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Immunoanal Biol Spec (1990) 24, 21-25 21 © Elsevier, Paris Analyses prospectives et revues generales Recepteur des lymphocytes T : r61e dans la physiopathologie des maladies auto-immunes, perspectives therapeutiques C Brunaud, ED Carosella Pasteur-M~rieux S~rum et Vaccin, 1541, avenue MarceI-M~rieux, 69280 Marcy-I'Etoile-Charbonni~res-les-Bains, France (Re?u le 10 aoC~t 1990; accept6 le 4 septembre 1990) Resume -- Le syst~me immunitaire reconnait les diff~rents antigenes & travers lee immunoglobulines, le recepteur des lymphocytes T (h6t6rodim~re ~/fl ou G/F), et les antigone de classe I ou de classe II du complexe majeur d'histocompa- tibilite (CMH). Ces molecules coop~rent ~troitement afin que le syst~me immunitaire puisse distinguer lee antig~nes du soi des antig~nes du non-soi. Le r~pertoire des lymphocytes T matures semble ~tre influenc6 par deux types de s~lec- tion dane le thymus : lee lymphocytes T qui reconnaissent lee antig~nes du non-soi lids aux mulecules de classe I ou de classe II du CMH sont amplifi6s (s~lection positive), et lee lymphocytes T qui r~agissent fortement avec les mol6cules du CMH du soi sont elimines (selection n~gative ou tolerance). La pr6sence de cellules autor~actives imma- tures, ayant ~chapp~es au ph~nom~ne de selection, pourrait ~tre & I'origine du declenchement de maladies auto- immunes. Dane cet article, nous decrivons lee implications physiopathologiques du recepteur T dans les maladies auto- immunes, ainsi qu'une approche th~rapeutique bas~e sur la vaccination avec des celtules T. recepteur T et deletion clonale / deletion clonale, auto-immunit(~, tolerance / physiopathologie du recepteur T Summary -- The T cell receptor : role in the physiopathology of autoimmun disease, therapeutic future. The immune systeme recognizes different antigens via : immunoglobines, T cells receptor (heterodimere ~/~ or ~/7), and class I or class II antigens of major histocompatibility complex (MHC). These molecule cooperate closely so that the immune system can recognize serf antigens from non self antigens. In fact, the repertoire of mature T cells originating from the thymus appears to be influenced by two selection events : T cells that recognize non self antigen binding self MHC class I or class II are amplified (positive selection), and T lymphocytes that react strongly to self MHC molecule are eliminated by a process called self tolerance (negative selection). The presence of immature autoreactive cells which escape self selection could originate the release of autoimmune diseases. We describe in the following article the physiopathological implications of T cells receptor in autoimmune diseases, as well as a therapeutic approache based on the T cells vaccination. T cells receptor and clonal deletion / clonal deletion, autoimmunity, tolerance / physiopathology of T cells receptor Introduction Le syst~me immunitaire reconnait lee diff~rents antig~nes & travers trois types de molecules : lee immunoglobulines, le r~cepteur des lymphocytes T (TCR), et le complexe majeur d'histocompatibi- lit~ (CMH) (antig~nes de classe Iet antig~nes de classe II). Lee deux premieres sont exprim~es par lee cel- lules lymphocytaires, tandis que lee antig~nes CMH sont pr6sents & la surface des leucocytes et des autres cellules. Afin que la r6ponse immune soit 6tablie, ces trois types de molecules doivent coop6rer 6troite- ment. II est vital que le syst~me immunitaire puis- se distinguer entre lee antig~nes dits du soi et les antigenes ~trangers dits du non-soi, afin de par- venir & I'~tat de non-r~ponse ou de r~activit& Lorsque la cooperation cellulaire fait d~faut, le syst~me immunitaire entraine lee d~sordres con- nus dans lee maladies auto-immunes (donc la non-reconnaissance du soi) ou la tol6rance (donc la reconnaissance du soi).

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Page 1: Récepteur des lymphocytes T : rôle dans la physiopathologie des maladies auto-immunes, perspectives thérapeutiques

Immunoanal Biol Spec (1990) 24, 21-25 21 © Elsevier, Paris

Analyses prospectives et revues generales

Recepteur des lymphocytes T : r61e dans la physiopathologie des maladies auto-immunes, perspectives therapeutiques

C Brunaud, ED Carosella

Pasteur-M~rieux S~rum et Vaccin, 1541, avenue MarceI-M~rieux, 69280 Marcy-I'Etoile-Charbonni~res-les-Bains, France

(Re?u le 10 aoC~t 1990; accept6 le 4 septembre 1990)

