religion - le devoir...religion h 2 le devoir, les samedi 19 et dimanche 20 avril 2014 benoit rose...

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NEWSCOM RELIGION PÂQUES CAHIER THÉMATIQUE H › L E D E VO I R , L E S SA M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 AV R I L 2 01 4 TRA BRANCHÉ . CERTIFICAT À DISTANCE EN THÉOLOGIE • Formation fondamentale en théologie • Réflexion sur l’Écriture sainte, la spiritualité, l’éthique, etc. • Adapté au contexte séculier et ecclésial d’aujourd’hui ftsr.ulaval.ca 418 656-2764, poste 7309 1 877 893-7444, poste 7309 CERTIFICAT À DISTANCE EN SCIENCES DES RELIGIONS • Formation initiale ou complémentaire pour non-spécialistes • Formule souple et adaptée aux besoins personnels et professionnels • Ressource pour les enseignants d’éthique et de culture religieuse C’est la grande fête chrétienne, celle que toutes les religions nées de la tradition juive ont faite leur. Et elle nous vient de la nuit des temps, de ces bergers nomades qui profitaient de la première pleine lune du printemps pour faire transhumance en ces pays chauds de leur Moyen-Orient. Pâques, comme pour la Pâque juive, est un moment de renaissance. NORMAND THÉRIAULT L’ Église catholique, la romaine, celle qui se donnait l’an dernier un nou- veau pape, se transforme. Et tous de parler d’un nouvel œcuménisme, celui que propage François, premier de ce nom : «L’homme séparé, l’homme des hau- teurs, ce n’est pas lui, affirme Marie-Andrée Roy, professeure au Département de sciences des reli- gions de l’UQAM. Il est présent. C’est un homme de rigueur et de simplicité qui, par sa manière d’être, impose un nouveau style. » Et au Québec, après les Villeneuve et autres cardinaux Roy, un nouvel épiscopat prend en charge les diocèses. « Je suis un cardinal de l’Évangile et je veux me laisser guider par celui-ci, par la parole de Dieu, par l’enseignement de notre Église pour faire route avec les gens » , dit ainsi Gérald Cyprien Lacroix, lui qui est devenu à 56 ans, en étant nommé à Québec, l’un des plus jeunes cardinaux de l’Église de Rome. Partage Pâques est la grande fête chrétienne. Et ceux qui en sont les ténors semblent avoir redécouvert la mission qui était celle des premiers célébrants de cette fête printanière, instaurée au temps des trans- humances de troupeaux : être les bergers, être les guides vers une renaissance, alors saisonnière, vers l’été au temps où la végétation renaît, quand cesse la rigueur hivernale. Car Pâques, «au départ, ce n’était pas une fête religieuse, nous dit le bibliste qu’est Robert David. C’était une fête familiale. Si on sacrifiait des agneaux, c’est qu’on était bergers. Ça permettait à tout le monde de se rassasier autour de l’animal symbolisant la nouveauté, la vie.» Et en lieu et place de la gloire de la célébration, on préférerait associer aujourd’hui d’autres valeurs, où l’humilité et la simplicité seraient les facteurs d’un rassemblement, l’exclusion faite au nom de principes et de codes rigides n’ayant plus sa place. Pâques se veut un temps de renaissance. Il semblerait que l’Église de Rome l’ait compris. Et les valeurs qui étaient le propre de certains de ses dirigeants, ceux de l’Église dite de la « libération », en terre du Nicaragua ou du Chili, semblent maintenant s’imposer. Le partage du pouvoir avec ceux qui sont les exclus du monde n’était-il pas d’ailleurs le premier discours de ceux qui prêchaient au nom de la parole du Christ ? Le Devoir EN CE PRINTEMPS DE LA RENAISSANCE « Pâques n’était pas au départ une fête religieuse »

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Page 1: RELIGION - Le Devoir...RELIGION H 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 AVRIL 2014 BENOIT ROSE Avant d’être nommé pape à Rome, le cardi- nal argentin Jorge Mario Bergoglio

NEWSCOM

RELIGIONPÂQUES

C A H I E R T H É M A T I Q U E H › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4

TRA BRANCHÉ.CERTIFICAT À DISTANCE EN THÉOLOGIE • Formation fondamentale en théologie• Réflexion sur l’Écriture sainte, la spiritualité, l’éthique, etc.• Adapté au contexte séculier et ecclésial d’aujourd’hui

ftsr.ulaval.ca 418 656-2764, poste 7309 1 877 893-7444, poste 7309

CERTIFICAT À DISTANCEEN SCIENCES DES RELIGIONS • Formation initiale ou complémentaire pour non-spécialistes• Formule souple et adaptée aux besoins personnels et professionnels• Ressource pour les enseignants d’éthique et de culture religieuse

C’est la grande fête chrétienne, celle quetoutes les religions nées de la tradition juiveont faite leur. Et elle nous vient de la nuit destemps, de ces bergers nomades qui profitaientde la première pleine lune du printemps pourfaire transhumance en ces pays chauds deleur Moyen-Orient. Pâques, comme pour laPâque juive, est un moment de renaissance.

N O R M A N D T H É R I A U L T

L’ Église catholique, la romaine, cellequi se donnait l’an dernier un nou-veau pape, se transforme. Et tous deparler d’un nouvel œcuménisme, celui que propage François, premier

de ce nom: «L’homme séparé, l’homme des hau-teurs, ce n’est pas lui, affirme Marie-Andrée Roy,professeure au Département de sciences des reli-

gions de l’UQAM. Il est présent. C’est un homme derigueur et de simplicité qui, par sa manière d’être,impose un nouveau style.»

Et au Québec, après les Villeneuve et autrescardinaux Roy, un nouvel épiscopat prend encharge les diocèses. « Je suis un cardinal del’Évangile et je veux me laisser guider par celui-ci,par la parole de Dieu, par l’enseignement de notre Église pour faire route avec les gens »,dit ainsi Gérald Cyprien Lacroix, lui qui est devenu à 56 ans, en étant nommé à Québec, l’undes plus jeunes cardinaux de l’Église de Rome.

PartagePâques est la grande fête chrétienne. Et ceux qui

en sont les ténors semblent avoir redécouvert lamission qui était celle des premiers célébrants decette fête printanière, instaurée au temps des trans-humances de troupeaux: être les bergers, être lesguides vers une renaissance, alors saisonnière,vers l’été au temps où la végétation renaît, quandcesse la rigueur hivernale. Car Pâques, «au départ,

ce n’était pas une fête religieuse, nous dit le biblistequ’est Robert David. C’était une fête familiale. Si onsacrifiait des agneaux, c’est qu’on était bergers. Çapermettait à tout le monde de se rassasier autour del’animal symbolisant la nouveauté, la vie.»

Et en lieu et place de la gloire de la célébration,on préférerait associer aujourd’hui d’autres valeurs,où l’humilité et la simplicité seraient les facteursd’un rassemblement, l’exclusion faite au nom deprincipes et de codes rigides n’ayant plus sa place.

Pâques se veut un temps de renaissance. Ilsemblerait que l’Église de Rome l’ait compris.Et les valeurs qui étaient le propre de certainsde ses dirigeants, ceux de l’Église dite de la « libération», en terre du Nicaragua ou du Chili,semblent maintenant s’imposer.

Le partage du pouvoir avec ceux qui sont lesexclus du monde n’était-il pas d’ailleurs le premier discours de ceux qui prêchaient aunom de la parole du Christ ?

Le Devoir

EN CE PRINTEMPS DE LA RENAISSANCE

« Pâques n’était pas au départune fête religieuse »

Page 2: RELIGION - Le Devoir...RELIGION H 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 AVRIL 2014 BENOIT ROSE Avant d’être nommé pape à Rome, le cardi- nal argentin Jorge Mario Bergoglio

R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4H 2

B E N O I T R O S E

A vant d’être nommé pape à Rome, le cardi-nal argentin Jorge Mario Bergoglio menait

déjà sa vie dans la plus grande sobriété, à Bue-nos Aires. « Il ne vivait pas dans le palais épisco-pal, mais dans un petit trois et demie, raconteMarie-Andrée Roy, professeure au Départe-ment de sciences des religions de l’UQAM. Etil avait créé un choc culturel en refusant la li-mousine qui lui était attribuée, préférant em-prunter les transports en commun.» Le mode devie dépouillé qui fait aujourd’hui sa réputationdepuis le Vatican ne date donc pas d’hier.

À Rome, le nouveau pape a choisi de s’instal-ler dans la modeste résidence Sainte-Martheplutôt que dans les appartements de ses prédé-cesseurs. Accessible, il donne quotidiennementdes messes à des employés du Vatican et serend parfois, la nuit tombée, à la rencontre d’iti-nérants de la périphérie. Les photographiesparlent, comme celle où on le voit siégeant ensimples soutane blanche et souliers noirs surun trône de saint Pierre allégé, laissant de côtéles éléments ostentatoires rouge et or du déco-rum mondain que Benoît XVI arborait, tel unmonarque orné des symboles de son prestige.

En refusant le piédestal, ce «pape du peuple»

prêche avec force par l’exemple. «L’homme sé-paré, l’homme des hauteurs, ce n’est pas lui, af-firme Mme Roy. Il est présent. C’est un homme derigueur et de simplicité qui, par sa manièred’être, impose un nouveau style », notamment àson entourage, subtilement invité à suivre samanière de vivre. « Il exerce sa responsabilité àpartir d’une culture qui n’est pas la culture stric-tement romaine et vaticane. Ça bouleverse beau-coup de choses. » François a été formé en Amé-rique latine et en Allemagne, et non à Rome.

