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● PATRIMOINECONTRE VENTS,GUERRES ET MARÉES
● PORTRAITBIENVENUE,MONSIEURMATSUURA
● SCIENCES SOCIALESLE POINT SUR LEUR ÉVOLUTION
● AFRIQUEUNE TRADITION ET UN MÉTIER EN CRISE
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RAZZIASUR
LES IDÉES
Ce mensuel, destiné à l’information, n’est pas undocument officiel de l’UNESCO.Tous les articles sont libres de droit. L’envoi à la rédaction d’unecopie de l’article reproduit serait apprécié. Les photos sans lesigne © sont disponibles gratuitement pour les médias sursimple demande adressée à la rédaction.ISSN 1014 5494
SOMMAIRE
UNESCOest un mensuel publié parl’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et laculture.Tél : (+33 01) 45 68 45 37 Fax : (+33 01) 45 68 56 54. Les éditions en anglais et en françaissont entièrement produites au Siège ; l’édition en espagnol avec le Centre UNESCO deCatalogne, Mallorca 285, 08037Barcelone, Espagne ; l’édition enchinois avec l’Agence Xinhua, 57Xuanwumen Xidajie, Beijing, Chine ;l’édition en portugais avec laCommission nationale pourl’UNESCO, Avenida Infante Santo N°42 - 5°, 1300 Lisbonne Portugal.
Directeur de la publication : René Lefort. Rédactrice en chef: Sue Williams.Secrétaire de rédaction: Monique Perrot-Lanaud. Rédaction: Nadia Khouri-Dagher, Cristina L’Homme, Ann-Louise Martin, Chloë Fox. Version espagnole: Lluis Garcia (Barcelone), Liliana Sampedro (Paris). Mise en page, illustrations,infographie: Fiona Ryan-Jacqueron, Gisèle Traiano. Impression: Maulde & Renou. Distribution par les Servicesspécialisés de l’UNESCO.
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UNESCO
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Razzia sur les idéesDepuis une décennie, le débat sur les droitsde propriété intellectuelle devient passionnel.La science, la technologie et la mondialisationont changé les règles du jeu..........................................................4
PATRIMOINE CULTUREL
SOS patrimoineQue peut-on faire pour minimiser les dégâtsoccasionnés sur notre patrimoine culturel parles désastres naturels ou provoqués par leshumains?......................................................10
EN BREFDes informations sur l’action de l’UNESCO à travers le monde ainsi que sur sespublications et matériels audiovisuels.......................................................16
PORTRAIT
Le nouveau numéro unLe diplomate japonais Koichiro Matsuura estle candidat proposé au poste de directeurgénéral de l’UNESCO.......................................................20
SCIENCES SOCIALES
Des sciences encore sociales?Le premier Rapport mondial sur les sciencessociales donne une vision unique etfascinante des sociétés d’aujourd’hui.......................................................21
CULTURE
La révolution au bout des doigts?En Afrique, l’économie repose sur l’agricultureet le tissage. Une exposition et des ateliers,organisés au Siège, montrent que le tissageest tout un mode de vie.......................................................22
À quiappartient
son art?
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Tremblement de terre: effondrement dela chapelle Saint-François d’Assise.
L’anthro-pologien’est plusce qu’elleétait.
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Parée pourle succès
22 Couverture: © Chapman/Image Bank et Mike Quon/Image Bank
● PATRIMOINECONTRE VENTS,GUERRES ET MARÉES
● PORTRAITBIENVENUE,MONSIEURMATSUURA
● SCIENCES SOCIALESLE POINT SUR LEUR ÉVOLUTION
● AFRIQUEUNE TRADITION ET UN MÉTIER EN CRISE
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RAZZIASUR
LES IDÉES
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EDITORIAL
emporté: Monsanto a accepté de ne pascommercialiser «Terminator» et lessociétés pharmaceutiques ont aban-donné leur procès contre l’Afrique duSud. Toutefois, la vigilance constante dupublic reste une nécessité absolue.Aujourd’hui, l’économie mondiale estdominée par le savoir, et le nombre dedomaines où s’exercent les droits depropriété intellectuelle a augmenté defaçon vertigineuse. Dans les pays endéveloppement, en particulier, cette
croissance risque à longterme d’affecter la pro-duction alimentaire, lesservices de santé, voire ledéveloppement culturel. S’il est logique que ceuxqui investissent des cen-taines de millions de dol-lars dans l’élaborationd’un produit aient ledroit de protéger leurinvestissement, le publicne doit pas devenir
l’otage de ce droit. Et la loi doit aussiprotéger ceux dont les connaissancessont exploitées. Il en va ainsi despeuples indigènes: leur savoir envi-ronnemental et médical ou leursexpressions culturelles sont une mined’or, mais, jusqu’ici, ils n’ont bénéficiéd’aucune loi de propriété intellectuelle.De plus en plus conscients des enjeux,les pays en développement entendentfaire de la propriété intellectuelle unedes questions centrales des négocia-tions du Seattle Round de l’Orga-nisation mondiale du com-merce, qui démarrent cemois-ci.
Sue Williams
La justification des droitsde propriété intellec-tuelle, tels que le droitd’auteur, les brevets ou
les marques déposées, est qu’ils pro-tègent et stimulent la créativité. Maisces droits sont limités dans le temps etl’espace pour empêcher les abus,comme l’existence de monopoles puis-sants, et pour protéger l’intérêt géné-ral, le «bien commun».Toutefois, le développement de lascience et de la techno-logie rend l’équilibreentre la société et lesinventeurs de plus enplus précaire.Où était la notion de«bien commun», parexemple, dans la tech-nologie que Monsanto adéveloppée sur lasemence stérile baptisée«Terminator»? Plus de1,4 milliard de paysansdes pays en développement sèmentles graines qu’ils mettent de côté àchaque récolte. Avec «Terminator», ilsauraient dû, tous les ans, en acheter denouvelles.De même, alors que le sida est aujour-d’hui la principale cause de mortalitéen Afrique, où était le concept de «biencommun» quand des sociétés phar-maceutiques, pour protéger leurs bre-vets, ont essayé d’empêcher l’Afriquedu Sud de produire elle-même desmédicaments génériques, beaucoupmoins chers?Heureusement, dans ces deux cas, l’in-dignation de l’opinion publique et lesimple poids de l’enjeu éthique l’ont
ÉDITORIAL
QUESTIONS DE DROITS
“Cette croissance
risque d’affecter
la production
alimentaire, les
services de
santé, voire le
développement
culturel
3No 117 - novembre 1999”
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Sous pression
• Plus d’une vingtaine debrevets ont déjà étédéposés par 12 institutspour des grainesstérilisées parmanipulation génétiqueou chimique
• Cinq compagniesseulement contrôlentprès de 66 % du marchémondial des pesticides,près de 25 % de celui desgraines et quasiment latotalité de celui desgraines génétiquementmodifiées
• Plusieurs pays asia-tiques, contournant lesbrevets internationaux,produisent leurs propresmédicaments pour traiterle sida: une dose men-suelle d’AZT produite enInde revient à $48 contre$250 aux États-Unis.
• Glaxo-Wellcome abaissé récemment defaçon radicale le prix deses médicaments contrele sida pour les femmesenceintes dans les paysen développement.
Source: RuralAdvancement FoundationInternational (RAFI),UNAIDS, InternationalHerald Tribune.
L’essor fantastique qu’a pris le chan-tier de la propriété intellectuelle aété rendu possible par le dévelop-pement des technologies de l’in-formation et de la communication,
mais aussi des sciences de la vie. La mon-dialisation des marchés et les accords inter-nationaux sur le commerce ont encore accé-léré ce processus, qui coïncide avec uneénorme concentration de pouvoir dans lesmains de quelques multinationales. Si ledébat n’a, jusqu’ici, guère dépassé les cerclesd’experts, il affecte des secteurs aussi impor-
tants que l’édu-cation ou larecherche.Sont en jeule conceptd’accès à l’in-formation et
l’aggravationde l’écart entre
le Nord et le Sudà cet égard.
La notionmême d’une appro-
priation individuellede la production
intellectuelle est uneinvention récente del’Occident. Pendant desmillénaires, les idées oules écrits ont été consi-dérés comme un biencommun. Pour
Aristote il n’y a deraison qu’univer-
selle, et donccommune à
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RAZZIA SUR LES IDÉES
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Les domaines couverts par la propriété intellectuelle ont littéralement explosé enl’espace d’une décennie. Cette expansion, lourde de conséquences pour le Sud,affecte aussi l’équilibre entre la nécessité de protéger la création intellectuelleet le droit du public à y avoir accès.
tous. Pour lui, l’essence de l’homme est decopier, de reproduire ce qui a déjà été pro-duit, et c’est ce mouvement perpétuel quiest à la source du progrès et de l’invention.Il a fallu attendre la Révolution françaisepour voir Beaumarchais introduire la notionde droit d’auteur. En Angleterre, le droit dereproduction s’est développé avec les privi-lèges royaux accordés aux imprimeurs. Dansle droit anglo-saxon, l’accent a été mis sur ledroit des éditeurs et des producteurs («copy-
rights»), alors que dans le reste de l’Europeil portait sur le droit moral de l’auteur. Lesdeux traditions se rejoignent cependant dansla reconnaissance de l’auteur et la récom-pense de son travail, l’objectif ultime étantle développement des sciences et des arts.La société a ainsi mis sur pied un systèmed’échange: la législation protège les créa-teurs à condition que, sur le long terme, lesrichesses intellectuelles reviennent dans ledomaine public. C’est par exemple le casdes inventions dans le secteur industriel aubout de vingt ans. Jusqu’à récemment, laprotection du droit d’auteur et du copyrightpour les livres ou d’autres créations étaitlimitée à la vie de l’auteur plus cinquanteans. L’objectif était de garantir l’existenced’un domaine public riche, en permettantaux œuvres de l’esprit d’être accessibles àtous, notamment par une baisse des prix.
Équilibre précaireAujourd’hui, cet équilibre est en danger.
Depuis une dizaine d’années, nous assistonsà un renforcement continuel des droits de lapropriété intellectuelle et à un affaiblisse-ment du domaine public. L’an dernier, leCongrès des États-Unis a adopté une loi(Sonny Bono Copyright Term Extension Act)étendant les droits de reproduction de 50 à70 ans après le décès des auteurs, et de 75 à95 ans pour les entreprises titulaires de droits.Cette législation a été introduite (entre autres,soi-disant pour s’aligner sur la législation
novembre 1999 - N° 117
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européenne) sous la pression de groupescomme Walt Disney, qui n’avait aucune enviede voir Mickey tomber dans le domainepublic en 2004. Cette loi est passée commeune lettre à la poste, et pourtant elle retardele moment où les œuvres de l’esprit tom-bent dans le domaine public.
Une autre menace sur le domaine publicprovient de la tendance à breveter, ou à pro-téger, un peu tout et n’importe quoi. En 1996,une directive européenne sur les bases dedonnées a été adoptée, qui permet de reven-diquer un droit de propriété sur des infor-mations brutes ou des données élémentairesrelevant éventuellement du domaine public,comme la température ou les cours de laBourse. Or cette protection juridique estaccordée à des bases de données assem-blées sans activité créative mais ayant sim-plement bénéficié d’un investissement finan-cier. Elle permet donc à des sociétés depratiquement monopoliser des informationsqui, pourtant, font partie du bien commun.Là encore, il n’y a eu presque aucun débat.Excepté toutefois une réaction à l’occasiond’une conférence de l’OMPI en 1996, àlaquelle a été soumis un projet de traité direc-tement inspiré de cette directive européenne,qui revenait à fermer l’accès à des informa-tions censées être, jusque-là, disponibleslibrement et gratuitement. Devant la frondeinattendue des chercheurs et des bibliothé-caires, ainsi que des pays en développement,ce projet de traité a été abandonné, mais ladirective européenne, elle, commence à êtremise en application.
Les nouvelles technologies peuvent aussimettre en péril la légitimité de droits acquis.