Resume - - Le syst~me immunitaire reconnait les diff~rents antigenes & travers lee immunoglobulines, le recepteur des lymphocytes T (h6t6rodim~re ~/fl ou G/F), et les antigone de classe I ou de classe II du complexe majeur d'histocompa- tibilite (CMH). Ces molecules coop~rent ~troitement afin que le syst~me immunitaire puisse distinguer lee antig~nes du soi des antig~nes du non-soi. Le r~pertoire des lymphocytes T matures semble ~tre influenc6 par deux types de s~lec- tion dane le thymus : lee lymphocytes T qui reconnaissent lee antig~nes du non-soi lids aux mulecules de classe I ou de classe II du CMH sont amplifi6s (s~lection positive), et lee lymphocytes T qui r~agissent fortement avec les mol6cules du CMH du soi sont elimines (selection n~gative ou tolerance). La pr6sence de cellules autor~actives imma- tures, ayant ~chapp~es au ph~nom~ne de selection, pourrait ~tre & I'origine du declenchement de maladies auto- immunes. Dane cet article, nous decrivons lee implications physiopathologiques du recepteur T dans les maladies auto- immunes, ainsi qu'une approche th~rapeutique bas~e sur la vaccination avec des celtules T.

recepteur T et deletion clonale / deletion clonale, auto-immunit(~, tolerance / physiopathologie du recepteur T

Summary - - The T cell receptor : role in the physiopathology of autoimmun disease, therapeutic future. The immune systeme recognizes different antigens via : immunoglobines, T cells receptor (heterodimere ~/~ or ~/7), and class I or class II antigens of major histocompatibility complex (MHC). These molecule cooperate closely so that the immune system can recognize serf antigens from non self antigens. In fact, the repertoire of mature T cells originating from the thymus appears to be influenced by two selection events : T cells that recognize non self antigen binding self MHC class I or class II are amplified (positive selection), and T lymphocytes that react strongly to self MHC molecule are eliminated by a process called self tolerance (negative selection). The presence of immature autoreactive cells which escape self selection could originate the release of autoimmune diseases. We describe in the following article the physiopathological implications of T cells receptor in autoimmune diseases, as well as a therapeutic approache based on the T cells vaccination.

T cells receptor and clonal deletion / clonal deletion, autoimmunity, tolerance / physiopathology of T cells receptor

Introduction

Le syst~me immunitaire reconnait lee diff~rents antig~nes & travers trois types de molecules : lee immunoglobulines, le r~cepteur des lymphocytes T (TCR), et le complexe majeur d'histocompatibi- lit~ (CMH) (antig~nes de classe Ie t antig~nes de classe II).

Lee deux premieres sont exprim~es par lee cel- lules lymphocytaires, tandis que lee antig~nes CMH sont pr6sents & la surface des leucocytes et des autres cellules.

Afin que la r6ponse immune soit 6tablie, ces trois types de molecules doivent coop6rer 6troite- ment. II est vital que le syst~me immunitaire puis- se distinguer entre lee antig~nes dits du soi et les antigenes ~trangers dits du non-soi, afin de par- venir & I'~tat de non-r~ponse ou de r~activit&

Lorsque la cooperation cellulaire fait d~faut, le syst~me immunitaire entraine lee d~sordres con- nus dans lee maladies auto-immunes (donc la non-reconnaissance du soi) ou la tol6rance (donc la reconnaissance du soi).

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Tableau I. Pourcentage des sous-populations T dans le thy- mus des souris adultes.

CD4- CD8- 5% 80% TCR W/7- 7/5- 10% TCR c~//5+ 7/5- 10% TCR oW/5- 7/5+

CD4+ CD8+ 80% 50% TCR ~//~+ 7/5- 50% TCR cW/~- 7/5-

CD4+ CD8- 12%

CD4- CD8+ 3%

100% TCR cW/5+ 7/5-

50% TCR cW/~+ 7/5-- 50% TCR ~/fi- 7/5-

Tableau I1. Comparaison des cellules exprimant TCR ~/,8 et TCR 7/~ darts le sang p~ripherique des souris adultes.

TCR cW/~+ 70% des PBL <1% CD4- CD8- 60% CD4+ CD8- 35% CD4- CD8+

TC R 7/5+ 1 & 10% des PBL 50 & 80% CD4- CD8- <1% CD4+ CD8- 20 & 50% CD4- CD8+

Recepteur des lymphocytes T et molecules d'adhesion

L'importance des lymphocytes T dans les r6- ponses immunes est due & I'existence, & leur sur- face, de recepteurs capables de reconnaftre un grand nombre de determinants antig~niques et d'engendrer une r~ponse immunitaire sp~cifique de I'antig~ne (Ag).