Du sens à la pluralitéJean-Claude Ravet, rédacteur en chef à la re-

vue Relations — publiée par le Centre justiceet foi, un centre d’analyse sociale progressistefondé et soutenu par les Jésuites du Québec—, est très impressionné par ce que Françoisouvre comme fenêtres. « Il y a clairement uneréforme structurelle qui est appliquée, pas sim-plement cosmétique. C’est le premier pape quiparle de réformes. […] Il va plus loin, il parlede conversion des structures, et conversionmême de la papauté. Alors là, on est dans le remue-ménage ! »

La simplicité évangélique qu’il met de l’avant,lui qui se présente humblement comme«évêque de Rome» et qui admet ne pas avoir lavérité sur tout, doit s’incarner aussi dans lesstructures d’une Église appelée à rompre avecson centralisme. Selon M. Ravet, de l’aveumême du nouveau pape, ce dernier «doit laisseraux Églises locales le soin de discerner ce qui cor-respond à leur incarnation de l’Évangile », dansun esprit de collégialité. « C’est la reprise sé-rieuse de Vatican II », où étaient avancées lesidées de collégialité, de décléricalisation etd’une place prépondérante pour les laïcs ausein de l’Église, ce qui pourrait éventuellementouvrir plus grande la porte aux femmes. Par sadémarche, François semble vouloir redonnerdu sens à la pluralité des voix et des expé-riences au sein de l’institution.

Il invite ainsi les Églises locales à s’affirmer, cequi est une petite révolution à assumer partoutdans le monde catholique, croit M. Ravet. «C’estle rôle des laïcs, des théologiens et des Églises lo-caux de prendre la parole. […] On est habitué à setourner vers Rome, mais il faudrait exiger que lesévêques parlent et sortent de leur frilosité. On estdans une Église, précisément au Québec, frileusede ce point de vue. On les a sermonnés pour qu’ilssoient bien dociles, et on élit en fonction de cette do-

cilité administrative et doctrinaire.»

Evangelii GaudiumLes questions de doctrine ne sont pas la tasse

de thé de François, explique M. Ravet. Ce quin’est pas nécessairement une déception, dans laperspective où voilà un pasteur qui veut sortirl’Église de son moralisme venu d’en haut pour re-venir à l’essentiel, soit la joie de l’Évangile. «Il ditqu’il faut entrer dans le monde, et porter cettebonne nouvelle du partage, de la justice et d’une at-tention aux plus petits qui est propre à l’Amériquelatine, où il y a une longue culture de solidarité etune Église proche de la réalité des petites gens.»

Bien qu’on ne puisse pas le considérer commeun marxiste, de dire Marie-Andrée Roy, Françoisprovient d’une région du monde teintée par defortes inégalités socioéconomiques et par lathéologie de la libération. Pour lui, les personnesdémunies sont «au cœur de la vie», et il démon-tre qu’il prend très au sérieux la doctrine socialede l’Église. Dans son texte Evangelii Gaudium, illivre une solide critique d’un système écono-mique qui engendre la disparité sociale. Avecl’importance démographique des Latino-Améri-cains dans la famille catholique, cette paroleprend toute son importance.

Homme d’action, François a aussi entaméune réforme de la curie romaine. Mais alorsque Benoît XVI était issu de cette « machine »administrative, le nouveau pape provient del’extérieur et veut introduire une nouvelle dyna-mique. Il s’est donné le C8, souligne Mme Roy,un groupe de huit cardinaux provenant majori-tairement de l’extérieur de l’Europe pour leconseiller en la matière. «Ce qui est intéressantc’est que tous, avant, d’une manière ou d’une au-tre, ont pris position en faveur des pauvres dansune perspective de justice sociale. »

Il est question de permettre l’accès à la com-munion aux mariés divorcés, et ainsi de mieuxaccueillir les dif férentes personnes dans leurcheminement de vie. Mais il y a aussi cette vo-lonté déjà en marche d’assainir les finances duVatican, entaché par des histoires de corrup-tion et de blanchiment d’argent. Des laïcs depar le monde sont intégrés à la démarche. « Ilfaut quelqu’un d’extrêmement fort pour imposerça à Rome, de croire Mme Roy. Et il peut faireça, parce qu’il ne doit rien à qui que ce soit. »

CollaborateurLe Devoir

LE PONTIFE FRANÇOIS

Un pape bouleverse son Église« C’est un homme de rigueur et de simplicité »

A S S Ï A K E T T A N I

L’Église s’est donné un nouveau pape. Et lesexégètes sont au rendez-vous.

Journaliste et chroniqueur au site d’informa-tion Atlantico, Nicolas Diat, spécialiste du Vati-can, rassemble les conclusions d’une enquêtemenée pendant deux ans sur Joseph Ratzinger,devenu Benoît XVI. Il rappelle notamment le par-cours de cet homme mû par une ambition avanttout intellectuelle et universitaire, qui ne voulaitpas occuper le plus haut siège de l’Église. L’au-teur décrit également sa pensée, ses réalisationset ses luttes en tant que chef de l’Église, jusqu’àsa renonciation historique en 2013.

L’HOMME QUI NE VOULAIT PASÊTRE PAPEHISTOIRE SECRÈTE D’UN RÈGNENicolas DiatAlbin MichelParis, 2014, 512 pages

◆ ◆ ◆

À son arrivée au pouvoir, le pape François n’apas manqué de créer la surprise : à travers sesactions et ses discours, il s’est montré peuconventionnel et décidé, tout en demeuranthumble. L’auteure, sensible à son message,écrit sur l’homme public et privé, s’interrogesur son message et va à sa rencontre.

FRANÇOIS, LA DIVINE SURPRISECE PAPE VA-T-IL CONVERTIR L’ÉGLISE ?Anne SoupaMédiaspaulParis et Montréal, 2014, 136 pages

◆ ◆ ◆

En 2005, une polémique avait éclaté au sujetde l’implication de Jorge Mario Bergoglio, lefutur pape François, pendant la dictature mili-taire en Argentine (1976-1983), dont le bilans’élève à 30 000 « desaparecidos ». Loin de cor-roborer ces accusations, l’auteur Nello Scavoaffirme le rôle actif du jeune père Bergoglioaux côtés des persécutés et de ceux qui cher-chaient à quitter le pays. Ce livre recueille dixtémoignages de rescapés de la dictature sou-tenant avoir été sauvés par le pape François,encadrés d’une mise en contexte et d’annexes,dont la réponse d’Amnesty International auxaccusations portées contre le pape, le textedes quatre inter rogatoires du procès deL’ESMA, dont celui du cardinal Bergoglio, etune chronologie des événements.

LA LISTE DE BERGOGLIONello ScavoBayardMontrouge, 2014, 223 pages

◆ ◆ ◆

Une biographie du pape François, signée Sa-verio Gaeta. L’auteur, rédacteur en chef de Fa-miglia Cristiana, évoque dans une biographieles origines du pape François, son parcours, enpassant par sa pensée et une synthèse des en-jeux auxquels il a fait face depuis le début deson mandat, notamment la réforme de la curie.Traduction française d’un livre paru en italienla même année.

PAPE FRANÇOISLE PEUPLE DE DIEU A DE L’AVENIR !Saverio GaetaMédiaspaulMontréal, 2013, 128 pages

CollaboratriceLe Devoir

LIVRES

De Benoît à François

FILIPPO MONTEFORTE AGENCE FRANCE-PRESSE

Un pape près du peuple, d’une simplicité désarmante.

Depuis un an, on s’étonne de son style dé-pouillé d’inspiration franciscaine et de son ap-proche accueillante. Pasteur argentin de cul-ture jésuite, le pape François donne décidé-ment un nouveau ton à sa fonction, et par lefait même, à l’institution qu’il représente. Se-lon certains observateurs, cette posture d’hu-milité ouvre bel et bien la marche pour desréformes structurelles concrètes visant àtransformer une Église catholique jugée trèsmonarchique.

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R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4 H 3

Les Sœurs de l’Assomption de la Sainte Vierge

Femmes d’espéranceAu cœur de notre monde

En recherche de sens.

Bienvenue à notre Centre de Prièrewww.sasv.ca

Nous sommes des prêtres et laïquesTémoignant de l’Évangile Dans le respect des cultures Pour la promotion de la dignité humaineParticulièrement auprès des plus défavorisésDans 10 pays du monde.

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Christ est Vie Nouvelle !

Les Sœurs de laPrésentation de Marie

3600, rue BélangerMontréal, Qc H1X 1B1

R É G I N A L D H A R V E Y

A îné d’une famille beauce-ronne de huit enfants, ses

parents ayant émigré à Man-chester au moment où il estâgé de huit ans dans le butd’assurer au paternel bûcheronun emploi plus stable qui lerapproche des siens, il vivra là-bas jusqu’à l’âge de 19 ansavant de s’installer dans laVieille Capitale, où il devientgraphiste dans le monde de lapubl ic i té e t de l ’éd i t ion .Quelque six années plus tard, ilfait la demande d’un congésans solde pour se rendre vivreune expérience missionnaire ethumanitaire de six mois en Co-lombie : «C’est là que je ressensl’appel à devenir prêtre», laissesavoir le cardinal. De retour àQuébec, il poursuit des étudesen théologie, qui le conduirontvers la prêtrise.