Il est ainsi possible d’empêcher technique-ment, par codage, la copie d’un disque com-pact, fût-ce à des fins légitimes (par exemplepédagogiques, dans le cadre des exceptionslégales au droit d’auteur). Selon le traité del’OMPI (1996) sur les copyrights, la simplepossession d’un système de décodage estconsidérée comme illégale, sans considéra-tion pour des usages légitimes du propriétaire.C’est encore un renforcement de la législationau détriment de l’intérêt général et de l’équi-libre entre utilisateurs et ayants droit.
Autre sujet de discorde : la brevetabilitédes logiciels. En Europe, ils sont protégés autitre de la propriété littéraire et artistique, etnon pas au titre de la propriété industriellepar des brevets. Cela veut dire qu’on pro-tège le logiciel comme une œuvre littéraire,mais que les idées qui sont dedans ne sontpas protégeables. En revanche, la philosophieaméricaine consiste à protéger les logicielspar des brevets, ce qui rend très difficile letravail des concurrents parce que les idéesutilisées dans les logiciels sont alors «gelées».Prenez la célèbre bataille entre Microsoft etApple sur l’idée de la «corbeille électronique»:un tel procès serait impossible en Europe, oùon peut seulement protéger la forme origi-nale de l’expression graphique, mais pasl’idée logicielle. Or, des pressions s’exercentactuellement sur les autorités européennespour qu’elles s’alignent sur la législation amé-ricaine.
Création artificielle de raretéLes nouvelles technologies pourraient
favoriser un accès universel aux informa-tions et un partage du savoir, mais le marchéa besoin de rareté pour soutenir les prix. Lerenforcement de la propriété intellectuellecrée artificiellement une forme de rareté.C’est un choix politique qu’il faut discuter, ycompris au-delà des cercles juridiques: notresociété doit-elle admettre de renforcer lapropriété intellectuelle pour le seul profitde quelques multinationales? Ces lois cor-respondent-elles aux besoins des pays lesplus pauvres?
Bien entendu, il faut offrir une protectionà l’auteur et à l’éditeur, mais le citoyen aussia besoin d’être protégé. Si nous laissons s’im-poser des droits de propriété intellectuelle surdes données brutes ou des œuvres classiquesqui auraient dû tomber dans le domainepublic, si nous laissons être «brevetés» lesidées fondamentales des logiciels ou les orga-nismes vivants, nous affaiblissons notre patri-moine intellectuel commun. Et nous en sor-tirons tous appauvris.
La propriété intellectuelle est une affairebeaucoup trop sérieuse pour être confiéeaux seuls juristes. ●
Philippe Quéau,
Directeur de l’information
et de l’informatique de l’UNESCO
Tout le monde ne peut pas reproduireMickey.
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La protection de lapropriété intellectuellecomprend:
• La propriété littéraireet artistique. Elleconcerne lesproductions littéraires,scientifiques ouartistiques, quellequ’en soit la formed’expression: les livres,brochures et autresécrits; les conférences,allocutions et sermons;les œuvresdramatiques oudramatico-musicales;les œuvreschorégraphiques etpantomimes; lescompositionsmusicales; les œuvrescinématographiques;les œuvres de dessin,de peinture,d’architecture, desculpture, de gravure,de lithographie; lesœuvresphotographiques; lesarts appliqués; lesillustrations, cartesgéographiques etplans.
• La propriétéindustrielle. Elle a pourobjet les brevetsd’invention, les modèlesd’utilité, les dessins oumodèles industriels, lesmarques de fabrique oude commerce, lesmarques de service, lenom commercial et lesindications deprovenance ouappellations d’origine,ainsi que la répressionde la concurrencedéloyale.
Œuvres protégées
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Àqui «appartiennent» les «droits» desmotifs traditionnels utilisés par les
artistes aborigènes contemporains? Auxartistes eux-mêmes? À leur communauté quia assuré leur transmission de génération engénération? Ou encore à la société qui aimprimé ces motifs sur une nappe ou uncadran de montre pour les vendre aux tou-ristes?
La culture, le savoir et le patrimoine despopulations indigènes, en un mot le «folk-
lore», alimentent un commerce extrêmementlucratif. L’art des Aborigènes australiens,internationalement reconnu, en est unexemple parmi d’autres.
Cette exploitation éhontée a fait prendreconscience de la vulnérabilité des commu-nautés indigènes et de la nécessité de pro-téger leur propriété intellectuelle, donnantlieu à l’adoption de plusieurs mesures. Ainsi,la Convention sur la diversité biologique(1992) a fait beaucoup pour la reconnais-sance de l’apport de ces cultures dans ledomaine de la médecine traditionnelle et desplantes. Les États-Unis ont adopté la Loi surla protection et le rapatriement des sépulturesindigènes. Le groupe américain ShamanPharmaceuticals, quant à lui, a rétribué lepeuple Shaman pour avoir utilisé sa connais-sance des plantes médicinales.
Les autochtones exploitésCependant, aucun texte spécifique ne
protège les droits de propriété intellectuelleet culturelle des populations indigènes. Sil’accord sur les ADPIC (voir encadré p. 8)marque un tournant, notamment en termesd’harmonisation des textes dans ce domaine,il ne fait aucune allusion aux droits des popu-lations autochtones, qui ne sont tout sim-plement pas protégés. Pire, en s’appuyantsur le concept du droit à la propriété privée,qui est au cœur du système juridique occi-dental mais complètement étranger à cescommunautés, les textes récents entérinentl’exploitation économique de leur culture etvont jusqu’à protéger ceux qui s’approprientleurs connaissances.
Les cultures indigènes sont organiséessur la base de la propriété collective et la pro-tection de leurs droits se heurte à deux typesd’obstacles. D’une part, sous le régime du bre-vet et des droits d’auteurs, la culture tradi-tionnelle ne répond pas aux critères de nou-veauté et d’originalité. De plus, elle n’a pasd’auteur identifié et il arrive qu’elle ne soitmatérialisée sur aucun support. D’autre part,d’un point de vue juridique, ce savoir tradi-tionnel fait partie du domaine public et, par
conséquent, ceux qui veulent l’utiliser nedoivent rien à ces populations.
Pour les populations indigènes, les droitsde propriété sont un moyen de maintenir etde renforcer l’identité du groupe et non unmode d’enrichissement personnel. Puisquela propriété de leur culture et de leursconnaissances est collective, toute utilisationde leur patrimoine doit être approuvée parla communauté, ou par des gardiens des tra-ditions agissant en son nom.
L’opposition entre ces deux conceptionsde la propriété pourrait trouver une issuedans l’adoption d’une législation sui generis
(unique en son genre) qui reconnaîtrait lacréation collective et la propriété communede droits intellectuels et culturels.
Le risque de dénaturer la cultureAlors que les produits réalisés à partir
de leur savoir rapportent des milliards dedollars aux industries pharmaceutiques etagrochimiques, les populations indigènes netouchent environ qu’un quart des bénéficesgénérés par la vente de leur art et de leur arti-sanat. Mais leur préoccupation est ailleurs:elles craignent surtout que leur culture soitdénaturée par une utilisation inapropriée ouirrespectueuse de leur patrimoine.
Toutefois, la protection est une arme àdouble tranchant. Elle permet certes auxcommunautés indigènes de récupérer deséléments tombés dans le domaine public etde restreindre ainsi leur utilisation. Mais celapeut aussi empêcher la création d’un espaced’information gratuit et public. De fait, lors-qu’une personne sortira de sa communauté,elle devra payer pour obtenir des informa-tions. Globalement, la loi doit veiller à ne
Pour des droits d’auteurcollectifs
La culture autochtoneest basée sur la notionde propriété collective(Alice Springs,Australie).
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Sui generis : termejuridique qui signifiepropre à une espèce ouà une chose, unique.
Brevet : un brevetprotège une inventionconcernant uneméthode ou un appareil.Une idée ne peut êtrebrevetée.
Marque : une marqueest un signe ou unecombinaison de signes(mots, lettres, dessins,images, etc.) quidistinguent le produit oule service d’uneentreprise de celuid’autres entreprises.
LEXIQUE
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Main basse sur le vivant
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pas trop étendre la protection de la créa-tion, pour ne pas la «surprotéger» et en inter-dire l’accès, ou la soumettre à des condi-tions. Autrement dit, il faut arriver à unsystème équilibré.
Néanmoins, sans protection appropriée,l’expression des cultures traditionnelles nerésistera pas longtemps à leur exploitation.Plutôt qu’une contrepartie financière, la plu-part des populations indigènes préfèreraientpouvoir exercer un contrôle de l’utilisationde leur culture par des étrangers, et dispo-ser notamment du droit de ne pas divulguercertaines informations significatives et d’ob-tenir des compensations en cas d’utilisation,contrôlée, de ce type d’informations.
Transférer les droitsLa doctrine de «l’enrichissement
déloyal», qui permettrait de poursuivre despersonnes ou des sociétés qui exploitent lescultures indigènes à des fins commerciales,pourrait être étendue à l’appropriation«déloyale» du travail d’un tiers sans sonconsentement. Quoi qu’il en soit, une
protection reposant sur des fondementspurement économiques est insuffisante. Pourde nombreuses populations indigènes, pro-téger signifie aussi garantir l’inviolabilitéd’une idée ou d’un procédé, sauvegarder lepatrimoine culturel et, surtout, préserver lecaractère sacré d’un objet. De nombreusespopulations indigènes essayent ainsi dereprendre possession des sépultures et desobjets sacrés entreposés dans des muséeset autres lieux publics. Dans le même ordred’idée, il est temps de remettre en cause ladiffusion de symboles indigènes sur desassiettes, des torchons ou des cartes de vœux.Pour que les droits d’auteur s’appliquent auxpopulations indigènes, la solution consiste-rait peut-être à les leur confier, afin de leurpermettre de contrôler ce qui est publié et uti-lisé. Et, enfin, les non indigènes ont eux aussiles moyens d’agir en boycottant les produitsillicites. ●
Kamal Puri
Professeur de droit
à l’université de Queensland (Australie)
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Le «vivant» est aujourd’hui un secteuréconomique qui pèse des milliards de
dollars. Ou, comme le dit Jack Kroll, prési-dent de DuPont, un géant de l’agro-chimie :«Pendant tout le XXe siècle, les bénéfices des
grandes entreprises de la chimie prove-
naient de systèmes non-vivants. Au XXIe
siècle, nous réaliserons une bonne part de
nos profits grâce aux systèmes vivants».Un peu partout, des pays ont accordé
des brevets pour des organismes vivants,comme des levures, des bactéries ou desvirus. Mais avec l’irruption des biotechno-logies, l’appropriation du vivant changed’échelle, et cette nouvelle donne suscitedes inquiétudes. Aux États-Unis, la sociétéBiocyte détient un brevet sur des cellules ducordon ombilical humain et Human GenomeSciences a déposé un brevet sur le gèned’une hormone de croissance humaine. Pourbeaucoup de gens, revendiquer un droit depropriété sur des levures favorisant la fer-mentation de la bière est une chose, maiss’approprier des lignées de cellules humainesen est une autre.
Découvrir n’est pas innover Légalement, un brevet protège une inven-
tion, pas le simple pillage de la nature. La plu-part du temps, toutefois, la frontière entrel’innovation et la simple découverte d’unorganisme naturel n’est pas très nette, mal-gré les efforts déployés par certains pourl’établir. C’est le cas du laboratoire
pharmaceutique SmithKline-Beecham quandil affirme : «Les gènes sont des composants
essentiels du vivant. Toutefois, l’investis-
sement intellectuel nécessaire à leur iden-
tification, au décodage de leur ADN et à leur
utilisation médicale va bien au-delà de la
simple découverte. En ce sens, les molé-
cules d’ADN sont des inventions qu’il est
légitime de breveter».
