reponse à m bui (3)

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CERAFEL Le 1 er octobre 2014 Monsieur le Député, Dans les interviews que vous avez données au Télégramme et à l’Ouest-France du 30 septembre 2014, vous remettez en cause le système de mise en marché des légumes en Bretagne, mais sans évoquer les causes du malaise. La Bretagne est la première région légumière de France. La production s’y est développée grâce aux bonnes conditions de sol et de climat mais aussi au potentiel humain. Les exploitations sont majoritairement à dimension familiale. Contrairement à beaucoup d’autres régions, la production y est organisée et beaucoup de producteurs sont impliqués à différents titres dans la gestion de leurs organisations. La région s’est dotée d’outils de mise en marché, de marketing, de recherche-expérimentation, de moyens logistiques, et de tout ce qui constitue une filière. La gamme recouvre plus de vingt-cinq légumes dont la plupart n’étaient pas produits en Bretagne dans les années 60. A l’échelle européenne, le marché des légumes est hyperconcurrentiel et très dépendant des politiques des Etats membres, de l’Europe et de la Politique Agricole Commune, même si celle-ci ne vise pas expressément les légumes. Le système politique en place, tant dans les Etats membres qu’au niveau européen, est libéral. Même si certains élus gesticulent pour critiquer le libéralisme, c’est dans ce système que nous vivons. La production bretonne est à 95% destinée à l’expédition hors de Bretagne, avec une proportion variable d’exportation (plus de 50% pour le chou-fleur). Les pays concurrents se situent plutôt au Sud de l’Europe (l’Espagne est devenue le poids lourd de la production européenne), mais la production se développe aussi au Nord. Les producteurs sont donc confrontés à une concurrence européenne, voire mondiale, mais avec des règles qui différent d’un pays à l’autre. Même si les distorsions monétaires sont moindres du fait du passage à l’Euro, de nombreux pays jouent encore le jeu de la dépréciation de leur monnaie pour rester compétitifs. Dans les années 90, suite à la réforme de la PAC, la production de légumes mécanisables s’est « délocalisée ». C’est le cas de la carotte, de l’oignon, de la pomme de terre, de l’endive, désormais produits dans des régions céréalières. Dans certains pays, les céréaliers ont même continué à percevoir des aides PAC tout en produisant des légumes (en Allemagne notamment) ! Parallèlement, la production à base de main-d’œuvre s’est développée dans les pays européens autorisant l’emploi de main-d’œuvre étrangère à bas prix car le coût du travail est le principal poste de charge en production légumière. Ce phénomène s’est accentué avec l’élargissement de l’Europe aux anciens pays de l’Est. L’Allemagne, (encore elle !), en a été l’une des grandes bénéficiaires. Dans ce contexte difficile, la production française est en déclin. Malgré son éloignement du centre de l’Europe, la production bretonne a réussi à se maintenir tant en légumes frais qu’en légumes transformés grâce à ses atouts et à son organisation mais le différentiel de compétitivité se fait sentir surtout quand l’atout climatique de la Bretagne ne lui permet pas de valoriser sa production, ce qui a été le cas en 2014. Dans le cadre de sa diversification, l’organisation économique bretonne a largement développé une gamme « bio » en vue de l’expédition. Contrairement à ce que vous affirmez, cette production « bio» est soumise aux mêmes aléas climatiques que la production conventionnelle et il ne faut pas imaginer que la reconversion de producteurs conventionnels en « bio » REPONSE DU PRESIDENT DU CERAFEL AUX PROPOS TENUS PAR MONSIEUR BUI, DEPUTE

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Page 1: Reponse à m   bui (3)