Deux ans après avoir été or-donné prêtre, il séjourne à nou-veau dans ce pays du nord-ouest de l’Amérique du Sud,cette fois-ci pour exercer sonministère pendant neuf ans. Ausein de l’Église, il continuera,de retour au Québec en 1998,d’exercer diverses fonctionsjusqu’à ce qu’il soit nomméévêque auxiliaire en 2009 parBenoît XVI et fait récemmentcardinal par le pape François.

Une population inspiranteUne quest ion ja i l l i t de

source en obser vant ce par-cours : que retient-il de son ex-périence pastorale en Colombiedurant de nombreuses années?«J’ai vécu un contact exception-nel avec une autre culture et uneautre langue, avec un peuple quivalorise beaucoup la famille et lavie.» Il fait part de l’expériencevécue en des terres de ferveurreligieuse, mais aussi de climatsocial et politique per turbé :«J’ai été curé dans la montagnependant trois ans, et je devais

m’occuper de 72 petits villages,dont les plus éloignés étaient si-tués à 18 heures de marche oude transport à dos d’âne. C’étaitmerveilleux, et c’était presque undiocèse en soi ; le territoire étaitimmense, et j’étais le seul prêtreavec quelques jeunes laïcs quifaisaient partie de mon équipe.»

Un autre aspect de son mi-nistère l’a profondément tou-ché : « Je retiens que je me suisnourri de par tager mon exis-tence avec des gens jeunes etpauvres, mais qui ont le goût dela vie ; quand j’ai vécu dans cepays, plus de la moitié de la po-pulation avait moins de 18 ans,ce qui fait toute une dif férenceavec le Québec. Il y avait à cetendroit un tel dynamisme, et onconstruisait des communautés.J’ai beaucoup appris du peuplecolombien, et j’ai une grandedette de gratitude pour ce queces gens m’ont montré au sujetde l’importance de la personnehumaine : ils savent prendre letemps, et ce ne sont pas les agen-das et les montres qui les

conduisent, mais plutôt le cœuret la vie de famille. Voilà ce quia été fondamental pour moi, etje suis l’évêque que je suis au-jourd’hui en partie grâce à monpassage en Colombie.»

Et ce trait de caractère a luiaussi laissé des traces : « Il y aeu ces nombreux échanges avecles gens au sein d’équipes; je tra-vaille toujours de cette façon, etje suis un homme d’équipe plutôtque seul. Les Colombiens sontforts dans ce domaine.»

De gauche,de droite ou de centre?

Monseigneur Lacroix tientce discours sur son positionne-ment « politique » au sein del’Église à titre de cardinal : « Jevais vous dire comment je suiscomme prêtre, comme arche-vêque de Québec et comme car-dinal. Je suis un cardinal del’Évangile et je veux me laisserguider par celui-ci, par la pa-role de Dieu, par l’enseigne-ment de notre Église pour faireroute avec les gens. »

Le pasteur accompagne enfonction des besoins des gens :« J’aime beaucoup le messageque livre parfois François auxévêques : l’évêque doit par foisêtre en avant ; c’est un bon ber-ger qui se place à cet endroitpour guider le troupeau et, dansce sens-là, c’est un leader. Par-fois, il doit être au milieu dutroupeau, en marchant avecceux qui le composent à leurrythme, pour être cer tain debien comprendre ce qu’ils vi-vent. En certaines occasions, ildoit, comme le berger, être enarrière du troupeau de façon às’assurer que personne n’estlaissé derrière ou pour compte.»

Conciliation entre dogmeet paroles d’Évangile

Il y a à tout le moins une cer-taine forme de dichotomie en-tre la parole de l’Évangile prê-chée par l’Église et les règlesstrictes coulées sous forme dedogme qu’elle entend fairerespecter. Gérald Cyprien La-croix prend position en cette

zone ombrageuse : « C’est uneheureuse tension entre amouret vérité. » Il apprécie beau-coup cette pensée du philo-sophe français Jacques Mari-tain qui disait que « la véritésans l’amour c’est trop dur».

Il poursuit : «Si on dit la vé-rité à quelqu’un sans qu’il y aitune dose d’amour, on peut l’écra-ser et faire plus de tort que debien. » Mais Maritain ajoutaitaussi : «L’amour sans la vérité,c’est trop mou. Quand amour etvérité se conjuguent, il y a tou-jours une piste d’espérance. »Pour le reste, il se réfère aupape François : «Voilà ce qu’ilpropose, je crois : arrêtons de mo-raliser les gens en premier lieu;ce n’est pas le premier pas àfaire, et il faut d’abord les ame-ner à découvrir qu’ils sont aimésde Dieu, qu’ils sont appelés à lavie en abondance et à la liberté.Mais s’il n’y a pas d’abord cetterelation personnelle avec Jésus-Christ, s’il n’existe pas une ami-tié ou une alliance qui est le fon-dement même de cette relation,ou encore si on ne se sent pasaimé de Dieu, on ne sera pas ca-pable de voir le reste, qui vanous écraser.»

Et il revient volontiers sur latension réelle qui existe : «Cen’est pas simple, et lorsqu’onrencontre quelqu’un dans lavraie vie, c’est une chose quede prêcher, d ’enseigner etd’écrire ; mais en présenced’une personne qui est dans unesituation compliquée, face à uncouple ou une famille qui ontdes décisions à prendre, c’estcomplexe d’exercer notre minis-tère. Apprendre à avancer tran-quil lement ensemble dansl’amour et la vérité, c’est cela,le grand défi. »

La signification profondede Pâques

Dans la perspective des son-dages inquiétants démontrantune démobilisation des Québé-cois envers l’Église, le cardinalLacroix invite à se retrousserles manches avant de se tour-ner vers la résonnance de lafête pascale : «Ça veut dire quenous avons une tâche énormepour attirer ces gens-là et leurproclamer le message de l’Évan-gile. C’est une situation quipourrait être décourageante,mais qui ne l’est pas. Au com-mencement de l’Église, à lasuite de la résurrection de Jésuset de la Pentecôte, tous les comp-teurs étaient à zéro. » Il s’estalors trouvé des gens pour té-moigner de leur foi : «Ils ont en-seigné et proclamé l’Évangile ;ils sont devenus des témoins lu-mineux, radieux et attirants.C’est ainsi que les communau-tés chrétiennes ont été fondées.»

Quant à la résonnance dePâques, il livre ce message :« C’est la plus impor tante detoutes les fêtes de l’Église du-rant l’année. C’est beau, unDieu qui entre dans l’humanitéet dans l’histoire en venant aumonde. La beauté, et c’est lecœur du mystère du christia-nisme, émane du fait que leChrist est mort et que Dieu l’aressuscité. Notre Dieu, c’est unvivant, et il y a des témoins decela. Notre foi est vraiment ba-sée sur la résurrection duChrist, et tout s’explique si on ycroit. Il nous a ouvert les portesde la vie éternelle et il nous l’adit : celui qui croit en moi,même s’il meurt, vivra. »

CollaborateurLe Devoir

ÉGLISE QUÉBÉCOISE

«Je suis un cardinal de l’Évangile »Gérald Cyprien Lacroix est devenu prêtre à l’âge de 31 ans

ALBIN MICHEL

Depuis les premiers liens entre les tribus juives d’Arabie et le Prophète Muhammad jusqu’aux récents

confl its du Proche-Orient, en passant par les civilisations de Bagdad et de Cordoue — sans oublier l’Empire

ottoman, le monde perse et même l’espace européen —, les relations tour à tour fécondes ou tumultueuses entre

juifs et musulmans sont ici exposées et analysées en toute impartialité. Quelque cent vingt auteurs de tous pays ont participé à cette encyclopédie unique en son genre, dans un esprit d’interdisciplinarité qui permet

de rendre compte des multiples facettes du sujet. Un ouvrage de référence richement illustré, à la fois clair

et accessible, qui constitue un outil précieux pour une meilleure compréhension entre les cultures.

VINCENZO PINTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Gérald Cyprien Lacroix : «J’ai vécu un contact exceptionnel avec une autre culture et une autrelangue, avec un peuple qui valorise beaucoup la famille et la vie.»

Archevêque de Québec de-puis 2011, Gérald CyprienLacroix devient l’un des troisplus jeunes cardinaux del’Église catholique, à l’âge de56 ans, le 22 février dernier.Devenu prêtre à l ’âge de 31 ans en 1988, il exerce, àpar tir de 1990, son minis-tère en Colombie durant neufans. Sur les traces d’un pas-teur fortement marqué par savie de missionnaire…

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R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4H 4

InvitationCÉLÉBRATIONS PRÉSIDÉES PAR

INFORMATION : 514 866 1661

Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal

Messe de Pâques LE DIMANCHE 20 AVRIL À 11 H

Veillée pascaleLE SAMEDI 19 AVRIL À 20 H

Cathédrale Marie-Reine-du-Monde(ANGLE RENÉ-LÉVESQUE ET MANSFIELD, MÉTRO BONAVENTURE)

É M I L I E C O R R I V E A U

I l y a quelques jours, l’Orga-nisation des Nations unies

(ONU) annonçait que les réfu-giés syriens venus trouverl’asile au Liban avaient franchile cap du million. Pour un paysaussi petit que le Liban, cedernier tenant sur un terri-toire de 10 452 kilomètres car-rés et comptant une popula-tion d’à peine plus de 4131000habitants, il s’agit là de beau-coup de bouches à nourrir etde gens à soigner.