Les pays en voie de développement qua-lifient souvent le dépôt de brevets par desscientifiques occidentaux sur des organismesvivants de «vol» ou de «privatisation du
Motif aborigènetransmis depuis des générations enAustralie.
Breveter une plantedécouverte dans lanature?
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88 novembre 1999 - N° 117
vivant». Un exemple: un chercheuraméricain, Loren Miller, a obtenu un brevetpour une plante cueillie dans un jardin fami-lial en Équateur. Or, dans toute l’Amazonie,l’ayahuasca, qui contient le principe actif dubreuvage hallucinogène que les chamanesutilisent pour entrer en contact avec lesesprits, est une plante sacrée. Pour Miller,elle représente un traitement potentiel enpsychiatrie. Indignée par le procédé, laCoordination des organisations indigènesdu bassin amazonien a déclaré Loren Miller«ennemi des peuples indigènes». Bien quele chercheur affirme que son brevet couvreun dérivé de la plante, pour ses détracteursil s’agit d’une simple copie. Aux États-Unis,le Bureau des brevets et de la propriétéindustrielle a décidé de rééxaminer ledossier.
Tout breveter?En 1995, une controverse encore plus
vive a mis en cause un organisme fédéralaméricain: l’Institut national de la santé(NIH) a voulu déposer un brevet pour uneculture de cellules issues du sang d’unHagahai, porteur, comme tous les membresde sa tribu en Papouasie-Nouvelle-Guinée,d’un virus proche de celui associé à la leu-cémie. Or, les Hagahai ne sont pas touchéspar cette maladie. Accusé «d’impérialisme
génétique», le NIH a fait machine arrière.Parfois, les habitants des pays en déve-
loppement découvrent avec étonnementque des sociétés occidentales viennent«d’inventer» leurs remèdes ancestraux.Ainsi, l’Université du Mississippi a reven-diqué la découverte «d’une méthode de cica-
trisation des blessures» en brevetant le tur-meric, une épice indienne. Or le Conseil dela recherche scientifique et industrielle enInde a fait valoir que cet usage de l’épice estconnu de la médecine ayurvédique (baséeexclusivement sur l’usage des plantes)depuis un bon bout de temps, bien avant quecette université ne s’en empare. Le breveta été annulé.
Comme le montrent ces exemples, lecombat n’est pas perdu sur le plan légal.Aux États-Unis, le Bureau des brevets et dela propriété industrielle rejette les dossiersquand l’invention humaine n’est pas mani-feste et, par ailleurs, une clause de l’accordADPIC (voir encadré ci-contre) autorise lesÉtats à refuser d’accorder des brevets.
Le Nord en profite, pas le SudToutefois, là où le bât blesse, c’est que
les bénéfices dégagés par les biotechnolo-gies profitent bien peu aux pays en voie dedéveloppement. Pour les populations lesplus pauvres, les médicaments sont souventd’un coût inabordable, au moins pendantles vingt ans que dure le brevet. Au-delà, ilest possible de commercialiser des médi-caments génériques, moins chers. De ce
La propriété intel-lectuelle est deve-nue une questionclé dans les rela-tions commercialesinternationales. Elleest notamment aucœur des négocia-tions multilatéralesque mènel’Organisation mon-diale du commerce(OMC), organismequi a succédé en1995 au GATT(Accord général surles tarifs douanierset le commerce),créé en 1948 pourréglementer le com-merce mondial. L’OMC est l’instancesuprême qui régit lecommerce entrepays. Elle a troisprincipauxobjectifs : favoriser
autant que possiblela liberté deséchanges, pour-suivre la libéralisa-tion par voie denégociation et insti-tuer un moyenimpartial de règle-ment des différends.L’OMC sert de cadreaux négociationscommerciales etaide les pays endéveloppement, parune coopérationtechnique, à sedoter des institu-tions nécessairespour participer ausystème commercialmultilatéral. Ellecoopère avec
d’autresorganisations inter-nationales. Ellecompte 135 Étatsmembres, et 33autres attendentleur admission.
L’accord sur lesAspects des droitsde propriété intel-lectuelle qui tou-chent au commerce(ADPIC), signé partous les membresde l’OMC, est entréen vigueur en mêmetemps que l’OMC, le1er janvier 1995.L’accord est inclusdans l’acte fonda-teur de l’OMC. Parcet accord, tous lesÉtats membres s’en-gagent à protégertoute forme de créa-tion – des œuvres
littéraires jusqu’à laconfiguration de cir-cuits intégrés pourles programmesinformatiques.
L’accord ADPIC faitdate dans l’histoirede la propriété intel-lectuelle. Sonchamp d’applicationest exceptionnelle-ment large – toutesles créations dansles domaines de laculture, de l’informa-tion, de la technolo-gie ou des logicielsse voient ainsi pro-tégées par les droitsde propriété intel-lectuelle. En outre,
l’accord exige desÉtats qu’ils permet-tent aux citoyens deprotéger leursdroits. Par exemple,les personnes ou lesentreprises spoliéesdoivent avoir lagarantie de pouvoiragir en justice etobtenir réparation.L’accord sur lesADPIC rend égale-ment obligatoirestoutes les provisionsdes conventionsantérieures sur ledroit d’auteur et lapropriété indus-trielle, à l’applicationdesquelles veillentl’OMC ainsi quel’Organisation mon-diale de la propriétéintellectuelle(OMPI). L’OMPI,l’une des 16 institu-tions spécialiséesdes Nations Unies,est notammentchargée de promou-voir la protection dela propriété intellec-tuelle à travers lemonde par la coopé-ration des États, etd’assurer l’adminis-tration de diverstraités multilatérauxtouchant auxaspects juridiques etadministratifs de lapropriété intellec-tuelle.
Les principalesconventions admi-nistrées par l’OMPIsont la Conventionde Berne pour laprotection desœuvres littéraires etartistiques, qui datede 1886 et compteactuellement 140pays signataires, etla Convention deParis pour la protec-tion de la propriétéindustrielle, qui datede 1883 et est signéepar 156 États.
La propriété intellectuelle au cœur des négociations
Siège de l’Organisation mondiale du commerce à Genève.
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L’UNESCO et la propriétéintellectuelle
9N° 117 - novembre 1999
point de vue, les laboratoires pharmaceu-tiques occidentaux qui ont finalementaccepté que l’Afrique du Sud produise desmédicaments génériques contre le VIHpouvaient difficilement continuer à l’enempêcher.
Apparemment, les valeurs éthiques ser-vent encore de garde-fou pour limiter lesinitiatives dues au développement des bio-technologies. La Grande-Bretagne et lesÉtats-Unis prévoient d’interdire aux socié-tés privées de breveter les gènes humains,afin de garantir qu’aucune société ne puisseempêcher un concurrent de travailler surun gène pour le bien commun.
Il semble aujourd’hui acquis que «le livre
de la vie» appartiendra au domaine public.Deux projets concurrents travaillent au
Plusieurs programmes témoignent desefforts de l’UNESCO visant à garantir à
la fois les droits d’auteur et un accès de tousà l’information:
L’Organisation est le dépositaire de laConvention universelle sur le droit d’auteur(Genève, 1952, révisée à Paris en 1971). Elleadministre aussi les recommandations sui-vantes:
- sur la protection juridique des traduc-teurs et traductions (1976)
- sur la condition de l’artiste (1980)- sur la sauvegarde de la culture tradi-
tionnelle et populaire (1989).Pour évaluer cette dernière, une réunion
organisée avec le Smithsonian Institute àWashington, en juin dernier, a pressé lesÉtats d’adopter des législations offrant uneprotection légale aux savoirs et savoir-fairetraditionnels. Elle a aussi appelé à unecoopération plus étroite entre l’UNESCO,l’Organisation mondiale de la propriétéintellectuelle (OMPI) et le Groupe de travaildes Nations Unies sur les populationsindigènes.
L’UNESCO offre aussi une assistancetechnique aux États sur la protection et lagestion des droits d’auteur et des artistes.Elle administre également des conventionsconjointement avec l’OMPI etl’Organisation internationale du travail(OIT), par exemple celle sur la protectiondes artistes interprètes ou exécutants, desproducteurs de disques, et des organismesde radio et de télédiffusion (Rome, 1961).● http://www.unesco.org/culture/copyright
Le programme INFO-éthique del’UNESCO vise à réaffirmer l’importance del’accès de tous à l’information tombée dansle domaine public, et à en développer lesmoyens.
Il encourage la coopération internatio-nale sur les grandes questions éthiques dela production, l’accessibilité, la diffusion,la préservation et l’usage de l’informationpar le biais des nouvelles technologies.L’UNESCO dispose d’un observatoire de lasociété de l’information qui tient les Étatsmembres au courant de l’évolution de cesquestions.●http://www.unesco.org/webworld/public domain
La Déclaration universelle del’UNESCO sur le génome humain et lesdroits humains (1997) a aussi des implica-tions en matière de propriété intellectuel-le, puisqu’elle stipule dans son article 12que les progrès des connaissances sur legénome humain seront rendus accessiblesà tous, dans le respect de la dignité indivi-duelle et des droits humains. Le comitéinternational sur la bioéthique del’UNESCO traite de toutes les questionsque peuvent soulever les avancées dansces recherches et leurs applications.
La commission mondiale de l’éthiquedes connaissances scientifiques et destechnologies est chargée d’une missionencore plus large de surveillance desrisques dans plusieurs domaines, dontcelui de la société de l’information.● http://www.unesco.org/ethics
●
séquençage des 100 000 gènes humains quiconstituent le génome. La découverte dechaque nouveau gène par la Fondation bri-tannique Wellcome comme par l’Institutnational de la Santé américain est désor-mais rendue publique dans un délai de 24heures. Même leur principal concurrentprivé, la société américaine Celera, diffuseses données concernant le génome sur leréseau Internet. Mais, si elle offre un libreaccès à ses «découvertes», Celera tirera sesprofits de leur application, en commer-cialisant des instruments d’analyse sophis-tiqués auprès des laboratoires pharmaceu-tiques. ●
Hugh Fraser,
Londres
Des sociétés occidentales«inventent» des remèdesconnus des populationstraditionnelles. Uneguérisseuse en Afrique duSud.
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Mieux vaut prévenir que gué-rir. En principe. Carl’exemple du patrimoine cul-turel montre que la sagessepopulaire ne trouve pas tou-
jours l’occasion de s’appliquer. Les trésors,artistiques ou naturels, que l’humanité devraitavoir à cœur de protéger, sont vulnérables àtoutes sortes de catastrophes, qu’elles soientnaturelles ou provoquées par l’homme.
Certes, le premier souci, en cas de cala-mité, est celui des vies humaines à protéger,et il est naturel que l’aide d’urgence s’adressed’abord aux populations civiles. Ce seraitcependant une erreur grave de penser que cespopulations, dont la détresse saute aux yeux,n’ont besoin que d’une assistance matérielle.Ce qui est moins visible mais non moins réel,c’est qu’elles ont aussi été atteintes dans leurcœur, dans leur âme et dans leur mémoire.Ce n’est pas un hasard si les Kosovars for-cés à l’exil par les bandes serbes se voyaientsystématiquement déchirer leurs papiersd’identité. Protéger le patrimoine culturel,c’est sauver l’identité d’une communauté.C’est dire non à la volonté d’anéantissement.C’est, au final, refuser que le seul rôle de vic-time soit dévolu aux survivants, comme hélasla télévision nous y entraîne tous les joursdevant de tels drames, et les rétablir dans leurdignité humaine.
10 novembre 1999 - N° 117
SOS PATRIMOINE
PATRIMOINE Parce que la destruction du patrimoine culturel d’un peuplele touche au cœur de son identité, il est primordial de toutfaire pour réduire les risques à titre préventif.
Ces sites
deviennent des
cibles de choix
dès que les
armes se mettent
à parler.
