réflexions et propositions relatives aux allégations de ... · sécurité sanitaire des aliments...
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ACADÉMIENATIONALEDEMÉDECINE
ACADÉMIENATIONALEDEPHARMACIE‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
Réflexionsetpropositionsrelativesauxallégationsdesanté
etauxcomplémentsalimentaires
RAPPORTCOMMUN1
aunomdesgroupesdetravailrespectifsdesdeuxAcadémies,par
ClaudeJAFFIOL,Membredel’AcadémienationaledeMédecinePrésidentdugroupedetravailANM
PierreBOURLIOUX,Membredel’AcadémienationaledePharmacie,PrésidentdugroupedetravailANP
JeanPaulLAPLACE,Membredel’AcadémienationaledeMédecine,Co‐rédacteur
1Ladocumentationduprésentrapportaétéarrêtéeàfinoctobre2010.
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Compositiondugroupedetravail
del’AcadémienationaledeMédecine
Président
‐ClaudeJAFFIOL,Membretitulairedel’ANM2
Mesdames
‐MoniqueADOLPHE,Membretitulairedel’ANMetdel’ANP3
‐MoniqueASTIER‐DUMAS,Membrecorrespondantdel’ANM
‐Denise‐AnneMONERET‐VAUTRIN,Membretitulairedel’ANM
Messieurs
‐Jean‐MarieBOURRE,Membretitulairedel’ANM,etmembrecorrespondantdel’AAF4
‐DanielCOUTURIER,Membretitulairedel’ANM
‐Jean‐FrançoisDUHAMEL,Membrecorrespondantdel’ANM
‐MauricePaulDURAND,Membrecorrespondantdel’ANMettitulairedel’AVF5etdel’AAF
‐Claude‐PierreGIUDICELLI,Membretitulairedel’ANM
‐Jean‐PaulLAPLACE,Membretitulairedel’ANMetdel’AVF
‐PatriceQUENEAU,Membretitulairedel’ANMetMembrecorrespondantdel’ANP
‐JacquesRISSE,Membretitulairedel’ANM,del’AVF,etdel’AAF
2ANM:AcadémienationaledeMédecine3ANP:AcadémienationaledePharmacie4AAF:Académied’AgriculturedeFrance5AVF:AcadémievétérinairedeFrance
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Compositiondugroupedetravail
del’AcadémienationaledePharmacie
Président
‐PierreBOURLIOUX,Membretitulairedel'ANPetMembrefondateurdel'AT6
Membres
‐MoniqueADOLPHE,Membretitulairedel'ANPetdel'ANM
‐RobertANTON,Membretitulairedel'ANP
‐FrançoisCHAST,Présidentdel'ANP
‐PatrickCHOAY,Membretitulairedel'ANP
‐FrançoisCLOSTRE,Membretitulairedel'ANP
‐LucCYNOBER,Membrecorrespondantdel'ANP
‐PierreDELAVEAU,Membretitulairedel'ANPetdel'ANM
‐RémiGLOMOT,Membretitulairedel'ANP
‐JoëlGUILLEMAIN,Membretitulairedel'ANP,PrésidentduCESBiotechnologies‐ANSES7
‐GeorgesHAZEBROUCQ,Membretitulairedel'ANP
‐AnLE,Membrecorrespondantdel'ANPetMembredel'AFSSAPS8
‐Renée‐ClaireMANCRET,Membretitulairedel'ANP
‐RaphaelMOREAU,Membretitulairedel'ANP
‐JacquesPOISSON,Membretitulairedel'ANP
‐DidierRODDE,Membretitulairedel'ANP
‐AnneROUBAN,Membretitulairedel'ANP
‐JeanSASSARD,Membretitulairedel'ANPetdel'ANM
Invités
‐ChristineBOULEY,PharmacienConsultanteenNutrition
‐GuillaumeCOUSYN,MembredelaDGCCRF
6AT:AcadémiedesTechnologies7ANSES:AgencenationaledeSécuritésanitairedel’Alimentation,del’Environnement,etduTravail8AFSSAPS:Agencefrançaisedesécuritésanitairedesproduitsdesanté
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LISTEdesABRÉVIATIONS
AESA:AutoritéeuropéennedeSécuritédesAliments
AFLD:AgencefrançaisedeLuttecontreleDopage
AFSSA:AgencefrançaisedeSécuritésanitairedesAliments
AFSSAPS:AgencefrançaisedeSécuritésanitairedesProduitsdeSanté
AMM:Autorisationdemisesurlemarché
ANSES:AgencenationaledeSécuritésanitairedel’Alimentation,del’Environnement,etduTravail
CAPTV:AssociationdesCentresanti‐poisonetdeToxicovigilance
CE:Communautéeuropéenne
CJCE:CourdeJusticedesCommunautéseuropéennes
CLA:conjugatedlinoleicacid
CLCV:Associationdeconsommateurs«Consommation,Logement,CadredeVie»
CNOP:Conseilnationaldel’OrdredesPharmaciens
CPCASA:ComitépermanentdelaChainealimentaireetdelaSantéanimale
CREDOC:CentredeRecherchepourl’Étudeetl’ObservationdesConditionsdevie
CRNH:CentredeRechercheenNutritionhumaine
CSP:CodedelaSantépublique
DGAl:Directiongénéraledel’Alimentation
DGCCRF:DirectiongénéraledelaConcurrence,delaConsommation,etdelaRépressiondesFraudes
DGS:DirectiongénéraledelaSanté
DMLA:Dégénérescencemaculaireliéeàl’âge
EHPM:EuropeanFederationofAssociationsofHealthProductManufacturers
EIP:ExerciceillégaldelaPharmacie
EMA:EuropeanMedicineAgency
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EMEA:AgenceeuropéennedesMédicaments
FDA:FoodandDrugAdministration
HPST:LoiHôpital,Patient,Santé,Territoires
IFN:InstitutfrançaispourlaNutrition
InVS:InstitutnationaldeVeillesanitaire
NIH:NationalInstitutesofHealth
PubMed:serviceoftheUSNationalLibraryofMedicine
SDCA:SyndicatdelaDiététiqueetdesComplémentsalimentaires
SGAE:SecrétariatgénéraldesAffaireseuropéennes
SYNADIET: Syndicat des fabricants de produits naturels, diététiques et complémentsalimentaires
UE:Unioneuropéenne
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Réflexionsetpropositionsrelativesauxallégationsdesantéetauxcomplémentsalimentaires
SOMMAIRECompositiondugroupedetravaildel’AcadémienationaledeMédecine p2Compositiondugroupedetravaildel’AcadémienationaledePharmacie p3Listedesabréviations p4Sommaire p6Introduction:L’alimentnedoitplusseulementnourrir,ilpeutaussiêtrebénéfiqueàlasanté p8Chapitre1:Aproposdeladéfinitiondecertainescatégoriesdedenréesalimentaires p10 Alimentoudenréealimentaire Complémentalimentaire Alimentfonctionnel
Enconséquence… p17
Chapitre2:Aproposdesallégationsdesantéportantsurlesdenréesalimentaires p18 Lesdifférentstypesd’allégations Lesprocéduresd’évaluation Les produits porteurs d’allégations devraient présenter un profil nutritionnel favorable Où en est-on aujourd’hui ? Que peut-on attendre de la mise en place de cette réglementation sur les allégations ? Le Registre communautaire des allégations nutritionnelles et de santé :
dispositions transitoires Les différents types de compléments alimentaires Enconséquence… p31
Chapitre3:Commentéviterlerisquedeconfusionaveclesmédicaments p33 AuniveaudelaCourdeJusticeeuropéenne AuniveauduConseilnationaldel’OrdredesPharmaciens Lescomplémentsalimentairesenofficinefaceàl'arsenalthérapeutiqueenFrance
Enconséquence… p37
Chapitre4:Quelleplacepourlescomplémentsalimentairesàbasedeplantes? P38 Quels sont les différents types de plantes peu ou non concernéespar le problème spécifiquedescomplémentsalimentaires?
Lecasdesplantesambivalentes L’originalitédescomplémentsalimentairesàbasedeplantes
LesimpératifsàsatisfaireLemodèledumédicamentàbasedeplantesetlesAMMcorrespondantesLestextesofficielsderéférenceDesdifficultésinsurmontablessefontjourQuelquespropositionsconcrètesQuelquesrecommandations
Enconséquence… p46
7
Chapitre5:Commentassurerlasécuritéd’emploidescomplémentsalimentaires p47 Lesrisquesetdangersdescomplémentsalimentaires Surveillance:lanutrivigilance
Enconséquence… p50
Chapitre6:Commentassurerlaprotectionduconsommateur p51 Enconséquence… p52
RecommandationsdesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie p53Annexe1:Lemarchéfrançaisdescomplémentsalimentaires p55Annexe2:L’industriedescomplémentsalimentairesenFrance p57Annexe3:Alimentsoumédicaments? p59Annexe4:FormationenNutritiondesétudiantsenPharmacie p74Annexe5:Auditiondesexperts p80Annexe6:Sécuritéd’emploidescomplémentsalimentaires p85
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IntroductionL’alimentnedoitplusseulementnourrir,ilpeutaussiêtre
bénéfiqueàlasantéLanotionselonlaquellel’alimentationestunfacteurparticulièrementimportant,voire
déterminant, pour la santé est une notion ancienne. On la retrouve déjà chez
Hippocrate9, 5 siècles avant J.C., chez Galien10 2 siècles après J.C., ou encore chez
Avicenne11alentourdel’anMille,commel’arappeléP.Bourliouxdansuneintervention
récente12.
Cettenotionaprogressivementévoluéavec la reconnaissancede la valeurdiététiquedes
aliments, l’identification des constituants des aliments, le développement de la chimie
organique et celui des sciences de la nutrition. L’industrialisation de la chimie a ouvert la
voieàlapharmacie,tandisquelamaîtrisetechnologiquedelatransformationdesalimentsa
préparél’industrieagroalimentairemoderne.
Les vertus prêtées aux aliments ou à leurs constituants étant devenues des propriétés
clairementétablies,lesconsommateurssonteux‐mêmesdevenusdeplusenplusattentifset
réceptifs aux promesses santé des aliments et compléments alimentaires aujourd’hui
disponibles.Enréponseàcetteattente,lesproduitsalimentairesrevendiquantunbénéfice
nutritionneloude santé se sontmultipliés, etpar làmême,empiètent sur ledomainedu
médicament. On doit donc se poser la question : Aliments ‐ Médicaments : quelle(s)
frontière(s)?
Danslecadredecesexplications,ondoitconstaterlesélémentssuivants:Ilyauneavancée
importantede l'alimentdans ledomainedumédicamentquisetraduitsimultanémentpar
unerestrictiondudomainedumédicamentetparuneextensiondudomainedel'aliment.
9Hippocrate:l’aliment,chaquefoisquec’estpossible,doitresterlepremiermédicament(CorpusHippocraticum).10Galien:traitésurlaconservationdelasanté(Desanitatetuenda)puistraitésurlespropriétésdesaliments(Dealimentorumfacultatibus).11Avicenne:«Situtiensàmaintenirenbonétatletempéramentdequelqu'un,donne‐luiunealimentationappropriée».(Avicenne,Poèmedelamédecine,792).12P.Bourlioux:Médicaments‐Aliments;quellesfrontières?In:Alimentsdedemainetsanté:réalitésetfantasmes(réunionduGCASVS,25mars2010),Dossierscientifiquen°16del’IFN,pp.119‐133.
9
C'estainsiquelapréventiondenombreusesmaladies,liéedetouttempsàunealimentation
"saine",aprisunenouvelledimension,avufleurirdifférentescatégoriesd'alimentssantéde
typealimentsfonctionnels,complémentsalimentaires...quel'onretrouvesousdesnomsà
consonancetrompeusedutype"alicament"ou"nutraceutique",etsurtouts'estvueoffrirla
possibilitéd'alléguerdespropriétéssanté.
Ce nouveaumarché est aujourd’hui l’objet d’enjeux industriels et commerciauxpuissants.
Une très forte pression économique et concurrentielle constitue une source de dérapage
quant à la réalité des promesses. Mais de nombreux pays ont considéré au cours des
dernièresdécenniesque l’innovationétait susceptibled’ouvrirdenouvellesperspectivesà
unbonusagedel’alimentation.
La question est de savoir si certains aliments sont effectivement dotés de propriétés
particulières,etsilapopulationgénérale(oudesgroupesparticuliers)peutentirerunréel
bénéfice.Ceci imposededéfinir lesconditionsdevalidation,decommunicationetdesuivi
des allégations portant sur les denrées alimentaires au travers d’un cadre réglementaire
spécifiquedontavoulusedoterl’Unioneuropéenne.
Danscetteperspective, leRèglementN°1924/2006duParlementeuropéenetduConseil,
endatedu20décembre2006,modifiéendatedu18janvier2007,estentréenapplication
endatedu1er juillet2007.Ilencadrelesallégationsnutritionnellesetdesantéportantsur
lesdenréesalimentaires,objet jusqu’alorsde toutessortesdepromesses fantaisistes sans
fondement.Laqualitédel’alimentationétantunimportantfacteurd’environnementpourla
santé, lesAcadémiesnationalesdeMédecineetdePharmacie ont souhaitéfaire lepoint
surlamiseenœuvredeceRèglementtroisansaprèssonentréeenvigueur.
10
Chapitre1
Aproposdeladéfinitiondecertainescatégoriesdedenrées
alimentaires
«Alimentoudenréealimentaire»:
La définition du vocable aliment (ou denrée alimentaire) se trouve dans l’Article 2 de la
réglementation N° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil (28 janvier 2002) qui
expose les principes généraux et exigences générales de la législation alimentaire, établit
l’Autoritéeuropéennedesécuritéalimentaire (AESA)et reprend lesprocéduresen termes
desécuritéalimentaire.
AuxfinsduRèglementN°1924/2006,onentendparalimentoudenréealimentaire«toute
substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à
être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain». Ce terme
recouvre lesboissons, les gommesàmâcheret toute substance, y compris l'eau, intégrée
intentionnellement dans les denrées alimentaires au cours de leur fabrication, de leur
préparationoudeleurtraitement.
Ilestrappeléque leterme"denréealimentaire"necouvrepas lesalimentspouranimaux,
lesanimauxvivantsàmoinsqu'ilsnesoientpréparésenvuedelaconsommationhumaine,
lesplantesavantleurrécolte,lesmédicaments,lescosmétiques,letabacetlesproduitsdu
tabac,lesstupéfiantsetlessubstancespsychotropes,lesrésidusetcontaminants.
«Complémentalimentaire»:
LedécretparuauJ.O.delaRépubliquefrançaiseendatedu15avril1996ad’aborddéfinile
complément alimentaire comme « un produit destiné à être ingéré en complément de
l’alimentation courante afin de pallier une insuffisance réelle ou supposée des apports
journaliers». Cette définition fait donc clairement des compléments alimentaires une
catégorie d’aliments dotés d’une valeur nutritionnelle (minéraux et vitamines). Il ne peut
s’agir en aucun cas d’une sorte de médicament doté d’une quelconque activité
thérapeutique.
Cette première définition a été complétée par la directive européenne 2002/46/CE
applicablepourlamiseenœuvreduRèglement,etellemêmerepriseparledécret2006‐352
11
publié au J.O. de la République Française le 20 mars 2006. On entend désormais par
complémentalimentaire“toutesubstanceouproduittransformé,partiellementtransformé
ou non transformé destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être ingéré par
l’êtrehumaindontlebutestdecompléterlerégimealimentairenormaletquiconstitueune
source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou
physiologiqueseulsoucombinés,commercialiséssousformededosesdestinéesàêtreprises
enunitésmesuréesdefaiblequantité».
Cettenouvelledéfinitionrestebiendanslecadredel’aliment,maiselleajouteàlalistedes
produits“autorisés”toutesubstanceayantuneffetnutritionnelouphysiologique.Cesont
donc des substances d’une extrême diversité: vitamines et minéraux, micronutriments,
acidesaminés,anti‐oxydants,plantes,phytoconstituants.Quoiqu’ilensoitlescompléments
alimentairessontbiendesdenréesalimentairesetfontdoncpartieduchampd’application
du Règlement N° 1924/2006. Mais, on s’éloigne avec cette définition de celle que
Trémolières donnait aux aliments à savoir «une denrée alimentaire comestible,
nourrissante, appétente, et coutumière». On s’en éloigne d’autant plus que ces produits
sontprésentéssousdesformes«pharmaceutiques»detypegélules,comprimés,tablettes,
etc … ce qui les rapproche insidieusement des médicaments. De surcroit, ils peuvent, à
conditiond'enapporterlespreuvesscientifiques,êtreporteursd'allégationsanté,aumême
titre que des aliments santé tels qu'un yaourt ou des aliments fonctionnels tels qu'une
margarineenrichieenphytostérols,quifontpartiedel'alimentationetquin'ontrienàvoir
aveclaprésentationdescomplémentsalimentaires.
Enoutre,cettedéfinition,quiprenddoncoriginedansladirective2002/46/CE,faitappelà
une action "nutritionnelle" ou "physiologique" que l'on retrouve dans la définition du
médicament, établie par la directive 2004/27/CE. En effet, la nouvelle définition du
médicamentparprésentationestlasuivante:
« Toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’hommeou pouvant lui être
administréeenvuesoitderestaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctionsphysiologiques
enexerçantuneactionpharmacologique, immunologiqueoumétabolique,soitd’établirun
diagnosticmédical».
Cettenotiondephysiologieversuspharmacologieméritequ'ons'yarrêteunmomentcarce
quiestnouveaurésidedanslefaitquelemédicamentparfonctiondoitexerceruneaction
pharmacologique, immunologique ou métabolique, précision importante qui restreint le
12
champd’applicationdumédicament. Ilnesuffitplusque lasubstancerestaure,corrigeou
modifie des fonctions physiologiques ; il faut qu’elle le fasse par une action
pharmacologique,immunologiqueoumétabolique.Adéfaut,cen’estpasunmédicament;
cepeutêtreunsimplealiment.Maisonpeutaussis’interrogerà loisirpoursavoirenquoi
l’action«métabolique»estoun’estpasnutritionnelleouphysiologique.
Commentdifférencierl'effetphysiologiquedel'effetpharmacologique?
Ons’aperçoitque laplupartdesdocumentsqui traitentdesdifférencesquiexistententre
compléments alimentaires et médicaments n’abordent que les aspects réglementaires,
juridiquesoucommerciaux.Rarementlaterminologie.Enparticulier,ladéfinitiond’uneffet
physiologique par rapport à celle d’un effet pharmacologique que les pharmacologues
utilisentcourammentpourqualifierleseffetsdesmédicaments.
Lesdéfinitionsd’uncomplémentalimentaireetd’unmédicamentpermettentd'identifierles
différences:
‐dansladéfinitiond’uncomplémentalimentaire,onpeutlire:«…lesdenréesalimentaires,
dontlebutestdecompléterlerégimealimentairenormal,constituentunesourceconcentrée
de nutriments et autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou
associés …». Cette définition indique pour le complément alimentaire un effet
physiologique;
‐ et dans celle d’un médicament: «toute substance ou composition pouvant être
administrée à l’homme en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions
physiologiqueschezl’homme.».Lemédicamentexerceuneffetpharmacologique.
Ilfautdoncdistinguerentre:
‐unproduitquientretientdesfonctionsphysiologiquesnormalesparuneffetnutritionnel
diteffetphysiologique,
‐ et un produit qui corrige des perturbations («dysfonctions») physiologiques, donc des
pathologies.C’estlemédicament.Touslestypesdemédicaments,ycomprisceuxd’origine
naturelle.Ils’agitd’uneffetpharmacologiqueouthérapeutique.
La première notion qui ressort de l’analyse de ces définitions est le maintien, par les
complémentsalimentaires,oularestauration,parlesmédicaments,d’unétatd’équilibre,en
d’autrestermesdel’homéostasie.
13
Rappelons brièvement que l’homéostasie est le maintien de la constance du milieu
intérieur d’une cellule, d’un système ou d’un organisme ou, encore, la capacité que peut
avoirunsystème,qu’il soitouvertou fermé,àconserversonéquilibrede fonctionnement
normalendépitdescontraintesextérieures.
Ainsi,maintenirl’homéostasieseferaparuneffetphysiologique,larétablirencorrigeant
unétatpathologiqueseralaconséquenced’uneffetpharmacologique.
S’il existe des frontières juridiques bien définies entre un complément alimentaire et un
médicament,nousn’avonspasidentifiédefrontièreclaireentreuneffetphysiologiqueet
un effet pharmacologique. Il s’agit plutôt d’un continuum entre la physiologie et la
pharmacologie, entre un état d’équilibre et l’apparition d’un état pathologique et, donc,
d’uncontinuumentreuneffetphysiologiqueetuneffetpharmacologique.
Unemêmemolécule,unmêmeproduit,unemêmeplantepourrontd’ailleursavoirlesdeux
enfonctiondeladose,enfonctiondelaprésentationouenfonctiondel’intentiondugeste
thérapeutiqueouduconseilnutritionnel.
Lanotiond'intentionesttrèsimportante
Prescrire ou conseiller un médicament implique l’intention de traiter, de corriger ou de
restaurerunefonctionphysiologiquealtéréeparunétatpathologique.Unmédicamentest
ainsiprescritdanslebutdepréveniroudetraitercetétatpathologique.
Cequin’estpas toutà fait le casdesdenréesalimentairesqui serontplutôtconsommées
dansunbutdesatiété,deplaisiroudeconvivialité,nidescomplémentsalimentairesdont
lesobjectifssontenprincipelemaintiend’unétatd’équilibrephysiologique,mêmes’ilssont
trop souvent utilisés pour faire «plus que sa physiologie» (être mieux bronzé, plus en
forme,plusmince,…).
Demêmequeladoseutilisée
Rappelonsquedansl’étymologiedepharmacologie,pharmakonsignifieàlafoisleremède
etlepoison.C’estévidemmentunequestiondedose.
Ilenestdemêmepourbonnombredeplantesquipeuventavoirdeseffetsphysiologiquesà
desdoses faiblesoumodérées,deseffetspharmacologiquesàdesdosesplus importantes
et,parfois,deseffetstoxiquesàfortesdoses.
14
Certainesplantesnesont‐ellespasàlafois
‐desdenréesalimentaires,sourcesdevitamines,defibresoudeminéraux,
‐descomplémentsalimentairesdotésd’effetsphysiologiques,
‐toutenfaisantpartie,àplusfortesdoses,delacompositiondecertains
médicamentsavecdespropriétéspharmacologiquesbienprécisées?