« Il ne faut pas oublier queLiban accueille déjà sur son ter-ritoire 500 000 Palestiniensdans des camps. Les Syriens,eux, ne vivent pas dans descamps. Leur arrivée en masse ades conséquences graves auplan de la démographie. Ça re-présente près du tiers de notrepopulation», s’inquiète le pèreKaram.

Parmi les conséquences lesplus notoires figure le déba-lancement de l’équilibre exis-tant entre les 18 confessionsreligieuses de la population li-banaise. Il est dif ficile d’éta-blir avec précision la réparti-tion des religions sur le terri-toire libanais vu l’absence derecensement depuis 1932,mais on estime que jusqu’à ceque le Liban accueille les ré-fugiés syriens, les musulmansformaient environ 54 % de la

population, les chrétiens,40,5 %, et les Druzes, 5,6 %. Lepays comptait également plu-sieurs minorités de juifs,d’hindous et de bouddhistesqui représentaient moins de0,1 % de la population.

« La majorité des réfugiés sy-riens sont des musulmans sun-nites, note le père Karam. Çachange donc tout l’équilibreentre les chrétiens et les mu-sulmans, et ça risque de créerune importante crise au plannational ! »

Dans le même esprit, le pré-sident de Caritas Liban relèveque le taux de natalité élevéchez les réfugiés syriens a dequoi inquiéter les autorités li-banaises. « Actuellement, surdix nouveau-nés, six sont Sy-riens. Les enfants syriens quinaissent en territoire libanaisne peuvent ni être enregistrésau Liban, car la loi ne le per-met pas, ni en Syrie, car les pa-rents craignent d’y retourner.On se retrouve donc avec desmilliers de sans-papiers. C’estextrêmement problématique ! »

De l’eldorado au ghettoUne question se pose :

pourquoi les migrants choisis-sent-ils en masse le Liban plu-tôt que l’Irak, la Turquie ouencore la Jordanie ? « Parceque le Liban apparaît aux ré-fugiés comme une terre d’es-poir », indique le père Karam.

Le Liban étant entouré d’Étatssoit dictatoriaux, soit théocra-tiques, il est le seul pays de larégion à jouir d’un régime dé-mocratique par consensus(une république parlemen-taire) et à profiter d’un climattrès agréable dû à sa géogra-phie. Conséquemment, il in-carne pour plusieurs l’eldo-rado moyen-oriental.

Mais comme le note le pèreKaram, depuis le début decette crise, le Liban n’a plusgrand-chose d’une oasis. L’af-

flux massif de personnes dansle besoin représente pour cepays d’accueil des coûts im-portants ainsi qu’une pressionmajeure sur ses ressources.En 2013 seulement, d’après laBanque mondiale, la crise sy-rienne a coûté plus de 2,5 mil-liards de dollars au Liban.

Par conséquent, les condi-tions de vie ne sont plus cequ’elles étaient sur le terri-toire libanais. Au plan sani-taire et alimentaire, la situa-tion ne cesse de se dégrader

et les organisations commeCaritas sont extrêmementsollicitées.

« Depuis le début de cetteguerre, Caritas Liban a donnéune assistance alimentaire àplus de 30000 familles, préciseson président. On a égalementpermis à plus de 17000 Syriensde bénéficier d’une assistancemédicale, ce qui équivaut àplus de 55350 actes médicaux.On peut dif ficilement faireplus, on est débordés ! »

Sur le plan de l’éducation,l’école libanaise ne par vientpas non plus à répondre auxbesoins des réfugiés, dont lamoitié sont des enfants en âgescolaire. « Le système scolairesyrien est très dif férent du sys-tème libanais. Il faut calculerenviron quatre ans de dif fé-rence en termes de scolaritépour des enfants du même âge,car le programme syrien est en-

tièrement dispensé en arabe etcelui du Liban l’est à la fois enfrançais, en anglais et enarabe. Les jeunes Syriens nepeuvent même pas aller àl’école, car ils ne sont pas capa-bles de suivre ! »

Quant à ce qui a trait à la sé-curité, les conditions se dégra-dent également. D’après lesobservations du père Karam,la criminalité est en hausse.Selon des données qui lui ontété transmises, la quantitéd’actes de délinquance seraitgrandissante et 80 % d’entreeux seraient commis par desréfugiés syriens.

HostilitéChez la population libanaise,

la situation se traduit par unsentiment d’injustice et d’hos-tilité grandissant, ce qui préoc-cupe l’homme de foi. « Le Li-ban a été occupé par la Syriependant environ 28 ans, et parIsraël pendant près de 24 ans.La crise syrienne, avec tous leseffets qu’elle a au Liban, a poureffet de raviver une blessure dupassé. Du côté de l’Église, nousdéfendons toujours le messaged’accueil. Nous croyons qu’ilfaut accueillir l’autre même s’ilest dif férent de nous. Mais lesLibanais seront près de 200000à basculer dans la pauvretécette année à cause de cettecrise. Ils ont tellement mal qu’ildevient de plus en plus dif ficilede calmer le sentiment de haineenvers les réfugiés. »

Désespéré, le père Karamexhorte la communauté inter-nationale d’assumer ses res-ponsabilités : «Ce n’est pas unequestion d’argent ou de vivres.C’est une question de paix. Ilfaut trouver une solution à ceconflit politique et arrêter cetteguerre. Il y a des territoiresbeaucoup plus grands que le Li-ban dans le monde où on pour-rait installer ces réfugiés de fa-çon sécuritaire. La commu-nauté internationale doit arrê-ter de fermer les yeux et veniren aide à ces gens. »

CollaboratriceLe Devoir

MOYEN-ORIENT

«Le Liban apparaît aux réfugiés comme une terre d’espoir »Les Syriens comptent actuellement pour un tiers de la population libanaise

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Depuis 2011, une guerre civile sanglante oppose le régime deBachar al-Assad aux rebelles en Syrie. Accueillant la majoritédes réfugiés de ce pays voisin, le Liban se trouve aujourd’huiplongé dans une situation précaire. Président de Caritas Li-ban, un organisme catholique ayant pour mission de servirles pauvres et de promouvoir la charité et la justice, le pèrePaul Karam sonne l’alarme.

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R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4 H 5

T H I E R R Y H A R O U N

P our mieux comprendre unaspect de l’histoire québé-

coise, des experts mènent pré-sentement une recherche inti-tulée Le catholicisme québécois1965-2008 : un projet d’Église«nationale», qui est sous la di-rection du doyen de la Facultéde théologie et de sciences re-ligieuses de l’Université Laval,Gilles Routhier.

La documentation officielletient à rappeler que ce projets’inscrit dans le sillage des tra-vaux récents d’historiens et desociologues sur la contributiondes catholiques à la Révolutiontranquille et d’autres avanteux, encore plus nombreux,portant sur l’influence du ca-tholicisme dans le développe-ment des coutumes, des pra-tiques, des mentalités et desinstitutions au Québec.

Au carrefour, et dans le pro-longement de ces travaux, lestravaux de l’équipe du doyenGilles Routhier s’intéressentau devenir du catholicisme auQuébec de 1965 à 2008, à par-tir de l’hypothèse selon la-quelle, au cours de la périodequi suit la Révolution tran-quille et le concile Vatican II(1962-1965), la culture pu-blique québécoise, autantsans doute que le concile, afaçonné la figure du catholi-cisme québécois. Au cours decette période, lit-on plus loin,le catholicisme québécois seserait acculturé à cette so-ciété en pleine transformationet se serait pensé comme « ca-tholicisme d’ici » et comme ex-pression nationale du catholi-cisme et non comme « catholi-cisme romain », intransigeantet ultramontain, comme ce futle cas au cours de la périodeprécédente.

Une hypothèse qui se traduiten trois temps, soit celui dumodelage des figures institu-tionnelles et des modes de gou-vernance ecclésiaux, celui dudiscours des évêques dans lasphère publique, et celui dudiscours théologique (théolo-gie instituée et théologie horscadre), où se développera un«projet de théologie québécoise».

Église et nationsEn entrevue, Gilles Routhier

rappelle que la vision qu’on sefait du catholicisme est celle« d’une grande multinationalequi, comme McDonald’s, a lam ê m e e n s e i g n e p a r t o u t .Comme quoi toutes les églises seressemblent qu’on soit enAfrique, à Cuba, en Inde ou auQuébec. Que c’est, en d’autresmots, bonnet blanc et blanc bon-net. Et donc, l’hypothèse de nos

travaux est de se demander,même si c’est un gouvernementcentralisé : n’y aurait-il pas descouleurs nationales ? » Au sensde nation québécoise ? « Oui,c’est ça. »

Sur le plan théologique,poursuit M. Routhier, avant Va-tican II, les études se faisaient àpartir de manuels qui étaientles mêmes qu’ailleurs dans lemonde. «La théologie était assezhomogène, si je puis dire. Alorsqu’après Vatican II se développeen Asie toute la théologie de larencontre interreligieuse, il sedéveloppe en Amérique latine lathéologie de la libération à par-tir de leur contexte. Et enAfrique, surtout, il se développela théologie de l’inculturation.C’est donc en parcourant la pro-duction de l’enseignement théo-logique au Québec au cours deces années postconciliaires qu’onse demande si ce projet de “théo-logie du Nouveau Monde” [issudes travaux du théologien An-dré Naud] s’est réalisé. La ques-tion qui se pose est donc la sui-vante : “Est-ce qu’on a eu unethéologie nationale?”»

