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Sextant Conseil 102, boulevard Sébastopol 75003 Paris – S.A.R.L. au capital de 10 000 - 432 968 162 RCS Paris APE 741 G Intracom FR 02 432 968 162 ANALYSE DES CONSEQUENCES DE LA REORGANISATION DE FTVEN SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL, LA SANTE ET LA SECURITE DES SALARIES. RAPPORT AU CHSCT RAPPORT TRANSMIS LE 25 JUIN 2014

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Page 1: Rapport FTVEN

Sextant Conseil – 102, boulevard Sébastopol 75003 Paris –S.A.R.L. au capital de 10 000 € - 432 968 162 RCS Paris – APE 741 G – Intracom FR 02 432 968 162

ANALYSE DES CONSEQUENCES DE LAREORGANISATION DE FTVEN SUR LESCONDITIONS DE TRAVAIL, LA SANTE ET LASECURITE DES SALARIES.RAPPORT AU CHSCT

RAPPORT TRANSMIS LE 25 JUIN 2014

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Expertise à la demande du CHSCT d’Issy-les-Moulineaux de FTV

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FTVEN

7, esplanade Henri de France

75907 Paris Cedex 15

À l’attention de Madame Isabelle Pivier, Secrétaire du CHSCT de France TélévisionsEt Mesdames et Messieurs les membres du CHSCT.

Mesdames, Messieurs,

Le CHSCT de France Télévisions a mandaté Sextant Conseil le 4/02/2014, en vertude l’article L 4614-12 2° du code du travail qui ouvre la possibilité du recours à unexpert agréé « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et desécurité ou les conditions de travail. »

La convention tripartite entre Sextant Conseil, la secrétaire du CHSCT de FranceTélévisions et la direction de France Télévisions Editions Numériques (FTVEN)stipulait que l’expertise se déroule en deux temps :

Volet 1 : état des lieux de la situation de travail au moment du démarragede l’expertise (mai 2014) et identification des premiers effets de laréorganisation.

Volet 2 : bilan de la réorganisation et analyse des modalités de mise enœuvre du projet 6 mois après les observations issues du premier volet del’expertise.

Le présent travail représente le premier volet de l’expertise.

Nous tenons à vous remercier pour la confiance que vous nous avez accordée.

Nous remercions l’ensemble des salariés de FTVEN qui ont bien voulu participer àl’expertise et que nous avons rencontrés lors des entretiens et observations sursite.

Paris, le 23 juin 2014

Chantal CorrensonElodie Pelletier

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Expertise à la demande du CHSCT d’Issy-les-Moulineaux de FTV

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CONVENTION DE LECTURE DU PRESENT DOCUMENT ............................................................................................. 6

RÉSUMÉ................................................................................................................................................. 7

I. LE CONTEXTE DE LA MISSION ........................................................................................................ 9

1. LE PROJET DE REORGANISATION DE FTVEN............................................................................................. 102. LA SITUATION ET LE POSITIONNEMENT DES ELUS AU CHSCT ....................................................................... 11

2.1. Une organisation opérante : un projet auquel les élus ne peuvent plus s’opposer.............. 112.1.1. Une organisation déjà en place, une information consultation tardive ......................................... 112.1.2. Une réelle réorganisation ............................................................................................................... 11

2.2. Du constat du passage en force à la volonté d’action des élus du CHSCT préoccupés par lesremontés des salariés........................................................................................................................ 12

2.2.1. La demande des élus....................................................................................................................... 122.2.2. Une expertise en deux temps ......................................................................................................... 12

2.3. Le positionnement difficile des élus ..................................................................................... 122.3.1. L’éclatement géographique des représentants du personnel élus au CHSCT................................. 122.3.2. La culpabilisation des élus du CHSCT .............................................................................................. 13

3. LE POSITIONNEMENT DE L’EXPERT ......................................................................................................... 133.1. Une démarche d’intervention guidée par les évolutions organisationnelles ....................... 13

3.1.1. Mise en perspective des organisations du travail et compréhension des changements ................ 133.1.2. Les conditions de travail et de santé : l’enjeu central de l’expertise .............................................. 13

3.2. Le déroulement de l’expertise .................................................................................. 143.2.1. Enquête de terrain .......................................................................................................................... 143.2.2. Analyse documentaire .................................................................................................................... 15