Casdesplantes
L’acideascorbiquecontenudans lesagrumesd’uncomplémentalimentaireauraituneffet
physiologique, mais l’acide ascorbique d’un complexe vitaminique ou d’un produit
«antigrippal»venduenpharmacieauraituneffetpharmacologique?Onpeutseposer la
question.
D’autre part, le distinguo entre plante alimentaire et plante médicinale sera quelquefois
difficile à faire.Oignon, ail,myrtille, cassis, fruits et légumes riches en flavonoïdes ou en
polyphénols, par exemple. Ces produits ont‐ils un effet physiologique ou un effet
pharmacologique,oulesdeuxselonlescas?
Pourl’ail,l’Allemagnerefusaitdeconsidérercetteplantecommeunedenréealimentaireen
raisondesespropriétéspharmacologiquessurlapressionartérielle,lacoagulationsanguine
etlestauxdelipides.Cequin’étaitpasl’avisdespayseuropéensduSudquiconsidéraient
queleseffetsdel’ailnesontquephysiologiques.LaCJCEatranchéenprenantunarrêtéle
15novembre2007quiprécisequeleseffetspharmacologiquesnesontpasspécifiquesaux
médicaments!!Cetarrêt tenddoncàautoriseruncomplémentalimentaireà seprévaloir
d’uneffetpharmacologique,audelàd’effetsnutritionnelsouphysiologiques.
Parconséquent,etmalgréladécisionprécitée,letermed’effetphysiologiquenoussemble
devoir être réservé aux produits qui, en préservant l’homéostasie de l’organisme,
entretiennent et/ou maintiennent des fonctions physiologiques normales alors que celui
d’effet pharmacologique qualifierait des produits aptes à corriger les troubles
pathologiquesquiperturbentlesfonctionsphysiologiquesnormalesdel’organisme
Alors se pose le problème du statut de ces produits ce qui conduit à se poser un certain
nombredequestions : les typesdeproduitsadmispar la législation, lesdosesemployées,
leurjustification,lespreuvesdeleurefficacité,lescontrôlesexigés,lesrisquesencouruspar
lesutilisateurs…
15
«Alimentfonctionnel»:
Il n’est sans doute pas inutile de préciser ce que recouvre la notion de propriété
fonctionnelledesaliments.Eneffet,l’émergenceduconceptd’alimentfonctionnelpourune
nutrition optimisée, puis la construction des bases scientifiques susceptibles d’asseoir la
démonstration de la fonctionnalité, et la mise au point d’une méthodologie rigoureuse
appuyéesurdesmarqueurs,sontdesdéveloppementsrelativementrécents13.
Les bases scientifiques d’une science des aliments fonctionnels répondent à deux grands
objectifs: 1) identifier des interactions bénéfiques entre la présence ou l’absence d’un
constituant de l’aliment et une fonction spécifique de l’organisme; 2) comprendre les
mécanismes sous‐jacents. De fait l’évidence scientifique vient à l’appui de l’idée selon
laquelle certains aliments pourraient avoir des effets positifs: la recherche a conduit à
identifier et comprendre les mécanismes d’action de composants biologiquement actifs
présents dans l’aliment et susceptibles d’améliorer la santé, voire de réduire le risque de
maladie,toutenaméliorantglobalementlebien‐être.
Cesontcesélémentsscientifiquesquiontconduitàlanotiond’alimentfonctionnelapteà
procurerdetelsbénéfices,audelàdeleurrôledanslacouverturedesbesoinsnutritionnels,
commelafacultéderecueillirdesréponsesphysiologiquesàl’aliment,différenciéesselonle
patrimoinegénétique,danslaperspectived’unealimentationpersonnalisée»14.
L’une des premières questions qui se posent est de savoir si n’importe quel aliment peut
être qualifié de fonctionnel. Bien des définitions ont pu être données à travers lemonde
sans qu’un consensus soit établi autour d’une définition officielle ou communément
adoptée:
Pourcertains,toutalimentestfonctionnelpuisqu’ilfournitdesnutrimentsetexerce
uneffetphysiologique.Levocabled’alimentfonctionneldevraitalorsêtreconsidéré
commeunequalificationrelevantdumarketingpourunalimentdontl’effetattractif
reposesurl’allégationqu’ilporteetlaperceptionqu’enaleconsommateur.Dèslors
n’importequelaliment,pourvuqu’ilfassel’objetd’unmarketingapproprié,pourrait
13J.P.Laplace,Allégationsnutritionnellesetdesantépourlesproduitsalimentaires:quelavenir?Bull.Acad.NatleMéd.,2006,190(8),1663‐1682.14EuropeanCommission,Brochure2010FunctionalFoods,28pp.
16
être qualifié de fonctionnel. On perçoit aisément les risques de dérive d’une telle
conception. Cependant, un certain nombre d’aliments considérés comme
«fonctionnels»sontsimplementdesalimentscompletsnaturelspour lesquelsune
information scientifique nouvelle relative à leurs propriétés bénéfiques sert de
supportàuneallégation.Ilenvaainsidebeaucoupdevégétaux(fruits,graines)du
poisson, des produits laitiers ou carnés, qui contiennent plusieurs composants
naturelsbénéfiquesaudelàdel’effetnutritionnel,tels le lycopènedestomates, les
acidesgrasoméga3dusaumon,voirecertainsconstituantsduthéouduchocolat.
D’autresconsidèrentqueseulsdesalimentsenrichisouaméliorésenunconstituant
dotéd’uneffetbénéfiquepourlasanté,devraientêtrequalifiésdefonctionnels.Un
alimentfonctionneldevraitêtreciblé,soitpourlapopulationgénérale,soitpourun
groupeparticulierdéfiniparexempleparsonâgeousonpatrimoinegénétique.
Enfin bien des définitions suggèrent également qu’un aliment fonctionnel devrait
être,oudevraitressembleràunalimenttraditionnel,etdevraitconstituerunepart
d’un régime alimentaire usuel, participant à un mode d’alimentation, en étant
reconnucommebénéfiquepourlebien‐êtreetlasanté15.
Endéfinitive, ledocumentdeconsensusdespartenairesduprogrammeeuropéenFUFOSE
proposeladéfinitionsuivante16pourl’élaborationduRèglementeuropéen:
«Un aliment peut être considéré comme fonctionnel si il est démontré de manière
satisfaisante qu’il affecte de manière bénéfique une ou plusieurs fonctions cibles dans
l’organisme, au delà d’effets nutritionnels adéquats, d’une façon pertinente pour une
améliorationdelasantéetdubien‐être,ouuneréductiond’unfacteurderisquedemaladie.
Ildoitresterunaliment;seseffetsdoiventêtreétablispourdesquantitéssusceptiblesd’être
normalementingéréesdanslecadred’unealimentationusuelle;cenesontnidespilules,ni
descapsules,maisunefractiond’unrégimealimentairenormal».
15G.Pascal,Functionalfoods.Thefuture:howtoregulatethesefoods.Nutr.Rev.,1996,54,S29‐S32.16A.T.Diplocketal.,ScientificconceptsoffunctionalfoodsinEurope:consensusdocument.Brit.J.Nutr.,1999,81(suppl.1),S1‐S27.
17
Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie‐ regrettentquedans lesattendusqui figurententêteduRèglementeuropéenne figurepas une phrase du type: "La nutrition repose d’abord sur une alimentation variée etéquilibrée apportant les éléments nécessaires à l’établissement et au maintien d’unebonnesanté.Seulesdescirconstancesexceptionnellespeuventjustifierdefaireappelàdescomplémentsalimentaires";‐estimentquenedevraientporter lenomdecomplémentsalimentairesque lesproduitsbien définis, (excluant donc les produits à base de plantes), qui sans répondre à ladéfinition dumédicament, sont utilisés en cas de carence ou de déficience (insuffisanced’apportoud’assimilation);‐ soulignent la regrettable confusion induite dans l’esprit du public du fait de laprésentationdescomplémentsalimentairessousformededoses,tellesquelesgélules,lespastilles,lescomprimés,etautresformesanaloguesdepréparationsliquidesouenpoudredestinéesàêtreprisesenunitésmesuréesdefaiblequantité;‐ insistent également sur le fait que, dans la mesure où les compléments alimentairespeuventprésenterunintérêtéventueldanscertainsgroupesdepopulationsspécifiques(ex: femmes enceintes, personnes âgées en institution, jeunes enfants, …), leur utilisationrelèveétroitementduconseilmédicalet/oupharmaceutique.
18
Chapitre2
AproposdesallégationsdesantéportantsurlesdenréesalimentairesLeRèglementeuropéenN°1924/2006etsamiseenœuvre
Lerèglement(CE)n°1924/2006duParlementEuropéenetduConseildu20décembre2006
régit l’utilisation des allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées
alimentaires.
Seloncetexte,uneallégationdesantéestdéfiniecommetoutmessageoureprésentation
"quiaffirme,suggèreou implique l’existenced’unerelationentred’unepart,unecatégorie
dedenréesalimentaires,unedenréealimentaireoul’undesescomposants,etd’autrepart,
lasanté".
A‐Lesdifférentstypesd'allégations
Lerèglementdistingue,danssonarticle2,troistypesd’allégationsdesanté:
lesallégationsnutritionnelles,renvoyantàdespropriétésnutritionnellesbénéfiques
particulières;
lesallégationsdesanté,renvoyantàunerelationentreunedenréealimentaire,ou
l’undesescomposants,etlasanté;
les allégations relatives à la réduction sensible d’un facteur de risque de
développementd’unemaladiehumaine.
Cependant, les deux derniers types sont communément réunis sous une même
dénominationd’allégationsde santé, ellesmêmesdifférenciées selon laprocédurequi les
régiten:
‐allégationsdesantédites«fonctionnelles»ou«génériques»(régiesparl’art13),àsavoir
a) celles relatives au rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, le
développement et les fonctions de l’organisme ; b) celles relatives aux fonctions
psychologiquesoucomportementales;etc)cellesrelativesaucontrôledupoids.
‐allégationsdites«spécifiques» (régiespar l'art.14),quiportenta)sur laréductiond’un
facteurderisquedemaladieoub)surledéveloppementetlasantéinfantiles.
19
B‐Lesprocéduresd'évaluation
Touteslesallégationsdoiventfairel’objetd’uneévaluationparl'AESA.Lesallégationsqui
sont validées et autorisées sont ensuite intégrées dans des listes positives. Toutefois, les
procéduresdedépôtdesdossiersetd’évaluationscientifiquediffèrentselon lanaturedes
allégations, nutritionnelles (chapitre III), ou de santé (chapitre IV) régies selon les cas par
l’article13ouparl’article14.
‐Cadredesallégationsnutritionnelles(articles8et9)
Lecasdesallégationsnutritionnelles(faibleteneuren...,richeen…,sourcede…,etc.)est
relativement simple. En effet «elles ne sont autorisées que si elles sont énumérées dans
l’annexeetconformesauxconditionsfixéesdansleRèglement».L’annexedéfinitainsitrès
précisément,entermesquantitatifsetanalytiques,lesconditionsspécifiquesd’emploipour
29formulationsd’allégationsnutritionnelles(incluantlesmodificationsendatedu9février
2010).
‐Procéduredesallégationsspécifiquesdel’article14:
Les demandes d’allégations spécifiques sont préparées par les professionnels (fabricants,
distributeurs…). Ces dossiers individuels sont transmis, via l’Etat membre (en France la
DGCCRF),àl’AESApourévaluationscientifique.L’AESAdoitrendresonavisdansundélaide
5 mois, avec une prorogation possible de 2 mois maximum en cas de demande de
renseignements complémentaires au demandeur. L’AESA transmet son avis et un rapport
d’évaluationàlaCommission,auxEtatsmembresetaudemandeur.LaCommissionaalors
deux mois pour proposer un projet de décision au CPCASA. L’adoption de la décision
définitivesuituneprocédurecomplètede«comitologie».Aufinal,lesallégationsautorisées
sont listées, au fur et à mesure de leur adoption, dans un registre communautaire
spécifique.Cetteprocédureestdécriteauxarticles15à19durèglement.
Ce qui est important à retenir ici, c’est que chaque dossier passe par une phase
d’évaluation scientifique très poussée. Les demandeurs doivent constituer un dossier
extrêmementcompletsurlabasedesdispositionsdel’article15.3etduguiderelatifàla
préparation des demandes et aux types de preuves scientifiques nécessaires à la
justificationdesallégations.
20
Si le contrôle de la véracité d’une allégation nutritionnelle peut s’effectuer assez
simplement,surlabasededonnéesanalytiques,iln’enestpasdemêmepourlesallégations
de santé, qui s’appuient sur des connaissances scientifiques parfois complexes. La
réglementationreposedoncsurunexamensystématiquedetouteslesallégationssantépar
uncollèged’expertstravaillantdanslecadredel’AESA.Cesexperts,issusdesdifférentspays
européens et sélectionnés pour leurs compétences scientifiques, sont nommés pour 3
annéesrenouvelables.Leurindépendanceestgarantieettouslesconflitsd’intérêtpotentiel
sontdéclarés.Leursopinionssontaccessiblesà tous,via leurpublicationrapidesur lesite
internetdel’AESA.
L’opiniondel’AESAn’acependantqu’unevaleurconsultative,etladécisionfinaleestprise
par la Commission Européenne, en accord avec les représentants des Etats membres et,
selonlescas,duParlementEuropéen.Elleintègredoncunedimension«politique»,ausens
premierduterme,quirendbiencomptedelacomplexitédesproblèmesliésàl’alimentation
etàlasantéquidoiventintégrerdespointsdevuemultiples(sociaux,économiques...).
Lorsquel’allégationreposesurdesdonnéesscientifiquesnouvelles,lorsqu’elleconcerneun
produitoudesélémentsscientifiquespour lesquelsunedemandedepropriété industrielle
estdéposée,lorsqu’elles’adresseàdesenfants(de0à18ans),lorsqu’elletraited’unfacteur
de risque de maladie, le demandeur doit fournir un dossier scientifique extrêmement
détailléetétabliselondeslignesdirectricesstrictes.
Ce dossier vise à fournir à l’expert toute l’information qui lui est nécessaire, de façon à
permettreuneévaluationdel’ensembledespreuvesscientifiquesdisponibles.Uneattention
particulièreestportéeauxpointssuivants:
(i) l’allégation doit être suffisamment précise pour être évaluable sur des critères
scientifiquesprécis.Uneallégationtelleque«vousmaintientenforme»pourraainsi
êtrejugéenonévaluable.
(ii) l’allégation santé doit faire état d’un effet réellement bénéfique pour la santé.
Cette assertion qui paraît simple s’avère assez délicate à mettre en pratique. Elle
soulèvelaquestiond’uneffet liéàdesprincipesphysiologiquesfondamentaux. La
capacitédesmarqueursetdesfacteursderisquedemaladieàrendrecompted’un
bénéfice pour la santé doit également être évaluée: le fait d’améliorer certains
paramètres antioxydants peut‐il par exemple signifier que le risque de maladie
cardio‐vasculaireestdiminué?
21
(iii) leproduitporteurdel’allégationdoitêtrecaractériséavecprécision.Ils’agitde
s’assurer que le produit proposé au consommateur est bien identique à celui sur
lequel les preuves scientifiques ont été obtenues. Là aussi, la simplicité n’est
qu’apparente:unnutrimentpeutêtreaisémentcaractérisé,maiscelaestplusdélicat
pourunalimentouunecatégoried’aliments,commelesfruitsetlégumes.
(iv) le liendecausalitéentre laconsommationduproduitet l’effetrevendiquédoit
êtreétabli.Ils’agitd’apporterlesélémentsdepreuvenécessaire,dansunedémarche
basée sur l’évidence. Ledossierdoità cetégard réunir l’ensemblede l’information
scientifique pertinente, obtenue par une analyse systématique, exhaustive et
transparentedelalittératurescientifiqueetprésentéesousformesdetableauxtrès
précisément codifiés. L’évaluation s’appuie essentiellement sur des données
humainesprovenantd’étudesépidémiologiquesoud’essaiscliniques,dontlaqualité
doitêtreéquivalenteauxnormes internationalesenvigueurutiliséespar l’industrie
pharmaceutique.
Le niveau d’exigence scientifique est donc très élevé: la rigueur du raisonnement
scientifiqueest lamêmequelquesoit ledomaineauquelelles’appliqueet lesévaluations
portant sur des aliments ou sur des médicaments se dotent ici des mêmes outils et des
mêmesméthodes.
Lesétudescliniquessurlapopulationhumainesaineétantlescritèresderéférencespour
l’AESA,untrèsfaiblenombred’allégationsspécifiquesontpuprospérer(unevingtaineà
cejour).
‐Procéduredesallégationsgénériquesdel’article13:
Il s’agitd’aborddesallégations«article13‐1»,quidécriventoumentionnent le rôled’un
nutrimentoud’uneautresubstancedanslacroissance,dansledéveloppementetdansles
fonctionsdel’organisme,oulesfonctionspsychologiquesetcomportementales,ouencore,
sanspréjudicedeladirective96/8/CE,l’amaigrissement,lecontrôledupoids,lamodulation
dessensationsdefaimoudesatiété,oularéductiondelavaleurénergétiquedurégime.
Cesallégations«fonctionnelles»sontégalementappeléesallégations«génériques»ence
qu’ellessontfondéessurdes«preuvesscientifiquesgénéralementadmises».
Ainsi,etcontrairementàcellesdel’article14,lesallégationsdel’article13ontinitialement
fait l’objet d’un traitement au niveau des Etats membres, qui ont constitué des listes
22
nationalesd’allégationsdesanté.Celles‐ciontététransmisesàlaCommissionavantladate
butoirdu31janvier2008.
L’article 13.3 du règlement prévoit que la Commission adopte en une seule fois, après
consultationdel’AESA,unelistecommunautairedesallégationsdesanté«fonctionnelles»
autorisées,auplustardle31janvier2010.
Cettedaten’apasétérespectée,pourplusieursraisons.
‐ Premièrement, et contrairement à ce qui a été prévupour l’article 14, aucundocument
guide n’a été préalablement publié au niveau européen pour aider les Etats membres à
constituer les dossiers d’allégations génériques. La notion de «preuves scientifiques
généralement admises» étant relativement floue, bien des opérateurs ont usé
maladroitementdecetteprocédure«allégée»del’article13‐1(allégationsfaitesSANSêtre
soumises aux procédures de justification scientifique) et proposé des allégations aux
fondements incertains. La consolidation des listes nationales a totalisé 44.000 demandes.
Plus de 30.000 furent jugées non‐conformes par la Commission, soit parce que le dossier
était incomplet, soit parce que l’allégation proposée était interdite (ex : allégation
thérapeutique)ounon‐conformeauxprincipesgénérauxdurèglement(art.3etart.5),soit
encoreparcequel’allégationproposéerelevaitdel’article14.
A l’issue de ce travail de contrôle sur la recevabilité des dossiers, seuls 10.000 ont été
transmisàl’EAESApourévaluationscientifique.
‐ Deuxièmement, et contrairement aux dispositions du règlement, l’AESA a décidé
d’appliquerauxallégationsgénériqueslesmêmescritèresd’évaluationscientifiquequeceux
retenuspourl’examendesallégationsderéductionderisquedemaladie(art.14).
Eneffet, l’article 13.1.cdisposeque les allégationsde santé fonctionnelles«peuvent être
faitessansêtresoumisesauxprocéduresétabliesauxarticles15à19sielles(i)reposentsur
des preuves scientifiques généralement admises et (ii) sont bien comprises par le
consommateurmoyen.»
Cette règle faitéchoauparagraphe26dupréambuleduRèglement,quiprévoitque« les
allégationsdesantéautresquecellesfaisantréférenceàlaréductiondurisquedemaladieet
au développement et à la santé infantiles, reposant sur des preuves scientifiques
généralement admises, devraient faire l’objet d’un type différent d’évaluation et
d’autorisation».
23
L’interprétation logiquede cesdispositions est de considérer que le rôlede l’AESAest de
vérifiersilesélémentsscientifiquesproduitsaudossierrelèventd’unconsensusscientifique
sur les effets de telle ou telle substance sur telle ou telle fonction de l’organisme (ex :
vitamineCetsystèmeimmunitaire).
L’AESA n’intervient pas ici dans le même cadre que celui décrit à l’article 16, dont
l’application est d’ailleurs expressément écartée par l’article 13.1.c précité (« sans être
soumise aux procédures établies aux articles 15 à 19 »). Malgré cela, l’AESA a décidé
d’appliquerauxallégationsdel’article13lamêmeméthodologiequepourcellesdel’article
14, en faisantnotammentprimer les résultatsd’études cliniques surdes sujetshumains
surtouteautrepreuvescientifique.Maislesétudescliniquessurdessujetssains,tellesque
peuventlesréaliserlesCRNH,sontraresetcoûteuses,tandisquenombred’étudesportent
surdessujetsmaladesetnonsurunepopulationgénérale.
Ainsi,enmêmetempsqu’elleexige laproductiondepreuvesscientifiques issuesd’études
cliniques,l’AESAenrejettel’extrapolationsurlapopulationengénéral,pourtantconcernée
parlesallégationsdesantégénériques.
‐Troisièmement,l’AESAadécidédepubliersesavisscientifiquesnonpasenuneseulefois
commelevoulaitlaCommission,maisen4vaguessuccessives:
‐unpremierlotenoctobre2009:94avispour523allégationsdont195seulementontreçu
un avis positif; les dossiers relatifs aux plantes et aux probiotiques ont été rejetés,
principalementpourlesprobiotiquesenraisond’insuffisancedecaractérisationdelasouche
(171cas)etdansunedizainedecaspourinsuffisancedepreuvesscientifiques;
‐unsecondlotenfévrier2010:31avispour416allégationsdont8seulementontreçuun
avispositif;
‐untroisièmelotportantsur808demandesaétépubliéle19octobre2010.
Autotalcesontdoncàcejour1745demandesquiontététraitéessur les4637soumises,
avec un taux de validation de l’ordre de 20 p. cent. Le reste des évaluations devrait être
publiéparétapesjusqu’àdécembre2011.
Enfin, les allégations ayant fait l’objet d’un avis positif de l’Autorité européenne doivent
encore faire l’objetd’uneadoptionpar laprocéduredeComitologie.Concernantcellesdu
premier lot d’octobre 2009, un vote est prévu en octobre 2010. Cependant du fait du
nombreimportantdepointssoulevésparlesEtatsmembreslorsdel’examenduprojetde
texte,sonadoptionparaîtassezpeuprobable.