Et puis ? « On a trouvéquelques réponses, mais notreprojet n’en est pas à ses conclu-sions. Nous sommes en pleintravaux. » Plus précisément ?«Écoutez, si on compare la pro-duction théologique postconci-liaire au Québec avec celle dela France, on s’aperçoit qu’ellesne sont pas identiques. On noted’ailleurs que durant cettemême période, la théologie qué-bécoise se donne des outils, desinstruments. Non seulement sedonne-t-elle de bonnes biblio-thèques, des corps profession-nels bien formés, mais aussi desrevues, des collections et desmaisons d’édition. Ainsi, dumoment qu’elle a ses propresoutils de production et de diffu-sion, la théologie québécoisen’est plus à la remorque d’unethéologie importée », fait valoirGilles Routhier.

GouvernanceLes travaux de l’équipe de

M. Routhier por tent par ail-leurs sur la transformation dela gouvernance de l’Église ca-tholique au temps de la Révo-lution tranquille et les interac-tions qu’elles induisent. « Il estassez évident que les liens entrela Révolution tranquille etl’évolution du catholicisme qué-bécois sont probablement plusétroits qu’on ne le pense. » D’ail-leurs, on notera que M. Rou-thier donnera prochainementune conférence à l’UniversitéNotre-Dame (située dans l’In-diana) qui abordera les inter-actions entre l’évolution del’Église catholique au Québecet la Révolution tranquille.

I n t i t u l é Imag in ing t h eChurch of Québec in a time ofchange, le texte de son allocu-tion note que « la reconfigura-

tion des institutions centralesde gouvernance des Églises duQuébec prend modèle sur cequi se développe à la mêmeépoque dans l’administrationpublique. Le même phénomènede régionalisation est observa-ble dans le réseau ecclésial etdans le réseau étatique. Lemouvement de régionalisationdu diocèse de Québec, parexemple, s’amorce au momentoù l’administration publiqueest saisie d’une fièvre de régio-nalisation. C’est la période dela création des commissionsscolaires régionales et de lamise sur pied des conseils ré-gionaux de santé et de servicessociaux, bientôt suivis des mu-nicipal i tés régionales . Le29 mars 1966, le Québec estdivisé en dix régions adminis-tratives ; il établit sept métro-poles régionales et institue 18

centres sous-régionaux », écritM. Routhier.

Il précise plus loin que « surle plan diocésain, on retrouve lemême mouvement. L’organismecentral de planification et decoordination de la pastorale a laresponsabilité de mettre sur piedles structures régionales et les of-fices curiaux nécessaires à lapastorale d’ensemble. Ces phéno-mènes, au niveau de l’Église duQuébec et de l’État québécois,sont non seulement exactementconcomitants, mais les deux ré-formes procèdent des mêmes lo-giques, sont pilotées par des ex-perts formés aux mêmes écoles,induisent les mêmes effets et ap-partiennent à la même cultureadministrative qui fait appelaux mêmes méthodes.»

CollaborateurLe Devoir

QUÉBEC

Uncatholicisme d’ici«Les liens entrela Révolution tranquille etl’évolution du catholicisme québécoissont probablement plus étroits qu’onne le pense», explique Gilles Routhier

La tour rappelle les tout débuts de l’enseignement sur ce site dès les premières heures de lacolonie où Sainte Marguerite Bourgeoys a œuvré. Derrière la façade, les Prêtres de Saint-Sulpiceexercent leur mission de formation des futurs prêtres depuis le milieu du XIXe siècle. Entre sesmurs, la formation intellectuelle, autrefois destinée aux seuls séminaristes, s’étend maintenantà l’ensemble du peuple chrétien à travers l’Institut de formation théologique de Montréal.

La formule « Tu te souviendras… » rappelle la devise du Québec. Les premiers fondateursvoulaient créer une société basée sur les valeurs chrétiennes.

Les trois points de suspension incitent qu’il faut préparer l’avenir dans le même esprit. Ilsindiquent que le courage de nos devanciers inspirera notre regard et alimentera notre imaginationen vue de projets pour ce monde nouveau qui s’ouvre devant nous.

Dans le cadre de ce 175e anniversaire, l’accent des célébrations sera mis sur la jeunesse, afinqu’elle ne soit pas déracinée de l’histoire dans notre actuelle société multiculturelle.

GRAND SÉMINAIREDE MONTRÉAL

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LE GRAND SÉMINAIREDE MONTRÉAL FÊTERASES 175 ANS D’EXISTENCE !

Et si la Révolution tranquille et l’Église catholique québécoiseavaient mené le même combat ou presque? Et ce, à leur insu.Peut-être pas, au fond.

MA RÉVOLUTION TRANQUILLE, CANAL D

« La reconfiguration des institutions centrales de gouvernance des Églises du Québec prend modèle sur ce qui se développe à la mêmeépoque dans l’administration publique», note Gilles Routhier.

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À quoi ressemble la communauté musulmanequébécoise actuelle et quelle importance a-t-elle aujourd’hui ? Pour le professeur Moha-med Ourya, chargé de cours à l’École de poli-tique appliquée de l’Université de Sherbrookeet spécialiste des questions musulmanes, l’er-reur serait de mettre tous les musulmansdans le même panier.

P I E R R E V A L L É E

D’ abord un nombre et des provenances.« On estime que la communauté musul-

mane représente aujourd’hui entre 1,5 et 2% dela population québécoise. » Un rapide calculdonne une communauté oscillant entre120 000 et 160 000 membres. « On a souventl’impression que la communauté musulmanequébécoise est essentiellement maghrébine parceque l’immigration récente au Québec provient decette région. Mais on oublie qu’il y a des musul-mans qui étaient ici avant cette immigration,comme la communauté musulmane pakista-naise, bien implantée à Montréal. »

Ensuite, la communauté musulmane n’estpas homogène, et les musulmans n’ont pastous la même perception et la même façon devivre l’islam. « Pour bien comprendre les dif fé-rentes facettes de l’islam, on doit diviser lesmusulmans en sept catégories dif férentes. »Ces catégories s’appliquent à toutes les so-ciétés occidentales, y compris la québécoise.

De l’ethnicité au puritanismeLa première catégorie, la plus importante en

nombre selon Mohamed Ourya, est celle dupratiquant ethnique. « Pour le pratiquant eth-nique, l’engagement religieux correspond à l’ap-partenance nationale. L’islam est vécu commeun lien avec le pays d’origine, et le pratiquantethnique cherche à reproduire le mode de viequ’il a connu chez lui. Cela est manifeste dans lemaintien des rites et des festivités. »

C’est dans cette catégorie que l’on trouveles femmes portant la burqa. « Mais elles por-tent la burqa seulement si elles la por taientdans leur pays d’origine, comme c’est le casdes femmes pakistanaises de cette catégorie. Sila burqa n’était pas portée dans le pays d’ori-gine, elle ne sera pas portée ici. »

De plus, le pratiquant ethnique ne s’inté-resse guère aux valeurs occidentales. « Il neles rejette pas, ni ne cherche-t-il à s’y adapter.C’est une question qu’il ne pose même pas.Tout ce que veut le pratiquant ethnique, c’estd’améliorer son sor t financier tout en repro-duisant l e s us e t coutumes de son pays d’origine. »

La seconde catégorie est celle du dévotpiétiste. « Le dévot piétiste prône un islam ri-tualisé et for tement missionnaire. Le prosély-tisme est au cœur de sa démarche, qui se ca-ractérise par l’appel, ou la dawa et le tabligh,soit la prédication du message de l’islam. C’estune petite catégorie qui fonctionne à l’inté-rieur de la communauté musulmane. Si le dé-vot piétiste place l’islam au-dessus de tout,c’est un pacifiste, et il n’est pas politique. Ilcherche sur tout à convaincre les musulmansde s’en tenir aux préceptes de l’islam. »

Le puritain exclusiviste est la troisième ca-tégorie. « C’est celui qui se croit seul dans ledroit chemin. » On compte ici deux sous-caté-

gories. « La première sous-catégorie est celledes purs salafistes qui prônent un retour à latradition et à l’identité première de l’islam. Ilssont actifs au Québec depuis deux ans et ilsont même un site Internet entièrement enfrançais. Ils refusent la démocratie, mais de-meurent pacifiques. »

Le salafiste djihadiste est la seconde sous-catégorie, et ce dernier prône la violence. « Ilest dif ficile de dire s’ils sont opérationnels auQuébec, parce qu’ils fonctionnent surtout parcellules dormantes. »

Mysticisme et engagement« La quatrième catégorie est celle du néo-or-

thodoxe pragmatique. Il est fidèle à l’orthodoxiede l’islam, mais son islam n’est pas relié à unpays spécifique. Il est plus sélectif dans le sensqu’il cherche parmi les écoles de droit musul-manes les réponses qui lui apparaissent idoines.C’est dans cette catégorie que l’on trouve princi-palement les Québécois convertis. »

La cinquième catégorie est celle du prati-quant mystique. « Il se sent attiré par le mysti-cisme islamique, en particulier le soufisme. Lepratiquant mystique est sur tout engagé dansune recherche de spiritualité. C’est un visagede l’islam qui passe bien en Occident, car plu-sieurs intellectuels occidentaux se sont intéres-sés au mysticisme islamique. Mais il s’agitd’un très petit groupe. »

Le pratiquant engagé forme la sixième caté-gorie. « Son attachement à l’islam passe par unengagement social et politique. C’est donc unmusulman engagé au sein des institutions mu-sulmanes. Le professeur Tariq Ramadan est decette catégorie en voulant faire de l’islam unereligion occidentale, et non pas une religion ve-nue d’ailleurs. Ce sont souvent des musulmansde deuxième et troisième génération, qui sontnés et éduqués ici. Un bel exemple est la jeunefille voilée qui parle avec un accent québécois.Elle connaît le Coran, mais aussi Nelligan etRimbaud. Le pratiquant engagé participe à lavie démocratique occidentale. »

La septième catégorie est celle du musul-man libéral. « Il est fidèle à l’esprit plutôt qu’àla lettre de l’islam. C’est aussi quelqu’un quin’af fiche pas publiquement son islam. » Ontrouve dans cette catégorie une variété depratiques religieuses ; par exemple, certainsfréquentent plus ou moins la mosquée, idempour le respect du ramadan. « C’est une caté-gorie où le degré d’observance des pratiquesreligieuses musulmanes est plutôt faible. »

Pour Mohamed Ourya, cette approche del’islam par catégorie permet de mieux saisirla communauté. « Il ne faut pas chercher àcomprendre l’islam uniquement à partir d’unregard occidental, il faut essayer de le com-prendre à par tir de la façon dont les musul-mans eux-mêmes le comprennent et le vivent.Les catégories sont un outil pour y arriver. »

CollaborateurLe Devoir

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Il y a plus d’un islamA S S Ï A K E T T A N I

E ntre religion, politique et société, des liensse tissent. Et des livres s’écrivent.

