreuses publications et les rencontres scientifiques qui s’inscrivent à l'enseigne de la tropologie 1 . Ils permettent aujourd'hui de reprendre à nouveaux frais une question déjà posée par Barthes dans un article fameux intitulé Rhétorique de l'image (1964) : celle de la transposition de la notion de trope à la communication visuelle. Le modèle structural alors dominant ne permettait pas de traiter adéquatement tous les aspects de cette question. Mais les avancées de la sémiotique visuelle — et notamment celles qui ont fait leur profit de la psychologie de la forme et des sciences de la cognition, voire de la phénoménologie —, avancées venant à la rencontre de celles de la rhétorique cognitive, autorisent peut-être à jeter un pont solide entre les deux domaines du verbal et du visuel. L'ensemble de travaux publiés dans ce numéro de Protée permet sans nul doute de faire avancer la réflexion sur des points comme les suivants : quelles sont les questions théoriques et méthodologiques mobilisées par la transposition de la notion de figure — et plus particulièrement de la notion de trope — à la communication visuelle ? En particulier, sur quelles bases théoriques définir le trope visuel ? Quelle est la spécificité du trope plastique ou

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Groupe Mu (Protée, 1996)

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    Introduction Rhtoriques du visible, numro spcial de Prote, vol. 24, n 1, 1996 NON CORRIGE

    Rhtoriques du visible

    Groupe (F. Edeline, J.-M. Klinkenberg) Universit de Lige

    Le trope est, chacun en conviendra, un lment majeur du dispositif de la rhtorique verbale. Ses vertus hermneutiques expliquent sans doute le rle capital qu'il joue dans les communications littraire, scientifique, affective, publicitaire, etc.

    Les mcanismes du trope verbal ont t mis en vidence par la

    no-rhtorique structurale des annes soixante (Jakobson, Levin, Genette, Groupe , etc.). Mais ces acquis ont t sensiblement rvalus, au cours de la dernire dcennie, grce l'apport de la smantique cognitive (Lakoff et Johnson, Kleiber...), de la psychologie de la perception (Kennedy, Hochberg...), de la pragmatique (Sperber et Wilson, Moeschler et Reboul...) et de la philosophie (Rastier, Prandi, Charbonnel...).

    Ces dveloppements ont t prodigieux au cours des dernires annes, comme le montrent les nombreuses publications et les rencontres scientifiques qui sinscrivent l'enseigne de la tropologie1. Ils permettent aujourd'hui de reprendre nouveaux frais une question dj pose par Barthes dans un article fameux intitul Rhtorique de l'image (1964) : celle de la transposition de la notion de trope la communication visuelle. Le modle structural alors dominant ne permettait pas de traiter adquatement tous les aspects de cette question. Mais les avances de la smiotique visuelle et notamment celles qui ont fait leur profit de la psychologie de la forme et des sciences de la cognition, voire de la phnomnologie , avances venant la rencontre de celles de la rhtorique cognitive, autorisent peut-tre jeter un pont solide entre les deux domaines du verbal et du visuel.

    L'ensemble de travaux publis dans ce numro de Prote permet sans nul doute de faire avancer la rflexion sur des points comme les suivants : quelles sont les questions thoriques et mthodologiques mobilises par la transposition de la notion de figure et plus particulirement de la notion de trope la communication visuelle ? En particulier, sur quelles bases thoriques dfinir le trope visuel ? Quelle est la spcificit du trope plastique ou

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    du trope iconique ? Les transferts de sens l'uvre dans le trope verbal fonctionnent-ils de manire comparable dans la communication visuelle ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu propos de la communication visuelle une taxinomie aussi riche que celle de la communication verbale ? Quel est le rapport d'une taxinomie visuelle avec les classements des noncs par type de technique ou par genre ? Quels sont les critres possibles d'engendrement des tropes visuels ? Ou encore : quelle est la porte de cette transposition sur l'pistmologie des sciences humaines, et particulirement sur les disciplines se proccupant de la communication, de la signification et de la cognition ? Quel est le rle de l'investissement du sujet dans la production et le dcodage de la figure ? Enfin, l'tat de la smiotique visuelle permet-il de faire avancer le projet de "rhtorique gnrale" ?2 Une transposition aventureuse. Les tentatives pour transposer la dmarche ou tout au moins la terminologie de la rhtorique verbale l'image visuelle ne datent pas d'aujourd'hui. Ainsi, dans le troisime tome de L'art de peindre l'esprit (1758), figure une annexe que Charles Coypel signe en sa double qualit d'crivain et de peintre : Parallle de l'loquence et de la peinture. Dans cet essai (pp. 293-320), il pose l'hypothse que la peinture constitue un langage, et lui applique la thorie aristotlicienne des trois discours (judiciaire, pidictique, dlibratif), celle des quatre composantes du systme rhtorique (inventio, dispositio, elocutio, memoria) et celle des trois styles. A l'poque contemporaine, de notables exceptions prs une des plus importantes tant celle que constitue A. Kibedi Varga (1989a) , c'est la seconde de ces composantes qui a le plus inspir les chercheurs. Alors que Coypel n'envisageait gure que les figures argumentatives, comme l'hyperbole, l'allgorie, l'apostrophe, la feinte, le silence et la description, glissant rapidement sur la mtaphore et la comparaison, c'est le couple mtaphore-mtonymie, imprudemment3 pos par Roman Jakobson et par de bouillants pigones comme une structure smiotique universelle, qui a le plus stimul la transposition. On a glos l'envi sur les confusions produites par cette transposition des concepts linguistiques, et sur leur inconsistance, et notamment sur le linguistico-centrisme manifest par Barthes dans son clbre article. Pourtant, la critique a jet le bb avec l'eau du bain. A titre d'exemple, suivons J. Tamine (1979 : 80). Selon la linguiste, on ne