24
LaCommissionaclairementindiquéquetoutavisnégatifdel’AESAconduiraitaurejetdela
demande d’allégation. Cependant lors de la réunion de Parme réunissant les experts de
l'AESAetlesIndustriels,enjuin2010,ilaétéditquelesdossiersquiavaientétérefusésmais
quiprésententunintérêt,aurontunesecondechance.Lesdemandeursdevrontredéposer
undossiernouveau,tenantcomptedesdemandesdel'AESA.Cedossierseradéposédevant
l'Agencede l'Etatmembredontdépend le demandeur. C'est l'Agencenationale qui devra
examiner le dossier et le transmettre à l'AESA, si le dossier correspond bien aux critères
demandésparlaCommissioneuropéenne.
C‐Lesproduitsporteursd’allégationsdevraientprésenterunprofilnutritionnelfavorable.
Ilestfortjustementrappeléquelesalimentsdontlapromotioncommercialeestassuréeau
moyend’allégationspeuventêtreperçuscommeprésentantdesavantagesnutritionnelset
lesconsommateurspourraientalorsopérerdeschoixalimentairesmaladaptésaumaintien
d’unbonéquilibrenutritionnel.Ainsi,onpeutimaginerqu’unproduittrèsricheensucreet
en matière grasse saturée soit enrichi en calcium et en vitamines et porte donc une
allégation nutritionnelle conforme à la réglementation tout en véhiculant un message
trompeurdebonnequaliténutritionnelle.Pourévitercettesituation, lelégislateuraprévu
de restreindre l’accès aux allégations aux produits respectant un certain «profil
nutritionnel».Sileprinciped’unetellemesure,trèsnovatricesurleplanréglementaire,se
justifiepleinement,samiseenœuvres’avèrebeaucoupplusdélicate.
Eneffet,l’équilibrealimentairedécouledecombinaisonsd’unegrandevariétéd’aliments,
différentes d’un jour à l’autre et d’un individu à un autre. S’il est évident que certains
aliments contribuent plus que d’autres à cet équilibre, il est également exact que tout
aliment peut s’y intégrer, sous réserve que les fréquences et les quantités consommées
soientadaptéesauxcaractéristiquesnutritionnellesdel’aliment.
De ce fait, il se pourrait que les consommateurs modifient leurs choix, mettant en péril
l’équilibredesquantitésconsomméesdediversnutriments.C’estlaraisonpourlaquelleila
étéjugénécessaired’imposerunerestrictionàlafacultédefaireétatd’uneallégation.Aussi,
avantdedonnerlieuàdesallégationsnutritionnellesoudesanté,lesdenréesalimentaires
doivent respecter un «profil nutritionnel» établi en prenant en considération i) les
quantités de nutriments contenues dans le produit considéré, ii) la place de la denrée
alimentaire et son apport au régime de la population considérée, iii) sa composition
25
nutritionnelle globale ainsi que la présence de nutriments reconnus scientifiquement
commeayantuneffetsurlasanté.
End’autrestermes,ceconceptdeprofilnutritionnelreposesurlaprésencedansunaliment
de nutriments considérés comme porteurs d’un risque pour la santé, aliénant par leur
présence ou par leur taux le bénéfice d’un autre constituant qui pourrait être bénéfique.
Cetteidéeaprioriséduisanteafaitl’objetd’uneévaluationmenéeparl’IFNdesclassements
éligibles/non éligibles obtenus par différents systèmes de profilage nutritionnel. Pour six
systèmes de profils nutritionnels préexistants basés sur des algorithmes différents et
opérantsurunebasededonnéesde700produitsalimentairescommercialisésenFrance,il
apparaît que l’éligibilité varie fortement en fonction des groupes et des catégories
d’aliments lorsqu’on évalue la compatibilité d’un système avec la notion d’alimentation
variéeetéquilibrée(exclusionounondegroupesoucatégoriesd’aliments).Lamodélisation
parprogrammationlinéairedelacapacitédechacundecessystèmesàatteindreunobjectif
depertinencenutritionnelle,montrequ’aucundessystèmestestésnepermetdesatisfaire
l’ensembledeshypothèses.Ilapparaîtdoncclairementquelechoixd’unsystèmedeprofils
nutritionnels dans le cadre du Règlement N° 1924/2006 relève avant tout d’un choix
politique.
Ainsi à partir d’un certain seuil de concentration de molécules considérées comme
potentiellement nocives, seuil choisi de manière plus ou moins arbitraire, l’aliment ne
pourraitpasbénéficierd’uneallégation.Ilfautd’embléeattirerl’attentionsurlaperversité
dececonceptlorsqu’ilestérigéenrèglegénéraleetappliquéàl’ensembledelapopulation
alors que le plus souvent seule une fraction génétiquement prédisposée est réellement
concernéeparl’effetdélétèredecertainsnutriments.Ilfautégalementsoulignerl’évolution
rapide des connaissances scientifiques, des nutriments considérés hier comme dangereux
pour la santéétantdemaindédouanés (casde certainsacidesgras saturés) cequidevrait
conduireàbeaucoupdeprudenceàl’égarddecetteidéedeprofilnutritionnel.Autotal,la
notion de profil nutritionnel paraît fragile car, appliquée à tous les produits alimentaires
destinésàunepopulationgénérale,ellenetientpascomptedelasensibilitéindividuellede
chaqueindividu.
Dansunautreregistre,notonsaussiquelanotionde«profilnutritionnel»,introduitedans
leRèglementeuropéenN°1924/2006ensonarticle4,reste,à ladated’entréeenvigueur
26
du Règlement, une notion vide de sens en l’absence de définition réglementaire ou
consensuelle.Nous sommes donc confrontés à un Règlement entré en application au 1er
juillet2007,etdontunélément clén’estpasdéfini.Car c’estbien lapièceessentiellequi
manque : le ou les critère(s) d’éligibilité ouvrant droit à porter une allégation. Ces profils
nutritionnelsontdoncfait l’objetdemultiplestravauxscientifiquesde lapartdesAgences
nationales et d’organismes divers dont, en France, l'IFN. Par ailleurs, l’avis scientifique de
l’AutoritéeuropéenneestsollicitéparlaCommission.Cettedernièredevait(article4)définir
au plus tard le 19 janvier 2009 les profils nutritionnels spécifiques que les denrées
alimentaires ou catégories de denrées doivent respecter pour être éligibles à porter des
allégationsnutritionnellesoudesanté.Or l’Autoritéeuropéennearenduunavissurcette
question des profils nutritionnels en janvier 2008, et la Commission européenne devait
présentersonprojetauxexpertsduCPCASAenmars2009soitdéjàaudelàdudélaiprévuà
l’article4duRèglement.Maisàdate (finoctobre2010) ces indicationsn’ont toujourspas
étépubliées.
De fait le dernier projet de texte de la Commission européenne relatif aux profils
nutritionnelsdatedoncdefévrier2009.CeprojetaentrainéunelargecontestationdesEtats
membres (France, Allemagne, Italie, Belgique, Hollande) et de plusieurs services de la
Commission, conduisant le Président Barroso à se saisir personnellement du dossier. La
situationaétéparfaitementqualifiéeparleProfesseurAmbroiseMartin17dansunéditorial
dontnousreprenonsicilestermes.«Cequidevaitêtreunactetechniqueélaboréselonles
principes traditionnels de la comitologie (CPCASA) est en train de prendre une dimension
éminemmentpolitique.EninterneàlaCommission,l’oppositionrésolue…afaitremonterle
sujet sur la table du Président de la Commission, ce qui est un fait exceptionnel pour un
documentaprioritrèstechnique».
Parlasuite,cedossiersensibleaétémisensuspensdansl’attentedurenouvellementdela
CommissioneuropéenneetdelaréélectiondesonPrésident(été2009),etdelapremière
lectured’unprojetdeRèglementsur l’informationduconsommateur (étiquetage),dont la
teneur aurait pu faire évoluer la réflexion. En effet, début 2010, dans le cadre des
discussions de ce projet étiquetage, un amendement a été déposé (et soutenu par de
17A.Martin,Quandlapolitiques’intéresseaux«détails»techniquesennutrition…,CahiersNutr.Diet.,2009,44,97‐98.
27
nombreux parlementaires) pour supprimer les profils nutritionnels du Règlement sur les
allégationsnutritionnellesetdesanté.Lorsduvote intervenuen juin2010(1ère lectureau
Parlementeuropéen),cetamendementn’aétérejetéqu’àunevoixdemajorité!
Au delà des réactions fortes de plusieurs pays européens à l’égard du projet de la
Commission, la situation a conduit à une prise de conscience dans notre pays. Ainsi
l’Assemblée nationale et le Sénat ont réagi en termes argumentés contre les dispositions
projetées qui pénalisaient lourdement certains produits laitiers. Ces réactions ont été
hâtivement interprétées commesuscitéespar lapressiond’un«lobby laitier». Mais cela
recouvreenréalité,commelesouligneencore leProfesseurAmbroiseMartin,«uneprise
deconsciencedesdimensionsculturellesdesapprochesrégulatricesconcernantlanutrition:
une tentative d’uniformisation des modes de vie des citoyens européens politiquement
inacceptable, d’autant plus qu’elle est fondée sur un modèle anglo‐saxon très éloigné du
modèle alimentaire français». Aussi le projet qui «ouvrait une voie royale aux produits
industrielsformatés»surdesbasesscientifiquesréductionnistesasombréàl’approchedes
électionseuropéennesdejuin2009.
On comprenddonc que le choix de ces profils nutritionnels, qui conditionnent lamise en
applicationduRèglement, ne soit pas encore arrêté. Pour le ProfesseurAmbroiseMartin,
«ladisparitionpureetsimpledesprofilsneseraitsansdoutepasunebonnenouvellepourle
consommateur, ni pour les nutritionnistes».Cependant, dèsnovembre200718 J.P. Laplace
avaitaffirméenouvrantunsymposiumconsacréàlaquestiondesprofilsnutritionnels,eten
présence de représentants de la Commission et de l’Autorité européenne: «s’il apparaît
qu’il n’est pas possible de faire un système satisfaisant strictement à l’objectif initial, non
asserviàd’autresintérêtsoucompromis,lelégislateurs’honoreraitdefairemarchearrière.»
D‐Oùenestonaujourd'hui?
On l’a vu, les modifications qu’entraîne cette réglementation sont assez importantes et
devraient modifier significativement le «paysage» des produits porteurs d’allégations.
Pourtant,leconsommateur–etnoussommestousdesconsommateurs‐n’apasnotégrand
18J.P.Laplace,Profilsnutritionnels:uncritèred’éligibilitésanscompromis(SymposiumIFN,8novembre2007),
OCL,2008,15(1),5‐6.
28
changement dans laphysionomiedes linéairesde sonsupermarchédans les18derniers
moisalorsquelaréglementations’appliquaitdéjà.
Ceciestsimplementdûauxdélaisdemiseenplaceetàl’existencedemesurestransitoires
destinéesàpermettreauxpartiesprenantesdesedoterdesoutilsnécessaires.Lesystème
deprofilnutritionneln’estainsitoujourspasdéfinietlerèglementprévoitquelesaliments
non‐conformes à «ce profil» pourront continuer à porter des allégations pendant 2
ans…soitjusqu’àmi2011environ.
Cesmesurestransitoirespermettentégalementàl’AESAdepoursuivresatâched’évaluation
dans l’attente de la constitution en 2011 d’un «registre» dans lequel figureront les
allégationsquiaurontétérejetéesetlesraisonsdeleurrejet,etsurtout,lesallégationsqui
aurontétéautorisées.Cesdernièrespourrontêtreutiliséespartoutopérateur,pourpeu
que soient respectées les conditions d’application, relatives par exemple à la quantité
devantêtreconsommée,oubienàlapopulationconcernée.
Unecinquantainededossiersscientifiquesrelatifsàdesallégationsciblantdesenfants,ou
bien concernant la réduction de facteur de risque de maladies et/ou des allégations
«nouvelles»ontétéjusqu’iciévaluées.Seuls20%environontétéjugésfavorablementpar
l’AESA,cequiconfirmelehautniveauscientifiquerequis,etladécisiondelaCommissionà
leur égard n’est pas encore publique. Parmi les opinions favorables, citons celle sur le
calciumetlavitamineD,associésàlacroissanceosseuse,oubiencellereliantlesstérolset
stanols végétaux à une diminution du LDL‐cholestérol. De façon plus ambiguë, l’AESA a
reconnuquelesacidesgrasessentielsétaientimportantspourlacroissancedel’enfant,mais
nesemblepasfavorableàunecommunicationsurcethème,arguantdufaitquelesapports
alimentairesencesnutrimentssontaujourd’huisuffisantsenEurope.
Faceau faiblenombrededossiers retenus, les industrielsontdemandéà l'AESAdemieux
communiqueraveceux.Celas'esttraduitparunretraittemporaired'uncertainnombrede
dossiers non encore expertisés par l'AESA (Danone, Nestlé, Unilever) dans l'attente de
nouvelles dispositions. En réponse à cette demande, l'AESA n'a pas souhaitémodifier les
critères utilisés par les experts mais a proposé aux industriels de les aider dans la
constitutiondesdossiersenmettantenplacedesateliersoùladiscussionconcernantles
preuvesàapporterseraabordée. Lepremierdecesateliersestprévuendécembre2010
surlethème"tubedigestifetimmunité".
29
E‐Quepeut‐onattendredelamiseenplacedecetteréglementationsurlesallégations?
Cetexte,enpréparationdepuisplusieursannéesavantsapromulgationmi2007,agénéréet
génère encore de nombreux espoirs et de nombreuses craintes. Parmi les interrogations
posées,onpeutrelevercelledel’intérêtfinalpourleconsommateur.
Lamiseenplacedeprofilsnutritionnelsparaitaprioriuneidéeintéressantepourinciterles
industrielsà«améliorer»defaçonsignificativelaqualiténutritionnelledeleursproduits,et
notamment des catégories pour lesquelles cesmodifications peuvent être in fine les plus
efficacesenregarddesdogmesactuelsrésuméssansnuancesdansle«tropdesel,tropde
sucre, trop de gras». Dans cet esprit, l’amélioration nutritionnelle de l’offre alimentaire
globale passe en effet surtout par des modifications des produits les moins
nutritionnellement équilibrés lorsqu’ils sont étudiés isolément, sans grande considération
pourlaplacequ’ilsoccupentdansunealimentationcompositeetvariée.
Pourpouvoirprétendreàuneallégation,etvoirdoncreconnaîtreunintérêtnutritionnelà
leurs produits, si minime soit‐il, on peut parier que les entreprises concernées
entreprendrontoupoursuivrontdeseffortsconsidérablesetcoûteuxdereformulation.Il
n’estpascertainquelebénéficefinalpourleconsommateursoitaurendez‐vousdecette
logiquesimpliste.Audelàdestransfertsdeconsommationnonprédictiblesquipourront
être opérés par les consommateurs, cette logique de l’amélioration nutritionnelle dans
une quête du produit idéal génère un risque fort de nivellement gustatif et
d’uniformisationdesproduitsàl’opposédelaculturefrançaise.Ilseraitregrettable,parce
biaisde«l’amélioration»desproduits,delaisseruneculturealimentaireetnutritionnelle
anglo‐saxonne effacer progressivement des usages alimentaires nationaux dont on sait
qu’ilssontglobalementbénéfiquesetdégraderuneculturegastronomiquequivientd’être
classéeaupatrimoineimmatérieldel’humanitéparl’UNESCO.
F ‐ Le Registre communautaire des allégations nutritionnelles et de santé : dispositions
transitoires
IlestprévuquelaCommissionétablisseettienneunregistrecommunautairedesallégations
nutritionnellesetdesantéconcernantlesdenréesalimentaires.Ceregistrecommunautaire,
destinéàêtremisàdispositiondupublic,estappeléàcomprendre:
lesallégationsnutritionnelles, leursconditionsdevaliditéet leséventuellesrestrictions
adoptées;
30
les allégations de santé autorisées et les conditions qui leur sont applicables selon les
différentesmodalités;
lalistedesallégationsquiontétérejetéesetlesraisonsdeleurrejet.
Uneannexedistincterépertorie lesallégationsdesantéautoriséessur labasededonnées
relevantdelapropriétéexclusivedudemandeur.
Ilestévidentquedanslasituationprésente,leregistrecommunautairen’estpasdisponible,
l’examen des dossiers initialement déposés n’étant pas achevé. Cependant, l’Autorité
européenne devrait finaliser son appréciation d’ici la fin de 2011 pour une ou plusieurs
autresséries.
Finseptembre2010,laCommissionaannoncéqu’elleétaitfavorableàl’établissementd’un
processus permettant une adoption progressive de la liste des allégations de santé
autorisées dans l’Union européenne.Mais deux écueils ont du être pris en compte: i) le
risquededistorsionspossibles sur lemarchéentre lesopérateursdont lesallégationsont
étérejetéesetceuxrecourantàdesallégationsenattentededécision; ii) ladifférencede
traitementdesingrédientsvégétauxenvertudelalégislationsurlesallégationsdesantéet
envertudecellesurlesmédicamentstraditionnelsàbasedeplantes.AussilaCommissiona
invitél’Autoritéeuropéenneàparacheversonévaluationdetouteslesallégationsrestantes,
autresquecellesportant surdes substancesbotaniques,d’ici la findumoisde juin2011.
Cecipermettraitd’assurerquetouteslesallégationsdesantésurlemarchéaprèscettedate
seraient étayéespardespreuves scientifiques; celapermettrait aussi à laCommissionde
réfléchiràuntraitementcohérentdesallégationsportantsurlessubstancesbotaniques.
G‐Lesdifférentstypesdecomplémentsalimentaires
Il existe des compléments alimentaires à base de plantes, de minéraux, de vitamines ou
d'autres substances utilisées dans des secteurs très divers tels que : nutrition, minceur,
tonique,digestion,beauté,ménopause,cardiovasculaire...
Lescomplémentsalimentairesdoiventêtredivisésendifférentescatégories:
‐ les vrais complémentaires destinés à compléter la ration alimentaire par suite d'une
carencecarl'organismenesaitpaslessynthétiser(vitamines,minéraux).
31
‐lescomplémentsalimentairesàbasedeplantesqui,pourbonnombred'entreelles,ontun
passépharmaceutiqueetdisposentd''uneAMM.
‐lesautres…
Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie
‐ rappellent que, pour une très grande part de la population, le bon usage d’unealimentationvariéeetéquilibrée,sansallégationsparticulièresnicomplémentsd’aucunesorte, suffitàapporter tous lesnutrimentsnécessairesà la santé, etque l’usagede telsproduits porteurs d’allégations ou présentés comme des compléments n’est justifié quepourdesgroupesdelapopulationgénéraleoudessituationsdedéficiencecaractérisées;‐ déplorent les multiples retards qui tendent à discréditer le Règlement européen1924/2006, mais soutiennent néanmoins ses objectifs, et notamment la volonté d'uneaméliorationdel’offrealimentaireetd’uneprotectionaccrueduconsommateurcontredefaussespromessesenfournissantdespreuvesd’efficacitécliniquedequalité;‐ attirent cependant l’attention sur le fait que leRèglement européen1924/2006 est unoutilderégulationfavorisantlalibrecirculationdesproduitsetnonuninstrumentàviséede santé publique. Il est donc essentiel que soitmenée l’étuded’évaluationmentionnéedanslerèglementpourvérifierquesonobjectifinitialaétébienatteintetqu’iln'apasétédétournéd’unemanièrequipourraits’avérerendéfinitivepréjudiciableàunepartiedelapopulation;‐observentqu’ilestprécisémentfaitappelàdescritèresdesantépubliquepourdéfinirleprofil nutritionnel des aliments qui seraient autorisés à porter une allégation. Lacontroversepersistantesurlescritèresdechoix,responsableduretardconsidérabledeladécision«technique» en réponseà l’article 4 duRèglement 1924/2006, témoignede ladifficultépourceRèglementdeservirunepolitiquedesantépublique;‐ appuient la démarche de rigueur de l’AESA pour une évaluation de la pertinencescientifique des allégations fondée sur l’examende la totalité des preuves scientifiquesdisponibles(casdesplantesmisàpart).Maissoulignentleslimitesdesaresponsabilitéenl’absenceregrettabled’uneévaluationdelapertinenceenmatièredesantépubliqueetdetouteanalysebénéfice‐risqueconjointe;‐ rappellent que l’équilibre alimentaire se construit sur les consommations de produitsvariésaufildesjours.Ilestdoncregrettablequeleprocessusengagévisantàétudierlesallégationsalimentparaliment,souslacontraintedeprofilsnutritionnelsquin’ontd’autrevaleur que celle de seuils arbitraires, conduise à accréditer dans l’esprit du public l’idéefausse que l’équilibre alimentaire ne peut être atteint que par l’équilibre de chaquealiment. Elles attirent l’attention sur le fait que la conception sous‐jacente à cette
32
approche fractionnée de l’alimentation, nutriment par nutriment, est une conceptionerronée dont les résultats en termes de santé publique peuvent être considérés commenéfastes;‐ insistentsur lecaractèreanxiogènedel’exigencedutoutnutritionnelpour les individusqu’ellecoupedeleurphysiologieetdelaperceptiondeleurspropresbesoinsetrappellentavec force que l’alimentation doit rester un acte simple et spontané, affranchi de toutcalcul, et de toute auto‐surveillance obsessionnelle (orthorexie). L’aliment doit rester,conformément à la définition formulée par le Professeur Trémolières, «une denréecomestible,nourrissante,appétente,etcoutumière».
33
Chapitre3
Commentéviterlerisquedeconfusionaveclesmédicaments?
L'articledeA.deBrosses19permetdebiensituerlaquestion:
"Le Ministère de la santé intervient de plus en plus dans le monde alimentaire. Il a
largement diffusé deux Plans Nationaux Nutrition Santé (1 et 2) définissant les grands
objectifs à atteindre afin d’améliorer les équilibres alimentaires de la population. Le
Ministèrede la santéa rédigéun référentiel sur les engagementsnutritionnelsquipermet
aux entreprises qui en remplissent les conditions, de pouvoir communiquer en utilisant le
message suivant: « Entreprise engagée dans une démarche nutritionnelle encouragée par
l’Etat».LeMinistèredelaSantéaétéàl’originedelanouvelleréglementationpublicitaire
sur lesmessages sanitaires imposés aux annonceurs de produits alimentaires (ex : « Pour
votresanté,mangezaumoinscinqfruitsetlégumesparjour»).L’obésitéestdevenueaussi
unproblèmedefinancespubliques.