Les g~nes du recepteur T (TCR) font partie de la superfamille des immunoglobulines [1, 9]. IIs sont constitu~s de quatre segments : V, (D), J, C, qui se rearrangent au cours du d~veloppement des cellules T. Ces T~arrangements sont & I'origi- ne de la diversit~ du TCR.

Deux formes de r~cepteur T ont et~ mis en evi- dence [20, 26, 28]: - I'h~t~rodimere ~z//~, constitue d'une chafne c~ et d'une chafne/7 assemblees par un pont disulfure, est exprim~ sur la grande majorite des cellules T matures (environ 95% des lymphocytes T du sang p~riph~rique humain) (tableaux let II); -I 'het~rodimere 7/5, constitu~ d'une chafne ~, et d'une chafne 5 reli~es ou non par des ponts disul- fures, est present sur 3 & 5% des cellules T matures du sang circulant (tableaux I et II). Chez la souris, il a ~t~ decrit dans I'intestin, I'~piderme et les organes de reproduction.

Du fait du nombre relativement faible de seg- ments VT, VS, J7, J5 darts le genome humain, les cellules T ~/5 + ne peuvent donc reconnaftre qu'un nombre limit~ d'antigenes ~trangers par leur

TCR. Le r61e physiologique des cellules T Iz/~ demeure encore m6connu. R~cemment, les cel- lules T 7/5 + ont 6t6 d6crites participant dans les r~ponses immunes induites par les prot~ines mycobact6riennes et autres organismes infec- tieux [25].

Ces deux formes de r~cepteur sont des glyco- proteines transmembranaires dont I'extr6mit~ NH2 terminale est orientee vers I'ext~rieur de la cetlule. Ils sont associ~s de fa(~on non covalente avec le complexe prot6ique CD3, qui est present

la surface de tous les lymphocytes T matures (fig 1) [32, 34]. Le complexe CD3 est implique dans la transduction du signal re(~u par le TCR. II y a toujours coexpression stoechiometrique et comodulation des prot~ines du TCR et du com- plexe CD3. C'est-&-dire que le recepteur T ne s'exprime & la surface des lymphocytes T qu'associ~ & I'ensemble des diff~rents polypep- tides du complexe CD3.

Le TCR a//~ reconnaft I'antig~ne pr6sent6 par les cellules pr6sentatrices de I'Ag (CPA) (mono- cytes, lymphocytes B, macrophages) apres que celles-ci I'aient internalis6 et fragment~ en pep- tides. Ceux-ci vent s'associer aux molecules membranaires du CMH de la cellule pr~sentatri- ce. IIs pourront alors 6tre reconnus par le TCR d'un lymphocyte T ~//~ de m~me CMH (phenom~- ne de restriction au CMH) (fig 2).

Dans la reconnaissance sp6cifique de I'Ag associ~ aux molecules de classe I ou de classe II du CMH par le TCR ~z//~, interviennent plusieurs prot6ines, nommees molecules accessoires, dont les interactions non sp6cifiques ont pour but de stabiliser le complexe cellule effectrice/cellule cible. Cette adh6sion est aussi essentielle & I'induction de la r6ponse immune et & la migration leucocytaire. /~, ce jour, quatre recepteurs princi- paux impliqu~s dans I'adh6sion des lymphocytes T ont et6 d6crits [13, 17] : - LFA-1 (lymphocyte Function Associated Anti- gen), CD2, CD4, CD8; les ligands de ces mol@ cules exprimes par les lymphocytes B, les CPA et

' ~~iii7 Mombran. c'llulair° 1 ] P 6% cgtoplasme

TCR C03

Fig 1. Repr6sentation schematique du complexe r6cepteur T et du CD3.

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Recepteur des lymphocytes T 23

Cellule T helper

a C CD3 ~ C

TCR ~ , - ~ , -

CD4 -- P ~

Cellule =r6senta~t 1"anti i6ne

AntigOne ( Pepttde )

© \

Fig 2. Une representation simple de I'interaction entre un T helper et une cellule pr~sentant I'antig~ne.

les leucocytes ont et~ identifies : ICAM 1 (Inter- cellular adhesion molecule 1) pour LFA-1 ,LFA-3 (Lymphocyte Function Associated Antigen-3) pour CD2; - les molecules CD4 [14] et CD8 se lient aux d~terminants monomorphiques port~s, respecti- vement, par les antig~nes de classe II (chez la souris, ces molecules sont cod~es par les g~nes des loci I-E et I-A) et les antig~nes de classe I du CMH (chez la souris, ces molecules sont codees par les genes des loci K, D, L).