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    pourrait tendre le concept de mtaphore la peinture ou au film car "la reconnaissance de l'importance de la syntaxe de la mtaphore vien[drai]t infirmer cette gnralisation. Si la figure implique une syntaxe, ceci signifie qu'elle ne peut tre perue dans une mme unit de temps, mais qu'elle est ncessairement perue dans la successivit de l'oral ou de l'crit. Ceci suffi[rai]t l'opposer la peinture. Les lments de la mtaphore linguistique ne sont pas donns simultanment et leur ordre de succession n'est pas indiffrent. De plus, cette succession ne se f[er]ait pas seulement par juxtaposition, mais par le biais de relations syntaxiques prcises, ce qui interdi[rai]t de parler, avec quelque rigueur, de mtaphore filmique". Et de conclure : "Pas de mtaphore sans syntaxe, et par consquent, pas de mtaphore ailleurs que dans le langage, sinon prcisment par un emploi figur du mot ". Mais une telle exclusive ne peut tre prononce que par qui croit que "la syntaxe de l'image est extrmement rudimentaire puisqu'elle ne dispose que d'un seul signifiant syntagmatique, extrmement polysmique : la contigut spatiale" (Kerbrat-Orecchioni, 1979 : 225), par qui ignore la spcificit des syntaxes visuelles, et par qui refuse a priori l'hypothse que ces diffrentes syntaxes ne sont que les hypostases d'un concept smiotique gnral qui fonderait une archi-syntaxe (v. e.g. Edeline 1972b). On est pouss faire les mmes observations si on lit un autre article, d O. Le Guern, qui pose trois conditions pour qu'il y ait mtaphore (linguistique) : (1) le lexme doit tre "tranger l'isotopie du contexte"; (2) "seuls sont maintenus dans la dnotation les smes du lexme mtaphorique qui sont compatibles avec la rfrence"; (3) "la reprsentation mentale associe au sens propre du terme mtaphorique reoit le statut de connotation oblige" (1981 : 214, 217-218). On ne peut qu'tre d'accord avec ces conditions4, que nous noncions dj en d'autres termes dans Groupe , 1970. Toutefois, dans tous les exemples allgus de mtaphore iconique, Le Guern reconnat l'existence d'une rupture d'isotopie, mais non les deux autres critres; et ceci lui parat dcisif pour refuser l'existence de mtaphores iconiques. Mais le raisonnement est vicieux : quand on accepte d'examiner les hypothses que sont les transferts du concept de mtaphore et du concept d'isotopie, il y a quelque inconsquence ne pas examiner le transfert des concepts figurant dans les deux derniers critres, et rejeter sans examen l'hypothse d'un analogon de la notion de sme. Sans doute les errements d'un certain linguistico-centrisme, auxquels nous reviendrons, justifiaient-ils ces prudences. Mais, comme on l'a dj dit, les progrs de la smiotique visuelle font qu'on est sans doute mieux arm aujourd'hui pour explorer un domaine qui commence chapper l'approximation et l'impressionnisme.