Tremblement de terre, éruption volca-nique, inondation, glissement de terrain: cescatastrophes qui prennent leur comptant devies humaines emportent aussi des trésorsartistiques. En 1995, 115 monuments histo-riques ont disparu dans le séisme dont a étévictime la ville de Kobe, au Japon. Dans lesannées 60, la ville ancienne d’Agadir, auMaroc, était rayée de la carte par un trem-blement de terre. Les terribles inondationsqui ont frappé Venise et Florence, en Italie,sont encore dans toutes les mémoires,comme l’incendie du palais royal de Windsor,en Angleterre, ou les pillages qui ont dévastéAngkor au Cambodge.
Mais de toutes les catastrophes qui mena-cent le patrimoine, c’est la guerre qu’il fautredouter le plus, comme l’ont rappelé, enBosnie-Herzégovine, le bombardement deSarajevo ou la destruction du pont de Mostar.En dépit des proclamations de bonnes inten-tions, l’histoire montre abondamment com-bien ces sites deviennent vite des cibles dechoix dès que les armes se mettent à parler.
Peu d’investissementsUne des difficultés auxquelles se heurte
la protection du patrimoine est la diversitédu sens accordé à ce mot, selon les cultures,mais aussi selon les protagonistes. Depuis quel’UNESCO est née, il y a cinquante ans, enGrande-Bretagne, les monuments ouensembles urbains protégés à un titre ou unautre sont passés de moins d’un millier àplus d’un demi-million. C’est un témoignage,parmi d’autres, de l’intérêt croissant pourcet héritage ainsi que d’une prise deconscience: nous devons le préserver pourle léguer aux générations futures.
Ainsi, la prévention des catastrophesdevrait être la norme. Or, en temps de paixet de calme, très peu d’États et d’institutionssont disposés à consentir d’importants inves-tissements pour sauver le patrimoine cultu-rel lors d’un éventuel désastre et pour sen-sibiliser le grand public et les professionnels.La simple mise en œuvre des instruments juri-diques existants de sauvegarde du patri-moine est une gageure. De nombreux paysont adhéré à la Convention internationalede La Haye de 1954 pour la protection du
Le pont de Mostar, enBosnie-Herzégovine,construit en 1566...
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11N° 117 - novembre 1999
patrimoine culturel en cas de conflit armé(voir encadré), mais le bilan de l’entrée enapplication de ces dispositifs est extrême-ment décevant. Début 1999, un deuxièmeprotocole a été ajouté à cette conventionpour lui donner plus de mordant, mais il fau-dra attendre de longues années pour qu’abou-tissent les processus de ratification. Demême, la Convention sur le patrimoine demondial de 1972, dont l’UNESCO est égale-ment dépositaire, appelle les États à recen-ser leur propre patrimoine et à développer
les moyens de sa protection. Là encore, il ya loin de la parole aux actes.
Pourtant, cette législation internationaleforme une très bonne base pour agir. Il nousfaut dorénavant avancer et admettre que lepatrimoine peut en tout temps se trouver endanger, menacé par la guerre ou les capricesde la nature, mais aussi, plus prosaïquement,par la pression urbaine ou des intérêts éco-nomiques. Il est aussi, inéluctablement, vic-time de l’usure du temps et de la simple négli-gence. «Si la communauté des responsables
du patrimoine abordait ce débat en partant
de ces présupposés simples, il serait possible
de mobiliser non seulement ceux qui ont la
charge de prévenir et de gérer les catas-
trophes mais aussi l’opinion publique, qui
doit se sentir responsable, souligne HerbStovel, président de l’ICOMOS(1) au Canada.Il faut pouvoir compter sur le courage des
citoyens en cas de drame. Alors il ne sera
plus possible d’opposer le sauvetage des vies
humaines et celui des témoignages de notre
histoire. Les deux seront liés, parties d’un
ensemble indivisible.» ●
Patrick Boylan
City University, Londres
(1) Comité international des monuments et
des sites, association non gouvernementale.
En 1997, les murs de laBasilique Saint-Françoisà Assise (Italie) cèdentsous le séisme.
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... et détruit par les obusen 1993.
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Il y aura toujours des séismes, des incen-
dies, des tsunamis, des ouragans, des
éruptions volcaniques, des guerres et des
fous. Mais nous savons comment en mini-
miser l’impact et conserver des objets
endommagés. Cela nécessite un soutien
gouvernemental et administratif au plus
haut niveau, du personnel, de la planifi-
cation, de l’argent – mais pas énormé-
ment – et un changement d’attitude»: cejugement de Barbara Roberts, experte auprèsde l’Institut américain pour la conservation,rejoint celui des experts réunis à un congrèssur les risques et la prévention du patrimoineculturel, qui s’est tenu au siège de l’UNESCOen septembre dernier. Le milieu des conser-vateurs considère qu’il est urgent de mettreen œuvre un programme international d’ac-tion pour réduire les effets des catastrophes,qu’elles soient d’origines naturelle ouhumaine. Ce plan pourrait aider les popula-tions à réagir et ferait de la protection et dela restauration du patrimoine culturel unepriorité dans la période de reconstruction.
Détruire l’histoire de l’ennemiLes sites qui ont valeur de symboles cul-
turels ou qui incarnent l’identité nationale– musées, archives, églises, mosquées, syna-gogues... – sont une cible favorite des arméeset des milices qui cherchent ainsi à détruirel’histoire de la nation ennemie. Ainsi, auKosovo, les archives ont été systématique-ment détruites pour que disparaissent
Bâtir une culture de prévention
12 novembre 1999 - N° 117
l’histoire et la culture albanaises. En SierraLeone, le musée national a été pillé. AuTimor oriental, l’armée indonésienne auraitdélibérément détruit les archives au coursde son retrait, selon le Comité internationaldu Bouclier bleu (voir encadré).
«À partir de 1991, dans l’ex-
Yougoslavie, le patrimoine culturel a été
une des premières victimes de la guerre,affirme Visnja Zgaga, directrice du Centrede documentation du musée de Zagreb(Croatie). L’objectif était d’anéantir l’iden-
tité culturelle et historique du peuple
croate. Or, la moitié au moins des objets
du musée n’avait pas été inventoriée. Il n’y
avait pas assez de lieux de stockage adap-
tés: 70 % des réserves des musées croates
manquent de place et sont rongées par
l’humidité», ajoute-t-elle.
Reconstruction et protectionPour Amra Hadzimuhamedovic, du
ministère fédéral de l’Aménagement du ter-ritoire et de l’environnement en Bosnie-Herzégovine, il faut «intégrer dans la
reconstruction après une catastrophe la
protection du patrimoine culturel. Celui-
ci doit faire partie du processus à tous les
stades, de l’échelon local au niveau inter-
national».La présence d’équipes régionales d’ex-
perts, un meilleur inventaire des collections,la formation du personnel et des civils auxsituations d’urgence, et surtout un meilleurpartage de l’information entre les ONG, lesautorités locales et les gouvernements: ces
mesures contribueraient à une meilleuregestion du patrimoine culturel menacé. Cesprécautions valent aussi pour de nom-breuses catastrophes naturelles – tremble-ments de terre, inondations, glissements deterrain ou incendies.
On ne peut prévoir un tremblement deterre qu’avec deux heures d’avance. Mieuxvaut donc se préparer à son éventualité. LaBasilique Saint-François à Assise (Italie),qui date du XIIIe siècle, a subi au moins dixtremblements de terre de forte intensitédepuis sa fondation. Mais lors des secoussesdu 26 septembre 1997, elle s’est en partieécroulée. Giorgio Croci, un ingénieur dugénie civil de l’université de Rome, qui apris part à la restauration, considère qu’unepolitique préventive aurait dû être mise enœuvre: «une inspection détaillée aurait
révélé que les voûtes avaient été fragilisées
sous l’effet des précédents tremblements
de terre, et que surcharger les arches était
dangereux en cas de séisme». Il recom-mande que les sites de haute valeur cultu-relle soit répertoriés sur une carte desrisques par les autorités, afin de pouvoirétablir des priorités, prendre des mesurespréventives et réduire les dégâts en cas decatastrophe.
Des mesures élémentairesPour Barbara Roberts, des mesures élé-
mentaires peuvent permettre la protectiondes biens culturels, surtout les biensmeubles tels que les collections de muséeset de galeries. «Ceux d’entre nous qui
Le Comité international duBouclier bleu (CIBB) estl’équivalent de la CroixRouge pour le patrimoineculturel. Créé par leConseil international desarchives (ICA), le Conseilinternational des musées(ICOM), le Conseilinternational desmonuments et des sites(ICOMOS) et la Fédérationinternationale desassociations debibliothécaires et debibliothèques (IFLA), il estun corps d’expertiseunique en matière deconseil et d’interventionen cas de guerre ou decatastrophe naturelle. Onlui doit, par exemple, lerecensement dupatrimoine culturelafghan, ou l’organisation
d’un séminaire enSlovénie destiné à formerle personnel des musées,des archives, desbibliothèques et desmonuments à laprévention, lasurveillance et lareconstruction dans lessituations d’urgence. Ce comité a aussi élaboréle Second protocole de laConvention de La Haye de1954 sur la protection desbiens culturels en cas deconflits armés, adopté enmars dernier (voirSources N° 111). Lenouveau protocole, selonManus Brinkman,secrétaire général duCIBB, constitue uneavancée sans précédentsur le terrain de laprotection internationale
de la culture. Saprincipale innovationréside dans la possibilitéde poursuites: ainsi,l’officier qui ordonne ladestruction d’une église,d’une mosquée, d’unepagode ou d’un muséepeut être tenu pourresponsable au mêmetitre que le soldat qui aexécuté l’ordre et estpassible des tribunauxinternationaux. Leprotocole a aussigrandement clarifié etlimité les casd’application desimpératifs militaires, afinde permettre l’ouverturede poursuites en casd’atteinte à la propriétéculturelle.
S. W.
Un bouclier bleu pour la culture
”“On ne peut
prévoir un
tremblement de
terre qu’avec
deux heures
d’avance.
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Des sites archéologiquesexceptionnels sont parfoisau cœur des conflits armés,comme ici à Bamyan, enAfghanistan.
13N° 117 - novembre 1999
La ville de Cuzco, au Pérou, est construitesur une zone à risque. Les glissements de
terrain et les tremblements de terre fontpeser un menace permanente sur les monu-ments incas de cette région où se dresse lesanctuaire du Machu Picchu. Et, selon cer-tains experts, c’est le savoir même des Incasqui pourrait permettre de préserver ce sitemenacé, inscrit sur la Liste du patrimoinemondial.
Lorsque Cuzco était encore la capitalede l’empire inca, elle a été détruite ou sévè-rement endommagée à plusieurs reprisespar des tremblements de terre. Le premierdont nous ayons gardé une trace remonte auXVIe siècle; il avait totalement démoli laville. Le chef inca Pachacutec la fit recons-truire en optant pour des habitations bassesaux murs inclinés, qui résistèrent aux trem-blements de terre et aux glissements de ter-rain. Les bâtiments urbains furent répar-tis sur l’ensemble de la ville et ungigantesque système de drainageconstruit afin de faciliter l’écoule-ment des eaux.
Quand les Espagnols arrivè-rent vers 1530, ils introduisi-rent des matériaux deconstruction pluslourds etdes
techniques peu adaptées à cet environne-ment instable. Les toits de paille et de pierrefurent ainsi remplacés par des tuiles. LesEspagnols abandonnèrent aussi les systèmeshydraulique et de protection contre les glis-sements de terrain, installés par leurs pré-décesseurs. «Les Incas avaient une très
bonne connaissance des glissements de ter-
rain, affirme Raúl Carreno, directeur adjointdu Programme international de corrélationgéologique (PICG), mené par l’UNESCO etl’Union internationale des sciences de laterre (IGUS). Ils ont prouvé qu’ils maîtri-
saient ce phénomène et ont développé un
savoir-faire de haut niveau en matière de
prévention. De fait, la cité inca était plus
solide que la ville coloniale ou moderne.»L’urbanisation et l’essor touristique de
Cuzco et du Machu Picchu fragilisentencore la région. La population de
Cuzco, qui tournaitautour de 4 000
habitants de-puis le XVIIesiècle,
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Cuzco: les Incas savaient
s’occupent de conservation du patrimoine
culturel savent que des actions relativement
simples auraient pu être prises dans les
musées de Kobe par exemple. Attacher les
vitrines aux murs, mettre les objets sur des
socles, fixer solidement les cadres et les
caisses où sont entreposés les objets, et for-
mer le personnel aux effets des catastrophes
à la fois avant et pendant la reconstruction,
aurait permis de minimiser l’impact direct
sur les biens culturels. Kobe fut une leçon
pour nous tous. Cela nous a profondément
attristés.» Elle rappelle qu’après undésastre, la situation peut mettre des mois,voire des années, avant un retour à lanormale. ●
Chloë Fox Un temple bouddhiste à Kobe, après le tremblement de terre de 1995.
