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Regards sur le conflit et sa gestion constructive par François BAZIER 1 Cahier

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François Bazier : Regards sur le conflit et sa gestion constructive

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Regards sur le conflit et sa gestion constructivepar François BAZIER 1Cahier

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Regards sur le conflit et sa gestion constructive

Université de Paix - novembre 2004c

Regards sur le conflit et sa gestion constructive

La gestion positive des conflitsimplique de pouvoir activer desconnaissances, des savoir-faireet des savoir-être, des compé-tences que l'Université de Paixs'attache à promouvoir et àdévelopper au fil de son travail.Le présent fascicule présente unaperçu sélectif et très partiel deprincipes et d'outils qui sous-ten-dent ce travail.

Ce cahier peut être considérécomme un échantillon parmid'autres. Les quatre textesreproduits ont été écrits séparé-ment pour être initialementpubliés dans la revueTechnopoles, revue destinéeaux entreprises du sud du payset du Grand-Duché.

Le premier texte traite des origines du conflit, de leurenracinement ; ce repérage per-met de mieux calibrer le moded'action à entreprendre. Lesecond texte souligne que nousparlons toujours à partir d'unpoint de vue, forcément parti-san, qui fonde notre opinion etfait notre vérité. Les troisièmeet quatrième textes sont centréssur la notion de besoinsvitaux, essentiels pour l'êtrehumain, mais différents pourchacun d'entre-nous.S'interroger sur les besoins nousaide à découvrir ce qui motiveles comportements humains etdonc à mieux gérer les conflits.

Sommaire :

1. Les racines du conflit 3Le conflit peut prendre racine au niveau personnelLa relation à l'autre peut être la source du conflitLe conflit peut naître de la vie du groupeLe type d'organisation peut générer des conflitsLe conflit peut trouver racine dans la culture et les normes véhiculées

2. De mon point de vue, j'ai toujours raison 6

3. Il nous faut prendre soin de nos besoins… 8Structurer les besoinsPour mieux gérer les conflits

4. Nous sommes tous identiques, mais tellement différents 10Faire coïncider les nécessités de l'entreprise avec les aspirations du travailleurDifférents types de personnalités

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Apprendre à gérer les conflits se fait bien entendu moins enlisant tel ou tel article ou livre qu'au travers de l'expérimenta-tion dans le concret de la vie quotidienne.Il est cependant envisageable de se former à la gestion des con-flits.

Diverses méthodes de formation existent. Elles vont de l'analysedes sources du conflit à l'élaboration de solutions et l'intégra-tion de comportements correcteurs.

Avec son modèle théorique, Jacques Ardoino offre un outil per-mettant de distinguer différents niveaux d'interprétations possi-bles de situations insatisfaisantes conflictuelles.

Le conflit peut prendre racine au niveau personnel

Une majorité de conflits trouve leur origine dans l'état de lapersonne, dans ce qu'elle vit au présent, dans sa perception deschoses, dans ses valeurs, dans ses besoins.Ainsi, si je suis physiquement fatigué, je serai certainementmoins apte à entendre une sollicitation venant de l'autre, àécouter une de ses demandes ou à supporter une remarque cri-tique. De même, si je suis mal dans ma peau, si je me sensdévalorisé, si je suis mécontent, si j'ai peur de l'avenir, j'auraimoins de ressources pour affronter les tensions qui surgissent etles problèmes relationnels.Agir sur les conflits qui se situent au niveau de la personne,implique de créer de meilleures conditions de vie physique etpsychique. La réponse sera d'aller mieux, d'être en forme, de sesentir bien, bref de se donner les conditions pour bien réagirface au conflit.Cela me demande d'abord de prendre soin de moi, partant del'idée fondamentale qu'il est plus facile, rapide et pertinent d'agir sur moi, plutôt que d'attendre de l'entourage qu'il s'occupe de moi. Cela me demande également, si je suis enposition de responsabilité, de procurer aux autres dont je suisresponsable (enfants, élèves, employés, collaborateurs…) lesmeilleures conditions de développement.

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Nous vous invitons à aborderune grille permettant dedécoder les origines du conflit.Cette grille repose sur un modèlede Jacques Ardoino et permetd'opérer un classement des situations insatisfaisantes conflictuelles.