CERAFEL Le 1er octobre 2014

Monsieur le Député, Dans les interviews que vous avez données au Télégramme et à l’Ouest-France du 30 septembre 2014, vous remettez en cause le système de mise en marché des légumes en Bretagne, mais sans évoquer les causes du malaise. La Bretagne est la première région légumière de France. La production s’y est développée grâce aux bonnes conditions de sol et de climat mais aussi au potentiel humain. Les exploitations sont majoritairement à dimension familiale. Contrairement à beaucoup d’autres régions, la production y est organisée et beaucoup de producteurs sont impliqués à différents titres dans la gestion de leurs organisations. La région s’est dotée d’outils de mise en marché, de marketing, de recherche-expérimentation, de moyens logistiques, et de tout ce qui constitue une filière. La gamme recouvre plus de vingt-cinq légumes dont la plupart n’étaient pas produits en Bretagne dans les années 60. A l’échelle européenne, le marché des légumes est hyperconcurrentiel et très dépendant des politiques des Etats membres, de l’Europe et de la Politique Agricole Commune, même si celle-ci ne vise pas expressément les légumes. Le système politique en place, tant dans les Etats membres qu’au niveau européen, est libéral. Même si certains élus gesticulent pour critiquer le libéralisme, c’est dans ce système que nous vivons. La production bretonne est à 95% destinée à l’expédition hors de Bretagne, avec une proportion variable d’exportation (plus de 50% pour le chou-fleur). Les pays concurrents se situent plutôt au Sud de l’Europe (l’Espagne est devenue le poids lourd de la production européenne), mais la production se développe aussi au Nord. Les producteurs sont donc confrontés à une concurrence européenne, voire mondiale, mais avec des règles qui différent d’un pays à l’autre. Même si les distorsions monétaires sont moindres du fait du passage à l’Euro, de nombreux pays jouent encore le jeu de la dépréciation de leur monnaie pour rester compétitifs. Dans les années 90, suite à la réforme de la PAC, la production de légumes mécanisables s’est « délocalisée ». C’est le cas de la carotte, de l’oignon, de la pomme de terre, de l’endive, désormais produits dans des régions céréalières. Dans certains pays, les céréaliers ont même continué à percevoir des aides PAC tout en produisant des légumes (en Allemagne notamment) ! Parallèlement, la production à base de main-d’œuvre s’est développée dans les pays européens autorisant l’emploi de main-d’œuvre étrangère à bas prix car le coût du travail est le principal poste de charge en production légumière. Ce phénomène s’est accentué avec l’élargissement de l’Europe aux anciens pays de l’Est. L’Allemagne, (encore elle !), en a été l’une des grandes bénéficiaires. Dans ce contexte difficile, la production française est en déclin. Malgré son éloignement du centre de l’Europe, la production bretonne a réussi à se maintenir tant en légumes frais qu’en légumes transformés grâce à ses atouts et à son organisation mais le différentiel de compétitivité se fait sentir surtout quand l’atout climatique de la Bretagne ne lui permet pas de valoriser sa production, ce qui a été le cas en 2014. Dans le cadre de sa diversification, l’organisation économique bretonne a largement développé une gamme « bio » en vue de l’expédition. Contrairement à ce que vous affirmez, cette production « bio» est soumise aux mêmes aléas climatiques que la production conventionnelle et il ne faut pas imaginer que la reconversion de producteurs conventionnels en « bio »

REPONSE DU PRESIDENT DU CERAFEL AUX PROPOS TENUS PAR MONSIEUR BUI, DEPUTE

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peut s’opérer sans risques. Le marché reste dépendant des conditions climatiques et de la demande des consommateurs. Pour les circuits longs, la concurrence européenne est là aussi très vive avec des cahiers des charges plus ou moins stricts, sachant que les consommateurs veulent bien des produits « bio» mais totalement irréprochables en qualité visuelle ! La restauration hors foyer ne déroge pas à cette règle, y compris pour les cantines gérées par des collectivités territoriales, qui certes travaillent du « bio» mais beaucoup d’importation. Quant à la critique du cadran, ce n’est pas nouveau. A chaque crise, certains pensent qu’il suffirait de changer l’outil pour que les problèmes disparaissent. Sachez que pour un produit comme la pomme de terre primeur, la majorité des volumes est soit en bureau de vente soit sous contrat, donc hors système du cadran. Sur la saison qui vient de se dérouler, face à des stocks de conservation encore présents dans les circuits (toujours les conséquences de la délocalisation), la primeur française et bretonne notamment n’a pas trouvé sa place sur le marché. TOUS les prix de contrats ont été revus à la baisse, voire divisés par 4 en fin de saison. L’embargo russe est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Nous ne remettons pas en cause le choix politique qui a été fait sur le plan diplomatique mais il faut que l’Europe et les pays européens permettent aux producteurs organisés de résister à cette nouvelle crise et pas seulement en leur donnant une indemnité symbolique pour du retrait de marché. Là on peut effectivement parler de distribution de « rustines ». Nous ne sommes pas contre l’Europe. Nous demandons plus d’harmonisation notamment dans les règles sociales, fiscales, sanitaires et monétaires. C’est ce que nous attendons de nos élus. Joseph ROUSSEAU Président du CERAFEL