réfugiés : photographies de john vink (1987-1994)

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RÉFUGIÉS

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Réfugiés Photographies de John Vink (1987-1994)

Introduction par Rony Brauman

C e t o u v r a g e a é t é produi t p a r le C e n t r e N a t i o n a l d e l a P h o t o g r a p h i e

a v e c l a co l l abora t ion d e M é d e c i n s S a n s Frontières.

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Cet o u v r a g e a é t é p rodu i t p a r le C e n t r e N a t i o n a l d e l a P h o t o g r a p h i e

a v e c la co l l abo ra t i on d e M é d e c i n s S a n s Frontières.

Légende de la couverture : Soudan, Kôsti, 1988. Déplacés du Sud-Soudan.

@ 1994, Centre National de la Photographie, Paris Photographies @ 1994, John Vink

Texte @ 1994, Rony Brauman

Tous droits réservés pour tous pays ISBN: 2-86754-089-5

Imprimé en France /Printed in France

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PRINCIPES ET RÉALITÉS D'UN FAIT DE SOCIÉTÉ

Ce matin-là, u n e a t m o s p h è r e é t r ange r ègne d a n s le petit hôpital d u camp. Le désordre, inhabituel, d e la salle d'hospitalisation, les feuilles d e trai tement m a l remplies, les perfusions bouchées faute d 'avoir été c h a n g é e s à temps, m e su rp rennen t p lus qu'ils ne m'irritent. A p r è s l a visite d e s hospitalisés, une fois les d é g â t s - minimes - réparés , j ' entame m a consultation quotidienne. Saron, un instituteur d e Phnom Penh avec qui je travaille depuis 6 mois, semble épuisé. Son sourire est forcé, son humour l'a quitté. Fuyant, il ne r épond qu 'évas ivement à mes questions. Il ne sait pourquoi, contrai- rement à l 'habitude, les t empéra tures des enfants n'ont p a s é té prises, pourquoi l a tension artér iel le d e cet te f emme enceinte n 'a p a s été relevée, pourquoi le motif d e consultation d e ce vieillard est illisible sur s a fiche. Bien que p e u chargée, la consultation est ce jour-là plus longue qu 'à l 'ordinaire : les frottis d e s ang - pour la recherche d u pa lud i sme - ne m e reviennent pas, le responsab le d e la p h a r m a c i e ne trouve plus les médicaments.. . Une réunion a v e c l 'équipe d e l 'hôpital s'impose.

Nos relations ont b e a u être confiantes, fortes d e longs mois d e travail en commun, la discussion ne d é m a r r e q u e len tement . M a i s les l a n g u e s p e u à p e u se dé l i en t : d e s nouvelles d e « l à -bas », du C a m b o d g e , sont arr ivées a u cours d e la nuit. Main tenant ils savent. Leurs parents, leurs femmes et leurs enfants, dont ils ava ien t pe rdu la trace à l ' évacuat ion d e Phnom Penh p a r les Khmers Rouges, sont morts. La c ruauté d e s ga rdes -ch iourmes , les t r a v a u x forcés, les rat ions d e famine, la violence, chacun d'entre eux, r e s c a p é d e l'enfer, les a subis. Toute explication aura i t été superflue, indécente. Il ne leur restait que l'espoir; il ne leur reste plus rien.

Je ne sais plus - 16 ans ont p a s s é - quels mois sans importance j'ai prononcés. Je m e souviens seulement d 'avoir avec eux d é a m b u l é d a n s le camp, redécouvrant l 'enceinte

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gr i l lagée et les b a r a q u e m e n t s façon s t a l ag qu ' avec le t emps je ne r emarqua i s m ê m e plus, c o m m e s'il était normal qu 'eux soient enfermés et moi libre.

C e c a m p thaï landais , situé d a n s la province d e Surin à que lques kilomètres seu lement d e la frontière c a m b o d - gienne, a disparu. Les que lque 7000 réfugiés qu'il comptai t ont é té a c c e p t é s p e u à peu, a u fil des ans, p a r des p a y s d 'accuei l : Etats-Unis, Australie, C a n a d a , France en particu- lier. Mais j'ai toujours e n moi le souvenir d e cette souffrance e n t r ' a p e r ç u e , d e c e s v i e s d i s l o q u é e s , d e ce s h i s to i res individuel les m a s q u é e s p a r la g r a n d e Histoire, dissoutes d a n s les g r a n d s n o m b r e s et les stat is t iques. Je les a i re- t rouvées a u qua t r e coins d u m o n d e d a n s ces camps, ces zones d e confinement q u e John Vink montre a v e c force, où l'on m o n n a i e b i en souvent s a vie d u prix d e s a liberté, où la sécurité est assurée, non p a r la loi ma i s p a r les barbelés . Etre réfugié, c'est d ' a b o r d é c h a n g e r une injustice contre une autre, une souffrance contre une au t re souffrance.