Apprendre à résoudre ou àgérer positivement les conflitsconstitue un processus vaste quine se réduit pas à quelquestrucs ou ficelles. C'est unapprentissage relativementcomplexe qui peut prendre dutemps et qui débouche sou-vent, pour être valable, sur cer-taines remises en question. Eneffet, la compréhension intel-lectuelle des mécanismes duconflit doit pouvoir se pour-suivre par une modification desattitudes et des comportementsmis en œuvre.

Cependant, il est possible etpermis de progresser parétapes. Chaque découverte estune façon d'avancer un peuplus vers des solutionscohérentes et durables.C'est en ce sens qu'il estpréférable de parler de gestiondes conflits plutôt que de réso-lution des conflits, qui pourraitsupposer qu'une solution touteprête, unique et définitiveexiste au problème posé par leconflit.

1. Les racines du conflit

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La relation à l'autrepeut être la source du conflit

Le deuxième niveau d'enracine-ment des conflits se situe dansla relation. L'origine du conflitest ici dans l'interpersonnel. Lespersonnes en présence ont desbesoins contradictoires, desvaleurs divergentes, une com-munication difficile. On diraparfois qu'elles ne s'entendentpas. C'est donc au niveau de larelation qu'il faudra chercherl'issue du conflit. C'est ce qui sepasse entre moi et l'autre quifait problème et c'est ce qui sepasse entre moi et l'autre quipourra être amélioré. L'outilprincipal de résolution de cetype de conflit reste la commu-nication. Communiquer avecl'autre pour préciser mesbesoins sera le mode d'actionprincipal : "qu'est-ce que jeveux, fondamentalement, pourmoi ?" et "qu'est-ce que tu veuxfondamentalement toi ?".Bien entendu, savoir où agirn'implique pas de savoir com-ment agir. La bonne manière defaire avec l'autre qui est, pourl'instant, mon adversaire n'estpas simple à connaître et àmaîtriser.

Le conflit peut naîtrede la vie du groupe

Notre culture qui privilégie l'in-dividu néglige souvent legroupe et les phénomènes quis'y manifestent. Le groupe peut

être défini comme un ensemble de personnes qui partagent desobjectifs communs. Ces objectifs sont plus ou moins conscients,relativement bien définis, relativement bien compris. Chacun seperçoit plus ou moins fortement comme un des éléments dugroupe. Qu'ils soient formels ou informels, les groupes sont tra-versés d'interactions diverses et sont soumis à des phénomènesremarquables comme la compétition, le conformisme, l'influ-ence et le leadership… Le groupe, qu'il soit une équipe, un ser-vice, un atelier, une classe ou une famille, génère, de par le sys-tème particulier qu'il constitue, des conflits spécifiques qui gravi-tent souvent autour de la recherche d'un certain pouvoir. Ainsi,le conflit qui naît dans une équipe de travail doit être décodéfinement : comment le pouvoir est-il partagé ? comment circulel'information et laquelle ? quelles sont les valeurs mises en avant ?comment les décisions sont-elles prises ? quels sont les rôles,fonctions et statuts de chacun ? quels sont les rapports avec lesautres équipes ? … Même si les individus paraissent plus facilesà comprendre et à faire fonctionner, il faut se garder de tropvite réduire les conflits qui existent dans les groupes à une sim-ple mauvaise communication entre les personnes.

Le type d'organisation peut générer des conflits

La manière dont un atelier, un service, une équipe de travail,une école ou même une famille sont organisés aura de l'impor-tance sur la vie du groupe et des individus qui y cohabitent. Au-delà de la vie du groupe, les conditions matérielles de travail, larépartition des tâches, les mécanismes de leur coordination,l'adaptation à l'environnement auront beaucoup d'importancedans la compréhension des conflits qui surgissent. Et cela estencore plus vrai si la structure de l'organisation est de tailleimportante. Une entreprise de petite dimension est certaine-ment plus facile à coordonner.L'analyse du fonctionnement organisationnel est précieuse etpermet de découvrir comment la division en sous-systèmes spé-cialisés, départements, secteurs peut générer des conflits. Quelleest la disposition spatiale des différentes unités de production,comment les tâches sont-elles divisées, comment la coordina-tion s'opère-t-elle, sont des questions qui mériteront d'êtreposées.