La Cour des Comptes amesuré l’impact de cette pandémie sur les comptes sociaux. Les
pouvoirs publics ont encouragé le rapprochement de l’aliment et du médicament pour
équilibrer les comptes sociaux à côté d’autres mesures, comme le déremboursement de
certains médicaments. Moins les gens sont malades, moins ils consomment de
médicaments, remboursés pour une grande part par l’assurance maladie. La première
démarche dans ce domaine a été de chercher à améliorer la qualité nutritionnelle des
aliments, pour éviter qu’ils ne nuisent à la santé. Ce chantier gigantesque concerne
actuellement toutes lesmultinationalesde l’agro‐alimentaireet lesenseignesde lagrande
distributionpourleursproduitsvendussousmarquededistributeur.Desauditsnutritionnels
completsdetouslesproduitssontencours.
C’est ainsi que sont nés et se développent les produits frontières, que l’on peut définir
comme des aliments comportant des substances actives et revendiquant un effet
bénéfique sur la santé. Ces aliments sont à distinguer des aliments courants qui se
contententden’avoiraucuneffetnégatif sur lasanté (ex :un fruit,unalimentallégé).Les
19A.deBrosses,Médicamentetaliment:nouvellesfrontières,nouveaumarché.Evolution,n°59Avril2008.
34
produits frontières ne se contentent pas d’être neutres. Ils sont actifs et revendiquent une
actionpositivesurlasanté(ex:margarineréduisantlecholestérol)."
Ildevientalorsfacilededéborderlafrontièreetdepasserdel'alimentaumédicament.Que
constate‐t‐on?
1‐AuniveaudelaCJE
Desdifférentesactions jugéespar laCJE, (voir lesbasesdocumentairesenAnnexe3) ilest
possibledetirerlespointsimportantssuivants:
‐Laqualificationrelèved’uneanalyseaucasparcas
L’élémentessentieldelajurisprudencecommunautairerésidedanslanécessitédeprocéder
àunexamenduproduitconcerné:
«Pourdécidersiunproduitrelèvedeladéfinitiondumédicamentparfonctionausensde
ladirective2001/83,lesautoritésnationales,agissantsouslecontrôledujuge,doiventse
prononceraucasparcas,entenantcomptedel’ensembledescaractéristiquesduproduit,
dontnotammentsacomposition,sespropriétéspharmacologiques,tellesqu’ellespeuvent
être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi,
l’ampleurdesadiffusion,laconnaissancequ’enontlesconsommateursetlesrisquesque
peutentraînersonutilisation.»
Enaucuncas,lesautoritésnationalesnedoivents’appuyersurdescritèresgénérauxquine
correspondent pas au produit concerné, ni procéder à unequalification systématique liée
parexempleàlaseuleprésenced’uningrédient.
‐Deuxanalysesopposéesdesdeuxbranchesdeladéfinitiondumédicament
Laréglementationcommunautaireviseàconcilierlesobjectifsdeprotectiondelasantédes
consommateurs et de fonctionnement du marché intérieur. A cette fin, le juge
communautaire considèreque lanotiondeprésentationdoit être interprétéedemanière
extensivealorsqu’àl’opposélanotiondemédicamentparfonctionviseàneretenirqueles
produitsdontlespropriétéspharmacologiquesontétéscientifiquementconstatées.
‐Descritèresobjectifspourqualifierunproduitdemédicamentparfonction
Lespropriétéspharmacologiquesd’unproduitsontlefacteursurlabaseduquelilconvient
d’apprécier,àpartirdescapacitéspotentiellesdeceproduit,sicelui‐cipeutêtreadministré
35
àl’hommeenvued’établirundiagnosticmédicalouderestaurer,decorrigeroudemodifier
desfonctionsphysiologiqueschezl’homme.
Dès lors, un produit qui, compte tenu de sa composition – y compris son dosage en
substances actives – et dans des conditions normales d’emploi, n’est pas capable de
restaurer,decorrigeroudemodifierdes fonctionsphysiologiquesdemanièresignificative
enexerçantuneactionpharmacologique,immunologiqueoumétaboliquenepeutpasêtre
qualifiédemédicamentparfonction.
Demême,lefaitquel’utilisationd’unproduitprésenteunrisquepourlasantén’estpasun
élémentpermettantd’indiquerqu’ilpossèdeuneefficacitépharmacologique.
‐Laprioritédonnéeaumédicamentimpliquequelescritèresdequalificationsoient
respectés
L’article2,paragraphe2,de ladirective2001/83doitêtre interprétéencesensquecette
directivenes’appliquepasàunproduitdontlaqualitédemédicamentparfonctionn’estpas
scientifiquementétablie,sanspouvoirêtreexclue.Leprincipeselonlequel,encasdedoute,
la priorité est donnée au droit dumédicament part du postulat que le produit concerné
remplitlesconditionspourêtreunmédicament.
Toutelaquestionposéerésidedansladernièredéfinitiondumédicamentquinepeutêtre
considéré comme tel que s'il est capable de restaurer, de corriger ou de modifier des
fonctionsphysiologiquesdemanièresignificativeenexerçantuneactionpharmacologique,
immunologique ou métabolique. Si un produit n'a ni effet pharmacologique, ni effet
immunologique,nieffetmétabolique,cenepeutpasêtreunmédicament.Orilexistedes
produits qui existent à la fois commemédicament et comme complément alimentaire.
Comment peut‐on expliquer cela? Que dire des médicaments dits de confort? Selon la
législationenvigueur,devraient‐ilsgarderlenomdemédicaments?
2‐AuniveauduConseilnationaldel'OrdredesPharmaciens(VoirAnnexe3)
Enfévrier2010,lescoursd'appeld'OrléansetdeLyonontrendutroisarrêtsimportants.La
qualification de médicaments par présentation et par fonction a été retenue pour des
produits à base de plantes médicinales commercialisés sous forme de gélules ou autres
formes.
36
Ils'agitlàdetroisdécisionsimportantescomportantunemotivationintéressante.Lescours
d'appelontreprislesprincipesdégagésparlacourdecassationenmai2009concernantla
définitionlégaledumédicament.
Concernant lesautorisationsau titredecomplémentalimentaire, l'unedescours rappelle
qu'une autorisation administrative de la DGCCRF n'est pas de nature à exclure la
qualificationdemédicamentsilesconditionslégalesd'unetellequalificationsontréunies.
Demême,ellerappellequelaloifrançaiseinstituantunmonopolepharmaceutiqueesttout
à fait compatible avec la règlementation européenne et s'applique indistinctement aux
produitsimportésdesEtatsMembresdel'UEcommeauxproduitsnationaux.
Enoutre,quandbienmêmeunproduitauraitétéqualifiédecomplémentalimentairedans
un Etat Membre, la qualité de médicament pourrait lui être attribuée dans l'état
d'importation dès lors qu'il en présente les caractéristiques. Rappelons à cette occasion
que les compléments alimentaires bénéficient des principes de libre circulation et de
reconnaissancemutuelleauseindel'UE,cequirendpossibleleurventelibrementauseinde
l'UE,dèslorsqu'unproduitaobtenuuneautorisationdansunEtatMembre.
3‐Lescomplémentsalimentairesenofficinefaceàl'arsenalthérapeutiqueenFrance.
L'arsenal thérapeutique en France est assez difficile à définir. En effet, compte tenu du
servicemédicalrendu,dudéremboursementtotaloupartieldecertainsmédicaments,des
habitudes du citoyen moyen face à l'automédication, de la possibilité pour les officines
d'offriruncertainnombredemédicamentsenvente libresurdesprésentoirs,deproduits
diététiques, d'aliments spéciaux et de compléments alimentaires, comment le
consommateurpeut‐ilytrouversoncompte?
Pourl'officinalquidoitavoirentêtelasécuritéduconsommateur:
Ladifférenceessentielleportesurlarèglementation:toutcequiatraitaumédicament(et
donctous lesproduitsayantuneAMM)doitrépondreà larèglementationdumédicament
etlesautresproduitsdoiventrespecterleurproprerèglementation.
Lesecondpointportesurlaconnaissanceduproduitqu'ilvend.SiunPharmaciend'officine
connaîtbien toutcequi toucheaumédicament, ilpeut se trouverendifficulté faceàdes
produits ne répondant pas forcément à ses compétences d'autant qu'il a la pleine
responsabilitédecequ'ilvend.Ildoitdoncavoiruneformationsuffisantedanscedomaine.
37
Qu'apporte un complément alimentaire autre qu'à base de vitamines et/ou deminéraux
destinésà "compléter" la rationalimentaireen casde carenceoud'apport insuffisant? Le
cas des plantes devant être mis à part comme nous l'avons dit plus haut, la notion de
"nutritionnel"n'estellepasunprétexteàmettresurlemarchédesproduitsquin'ontrienà
voiravecl'alimentation,maisbeaucoupplusavecdesproduitstrèsprochesdumédicament
quecertainsqualifientde"confort"n'apportantleplussouventqu'uneffetplacebo.
Letroisièmepointestrelatifàl'éthiqueprofessionnelle.Tantquelarèglementationrelative
auxallégationsnutritionnellesetdesantén'estpasentièrementmiseenplaceetque l'on
trouve encore des produits "trompeurs" pour le consommateur, la vigilance de l'officinal
doit êtremaximale. Enoutre, faceàdespropositionsde commercialisationdeproduits, il
doit raisonner en terme d'efficacité et de sécurité. Connaissant ses patients et les
médicamentsqu'ilsprennent,ildoits'assurerdelacompatibilitédesproduitsentreeux.
Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie
‐rappellentavecinsistancequelescomplémentsalimentairespeuventinduiredansl’espritdupublicuneconfusionaveclesmédicamentsdufaitdeleurprésentationsousformededoses,tellesquelesgélules,lespastilles,lescomprimés,etautresformesdepréparationsdestinées à être prises en unités mesurées de faible quantité. Elles souhaitent que surl’emballage figure la mention «Ce produit peut être incompatible avec certainsmédicaments»;‐estimentque le faitd'autoriserdesallégationsportantsur la réductiond'un facteurderisquedemaladiereconnaît lerôledecertainsconstituants/aliment/catégoriesd’alimentdans la prévention d’une maladie (prévention qui fait partie de la définition dumédicament) et que par conséquent les études cliniques à l’appui de ces effets doiventêtre de bonne qualité et faites sur des populations pour lesquelles il y a un véritablebénéficeàconsommercesaliments;‐ observent que, s’il existe des frontières juridiques bien définies entre un complémentalimentaire et un médicament, il n'existe pas de frontière claire entre un effet ditphysiologique et un effet pharmacologique. Il s’agit plutôt d’un continuum entre laphysiologie et la pharmacologie, entre un état d’équilibre et l’apparition d’un étatpathologique.Unemêmesubstance,unmêmeproduit,unemêmeplantepourrontavoirlesdeuxenfonctiondeladose,enfonctiondelaprésentationouenfonctiondel’intentiondugestethérapeutiqueouduconseilnutritionnel.
38
Chapitre4
Quelleplacepourlescomplémentsalimentairesàbasedeplantes?
Lescomplémentsalimentairesàbasedeplantesoccupentuneplaceàpartetleurapproche
nécessite une vision particulière. En effet, de très nombreuses plantes entrent dans la
composition de ces compléments de santé, la plupart faisant mention d’allégations
concernantleursvertusvoirelebienêtrequ’ellespeuventengendrer.
Enpremierlieu,ilestimportantd’embléedelesdéfiniretdecernerexactementleurplace:
1. Quels sont les différents types de plantes peu ou non concernéespar le problème
spécifiquedescomplémentsalimentaires?
‐Ils’agittoutd’aborddesplantesalimentairesayantunapportexclusivementnutritionnel
comme celles concentrant des vitamines, des acides gras, des éléments minéraux…voire
certainessubstancescommelescaroténoïdes.Lalégislationquilesencadresuitcelledeces
substances.
‐Cesontaussi lesplantestraditionnellesquisontconnuesdepuisplusieursdécadesetqui
sontenventelibrecommelacamomille,letilleul,laverveine…etquepersonneneconteste
plus pour lesmodestes bienfaits qu’elles peuvent engendrer et surtout pour l’absencede
risquesconnus.
‐Uncasparticulierconcerneaussilesplantesservantdematièrespremièrespourl’industrie
pharmaceutique qui doivent être considérées comme relativement toxiques dans de
nombreux cas en raison des molécules présentes leur assurant une importante activité
pharmacologique comme la belladone (atropiniques), la digitale (hétérosides
cardiotoniques),lapervenchedeMadagascar(vinblastineetvincristineanticancéreuses)…et
quiontétéet sontencoreà l’originede médicamentsdestinés à traiterdespathologies
sévères.
‐Enfin,lesplantes«exotiques»etd’utilisationnontraditionnelleenEuropeetquidoivent
émargeraurèglement«nouvelaliment»carleurimpactsurlespopulationseuropéennes
estencorepeuconnu.
39
2. Lecasdesplantesambivalentes:
Lesplantesquipeuventêtrequalifiéesd’«ambivalentes»secomptentparmi:
‐lesplantesquiprésententune«interface»aveclesmédicamentsàbasedeplanteset
quidanslaplupartdescassontlesmêmes,ilfautbienlereconnaître.Cesontcesplantes
quiposerontleplusdeproblèmeslégislatifscarellesrevendiquentdesaspectsdesanté
analoguesàceuxdesmédicamentsdetradition(aubépine,passiflore,valériane…),
‐ les plantes dites «aromatiques»20 qui possèdent de très nombreuses propriétés
biologiques voire pharmacologiques en dehors de leurs caractères organoleptiques
propres(thym,sarriette,girofle,…),
‐lesplanteslaxativesaccumulantdesprincipesd’activitérelativementdoucecommedes
mucilages,desgommes…(bouillonblanc,guimauve,mauve...)àl’exclusiondecellesqui
biosynthétisent desdérivés anthracéniques dont l’utilisationdoit être réservéeaprès
conseildupharmaciensurunecourtedurée(séné,bourdaine,cascara…),
‐lesnombreusesplantesayantdesimplicationssurlesdiversesfonctionsdel’organisme
(plantes à impact vasculaire, actives sur la sphère hépatobiliaire, sur les systèmes
digestif,urinaire,neurovégétatif…).
Commenouspouvonsleconstater,l’éventaildesplantesainsidisponiblesestimportant.
3. L’originalitédescomplémentsalimentairesàbasedeplantes:
L’utilisation de ces compléments à base de plantes s’est développée de façon quasi‐
anarchique en Europe et même dans le monde entier en raison de nombreux facteurs
comme l’idéepréconçueque se fait le public et qui est largement répandue, voulant que
«toutcequiestnaturelestforcémentbon».Onoublietropfacilementquelesplantesont
développévis‐à‐visdeprédateurspourassurerleursurviedesmoyensdedéfensequisont
dessubstancestoxiquespourtouscommedesalcaloïdes,desterpènes,desstéroïdes…21
Onoublieaussiquecertainessubstancesprésentesdansdeshuilesessentiellespossèdentà
certaines doses un neurotropisme important pouvant mettre en jeu la vie humaine!
(thuyones,eucalyptol,camphre…).
20PlantesaromatiquesTeuscherE.,AntonR.,LobsteinA.,416pages,Ed.Tec&DocLavoisier,Paris,1èreéditionfrançaise(2005)21PlantesàrisquesFrohneD.,PfänderH.J.,AntonR.,460pages,Ed.TecetDocLavoisier,Paris,1èreédition
française(2009)
40
L’allongement de la durée de la vie et surtout l’augmentation du niveau d’éducation de
chacunfontque l’onéprouve lebesoindesesoignerparsoi‐même,desavoircequinous
réussit et de consulter toute la littérature plus ou moins scientifique pour s’informer le
mieux possible. Ainsi chaque individu a le désir de prendre sa santé en charge et de se
responsabiliser par le choix de plantes privilégiées, ce qui dans un certain sens peut être
louable.
L’augmentation des coûts de la santé et l’automédication étant à la charge des individus
n’ontguèreopposédefreindanslamesureoùlescentresanti‐poisonsetleshôpitauxn’ont
signalédes accidents gravesquedansdes casprécis et relativement limitéseuégardà la
consommation… d’autant que peu de médecins connaissent réellement les impacts
pharmacologiques des plantes autrefois considérées comme «médicinales». Aucun cours
particuliern’estdonnédanslesFacultésdeMédecine,cequiestregrettable.
Il convient aussi de mentionner qu’une des différences essentielles par rapport aux
vitamines,auxminérauxrésidedanslanaturetrèscomplexedelacompositionchimiquede
cesvégétauxquinesontpascaractérisésparunesubstanceisoléemaispardenombreux
constituants actifs, issus de chaînes biosynthétiques accumulant toute une série de
substances proches les unes des autres et différant en général par quelques fonctions
chimiques spécifiques greffées sur un squelette moléculaire caractéristique de l’espèce
botaniqueenquestion.
Enfin ilconviendraderemarquerquedepuisdesmillénaires, l’hommeatriésur lui‐même,
c’est‐à‐dire a réalisé de véritables essais cliniques pour sélectionner dans les meilleures
conditions les meilleures plantes, les meilleures formes d’utilisation, les meilleures
conditions d’emploi… et ce pour son bien être. C’est dire l’importance du concept de
tradition qui se double d’un long recul d’utilisation a priori sans effets secondaires
apparents.
4. Lesimpératifsàsatisfaire:
Ilvadesoiquecertainesexigencesnepeuventêtrecontournées.Cesontnotamment:
‐Unesécuritéd’emploiabsolue…oudumoinslaplushautepossiblecomptetenudela
destinationdesproduits(enfant,femmeenceinte,personneâgée,…voireavecunprofil
pathologiqueparticulier:diabète…problèmesrénaux,hépatiques),
41
‐ Une qualité parfaitement maîtrisée depuis la matière première végétale de départ
jusqu’auproduitfiniavecdescontrôlesanalytiquesactualisés,
‐ Un bénéfice pour la santé évidemment positif sur la base des usages traditionnels
connusdepuisunelonguepériode,probantsetconfortéspardesdonnéesscientifiques
lesplusrigoureusespossiblesetuneaideconcrèteaumaintiendel’équilibredelasanté
duconsommateur,
‐Uneinformationloyaledupublicayantaccèsàcetypedeproduits.
Pourêtreplusprécis,lescritèressuivantsdoiventêtrerigoureusementrespectés.
Ainsiladénominationscientifiquecomplète(latineaveclenomd’auteur)delaplante
doitêtrestrictementdéfinieainsique laspécificationde lapartiede laplanteutilisée
(partiesaériennes,feuille,fleur,graine,écorce,racine…)voirecertainsexsudatsnaturels
(résine…),letypedeprocédédefabricationetlanaturedelaformegalénique(poudre,
typed’extraitenprécisant lanaturedusolvant…,huileessentielle)etéventuellement
lesassociationséventuellesdeproduits,doiventêtreclairementétablis.
Ilesteneffetnécessairedebiencomprendrequeselonl’espècebotanique,lapartie
delaplanteetselonleproduitfinalprésenté,lesprofilschimiquesnesontabsolument
paslesmêmescequirevientàdirequeleseffetsattendusnesontpasidentiques.Ilest
donc impératifde fixeraumieux touscescritères liésàdesvariablesquiconduisentà
desproduitsquisontdifférentslesunsdesautressansparlerdesconditionsdecultures,
environnementales, des conditions de récolte… qui doivent être consignées dans un
cahierdeschargesprécis.
5. LemodèledumédicamentàbasedeplantesetlesAMMcorrespondantes:
Commecetypedemédicamentjouitd’unstatutprivilégiéetquelescomplémentsàbasede
plantesontdefortesanalogiesdecompositionschimiques, ilest importantdeserappeler
quelalégislationeuropéennemiseaupointparl’EMEA,actuellementl’EMA,reconnaitdeux
typesd’indicationsthérapeutiques:
- Celles où il est fait mention d’une «utilisation traditionnelle» pour laquelle aucune
preuve clinique ni toxicologique n’est demandée avant la mise sur le marché à la
condition que le dossier concernant la qualité dumédicament permette de supputer
l’absence de toxicité voire d’effets secondaires, et à condition de suivre à la lettre la
42
monographie correspondante publiée concernant la plante, le type d’extrait, les
conditions d’emploi… Cette approche est fondée sur le bon sens eu égard au recul
d’utilisationtrèsimportant(environunegénérationsoitunetrentained’années)….
- Cellesoù lamentionfaitréférenceàunmédicament«d’usagemédicalbienétabli»et
dont le profil pharmacologique et clinique est soutenu par une littérature scientifique
actuelle et par une bibliographie moderne. Dans ce cas aucune preuve d’efficacité
clinique n’est demandée à la condition là aussi que l’on suive la monographie
correspondante.
6. Lestextesofficielsderéférence:
Diversgroupesd’expertssoitauniveaunational,soitauniveaueuropéenontréfléchiàcette
situation relativement ambiguë pour laquelle aucune mesure clairement établie ne
définissaitlaplaceexacteducomplémentalimentaireàbasedeplantesparrapportàcelle
dumédicament.
- Un premier rapport a été publié par l’AFSSA en 2003 qui a mis en exergue une
possibilitédedifférencier deux typesd’objectifs22. Cetteapprocheétait fondéesur la
finalitérecherchéesoitpourtraiterunepathologiedanslecasdumédicament,soitpour
rechercher un impact physiologique pour le complément alimentaire. Il était ainsi
relativement aisé de décider que pour une affection bronchique aiguë, seul le
médicament était reconnu alors que pour des troubles digestifsmineurs et passagers
(indigestionparexemple),l’équilibredelasantéétantmodifiésanspourautantêtredu
ressortd’uneréellepathologie,l’intérêtdelaprised’uncomplémentalimentairepouvait
être reconnu. Il était alors relativement facile aussi de compléter ces indications
thérapeutiques et ces allégations en y incorporant une liste précise de plantes et de
préparationscorrespondantes.