Ma i s ce q u e nous r a p p e l l e ind i rec tement le t ravai l p h o t o g r a p h i q u e d e John Vink, c'est q u e la g r a n d e é p o q u e d e s réfugiés est celle des formes paroxyst iques d e la polit ique - la guerre et le totali tarisme -, au t rement dit le XXe siècle. C'est l 'Europe qui l ' inaugura a v e c les suites d u premier conflit mond ia l où furent jetés sur les routes des g roupes qui, moins chanceux q u e leurs p rédécesseurs d e s guerres d e religion, se retrouvèrent sans patrie, donc sans droits. Alors a p p a r u r e n t et « se dévoi lèrent aux yeux d e tous les souffrances d 'un nombre croissant d e g roupes huma ins à qui les règles d u m o n d e e n v i r o n n a n t c e s s a i e n t s o u d a i n d e s ' app l ique r» ( H a n n a h Arendt).

Si la recherche d u salut d a n s la fuite, loin des violences et d e s persécut ions , est auss i a n c i e n n e q u e la guer re et l 'oppression elles-mêmes, ce sont e n effet les huguenots fuyant la F rance a p r è s la révocat ion d e l'Edit d e Nan tes (1685), qui constituèrent le premier g roupe d e réfugiés qualifiés comme tels. Pour é c h a p p e r aux d r agonnades , conversions forcées et interdictions professionnelles, 300.000 protestants quittèrent le r o y a u m e d e Louis XIV pour trouver refuge d a n s les p a y s voisins d e religion réformée. C e sont les p remie r s exilés envers qui fut reconnue une responsabi l i té particulière, en l 'occurrence un devoir d e solidarité confessionnelle.

Plus q u ' a u c u n e au t re é p o q u e d e l'Histoire, le XXe siècle semble se p a r t a g e r entre la sensibilité h u m a i n e et la terreur politique. Le progrès constant d u souci des Droits d e l 'Homme, d a n s les mental i tés c o m m e d a n s les conventions et règles

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internationales, est allé d e pair avec l 'appari t ion d e formes inédites d'oppression, d e contrôle social et d e destructions. Les tyrans modernes ne sont sans doute p a s plus mauva i s que les anciens, mais les moyens techniques dont ils disposent ont rendu pensab l e s ces p rog rammes d e chirurgie sociale que leurs p r é d é c e s s e u r s ne p o u v a i e n t p a s m ê m e imaginer . L'horreur, démult ipl iée p a r la technique, est là, qui t raverse tout ce siècle. Mais elle est très vite a c c o m p a g n é e p a r son double, la volonté d 'humaniser l'horreur. Un a n ap rè s son institution e n 1920, la Société des Nat ions crée un Haut- Commissar ia t aux réfugiés dont la responsabil i té est confiée a u Norvégien Fridtjof Nansen. Sa première tâche consiste à organiser la réinstallation d e 1,5 million d e réfugiés, dispersés dans l 'ensemble d e l 'Europe p a r la tourmente d u premier conflit mondial. La guerre gréco-turque d e 1922, qui entraîne l 'exode d e plusieurs centaines d e milliers d e Grecs hors d e leurs foyers d e Thrace méridionale et d'Asie mineure vers la Grèce, lui fournit l 'occasion d e procéder à un é c h a n g e réglé d e p o p u l a t i o n s , sous les a u s p i c e s d e l a C o m m u n a u t é in te rna t iona le : en huit ans, 500.000 Turcs d e G r è c e sont « é c h a n g é s » contre les Grecs d e Turquie. La « purification eth- nique », commencée sur un m o d e militaire, l 'emporte finale- ment sur le registre humanitaire. G a g e o n s que ce p récéden t b a l k a n i q u e ne restera p a s sans suite : l 'humanitaire, comme l'a montré Jean-Chris tophe Rufin, peut aussi être une façon d e poursuivre des buts d e guerre p a r d 'autres moyens.