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Le conflit peut trouverracine dans la culture et lesnormes véhiculées

Chaque époque crée sesréférences et ses normes.Chaque structure, chaque entre-prise, chaque organisation adéveloppé autour de ses mis-sions et fonctions des valeurspropres. Ces valeurs fondent l'identité du groupe et créentune microsociété qui aura ses riteset ses symboles, ses croyances et ses interdits. La culture ainsicréée pourra favoriser ou nonl'apparition de conflits. Ainsi enest-il de l'objet social de l'entre-prise privée ou publique et dela manière de le présenter àl'intérieur comme à l'extérieur :nos missions sont-elles, par dé-finition, porteuses de conflits ?met-on en avant la compétitionou la coopération ? les "autres"sont-ils des adversaires ou des

partenaires ? dans quel contexte idéologique général vivons-nous ? Quelles sont les valeurs socialement admises ?Les cinq niveaux d'analyse du conflit, ici rapidement présentés,constituent une trame utile pour repérer où porter l'action àmener. Plus nous sommes proches du premier niveau évoqué ci-dessus, plus nous avons prise sur les mécanismes du conflit.Il nous reste à mettre en œuvre les moyens adéquats pourdémonter ces mécanismes.

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Pour bien gérer les conflitsinterpersonnels, il faut bienentendu être capable de faireévoluer la relation dans un senspositif. Mais le point de départde notre relation aux autres estnotre manière de regarder lemonde. C'est notre perceptionde la réalité qui va déterminerl'évolution de cette relation.Ainsi, la bonne gestion du con-flit passe par la prise de conscience que nous avons tousun point de vue particulier, par-tial et partisan.Un vieux conte, peut-être indien,nous raconte à peu près ceci :

Il était une fois un grouped'aveugles qui se demandait àquoi pouvait bien ressemblerun éléphant. Ils avaient apprisqu'un éléphant se trouvaitattaché pas très loin de l'en-droit où ils se tenaient. Pouravoir une idée de ce que pou-vait être un éléphant, ilsdécidèrent chacun à leur tourde s'en approcher doucement,de le toucher et de le palperprudemment. Le premier de cesaveugles s'avança jusqu'àl'éléphant et se cogna à une deses énormes pattes qu'il saisit.De retour dans le groupe, ildéclara, sûr de lui, qu'unéléphant ça ressemblait à unegrosse colonne. Le deuxièmeaveugle s'approcha de l'animalet attrapa la queue de celui-ci.Il déclara à son groupe qu'unéléphant c'était flexible et rêche

comme une corde. Le troisième aveugle prit en mains la trompede l'éléphant pour revenir dire que, par sa flexibilité celaressemblait à un gros serpent. Le quatrième aveugle heurta unedes défenses de l'éléphant et rejoignit le groupe pour affirmerqu'un éléphant, c'était pointu et dur comme une lance, lecinquième aveugle, lui, empoigna une des oreilles du pachy-derme et rapporta qu'un éléphant bougeait et ventilait commeun éventail. Le dernier aveugle, en avançant vers l'animal lepercuta dans les flancs et revint vers le groupe pour proclamerqu'un éléphant c'était immense comme une falaise…

À la manière de ces aveugles chacun de nous a son point devue sur les choses et sur la réalité qui l'entourent. On dira par-fois que chacun a sa carte du monde, dans le sens que si lemonde, l'univers, un continent ou un pays donné existe bel etbien, il existe également des centaines, des milliers de cartesroutières, géologiques, fluviales, aériennes, administratives, cli-matiques, démographiques… aux échelles les plus diverses,représentant ce continent, ce pays, cet espace. De la mêmemanière, chaque individu, mais aussi chaque groupe, possèdeune représentation, une carte du monde qui lui est propre : sacarte du monde.

Notre perception de la réalité est toujours partielle parce quenous sommes des êtres humains forcément limités. Elle est aussisélective, parce que nous retenons ce qui a le plus de significa-tion pour nous. Et c'est à partir de là que nous sommes forcé-ment partiaux, partisans.

Notre perception est structurée et globale parce que nouspercevons les choses qui nous sont données comme faisant par-tie d'un tout qui en donne le sens ; chaque objet et chaque per-sonne sont perçus dans un environnement et dans un contextequi nous fournissent des indices propres à les identifier. Ainsi,une dame qui circule en blouse blanche dans les couloirs d'unhôpital ne peut qu'être une infirmière, une kiné ou unmédecin…

Notre perception se fabrique au fil de nos expériences, de notreéducation, de notre formation, de notre culture, de nos acti-vités. Le point de vue de l'élève sur l'école est différent de celuide l'enseignant ou de celui des parents.