- Cepointdevueetcettelignedeconduiteontétéaussiacceptésparlesexpertsdes
différentes délégations nationales et publiés en 2005, constituant ainsi des lignes
directricessousl’égideduConseildel’Europe23.Deplus,lesexpertsontmisaupointun
documentprécisantleconceptd’homéostasieliéàdesactionsphysiologiquesdestinées
22AFSSA(2003)Frameworkfortheevaluationofthesafety,theeffectandtheclaimsoffoostuffsmadefromplantsforthehumandiet23CouncilofEurope(2005):lignesdirectricesconcernantlaqualité,lasécuritéd’emploietlamisesurlemarchédescomplémentsalimentairesàbasedeplantes
43
à êtremaintenues, supportées, optimisées en opposition avec lemédicament dont la
mission est de restaurer, corriger etmodifier ces fonctions physiologiques par le biais
d’une action pharmacologique, immunologique ou métabolique24. C’est là toute la
différencedecesfinalitésquidoiventêtrepriseencompte.EnfinleConseildel’Europea
publiéundocumentprécisantquellesétaient lespopulationsàrisquesetdont leprofil
desantédevaitêtreconsidéréavecsoinavanttouteadministrationdecesproduits.
- Laphilosophied’approcheplusrécentedel'AESAaétécomplètementdifférentecar
elles’estfondéesurlesexigencesscientifiquesetcliniquesfixéespourlesvitamines,et
les minéraux…Cette transposition aux plantes ne pouvait guère être acceptable car
totalementinadaptée,puisquecesproduitsn’ontrienàvoirlesunsaveclesautres.
- Parallèlement, des lignes directrices ont été publiées en 2009 relatives à une
évaluation toxicologique des plantes et des préparations à base de plantes en
considérant a priori deux niveaux d’appréciation. Le niveau A est fondé sur les
connaissancesscientifiquesdisponiblesprouvantnotammentl’innocuitédelaplanteet
desapréparationetconsidéréescommesuffisantes.UnniveauBest fondéparcontre
sur de nouvelles données toxicologiques devant être justifiées par des tests les plus
actuels(génotoxicité…).
Deplus,l’appréciationdesallégationssouhaitéesparledemandeurpourunproduitdonné
afaitappelàdeuxévaluationssuccessives:
- l’unefondéesur lacaractérisationde lamatièrepremière,dumodedepréparation
etduproduitfiniquidoiventêtrepréciséessansambiguïté,
- l’autrefondéesurdespreuvescliniques,publiéesdanslalittératurescientifique
internationaleousurdesessaiscliniquesréalisésparledemandeur,mettantenévidence
unepreuved’efficacitéhumaine…chezunsujetsain!
7. Desdifficultésinsurmontablessefontjour:
Eneffet,avecunpeudebonsensl’onpeutadmettresanspolémiqueaucunequ’apporterla
preuve précise d’une efficacité clinique chez un homme sain, c'est‐à‐dire en «bonne
santé», passe par un choix de paramètres non évidents à établir… Quels paramètres
prendredanslamesureoùl’hommesainpossèdepardéfinitiondesparamètresbiologiques
24CouncilofEurope(2006):homeostasis,apracticaltooltodistinguishbetweenfoodsupplementsandmedicines
44
«normaux»!etcommentmettreenévidenceuneaméliorationphysiologique?C’estlàtout
leproblème!
Par ailleurs, apporter la preuve d’une réduction du risque de maladie (définition du
complément alimentaire) et d’un rééquilibrage des processusmétaboliques relève d’une
certaineutopie…
Unetelleapprochemontreparconséquentl’incohérencedusystèmedejugementimposé
d’autantquel’onnedemandeaucunejustificationcliniquepourunmédicamentàbasede
plantes qui s’adresse à une pathologie et que l’on impose une démonstration d’efficacité
cliniquepourcesmêmescomplémentsquisontdestinésà«consolider»unétatdesanté!
8. Quelquespropositionsconcrètes:
- Ilest importantquedenouvelles lignesdirectricesclairesetprécisessoientélaboréesafin
detrouverunesolutionéquitableauproblèmeposé.
- Dans cette optique, un dossier complet définissant le plus rigoureusement possible la
qualité,delamatièrepremièrevégétaleauproduitfini,doitêtredéposétandisquelapartie
pharmaco‐toxicologiquedoitêtreadaptéeetfondéesurl’expérienceacquise.
- Desallégationsfondéessurlatraditionetlereculd’utilisationafind’assurerplusdejustice
etd’harmonieeuropéenneavec la législationdu médicament touten fuyant toute forme
d’obscurantismedoiventpouvoirêtremisesenplace.
- Une information précise mettant en exergue des règles de prudence en matière de
consommation (miseengardedes réseaux internetnonvérifiés,publicités tapageusespar
correspondance…)doitêtremiseaupointetimposée.
- Unelistedeplantesàrisquesdisponiblepourlesautoritésdesantépeutêtreutile,précisant
justement l’espècebotaniqueenquestion, lapartieutiliséeet surtout laou lesmolécules
présentes qui peuvent entraîner un risque pour la santé. C’est le cas de l’objectif du «
compendium»25 établi par un groupe d’experts de l’AESA, liste qui ne doit pas être
considérée comme une liste négative de plantes mais bien plutôt comme une sorte de
«drapeaurouge»indiquantqu’ilpeutyavoirunproblèmedesécuritéd’emploiultérieuren
utilisant ce typedeplante. Iln’estpas interditd’ailleursdepenserque l’onpuisseutiliser
25Compendiumofbotanicalsthathavebeenreportedtocontaintoxic,addictive,psychotropicorother
substancesofconcern(encoursd’élaboration)
45
uneplantedecettelisteàconditiond’avoirpristoutes lesprécautionspouréliminer leou
lesconstituantsàrisques.
9. Quelquesrecommandations:
- Il faut d’emblée reconnaître que la dénomination «compléments alimentaires» est
inadaptée pour les plantes dans sa traduction française: en effet, ce ne sont pas des
compléments «nutritionnels» destinés à compléter une alimentation normale mais des
«suppléments alimentaires» utilisés dans certaines conditions bien précises et pour un
tempslimitécequirejointl’intituléinternationalde«dietarysupplements».
- Bienentendu toutedénomination faisant référenceaumédicament serabanniedemême
que celles qui ont fleuri dans la presse et la communication comme : «alicament,
nutraceutique…).
- Ilconviendrad’évitertouteformed’innovationtrop«provocatrice»enutilisantdesplantes
dont le recul d’utilisation en Europe et les connaissances chimio‐pharmaco‐toxicologiques
sontimprécisesetflouessurleplanscientifique.
- L’élaboration d’un dossier scientifique par l’industriel répertoriant tout ce qui peut être
connu sur la plante d’origine et le produit fini est indispensable au cas où le moindre
problème de sécurité se poserait et d’un cahier des charges apportant tous les éléments
relatifsàlaqualitéetl’innocuitéduproduitsontderègle.
- Ilconviendraaussides’écarterlemoinspossibledelaformetraditionnelled’utilisationqui
bénéficied’unrecul importantetdoncd’unapriorid’atoxicité.Danscecontexte,plusl’on
s’éloignerait de cette forme traditionnelle, plus leniveau toxicologique exigédevrait être
élevé: les récents accidents ont démontré cette acception (cas de la germandrée ou
Teucriumchamaedrys…).
- L’étiquetagedevraêtre lepluspréciset leplusobjectifpossible, rappelant laduréeet les
conditionsd’utilisationsanseffetsdélétères…
- Ilseraitbonqu’unelistedeplantesautoriséesavecleursconditionsd’emploisoitpubliéepar
les autorités de tutelle, avec des allégations permises sans avoir recours à des preuves
irréfutablesd’activitéphysiologiquepourdesplantesetdesproduitsdérivésquin’ontqu’un
impactsurl’équilibrehoméostasiqueetphysiologique.
- Enfin, ces allégations doivent être fondées sur la tradition d’emploi en premier lieumais
aussi sur lesélémentsdebibliographie toxicologiquesdisponibles,essentiellement liésau
46
profil chimique dénué de molécules toxiques et si cela peut être possible à des études
cliniquesdisponibles…
- Ensomme,ilseraitbienutilequ’unpeudeclairvoyanceetdebonsenspuissentprésideraux
destinéesdescomplémentsalimentairesàbasedeplantes,enassurantévidemmenttoute
la sécurité nécessaire tant au niveau du fabricant, du pharmacien d’officine que des
consommateursetquelesautoritésdetutellequiontencharge lamisesur lemarchéde
tels produits veuillent bien accepter d’adapter des critères de sécurité, d’efficacité et de
qualité… compatibles avec la réalitéet avec pragmatisme!. Cela permettrait demettre un
peuplusd’ordredansunmarchémondialquasianarchique!
Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie
‐ considèrent que la dénomination «complément alimentaire» est inadaptée pour lesplantes dans sa traduction française: en effet, ce ne sont pas des compléments«nutritionnels»destinésàcompléterunealimentationnormalemaisdes«supplémentsalimentaires»utilisésdans certaines conditionsbienprécisesetpourun temps limité cequirejointl’intituléinternationalde«dietarysupplements»;
‐ estiment que les «compléments alimentaires» (selon la Directive européenne2002/46/CErepriseenFranceparleDécret2006/356du20mars2006)àbasedeplantesoccupentuneplaceàpartetnécessitentunstatutparticulieràchaqueEtatMembrecariln’existeaucunconsensusauniveaueuropéen;
‐ regrettent dans un souci d’équité et de transparence pour le consommateur que lescritèresdereculd’utilisationetd’usagetraditionnelnesoientpasreconnusofficiellementpour les "compléments alimentaires"àbasedeplantesalorsqu’ils sontpris en comptepourl’évaluationdel’intérêtetlamisesurlemarchédesmédicamentsquirenfermentdesplantesanalogues;
‐souhaitentqu’entermesdepreuvesd’efficacitéetd’allégationsunéquilibreraisonnablepuisseêtretrouvépourharmoniserl’existencedecesdeuxcatégoriesdeproduitstoutenveillantàleurinnocuité;
‐souhaitentqu’unelistedeplantesautoriséesavecleursconditionsd’emploi(enprécisantlespartiesutiliséeset leurmodedepréparation)soitpubliéepar lesautoritésnationalesdetutelleaprèsavisd'unComitéd'experts;
‐demandentd’éviter,voirederefuser, touteformed’innovationtrop«provocatrice»enutilisantdesplantespourlesquelleslesconnaissanceschimio‐pharmaco‐toxicologiquesetlereculd’utilisationsontscientifiquementinsuffisantes;
–souhaitentpourlacaractérisationdesplantesetdeleursprincipesactifs,quesoitexigée,chaque fois que c'est possible, la conformité aux monographies de la Pharmacopéeeuropéenneouàdéfautd'unePharmacopéenationaled'unEtatMembre.
47
Chapitre5
Commentassurerlasécuritéd’emploidesCompléments
alimentaires?
1‐Lesrisquesetdangersdescomplémentsalimentaires
Les "compléments alimentaires" regroupent différentes catégories de produits mais deux
grandesclassespeuventêtreenvisagées:
‐ lesproduitsdecompositiondéfinieparleurstructurechimiquesimple:vitamines,
selsminérauxouparunprocédé industriel lourdet validéetuncontrôleanalytiquebien
rodécommelesyoghourtsdanslespaysindustrialisés.
‐ les plantes et produits à base de plantes après une transformation sommaire
commeladessiccation,lapulvérisation…voirelapréparationd'extrait,degélules….
Pour tous ces produits, les dangers peuvent être d'origines diverses : contaminations
chimiques (plomb, mercure…), microbiologiques, mais aussi allergies, mésusage ( body
builders,sportifsenquêtededopantnonrecensé,sujetsatteintsdetroublesde l'érection
oud'un surpoids…), fraudesmultiples. Lesdéclarationsd'effets indésirables sont rares car
elles ne sont pas encore entrées dans les modes de raisonnement du public et des
professionnelsdesanté.D'ailleurs,savait‐onàquilesadresseravantleDécretN°2010‐688
du23juin2010relatifàlavigilancesurcertainesdenréesalimentaires?L'AFSSAn'étaitpas
connueducorpsmédicalautantquedesvétérinaires.
La vigilance confiée à la nouvelle agence l'ANSES est donc débutante. Ainsi on ne sait
pratiquement rien sur les dangers pour le fœtus, pour la femme enceinte, pour l'enfant
allaitédanslecasd'unusagenormaletafortioriencasdemésusagedecesproduits.Cette
situationn'estpasréservéeàlaFrance.Sansvigilance,iln'yapasdenotificationetdoncpas
d'effet indésirable recensé d'où une fausse impression de sécurité. On peut retrouver
cependantsurlessitesdel'AFSSAetdel'AFSSAPSquelquesalertesquisontrapportéesdans
l'Annexen°6.
48
Enfin,notonsbienque,selonlacatégoriedeproduits,lesdangersnesontpaslesmêmes:
Laclassedesvitamines,desselsminéraux…, concernedescomplémentsalimentairesde
composition simple pour lesquels sont connus les besoins journaliers pour des sujets en
bonnesantéounécessitantéventuellementunpetitappoint.Cesontsurtoutdesproduits
pour lesquels lesallégations sontassez facilementdémontrables ; les conseilsd'utilisation
sontétayéspardesétudesdont laqualitévaens'améliorant.Lesproblèmesdetraçabilité
sontrelativementsimplesàrésoudre,saufdanslamajoritédescasd'achatsurInternet®.
Les principaux dangers sont liés au mésusage ou aux fraudes, aux contaminations
bactériologiques ou toxiques qui sont assez facilement détectables pour desmélanges de
composition simple. De nombreux fabricants ayant pignon sur rue travaillent avec des
critèresdequalitéprochesdeceuxdel'industriepharmaceutiqueetlesproduitsmissurle
marché officiel sont, somme toute, assez sûrs si l'on respecte les conditions d'emploi
recommandées.
La seconde catégorie concerne des produits que les français ont une propension
grandissante à utiliser car un climat deméfiance à l'égard desmédecines traditionnelles
favorisetoutcequiest"vert", "bio","doux","naturel",voireorientaletmystérieux. Ces
produits sont souvent importés et/ou achetés sur Internet® et la traçabilité est alors
problématiquedemêmequel'identificationaprèsladessiccationetlapulvérisation.
Lacompositiondesmatièrespremièresd'originevégétaleestdanstouslescasvariableavec
la production (culture ou cueillette), selon le sol, la saison, la météorologie…Elle diffère
profondémentselon lapartiede laplanteutilisée,et surtoutentreunepoudredeplante,
unetisane,unextraitaqueux,unextraitalcoolique(cf.lecasdugaléga,annexe6)…
Les erreurs d'identification, les problèmes de contamination (pesticides, fraudes), de
conservationsontmultiplesets'ajoutentaumésusage.Denombreuxdangerssontsignalés
enFranceouàl'étranger;onpourraconsultersurcepointlesiteFDA:
http://www.fda.gov/Food/DietarySupplements/Alerts/default.htm
Les allégations santé, quant à elles, reposent sur des traditions et sont pratiquement
impossiblesàdémontrerpardesessaiscliniquesbienfaits:lesactivités"physiologiques"ou
thérapeutiques sont modestes, la variabilité des produits importante et il faudrait un
nombredesujetsénormeetdoncuninvestissementsansespoirderetour. Ajoutonsque,
depuislongtemps,lestenantsdelapharmacognosiesesontattachésàextraireetidentifier
49
desprincipesactifsdontl'actionétaitdémontrablesurunorganeisoléousurunanimalde
laboratoire.Cependant, uneactivité thérapeutiquen'estdémontrée valablement quepar
desessaiscomparatifschezl'hommeenrespectantlesrèglesdelapharmacologieclinique,
BonnesPratiquesCliniquescomprises.Cecicompliquelatâchedesspécialistesdesdrogues
végétales qui ont cependant, ne l'oublions pas, mis à l'honneur quelques substances
d'activité thérapeutique considérable comme la ciclosporine et les alcaloïdes de la
pervenche.
SilasituationadministrativeenFrancedescomplémentsalimentairesd'originevégétaleest
complexe,lepointsurlesdifférencesconstatéesdansl'Unioneuropéenneestconsternant.
OnentrouveradesexemplesenAnnexe6.
2‐Surveillance:LaNutrivigilance
La loiHPST publiéeen juillet2009 exigeque soitmiseenplaceune structuredestinéeà
identifierleseffetsindésirablesliésàlaconsommationdescomplémentsalimentairesetdes
nouveauxaliments(effetsaigusousub‐chroniques).
Phase pilote : Identification d'une augmentation importante de la consommation des CA.
Actuellement, 1 adulte sur 5 et 1 enfant sur 10 consomment 1 CA par an. Les femmes
consomment2foisplusdeCAqueleshommes.12%consommentdesCAàlongcours.Iln'y
aaucuneobligationàprendredesCAsaufpourlesjeunesenfants,lespersonnesâgéesetles
femmesenceintessurconseilmédical.Iln'yapasd'étudessurlesconséquencesdelaprise
deCAàlongcours.
Dispositif :Touteffetindésirabledoitêtresignaléparunprofessionneldesanté(Médecin,
Pharmacien,Diététicien,Infirmière).LesparticuliersdoiventpasserparunProfessionnelde
santé.Lafichededéclarationesttrèsvoisinedecelleutiliséedanslecadredelapharmaco‐
vigilance.
L'enregistrement des déclarations et leur analyse se fait au sein du Comité technique
constitué des représentants de la DGS, DGCCRF, DGAL, AFSSA, InVS, AFSSAPS, AFLD et
CAPTV.
L’imputabilité est une phase clé. Elle est basée sur la même méthodologie que la
pharmacovigilancequicomportedeuxscores :unscorechronologique(leplus important :
50
apparitionaprès laprise, tempsdeprise, tempsderéapparitionencasdereprise...)etun
scorescientifique,soitintrinsèque,soitextrinsèque(Bibliographie).
Bilan : 123 déclarations en 1 an dont 49 % de signalements prospectifs et 51% de
signalementsrétrospectifs(enmémoiredanslesdifférentesagences).
3typesd'effetsindésirables:
‐ Confusion dans la délivrance : délivrance de Préviscan (anticoagulant) au lieu de
Préservision(pourlesDMLA)
‐ Effets observés avec différents produits renfermant la même substance (toxicité
liéeauproduit‐Qualité?)
‐Effetsobservésaveclamêmegammedeproduits(Analysedelacompositionpour
trouverleproduitresponsable)
Orientation2011:
‐Sensibiliserlesprofessionnelsdesantépourlaremontéedesdéclarations
‐Sensibiliserlesindustrielsàcetteopération
‐ Ne pas effrayer,mais ne pas banaliser avec pour but d'améliorer la sécurité des
consommateurs.
Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie
‐soutiennentledéploiementduDispositifnationaldevigilanceensoulignantque,s’iln’yapasdebénéficepourlapopulationgénéraleàconsommerdescomplémentsalimentaires,leur usage prolongé en auto‐prescription constitue un risque dans lamesure où il peutexisterdeseffetssecondairesindésirables,quedesaccidentsontétérapportésetquel’onmanqued’étudesquipermettraient lorsdeprises régulièresau long cours,d’établir leurtotaleinnocuité;‐attirentl’attentionsurlefaitqu’ilexistepourcertainesvitaminesetcertainsminérauxunrisque de dépassement des limites de sécurité du fait du cumul de la consommationd’aliments enrichis et de l’usage de compléments alimentaires, lors de consommationsextrêmespardesciblesparticulières;‐mettentengardecontrelesdifficultésd’évaluationdel’innocuitédanslecasdesplanteset des extraits végétaux, et contre l’insuffisante évaluation du risque accru dedéveloppementdetoxicitélorsd'unesupplémentationaulongcours;‐ alertent contre lemésusage de compléments alimentaires qui peuvent s’intégrer dansune stratégie de dopage, intentionnelle ou non, favorisée par la commercialisation viaInternet, difficilement contrôlable, de toutes sortes de produits aux caractéristiquesincertaines.
51
Chapitre6
Commentassurerlaprotectionduconsommateur?
Audition de Mr. Charles Pernin, Ingénieur Agronome, CLCV (Consommation, Logement,
CadredeVie).
CLCVestunefédérationd'Associationslocales(environ400)quiregroupe30.000adhérents
L'étudedelaconsommationdesCAestdevenueunenjeupourleCLCVsuiteàlaparutiondu
règlementEuropéenrelatifauxallégationssanté,notammentpourtoutcequiconcerne la
loyautédel'informationduconsommateuretl'efficacitédesproduits.
En2007, leCLCV,par l'intermédiairedeCh.Pernin,adécidéd'engageruneenquêtesur la
crédibilitédeseffetsrevendiquésaprèscollectede140produitsrécupérésdansdesgrandes
surfacesetsurInternet(aucunproduitachetéenpharmacie).
4catégoriesdeproduitsontfaitl'objetd'investigation:
‐ les produits minceur (environ 60%) renfermant des substances de type caféine,
thévert,CLA(acidelinoléiqueconjugué),chitosan;
‐lesproduitstoniques,anti‐âge:cocktaildevitaminesetminéraux,ginseng;
‐lesproduitssantépourlapeauetlescheveux:huiledeBourrache,silice;
‐lesproduitspourlaménopause:isoflavonedesoja.
Recherche des principes actifs, preuves existantes de l'efficacité via PubMed, et les
documentspouvantêtreémisparl'AFSSA,l'AFSSAPS,etleNIH.
Lesconclusionsdel'étudesontlessuivantes:
‐Niveauxdepreuvetrèsinsuffisantsparrapportàl'efficacitérevendiquée;
‐Existenced'unesurenchèredanslesallégations;
‐ Apparemment pas de changement depuis la parution du règlement européen, le
ménageattendun'apasencoreeulieu.
Autotal,ledomainedescomplémentsalimentairesnécessiteuneremiseenordreleplustôt
possible afin que cessent les allégations trompeuses pour le consommateur et le CLCV
comptebeaucoupsur lesexpertsde l'AESApourquenesubsistentque lesproduitsayant
52
démontré leur efficacité et leur innocuité. Le domaine des CA à base de vitamines et
minérauxrestevalideencasdecarenceenfaisantattentionauxrisquesdesurdosage.
Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie
‐estimentquelafabricationetlecontrôledescomplémentsalimentairesenFranceselonles recommandations des principales organisations professionnelles sont un gage dequalitéetqu'ilfauttoutfairepouréviterqueleconsommateurnesefournisseauprèsdesites incontrôlés via Internet, et pour l’encourager à solliciter les avis dumédecin oudupharmacien;‐souhaitentqueleslistescommunautairesd'allégationsautoriséesquisontdisponiblessurInternet, soient régulièrement mises à disposition des consommateurs toutparticulièrementgrâceauréseaudespharmaciesd'officinequiréalisentenFranceplusde50%duchiffred'affairesdescomplémentsalimentaires;‐ demandent que les professionnels de santé qui prescrivent ou conseillent ces produitsaientune formationsuffisantepourpouvoirconseillerefficacement leconsommateur.LeCorpsmédicaletlesPharmaciensd'officineontàceniveauunrôleprimordialàjouer;‐proposentque lesprescriptionsmédicalesdecomplémentsalimentairessoient rédigéessuruneordonnanceséparéedecelledesprescriptionsdemédicamentspouréviter touteconfusion de délivrance à l'officine (surtout lorsque les dénominations des complémentsalimentairessontprochesdecellesdespécialités);‐ regrettent qu’il soit aussi difficile de protéger le consommateur de ses propres erreursalorsqu'estentretenueunecertaineconfusionentrealimentetmédicamentdansl’espritdupublic.Eneffet,ledéremboursementdecertainsmédicamentsetlapratiquecommuned’une automédication incontrôlée peut favoriser l’usage abusif de complémentsalimentaires.
53
Recommandations
desAcadémiesdeMédecineetdePharmacieLerèglement(CE)n°1924/2006duParlementEuropéenetduConseildu20décembre2006,modifié en date du 18 janvier 2007, régit l’utilisation des allégations nutritionnelles et desanté portant sur les denrées alimentaires (aussi bien les aliments que les complémentsalimentaires)afind'harmoniserleslégislationsauseindesEtatsMembresetdeprotégerleconsommateur.C’estunoutilderégulationfavorisantlalibrecirculationdesproduits;maisiln’estpasconçupourêtreuninstrumentdesantépublique.En effet, pour pouvoir bénéficier d'une allégation, les denrées alimentaires devraientrespecter un «profil nutritionnel» établi en prenant en considération i) les quantités denutrimentscontenuesdansleproduitconsidéré,ii)laplacedeladenréealimentaireetsonapportaurégimedelapopulationconsidérée,iii)sacompositionnutritionnelleglobaleainsique la présence de nutriments reconnus scientifiquement comme ayant un effet sur lasanté.Maislesprincipessous‐jacentsenmatièredecompositionnutritionnellerelèventtrèslargement d’une application arbitraire à l’ensemble de la population de règles qui n’ontd’intérêt que pour certaines catégories, et conduisent insidieusement à une conceptionerronéedecequedoitêtreunealimentation saineetvariée, fondée sur ladiversitéet lacomplémentaritédesproduits.Cependant,l'analysedurèglement,lesexpertisesdel'AESAetlesauditionsréaliséesparlesgroupesdetravaildesdeuxAcadémiesontmisenlumièreuncertainnombredequestionsrelativesàlaconsommationetàlasécuritéd'emploidesproduitspotentiellementporteursd’allégations,etàlaconfusionlatenteentremédicamentetaliment.Faceàcesquestionsetauxremarquesauxquellesellesontdonné lieu, lesAcadémiesNationalesdeMédecineetdePharmacierecommandent: Concernantlesallégationsnutritionnellesetdesanté
1‐derenonceràlanotiondeprofilsnutritionnelsquinepeuventêtrequ’arbitrairementdéfinis, de limiter le nombre de denrées alimentaires susceptibles de porter uneallégation, et de leur imposer un étiquetage spécifique précisant l’avantage et lesinconvénientséventuelsduproduitconcerné;
2 ‐ de fonder leur sélection, non seulement sur la démonstration scientifique de l’effetallégué,maisaussisurlapertinenceentermesdesantépubliquedelamiseenmarchédetelsproduitsalimentaires,etsurlerésultatd’uneanalysebénéfice‐risqueapprofondie;
3 – de rejeter un modèle alimentaire et nutritionnel qui tend, par le biais de laréglementationeuropéenne,àeffacerprogressivementdesusagesalimentairesnationauxdontonsaitqu’ilssontglobalementbénéfiques;
54
Concernantplusspécifiquementlescomplémentsalimentaires
1‐derevoirladirective2002/46/CEafind'instaurerunedistinctionentre: descomplémentsalimentairesquisoientdesproduitsbiendéfinisetcaractérisés,
destinésàêtreutilisésencasdecarenceoudedéficience, lesproduitsàbasedeplantes,nondestinésàcompléterunealimentationnormale,
quipourraientêtredéfiniscommedessupplémentsalimentaires;
2–defaireensortequeleurutilisationdanscertainsgroupesdepopulationspécifiquesrelèveétroitementduconseilmédicalet/oupharmaceutique;
3 ‐ d’imposer qu’il soit apposé sur les emballages des compléments alimentaires unemention précisant que ces produits peuvent être à l'origine d'incompatibilités aveccertainsmédicaments;
4 ‐ de réviser le règlement1924/2006 pour définir les conditions dans lesquelles lessuppléments alimentaires (à base de plantes, voir en 1 ci‐dessus) pourraient releverd'allégationsnutritionnellesetdesanté,etdepublierunelistedeplantesautoriséesavecleursconditionsd'emploi;
5 ‐ de développer l’éducation du consommateur afin de l’éclairer sur les risques et lesdangersliésàuneutilisationirraisonnéeetaumésusagedecomplémentsalimentaires;
6 ‐ d’assurer la plus large information sur les listes communautaires d'allégationsautorisées, et de veiller à ce que les professionnels de santé aient une formation ennutritionetenpharmacologiesuffisante.
55
Annexe1
Lemarchéfrançaisdescomplémentsalimentaires
Lechiffred'affairesdescomplémentsalimentairesenFranceestde1.1milliardsd'euros.
‐53%deceCAestréaliséparlesPharmaciensd'officine(603millions);
‐23%deceCAestréalisésurInternet;
‐11.6%deceCAestréalisédanslesmagasinsdeDiététique;
‐9%deceCAdanslesgrandessurfaces.
Ces chiffres sont importants à connaître car plus de la moitié des ventes sont sous la
responsabilité des Pharmaciens d'officine. Si la formation qu'ils reçoivent en matière de
médicaments leur donne un avantage au plan efficacité et sécurité d'emploi des
complémentsalimentaires, il estnéanmoins capitalqu'ils soientparfaitement informésde
tout cequi touche lanutritionet la règlementationdans cedomaine.Nous y reviendrons
plusloin.
Laconsommationdecesproduitsestdueselonl'étudeINCA2:
‐pour26%auboucheàoreille‐
‐pour21%auconseildespharmaciens
‐pour27%àla"prescription"médicale
Des chiffres plus informatifs sont fournis par le CREDOC suite à 2 enquêtesmenées en
2006et2009.Lespointsparticulierssuivantssontàretenirpournotreréflexion:
1‐Laprisedecomplémentsalimentaires‐faitsuiteàunepublicitédans34à36%descas,‐
àunconseilmédicalsansprescriptiondans26%descas,‐àunconseilpharmaceutiquedans
21à29%descas,‐àuneprescriptionmédicaledans20à25%descas,
2‐Lesraisonsdelaconsommationsont:‐lafatigue(31à42%),‐desproblèmesdesanté
(nonspécifiés)(19à22%),‐laluttecontrelamaladie(!!!)(11à18%).
56
3 ‐ Les acheteurs font essentiellement partiedes classesmoyennesde la population. Ce
sontmajoritairementlesfemmesquiachètentpourlafamille(surtoutpourelles‐mêmeset
leursenfants).
4 ‐ Les enquêtes menées montrent que les compléments alimentaires contribuent à la
réductiondesdéficiences (cequidevraitêtre leurvéritableobjectif)uniquementdans les
domaines desminéraux et des vitamines. C'est d'ailleurs à ce niveau que l'on trouve des
recoupementspournepasdiredessuperpositionsaveclesmédicaments:casdesvitamines
B9,DetCparexemple.
5‐Encequiconcernelesenfants,
‐12%desenfantsde3à17ansconsommentdescomplémentsalimentaires
37%sousformedemédicaments
79%sousformedevitamines/minéraux
18%sousformed'extraitsdeplantesoudeproduitsnaturels
‐ Cette consommation est, pour 70% des cas, due à la prescription ou au conseil d'un
professionneldesanté,essentiellementPédiatresmaisaussiPharmaciensetInfirmières.
‐Enfait,ilfautconsidérerquelaquestiondescomplémentsalimentaireschezlesenfants
passe par le suivi pédiatrique et que c'est le Pédiatre qui sera le principal prescripteur
compte tenu de l'état de l'enfant et des carences ou insuffisances éventuelles. On
comprend donc mieux que les compositions des compléments alimentaires chez les
enfantsconcernentessentiellement lesvitamineset lesminérauxqui sontalorsdevrais
compléments alimentaires car ils permettent depallier une insuffisanceouune carence
d'apport.
57
Annexe2
L'IndustriedesCAenFrance
DeuxorganisationsprofessionnellessontreprésentativesdelafabricationdesCAenFrance:
SYNADIETetSDCA:
SYNADIET représente 160 adhérents dont une trentaine d'entreprises ayant statut de
laboratoirepharmaceutique.CesonttoutesdesPME/PMI.
LeSDCAreprésenteenviron80adhérentsdontunevingtained'entreprisesayantstatutde
laboratoirepharmaceutique.LadifférenceavecSYNADIETportesur3aspects:
‐2typesdeproduction:soitdesproduitsdiététiques,soitdescomplémentsalimentaires
‐ Adhérents incluant les sous‐traitants, les fournisseurs et les sociétés de conseils et
d'études.
‐ Développement de l'export car les entreprises adhérentes sont d'une taille supérieure à
cellesdeSYNADIET
En ce qui concerne les produits diététiques, le SDCA représente 85% dumarché via une
vingtained'entreprises. Il s'agit d'alimentsdestinés à répondre auxbesoinsparticuliersde
populationsspécifiques(diététiqueminceur,diététiquesportive,alimentssansgluten...)
En ce qui concerne les compléments alimentaires, le SDCA représente environ 75% du
marchéviaunesoixantained'entreprises.
Cesorganisationsprofessionnellessonttrèsactivesvisàvisdeleursadhérents.Ellessonten
rapport étroit avec l'Administration (DGCCRF, DGS, DGAL, SGAE...), elles participent aux
groupesdetravaildel'EHPM(FédérationEuropéenne)etàl'EuropeanBotanicalForum.Elles
organisent régulièrement des rencontres scientifiques et des sessions de formation pour
leursadhérents.EllesontmisenplaceuneChartedeQualitéetpublientdesmisesà jour
réglementairestouslesans.
58
Cesdeuxorganisationsapparaissentcommesérieusesetdynamiques.Ellesmotiventleurs
adhérentspourqu'ilss'adaptentàlaréglementation,maisils'agitdePME/PMIquin'ont
pas assez de financement pour effectuer des essais cliniques donnant des résultats
statistiquementsignificatifs.
Dépendant du Code de la Consommation, les compléments alimentaires font l'objet de
déclarationauprèsde laDGCCRF, qui examine leur compositionet réalisedes contrôles à
l'instar des autres catégories dedenrées alimentaires. La règlementationprévoit une liste
positive progressivement établie des ingrédients pouvant entrer dans leur composition,
actuellementcibléesurlesvitaminesetlesminérauxauniveaueuropéen,élargieauniveau
national par des doses journalières maximales à ne pas dépasser et diverses substances
tellesquelesplantes.
Cependant, contrairement au médicament, la commercialisation des compléments
alimentairesnenécessitepasd'autorisation individuelledemise sur lemarché fondéesur
l'évaluationd'undossierindustrielparuneinstanced'expertise.L'industrielestresponsable
delaconformitédesmisessurlemarchéaveclesnormesenvigueur,delasécuritéetdela
non‐tromperieduconsommateur.
59
Annexe3
Alimentsoumédicaments?
1‐QuenousapprendlajurisprudencerécentedelaCJE?
A:Basesdocumentaires
A‐1Affairesrevêtantuncaractèred’intérêt
ArrêtdelaCourdu9juin2005danslesaffairesjointesC‐211/03,C‐299/03etC‐316/03àC‐
318/03 ayant pour objet des demandes de décisions préjudicielles:HLHWarenvertriebs
GmbH,OrthicaBCcontreBundesrepublikDeutschland
ArrêtdelaCourdu15novembre2007dansl’affaireC‐319/05ayantpourobjetunrecours
enmanquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 19 août 2005: Commission des
CommunautéseuropéennescontreRépubliquefédéraled’Allemagne
ArrêtdelaCourdu15janvier2009dansl’affaireC‐140/07ayantpourobjetunedemande
de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le
Bundesverwaltungsgericht (Allemagne): Hecht‐Pharma GmbH contre Staatliches
GewerbeaufsichtamtLüneburg
Arrêt de la Cour du 5 mars 2009 dans l’affaire C‐88/07 ayant pour objet un recours en
manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 février 2007: Commission des
CommunautéseuropéennescontreRoyaumed’Espagne
Arrêtde laCourdu30avril2009dans l’affaireC‐27/08ayantpourobjetunedemandede
décisionpréjudicielleautitredel’article234CE,introduiteparleBundesverwaltungsgericht
(Allemagne):BiosNaturproduktegmbHcontreSaarland
A‐2Cadrejuridique
a) MédicamentsLe cadre juridique applicable auxmédicaments est harmonisé par la directive 2001/83/CE
modifiée du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code
communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette directive établit un code
60
communautairequiregroupe,dansunacteunique, l’ensembledesdispositionsenvigueur
en matière d’autorisation de mise sur le marché, de fabrication, d’étiquetage, de
catégorisation,dedistributionetdepublicitédesmédicamentsàusagehumain.
La directive 2001/83 a étémodifiée à plusieurs reprises et notamment en 2004 par deux
directives:
- Directive2004/24/CEduParlementeuropéenetduConseildu31mars2004modifiant,
en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive
2001/83/CEinstituantuncodecommunautairerelatifauxmédicamentsàusagehumain
- Directive2004/27/CEduParlementeuropéenetduConseildu31mars2004modifiant
la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif auxmédicaments à
usagehumain.
- Uneversionconsolidéedecetexteestdisponibleici:
http://eur‐lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2001L0083:20091005:FR:PDF
Lesdispositionscommunautairesontétéintégréesdansledroitnational,auseinduCodede
lasantépublique.Acestade, ilconvientdesignalerquelaFranceaétécondamnéeparla
CJCEpournepasavoirtransposé ladirective2004/24dans lesdélais impartis (arrêtdu29
novembre2007dansl’affaireC‐67/07).
b) DenréesalimentairesLecadrejuridiqueapplicableauxalimentsestharmoniséparlerèglement(CE)n°178/2002
duParlementeuropéenetduConseildu28janvier2002établissantlesprincipesgénéraux
et lesprescriptionsgénéralesde la législationalimentaire, instituant l'Autoritéeuropéenne
de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées
alimentaires.Cetexteétablitlesprincipesgénérauxdelalégislationalimentaireainsiqueles
procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, qui s'appliquent aussi aux
aliments pour les animaux. Les contrôles et le suivi s'effectuent tout au longde la chaîne
alimentaire«delafermeàlatable».Lamêmelégislationquiétablitlesprincipesgénéraux
et les contrôles harmonisés institue l'Autorité européenne de sécurité des aliments, une
agence européenne qui est la référence scientifique pour le contrôle et l'évaluation des
aliments.
61
Il reprend bon nombre de principes qui existaient déjà dans le droit national, au sein du
Codedelaconsommation.Uneversionconsolidéeestdisponibleici:
http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2002R0178:20090807:FR:PDF
Les compléments alimentaires font l’objet d’une harmonisation partielle par le biais de la
directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au
rapprochement des législations des États membres concernant les compléments
alimentaires.Uneversionconsolidéeestdisponibleici:
http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2002L0046:20081211:FR:PDF
Cettedirectiveesttransposéeendroitnationalpar ledécretn°2006‐352du20mars2006
relatifauxcomplémentsalimentaires,ainsiqueparsonarrêtéd’applicationdu9mai2006
relatifauxnutrimentspouvantentrerdanslafabricationdescomplémentsalimentaires.La
France a également été condamnée pour n’avoir pas transposée cette directive dans les
délais.
A‐3Dispositionsimportantes
a) Définitiondumédicament(article1erde2001/83)«Auxfinsdelaprésentedirective,onentendparmédicament:
a)toutesubstanceoucompositionprésentéecommepossédantdespropriétéscurativesou
préventivesàl'égarddesmaladieshumaines;ou
b) toute substanceou compositionpouvant être utilisée chez l'hommeoupouvant lui être
administréeenvuesoitderestaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctionsphysiologiques
enexerçantuneactionpharmacologique, immunologiqueoumétabolique, soitd'établirun
diagnosticmédical».
Doublecomposante:présentationetfonction
b) Définitiondeladenréealimentaire(article2du178/2002)
«Auxfinsduprésentrèglement,onentendpar«denréealimentaire»(ou«aliment»),toute
substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à
être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain.(…)
Leterme«denréealimentaire»necouvrepas(…)lesmédicaments».
Aucunecaractérisationprécisedecequ’estunedenréealimentaire,nidesonobjectif.
62
c) Définitionducomplémentalimentaire(article2de2002/46)
«Auxfinsde laprésentedirective,onentendpar«complémentsalimentaires», lesdenrées
alimentairesdontlebutestdecompléterlerégimealimentairenormaletquiconstituentune
source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou
physiologiqueseulsoucombinés,commercialiséssousformededoses,àsavoirlesformesde
présentation tellesque lesgélules, lespastilles, les comprimés, lespilulesetautres formes
similaires, ainsi que les sachets depoudre, les ampoules de liquide, les flaconsmunis d'un
compte‐gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre
destinéesàêtreprisesenunitésmesuréesdefaiblequantité».
Mention de la notion d’effet physiologique qui existe également dans la définition du
médicamentparfonction.Mentionégalementduformat(dose)quin’estplusuncaractère
discriminatoireentrealimentetmédicament.
d) Prioritédonnéeàladéfinitiondumédicament(article2de2001/83)
«En cas de doute, lorsqu’un produit, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, est
susceptible de répondreà la fois à la définitiond'un«médicament» et à la définitiond'un
produitrégiparuneautrelégislationcommunautaire,lesdispositionsdelaprésentedirective
s’appliquent».
«Encasdedoute»signifiequ’ilaétéétabliqueleproduitenquestionrépondauxdeux
définitionsetqu’iladoncétéqualifiédemédicament.
e) Unecoexistencepossible(considérant12dela2004/24)
«La présente directive permet aux produits non médicamenteux à base de plantes
satisfaisant aux critères de la législation sur les denrées alimentaires d'être régis, dans la
Communauté,parcettelégislation».
B‐Résumédesaffaires
B‐1L’affaire«Warenvertriebs»:desquestionspréjudiciellesquipermettentdedégager
l’articulationdestextesetlescritèrespertinentspourqualifierunproduitdemédicament
Unejuridictionallemandes’interrogesurlestatutdeplusieursproduitscommercialisésaux
Pays Bas en tant que denrées et considérés par les autorités allemandes comme des
médicaments (sachetsdeprobiotiques, comprimésdevitamineC1000mg, comprimésde
63
bioflavonoïdes, comprimés de vitamine E 268 mg). A cette fin, elle pose une série de
questionspréjudiciellesà laCJCEvisantàclarifier lechampdechaqueréglementation, les
critères devant servir à la qualification de médicament et la marge de manœuvre dont
disposentlesÉtatsmembres.IlestégalementdemandéàlaCJCEdeseprononcersurlescas
d’espèce.
LaCJCErappelletoutd’abordqueseuleslesdispositionsdudroitcommunautairespécifiques
auxmédicamentss’appliquentàunproduitqui remplitaussibien lesconditionspourêtre
unedenréealimentairequecellespourêtreunmédicament.Ellesoulignenéanmoinsqu’en
l’étatactueldudroitcommunautaire,ilestencorepossiblequedesdifférencessubsistent,
entre les États membres, dans la qualification des produits comme médicaments ou
commedenréesalimentaires.
Elle rappelle également que, pour décider si un produit relève de la définition d’un
médicament,lesautoritésnationalesdoiventprocéderaucasparcas,entenantcomptede
l’ensemble des caractéristiques de chaque produit, dont notamment sa composition, ses
propriétéspharmacologiques, immunologiquesoumétaboliques, établiesen l’état actuel
de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi, l’ampleur de sa diffusion, la
connaissancequ’enontlesconsommateursetlesrisquesquepeutentraînersonutilisation
surlasanté.
Selon la Cour, les propriétés pharmacologiques d’un produit sont le facteur sur la base
duquel il appartient aux autorités des États membres d’apprécier, à partir des capacités
potentielles de ce produit, si celui‐ci peut être administré à l’homme en vue d’établir un
diagnosticmédicalouderestaurer,corrigeroumodifierdes fonctionsphysiologiqueschez
l’homme.Lerisquequel’utilisationd’unproduitpeutentraînerpourlasantéestunfacteur
autonome qui doit également être pris en considération par les autorités nationales
compétentes dans le cadre de la qualification de ce produit en tant que médicament.
S’agissantdesmodalitésd’emploi quidoiventêtreprisesen comptedans le cadrede cet
examenglobal,laCJCEindiquequ’ellescomprennent,lecaséchéant,lacirconstancequele
produitenquestiondoitêtre,selonsonmoded’emploi,mélangéàdel’eauouàduyaourt.
Mais cet élément n’est pas décisif en soi et il n’exclut pas la prise en compte des
caractéristiques du produit dans son état initial, avant d’êtremélangé à de l’eau ou à du
yaourt.
64
Interrogée sur la marge d’appréciation dont disposent une autorité nationale et sur le
contrôlejuridictionnelauquelelleestsoumise, laCour indiquequele jugecommunautaire
selimiteàexaminerlamatérialitédesfaitsetlesqualificationsjuridiquesquecetteautorité
en déduit et, en particulier, si l’action de cette dernière n’est pas entachée d’une erreur
manifeste ou de détournement de pouvoir ou si cette autorité n’a pas manifestement
dépasséleslimitesdesonpouvoird’appréciation.
Dèslors,laCJCEconsidèrequ’ellen’estpascompétentepourtrancherlesfaitsauprincipal
etellerenvoieàlajuridictionnationalepourqualifierlesproduitsencause.
B ‐ 2 L’affaire C‐88/07: la CJCE examine le mode de classement d’un produit dans le
groupedesmédicaments,misenplaceparl’Espagne
LaCommission reprocheà l’Espagnede retirerdumarchédesproduits qu’ellequalifiede
médicaments au seul motif que ces produits contiennent des plantes médicinales non
«libérées»alorsmêmequecesproduitssontlégalementcommercialisésdansunautreÉtat
membre en tant que compléments alimentaires. Elle reproche également de ne pas avoir
notifiécettemesureadministrative.