Peut-on articuler le christianisme et l’écolo-gie ? Dans cet ouvrage, Norman Lévesque ré-pond par l’affirmative : s’adressant aux pa-roisses, aux diocèses, aux communautés reli-gieuses ou aux groupes de chrétiens, il donnedes outils pour sensibiliser les milieux et déve-lopper des projets bénéfiques à l’environne-ment. En effet, même si le souci écologique estrarement inclus dans le discours théologique,l’auteur replace l’écologie dans une perspectivebiblique, posant les bases d’une spiritualité del’environnement qui considère que prendresoin de l’environnement, c’est protéger la créa-tion et rester fidèle au message évangélique.

PRENDRE SOIN DE LA CRÉATIONUN GUIDE PASTORALPOUR PASSER À L’ACTIONNorman LévesqueNovalisMontréal, 2014, 103 pages

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Doit-on penser que la cohésion sociale est in-compatible avec la valorisation des différences?Ou au contraire, que l’État a comme mandatpremier de garantir la liberté d’expression detout un chacun? Un dialogue d’idées en profon-deur construit sur une démarche argumenta-tive en deux parties, avec deux penseurs aver-tis : l’historien des idées Yvan Lamonde et lethéologien Bruno Demers.

QUELLE LAÏCITÉ ?Bruno Demers et Yvan LamondeMédiaspaul, coll. DialoguesMontréal, 2013, 115 pages

◆ ◆ ◆

En entretien avec le professeur de sciencespolitiques et d’études religieuses de l’Univer-sité de Sherbrooke Stéphane Bürgi, Sami Aoun(professeur à l’École de politique appliquée àl’Université de Sherbrooke) analyse les événe-ments du printemps arabe dans les différentspays et le rôle qu’y ont joué les puissancesétrangères. Soulevant des enjeux humains etsociaux qui en découlent, cet ouvrage est des-tiné à faire comprendre les tournants de l’actua-lité internationale, entre espoir et désillusion,dont les conséquences à venir sont encore in-certaines.

LE PRINTEMPS ARABE. MIRAGE OU VIRAGE ?ENTRETIEN AVEC STÉPHANE BÜRGISami AounMédiaspaulMontréal, 2013, 200 pages

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Professeur émérite à l’Université Laval, théo-logien et spécialiste de l’éthique sociale et poli-tique, Jacques Racine place à l’origine de lacrise financière de 2008 une faille éthique denos sociétés : la dépréciation des êtres humainsau profit du matérialisme et des puissances fi-nancières. Analysant les conséquences de cettecrise sur les populations les plus vulnérables etdécrivant différents modèles de sortie de crise,de la Chine au Canada, l’auteur lance plusieurspistes de réflexion pour une vision économiqueplus juste et équilibrée, passant notamment parl’éducation et par un gouvernement mondialinspiré de l’Union européenne, indépendantdes grandes puissances financières.

REBÂTIR L’AVENIRCOMPRENDRE ET SURMONTER LA CRISE FINANCIÈREJacques RacineMédiaspaul,Montréal, 2013, 262 pages

CollaboratriceLe Devoir

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Pour le professeur Ourya, il existe sept catégories de musulmans.

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R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4 H 7

É M I L I E C O R R I V E A U

C élébré depuis la nuit destemps, Pâques est une

fête qui existait probablementbien avant que les Juifs ne sel’approprient. « Il s’agissaitd’une fête de transhumance deprintemps, c’est-à-dire une fêteoù les nomades se déplaçaientavec leurs troupeaux. On fai-sait ça à la pleine lune, parcequ’on pouvait voir la route,qu’on empruntait sans pour au-tant mourir de chaleur », ex-plique M. Rober t David, bi-bliste à la Faculté de théologieet de sciences des religions del’Université de Montréal.

« Au dépar t, ce n’était pasune fête religieuse, poursuit-il.C’était une fête familiale. Si onsacrifiait des agneaux, c’estqu’on était bergers. Ça permet-tait à tout le monde de se rassa-sier autour de l’animal symboli-sant la nouveauté, la vie. »

Le caractère religieux dePâques n’apparaît que plustard, vers le Xe siècle avant Jé-sus-Christ, lorsque sont créésles premiers lieux de culte. Lapleine lune est toujours aucentre de la fête ; cette der-nière est invariablement célé-brée le 14 du mois de Nissan.

Les chrétiens, eux, n’emboî-tent le pas que plusieurs cen-taines d’années plus tard. « Àl’époque de Jésus, Pâques est de-puis déjà longtemps une fête depèlerinage importante. Il n’y aplus qu’un seul sanctuaire, etc’est à Jérusalem. Les Juifs doi-

vent s’y rendre pour célébrerPâques. Jésus, lui, se rend à Jé-rusalem pour aller confronterles autorités avec son message. Ilprofite du pèlerinage de Pâques,car il y a foule, et toutes les auto-rités politiques et religieuses ysont. Par un concours de cir-constances, les chrétiens en vien-nent à associer la mort de Jésusà Pâques. On interprète cettemort-là dans un sens salvifique.Jésus est en quelque sor tel’agneau sacrifié», résume som-mairement M. David.

Des traditionsqui s’ancrent

Au cours des siècles qui sui-vent, divers rites émergent.Chez les catholiques, parexemple, on fixe le jour dePâques au premier dimancheaprès la pleine lune qui suit le21 mars. On prend l’habitudede baptiser les nouveau-néslors de cette journée. « C’estquelque chose qui a pendant unmoment été mis de côté, mais latradition semble regagner en po-pularité», informe le bibliste.

Chez ces mêmes catho-liques, plusieurs cessent desonner les cloches le Jeudisaint pour symboliser la mort.Elles ne résonnent à nouveauque le dimanche de Pâquespour célébrer la résurrection.Populaire au siècle dernier,cette tradition a donné nais-sance à une croyance répan-due : lorsque les cloches nesonnent pas, c’est qu’elles sontparties à Rome pour être bé-

nies par le pape.«Au Québec, les plus vieux se

souviennent peut-être de cela,souligne M. David. Rome étaitun peu le centre du monde àune époque. On gardait le si-lence pour la période de lamort et de la mise à tombeau.Lorsque les cloches étaient deretour de Rome, on les faisaitsonner pour célébrer la vie. »

Si cette tradition n’est plustrès courante au Québec, elleest encore respectée dans cer-taines régions du monde. EnFrance, par exemple, plusieurséglises l’observent toujours.

C h e z l e s o r t h o d o x e s ,Pâques revêt une importancesingulière. En Grèce, parexemple, de nombreuses pro-cessions parcourent les ruesle Samedi saint, puis un peuavant minuit, tous se rendent à

l’église. Au moment des douzecoups de minuit, le pope an-nonce la résurrection duChrist. Les fidèles chantent etemportent quelques cierges.Le dimanche de Pâques, il estcoutume que famille et amisse retrouvent autour du tradi-tionnel agneau pascal.

Des œufs…En matière de rituels popu-

laires, chez les peuples chré-tiens, les similitudes sontgrandes d’un pays à l’autre.«Dans la mesure où Pâques esttoujours synonyme de vie, dansla plupart des cultures, on re-trouve les mêmes symboles pourl’évoquer, précise M. David. Jepense notamment à l’œuf, quireprésente la vie nouvelle. »

Ainsi, dans nombre de civili-sations, l’œuf coloré — et dés-

ormais souvent en chocolat —occupe une grande place dansles célébrations de Pâques. EnBelgique, comme en France,c’est un cadeau traditionnel of-fer t le dimanche matin de lafête. En Russie et de façoncourante chez les orthodoxes,en Grèce notamment, la déco-ration des œufs de Pâquescommence le Jeudi saint. Lepremier œuf peint doit l’êtreen rouge vif et est conservécomme por te-bonheur. Less u i v a n t s s o n t é g a l e m e n tpeints en rouge ou décorés demotifs vifs. Il est de traditiond ’ e n é c h a n g e r a v e c s e sproches le jour de Pâques, ense saluant par l ’ invocation« Christ est ressuscité ! ».