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2. De mon point de vue, j’ai toujours raison

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Mais on peut également direque la perception est immédi-ate, car nous filtrons, orga-nisons, modifions instantané-ment les données sensoriellesqui parviennent à notrecerveau. Celui-ci fait le tri de cequi est intéressant et utile enfonction de nos centres d'in-térêts. Ainsi, si je suis préoccupépar le renouvellement de laphotocopieuse de mon entre-prise, je serai attiré par les pho-tocopieuses que je rencontreraidans l'avenir proche.

L'être humain a ceci de parti-culier qu'il ne supporte pas l'in-certitude et que face à une situ-ation ou une personne incon-nues, il ressent le besoin de li-miter cette incertitude endéveloppant des comparaisonsavec ce qu'il connaît ou qu'il adéjà vécu. Et, pour aller vite, ilva attribuer à cette situation oucette personne une note posi-tive ou négative : ça me faitpenser à tel événement ou tellepersonne qui était bon etagréable ou mauvais etdésagréable. On dira que nousprocédons par analogie en con-notant positivement ou néga-tivement. Cette opération depensée binaire qui se fait trèsvite est un passage obligé et vaêtre porteuse de conséquencespour la suite.

Fondamentalement, les conflits vont s'enraciner et se dévelop-per sur ces différences de perception. Accepter l'idée que j'ai unpoint de vue partisan ou au moins particulier sur telle question,tel problème, tel événement est le premier pas pour éviter dese laisser enfermer dans la relation conflictuelle.

Être capable de se mettre à la place de l'autre, d'être assezmobile que pour adopter son angle de vue, est le deuxième pasqui permettra de s'extraire du piège que peut constituer le con-flit.

Car la perception est également projective : nous avons unetendance naturelle à attribuer aux autres nos propres sentimentset nos propres manières de penser. Ainsi si, moi, dans telle situation difficile, je reste calme, il est évident que l'autre doitégalement le rester.

Se mettre à la place de l'autre est une démarche raisonnable-ment facile, mais difficile à traduire dans un comportementsincère, serein, positif et acceptant, tellement notre manière devoir les choses fait partie de notre identité.

Soulignons enfin que notre perception, tronquée par définition,est façonnée et renforcée par le milieu social, le groupe, l'entre-prise…

Apprendre à gérer positivement les conflits nous demandera denous exercer concrètement à cette prise de recul pour évacuerce postulat qui dit : "si, pour moi, c'est la vérité, l'autre setrompe et donc, c'est incontestablement de sa faute".

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Il nous faut prendre soin de nosbesoins mais il nous faut aussicomprendre que l'autre a desbesoins qui sont différents desnôtres. L'être humain est eneffet un être de besoins : il esten bute à des besoins nom-breux et variés qu'il n'a de cessede satisfaire. Sous certainsaspects, on peut considérer quetoute l'existence humaine peutse résumer à cette recherchepermanente d'assouvissementdes besoins.

De nombreux auteurs,philosophes, psychologues,sociologues, ont développé desapproches de l'homme centréessur la notion de besoin. L'undes plus connus est certaine-ment Abraham Maslow qui,dans les années 60, a élaboréune pyramide des besoins àcinq niveaux. Selon Maslow, labase des besoins humains estconstituée des besoins d'ordrephysiologique, comme respirer,manger, boire, dormir, fuir ladouleur, avoir des relations se-xuelles, etc. Au deuxièmeniveau, se situent des besoinstels que vivre en sécurité, sesentir à l'abri des intempéries,des agressions, des imprévus.Depuis l'homme préhistoriquequi trouve refuge dans sa ca-verne, jusqu'à l'homme mo-derne fuyant la guerre, les catas-trophes naturelles ou le non-emploi, le besoin de vivre sanspeur dans un environnementsûr, ordonné, stable, s'est mani-

festé de diverses façons tout en restant essentiel. Ces deuxniveaux de besoins ont été qualifiés de besoins fondamentaux,primaires : ils procèdent de l'animalité qui est en nous.

Les trois autres niveaux constituent une deuxième catégoriecomprenant les besoins secondaires : ceux relatifs à la qualité devie. Ainsi, au troisième type de besoins, figurent les besoins sociaux,d'appartenance et d'amour. Il s'agit de donner et recevoir del'affection, échanger des relations intimes avec un conjoint,avoir des amis, faire partie intégrante de groupes cohérents, nepas se sentir seul ou rejeté. Le quatrième niveau regroupe lesbesoins d'estime, de deux types : d'une part, l'estime de soi,reposant sur le fait de s'aimer soi-même, être fier de ce que l'onest et de ce que l'on fait, se sentir compétent, utile, capable deréussir ce que l'on entreprend; d'autre part l'estime de soi parles autres, être respecté et aimé par autrui, avoir un certainstatut social et un certain prestige, être apprécié et reconnu. Audernier niveau de la pyramide se trouvent les besoins de réalisa-tion, appel à l'utilisation et au développement de tout notrepotentiel et de tous nos talents, à devenir ce que l'on est capa-ble de devenir par une mise à contribution de notre intelligence,notre imagination et nos aptitudes.