La CJCE constate dans un premier temps qu’il existe effectivement une pratique
administrativeconsistantàclassersystématiquemententantquemédicamentdesproduits
àbasedeplantesmédicinalesdèslorsquecelles‐cinefigurentpasdanslalistedesplantes
«libérées»etquecettepratiqueprésenteundegrédeconstanceetdegénéralitésuffisant
pourpouvoirfairel’objetd’unrecoursenmanquement.
La Cour souligne ensuite que les plantes médicinales sont des espèces végétales qui, en
raisonmême de leurs propriétés et de leurs effets physiologiques, peuvent être utilisées
commeingrédientsdansdesmédicamentsoudansd’autrestypesdeproduits,notamment
lescomplémentsalimentaires.Dèslors,leseulfaitqu’uneouplusieursplantesmédicinales
entrentdanslacompositiond’unproduitnesuffitpaspourconclurequeceproduitpermet
de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une
action pharmacologique, immunologique ou métabolique, au sens de la définition du
médicament par fonction. La Cour a jugé que des substances qui, tout en ayant une
influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne
65
modifientdèslorspasàproprementparlerlesconditionsdesonfonctionnementnedoivent
pasêtrequalifiéesdemédicamentparfonction.
La pratique espagnole, en tant qu’elle s’applique de façon systématique, peut donc avoir
poureffetdeclassercertainsdesproduitsencauseentantquemédicamentsalorsmême
qu’ils ne seraient pas susceptibles d’exercer une action pharmacologique. Les notions de
dose etd’actionpharmacologiques ont ici un rôle central et seront aussi exploitées dans
d’autresaffaires.
La CJCE relève enfin que cette pratique créé une entrave aux échanges
intracommunautaires,sanspourautantquecelasoitjustifiéparuneexigencedeprotection
delasantédespersonnes.Eneffet,selonlaCour,lefaitquelaplantemédicinaleàbasede
laquelleleproduitestfabriquén’estpas«libérée»nepermetpas,surlabasedesdonnées
scientifiques lesplusrécentes,deprendreencompte lerisqueréelpour lasantépublique
queprésenteceproduit.
L’Espagne est donc condamnée pour entrave injustifiée aux échanges communautaires et
pournepasavoirnotifiésapratiqueadministrativeàlaCommissioneuropéenne.
B‐3LesaffairesC‐319/05etC‐140/07:laCJCEexaminedeuxcasd’espèce,desproduitsà
based’ailetdelevurederizrouge
A l’occasion de ces deux affaires, la CJCE est amenée à vérifier le bien‐fondé de la
classificationdedeuxproduitsentantquemédicaments.
a) AffaireC‐319/05(CommissioncontreAllemagne):extraitd’ail
Les autorités allemandes ont refusé la commercialisation d’un produit à base d’un extrait
éthanolique d’ail (une gélule comprend 370mg d’extrait dont la teneur en allicine serait
compriseentre0,95%et1,05%soit7,4gd’ailfrais)aumotifqueceproduitconstituaitun
médicament.LaCommissionconsidèrequeleproduitencausen’estpasunmédicamentet
quel’interdictionestunemesuredisproportionnée,contraireauxarticles28et30duTraité
(principedelibrecirculationdesmarchandises).
Faceauxargumentsdechaquepartie,laCJCEcommenceparvérifiersileproduitencause
constitueunmédicamentavantdeconsidérers’ilyaunmanquementauxarticles28et30
duTraité.
66
Sur la définition du médicament par présentation, la CJCE rappelle que, selon une
jurisprudence constante, la notion de présentation d’un produit doit être interprétée de
façon extensive. En effet, en se basant sur le critère de la présentation du produit, la
directive 2001/83 vise à inclure non seulement les médicaments qui ont un effet
thérapeutique ou médical véritable, mais également les produits qui ne seraient pas
suffisamment efficaces, ou qui n’auraient pas l’effet que les consommateurs seraient en
droit d’attendre eu égard à leur présentation. Ladite directive tend ainsi à préserver les
consommateursnonseulementdesmédicamentsnocifsoutoxiquesentantquetels,mais
aussidediversproduitsutilisésenlieuetplacedesremèdesadéquats.
Danslecasd’espèce,laCourconsidèrequ’aucunaspectduconditionnementduproduitou
de sa présentation ne tend à le faire ressembler à un médicament. En l’occurrence, la
présence de la photographie d’une plante sur l’emballage n’est pas un élément pouvant
inspirerauconsommateurlaconfiancequ’inspirentnotammentlesmédicaments.
Sur la définition du médicament par fonction, la CJCE rappelle que les propriétés
pharmacologiquesd’unproduitsontlefacteursurlabaseduquelilconvientd’apprécier,à
partirdescapacitéspotentiellesdeceproduit,sicelui‐cipeutêtreadministréàl’hommeen
vued’établirundiagnosticmédicalouderestaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctions
physiologiqueschezl’homme.Sicettedéfinitionestsuffisammentlargepourpermettred’y
inclure des produits qui, s’ils sont de nature à avoir une incidence sur les fonctions
organiques, ont en réalité un autre objectif, ce critère nedoit pas conduire à qualifier de
médicament par fonction des substances qui, tout en ayant une influence sur le corps
humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne modifient dès lors pas à
proprement parler les conditions de son fonctionnement. En effet, pour la juridiction
européenne, contrairement à la notion de médicament par présentation, dont
l’interprétationextensiveapourobjectifdepréserver lesconsommateursdesproduitsqui
n’auraient pas l’efficacité qu’ils seraient en droit d’attendre, celle de médicament par
fonction vise à englober les produits dont les propriétés pharmacologiques ont été
scientifiquementconstatéesetquisontréellementdestinésàétablirundiagnosticmédical
ouàrestaurer,àcorrigerouàmodifierdesfonctionsphysiologiques
Danscesconditions,laCJCEestimequ’afindepréserverl’effetutiledececritère,iln’estpas
suffisantqu’unproduitaitdespropriétésbénéfiquespourlasantéengénéral,maisildoità
67
proprementparleravoirpourfonctiondepréveniroudeguérir.médicamentausensdela
directive2001/83.Unetelleconclusions’avèred’autantpluspertinenteauxyeuxdesjuges
communautairesqu’ilexisteungrandnombredeproduitsgénéralementreconnuscomme
denréesalimentairesetquel’onpeutobjectivementutiliseràdesfinsthérapeutiquessans
pourautantleurconférerlaqualitédemédicaments.
Dans le cas d’espèce, la CJCE souligne que le produit en cause n’a pas d’effets
supplémentairesparrapportàceuxquidécoulentdelaconsommationd’ailàl’étatnaturel
etqu’iln’adoncpasd’effetsignificatifsurlemétabolisme.
Enfin, laCJCE considèrequ’en faisant référencedemanière très générale aux risquesque
pouvait représenter laconsommationd’ail (hémorragiesspontanéesetpostopératoiresou
inhibitiondes effets de certains antirétroviraux), l’Allemagnen’apasdémontré enquoi le
recours à une procédure d’autorisation préalable pour des produits à base d’ail était
nécessairepourprotégerlasantédesconsommateurs.
L’Allemagneestdonccondamnéepourentraveinjustifiéeauxéchangescommunautaires.
b) AffaireC‐140/07(questionspréjudicielles):levurederizrouge
Une juridictionallemande interroge laCJCEdans lecadred’un litigeopposantunesociété
auxautoritésallemandesquiontqualifiésoncomplémentalimentaireàbasede levurede
riz rouge (Monascus purpureus) de médicament. La portion journalière recommandée
conduit en effet à l’ingestion d’environ 4 mg de monacoline K. Le tribunal allemand
s’interrogesurlanotiondedouteexpriméeàl’article2deladirective2001/83ainsiquesur
laqualitéd’unproduit lorsque ladoseest inférieureà ladose susceptibledeproduireun
effetpharmacologique.
Alapremièrequestion,laCJCErépondquel’article2,paragraphe2,deladirective2001/83
doit être interprété en ce sens que cette directive ne s’appliquepas à unproduit dont la
qualité demédicament par fonction n’est pas scientifiquement établie, sans pouvoir être
exclue. Le principe selon lequel, en cas de doute, la priorité est donnée au droit du
médicamentpartdupostulatqueleproduitconcernéremplit lesconditionspourêtreun
médicament.
La CJCE ajoute que les modifications apportées à la définition du médicament par la
directive2004/27 (qui introduit cetteprioritéen casdedoute) visentà spécifier le type
68
d’action (pharmacologique, immunologique ou métabolique) que doit exercer un
médicamentauxfinsderestaurer,decorrigeroudemodifierlesfonctionsphysiologiques
chez l’homme. Cette précision est apparue nécessaire après l’introduction de l’effet
physiologiquedansladéfinitionducomplémentalimentaire.
Pour répondre à la deuxième question, la CJCE rappelle que ne saurait être
systématiquement qualifié demédicament par fonction tout produit dans la composition
duquel entre une substance ayant un effet physiologique, sans que l’administration
compétente procède à une appréciation au cas par cas de chaque produit, en tenant
notamment compte des propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques
quiluisontpropres,tellesqu’ellespeuventêtreétabliesenl’étatactueldelaconnaissance
scientifique.Cetteappréciationnedoitpasconduireàqualifierdemédicamentparfonction
unproduit lorsque,comptetenudesacomposition–ycomprissondosageensubstances
actives – et dans des conditions normales d’emploi, il n’est pas capable de restaurer, de
corriger ou demodifier des fonctions physiologiques demanière significative en exerçant
uneactionpharmacologique,immunologiqueoumétabolique.
B‐4L’affaireC‐27/08:Boswelliaserrataetlapriseencomptedurisque
Là encore, une juridiction allemande s’interroge sur le statut d’un produit à base de
Boswellia serrata dans le cadre d’un préjudice opposant une société aux autorités
allemandes. Cette interrogation est plus particulièrement liée au dosage en substances
activesquinepermetpasd’opéreruneactionpharmacologiquemaisquiestsusceptiblede
présenterunrisque.
LaCJCErappellequelerisqueestuncritèreautonome:lefaitquel’utilisationd’unproduit
présenteunrisquepourlasantén’estpasunélémentpermettantd’indiquerqu’ilpossède
uneefficacitépharmacologique.Dèslors,unproduitdanslacompositionduquelentreune
substanceayantuneffetphysiologiquelorsqu’elleestutiliséeàunecertainedosen’estpas
unmédicamentparfonction lorsque,comptetenudesondosageensubstancesactiveset
dansdesconditionsnormalesd’emploi, ilconstitueunrisquepour lasanté,sanstoutefois
être capable de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques chez
l’homme.
C‐Pointsmarquants
69
C‐1Laqualificationrelèved’uneanalyseaucasparcas
L’élémentessentieldelajurisprudencecommunautairerésidedanslanécessitédeprocéder
àunexamenduproduitconcerné:
«Pourdécidersiunproduitrelèvedeladéfinitiondumédicamentparfonctionausensde
ladirective2001/83,lesautoritésnationales,agissantsouslecontrôledujuge,doiventse
prononceraucasparcas,entenantcomptedel’ensembledescaractéristiquesduproduit,
dontnotammentsacomposition,sespropriétéspharmacologiques,tellesqu’ellespeuvent
être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi,
l’ampleurdesadiffusion,laconnaissancequ’enontlesconsommateursetlesrisquesque
peutentraînersonutilisation.»
Enaucuncas,lesautoritésnationalesnedoivents’appuyersurdescritèresgénérauxquinecorrespondentpasauproduitconcerné,niprocéderàunequalificationsystématiqueliéeparexempleàlaseuleprésenced’uningrédient.
C‐2Deuxanalysesopposéesdesdeuxbranchesdeladéfinitiondumédicament
Laréglementationcommunautaireviseàconcilierlesobjectifsdeprotectiondelasantédes
consommateurs et de fonctionnement du marché intérieur. A cette fin, le juge
communautaire considèreque lanotiondeprésentationdoit être interprétéedemanière
extensivealorsqu’àl’opposélanotiondemédicamentparfonctionviseàneretenirqueles
produitsdontlespropriétéspharmacologiquesontétéscientifiquementconstatées.
C‐3Descritèresobjectifspourqualifierunproduitdemédicamentparfonction
Lespropriétéspharmacologiquesd’unproduitsontlefacteursurlabaseduquelilconvient
d’apprécier,àpartirdescapacitéspotentiellesdeceproduit,sicelui‐cipeutêtreadministré
àl’hommeenvued’établirundiagnosticmédicalouderestaurer,decorrigeroudemodifier
desfonctionsphysiologiqueschezl’homme.
Dèslors,unproduitqui,comptetenudesacomposition–ycomprissondosageen
substancesactives–etdansdesconditionsnormalesd’emploi,n’estpascapablede
restaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctionsphysiologiquesdemanièresignificative
enexerçantuneactionpharmacologique,immunologiqueoumétaboliquenepeutpasêtre
qualifiédemédicamentparfonction.
70
Demême,lefaitquel’utilisationd’unproduitprésenteunrisquepourlasantén’estpasun
élémentpermettantd’indiquerqu’ilpossèdeuneefficacitépharmacologique.
C ‐4Laprioritédonnéeaumédicament impliqueque lescritèresdequalificationsoient
respectés
L’article2,paragraphe2,de ladirective2001/83doitêtre interprétéencesensquecette
directivenes’appliquepasàunproduitdontlaqualitédemédicamentparfonctionn’estpas
scientifiquementétablie,sanspouvoirêtreexclue.Leprincipeselonlequel,encasdedoute,
la priorité est donnée au droit dumédicament part du postulat que le produit concerné
remplitlesconditionspourêtreunmédicament.
Toutelaquestionposéerésidedansladernièredéfinitiondumédicamentquinepeutêtre
considéré comme tel que s'il est capable de restaurer, de corriger ou de modifier des
fonctionsphysiologiquesdemanièresignificativeenexerçantuneactionpharmacologique,
immunologique ou métabolique. Si un produit n'a ni effet pharmacologique, ni effet
immunologique,nieffetmétabolique,cenepeutpasêtreunmédicament.Orilexistedes
produits qui existent à la fois commemédicament et comme complément alimentaire.
Comment peut‐on expliquer cela? Que dire des médicaments dits de confort? Selon la
législationenvigueur,devraient‐ilsgarderlenomdemédicaments?
2‐ComplémentsalimentairesetExerciceillégaldelaPharmacie
L'EIPsedéfinitcommelefaitdeselivreràdesopérationsréservéesàdespharmacienssans
réunirlesconditionsexigéesparleCSPetnotammentlaventepardesnonpharmaciensde
produits répondant à la définition légale du médicament par présentation et/ou par
fonction.
Dans les cas d'IEP, le CNOP se constitue partie civile devant toutes les juridictions. Le
déroulement des opérations passe par une analyse de l'infraction, suivie par un constat
d'huissier, puis par unemise en demeure et si la réponse n'est pas satisfaisante, par une
actionjudiciaire.
Au 31/12/2009, 104 affaires étaient en cours devant les juridictions (40% concernent les
ComplémentsAlimentaires)dont32nouvellesinitiéespendantl'année2009.
Laproblématiqueparticulièredescomplémentsalimentairestientàplusieursfacteurs:
71
‐d'abordàlanouvelledéfinitiondesCAsuiteàlaDirectiveEuropéenne2002/46/CE
repriseenFranceparleDécret2006/356du20mars2006.Cettedéfinitionfaitentrerdans
cettecatégoriedeproduits"desdenréesalimentairesconstituantunesourceconcentréede
nutrimentsoud'autressubstancesayantuneffetnutritionnelouphysiologique"(Comment
faireladifférenceentrephysiologiqueetpharmacologique?)
‐Ensuiteaufaitque,danslesallégationssantépossiblespourcesproduits,figurela
réductiond'unfacteurderisquedemaladie(cequiempiètesur lapréventionà l'égardde
maladieshumaines)
‐ Puis par le fait qu'ils se présentent sous une forme quasi‐identique à celle des
médicaments entrainant pour le consommateur une confusion encore augmentée par la
dénomination "alicaments" ou "nutraceutiques" qu'il convient d'éliminer du langage
courant.
‐Enfin par le fait que les plantes et préparations à base de plantes possédant des
propriétés nutritionnelles ou physiologiques peuvent entrer dans la composition des CA,
qu'ilyaparmicelles‐cidesplantesmédicinales,queleslégislations(médicamentvsaliment)
sont différentes d'un pays à l'autre dans l'UE et que l'existence de la libre circulation des
produits au seinde l'Union Européenneposeunproblèmemajeur pour l'unificationde la
règlementation
Faceàcettesituation,lejugevad'abordseposerlaquestion"Est‐ceunmédicament"etse
reporterpourcelaà ladéfinitiondumédicamentparprésentationet/oupar fonctionquel
quesoitleproduitconsidéréycomprislespréparationsàbasedeplantes.PourleCNOP,et
en se référant aux articles L 521‐1 et L 521‐14‐1 du CSP, rentrent dans la catégorie
médicaments:
‐toutmédicamentdontlessubstancesactivessontexclusivementuneouplusieurs
substances végétales ou préparations à base de plantes ou une association de plusieurs
substancesvégétalesoupréparationsàbasedeplantes
‐toutmédicamenttraditionnelàbasedeplantes
Parmilesaffairesencours,4sontintéressantescarellesconcernentdesarrêtsrécentsdes
coursd'Appel de LyonetOrléans sur plainteduCNOP reconnaissantque lesCAen cause
72
doiventêtreconsidéréscommedesmédicaments(VenteenMGSdeVit.,C,Mg,VitB1,B2,
B6 ... Commercialisation de produits à base de plantes médicinales, Commercialisation
d'ampoulesàbased'extraitsfluidesdeplantesmédicinales,Commercialisationdegélulesde
poudredeplantesmédicinales) . Les3premièresaffaires sontenpourvoide cassation, la
4èmeconcerneunarrêtdéfinitif.
Pour les juges, le critère principal de jugement porte sur les propriétés intrinsèque du
produit (médicament par fonction) qui justifient la plainte (mécanismes d'action, action
significative sur des fonctions physiologiques, usage traditionnel, en se basant sur des
documentsscientifiquespertinents(bibliographie,ouvragesderéférence,Cahierdel'Agence
n°3,dossiersdel'EMA...).Ilestégalementimportantdansledépôtdelaplaintedemettre
éventuellement en évidence un faisceau d'indices concordants composés d'éléments
objectifs(allégationthérapeutique,formepharmaceutique...)outoutautreindicetendantà
fairenaître,mêmeimplicitementunecertitudesurlaqualitéduproduit.
Enoutre,ilestrappelé,notammentencequiconcernelesplantes,quelalibrecirculationde
cesproduits peut être limitéeparune législationnationalequi peut considérerqu'unCA
renfermeunproduitclassécommemédicamentdanssarèglementation.
ConcernantlaventedesCAenOfficine,ilestrappeléquec'estunarrêtédu02/10/2006qui
autorise la vente de CA en officine, que 60% des CA sont vendus en Pharmacie, que le
Pharmacienjoueàceniveauunrôleimportantdeconseil,d'informationetdepréventiondu
consommateur.
CerôleestrenforcéparlesnouvellesdispositionsdelaloiHPSTvisantàrenforcerlasécurité
duconsommateur.EntantqueProfessionneldeSanté, ildoitsignalerà l'ANSEStouteffet
indésirabledontilpeutavoirconnaissance.(Voirauditiondel'ANSESsurlanutrivigilance)
Il devient capital que la formation des Pharmaciens dans ce domaine soit correctement
assuréeaucoursdeleurcursusuniversitaire(cequirenforcenotrepositionsurcesujet).
RecommandationsduCNOP:
‐ Le pharmacien est responsable de ce qu'il délivre. S'il vend des CA avec des
allégationsthérapeutiquesnonautorisées,ilestenfaute.
73
‐Ildoitdoncêtretrèsattentifauxproduitsqu'iladmetdanssonofficineeteffectuer
unréférencement,cequiexigedesapartuneconnaissancedudomainedesCA
‐ Il doit être au service du consommateur et lui apporter les conseils et les
informations adaptés afin de respecter la déontologie pharmaceutique. Il existe une
formationcontinuedanscedomained'activité.
74
Annexe4
FormationdesEtudiantsenPharmacieenNutrition
La nutrition, au sens large du terme, recouvre un champextrêmement vaste qui va de la
production (agriculture, élevage) au métabolisme et à l’action des nutriments ingérés en
passantparlatransformationetlaconservationdesaliments.
Laproductionn’est pas l’affairedespharmaciens (exceptéquelquesdomaines spécifiques
tels que reconnaissance des champignons supérieurs, caractérisation des plantes…),mais
des agronomes et des vétérinaires. La transformation et la conservation des aliments
constitue le vaste domaine des sciences des aliments et nous concerne également peu
(excepté,parexemple,labromatologie).
Les sciences nutritionnelles, pour lesquelles le pharmacien doit être formé, commencent
lorsqu’unindividumetunalimentdanssaboucheoulorsquelenutrimentestintroduitpar
unevoienonphysiologique(exemples:nutritionparentérale,dermolyse…)etseterminent
parlerôlephysiologiquevoirethérapeutiquedecenutriment.
La discipline forme donc un champ complexe, d’autant plus que certains nutriments sont
égalementdesmédicaments,enfonctionde ladoseoudes indications.Notonségalement
qu’il existeunedimension sociologiqueet comportementale (quinous concernepeumais
sur laquelle le pharmacien d’officine est fréquemment interrogé. La nutrition est donc
particulièrementpluri‐disciplinaireetestplutôtune«disciplineaval»nécessitantdesérieux
pré‐requisenparticulierenphysiologieetbiochimie.
La formation des Pharmaciens dans le domaine de la Nutrition est extrêmement variable
d’uneFacultéà l’autre.EnFrance, seule laFacultédeParisDescartesdisposed’unservice
dédiéàlaNutrition.IlenexistaitunàStrasbourg.Ilaétésuppriméaudépartàlaretraitedu
PrY.Ingenbleek.
75
Ailleurs,laNutritionesttraitéepardesdisciplinesvariées.Parexemple,àClermont‐Ferrand
elle est enseignée par un service associant la Biochimie et la Biologie Moléculaire. A
Grenoble,l’essentielestsouslaresponsabilitédelaBiochimie,àAmiensc’estlaToxicologie,
àAngerslaPhysiologie,àBesançonlaPharmacologie,àLyonlaSantéPublique.
Dans lamajoritédenosFacultés, levolumed’enseignementréservéà laNutritionest très
limitésansreprésentationauseindel’AssociationdesEnseignantsdeNutritionenFacultés
dePharmacie.