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    Derrire le trope : une comptence symbolique gnrale Comme il s'agissait d'exploiter au mieux tous ces acquis, les responsables du numro ont souhait tre oecumniques, et ne pas limiter l'accs au volume leurs disciples, comme c'est souvent l'usage un usage tout implicite dans les numros de revues thmatiques. C'est dire que l'on trouvera ici non seulement des travaux tenant largement compte des acquis de la smiotique visuelle cognitive dfendue dans notre Trait du signe visuel, mais aussi des travaux manant des reprsentants des autres grandes coles de smiologie visuelle : principalement l'cole greimassienne (J. Fontanille), l'cole topologique qubcoise (F. Saint-Martin, M. Carani) et l'cole peircienne. Certains travaux enfin chappent ces cadres (Ikegami), mais reprennent de manire intressante la question du rapport la mthodologie linguistique (Rozik, Rhault). Le trope le plus volontiers envisag par ceux qui ont voulu transposer le concept de figure la communication visuelle est videmment la mtaphore. Les raisons de ce succs sont videntes : la mtaphore semble constituer un modle hermneutique universel, qui n'a cess de proccuper les philosophes et les psychologues, autant que les linguistes et les rhtoriciens. D'accord avec Paul Ricur (1975), nous avons, par exemple, pu dmontrer (Groupe , 1977) que la particulire efficacit de la mtaphore dans des domaines aussi varis que la publicit, la posie ou la philosophie, provenait de son caractre puissamment mdiateur. Et ce caractre, elle le doit l'opration de substitution qui l'engendre5. Mais ce thme ayant mobilis beaucoup d'nergie au dtriment d'une rflexion thorique gnrale, les responsables du numro ont souhait que le thme de la mtaphore visuelle ne domine pas l'ensemble, sans toutefois en tre exclu. Voil pourquoi on lira d'intressants articles sur la synecdoque visuelle (Meyer), l'oxymore (Sonesson), la syllepse (Ruprecht) ou l'hypotypose (Kibedi Varga6, Leblanc). Plusieurs des travaux rassembls ici sont dimportantes contributions une rhtorique vraiment gnrale, en ce quils tendent dmontrer que la forme d'un trope donn est constante, quel que soit le mdium linguistique ou visuel par lequel il sactualise. Cette dmonstration signe des temps est le plus souvent labri du reproche dimprialisme linguistique. Mais elle peut emprunter des voies bien diffrentes. Dun ct, Eli Rozik part du formalisme linguistique le plus rigoureux pour suggrer que des structures prdicatives identiques sont loeuvre dans le visuel et le linguistique. De l'autre, pour Tony Jappy, le langage ne saurait constituer le paradigme de l'activit smiotique, tant donn quil est

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    subordonn la pense, (dont il est sans doute la ralisation la plus complexe). Ainsi se vrifie de plus en plus que les mcanismes d'identification et d'interprtation des tropes relvent dune comptence symbolique gnrale7, et non des mcanismes particuliers loeuvre dans une smiotique particulire, comme le sont la smiotique iconique ou la verbale. Ltude de Y. Ikegami conoit les figures de la posie traditionnelle japonaise non pas comme fondes sur des oprations particulires, qui seraient par exemple de nature linguistique, mais bien sur des oprations psychologiques gnrales indiquant la manire dont le sujet smiotique choisit de percevoir et de structurer le monde dans lequel il est situ. Chacun de ces chercheurs tente, trs mthodiquement, dindiquer le lieu o rside la spcificit des tropes visuel et linguistique. Rozik le fait en montrant que les virtualits gnrales seraient complexifies dans le verbal par les procdures bien connues que sont lexistence en surface de marqueurs de mtaphoricit spcifiques : prsence de copules, de quantificateurs, etc.8 Il va mme jusqu suggrer que la mtaphore verbale apparait phylogntiquement aprs la mtaphore iconique, phnomne primaire parent de limage quon trouve dans le rve, l'hallucination et la pense mythique. Dans lcole peircienne, la spcificit formelle du trope se trouve dans la manire dont les hypoicnes se combinent. Lapport du cognitivisme Il est capital de souligner combien lapport des sciences cognitives peut tre important pour sortir la rhtorique gnrale, et au del delle, la smiologie gnrale de certaines des impasses o ces disciplines se sont enferres. Un de ces dbats tourne autour des chiens de faence idalisme-empirisme. Que l'histoire n'ait pu trancher entre ces deux perspectives s'explique si l'on songe l'importance de la question que pose toute smiotique : comment le sens merge-t-il de l'exprience ? Le problme du lien entre un sens qui semble ne pas avoir de fondement physique et les stimulations physiques provenant du monde extrieur, qui, comme telles, ne semble pas avoir de sens, est assurment ancien. Il a anim toute la rflexion philosophique occidentale, de Parmnide Descartes, de Hume Peirce et de l'idalisme la phnomnologie. Pour sortir du dilemme, un philosophe comme Prandi (colloque d'Albi, 1995) recourt une