Structurer les besoins

Cette approche de la hiérarchie des besoins et l'idée que l'indi-vidu a pour but essentiel de les satisfaire ont permis de construire une intéressante théorie de la motivation.

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3. Il nous faut prendre soin de nos besoins...

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D'après Maslow, il est essentielde satisfaire les besoins pri-maires pour que d'autres -sec-ondaires- puissent se manifesteret être assouvis. Aussilongtemps que les besoins pri-maires demeurent insatisfaits, ilsmonopolisent l'attention del'individu, ce qui affecte soncomportement. Et lorsque cesbesoins de base sont comblés,de nouveaux surgissent,devenant des facteurs moti-vants. Sont alors libérées denouvelles énergies qui poussentà l'action. Il faut égalementsavoir que les individus mon-tent ou descendent les niveauxde la hiérarchie des besoins.Ainsi, des événements stressants-perte d'un emploi, décès d'unproche…- peuvent fairerenaître des besoins de sécuritéchez un individu préoccupédepuis longtemps par la satis-faction d'autres besoins plusélevés. Le respect et l'admira-tion occupent, dans cesmoments-là, une place secondaire : le souci de résoudreles problèmes prédomine.

Ces théories centrées sur lesbesoins ont eu le mérite de per-mettre une meilleure com-préhension des subordonnéspar leurs gestionnaires et d'en-visager des pratiques de gestionbasées sur des récompensesstandardisées. Mais notre pro-pos, ici, n'est pas de répondre àla question complexe de lamotivation.

D'autres approches soulignent l'importance, pour chacun, deveiller à satisfaire ses propres besoins. Soigner ses besoins estune question de bonne santé, physique et psychique. On nousdira que nous avons le droit de donner et d'obtenir satisfactionà nos besoins, parce qu'ils font partie de nous.Mais on retiendra aussi qu'il ne faut pas confondre simple enviesuperficielle et besoin primordial. Le vrai besoin se caractérisepar le fait qu'il est personnel et entier et qu'il ne peut pas trou-ver de substitut, qu'il est vital. Ainsi, si j'ai soif, je peux trouverun dérivatif, penser à autre chose, mon besoin de boire est tou-jours là. Par contre, que j'aie envie de boire une coupe dechampagne relèvera, dans cet exemple, davantage du registrede l'envie. D'où une éducation à opérer pour acquérir cettecapacité à cerner, décoder et accepter ses propres besoins etégalement la faculté de pouvoir le faire pour l'autre.

Pour mieux gérer les conflits

À partir de là, la notion de besoin peut nous fournir une pisteessentielle pour comprendre et gérer les conflits.

Pour faire bref, nous pourrons dire qu'un conflit est l'expressionde besoins contradictoires. Ainsi, pour évoquer un conflit sim-ple, non exceptionnel, entre deux collègues, l'un fumeur, l'autrenon fumeur, partageant au quotidien le même bureau, l'on diraque fondamentalement l'un a besoin de sa dose de nicotine,l'autre d'air pur. Mais leurs besoins sont discordants et le conflitest susceptible de surgir. Et dégénérer si l'on n'y prend garde.Les protagonistes peuvent en effet, sans trop de difficulté,développer leur désaccord sur des considérations comme la liberté de chacun, le respect de l'autre, le droit à la différence.Ils pourront procéder par allusions ou s'envoyer des signes plusou moins clairs : ouvrir la fenêtre, tousser, manifester de l'énervement. La seule issue - s'ils doivent continuer à partagerle même espace - sera de négocier sur base de leurs besoinsrespectifs et de construire un accord qui les satisfasse. La mise àplat des besoins respectifs est une des conditions essentiellespour rendre possible la gestion des conflits interpersonnels.Mais ce sera tout l'art de la négociation de pouvoir faire naîtreune solution acceptable pour chacun. Et cela, c'est une autre histoire.