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Machu Picchu: utiliser le savoir inca pour gérerl’environnementaujourd’hui.
14
Documents copiés contre guerres, vents et maréesMon premier jaunit et s’efface avec le
temps. Mon second craint les incen-dies autant que les inondations. Mon troi-sième a souvent été durement touché par lesbombardements, les roquettes, les tremble-ments de terre ou les cyclones. Mon toutest constitué de ce que nous transmettonsaux générations futures: nos rêves, nosréflexions, nos recherches et nos décou-
vertes, toute la mémoire des peuples fixéesur un support, couchée sur du papier (pho-tos, affiches, estampes, dessins, manus-crits...), une bande sonore ou vidéo (tradi-tions orales). On l’appelle le patrimoinedocumentaire.
Comment éviter que des pans entiers decette mémoire ne disparaissent comme celaa été le cas, lors de la Deuxième guerre
novembre 1999 - N° 117
dépasse aujourd’hui les 300 000 personnes.La vieille ville, qui se trouve au cœur du déve-loppement urbain, concentre de nombreuxmonuments historiques dans un espaceréduit. Elle abrite aussi la plupart des servicespublics, des hôtels et des commerces. «Si un
tremblement de terre survenait en période
de forte affluence, les pertes seraient
énormes et une part significative du patri-
moine serait détruite à jamais», prédit RaúlCarreno.
Identifier la nature du risqueLe Machu Picchu, visité par 1800 tou-
ristes chaque jour, est juché sur des pentesabruptes constamment lessivées par despluies torrentielles qui ne sont plus canaliséescomme elles l’étaient du temps des Incas.De plus, le gouvernement péruvien envisagede construire un téléphérique pour relier laville à la cité perdue des Incas – une décisionqui, selon les experts, ne tient compte ni del’impact du nouvel afflux de touristes quecela entraînerait sur le site ni du haut risquesismique de la région.
Les géologues, comme les habitants, nesont guère optimistes. Un terrible tremble-ment de terre, en 1950, a en effet détruit plusde 70 % des sites de la vieille ville, notammentdes églises, des palais et des habitations. Unprojet mené par l’UNESCO, le Secours suisseet les universités de Cuzco et de Kyoto(Japon), vise à intégrer les connaissancesdes Incas à des projets actuels adaptés àl’environnement. «L’activité touristique est
un facteur majeur de détérioration auquel
nous devons nous consacrer», précise RaúlCarreno.
Avec l’UNESCO, l’Institut fédéral de tech-nologie, fondé par le Secours suisse, réaliseun «Projet d’étude et de prévention desdésastres liés aux terrains instables»(PROEPTI). Ses principaux objectifs: créerune banque de données régionale sur lesrisques et modifier les projets urbains enconséquence. Une carte détaillée des risquesdans la vallée est en cours d’élaboration.PROEPTI aurait besoin d’un système decontrôle géodésique pour suivre l’évolutiondes glissements de terrain et les changementsphysiques qui affectent les monuments. «Avec
ce système, nous pourrions établir un lien
entre l’activité du terrain et les variations
pluviométriques. Nous pourrons alors iden-
tifier la nature du risque et commencer à
envisager des moyens de prévention et de
traitement», poursuit Raúl Carreno.Son équipe a déjà des propositions à for-
muler pour réduire immédiatement la vul-nérabilité de Cuzco. Elle préconise notam-ment une réduction drastique de la circulationet la restauration des bâtiments avec desmatériaux traditionnels plus légers. SelonRaúl Carreno, il est important pour les expertsde coopérer pour alléger ces constructions etfaire en sorte que les catastrophes naturellesn’affectent pas les sites historiques. «Pour
conserver le patrimoine de la ville et des
monuments archéologiques environnants,
nous devons les restaurer de telle manière
qu’ils puissent résister aux catastrophes
naturelles. La destruction de cette zone serait
une perte à la fois pour le Pérou mais aussi
pour l’humanité toute entière.» ●
Chloë Fox
”“La cité inca
était plus
solide que
la ville
coloniale ou
moderne.
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15N° 117 - novembre 1999
mondiale, des archives polonaises parexemple? Comment prévenir les destruc-tions de bibliothèques comme cellesd’Alexandrie, de Saint-Pétersbourg ou deSarajevo? Comment parer aux inondationset à l’usure du temps qui rendent inconsul-tables plusieurs millions de livres impriméssur du papier trop acide? Comment, si vousconstruisez une centrale atomique, garderles plans en mémoire, afin que les générationsfutures puissent réagir en cas de problème?
Documents accessiblesConserver, c’est prévoir. C’est pourquoi
la solution de la copie est de nos jours lameilleure. Le microfilm, mais surtout lanumérisation, peuvent permettre à la fois destopper les ravages du temps, de protéger enmettant l’original en sécurité et, en utilisantla copie, de rendre ces documents acces-sibles à tout le monde. C’est pour cela quel’UNESCO a lancé en 1997 un programmeappelé «Mémoire du monde». L’objectif est,selon son responsable, Abdelaziz Abid, que«les documents d’intérêt universel puissent
être diffusés au plus grand nombre; qu’ils
ne restent pas enfermés à clé». Par exemple,en numérisant les manuscrits de Sanaa(Yémen), constitués de fragments coraniquesdatant du premier siècle de l’Hégire, un cher-cheur ne prendra plus le risque de faire levoyage pour rien en arrivant le jour où leconservateur est malade... Sans oublier qu’onpeut faire «beaucoup plus de choses avec
des images numériques qu’avec l’original,
poursuit le responsable du programme. On
peut même aller chercher les différentes
couches d’un document raturé par l’auteur.
Et pour travailler sur un document, un
chercheur peut se procurer un CD Rom pour
15 ou 20 dollars, ce qui crée une petite
source d’argent pour la bibliothèque».«Mémoire du monde» est le «petit frère»
du programme du Patrimoine mondial del’UNESCO, puisqu’il est basé, à plus petiteéchelle, sur les mêmes principes: un comité
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La «petite» chronique duConcile de Constance(XVe siècle), par UlrichRiechental, est à Prague.Aujourd’hui, elle estaccessible à tous grâce àsa numérisation.
consultatif international se réunit tous lesdeux ans pour, entre autres, examiner des col-lections proposées à l’inscription sur unregistre. À l’heure actuelle, celui-ci compte 47documents originaires de 26 pays, parmi les-quels des archives historiques chinoises,l’œuvre manuscrite de Copernic sur la révo-lution du soleil ou celle de Frédéric Chopin...
Des manuscrits médiévaux sur le web
Le fait d’inscrire un document sur ceregistre est triplement important pour lesintéressés, explique Abdelaziz Abid: «Cela
valorise l’identité culturelle, permet de faire
connaître une partie du patrimoine natio-
nal, d’attirer davantage l’attention sur le
document et d’obtenir des crédits à l’inté-
rieur même du pays pour sa restauration».C’est ce qui s’est passé pour la Bibliothèquenationale de Prague, qui a numérisé desmanuscrits médiévaux de toute beauté. Cesdocuments en tchèque peuvent aujourd’huiêtre consultés sur le web, accompagnés deleur traduction en anglais et en français. Lesrésultats ont été si concluants que laBibliothèque s’est associée à l’entrepriselocale Albertina pour monter un programmede numérisation du patrimoine documen-taire national tchèque. «Cela permet de lais-
ser les originaux dans les conditions de
conservation physiques idéales. Car l’une
des principales raisons de la dégradation
du patrimoine documentaire, c’est le chan-
gement de température», explique Marie-Thérèse Varlamoff, directrice du programme«Préservation et conservation» de l’IFLA(Fédération internationale des associationsde bibliothécaires et des bibliothèques), etmembre du Comité international du Bouclierbleu (voir encadré p. 12).
La numérisation pose toutefois problème:elle coûte cher, ce qui ne la rend pas toujoursaccessible à des organismes du Sud. Et puis,certains documents, comme ceux consul-tés sur l’internet, sont en constante évolu-tion: «Comment conserver cette évolution ?
Quelle version choisir? La sélection va obli-
gatoirement influer sur la recherche à venir.
On ne peut pas collecter tout l’existant, ni
rassembler toute la production!» s’exclameMarie-Thérèse Varlamoff. Le rôle des biblio-thèques va obligatoirement changer. Sansoublier que l’évolution de la technologie esttelle que «un matériel peut devenir obsolète
en deux ou trois ans, poursuit-elle… La
seule riposte c’est de remettre à jour en
permanence, faire des copies sur les nou-
veaux supports, s’adapter constamment».Mais aussi de ne pas oublier de garder un ori-ginal pour éviter ce qui est arrivé à la NASA,qui a perdu une grande partie des donnéesnumériques des premières missions sur lalune. ●
Cristina L’Homme
Danser pour la paixLe danseur de flamenco espagnolJoaquín Cortés a été nommé parl’UNESCO «Artiste pour la paix».Ce titre lui a été décerné «poursa contribution exceptionnelleà la préservation et à la diffusiondu patrimoine folklorique etartistique du peuple gitan, etpour son engagement en faveurdes défavorisés, à travers la pro-motion des valeurs d’égalité, detolérance et de solidarité entre lespeuples». Lors de la cérémonie,qui s’est tenue à Paris le 7 octobre,Joaquin Cortés s’est dit déter-miné à poursuivre son soutienenvers les siens et les plus défa-vorisés, grâce à la FundaciónGitana qu’il préside. Les Artistesde l’UNESCO pour la paix, parmilesquels on compte Carlos Cano,
16 novembre 1999 - N° 117
EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF
CULTURE DE LA PAIX
UN BRILLANT AVENIRSoixante-quatre personnalités intellectuelles et scientifiques ontété nommées membres du nouveau Conseil du futur. Ce Conseil – réseau «virtuel» ouvert – a une vocation consultative: tenantcompte de l’évolution des connaissances, il permettra à l’UNESCOde recueillir les avis et recommandations des meilleurs expertsspécialisés dans le domaine de la prospective. De nombreux prixNobel y siègeront, parmi lesquels Wole Soyinka et Elie Wiesel.Toutes les régions du monde sont représentées dans cetteinstance qui aura recours aux nouvelles technologies de lacommunication. Le Conseil du futur permettra d’approfondir laréflexion sur l’avenir, engagée au sein de l’UNESCO, avec leRapport du directeur général intitulé Un Monde nouveau et lecycle des Entretiens du XXIe siècle et les Dialogues du XXIesiècle. La liste des membres du Conseil du futur est disponible:www.unesco.org/opi/conseil-futur
SCIENCES SOCIALES
VOIR LOINLes défis de la mondialisation et de l’urbanisation étaient au cœurdes débats du Forum du XXIe siècle, qui s’est tenu à Hanovre du 28au 30 septembre. Organisé par EXPO 2000 et par l’Office d’analyse etde prévision de l’UNESCO, ce Forum s’est réuni en avant-premièrede l’Exposition universelle (EXPO 2000) qui doit se tenir à Hanovrede juin à octobre 2000. L’une des conclusions du forum est que l’ave-nir de la planète n’est pas prédéterminé: nous pourrons le façonner,pour une large part, grâce à la prospective et à l’action préventiveà long terme. Cinq thèmes majeurs étaient au centre des échanges:la mondialisation et ses défis; l’avenir de la planète; l’urbanisationet la globalisation; les nouveaux contrats sociaux; l’avenir de la cul-ture. Les travaux du Forum du XXIe siècle et ses principales conclu-sions seront diffusés sur les sites Internet d’EXPO 2000 et de l’UNESCO,et sous forme de publications.