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    "ontologie naturelle partage", ce qui peut autoriser certains drapages. Sans vouloir entrer dans un dbat o les smioticiens se placent d'habitude, et de faon assez radicale, dans le camp idaliste, nous rappellerons notre thse, soutenue ds 1970 (cfr Groupe , 1970b et Edeline, 1972) et dveloppe dans le Trait du signe visuel (ci-aprs T.S.V.) Elle est que le sens provient d'une interaction entre les stimuli et les modles. Ce qui suppose un mouvement double, qui va du monde au sujet smiotique et de celui-ci au monde. Dans un des mouvements, les stimuli font lobjet dune laboration cognitive la lumire du modle; dans lautre, cest le modle qui est modifi par les donnes fournies par lactivit perceptive. Cette ide est videmment familire ceux qui se sont frotts la Gestaltpsychologie, la phnomnologie ou encore ceux qui se souviennent du couple accommodation-assimilation rendu clbre par Piaget. Dans cette perspective, smiotique et cognition sont troitement lies au point que l'on peut poser (cfr Groupe , 1994, Klinkenberg, 1995) que la structure smiotique lmentaire reflte exactement notre activit de perception. Toujours dans cette perspective, la considration du canal reprend une importance que lui avait dnie une certaine tradition linguistique. Ainsi, lcole peircienne note que le canal, tant fatalement existentiel, fait peser sa capacit formelle sur la structure de l'objet quil permet de transmettre, ce qutablit galement la smiotique visuelle cognitiviste. Par une voie non pas exprimentale mais spculative, lcole de Peirce tablit, comme les sciences de la cognition le font, que c'est l'abduction et non la dduction qui nous permet de renouveler sans cesse notre connaissance du monde. Et Jappy de souligner que c'est l que l'on prend toute la mesure du foss qui spare la pense de Peirce du rationalisme sous-tendant les modles linguistiques inspirs de la tradition saussurienne. Il y a toutefois des limites lapport des sciences de la cognition. Certaines de ces limites sont suggres par ltude de Y. Ikegami, qui tente dutiliser les acquis de la physiologie de la vision pour expliquer certains aspects intressants de la potique japonaise. A sa lecture, on voit la difficult quil y a accorder les donnes physiologiques aux donnes phnomnologiques. Ainsi, de ce quexistent des mouvements oculaires rapides, on peut difficilement dduire lexistence dune potique du mouvement : ces mouvements dont lauteur souligne dailleurs pertinemment quils sont corrigs ou compenss par le systme nerveux central sont en effet largement inconscients.

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    La prudence simpose donc au moment de transposer en smiotique les acquis des sciences cognitives. On devrait plutt dire que ces disciplines sont appeles se rconcilier sur un terrain tiers. Celui-ci pourrait tre celui de la pragmatique. En effet, elles tablissent toutes que l'interprtation des signes visuels se construit partir de mcanismes complexes o interviennent ce que Jappy appelle les connaissances "collatrales" dont dispose le sujet percevant. H.G. Ruprecht et J. Leblanc, notamment, montrent bien comment on peut tre amen convoquer des savoirs latraux jusqu' se perdre une limite o la pertinence de l'analyse n'est pas dmontrable : on retrouve ainsi la thse du rcepteur-constructeur-du-sens, oppose celle du sens-immanent--l'oeuvre. Ces connaissances, dont Rozik traite systmatiquement sous le nom d' associations rfrentielles, sont toutefois difficile formaliser, aussi difficile formaliser que l'ontologie naturelle partage" de Prandi9.

    Ce nest pas le moindre mrite des tudes qui mettent en avant la tropologie que de montrer le travail oprant sur des donnes imposes par l'exprience. Le concept d'immanence, mis en avant par certains successeurs de Saussure, se rvle dcidment peu adquat pour tudier un processus dynamique de recatgorisation des donnes de cette exprience. Encore la mtaphore On se rend aussi compte de la difficult quil y a manipuler le concept de mtaphore, quoi Naninne Charbonnel a consacr une imposante synthse (1991). La smiotique visuelle, telle que la dfinit dsormais le TSV, a permis de rvaluer le concept diconicit, rapidement liquid comme un vulgaire effet connotatif par une smiotique idaliste. Du mme coup, on a d rflchir nouveaux frais sur la notion de ressemblance ou de similitude, que lon avait pris, depuis Nelson Goodman, lhabitude de traiter un peu vite. Les anciens nous offraient dj des distinctions pertinentes, malheureusement oublies : celle de la comparatio (comparaisons homognes) et de la similitudo (comparaisons htrognes), qui seule peut engendrer des mtaphores, ou encore celle de l'analogie substantielle (fonde sur les proprits communes des objets) et de l'analogie proportionelle. Lcole peircienne retrouve cette dernire distinction, en distinguant trois modes de ralisation de lhypoiconicit : image, lorsque le signe dnote son objet en vertu de simples qualits; diagramme lorsque des relations dans l'objet sont reprsentes par des relations10 analogues dans le signe;