La compl~mentarit~ de I'ensemble de ces com- plexes est indispensable dans la r~gulation du syst~me immun. En effet, I'existence d'un deficit dans I'expression des molecules accessoires au cours de la p~riode p~rinatale peut entrafner des immunod~ficits graves.

Implications physiopathologiques du recep- teur T

II y a 30 ans, Burnet et Fenner formulaient I'hypo- th~se selon laquelle le syst~me immunitaire maintient la tolerance au sol gr&ce & la d~letion clonale de lymphocytes autoreactifs. Ce proces- sus permet & un individu de ne pas r~pondre contre ses propres antigenes.

,& I'heure actuelle, il devient clair que la s~lec- tion des lymphocytes T exprimant les chafnes ~z et /~ du r~cepteur T (TCR c~//~) se d~roule au cours de la migration des cellules T du cortex thy- mique vers la m6dulla thymique [5, 9]. Le r~per- toire des tymphocytes T matures [21, 22] prove- nant du thymus apparaft 6tre influenc~ par deux 6v6nements : - les lymphocytes T reconnaissant les molecules du CMH du sol avec une faible affinit~ sont pr~f~- rentiellement amplifies (selection positive) [23];

- ceux exprimant un r~cepteur de haute affinit6 pour les determinants du CMH du sol plus les antig~nes du sol sont ~limin6s (s61ection negative ou tolerance) [7, 10, 16, 27].

L'approche moleculaire a permis de decortiquer le processus de d61~tion de clones T autor~actifs Iors de leur migration dans le thymus.

C'est I'~quipe de Kappler et Marrack [2] qui apporte les premieres observations directes en faveur du module de d616tion clonale.

Les lymphocytes T exprimant sur le segment V de la chafne/~ de I'idiotype V,617a sont significati- vement augment6s (9 9. 14% de la population T ~z/,8+) dans le sang p~ripherique des souris qui ne portent pas la mol6cule CMH de classe II I-E. Cette population de cellules T e s t largement reduite (inf~rieur & 1% de la population T ~/,6+) dans le sang p6ripherique des souris I-E+. Cependant, les cellules immatures (dans le cor- tex thymique) CD4+ CD8+ sont en nombre iden- tique dans les souches I-E+ et I-E-; mais elles disparaissent de la population CD4+ CD8- ou CD4- CD8+ dans la m~dulla thymique des souches I-E+.

Le gene V,617a predispose donc les cellules T a. reconna;tre la mol6cule I-E. Des observations similaires ont ~t6 faites pour d'autres syst~mes antig~nes du soi/TCR, comme M1sla/V,86 et V,68.1 et Mls2a/3a avec V,83 [15, 19].

La presence de cellules autor~actives th~ori- quement immatures pourrait ~tre & I'origine du d~clenchement de maladies auto-immunes.

De r~centes exp6riences ont permis de montrer que des souris thymectomis6es & la naissance pr6sentent en sang p~ripherique des clones T autoreactifs [30].

Chez la souche de souris adulte B6AF1 (I-E positives), le pourcentage de lymphocytes T V,811+ est tr~s faible dans le thymus (0,6% de la population T ~¢',8+) et les tissus lymphoi'des p6ri- ph~riques (2,3% de la population T ~W,6+), par rapport & celui trouv6 (12% de la population T a//~+) dans ces m~mes organes chez la souche de souris C57BL/6 (I-E negatives).

En revanche, ces deux esp~ces de souris expriment un nombre similaire de cellules T V,86+ et V,68+ en sang peripherique.

C'est le cas <,classique>, d'une d61~tion, ici m~di6e par l'expression de la mol6cule de classe II I-E.

Une thymectomie r6alis~e 1 & 4 jours apr~s la naissance chez les souris B6AF1 entrafne une augmentation de 10 fois des cellules T V,611+ dans les organes lympho'fdes p~riph~riques par rapport aux souris temoins (le pourcentage de lymphocytes V/56+ et V/~8+ restant inchang~ ).

Ce fait indique que la d61~tion clonale est imparfaite. En effet, I'ablation du thymus au cours

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de la p~riode n~onatale induit I'apparition dans les organes lymphoTdes p~riph6riques de clones autor~actifs, qui normalement auraient dO eve d61~t6s dans le thymus.

Cependant, la presence anormale de ces clones T dans les organes cites ci-dessus n'entrafne pas une augmentation de I'incidence des maladies auto-immunes. Ce ph6nom~ne serait dO & la non-fonctionnalite des lymphocytes T non d~l~t~s [4] (absence de reponse et d'expression de I'interleukine-2).