3.3. Les difficultés rencontrées.................................................................................................... 153.3.1. Des documents transmis qui altèrent la compréhension de l’organisation réelle.......................... 153.3.2. Des données sociales importantes qui font défaut......................................................................... 153.3.3. Une peur qui s’est massivement exprimée et qui pousse à la prudence........................................ 16

II. LES CONDITIONS DE TRAVAIL A L’EPREUVE DES REMANIEMENTS ORGANISATIONNELS............. 17

1. LES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DE LA REORGANISATION : UN PREMIER FACTEUR DU MALAISE SOCIAL ............ 181.1. Une minoration de la réorganisation qui masque mal la radicalité des changements........ 18

1.1.1. Réorganisation Versus ajustements organisationnels : le point de vue de la direction.................. 181.1.2. Un discours et des documents qui brouillent la compréhension des réels remaniements et de leurchronologie ................................................................................................................................................... 191.1.3. Des collaborateurs aux prises avec des changements radicaux...................................................... 20

1.2. Une réorganisation qui se dessine à bas bruit depuis plusieurs années .............................. 211.2.1. Création de FTVEN et arrivée d’une nouvelle direction en 2011: l’incarnation des changements . 211.2.2. Des mouvements de personnels qui annoncent des changements conséquents et qui génèrentparfois de l’incompréhension........................................................................................................................ 221.2.3. « Le mode projet » : une réorganisation qui ne dit pas son nom ................................................... 231.2.4. La mise en place d’ateliers .............................................................................................................. 23

1.3. Une réorganisation officieuse qui produit du flou et qui déstabilise les salariés ................. 241.3.1. Une impression de flou unanimement ressentie............................................................................ 241.3.2. Des incohérences qui masquent mal la réorganisation effective ................................................... 251.3.3. « Une langue de bois » qui persiste ................................................................................................ 251.3.4. Des collaborateurs qui ont pourtant conscience de la nécessité des changements ....................... 26

1.4. Un mode opératoire « brutal » pour les salariés.................................................................. 271.4.1. Une communication « maladroite » ............................................................................................... 271.4.2. La mise à l’écart brutale de collaborateurs..................................................................................... 28

SOMMAIRE

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1.4.3. Des injonctions contradictoires qui perdent les salariés ................................................................ 291.4.4. Une remise en cause des manières de faire antérieures : les anciens mis à l‘épreuve .................. 301.4.5. Une « débauche » de moyens pour faire face aux nouvelles ambitions qui change la donne ....... 311.4.6. Une organisation au-dessus des règles........................................................................................... 32

1.5. L’absence ou le manque de support RH pour les salariés en demande................................ 332. DES REMANIEMENTS CONSEQUENTS QUI AGISSENT INEVITABLEMENT SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL ............... 34

2.1. Le déménagement physique : un premier changement....................................................... 342.2. L’analyse de l’environnement physique actuel .................................................................... 35

2.2.1. Des espaces de travail inégaux chez FTVEN.................................................................................... 352.2.2. Des espaces de travail parfois « surpeuplés » ................................................................................ 362.2.3. Des activités et des choix d’agencement qui exposent d’autant plus les salariés de FTVEN au bruit.

362.2.4. Une première leçon : des espaces de travail à préserver au vu de l’activité qui s’y déroule.......... 412.2.5. Une configuration physique apte à générer des tensions. ............................................................. 422.2.6. Une non prise en compte des études réalisées en interne............................................................. 42

2.3. Une reconfiguration de l’activité.......................................................................................... 422.3.1. La mise en évidence de remaniements importants ........................................................................ 432.3.2. Le recentrage sur 4 directions ........................................................................................................ 462.3.3. La mise en place d’une activité « silotique » pour répondre à une logique « thématiques »......... 46

2.4. Le renforcement du travail en mode projet ......................................................................... 492.4.1. La mise en place d’une méthode qui vise à plus d’efficacité : la méthode Agile ............................ 492.4.2. Une mise en œuvre rigide de la méthode Agile.............................................................................. 502.4.3. Vers une intensification du travail et une exacerbation du contrôle avec la méthode Agile.......... 51

2.5. Vers une logique de rentabilité ............................................................................................ 522.5.1. Des salariés qui se sentent contrôlés.............................................................................................. 522.5.2. Des salariés heurtés dans leurs convictions professionnelles......................................................... 532.5.3. Vers une perte d’intérêt dans la réalisation de l’activité ................................................................ 53