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    mtaphore, lorsque le caractre reprsentatif du signe consiste en ce qu'il figure un paralllisme dans l'objet. Toutefois, lusage trop lche du terme mtaphore par lcole peircienne laisse dsirer. En effet, la mtaphore ainsi entendue ne pointe rien dautre quune processus smiotique, complexe assurment, mais dont la spcificit rhtorique nest pas tablie. Pire : elle laisse entendre que l'cart qui caractrise la figure n'a pas de pertinence, mais rsulte simplement d'un limitation du mdium. En consquence, le danger est grand de rsorber tout le smiotique dans le rhtorique (cfr T. Jappy). Le mirage du verbalisable De ce ce que les mcanismes d'identification et d'interprtation des figures relvent dune comptence symbolique gnrale, et non des mcanismes particuliers loeuvre dans une smiotique particulire, dcoulent certaines difficults. La principale dentre elle est la difficult quil y a faire saillir les spcificits respectivement visuelles ou linguistiques des mcanismes dcrits.

    Ainsi larticle de Y. Ikegami, bien inform sur les dveloppements rcents de la physiologie de la vision, choisit-il de dcrire les mcanismes visuels slectionns sur la base de textes littraires qui en rapporteraient lexprience. Chez E. Rozik, tous les exemples visuels allgus sont analyss la lumire des donnes linguistiques qui les accompagnent. Une telle dmarche semble se fonder sur la vieille thse, aujourdhui encore trop facilement accepte, selon laquelle il ny a de sens que linguistiquement formulable. Thse que nous dnoncions ds 1979 en distinguant soigneusement signe iconique et signe plastique11, en donnant sa dignit smiotique ce dernier, et que Marie Carani critique une nouvelle fois ici.

    Que cette thse pse encore sur linsconscient des chercheurs,

    lensemble des travaux ici rassembls le montre, par del leur qualits indniables.

    E. Rozik, par exemple, nonce lhypothse capitale en

    rhtorique selon laquelle il y a une prdication visuelle. Mais les mcanismes prcis de cette prdication visuelle12, que notre concept de type (cfr T.S.V.) aurait permis dlaborer, restent assez vagues, comme le montre au demeurant tout l'article de Sonesson. Les mconnatre peut en tout cas amener certaines erreurs. Prenons

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    une exemple prcis chez E. Rozik, dont l'approche est aussi lointaine qu'il se peut de la ntre. Lui appliquant la "mta-mthode critique" propose par Sonesson, nous nous permettrons de le montrer en examinant son traitement de "les blancs cheveux des vagues" (Eliot, exemple n 1.11). Pour lui il s'agit de la version phrastique de "Les vagues sont blanches comme des cheveux", et c'est leur blancheur commune qui fonde et valide la mtaphore : c'est ce qu'il appelle le "modificateur", ici valable au degr littral comme au degr figur. Pour nous la mtaphore existe entre les vagues et la chevelure indpendamment de toute blancheur. Bien au contraire la blancheur, au lieu de cimenter la mtaphore, la dstabilise et nous avons affaire une mtaphore corrige (cfr Groupe 1970a). La mtaphore de base, quant elle, est un topos rotique ternel et rversible : toute chevelure boucle est une mer dferlante en puissance, et toute ondulation marine est potentiellement une chevelure de femme. L'intersection est constitue (1) de la forme boucle ou sigmode et (2) du mouvement toujours rpt. L'acceptabilit profonde et symbolique vient de l'alliance Anthropos-Cosmos (particulirement ici femme/mer). Un topos analogue, et lui aussi rversible, lie la chevelure la moisson (cf. "La fille aux cheveux de lin", ou le portrait par Goya de la comtesse de Chinchn, coiffe d'pis de bl). Justement la prsence du blanc modifie compltement la mtaphore car le clich escamotait videmment le fait que la mer n'est jamais blonde ni brune, et les cheveux jamais bleus ni verts. Le blanc slectionne ainsi, comme seule compatible, l'ide supplmentaire de vieillesse, ce que confirment les vers qui prcdent et suivent l'exemple dans le pome, o il n'est question que de vieillesse et de mort13. Comme on le voit, on est une fois de plus renvoy aux difficiles relations entre le linguistique et le visuel. Le travail de F. Saint-Martin insiste juste titre sur le fait que la condition premire d'une rhtorique visuelle est d'tablir que la reprsentation visuelle fonctionne comme un langage, structur en un plan dexpression et un plan du contenu. Et donc reconnatre une organisation dlments sensibles lie une structure syntaxique descriptible et un rpertoire lexical fondant un type de smantique. La smiotique visuelle est aujourd'hui assez avance pour que ces hypothses soient plus que de simples hypothses. Mieux : les craintes exprimes par Saint-Martin sont vaines et peuvent mme apparatre comme pessimisme ou coquetterie sous la plume d'une chercheuse qui a plus que toute autre oeuvr ces avances : il n'est plus temps de dire que "rien ne dmontre a priori" que la smantique visuelle n'est pas "assimilable la smantique lexicale verbale"; on sait effectivement que le sens verbal, qui peut tre considr comme un driv du sens perceptuel, n'est pas quipollent ce dernier. Et il