NOUS, VOUS, ILS
de sida. Alors que l’Afrique sub-saharienne ne compte que 10 %de la population mondiale, 95 %de ces orphelins se trouvent enAfrique, où vivent aussi 90 %des enfants de moins de 15 ansrécemment infectés par le VIH.Les dons peuvent être adressésà: Appel pour les orphelins dusida, A/C n° 949-1-191558,Chase Manhattan Bank,International Money TransferDivision, 5 Metrotech Centre,Brooklyn, New York 11245,USA, ou au Bureau del’UNESCO le plus proche.
Pour les orphelinsdu sidaÀ l’occasion de la Journéeinternationale pour l’élimina-tion de la pauvreté, le 17octobre, l’UNESCO a lancé unappel pour les enfants orphe-lins du sida. «L’ampleur decette tragédie appelle uneaction massive au niveauinternational», a déclaré leDirecteur général, FedericoMayor, rappelant que, l’an pro-chain, 13 millions d’enfantsauront perdu leur mère ouleurs deux parents pour cause
Hebe de Bonafini, présidente des Mères de la Place de Mai.
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DES MÈRES MILITANTES RÉCOMPENSÉESL’Association des Mères de la Place de Mai (Argentine) a reçu le PrixUNESCO 1999 de l’éducation pour la paix, dont le montant est de 25 000dollars. Cette association a été fondée en 1977 par un groupe de 14mères de disparus pendant la dictature militaire. Elles continuent àse rassembler, une fois par semaine, sur la Place de Mai, à BuenosAires, pour réclamer la fin de l’impunité des responsables desquelque 30 000 disparitions et assassinats. Les Mères de la Placede Mai combattent, au côté des exclus, des étudiants et des ensei-gnants pour la dignité humaine et la paix en Argentine. En 1999,elles ont créé à Buenos Aires une librairie et un café littéraire afinnotamment d’enseigner les droits de l’homme à la jeunesse. Laremise du prix aura lieu le 13 décembre au Siège.
Joaquín Cortés
Georges Moustaki et SilvioRodríguez, sont des hommes etdes femmes fidèles aux idéaux depaix et de justice, qui contribuentaux efforts de l’UNESCO par leursactivités professionnelles et leurcharisme personnel.
Ils
ont
dit
...
«La mondialisationn’est ni bonne, ni
mauvaise. Elle crée desconsommateurs et nondes citoyens.»
Hillary RodhamClinton,
Première Dame des États-Unis, à la conférence
«la culture compte:financements, ressources etéconomie de la culture pourun développement durable»
(Florence, Italie).
«À l’heure de lamondialisation [...], les
pauvres sont ceux quirisquent le plus de voirleurs traditions, leursrelations, leurs savoirs etleurs savoir-faire ignoréset dénigrés ... Leurculture peut être à la foisleur actif le plusimportant et ce qui serale plus ignoré et le plusdétruit par lesprogrammes dedéveloppement.»
James D.Wolfensohn,
président de la Banquemondiale, lors de la même
conférence.
«En ce jour où laplanète est censée
accueillir son sixmilliardième êtrehumain, il fauts’interroger sur l’avenirque nous lui préparons»«
Federico Mayor,Directeur général
de l’UNESCO.
«Les chefs d’État vontde sommet en
sommet et les peuplesd’abime en abime [...].L’éducation ne peut pasêtre privatisée, la santéne peut pas êtreprivatisée.»
Hugo Chavez,président de la république
du Venezuela, à l’ouverturede la 30e session de la
Conférence générale del’UNESCO.
17N° 117 - novembre 1999
EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN
LIVRES
CULTURE
NAISSANCED’AFRICOMLe Conseil international desmusées africains (AFRICOM)vient de voir le jour, en présen-ce de 75 professionnels desmusées du continent, réunis àLusaka, Zambie, début octobre,avec des représentants du
Conseil international desmusées (ICOM). Shaje’aTshiluila, de la Républiquedémocratique du Congo, a étéélue présidente du Conseil dedirection d’AFRICOM, composéde six représentants régionaux.Le Kenya accueillera le siègede l’organisation.
Lettres aux générationsfuturesTextes inédits réunis parFederico Mayor encollaboration avecRoger-Pol DroitEd. UNESCO, coll. Cultures depaix, 171 pp., 80 FF. Des personnalités très diffé-rentes, écrivains, scientifiques,philosophes, dont certains prixNobel, s’adressent à ceux qui
Le Corps à corpsde Buchi EmechetaCollection JeunesseL’Harmattan/UNESCO89 pp., 50 FF.traduit de l’anglaispar Olivier BarletOkei, un adolescent qui a perduses parents durant la guerre duBiafra, se révolte contre lesnormes imposées par les anciensdu village. Un conflit de géné-rations tel qu’on le retrouve surtoute la planète, mais qui trouveici une résolution originale.Buchi Emecheta, née en 1944au Nigéria, et dont les ouvragesfigurent au programme des cours
La NamibiecontemporaineLes premiers jalons d’unesociété post-apartheidsous la direction de Ingolf Dieneret Olivier Graefeéd. Karthala/UNESOC/IFRA417 pp., 180 FF. La Namibie, avant-dernier paysafricain devenu indépendant,semble mener à bien une tran-sition pacifique vers la démo-cratisation et la «réconcilia-tion nationale». Comments’opèrent le rééquilibrage éco-nomique et la redistribution despouvoirs? Comment s’accom-plissent l’homogénéisation poli-tique et institutionnelle ainsique la recomposition d’unesociété profondément inégali-taire? Universitaires, cher-cheurs, hommes et femmes deterrain de divers pays ont par-ticipé à cet ouvrage pluridisci-plinaire.
de littérature africaine àl’université, allie suspense ethumour pour dépeindre leschangements culturels en terreafricaine.
vivront en 2050, c’est-à-dire auxjeunes. Avec chaleur et émo-tion, leurs lettres tentent d’ex-pliquer le présent ou invitent àne pas répéter les erreurs d’hieret d’aujourd’hui. Mais, surtout,elles célèbrent la beauté et lecaractère sacré de la vie et dela fraternité.
18 novembre 1999 - N° 117
EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF
ÉDUCATION
EXPOSITION
SCIENCES
Hommage aux enseignantsLa journée mondiale des ensei-gnants a été célébrée le 5 octobre.Rendant hommage à la profes-sion, Federico Mayor, directeurgénéral de l’UNESCO, JuanSomavia, directeur général duBureau international du travail(BIT), Mark Malloch Brown,administrateur du Programmedes Nations Unies pour le déve-loppement (PNUD) et CarolBellamy, directrice exécutive del’UNICEF, ont appelé à renouve-ler le soutien aux enseignants«qui sont et qui resteront dans lesiècle à venir au cœur du systèmeéducatif. … Aucun changementsocial significatif, aucuneréforme du système éducatif nepourront être menés à bien sansleur participation active».Performances d’enseignants –Comment éveiller un potentielqui dort, publié par l’UNESCO àcette occasion, présente neuf pro-fesseurs hors du commun, dont lacréativité et l’esprit d’innovationaident à ouvrir l’esprit de leursélèves. À suivre dans le prochainnuméro de Sources.
«UN PAYS M’A DIT»Des paysages nus et désolés,sans arbres, émaillés de rochesvolcaniques: tel est le climat desphotographies de l’artiste islan-daise Maria Gudmundsdottir,dont les œuvres étaient expo-sées par l’UNESCO en octobre.C’est la première fois qu’uneartiste islandaise montrait sestravaux au Siège. L’exposition«Un pays m’a dit» se composede photographies en noir et blanc
Nettoyer l’océan
L’océan n’est pas un dépotoir.Tel est le message de laCampagne contre les détritusmarins dans le golfe de Guinée,lancée fin septembre à Accra(Ghana) et impliquant six pays:
le Bénin, le Cameroun, la Côted’Ivoire, le Ghana, le Nigeria etle Togo. À cette occasion, la Com-mission océanographique inter-gouvernementale a organisé unatelier à destination d’agencesgouvernementales et d’ONG pourles sensibiliser au rôle de l’envi-ronnement marin et de l’océanpour le développement durable.Les systèmes de traitement desordures sont rares dans cettepartie du monde et la plupartdes déchets, y compris indus-triels, sont déversés dans la meret reviennent souiller le littoral.Le programme comprenait unejournée de nettoyage des plages,à laquelle ont pris part des élèvesdes clubs et des écoles associéesde l’UNESCO au Ghana.
prises en Islande par l’artiste quia grandi à Djupavik, au nord-ouest de l’Islande, dans une desrégions les plus spectaculaires.Élue Miss Islande en 1961, elle aensuite travaillé à l’étranger,entre Paris et New York, commemodèle puis comme photographede mode. Même si les paysagesde son enfance ont progressive-ment disparu, les images de cetteterre et de ses habitants restentprésentes dans sa mémoire.©
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LA GÉNÉTIQUE, DES PROPRIÉTÉS PRIVÉES ?«L’éthique et la confidentialité des données génétiques» était àl’ordre du jour de la sixième session du Comité international de bioé-thique de l’UNESCO (CIB) qui s’est réuni à Rabat (Maroc), du 7 au 9octobre. Une table ronde portait sur «Éthique et débat public: infor-mation, éducation et participation». Par ailleurs, les 11 et 12 octobres’est tenue la première session du nouveau Comité intergouverne-mental de bioéthique. Comprenant 36 États membres élus par laConférence générale de l’UNESCO, il travaillera en étroite collabo-ration avec le CIB et assurera entre autres le suivi de la Déclarationuniverselle sur le génome humain et les droits de l’homme.
FORMER LES OUVRIERSTHAÏLANDAIS Les ouvriers thaïlandais peu ounon qualifiés qui ont perdu leuremploi pendant la crise finan-cière de 1997 ont un niveau deformation insuffisant pour s’adap-ter à un marché du travail revi-talisé. Les résultats d’une étuderéalisée par le Bureau del’UNESCO à Bangkok et finan-cée par le PNUD sont publiésdans Compte à rebours, bulletinde l’UNESCO sur l’éducation(No.18, sept-nov. 1999). Près de lamoitié des personnes interro-gées n’ont fait que l’école pri-maire – voire moins. Or lesexperts prédisent que les gise-ments d’emplois seront dans letourisme et dans l’export, qui exi-gent des compétences en infor-matique et, souvent, la maîtrised’une langue étrangère. Pouraider ces personnes, l’étuderecommande au gouvernementde soutenir la formation en comp-tabilité ou en techniques com-merciales, afin qu’ils puissentau moins se trouver une nichedans le secteur informel.
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19N° 117 - novembre 1999
EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN BREF EN
PÉRIODIQUES
SUR LE WEBNature et ressourcesLa production halieutique necesse de se développer, de mêmeque l’aquaculture: depuis undemi-siècle, les produits de lapêche ont été multipliés par six.Dans le même temps, la part del’apport de l’aquaculture en pois-son et en crustacés a quadruplé.Ces chiffres sont issus du Rapportmondial sur la pêche, del’Organisation des Nations Uniespour l’alimentation et l’agricu-ture, dont rend compte le numéro3, vol. 35 de Nature et Ressources(juillet-septembre 1999). Il com-prend également des articles sur :la crue du Yang-Tsé-Kiang en
1998, les outils informatiques uti-lisés pour accéder à l’informa-tion sur la biodiversité, un rap-port sur la Conférence mondialesur la science et, enfin, les causesdes feux de forêt qui ont ravagél’Indonésie en 1997.