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Nous savons combien les con-flits peuvent mobiliser de l'énergie lorsqu'ils se dévelop-pent au sein de l'entreprise.Beaucoup de ces conflits vontnaître ou grandir au travers desproblèmes liés à de mauvaisesinterprétations et perceptionsdes actes d'autrui.

Nous avons dit combien il estdifficile, mais nécessaire de semettre à la place de l'autre,d'adopter son point de vuepour comprendre les bonnesraisons qu'il a de s'opposer oude réagir comme il le fait.Cette capacité de découvrir cequi motive le comportementde l'autre personne est pré-cieuse, non seulement pouréviter de se laisser piéger dansl'engrenage du conflit, maisaussi pour en sortir ou pouréviter l'escalade destructrice.

Nous pouvons énoncer unprincipe essentiel qui peut nousaider à poser un regard positifsur les actes de chacun : il con-siste à envisager que l'êtrehumain agit toujours dans lesens de la vie. Ce que je fais ouje dis est destiné à préserver ouaugmenter la part de vivantque je représente. C'est en cesens, qu'à mes yeux, j'ai tou-jours raison.Cette nécessité fondamentaled'agir pour alimenter ma viepeut se concrétiser au traversde la notion de besoin. Nousavons également dit que l'être

humain est un être de besoins et que l'existence humaine peutse voir comme une recherche permanente d'assouvissement desbesoins. Ainsi, chacun d'entre nous est sujet à des besoins quenous veillons plus ou moins consciemment à satisfaire. À partirde là, nous avons des objectifs particuliers que nous cherchons àatteindre.On peut dire, dès lors, que la plupart des conflits naissent debesoins inassouvis et qu'un conflit peut être défini comme l'expression de besoins contradictoires.

Un des problèmes vient de ce que ces besoins, différents d'unepersonne à l'autre, sont mal identifiés soit parce qu'on lesméconnaît pour soi-même, soit parce qu'on ne les perçoit paschez l'autre. Il nous faut donc prendre soin de nos besoins, maisaussi découvrir ceux de l'autre ce qui implique de développer cequ'on appelle un certain feeling…

Faire coïncider les nécessités de l'entreprise avec les aspirations du travailleur

La notion de besoin s'applique aux individus, mais également etd'une manière différente, aux structures que sont les entreprises.Ainsi, en matière de recrutement et de sélection, il sera indis-pensable de bien définir les postes et les missions, non seule-ment sur le plan technique, mais aussi au niveau du profil rela-tionnel attendu, pour éviter de créer à relativement courtterme, désappointements et frustrations. Le pari sera de faire coïncider les besoins de l'entreprise avec lesbesoins du travailleur. Si définir les postes et déterminer lescompétences attendues représentent un métier et un savoir-faireparticulier, déceler les points forts et les points faibles des candi-dats à tel ou tel emploi demande sans doute d'autres aptitudes.Différentes méthodes d'évaluation alliant tests et entretiens existent, on peut y ajouter des approches moins classiques allantde la graphologie à la morphopsychologie ou même l'astrologie.Beaucoup de ces approches reposent sur une analyse "de l'ex-térieur" de la personne qui peut de son côté se préparer à présenterl'image que l'on attend d'elle (ou supposée attendue). The rightman in the right place est ce à quoi chacun souhaite aboutir. Àl'inverse, nous savons combien quelqu'un qui n'est pas à sa placepeut perturber le fonctionnement d'une unité, d'un service ou d'unatelier au travers des conflits qui vont se développer.

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4. Nous sommes tous identiques, mais tellement différents

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La question qui doit resterprésente est donc bien com-ment faire concorder les aspira-tions légitimes de l'individuavec les nécessités de l'entre-prise.Nous savons aussi que l'entre-prise, comme l'homme etcomme le monde, change etque l'ajustement de l'un àl'autre doit se faire vite et avecune marge d'erreur limitée. Dans cette optique, il s'agirabien de considérer le travailleurcomme un réel collaborateur,c'est-à-dire comme un acteur,un protagoniste du projet enœuvre dans l'entreprise. L'idéesera alors de lui donner l'occa-sion de satisfaire au mieux sespropres besoins.