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    n'est plus temps de trancher, comme le faisait O. Le Guern, qu'il ne peut y avoir de rhtorique visuelle, puisque le visuel ne comporte pas de syntaxe. Que cette syntaxe existe est clair. Mais il tait bon que l'on insiste, une fois encore sur le caractre sui generis de la morphologie, de la syntaxe et de la smantique visuelle, et il tait ncessaire de mettre une nouvelle fois en vidence les retards que deux types d'approche, que nous dnoncions dj dans TSV, ont infligs l'laboration de la smiotique visuelle : l'iconologie, et les analyses fondes sur le primat du verbal. On lira ici quelques tudes intressantes qui aideront surmonter les difficults suscites par la placage du langagier. La contribution de G. Sonesson, par exemple, est importante plus d'un titre, et notamment en ce qu'il aborde de front des ides reues en thorie du visuel, comme "une image ne peut comporter d'affirmation ni de ngation". On voit que ces termes ont bel et bien leur correspondant dans le domaine visuel. L'auteur esquisse galement une chelle o se rpartissent tous les intermdiaires entre la simple diffrence et la contradiction absolue. Rflchissant cette chelle, nous nous sommes demands si la condition de l'oxymore, qui est celle de l'affirmation simultane (concidence) d'une chose et de son contraire ne pouvait pas tre strictement remplie si un des termes est affirm par le plastique et l'autre par l'iconique (pardon : le pictural). En effet, par un glissement significatif, Sonesson admet que dans l'oxymore visuelle il y a seulement une concidence presque totale des deux objets, une conjonction intgrale tant semblerait-il impossible. Mais dans le type que nous voquons il y a bel et bien concidence totale, et mme coextensivit. Suggrons-en deux exemples. Lorsque Brancusi sculpte l'Oiseau dans la matire la plus lourde qu'on puisse utiliser le marbre ou le bronze, il oppose dlibrment le vol et la lgret emblmatiques de l'oiseau la lourdeur et l'immobilit de la pierre. Il y aurait ainsi oxymore entre le signifi pictural (ou iconique) et la matire plastique (Groupe , 1980). Lorsque d'autre part un peintre (ou un ingnieur) reprsente une scne trois dimensions, il cre de mme une violente opposition relief / non-relief, entranant mme, dans ce cas-ci et pour des regardeurs sensibles, un lger malaise au niveau mme de la rception. Poursuivant sur la lance de Sonesson, qui commente longuement un exemple surraliste, nous pourrions rappeler que ce qui fascinait Breton et ses amis, ctait la coincidentia oppositorum, et que dans ce sens loxymore serait ltat ultime dune mtaphore, pousse sa limite selon la dfinition de Reverdy. La fusion des contraires est une composante ternelle de la symbolique, mainte et mainte fois pointe du doigt par Lvi-Strauss propos des mythes.

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    Les exemples allgus par Sonesson, et ceux que nous commentons ici mettent en vidence limportance du facteur plastique dans limage. Toutefois, l'ensemble des travaux ici rassembls ne met malheureusement pas en vidence comme il le faudrait ce facteur plastique, sur lequel F. Saint-Martin ne se prive pas dinsister. Pour l'analyse iconologique, souligne-t-elle , "lorsque la figure dune /femme/ ou dune /pomme/ est reprsente, grande ou petite, blanche, rouge ou verte, vue de loin ou de proche, den bas ou den haut, sombre ou lumineuse, le sens invariant profond (...) serait toujours celui dun lexme : une /femme/ ou une /pomme/. Les instruments smiotiques que sont les variables plastiques et lorganisation structurelle ny joueraient quun rle accidentel". Dans le pass, si nombre de chercheurs ont parl de "rhtorique de l'image" termes que l'on retrouve sous la plume de Barthes aussi bien que de Kerbrat-Orecchioni , ils n'ont le plus souvent envisag qu'une rhtorique du signe iconique. Or, comme nous l'avons montr ailleurs (Groupe , 1979 et T.S.V.), une rhtorique du plastique est galement envisageable, et plus encore une rhtorique fonde sur l'interaction entre le plastique et l'iconique (qu'exploite bien l'article de H.G. Ruprecht). Il est dommage que la plupart des tudes qu'on lira plus loin placent l'accent sur les invariants iconiques des noncs visuels, et, ne mettant pas suffisamment en vidence l'indpendance smiotique des variables plastiques, manifestent de la rticence au moment d'envisager l'hypothse d'une rhtorique plastique.