MUSEUMINTERNATIONALDans les années 80, les muséesont rajeuni leurs structures et sesont préparés pour un futur quiapparaissait plein de promesses.
Classiques en lignehttp://www.unesco-proap.org/cyread/cyread.htmlDes œuvres littéraires de tousles pays et de toutes les cul-tures seront bientôt acces-sibles en ligne sur le site duClub des lecteurs-cyber(UNESCO Cyber-Readers’ Club- CYREAD), que le bureau del’UNESCO à Bangkok est entrain d’installer. Il s’agit d’en-courager les surfeurs d’inter-net, et tout particulièrementles jeunes, à lire, en leur facili-tant l’accès à toutes les littéra-tures en langue originale et entraduction – la sélection com-prendra dans un premiertemps les œuvres du domainepublic, les autres étant acces-sibles pour un coût raison-nable. Les étudiants, ensei-gnants, auteurs, éditeurs,libraires, traducteurs et tousles lecteurs sont invités à visi-ter et à commenter ce site.
PROTÉGER LESJEUNES SURFEURSSeulement 4% des enfants dumonde utilisent internet, maisce chiffre ne cesse d’augmen-ter, a déclaré Choy Arnaldo, dusecteur de la Communication,et de l’information et de l’infor-matique, lors de la deuxièmeréunion du groupe techniquedes ONG pour le suivi du Pland’action adopté en 1996 à laConférence internationale surl’exploitation sexuelle et com-merciale des enfants. Lesenfants qui surfent, a-t-il pour-suivi, sont «8% en France, 12%en Allemagne et 17% enAustralie. Nous ne devrionspas attendre que les pro-blèmes se posent, maisprendre des mesures préven-tives».
●●● En savoir plusLes publications et périodiques sonten vente au Siège, à la Librairie del’UNESCO, ainsi que par l’intermé-diaire des grandes librairies dans laplupart des pays. Informations et commandes directespar courrier, fax ou internet: ÉditionsUNESCO, 7 place de Fontenoy, 75352Paris 07 SP. Tél. (+33 1) 01 45 68 43 00- Fax (33 1) 01 45 68 57 41. Internet:http://www.unesco.org/publishing
Pour démontrer que les muséesn’étaient pas des institutionsdésuètes ni élitistes, un grandnombre d’expériences inno-vantes furent lancées. Mais dansles années 90, l’institutionmuséale elle-même, qui, en toutecandeur, croyait être un bastionéducatif et un refuge pour l’es-prit, s’est attiré des flots de cri-tiques, et notamment celle dereprésenter «l’hégémonie de laculture bourgeoise élitiste occi-dentale». Aujourd’hui, le chan-gement constitue non pas une«valeur ajoutée» mais l’élémentindispensable à la vie desmusées. Ce numéro de juin 1999de Museum International traitede ce concept du changementet explore l’évolution des prin-cipes et des pratiques en coursdans les musées.
Le Courrier de l’UNESCO«Nul n’a un devoir plus sacréd’obéir aux lois que ceux qui lesfont», a dit Sophocle. Dans lemonde entier, partout où desrégimes autoritaires ont été ren-versés et où l’économie a été libé-ralisée, l’établissement de «l’étatde droit» est devenu une priorité.Le démantèlement des régimes
militaires en Amérique latine,l’effondrement des régimes com-munistes et la disparition de cer-tains régimes dictatoriaux ontmis la réforme du droit à l’ordredu jour dans un nombre crois-sant de pays. Le numéro denovembre du Courrier se penchesur cette question. Il analyseentre autres la façon dont l’étatde droit a été instauré dans l’an-cien bloc soviétique, où les ten-tatives pour transposer les sys-tèmes juridiques occidentaux ontlargement échoué, et dans cer-tains pays du Sud, où l’ignorancede la loi coutumière peut créerde nouvelles formes d’injustice.En Chine, la toute-puissance juri-dique des autorités s’effrite etde plus en plus de gens ontrecours aux tribunaux pour obte-nir réparation de préjudices.
Pont sur le Yang-Tsé-Kiangreliant le Tibet et la Chine audébut du siècle (CollectionAuguste François).
Le célèbre escalier du muséeVictoria et Albert à Londres.
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Diplomate de
carrière, le Japonais Koichiro
Matsuura a été élu Directeur
général de l’UNESCO.
20 novembre 1999 - N° 117
LE NOUVEAUNUMÉRO UN
Le Conseil exécutif adésigné le diplomate
japonais Koichiro Matsuuracomme candidat au postede directeur général, enremplacement de FedericoMayor, dont le deuxièmemandat de six ans s’achèveà la mi-novembre 1999.
M. Matsuura, 63 ans,marié et père de deuxenfants, est le premierAsiatique à être appelé àdiriger l’organisation. Il aété élu après trois tours descrutin, devant dix autrescandidats, à l’issue d’unecampagne serrée, aussi sui-vie que critiquée.
Diplômé de droit àl’université de Tokyo etd’économie à HaverfordCollege, aux États-Unis,Koichiro Matsuura a fait
PORTRAIT
Fédération nationale desassociations de l’UNESCOau Japon. Il est l’auteur desix ouvrages sur la diplo-matie et l’économie japo-naises, ainsi que sur lesrelations entre le Japon etla France et entre le Japonet les États-Unis.
Son but, déclare-t-il, estde «faire de l’UNESCO une
organisation plus dyna-
mique, efficace et harmo-
nieuse, tout en veillant au
respect des différents
besoins des États membres
au sein d’une commu-
nauté internationale en
pleine évolution», alors quele monde fait face à des pro-blèmes de plus en plus cru-ciaux et complexes.
À cet effet, il a défini six«objectifs et défis fonda-
mentaux»: rassembler lasagesse du monde; contri-buer à la paix par le ren-forcement du concept de laculture de la paix; réaliserl’universalité (obtenir leretour des États-Unis àl’UNESCO) ; utiliser toutesles ressources humainesdisponibles pour le déve-loppement durable; toucherde plus larges couches de lasociété; améliorer l’effica-cité et la transparence del’UNESCO.
«L’ABSURDITÉ DE LA GUERRE»
Sa première tâche, a-t-ildéclaré dans une interviewpubliée par le International
Herald Tribune après sanomination, sera de «poin-
ter les domaines et les pro-
grammes prioritaires.
L’UNESCO a un mandat
très étendu en éducation,
science, culture et commu-
nication, et j’ai l’impres-
sion que l’Organisation
s’est dispersée. J’ai mes
idées sur la question, mais
je veux en parler aux
cadres et au Conseil exé-
cutif (…) Tout en opérant
un recentrage, il faut réfor-
mer la gestion. Je pense que
nous devons revenir à une
claire définition des res-
ponsabilités, dont
l’UNESCO semble s’être
éloignée».
Sa vie et sa carrière,explique-t-il, sont le résul-tat d’un rêve de jeunesse.«Enfant, j’ai vécu l’absur-
dité, l’horreur et le vide de
la guerre; ce qui m’a
poussé, une fois devenu
adulte, à faire tout ce qui
était en mon pouvoir pour
la paix et la sécurité dans
le monde».
UNE AFFINITÉ AVEC L’AFRIQUE
Il se déclare très engagépour les questions de déve-loppement et, selon lesinformations diffusées pen-dant sa campagne, a menésa carrière animé du désir«d’accroître la portée de la
coopération économique et
de l’assistance technique
japonaises au-delà des
objectifs traditionnels du
développement des infra-
structures, des besoins
humains fondamentaux et
du développement des res-
sources humaines, pour y
ajouter l’objectif de l’édu-
cation».Il affirme de fortes affi-
nités avec l’Afrique, et, plusgénéralement, exprime «un
vif intérêt pour la culture»que l’UNESCO, estime-t-il,devrait défendre plus éner-giquement contre les pres-sions économiques du mar-ché mondial actuel.«L’UNESCO doit s’enga-
ger», déclare M. Matsuura,dans le débat sur la libertédes échanges commerciauxet les exceptions cultu-relles : «Pouvons-nous libé-
raliser complètement le
commerce des biens cultu-
rels? Je ne le pense pas. Il
faut comprendre les senti-
ments des nations à ce
sujet. Comment pouvons-
nous réconcilier ces deux
valeurs? Bien sûr, nous ne
pouvons pas avoir des
exceptions absolues pour
les produits culturels. Mais
peut-être que l’UNESCO
peut aider à trouver des
solutions qui permettent
aux pays de sauvegarder
leur patrimoine et leur cul-
ture.»
S. W.
toute sa carrière dans ladiplomatie et a une solideréputation de dirigeant.Entré au ministère desAffaires étrangères duJapon en 1959, il a été direc-teur général de la coopéra-tion économique, directeurgénéral des affairesd’Amérique du Nord,ministre adjoint des affairesétrangères, ainsi que«sherpa» pour les sommetsdu G7 en 1992 et en 1993. Ila servi au Ghana, a étéambassadeur en Andorre età Djibouti et, en 1994, a éténommé ambassadeur duJapon en France.
Depuis 1998, KoichiroMatsuura préside le Comitédu patrimoine mondial del’UNESCO. Il est égalementconseiller auprès de la
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Le premier Rapport mondial sur
les sciences sociales fait le point sur leur évolution à
l’ère de la mondialisation.
SCIENCES SOCIALES
21N° 117 - novembre 1999
DES SCIENCES ENCORE SOCIALES ?
Au XVIIIe siècle, les sta-tistiques étaient appe-
lées «arithmétique poli-
tique», un nom qui indiquaitclairement leur rôle d’outilpour la décision politique.Aujourd’hui, le Rapportmondial sur les sciencessociales, publié par le sec-teur du même nom et pre-mier d’une série bisan-nuelle, montre que rien n’achangé: la collecte d’infor-mations sur la société sertavant tout des objectifs poli-tiques, et la possibilité d’in-terroger le réel, comme lamanière de le faire, fluc-tuent en fonction descontextes idéologiques.
SCIENCES MILITANTESLa première leçon est
que les sciences socialesfleurissent avec les libertéspolitiques. Le BritanniquePeter Wagner explique com-ment les sciences socialessont nées dans l’Europepost-révolutionnaire, alorsque «les individus se per-
cevaient de plus en plus
comme à la fois capables et
ayant le devoir de créer
leurs propres règles pour
l’action sociale et l’ordre
politique». De 1750 à 1850la philosophie politique vadevenir sciences sociales.Mais, en 1900, seulsquelques instituts, au Nord,s’y intéressent. Le boom seproduit après la deuxièmeguerre mondiale, sous l’im-pulsion d’abord des États-Unis. Mais le véritable essordes sciences sociales datedes années 60, accompa-gnant les «grands mouve-
ments sociaux», comme lerelate l’Italien GuidoMartinotti: «les universi-
tés, les usines, les villes,
deviennent les lieux de nou-
veaux types de conflits
sociaux [...] Les sciences
sociales deviennent haute-
ment militantes». Larecherche porte alors surl’organisation du travail, lesclasses, l’État capitaliste oula sexualité.
«L’accès à l’information
est extrêmement restreint
dans les régimes autori-
taires», note le rapport: lesannées 80, qui sont celles dela libéralisation, voientémerger de nouvellesrecherches. Par exemple,dans l’ex-bloc soviétique,explique le Russe Victor
Nemchinov, «jusqu’à récem-
ment [...] Sigmund Freud
ou Max Weber n’étaient pas
officiellement enseignés ou
connus». Aujourd’hui, laRussie s’attaque à des sujetsautrefois tabous, comme la«terreur rouge» sousStaline. En Chine, larecherche, qui était «idéo-
logiquement orientée»,s’ouvre au reste du monde.Dans plusieurs paysd’Afrique, on peut désormais«affirmer des positions cri-
tiques sans crainte et sans
risque». Et dans le mondearabe, si certains pays ontd’excellents chercheurs,
d’autres «ne produisent
aucune recherche perti-
nente en anthropologie ou
science politique». Surtout, depuis les
années 80, l’université n’estplus le seul employeur.Bureaux d’études, institutsde sondages, organisationsinternationales et servicesde marketing veulent, euxaussi, connaître nos com-portements et nos opinions.Partout, les chercheurs sontsouvent à la fois ensei-gnants, consultants, journa-listes...