Nous savons depuis longtempsque la motivation n'est plus liéeau seul salaire et que lesbesoins psycho-relationnelsentrent en ligne de comptedans la question de la respon-sabilisation de nos collabora-teurs. Comment donc identifier aumieux ces fameux besoins, à lafois pour pouvoir les satisfaire,mais aussi pour prévenir lesconflits qui peuvent surgir deleur non-satisfaction ? Pour satisfaire ses propresbesoins, chacun d'entre nous vadévelopper des attitudes parti-culières qui peuvent être fonda-mentalement différentes d'unepersonne à l'autre. Autrement dit, nous avons tous

des besoins de reconnaissance, de considération ou de valorisa-tion mais nous cherchons à les satisfaire de la façon qui nousconvient bien. La découverte des manières dont chacun de nous cherche àrépondre à ses besoins personnels et relationnels est riche d'en-seignements si l'on veut comprendre les motivations qui ani-ment chacun.

Différents types de personnalités

Plusieurs approches psycho-relationnelles proposent des mo-dèles permettant de cerner les personnalités en présence, de sedécouvrir et de mieux percevoir les autres. Les plus connus enentreprise sont le Process Communication Management, leMBTI (Myers Briggs Type Indicator) ou encore l'Ennéagramme.

La question à la base de ces typologies de la personnalité estgénéralement de déceler ce qui constitue le moteur fondamen-tal des types présentés, c'est-à-dire le besoin essentiel à la basede chacun d'entre nous. Ainsi, on pourra décoder que quelqu'un est plus extravertiqu'intraverti, plus sensible ou plus rationnel, automotivé oumotivé de l'extérieur, orienté vers les tâches ou vers les gens,etc. À titre d'exemple, le modèle Process CommunicationManagement créé par Taibi Kahler présente les individuscomme constitués de 6 niveaux, des immeubles à 6 étages, quisont agencés différemment. Chaque étage est une facette plusou moins développée et nous reposons tous sur une des 6facettes qui constitue notre base. Cette base est le fondementde notre personnalité. C'est dans cette base que nous nous réfu-gions lorsque nous sommes déstabilisés, sous stress, en conflit.Nous activons alors les attitudes et les conduites que nousavons acquises depuis longtemps par habitude ou expérience etqui ont déjà fait leurs preuves. Sous stress, nous répétons ce que nous avons testé de nom-breuses fois dans des situations semblables.

Il est donc utile de se rendre compte que nous vivons tous dansdes immeubles différents et que la base de l'un est différente de labase de l'autre. Ainsi, le besoin au travail de l'un sera de recevoirdes indications claires, de mettre de l'ordre dans les idées

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et les faits, de bien structurerson temps et son espace, alorsque pour un autre, le besoinsera d'avoir des contacts drôleset toniques avec ses collègues,de se sentir appartenir à ungroupe créatif, d'effectuer untravail où la diversité estprésente. D'autres personnes aurontplutôt besoin de trouver unsens à leur travail, de s'investirdans les tâches qui sont les leurset d'être reconnues pour cetinvestissement. Pour celles-ci, lerespect des règles et la fiabilitéauront de l'importance, tandisque pour d'autres, sans douteplus sensibles et soucieuses d'unenvironnement chaleureux etde relations bienveillantes, lebesoin de se sentir appréciéescomme personnes et non plusseulement comme employés outravailleurs sera essentiel.

D'autres encore auront un besoin fondamental de calme, detemps et d'un espace à eux pour fonctionner ; ils accepterontles tâches répétitives et sur une longue durée pourvu que lesdirectives soient claires. Ils pourront certainement apparaîtretrop réservés par rapport à d'autres plus déterminés qui aurontbesoin dans leurs projets professionnels de défis et d'action.Ceux-ci seront le plus souvent des meneurs d'hommes, adapta-bles et optimistes, à l'aise dans les conflits et attirés par lesopportunités professionnelles.Nous le voyons, les besoins de chacun sont différents et setromper sur les aspirations profondes de nos collaborateurs,futurs ou plus anciens, sera lourd de conséquences sur le plande la production à réaliser comme au niveau relationnel. C'estparfois toute une équipe qui peut dysfonctionner si les person-nes ne sont pas à leur place et si elles sont frustrées dans leursbesoins. Les conflits qui pourront surgir pourront prendre desformes variées, allant de l'agression sur des détails, l'espritrevanchard, la méfiance, la dévalorisation de soi, la mise enretrait ou la manipulation. Ce sont autant de signes désespérés, mais perturbateurs qu'il yaura lieu de prendre en compte si l'on ne veut pas devoirdéployer de plus en plus d'énergie dans la gestion desressources humaines.