    Conclusion

    Considrant l'ensemble ici constitu par la communaut scientifique internationale, on peut prouver la satisfaction de voir qu'un difice raisonnablement cohrent est en train de se construire propos de la smiotique visuelle.

    On voit notamment que cette discipline est progressivement en

    train de se donner les moyens de dcrire des phnomnes que l'on avait exclus de son champ parce qu'ils taient rputs linguistiques. On ne retombe toutefois pas pour autant dans les anciens errements auxquels condamnait, il y a trente ans, l'imprialisme du verbal. (Mais cheminer sur cette ligne de fate ne va pas sans risques. Plus d'un texte qu'on lira ici en porte tmoignage). Une fois de plus, la rhtorique a jou son rle de fcondatrice. De mme qu'elle a nagure forc la linguistique abolir certaines des frontires que cette dernire s'tait imposes, elle met crment en lumire les qualits et les dfauts des outils de la jeune smiotique visuelle et, ce faisant, l'aide progresser.

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    L'examen de la transposition des tropes au visuel fait ainsi

    apparatre les limites de certaines thories. On voit par exemple que la smiologie percienne apparat comme peu oprante sur les images dans la mesure o semble y exister la croyance la "naturalit" de l'image. C'est cette croyance qui fait affirmer aux peirciens que l'on "perd de la complexit" en passant du linaire au spatial, puisque le linaire vhiculerait des signes symboliques dont "il faut avoir appris la signification". Mais ce qui est dit du langage qui reprsente ici le parangon du linaire est videmment aussi vrai du visuel, dont on peut faire le parangon du spatial : tous les travaux rcents le montrent. De mme, la notion d'cart qui caractrise ncessairement la mtaphore procderait dans cette thorie d'une "limitation du mdium", de sorte que l'intervention des partenaires de la communication y serait nulle. Aucun pragmaticien, aucun rhtoricien, ne saurait accepter cette conclusion, sauf admettre que la mtaphore peircienne n'a rien voir avec celle qu'a tudi la tradition rhtorique : qu'elle serait en quelque sorte une "mtaphore non rhtorique".

    Contribuant la mme dmarche dcapante, les articles ici

    rassembls convergent sur un autre point. Plusieurs auteurs, par des voies souvent diverses, aboutissent un nombre limit de problmes toujours en suspens. L'inventaire de ces problmes pourrait tracer le programme des recherches pour la prochaine dcennie. Nous en retiendrons trois.

    Toujours, une tape quelconque du travail thorique, on se trouve amen invoquer un savoir partag entre l'metteur et les rcepteurs. Selon les auteurs, il se nommera "associations rfrentielles", "ontologie naturelle partage", "iconographie". Nous mmes l'avons appel "encyclopdie". La formalisation de ce savoir, lidentification de son statut naturel ou culturel, la description des modalits de son partage (dans le temps comme dans l'espace) : tout cela reste faire. Ces problmes ne sont pas spcifiques la smiotique visuelle : on sait qu'ils font l'objet d'un dbat anim dans le champ de la linguistique. En second lieu, le visuel a rvl une grande diversit de composants, dont les concepts de plastique et d'iconique n'puisent semble-t-il pas toute la varit. C'est sans doute la caricature, le dessin d'humour, la bande dessine, le pome smiotique, qui font le mieux apparatre l'existence et le fonctionnement de signes semi-conventionnels, dont un grand nombre ont t lists par Rhault (p. ex. le krollebitch) et que Kennedy propose d'appeler runes. Ils sont au visuel ce que les points d'exclamation et d'interrogation sont au

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    linguistique. Leur apparition, leur fonctionnement et leur gnralisation sont un sujet d'tude tout fait primordial. Enfin, tous conviennent que le sens d'une image repose en dernire analyse sur la composition et la hirarchisation d'une srie d'oppositions. Mais comment se fait une opposition ? quels sont ses degrs ? comment se composent-elles (une opposition colore a-t-elle le pas sur une opposition de forme) ? Le sujet, abord par Sonesson, se rvle bien plus nuanc que ne voudrait le faire croire une matrice quatre cases. Il n'est pas jusqu' la prsence et l'absence entre lesquelles un Fontanille ne parvienne distinguer des intermdiaires. vrai dire le concept d'opposition semble indissociable de celui de mdiation, et il apparat qu'un rexamen fondamental de ces concepts s'impose d'urgence.