L'approche mol~culaire de la tolerance, pr~sen- tee ci-dessus, est & I'heure actuelle & I'origine des nombreux travaux qui tentent d'expliquer le pro- cessus de certaines maladies auto-immunes. Les deux exemples suivants permettent de mieux comprendre rimplication de clones T exprimant un segment V/~ particulier dans le mecanisme de ces pathologies.

Le diab~te type I insulinod~pendant [3, 18, 24, 29] s'accompagne de la destruction des cellules /~ s~cretrices d'insuline) dans les riots de Lange- rhans du pancreas. On trouve, souvent associ~e

cette pathologie, une infiltration des ilots diab~- tiques par des lymphocytes T et B (phenomene connu sous le nom d'insulite). De plus, des autoanticorps contre les antigenes des cellules/7 pancreatiques sont d~tect~s chez les patients diab~tiques.

Les souches de souris NOD (Non Obese Dia- betic) sont pr~dispos~es & d~velopper cette maladie auto-immune. Elles constituent un modU- le animal de choix pour I'~tude de la physiopatho- Iogie.

Ces souris se caract#risent par I'absence d'expression de I'antig~ne I-E. Ces animaux n'uti- lisent donc qu'une unique molecule de classe I1, I-A, Iors de la presentation des antig~nes aux lymphocytes T matures CD4+ CD8-.

De nombreux travaux ont ~t~ d~crits que la susceptibilit~ du diab~te type I insulinodependant chez la souris (comme chez I'homme) est large- ment influenc~e par I'expression (ou la non- expression) des molecules de classe II. En effet, la r~introduction d'un transg~ne I-E fonctionnel permet aux souris NOD d'etre ainsi protegees de cette maladie auto-immune. L'~tablissement de lign#es de lymphocytes T & partir de souris diab~- tiques a permis de montrer que les cellules expri- ment une chaine V/7 d'idiotype 5 (connue pour eve d~l~t~e au cours de I'ontogenese des cel- lules T chez les souris I-E+) entrafnant un etat de tolerance.

II apparaft alors que I'expression de la chaine Vfl5 sur les lymphocytes T circulants contribue & sensibiliser les souris au diab~te.

Le second module concerne I'enc~phalomy~lite allergique experimentale (EAE) et d~veloppe une

nouvelle approche th~rapeutique basee sur une ,< T Cells Vaccinatiom> [12].

L'EAE chez le rat est une maladie auto-immune du syst~me nerveux centrale due a la prolifera- tion de clones T CD4+ r6actifs contre la prot~ine my~line basique.

Le TCR exprimant la chafne : Vfl 5.2, Va2, JaTA39 est present aussi bien dans le module rat (Lewis) que souris (B10.PL, PL/J). Etant donn# les differences de CMH des deux especes, I'usage d'un TCR commun (bien qu'il reste sur- prenant) peut constituer une cible interessante en vue d'une vaccination.

Le(s) d~terminant(s) idiotypique(s) associe(s) I'EAE ont 6t~ recherche(s) Iors de I'analyse des sequences primaires d'acides amines des diff6- rents TCR provenant des cellules T encephalito- geniques des rats et des souris malades.

Des rats ont ~t~ rendus resistants & EAE apr~s vaccination avec des peptides synth~tiques cor- respondants aux d~terminants idiotypiques de la r~gion CDR de la chafne V,88.2 du TCR exprim~ par les cellules T enc6phalitog6niques [31]. Cette vaccination induit I'expression d'anticorps anti- idiotypiques sp~cifiques ainsi que la proliferation de clones T anticlonotypiques, agissant & diffe- rents stades de 1'6volution de la maladie.

Conclusion

,&, I'heure actuelle, il semble clair, du moins chez la souris, que la plupart des maladies a mediation lymphocytaires T sont caracteris6es par I'expres- sion pr6f6rentielle d'idiotype ,/7 sur le r~cepteur T.

II est donc possible d'imaginer que les epitopes T impliqu~s ainsi d6finis peuvent etre utilis~s en vue d'une approche th~rapeutique nouvelle.

Chez I'homme, ~tant donn~ le polymorphisme du syst~me g6n~tique, il reste & franchir de nom- breuses 6tapes avant la mise en place d'une telle approche. Cependant, des essais cliniques preli- minaires ont d~j& 6t~ r6alis~s dans le cas de I'ar- thrite rhumatoi'de, par I'administration d'anticorps anti-CD4 [11, 33] ou bien celle de lign~es de cel- lules T autologues generee avec de la PHA.

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