Les batailles d’œufs sontaussi une coutume répanduedans les pays de tradition or-

thodoxe. Après être allés àl’église, lors du repas, lesmembres d’une même famillechoisissent chacun un œuf dé-coré. Deux à deux, ils cho-quent leurs œufs l’un contrel’autre. Le gagnant est celuidont l’œuf reste intact, ce der-nier étant considéré commeun signe de bonne fortune.

Dans le même esprit, les la-pins et les lièvres sont dans denombreuses cultures — améri-caine, canadienne, allemande,brésilienne, etc. — utilisés poursymboliser Pâques. «L’expres-sion dit “se multiplier comme deslapins”. Nul besoin de cherchertrès loin… Le lapin est une repré-sentation populaire parce qu’ilsymbolise la prolifération de lavie», indique M. David.

C ’es t pr obablement auTexas, dans la petite ville deFredericksburg, qu’on a la fa-çon la plus étrange d’amalga-mer Pâques et lagomorphes.Le jour de la fête, on y fait brû-ler de petits feux et on raconteaux enfants que c’est le lapinde Pâques qui en est responsa-ble. On leur explique que le la-pin se sert de ceux-ci pour ré-chauf fer l’eau des teinturesqu’il concocte afin de peindreses œufs de Pâques !

L’histoire remonterait aux en-virons de Pâques 1847, époqueoù des pionniers en plein pro-cessus de signature d’un traitéde paix utilisèrent des signauxde fumée pour communiquerentre eux, ce qui eut pour effetd’effrayer leurs enfants. Pourles calmer, leurs mères inventè-rent l’histoire du lapin teinturier.Dès l’année suivante, la popula-tion se mit à allumer volontaire-ment de pe t i t s f eux pour célébrer Pâques!

CollaboratriceLe Devoir

ÉGLISES

«Pâques est toujours synonyme de vie »Une fête familiale est devenue en Occident une fête religieuse

MILAN RADULOVIC AGENCE FRANCE-PRESSE

Les orthodoxes ont coutume de choquer les œufs l’un contre l’autre, celui qui reste intact assurantbonne fortune à celui qui le tient.

Pour bien des Québécois, Pâques n’est aujourd’hui synonymeque de poules en chocolat et congé de boulot. Pourtant, chezles chrétiens, il est la célébration religieuse la plus impor-tante au calendrier. Fêté également par les Juifs, Pâquesdonne lieu à toutes sortes de réjouissances à travers la pla-nète. Examen d’une fête et de ses codes autour du monde.

A S S Ï A K E T T A N I

P lace à la parole et à la réflexion. Et il y aplus d’un domaine où le livre interviendra

comme l’initiateur d’une réflexion qui porterasur le monde, en permettant la compréhension.

Réflexions, méditations et spiritualité

Le philosophe et écrivainJean Proulx propose 27 «lettressur l’art de vivre», s’ouvrant surune réflexion sur l’être humain,le sens de la vie et les liens quinous attachent au monde.Adoptant une approche spiri-tuelle, ces pages se donnent àlire comme des mouvementsd’une sonate destinée à guiderle lecteur vers son propre art de vivre.

ÉCOUTE EN TOI CETTE SUBLIME MUSIQUELettres sur l’art de vivreJean ProulxMédiaspaulMontréal, 2014, 160 pages

Lytta Basset prend le contre-pied d’un héritage religieuxqui a traversé l’ensemble denotre culture, de l’éducationtraditionnelle à la vision del’humanité : le péché originel.Une « vieillerie moralisante »profondément nocive, selonelle, la notion de péché origi-nel impose un pessimiste radi-cal étranger à l’Évangile, avec lequel il faut rom-pre pour renouer avec les premiers pères del’Église et développer un autre regard sur l’êtrehumain. Ce faisant, elle invite à «oser la bienveil-lance» envers soi-même et envers les autres.

OSER LA BIENVEILLANCELytta BassetAlbin MichelParis, 2014, 426 pages

Plus de 600 entrées sont dé-cortiquées dans ce Petit diction-naire de Dieu. D’«abandon» à«zygote», en passant par «bigbang » et « miracle », l’auteurJacques Gauthier, poète, es-sayiste et conférencier, n’a pascherché à réaliser un diction-naire exhaustif, mais bien un re-cueil de réflexions émaillées decitations de saints, de penseurs ou de théolo-giens, de proverbes et de références bibliques.

PETIT DICTIONNAIRE DE DIEUJacques GauthierNovalisMontréal, 2014, 322 pages

À t ravers des « mot s depasse», ce livre est un dialogueentre un entrepreneur et unphilosophe : Rémi Tremblay,ex-p.-d.g. d’Adecco Canada etdirecteur de la Maison des lea-ders, et le théologien JeanProulx. Les deux hommescroisent leurs discours et leursréflexions autour de mots fas-cinants, intrigants, parfois délaissés ou craints— silence, contemplation, gratitude, commu-nion, foi et sacré —, puisant dans la sagesse phi-losophique ou les traditions spirituelles et ou-vrant une porte vers la joie de vivre.

MOTS DE PASSEPETIT LEXIQUE POUR LA JOIE DE VIVREJean Proulx et Rémi TremblayMédiaspaulMontréal, 2013, 191 pages

Jésuite d’origine indienne,Anthony de Mello enrichit sondiscours sur la spiritualité d’in-fluences diverses, de l’hin-douisme à la psychothérapie età la tradition ignacienne. Tra-duction française d’un livreparu en 2012, ce livre est tiréd’une conférence donnée par ledéfunt auteur en 1984. Ce der-nier y invite les lecteurs à dé-couvrir la signification profonde de l’existence, àtrouver des solutions simples aux sentiments defrustration, de colère, de tristesse et de déses-poir, révélant la beauté de l’expérience humaineet cherchant à voir Dieu en toute chose.

REDÉCOUVRIR LA VIEAnthony de MelloAlbin MichelParis, 2014, 144 pages

Les femmes et la BibleL’Ancien et le Nouveau Tes-

tament sont traversés de for-mules misogynes, affirmant lasupériorité de l’homme et lasoumission de la femme, et po-sant la religion comme ennemidu droit des femmes. Selonl’auteur, le théologien MichelGourgues, cette accusation mé-rite d’être nuancée, puisqu’unexamen minutieux des textes et une analyse encontexte permettent de venir à bout de ce qu’ilestime être une mauvaise interprétation de la pa-role divine. En se penchant sur l’attitude du pre-mier christianisme envers la femme, l’auteurrappelle que la pensée chrétienne originelle prô-nait l’égalité devant Dieu et que ce sont lesmœurs de l’époque et le contexte socioculturelqui ont inscrit la soumission de la femme dans lediscours chrétien, posant les bases d’un durcis-sement progressif de l’attitude chrétienne envers la femme.

NI HOMME NI FEMMEL’ATTITUDE DU PREMIER CHRISTIANISMEÀ L’ÉGARD DE LA FEMMEÉVOLUTIONS ET RÉGRESSIONSMichel GourguesMédiaspaul et les éditions du CerfMontréal et Paris, 2013, 163 pages

L’auteure, ex-rédactrice enchef du magazine Biblia, sepenche dans cet ouvrage surla place des femmes dans laBible, notamment Marie, Ma-rie de Magdala, les deuxsœurs Marthe et Marie, ainsique plusieurs autres. L’étudemet en lumière leur présence,leur foi, différente de celle desdisciples hommes, ainsi que leur relation avecJésus, exempte de mépris et de discrimination.

DOUZE FEMMES DANS LA VIE DE JÉSUSAnne SoupaSalvatorParis, 2014, 244 pages

Santé mentaleSe penchant sur les per-

sonnes atteintes d’un troublede santé mentale, cet ouvrageprend la forme d’un dialogueentre Odette Bernazzani, psy-chiatre depuis 25 ans, et lepère Benoît Lacroix autourd’histoires de vie et de situa-tions réelles. Deux regardscomplémentaires sur unemême réalité, aux prises avec une quantité nonnégligeable de souffrance et de résilience.

SANTÉ MENTALE, SANTÉ SPIRITUELLEDIALOGUE ENTRE UNE PSYCHIATRE ET UNTHÉOLOGIENOdette Bernazzani et Benoît LacroixMédiaspaulMontréal, 2014, 200 pages

Discours de l’ÉgliseLe professeur de théologie Henri Boulard, an-

cien directeur de Caritas Égypte et vice-présidentde Caritas Internationalis pour le monde arabe, ras-semble les textes de 4 conférences qu’il a données.Dans un appel à redorer l’image de la foi pour sé-duire des contemporains, alors qu’elle est en pleineperte de vitesse et d’influence, il invite les chrétiensà repenser l’Église pour mieux en assurer l’avenir.

LA FOI ET LE SENSHenri BoulardMédiaspaulMontréal, 2014, 112 pages

Jésus, un expert en marketing ? Selon DanyDubois, directeur marketing et chroniqueurpour le magazine Notre-Dame du Cap, Jésusavait un talent qui fait souvent défaut aux

chrétiens : une facilité à diffu-ser son message. L’ouvragese veut donc un outil de mar-keting pour parler ef ficace-ment de foi et de religion,d a n s l a p e r s p e c t i v e d econvaincre, de communiquere t d e t r a n s m e t t r e s e scroyances spirituelles.