François BAZIER,Administrateur délégué à l'Université de Paix

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Conflits, mettre hors jeu la violence, Non-Violence actualité,Chronique sociale, Lyon, 1997

J.-P. Jues, Les 7 points clés pour bien communiquer, éd.Marabout

A. H. Maslow, Vers une psychologie de l'être, éd. Fayard, 1972

R. Moyson, Communiquer dans l'entreprise et dans la vie, éd.De Boeck

T. Gordon, Cadres et dirigeants efficaces, éd. Morisset 1994

E. Collignon, Comment leur dire... la Process Communication,éd. Inter éditions, 2000

P. Watzlawick, J. Helmick Beavin, D. Don Jackson, Une logiquede la Communication, éd. du Seuil , 1972

F. Kourilsky-Belliard, Du désir au plaisir de changer,Interéditions, 1999

W. Myers, Pratique de la Communication Nonviolente, Etablirdes nouvelles relations, éd. Jouvence, 1999

C. Rogers, Le développement de la personne, Paris, éd. Dunod,1968

M. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou des murs), éd.Jouvence, 1999

J. Salome, T'es toi quand tu parles - Jalons pour une grammairerelationnelle, éd. Albin Michel, 1992

Jacques Semelin, Pour sortir de la violence, Paris, éd. Ouvrières,1983

Armand Taouti et al., Conflits : origines, évolutions, dépasse-ments, co-édition Hommes et perspectives et le Journal des psy-chologues, 1990

Université de Paix, Graines de médiateurs, Médiateurs en herbe,2000, éd. Mémor

Ed Young, 7 souris dans le noir, éd. Milan, 1995

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Bibliographie

Université de Paix - novembre 2004c

Page 14: Regards sur le conflit et sa gestion constructive

Fondée en 1960 par DominiquePire (Prix Nobel de la Paix),pluraliste depuis sa fondation,l'Université de Paix est uneorganisation de jeunesse recon-nue par la Communautéfrançaise de Belgique.

L'Université de Paix propose untravail d'éducation à la paix ettransmet des savoirs liés auxcompétences et à leur applica-tion dans des activités tant dela vie quotidienne (à la maison,en famille, à l'école, dans lequartier,…) que professionnelle.Cette transmission s'orienteautour de " savoirs sociaux " etde " savoir-être " ; les habiletésainsi privilégiées sont entreautres : l'autonomie, les rela-tions aux autres, la communica-tion, la construction de lacoopération, le respect desrègles,…

Pour gérer efficacement les conflits, l'Université de Paix propose :

des formations ponctuelles (assertivité, communication,coopération, négociation, médiation, etc.)des interventions et formations personnalisées en association (la formation d'enfants médiateurs, de délégués de classe, etc.)des animationsdes conférencesdes journées pédagogiquesun certificat de base en gestion positive des conflits interpersonnelsdu matériel pédagogique (toiles de parachute pour animation, cassettes audio et vidéo, BD, livres, dossiers,...) pour la formation et l'animationUniversité de Paix, revue trimestrielle à caractère politique et pédagogique

Sur simple demande, vous pouvez recevoir gratuitement notreprogramme d'activités.

Et en plus…

Université de Paix on-line est un site associatif, apparu sur latoile en juin 1999 pour présenter l'association, son projet, saphilosophie, son équipe, ses activités,… valoriser ses formations,ses réalisations,… et améliorer ses échanges. Ce site est destiné àtoute personne -jeunes et adultes ayant en charge l'éducation etla socialisation des enfants et adolescents- qui recherche desinformations sur des modes alternatifs de prévention et de ges-tion de conflits. Vous pouvez consulter le résultat de ce travailsur www.universitedepaix.org

UUnniivveerrssiittéé ddee PPaaiixxBBoouulleevvaarrdd dduu NNoorrdd,, 44 - 55000000 NNaammuurr

TTééll..:: ++3322((00))8811-5555..4411..4400 - FFaaxx:: ++3322((00))8811-2233..1188..8822

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Université de Paix

Université de Paix - novembre 2004c

Page 15: Regards sur le conflit et sa gestion constructive

Cahier 0 :L'Université de Paix, son histoire, sa démarche

par Mireille JACQUET

6, 50 €

Cahier 1 :Regards sur le conflit et sa gestion constructive

par François BAZIER

3, 00 €

Cahier 2 :L’Islam radical et sa présence en Belgique

par Alain GRIGNARD

5, 50 €

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Collection de cahiers

Université de Paix - novembre 2004c

Page 16: Regards sur le conflit et sa gestion constructive

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Notes

Université de Paix - novembre 2004c