La d e u x i è m e g u e r r e m o n d i a l e , a v e c O r a d o u r , fait défini t ivement entrer les civils a u coeur d e la guer re : on recense, à la fin du conflit, 21 millions d e réfugiés dispersés d a n s l 'ensemble d e l'Europe. Selon la terminologie juridique internationale, fixée p a r la Convention d e G e n è v e d e 1951, le statut d e réfugié est accordé à toute personne qui, « cra ignant a v e c raison d'être pe rsécu tée d u fait d e s a race, d e sa religion, de sa nationalité, d e son a p p a r t e n a n c e à un certain groupe social ou d e ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationali té et qui ne peut ou, du fait d e cette crainte, ne veut réclamer la protection d e ce pays». Il faut donc, condition nécessaire mais non suffisante, avoir franchi une frontière in t e rna t iona le pour être cons idé ré c o m m e réfugié. Par opposition aux populat ions chassées d e leurs lieux habi tuels d e résidence, dés ignées comme personnes d é p l a c é e s et dépourvues d e statut juridique. E laborée pa r des Européens, d a n s le contexte politique des a n n é e s 50, cette définition a vu son appl ica t ion p ra t ique s'élargir a v e c le temps, suivant en ce la l'évolution du phénomène. La situation

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éta i t s imple lorsqu 'un intel lectuel sovié t ique ou hongrois venai t d e m a n d e r , d a n s les a n n é e s 60 et 70, la protection d 'un Etat démocra t ique . Elle l 'était tout a u t a n t lorsqu'il s 'agissait d e faire é c h a p p e r aux griffes d e leurs geôliers des Iraniens ou d e s Argentins d a n s les a n n é e s 70. Elle c o m m e n ç a à se compl iquer sérieusement, d a n s la seconde par t ie des a n n é e s 70, lors d e s g r a n d s bou leversements intervenus d a n s plu- sieurs régions d u tiers-monde. Les c h a n g e m e n t s d e rég ime en Asie d u Sud-Est, en Afrique aus t ra le et en Afrique orientale, l ' invasion d e l 'Afghanis tan, la m o n t é e d e la v io lence en Amér ique centra le ont p ro fondément transformé les données d u p r o b l è m e , s a n s q u e l a p e r c e p t i o n d e celui-ci, et p a r c o n s é q u e n t les ins t rument s i n t e r n a t i o n a u x d e s t i n é s à y appor t e r une réponse, n 'en soient pour a u t a n t modifiés.

Au cours d e ces quinze dernières années , d e s centa ines d e milliers d 'Ethiopiens ont fui vers le S o u d a n et la Somalie, t and i s qu ' un m o u v e m e n t inverse et d e m ê m e enve rgu re a m e n a i t a u t a n t d e Somal iens et d e S o u d a n a i s à chercher asi le en Ethiopie. Plus d 'un million d e Mozambica ins se sont d ispersés vers six p a y s d'Afrique australe, près d e six millions d 'Afghans se sont réfugiés a u Pakis tan et en Iran, un million d e C e n t r a m é r i c a i n s ont c h a n g é d e pays , d e u x mill ions d'Indochinois ont g a g n é (au prix d e quel le h é c a t o m b e 1), p a r voie mari t ime ou terrestre, les p a y s riverains d e la mer d e Chine. Au moins ces derniers ont-ils é té reconnus, à l'inverse d e ces milliers d e Laotiens refoulés vers leur pays, d e ces c e n t a i n e s d e M o z a m b i c a i n s b r û l é s vifs p a r l a b a r r i è r e électrifiée qui s é p a r e leur p a y s d e l'Afrique du Sud, d e ces d i za ines d e milliers d e C a m b o d g i e n s a b a n d o n n é e s aux Khmers rouges à la frontière thaïlandaise.. . Et le p rob lème v a ac tue l lement en s 'amplif iant d u fait d e l 'effondrement des E ta t s p o s t - c o l o n i a u x d 'Af r ique et d e s b o u l e v e r s e m e n t s polit iques d a n s les p a y s r écemment sortis du communisme. La guerre en ex-Yougoslavie a produit à elle seule 3,6 millions d e réfugiés et personnes d é p l a c é e s tandis que, d a n s le m ê m e t emps , 420.000 p e r s o n n e s fuya ien t , e n p r o v e n a n c e d e Somal ie et d u S o u d a n vers le Kenya et que l'on dénombra i t 1,5 million d e personnes d é p l a c é e s et réfugiées en Arménie, Aze rba ïd jan et Tadjikistan.