FINANCEMENTÉTRANGER
Dans certains pays, lessujets des études sont déter-minés par l’extérieur,comme en Afrique, où larecherche est financée àpresque 100 % par l’étran-ger. Et aujourd’hui se mul-tiplient les recherches surcertains thèmes en vogue –environnement, femmes,démographie, sida...– alorsque d’autres «problèmes
importants peuvent être
occultés». Par ailleurs, le Sudcontinue de lire ce que pro-duit le Nord, alors que l’in-verse reste encore loind’être vrai.
Au total, les sciencessociales n’échappent pas àl’omniprésente loi du mar-ché: les étudiants brillantssont attirés par lesemployeurs les plus offrantset les recherches doiventêtre «utiles». Est-ce unecoïncidence? Les matièresles plus prisées par les étu-diants sont l’économie, ledroit et les sciences poli-tiques, au détriment de l’his-toire des cultures ou de l’an-thropologie. Les études desannées 60 et 70 sur les inéga-lités, la pauvreté ou les pay-sans, ne trouvent pas unsecond souffle. Maisl’époque est-elle encore à lacompréhension de l’autreou à la compassion sociale– qui sont, comme le saventles anthropologues et leshistoriens, une seule etmême chose? ●
Nadia Khouri-Dagher
Aujourd’hui, les sciences humaines aussi sont somméesd’être «utiles». (Indiens Yanomamo au Venezuela).
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«Les jeunes ne veulent pas
apprendre le métier. Dans
quelques années, ça va
s’éteindre», se désoleThompson Yao, tisserand duGhana.
En Afrique francophone,la dévaluation en 1994 dufranc CFA a doubléles prix desmatières pre-mières, impor-tées pour l’es-sentiel. «Le Mali
est le premier
producteur de
coton du monde,
avec 500 000
tonnes par an.
Mais seuls 2 %
sont traités
chez nous»,expliqueAminataTraoré,
L’UNESCO réunit des artisans textiles et des créateurs en
Afrique, pour alerter sur des métiers en crise et esquisser des
solutions d’avenir.
22 novembre 1999 - N° 117
nourri, blanchi» résume latrilogie de nos besoins d’hu-mains. Comme dans l’Eu-rope pré-industrielle, enAfrique étaient tradition-nellement tissées desétoffes de luxe, pour lesrituels religieux et lesmariages ainsi que pourvêtir les chefs et les rois.Kente au Ghana, Bogolan
au Bénin, Ndop auCameroun: chaque pays ases textiles de prestige, quinécessitent des semaines,voire des mois de travail.
SURVIVRE«Pour les Ghanéens, les
textiles sont des richesses,explique Tetteh Adzedu,couturier. Chaque famille
possède un kente». «Au
Niger, il n’y a pas de
mariage sans teratera, la
couverture de laine noire et
blanche qui habille les
mariés», explique RahilaSako, étudiante, qui pré-sentait les tissages de sonpays.
Mais la modernisationet la pauvreté causent ledéclin des tisserands. «Au-
jourd’hui, quand la fille se
marie, on va lui acheter
ses tissus à Dakar, en
France, en Amérique…
soupire Aly Sarré. Il faut
deux jours pour faire un
mètre. On ne peut pas aller
plus vite. Donc nos pro-
duits sont chers», expliquel’assistante de feu KrissSeydou, un styliste malien.
LA RÉVOLUTION AU BOUT DES DOIGTS ?
AFRIQUE
ministre de la culture duMali.
«Avant, on ne parlait
même pas de prix. Tu viens
chez moi, tu dis ‘je veux
une couverture’, et tu me
payes avec une chèvre, un
mouton.
Aujourd’hui, si
tu tisses une
seule cou-
verture, tu
ne manges
pas», ditAly Sarré.Pour sur-
vivre, il
Avant, une femme pou-
vait prendre un
homme pendant une année
pour tisser pour elle, quand
elle mariait sa fille: elle
commandait 10, 20, 40
couvertures. Parfois on
allait à Mopti, on tissait
un, deux, trois mois et on
retournait à Tombouctou.
On n’allait jamais à
Bamako. Maintenant, on
vit à Bamako, et on peut
passer cinq ans sans aller
à Tombouctou.» Avec deuxcordes coincées entre lesorteils de chaque pied, AfelAly Sarré, peul, né en 1939à Tombouctou d’une lignéede tisserands, actionne sonmétier à tisser poli par lesans. Il chausse ses lunettespour compter les fils etcréer des motifs complexes:c’est la technique du bro-ché, en vogue à Lyon autre-fois.
LA RICHESSE DES TEXTILES
Aly Sarré était à Parisdébut octobre, avec unequarantaine d’autres tisse-rands et créateurs d’Afrique,pour la rencontre lesMagiciens du fil. C’était laquatrième d’une série quiavait déjà exposé les tis-sages du Bangladesh, deBosnie-Herzégovine etd’Amérique latine au siègede l’UNESCO, avec unobjectif: montrer la richessedes productions; alerter surla situation dramatique destisserands et proposer dessolutions.
Comme partout ailleurs,en Afrique le tissage était,après l’agriculture, le prin-cipal pilier des économies,tant il est vrai qu’être «logé, © X
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L’Afrique se drape d’unedignité retrouvée.
23N° 117 - novembre 1999
fait maintenant travaillerquatre de ses fils avec lui:«chacun fait deux bandes
par jour, ça fait une cou-
verture dans une journée».Malgré tout, des solu-
tions s’esquissent. D’abord,les tisserands s’organisent:partout, des associations,coopératives et fédérationsont vu le jour, leur permet-tant en particulier de déve-lopper des politiquesd’achats groupés ainsi quel’accès au micro-crédit et,surtout, à la commerciali-sation – le maillon faible. ÀMadagascar, raconte Bebi-soa Rasoarilalao, de l’asso-ciation Femmes artisanes,«dans chaque maison, il y
a un métier à tisser. Mais
le problème, c’est le mar-
ché». L’autre tendance àl’œuvre, plus récente, estune réactualisation de la tra-dition. Des créateurs adap-tent les savoir-faire ances-traux aux goûts, aux modesde vie et aux moyens finan-ciers actuels. «Nous nous
sommes dit: nous avons un
produit magnifique, une
œuvre d’art – le kente.
Pourquoi les gens ne le por-
tent-ils pas? En fait, les
gens ne sont pas à l’aise
avec les couleurs vives du
kente», explique MaryKlufio, styliste.
LA TRADITIONMODERNISÉE
Mary a donc entreprisde tisser, avec la techniquedu kente – des bandes de10 cm de large – des étoffesaux tons beiges, marines,ou blancs, et utilise larayonne ou la soie artifi-cielle pour rendre le tissumoins cher et plus souple.Elle exporte 70 % de sa pro-duction au Nigéria. ÀMadagascar, le raphia esttissé en nattes de plage,couffins ou sets de table auxcouleurs acidulées, vendusdans les boutiquesd’Europe. «Il faut du métis-
sage: nous devons prendre
les formes pratiques des
vêtements européens»,confie Angybelle, styliste deCôte d’Ivoire. Le vêtementartisanal «modernisé» est
prisé dans certaines élites,notamment intellectuelleset artistiques – et les parti-cipantes aux journées del’UNESCO en ont fourni lavivante démonstration.
Reste que ces créationsmodernes ne peuvent seulessauver les tisserands: lesélites et les étrangers neconstituent pas un marchésuffisant. «En Afrique, la
réalité c’est que 70 % des
gens des villes sont habillés
de fripes», relève AminataTraoré.
Le déclin des tisserandsest en fait un symptôme dumaldéveloppement quifrappe le monde aujour-d’hui, et les pays pauvresplus brutalement. Et qui serésume à quelques chiffres:«un pagne importé d’Inde
ou de Chine coûte 30 FF.
Un pagne local 300 FF»,rappelle Victorine Kossoum,promotrice des textiles duBénin.
Lors des débats,diverses mesures furent
proposées: des politiquesfiscales pour décourager lesimportations, un statut d’ex-ception culturelle pour lestissages, l’accroissementdes budgets de la cultureou la protection légale desartisans, dont les droits surleurs créations sont parfois«volés» par les couturiers.
QUI EST DÉGUISÉ?«Si nous n’avons rien à
proposer au reste du
monde qui nous soit
propre, nous serons le
dépotoir du monde. La cul-
ture n’est pas une activité
subalterne mais la voie la
plus rapide pour le
développement», plaideAbdoulaye-Elimane Kane,ministre de la culture duSénégal.
En fait, sauver l’artisa-nat nécessite «une réédu-
cation du regard de
l’Africain. L’élite africaine
ne se sent pas obligée de
porter africain. Nos
hommes continuent
d’enrichir les grands cou-
turiers d’ici et les grands
magasins. Des Africaines
me disent parfois: mais
vous êtes déguisée! Je
réponds: qui de nous est
déguisé?», raconte AminataTraoré, qui est toujoursvêtue de tenues africaines.Pour promouvoir l’artisa-nat, le défunt présidentThomas Sankara, duBurkina Faso, se montraittoujours en Faso Danfani,le pagne traditionnel, et exi-geait qu’il soit porté enconseil des ministres. «Il
faut une véritable révolu-
tion des mentalités», clameAminata Traoré.
Il y a soixante ans, unhomme avait pressenti laportée révolutionnaire del’artisanat textile: Gandhiavait fait du port du pagnede coton tissé à la main lesymbole de la lutte pourl’indépendance, l’autosuf-fisance, l’identité culturelleet la dignité retrouvée del’Inde. Artisan du dévelop-pement humain avant lalettre, il savait que l’écono-mie, la culture, l’éthique etle souci des pauvres ne sontpas antinomiques, mais doi-vent se nourrir les uns desautres. ●
Nadia Khouri-Dagher
Peu d’hommes africainsfont honneur à leurpatrimoine textile.
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Afel Aly Sarré, 60 ans, dont 50 passés à apprendre et àperfectionner son métier.
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calendrier de l’UNESCO
Dans le prochain numéro:
DES TÉLÉVISIONSD’INTÉRÊT PUBLIC
TSIGANES,LES FILS DU VENT
du 6 au 12 décembre TÉLÉVISION PUBLIQUE DE QUALITÉÀ Moscou (Russie), l’UNESCO et INPUT - International Public Television - organisent un séminaire pour visionner et sélectionner des films réalisés pour les télévisions publiques de l’ex-URSS.
du 13 au 16 décembre LA RÉFORME AU PROGRAMMEQuelles compétences seront nécessaires demain? Comment les enseigner? À Bangkok (Thaïlande), une conférence se penche sur la réforme des programmes scolaires, à partir d’expériences en cours.
du 9 au 11 décembre L’ORDINATEUR DONNE LA LEÇONÀ Fortaleza (Brésil), un atelier se penche sur les nouveaux défis que pose l’introduction de l’éducation virtuelle – ordinateur, internet, conférences vidéo – aux milieux éducatifs.
du 13 au 20 décembre MYANMAR: UN PATRIMOINE RÉVÉLÉLe Siège accueille une exposition sur le patrimoine artistique et architectural du Myanmar, resté longtemps méconnu du reste du monde.
le 13 décembre ARTISANS DE LA PAIXAu Siège, remise du Prix UNESCO pour l’éducation à la paix à l’association des Mères de la Place de Mai d’Argentine.
le 17 décembre ART COPTEAvec une journée consacrée à l’art copte d’Égypte, organisée avec le Musée du Louvre, l’UNESCO lance une série de rencontres au Siège sur deux mille ans d’art chrétien.
du 8 au 9 janvier ISLAM DE PAIXAu Siège, le programme des Routes de la foi organise une rencontre «Pour un islam de paix» avec des penseurs, philosophes et théologiens de toutes confessions.