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    1 A titre dexemple, et pour nous limiter aux deux dernires annes, voir la publication de numros spciaux de revues comme AA.VV., 1993 ou Landheer (d.), 1994, la republication en 1995 du numro historique de Communications (AA.VV., 1970), des colloques comme ceux de Courtrai (cfr Ijsseling et Vervaecke, ds., 1994), Strasbourg (cfr Charbonnel, d., 1995), Albi (Ballabriga). 2 Pour mieux rpondre ces questions, nous avions demand aux auteurs de se garder d'analyser des noncs, isols ou en srie (tableaux clbres, caricatures, affiches publicitaires ), ou de faire rfrence des corpus historiques (la miniature persane, la peinture surraliste) : l'objectif de l'ensemble n'tait pas, en effet, la connaissance de ces corpus, mais les phnomnes gnraux qui y sont l'uvre. Mais hlas, les smioticiens n'ont pas toujours rompu les liens qui les unissent ce qui est souvent leur milieu d'origine : celui de la critique, littraire ou artistique... 3 Cfr Groupe , 1970a. 4 Mais notons au passage qu'elles sont trop larges, dfinissant tout trope, et non la seule mtaphore. 5Celle-ci, en effet, est le seul trope qui soit apte connecter des isotopies diffrentes dans un nonc : les oprations simples suppression ou adjonction en sont incapables (cfr Groupe , 1977). Les mtonymies et les synecdoques de type ne font gure quexploiter des relations entre entits fortement stabilises dans une encyclopdie dj bien socialise. Prandi note ainsi que la synecdoque ne construit pas les interactions, mais "se limite valoriser leur enracinement profond dans la perception et dans la catgorisation des objets" (1992 : 15). 6 Dans sa prsentation trs lgante des problmes soulevs par le ralisme (il faudrait d'ailleurs interroger aussi l'hyperralisme : est-il possible d'tre plus rel que le rel ?), Kibdi Varga part trs logiquement de la clbre anecdote de Zeuxis, partir de laquelle s'labore toute la problmatique du trompe-l'il, laquelle dbouche de faon inattendue mais convaincante sur celle du temps. Nos hsitations sont d'un autre ordre, qui paratra sans doute bien positiviste. La soi-disant mystification des oiseaux par le peintre nous a toujours paru suspecte. Sur le plan physiologique d'abord : s'il est possible de leurrer une pinoche avec un simple bout de laine rouge, pourquoi ne pourrait-on leurrer des oiseaux avec une grossire image ? La rponse ne sera donn que lorsque nous connatrons parfaitement la vision et le cerveau des oiseaux. Mais plus gravement, et sur le plan purement smiotique cette fois, un trompe-l'il parfait qui, rpondant son nom, tromperait l'il au point de l'empcher de distinguer la chose de son image, anantirait du mme coup son statut de signe. Ceci nous ramne une de nos positions centrales : le signe doit toujours comporter une marque non quivoque de sa signit. 7 La rhtorique est une discipline qui a jusqu' prsent entendu "informer sur les processus mentaux qui fondent la reprsentation mentale et ses liens avec la reprsentation linguistique subsquente" (St Martin). Est-ce l une ambition dmesure ? Il est vrai que la linguistique cognitive commence seulement

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    explorer ce terrain. Mais, avec d'autres armes, la pragmatique, laquelle la rhtorique a fray la voie, l'explore galement. 8 Voir un rcent article de Irne Tamba, dmontrant que vrai (dans des locutions comme un vrai diable) joue le rle dun embrayeur de mtaphoricit, tandis que tout (dans des locutions comme tout le quartier) joue le rle dun embrayeur de mtonymie (ou de synecdoque, devrions-nous prciser). Cfr Tamba, 1994. 9 Les notions d'ontologie et de nature sont malaises maintenir dans une discipline qui ne cesse de montrer le rle de la culture et de la convention dans l'laboration du sens (tout en reconnaisant comme le souligne ici F. Saint-Martin les limites de l'arbitraire dans le processus d'laboration de ce sens). 10 Et qui dit relation dit syntaxe... 11 On a mme propos des distinctions encore plus raffines, puisque Sonesson souhaite en outre sparer l'iconique du pictural. 12 On ne peut en tout cas se satisfaire dune notion comme comme contigut : peindre licne dune vache en bleu est bien prdiquer quelque chose de cette vache, mais dira-ton que les proprits vache et bleu sont ici contiges ? 13 Voir ce pome irlandais du VIe sicle : Glacial est le vent ce soir/ Il agite la blanche chevelure de locan,/ Ce soir je ne crains pas les froces soldats de Norvge/ Qui sillonnent la mer dIrlande (Selection from Irish Poetry, Edimbourg, 1911).