Sinistre comptabi l i té , qui ne rend q u e par t i e l l ement compte des évolutions majeures d e cette t r agéd ie moderne. Autrefois résolue p a r l ' intégration d a n s les p a y s d'accueil, la quest ion des réfugiés est désormais considérée sous l 'angle d e l 'assistance d a n s d e s c a m p s qui se pe rpé tuen t aux fron- tières des nations en guerre, d a n s l 'at tente d 'un hypothét ique

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retour. En 1992 cependant, 2,4 millions d'entre eux ont pu regagner leurs pays, rappelant ainsi qu'il n'y a pas de fatalité de l'exil. Ces camps de réfugiés, spécifiques du tiers-monde dans les années 80, ont récemment fait leur réapparition sur le continent européen qu'ils avaient quitté depuis 40 ans, mettant plus visiblement, donc plus cruellement en lumière cet «effet Oradour» évoqué plus haut: les réfugiés ne sont plus, dans ces conflits de « purification»" à la fois ethnique et politique, une conséquence de la violence, mais son but même. Le dérac inement n'est pas ici un sous-produit douloureux des passions humaines, mais un objectif stratégique de ces guerres totales que mènent des armées, non plus contre d'autres armées, mais contre des populations.

Quelle que soit la cause de l'exode, le devoir - il faudrait dire l'engagement primordial - de la communauté interna- tionale, réside dans la protection, c'est-à-dire en tout premier lieu dans l'application du principe de non refoulement qui en est au cœur. Noble principe, aisé à énoncer, mais plus difficile à appliquer. Toujours prompts à donner des leçons de com- portement en matières de principes humanitaires, les pays occidentaux sont aussi rapides lorsqu'il s'agit de justifier, chez eux, leurs propres manquements à ces mêmes principes : alors que les gouvernements européens - et singulièrement la France - ne sont pas loin d'exiger un certificat de persécutions et de tortures en bonne et due forme pour accorder un droit d'asile qu'ils considèrent manifestement comme une faveur, ces mêmes autorités ne manquent pas de rappeler leurs homologues du tiers-monde à leurs devoirs humanitaires. Lesquels ne se privent pas, le cas échéant, d'utiliser les camps de réfugiés à des desseins qui doivent bien peu au respect des principes humanitaires. Soutenus par les Etats- Unis et la Chine, la Thaïlande et le Pakistan ont, par exemple, utilisé le chapelet de camps qui s'étiraient le long de leurs frontières respectives avec le Cambodge et l'Afghanistan comme autant de « sanctuaires » anti-soviétiques. Aux varia- tions locales près, le même phénomène d'instrumentalisation s'observe sur la plupart des frontières où s'agglutinent ces nouveaux damnés de la terre. La France et les Etats-Unis ont affirmé avec force le devoir sacré d'assistance humanitaire lorsqu'il s'agissait de Kurdes fuyant l'Irak après la guerre du Golfe, tout en refoulant méthodiquement des réfugiés à leurs propres frontières : les « boat people » haïtiens pour les Etats-Unis, les Zaïrois, Tamouls et Somaliens, entre autres, pour la France, qui déclarait récemment ces derniers non justiciables de l'octroi de l'asile. Ni la France ni les États-Unis

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ne s'étaient d'ailleurs émus lors du gazage des Kurdes en 1988. À l'époque, il est vrai, où Saddam Hussein n'était pas encore décrit comme le plus redoutable des criminels, mais comme la digue nous protégeant de la menace islamiste iranienne.

Faut-il vraiment s'étonner que les États - quelle que soit leur nature, démocratique ou despotique - mettent le calcul et la défense de leurs intérêts au-dessus du respect des Droits de l'Homme et de la solidarité ? Certainement pas, à moins de croire à l'avènement soudain d'une Morale universelle que tous placeraient à la source de leur légitimité, ce que rien ne semble indiquer en dépit des débordements de bons sentiments qui ont suivi la chute du Mur de Berlin. On peut, en revanche, s'indigner du double discours et des postures vertueuses adoptés par les uns et les autres, en les rappelant aux obligations auxquelles ils ont souscrit, aux conventions qu'ils ont signées, aux devoirs qu'ils se sont eux-mêmes imposés. Et l'on peut aussi, sans attendre leurs réactions, démontrer les principes par leur application, comme d'autres ont démontré le mouvement en marchant.