OSER LE MARKETING DE LA FOIUN GUIDE PASTORAL POUR PASSER À L’ACTIONDany DuboisNovalisMontréal, 2014, 104 pages

Philosophie de la religionAlors qu’au moins 35 à 50%

des gens ont connu une expé-rience de transcendance dansleur vie, cet ouvrage se penchesur cette question touchant à laphilosophie et à la religion. Dansune première partie, l’auteur re-lève des phénomènes et des ex-périences vécues, avant de dis-cerner dans les différents récitsdes éléments récurrents et des types de base pouraboutir à une phénoménologie de l’expérience detranscendance. Dans la deuxième partie, l’auteuraborde les apports historiques en ce domaine, encommençant par Kant, ainsi que d’autres auteursqui ont approfondi la question de l’expérience del’infini, avant de se pencher dans la troisième partiesur la validité des expériences de transcendance.

L’EXPÉRIENCE DE TRANSCENDANCEPHÉNOMÉNOLOGIE ET ANALYSE CRITIQUELouis Roy (Traduit de l’anglais par Pierrot Lambert)MédiaspaulMontréal, 2014, 299 pages

Figure marquante de la socio-logie au Québec, Fer nand Dumont était également unthéologien, auteur de plusieursouvrages de théologie moinsconnus que le reste de son œu-vre. Pour mettre en lumière cepan de la pensée de FernandDumont, Gregory Baum, pro-fesseur de théologie retraité ayant exercé àMcGill et au St. Michael’s College de l’Universitéde Toronto, présente L’institution de la théologie,thèse de doctorat en théologie de Fernand Dumont, méconnue des milieux universitaires anglophones et pourtant estimée capitale.

FERNAND DUMONTUN SOCIOLOGUE SE FAIT THÉOLOGIENGregory BaumNovalisMontréal, 2014, 201 pages

CollaboratriceLe Devoir

Des livres qui établissent une relation entre réflexion et réalité

Page 8: RELIGION - Le Devoir...RELIGION H 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 AVRIL 2014 BENOIT ROSE Avant d’être nommé pape à Rome, le cardi- nal argentin Jorge Mario Bergoglio

R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 9 E T D I M A N C H E 2 0 A V R I L 2 0 1 4H 8

Que le printemps de Dieuapporte un renouveau de vie

à toute personneen recherche de sens et de bonheur!

Christ est ressuscité. Alléluia!

Joyeuses Pâques !

Les Soeurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe

Visitez notre site : www.sjsh.org

Bienvenue au Centre Élisabeth-Bergeron !805, av. Raymond,Saint-Hyacinthe, Qc J2S 5T9

Ouverte depuis 1989, l’institution muséale apour mission de partager les fondements desgrandes traditions religieuses mondiales afind’en favoriser une meilleure compréhension,et de développer une plus grande tolérancequant à la dif férence. Un mandat de plus enplus pertinent en ces temps de débat sur lacharte de la laïcité, selon son directeur, Jean-François Royal.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

«I l y a vraiment une grande incompréhension,et surtout une méconnaissance des autres

religions qui cohabitent avec nous au Québec, es-time Jean-François Royal. De cette méconnais-sance naissent cer tains stéréotypes. Il y a deschoses sur lesquelles il faut être prudent pour nepas se faire abuser. Mais l’ignorance engendreaussi une peur de l’autre et des étrangers.»Et voilà, le voile

Le musée de Nicolet tente ainsi d’éclairer sesvisiteurs afin qu’ils comprennent mieux lemonde dans lequel ils vivent. L’été dernier,avant même que la polémique autour de laCharte n’éclate, il avait produit une expositiontemporaire intitulée Et voilà, le voile musulmandévoilé. Une exposition toujours à l’affiche.

Prémonitoire? Voilà, en tout cas, comment il ya tout juste un an, le musée présentait sa nou-velle exposition: «Parce que trop de choses ont étédites et qu’il y en a encore plusieurs à dévoiler. »Continuellement au centre d’une multitude decontroverses, le voile rime souvent avec sym-bole d’oppression des femmes, d’envahissementd’une culture différente de la nôtre ou encored’un manque d’intégration des immigrants auQuébec. Saviez-vous que les musulmans croientque le port du voile doit être, avant tout, unchoix personnel ? L’imposer annulerait les mé-rites qu’on attribue à cette pratique.

«Ce n’est qu’une minorité de femmes qui sontforcées de le por ter, explique Jean-FrançoisRoyal. L’exposition parle de ces femmes qui ontfait ce choix libre, volontaire et assumé de porterle voile, par conviction religieuse. Par nos thé-matiques, on essaie de faire évoluer la pensée liéeaux différentes pratiques religieuses. Bref, tout lemonde devrait venir à Nicolet pour être un boncitoyen québécois ! »

Lieu de rencontresL’installation du musée dans cette municipa-

lité située en face de Trois-Rivières n’est d’ail-leurs pas anodine. Fondée en 1672 sous le nomde Saint-Jean-Baptiste-de-Nicolet à l’époque, denombreuses institutions religieuses se sont éta-blies sur son territoire, et la petite ville de 8000habitants est encore aujourd’hui un évêché.

«On a une cathédrale, on a un évêque qui vitici, explique le directeur du musée. Le premierseigneur de Nicolet était protestant. On a unecommunauté por tugaise impor tante et prati-quante. Il y a un bouillonnement religieux, ca-tholique, chrétien, certes, mais à une certaineépoque, il y avait quatorze communautés reli-gieuses qui avaient une maison ici. De ce

bouillonnement est née, d’un groupe de citoyensdans les années 1980, l’idée de faire une institu-tion muséale et de l’ouvrir sur les autres. Le faitde n’être pas situés dans un grand centre commeMontréal, où c’est plus multiculturel, nous donneune plus grande marge de manœuvre. Nousn’avons pas de pression de tel ou tel groupe reli-gieux de parler de tel sujet ou de l’aborder d’unecertaine façon. »

Programmes scolairesDepuis l’an dernier, le musée sort également

hors les murs. Ainsi, 4000 élèves ont fréquentél’institution en 2013, qu’ils se soient déplacés àNicolet ou que des animateurs soient venus àeux, dans leur classe. Un chiffre qui devrait ex-ploser cette année tant la demande est grande.

« Nous avons plusieurs kits que nous pouvonsapporter dans les écoles, explique Jean-FrançoisRoyal. Le programme itinérant le plus populaires’intitule Tabernacle, l’expo qui jure, et portesur les jurons québécois en lien avec le mobilierreligieux. On va emporter un calice, un ciboire,les élèves peuvent les manipuler tout en compre-nant à quoi ils servent. Nous avons une autreanimation, qui s’appelle Les religions s’expo-sent. On leur fait découvrir du patrimoine reli-gieux. Ils peuvent toucher une cinquantaine d’ob-jets, un chapelet, une kippa, un tapis de

prière, etc., et on leur demande également detrouver une thématique et de monter un projetd’exposition. Ça les sensibilise au patrimoine etau métier de conservateur. »

Êtes-vous près?Ceux qui se rendent jusqu’à Nicolet peuvent

quant à eux visiter l’exposition permanente etinteractive intitulée Êtes-vous près ? Le but ?S’interroger sur sa proximité avec sa religion,son dieu, sa croyance. Les principaux rituelssont ainsi présentés à travers les yeux d’adoles-cents, qui témoignent de pourquoi ils prient, depourquoi, en 2012, puisque l’exposition a ou-vert il y a deux ans, ils sont croyants.

«On les suit dans le parcours et on peut voir lebaptême, la maturité religieuse, le mariage, lamort, la prière individuelle, la prière de groupe,énumère le directeur du musée de Nicolet. Enmême temps, le visiteur voit les objets de la col-lection permanente, tout en se faisant poser desquestions. Est-ce que le baptême a laissé unemarque chez vous? Est-ce que vous croyez que lemariage est juste une pratique commerciale ?Est-ce que vous pensez qu’il y a une vie après lamort? À la fin de l’exposition, il est invité à lais-ser une trace dans le musée en indiquant où il sesitue par rapport à un rond central qui repré-sente Dieu et la pratique. Ça donne lieu à des

discussions colorées chez les visiteurs, qui décou-vrent les cinq grandes religions : christianisme,islam, judaïsme, hindouisme et bouddhisme.C’est étonnant de voir le résultat et de s’aperce-voir que le rond central est toujours plein. Il y ad’ailleurs de belles surprises. Dans le livre d’or del’exposition, un homme a écrit que c’est en visi-tant cette exposition qu’il a appris que sa blondepriait tous les soirs ! »

Le 16 mai prochain, une autre expositiontemporaire prendra l’affiche à Nicolet. Intitulée1984… je me souviens, elle rappellera la venuedu pape Jean-Paul II au Québec il y a trente ans,avec, en vedette, une des deux papamobiles, vé-hicule spécialement conçu pour ce pape et uti-lisé lors de ses déplacements en public afin queses fidèles puissent facilement le voir lors descérémonies.

«C’est un moment marquant de l’histoire chré-tienne canadienne, estime Jean-François Royal.C’était la première fois qu’un pape venait auQuébec, et si les Québécois avaient déjà désertéles églises à l’époque, ceux qui y ont assisté témoi-gnent d’une ferveur incroyable, d’une folie fu-rieuse sur tout le parcours. C’est ce que nous pré-sentons par le biais de témoignages et d’objets. »

CollaboratriceLe Devoir

MUSÉE DES RELIGIONS DU MONDE

La papamobile s’arrêtera bientôt à NicoletLe musée est le seul du genre en Amérique du Nord

MUSÉE DES RELIGIONS DU MONDE

Le Musée des religions du monde, à Nicolet, contribue à former de meilleurs citoyens en leur permettant de comprendre les « autres».