Ilyauraitdusensàcequel’enseignementdeNutritionsoitcoordonnépardesenseignants
spécialistes de la question. Enfin, notons que les officinaux restent trop dépendants des
sociétéscommercialespourleurformationcontinue(alorsnécessairementbiaisée),mêmesi
lenombred’inscritsauxDUetDIUexistantsprogresseconstamment.
Il serait intéressant de connaître les programmesd’enseignementde laNutritiondans les
autrespayseuropéens.
Lebesoindeconnaissancesestqualitatifaussibienquequantitatif:ilestfondamentalque
notreenseignementcorrespondeauxbesoinsdeceuxquenousformons.Dufaitdesmodes
d’exerciceprofessionnelstrèsdifférentsauseindelaprofession,lesbesoinsexpriméssont
très variés mais il reste un besoin commun à tous les modes d’exercice: le rôle
physiologiqueetbiologiquedesnutriments
Ces pré‐requis peuvent être satisfaits soit sous forme d’un enseignement coordonné
particulier,soitenadaptant lesenseignementsdisciplinaires.Dans laplupartdescas,nous
avons une nette préférence pour la seconde option car elle permet une approche plus
cohérente.Ellenécessitecependantuneforteconcertationentreenseignants.
Lesprincipauxpré‐requisconcernentles3disciplinessuivantes:
- Physiologie
Pratiquementtouslessujetstraitésparcettedisciplineconstituentlesocledelanutrition,à
commencerparlaphysiologiedigestive,maisavecuneapprochedifférente.
Par exemple, les physiologistes traitent la digestion par organe avec, pour chacun,
l’histologie,lesfonctionsetlarégulation.
76
Lesnutritionnistes,eux,abordentlesujetparclassedenutrimentenexpliquantlesphases
successives de leur digestion et de leur absorption intestinale. Les approches ne sont pas
forcémentinconciliablesmaisleurharmonisationnécessiteungrostravailpédagogique.
Proposition:2heuresd’EDenPhysiologiepourdégagerlesspécificitésnutritionnelles.
- Biochimie
La finalité de nombreuses voies métaboliques (sinon toutes) est nutritionnelle. Cela est
particulièrementévidentpourtoutescellesconcernant laproductiond’énergie, lamiseen
réservedenutriments,l’éliminationdeproduitsintermédiairesoufinaux.
Lesbiochimistess’attachentàladescriptiondesvoiesmétaboliquesetleurrégulation.
Lesnutritionnistesontsouventunevisionfinalisteenposant lesquestionssuivantes:où?
Pourquoi?Comment?
Proposition:2heuresd’EDenBiochimiepourdégagerlesspécificitésnutritionnelles.
- Biologiecellulaire
La majorité des nutriments a des fonctions de signalisation ce qui implique de bien
comprendrel’organisationcellulaire.
Proposition:1heured’EDpourdégagerlesspécificitésnutritionnelles.
Deplus,d’autresdisciplinesfaisantpartiede l’enseignementdutronccommundesétudes
pharmaceutiques peuvent apporter des connaissances de bases à l’enseignement de la
nutrition:
‐ Pharmacognosie
Il apparaît deplus enplus quedenombreusesplantes, fruits et légumes contiennent des
micronutriments dotés de propriétés spécifiques qui en font des espèces concernées des
«alimentssanté».
Atitred’exemple,lesBracicacées,etenparticulierlebrocoli,contiennentdesdérivésthiols
(glucosinolates) susceptibles d’activer des facteurs de transcription tels que NRF2 et à ce
titrepossèdentuneactivitéanti‐inflammatoire.
77
‐ Sémiologiemédicale
Une partie importante des sciences nutritionnelles s’applique à l’Homme malade. La
connaissancedesmaladieshumainesestdoncunpré‐requisimportantàlacompréhension
des stratégies nutritionnelles et diététiques, en particulier dans le cadre de la nutrition
artificielle.
‐ PharmacieGalénique
Elleestincontournabledansledomainedelanutritionparentéralemaiscedomaineestune
niche qui peut être abordée de façon succincte en formation commune de base et
développée en 3ème cycle (exemples: DES Pharmacie hospitalière, M2 pro pour les
industriels).
‐Santépublique
Lasantépubliquepermetd’expliquerlarelationépidémiologiqueentrenutritionetgrandes
pathologies,dedégagerlesprincipauxfacteursderisquesnutritionnelsetcomportementaux
et d’expliquer le rôle que peuvent avoir les pharmaciens dans les grandes études
nutritionnelles,commeNutriNet,etdansl’éducationdespatients.
Un enseignement coordonné de Nutrition, tel qu’il est prévu par les textes, nous
sembleincontournable.
IlestenplacedansplusieursFacultésdePharmacieetilnoussemblequ’idéalement,ildoit
avoirlieuen4èmeannée.Unvolumehorairede20‐25hestsatisfaisantavec,pourmoitié,la
nutrition de l’Homme sain et, pour moitié, la nutrition de l’Homme malade.
‐Nutritiondel’Hommesain:
Besoins et apports en macronutriments, minéraux, eau et micronutriments (principales
vitaminesetoligo‐éléments).
Propriétésfonctionnellesdecesnutriments
La relation apports nutritionnels/microbiote/état nutritionnel nous semble être un thème
émergentquimériteuneattentionparticulière.
‐Nutritionaucoursducycledelavie:
Enfant,femmeenceinte,personneâgée.
Equilibrenutritionnel
78
‐Nutritiondel’Hommemalade:
Maladiesnutritionnelles:obésité,diabètedetype2,athérosclérose.
Maladiesàretentissementnutritionnellesplusfréquentes:cancer,pathologiesintestinales,
nutritionenréanimation,pathologiesinfectieuses
Basesdenutritionartificielle
Unenseignementspécifiquepourlesofficinaux:
Très logiquement, il doit être positionné en 5ème année et un volume horaire de 25h est
suffisant.
Ilconvientdetraiter lesaspectsdenutritionde l’Hommesainquine l’ontpasétéen4ème
année: nutrition du prématuré et du nourrisson (incluant les préparations infantiles),
nutritiondusportif.
De même pour les pathologies: allergies alimentaires, colopathies, nutrition dans les
insuffisancesorganiques(poumon,cœur,foie),nutritionàdomicile.
Lerestedutempsdisponible(environ10h)seraconsacréauxcomplémentsalimentaireset
aux produits diététiques, puisque l’officine constitue le 1er circuit de distribution de ces
produits.Ilpeutêtreproposé:
Définitions,réglementation,enjeux
Produitsminceur
Nutricosmétique(peauetcheveux)
Produitsdestinésàaméliorerlaperformance(sportifetc.…)
Péri‐ménopause
Produits à allégation santé de prévention de facteurs contribuant aux maladies:
Produitsàviséecardiovasculaire,anti‐inflammatoire,préventionducanceretc.
Uneheurepeutopportunémentêtreréservéeàunequestiond’actualité.
Pourleshospitaliers
L’enseignement doit répondre au programme de l’internat. La physiopathologie de la
dénutrition et l’évaluation de l’état nutritionnel sont traitées dans l’enseignement
coordonnéde4èmeannée.
79
Les complémentsnécessairesdoiventêtreabordésdans lesdifférentesDES,enparticulier
celuidePharmacieetdescollectivités.
Pourlesindustriels
Les pharmaciens ont de plus en plus de débouchés dans les sociétés concernées, non
seulementenrecherchemaisaussiaffairesréglementairesetqualité.Unaccentparticulier
doitêtremissurlaréglementationenparticulierauniveaueuropéen,lesappelsàprojet,la
conduited’étudesdecohorte.Leniveaud’enseignementpertinentnoussembleêtreleM2
pro.
L’enseignementdelanutritionestimportantpourlespharmaciensquelquesoitleurmode
d’exercice mais les pharmaciens d’officine doivent absolument avoir une formation
approfondie. En effet, de par leur rôle de conseil, ils sont amenés très fréquemment à
donnerunavis surunaliment, un comportementouunehabitudealimentaire. Cet avis
doitêtrescientifiquementfondé.Pourcelalaformationàlafacultépendantlesétudesouà
l’occasiondesessionsdeformationcontinueestindispensable.
80
Annexe5
Auditiondesexperts
1‐‐AuditionduPrJ.L.Bressonsurlefonctionnementdel'AESA
Lespointsimportantsàretenirdel'auditionportentsurlespointssuivants:
‐ L'AESA a été créée à la suite de l'affaire de la vache folle. Mais l'Agence, suite à de
nombreuxconflitsd'intérêts,aeubeaucoupdepeineàprendredesdécisionsluipermettant
d'avoir une réelle indépendance. Il faut savoir qu'à la suite de la parution du décret de
décembre 2006, l'Agence a été l'objet d’actions de lobbying de la part de nombreuses
structures,notammentindustrielles.
‐L'Agenceapubliéunguidepour les industrielsafinque lesdossiersdéposésprésentent
unebonnehomogénéité.Dansceguide,lepointimportantportesurlapreuvescientifique
dontleniveaudoitêtreleplushautpossible.Pourcela,ledépositairedoitapporterlavaleur
delapreuveautraversessentiellementdedonnéesscientifiquesobtenueschezl'homme
sain.Cesdonnéespeuventêtrecomplétéesetsupportéespardesessaischezl'animal,des
essaisexvivoet invitro,oudesmécanismesmoléculaires,maiscesderniersnesontpas
indispensables. Sans données cliniques sur l'homme sain, le dossier ne peut pas être
accepté.
‐Autrepointimportant,lesessaisdoiventêtreréaliséschezl'hommesaindanslecadred'
essaisrandomisés,endoubleaveuglecontreplacebo,cequiposebiensûr,d'unepart, la
question du nombre de sujets à incorporer dans l'essai pour obtenir un résultat
statistiquementsignificatif et,d'autrepart,cellede ladéfinitionde lapopulationcible.La
preuvescientifiquedoits'appuyersurdesélémentssolides,principalementdesmarqueurs
biologiques. Là résident les véritables problèmes dans la mesure où les marqueurs
pertinents sont très peu nombreux et où il est nécessaire de les choisir avec soin car ils
doiventêtreparfaitementcorrélésaveclademanded'allégation.
81
‐ En outre, il est constaté que les dossiers présentent souvent des faiblesses dans les
analyses statistiques lors de l'exploitation des résultats. Pour JL Bresson, il ne faut pas
hésiter à s'entourer de statisticiens dehaut niveauet avoir éventuellement recours à des
méthodesmoinsorthodoxesquecellesutiliséeshabituellement,quipeuventdébouchersur
desrésultatsplusprobants.
‐Encequiconcernelecasdesplantes,ilestclairqu'ilestquasimentimpossibled'apporter
despreuvesscientifiquespertinentesàmoinsdeprocéderàdesessaiscliniquesportantsur
un nombre de sujets trop important pour pouvoir être financièrement rentables. Pour JL
Bresson, larèglementations'appliqueàtouteslesdemandesd'allégations,doncaussipour
lesplantes.Maisilfaitremarquerquel'allégationn'estpasobligatoireetquecesproduits
peuventêtrecommercialiséssurd'autrescritèresquedesallégationssanté.
2‐‐AuditionduPr.J.Ph.Girardetsurl'utilisationetl'utilitédesComplémentsalimentaires
chezlesenfants
Quelssontlespointsimportantsàretenir?
‐12%desenfantsde3à17ansconsommentdescomplémentsalimentaires
37%sousformedemédicaments
79%sousformedevitamines/minéraux
18%sousformed'extraitsdeplantesoudeproduitsnaturels
‐ Cette consommation est, pour 70% des cas, due à la prescription ou au conseil d'un
professionneldesanté,essentiellementPédiatresmaisaussiPharmaciensetInfirmières.
‐Enfait,ilfautconsidérerquelaquestiondescomplémentsalimentaireschezlesenfants
passe par le suivi pédiatrique et que c'est le Pédiatre qui sera le principal prescripteur
compte tenu de l'état de l'enfant et des carences ou insuffisances éventuelles. On
comprend donc mieux que les compositions des compléments alimentaires chez les
enfantsconcernentessentiellement lesvitamineset lesminérauxqui sontalorsdevrais
82
compléments alimentaires car ils permettent depallier une insuffisanceouune carence
d'apport.
‐PourJPGirardet,ilfautconsidérer3cas:
‐ Les indications sont justifiées car il existe des risques de carences (cas des
vitaminesetdesminéraux)
‐ Il n'y a pas d'argument scientifique valable à la prescription (c'est le cas de
certainsminérauxFe,Mg,Idontl'efficacitéestdébattue)
‐ Certaines prescriptions ou conseils sont injustifiés, voire dangereux. Selon
l'enquêteINCA2,attentionauxsurchargesenVitA,VitC,VitB6,FeetZn.
‐ExempledelaVitamineD
‐Jusqu'à2ans:supplémentationcontinuetoutel'année
‐de2à5ans :supplémentationenfind'hiver
‐de10à17ans:supplémentationenfind'hiver
‐ExempleduFer
‐ Avant l'adolescence, l'apport journalier recommandé est de 6 à 10mg par jour.
Selonuneenquêtede2000,laprévalencedelacarencemartialeestde10à26%.Ilyadonc
lieudecomplémenternotammentchezlesjeunesenfantsparl'utilisationprolongéedelaits
infantilessupplémentéspardufer.
‐Chezlesadolescentes,lesapportsrecommandéssontde16mg/jour.Orchez71%
desadolescentesde15à19ans, ilya insuffisanced'apport. Ilya lieudesupplémentersi
l'anémieestavérée(Hbinférieureà11g).
‐ExempleduCalcium:
‐ On note une déficience en Ca à l'adolescence liée à une diminution de la
consommationdeproduitslaitiers,surtoutvisiblechezlesfillesentre13et17ans.
‐Lemeilleurmoyendepallieràcetteinsuffisanceestdeprescrirelaconsommation
delaitplutôtquedesproduitslaitiersouducalciumminéralcaronobserveunemeilleure
assimilationducalcium(liéeàlaprésencedelactose?).
83
‐ExempleduFluor
‐Danslesannées80,leFluorsousformedecomprimésougélulesaétérecommandé
pouréviterlescariesdentaires.
‐ En réalité, l'actionestbienplusefficace sous forme topique (dans lesdentifrices)
quiévitelesdangersdetoxicitédufluorsurl'os.
3 ‐‐ Audition du Pr Ambroise Martin à propos de la mise en œuvre du Règlement
allégations
En2006l’EFSAaprévud’établirdesprofilsnutritionnelsetdeconcevoiraucoursdesdeux
années suivantes un registre européen des allégations alimentaires. Au lieu des 700
allégations prévues, l’EFSA s’est trouvée confrontée à 44000 demandes émanant des 27
paysmembres.Unelistede4185entréesaétéréaliséeetilresteenviron10000allégations
àexaminer.
Lescommissionsdel’EFSAtravaillentpargroupesspécialisésdanslesdifférentescatégories
d’allégations (anti‐oxydants, cardio‐vasculaires…). Pour chacune d’elles, il faut compter 2
000entréesàétudier.
Il convient de souligner la pluralité des présentations faites par les industriels auxquelles
s’opposent les critères de cohérence scientifique: choix des marqueurs, pertinence
scientifique, pertinence de santé publique. Il convient de préciser qu’une allégation bien
argumentéepeutêtreretenuemêmesiellenerépondpasàundéficitdans lapopulation
concernée.
Lesavisdelacommissionreposentsur
‐ la caractérisation de la substance dont les effets bénéfiques sont reconnus par l’étude
bibliographique;
‐ lacaractérisationde l’effetallégué(dont la formulationpar l’industrieln’estpastoujours
évidente)quidoitêtrebénéfiquepourlasantéetcorrespondreàunepopulation‐cible;
‐lajustificationscientifiquequiaccordeuneprioritéauxétudesréaliséeschezl’homme.
Lesconclusionssontdetroisordres:larelationbénéfiqueestétablieoun’apasétéétablie
ouencoren’estpassuffisammentétablie.
84
Les experts ne s’intéressent pas auxmanifestations de lamaladiemais à ses facteurs de
risque. L’effet allégué doit réduire les risques ou contribuer à maintenir un état
physiologique normal. Quand une allégation correspond à plusieurs facteurs, sa place
précise doit être établie. Pour les nutriments indispensables, l’aliment doit apporter au
moins15%desapportsjournaliersreconnus
L’objectifestderéglementerlemarchéetnondeprendredesdécisionsdesantépublique.
Celles‐ci ne sont concernées que dans la définition des profils nutritionnels. Il n’est pas
procédé à une analyse bénéfice‐risque ni à une définition des teneurs maximales. La
nutrivigilancen’existepasauniveaueuropéen.Lasécuritéesttraitéepard’autresinstances.
Ons’intéresseàcequiestscientifiquesanstenircomptedesaspectsculturels.
85
Annexe6
Sécuritéd'emploidescomplémentsalimentaires
1‐ Exemple de plante à bonne réputation à l'état de tisane qui est jugée dangereuse à
l'étatd'extrait(Afssa,avisdu7juin2010):
Saisine de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relative à la sécurité
d'emploid'uneplante(Galegaofficinalis)danslescomplémentsalimentaires
1.RAPPELDELASAISINE
L’Agencefrançaisedesécuritésanitairedesaliments(Afssa)aétésaisielemardi2février
2010parlaDirectionGénéraledelaConcurrence,delaConsommationetdelaRépression
desFraudes(DGCCRF)d’unedemanded'avisrelatifàlasécuritéd'emploid'uneplante
(Galegaofficinalis)danslescomplémentsalimentaires.
2.CONTEXTE
Conformémentàl’article17dudécretn°2006‐352relatifauxcomplémentsalimentaires,le
pétitionnaireaintroduitunedemandeauprèsdelaDGCCRFvisantàrendrelicite
l’utilisationdelaplanteGalegaofficinalisdanslescomplémentsalimentaires.Le
pétitionnairesouhaitenotammentintégrerunextraitdecetteplantedansuncomplément
alimentairedestinéauxfemmesallaitantesdanslebutdefavoriserleursécrétionlactée.
Cetteplanteestlégalementcommercialiséedansd’autresEtatsmembres,notammenten
RépubliqueSlovaque,Suède,FinlandeetItalie,sansrestrictionspécifique.Toutefoiselle
figuresurlaliste1del’arrêtéRoyalBelgedesplantesdangereusesquinepeuventpasêtre
utiliséesentantqueoudanslesdenréesalimentaires.
Decefait,lademandedelaDGCCRFportesurlesquestionssuivantes:
–a)Quelssontlesrisquesintrinsèquesàl’emploideGalegaofficinalisdansles
complémentsalimentaires?
Lecaséchéantilestdemandéàl’Afssadecaractériserleplusprécisémentpossible
86
lesrisquespourleconsommateur.
–b)Lapréparationproposéeparlepétitionnaireestellesusceptibledeprésenterdes
risquespourleconsommateur?
–c)Est‐ilpossiblededégagerdelaquestiona)descritèresapplicablesàtoustypes
depréparationspourgarantirdescomplémentsalimentairessûrspourle
consommateur?
5.CONCLUSION
L’Agencefrançaisedesécuritésanitairedesalimentsestimeque:
‐lesdonnéesrelativesàlasécuritédeGalegaofficinalissonttrèsinsuffisantes,
notammentencequiconcernel’identificationducomposétoxique,sarépartitiondans
laplante,samétabolisationaprèsingestion(notammentsonpassagedanslelait
maternel)etseseffetstoxicologiques;
‐latrèsgrandeincertitudesurlerisquetoxicologiqueliéàl’utilisationdel’extraitde
Galegaofficinalischezlafemmeallaitanteetindirectementchezlenouveau‐né,conduit
àuneréservemajeuresurlasécuritéd’emploidelapréparation.
Parailleurs,l’Afssarappellequelesspécificitésdesplantesetdeleurspréparationsrendent
nécessaireuneévaluationdesproduitsaucasparcas.
2‐LaFoodandDrugAdministration,agencenord‐américainedesmédicamentsetdes
alimentsdéjàcitéelancerégulièrementdesalertesconcernantdesproduitsvégétaux:
‐ laconsoude(comfrey)Symphytumofficinale,S.asperum,S.x.uplandicumnedoivent
pasêtreingéréescarcontenantdesalcaloïdesdetypepyrrolizidineprésentantdesérieux
dangers(2001).
‐ Despréparationsdekava(Pipermethisticum)utilisécommeantistresset
euphorisantconnupoursatoxicitéhépatiqueontdonnélieuàdesnotificationsdetoxicité
ayantentrainélanécessitéd'unetransplantation(1999‐2002)
‐ RetraitduproduitamaigrissantLipokinetix®contenantenfaitdelanoréphédrine,
delacaféine,del'yohimbineetdeladiiodothyronine,del'usniatedesodium…(2001)
‐ Retraitduproduit"strictementd'originevégétale"LIqiang4,censééquilibrerle
diabèteetvenduparcorrespondanceetquicontenaitduglyburideunesulfonylurée(2005)
87
‐ Retraitdetroisextraitsdelevurederizrouge,anti‐cholestéroltraditionneltrès
consomméenChineetvendussurInternet®carcontenantdelalovastatine
frauduleusementajoutée(2007).
‐ Retraitdequatrelotsdecapsulesd'ortiecontenantdesquantitésdangereusesde
plomb(2002)
‐ Risquesd'interactionsmédicamenteusedumillepertuis(StJohn'sworth)avecde
nombreuxmédicaments(contraceptifs,antirétroviraux…)carcetteplanteàlaréputation
d'antidépresseur"doux"estuninducteurenzymatiquepuissantducytochromeP4503A4.
Sereporteràunepublicationparueen2000:Fugh‐BermanA.Herb‐druginteractions..
Lancet2000;355:134‐138.
‐
3‐EnEurope,onsesouvientencoredelatoxicitédecomprimésamaigrissantsàbased'un
produitvégétalchinois.Hélas!uneconfusionavaitétéfaiteentreStephaniatetrandraet
uneplantedangereuseAristolochiafanghid'oùunecentainedecasd'insuffisancerénale
terminaleenBelgiqueetquelquesautresenFrance.Voir,entreautres,[NortierJLetal.
UrothelialcarcinomaassociatedwiththeuseofaChineseherb(Aristolochiafanghi).NEnglJ
Med2000;342:1686‐92].
Ci‐dessous,onpeuttrouverunflorilèged'alertessurlesitedelaFDAnord‐américaine:
http://www.fda.gov/Food/DietarySupplements/Alerts/default.htm