C'est en cela qu'une présence internationale auprès des réfugiés - Nations unies et organisations humanitaires pri- vées - est indispensable. D'abord parce qu'il faut des volon- taires pour mettre en oeuvre concrètement des programmes souvent complexes d'assistance : construction d'abris, appro- visionnement alimentaire, organisation des soins médicaux et de la santé publique et, à plus long terme, instruction des enfants, formation des adultes favorisant l'autonomie et la réinsertion. Mais aussi parce qu'il faut être sur le terrain pour prévenir d'éventuels refoulements vers le pays d'origine ou rendre plus difficiles, par la simple présence solidaire et le témoignage, les manoeuvres de prises de contrôle politique.

Au refoulement forcé s'oppose, dans l'immense majorité des cas, le retour volontaire une fois disparue la cause de l'exode. Le rapatriement, lorsqu'il est enfin à l'ordre du jour, devient alors un symbole et un enjeu de première impor- tance. Symbole du franchissement d'une étape décisive, lorsque la violence fait place au compromis; enjeu de la reconstruction politique d'une nation déchirée, lorsque les parias d'hier font l'expérience d'une citoyenneté à construire. Accompli au Salvador, en Namibie, au Cambodge, le retour des réfugiés dans leur patrie a signé la résorption des ten- sions régionales autant qu'elle a rendu possible la tenue d'élections qui, sans leur participation, auraient été privées de crédibilité. Il n'est pas irréaliste de penser que la Palestine,

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le Mozambique, et bientôt l'Angola s'engagent rapidement sur cette voie.

Selon le HCR, on dénombre aujourd'hui, dans le monde, 18 millions de réfugiés et 24 millions de personnes déplacées. Triste privilège, que son instabilité croissante ne peut que renforcer dans l'immédiat, l'Afrique arrive en tête de ce pal- marès de la violence avec 5,5 millions. Et c'est le Rwanda, où le carnage programmé est passé, en quelques jours seulement, du pogrom au génocide, qui détient le record africain. Au moins 2 millions et demi de personnes ont dû fuir leurs villes et villages, dont 500.000 se sont réfugiées au Burundi et en Tanzanie, et plus d'1 million au Zaïre.

Impitoyable et sentimentale, cynique et vertueuse, la communauté internationale a réagi. Tardivement, petite- ment, classiquement. Comme ailleurs, comme toujours, un régime d'assassins a été soutenu jusqu'à la fin des fins, tout particulièrement par la France. Après avoir armé les tueurs, au nom de la stabilité politique dont elle veut être garante dans cette partie de l'Afrique, elle nourrit quelques-uns des survivants, au nom de la solidarité universelle dont elle excelle à se présenter comme le champion. Génocide et réfugiés, raison d'Etat et compassion" Oui, décidément, depuis la révocation de l'Édit de Nantes, l'Histoire des hommes avance.

Rony Brauman

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Réfugiés PHOTOGRAPHIES DE JOHN VINK (1987-1994)

Qu'il s'agisse du quotidien le plus banal ou d'événements exceptionnels, les grands photographes

dans leur subjectivité même, témoignent d'irremplaçable façon. La collection Photo Poche

se veut une histoire de la Photographie. Photo Notes est une collection d'histoires, racontées en photographies.

En termes techniques, l'image qu'on tire d'un négatif porte le nom d'épreuve, un nom lourd de sens.

Photo Notes sera aussi une collection d'épreuves.

Afghans, roumains ou kurdes, rwandais, srilankais ou bosniaques il y a près de vingt millions de réfugiés

dans le monde. Cest cette population d'individus déracinés, chassés par un régime qui les exclut,

par une ethnie qui les rejette, fuyant la sécheresse, la famine ou la guerre, que John Vink montre

avec compassion. Depuis sept ans il a parcouru ces centres de triage où les familles

déplacées attendent qu'on leur donne, plus qu'une tente ou un bol de riz, de vraies raisons d'exister.

CENTRE NATIONAL DE LA PHOTOGRAPHIE MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA FRANCOPHONIE

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