3. APPAUVRISSEMENT DES ACTIVITES VERSUS ACCROISSEMENT DES RESPONSABILITES : DES INEGALITES QUI GENERENT

DES TENSIONS ............................................................................................................................................ 543.1. Note méthodologique et caractéristiques de la population................................................. 543.2. Liens entre âge, ancienneté et bouleversements organisationnels : les « anciens », unepopulation plus impactée.................................................................................................................. 55

3.2.1. Liens entre âge, ancienneté et la disparition apparente de la fonction d’encadrant ..................... 563.2.2. Liens entre âge, ancienneté et l’attribution de nouvelles fonctions managériales ........................ 573.2.3. Des impacts inégaux pour les changements inhérents aux fonctions d’encadrement ................... 573.2.4. Une inégalité retrouvée sur l’analyse des caractéristiques de la population aux postes stratégiquesde l’entreprise ............................................................................................................................................... 583.2.5. Des inégalités qui génèrent des tensions........................................................................................ 593.2.6. Un malaise qui se traduit par l’explosion des arrêts maladies en 2013.......................................... 60

III. LA SANTE DES SALARIES AFFECTEE .............................................................................................. 62

1. DES TROUBLES PSYCHOSOCIAUX SYMPTOMATIQUES D'UNE ORGANISATION DU TRAVAIL PATHOGENE .................. 631.1. Une clarification nécessaire du concept de « risque psychosocial » .................................... 63

1.1.1. Une mobilisation parfois confuse du concept ................................................................................ 631.1.2. Facteurs de risques, risques, troubles : de quoi parle-t-on ?.......................................................... 631.1.3. L’analyse des facteurs de risques.................................................................................................... 641.1.4. Facteurs de risques versus troubles : la santé des salariés de FTVEN affectée............................... 65

2. LES SIGNES DE SOUFFRANCE IDENTIFIES .................................................................................................. 662.1. Les défenses mobilisées : un indicateur du malaise qui s’est exprimé ................................. 66

2.1.1. Rappel sur la notion de défense ..................................................................................................... 662.1.2. Les mécanismes de défenses à l’œuvre.......................................................................................... 662.1.3. L’expression d’un vif mal-être......................................................................................................... 68

2.2. Dégradation progressive du collectif et isolement des salariés ........................................... 682.2.1. La peur ............................................................................................................................................ 68

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2.2.2. Des salariés confrontés à leur impuissance .................................................................................... 692.2.3. L’isolement ..................................................................................................................................... 702.2.4. Arrêts maladie versus présentéisme : deux indicateurs d’une même souffrance .......................... 70

3. L’EQUILIBRE PSYCHIQUE FRAGILISE ........................................................................................................ 713.3. Les facteurs de déstabilisation psychique ............................................................................ 71

3.3.1. Entre mobilisation intense et désinvestissement : des salariés en tension permanente ............... 713.3.2. Le déséquilibre effort / récompense .............................................................................................. 713.3.3. Le sentiment de déconsidération ................................................................................................... 71

3.4. Souffrance éthique et conflits de valeurs ............................................................................. 723.4.1. La souffrance éthique ..................................................................................................................... 723.4.2. Des conflits de valeurs qui exacerbent le mal-être......................................................................... 72

4. L’APPARITION DES PATHOLOGIES LIEES AU TRAVAIL ................................................................................... 73

IV. CONCLUSIONS ET PRECONISATIONS ....................................................................................... 75

1. DES CONSTATS… ............................................................................................................................... 761.1. Les conditions de travail et de santé des salariés : un impensé de la réorganisation .......... 761.2. Absence d’un soutien et d’un accompagnement adaptés pour faire face aux changements

762. … AUX PRECONISATIONS ..................................................................................................................... 77

2.1. Les concepts de prévention primaire, secondaire et tertiaire des RPS ................................. 772.2. S’inscrire dans une démarche de « réparation » pour faire face aux troubles psychosociauxconstatés : une approche tertiaire de la prévention ......................................................................... 782.3. S’inscrire dans une démarche de « correction » face aux facteurs et risques appréhendés :une approche primaire de la prévention ........................................................................................... 78

2.3.1. Permettre la mobilité des salariés de la direction « Technique » au sein de leur direction. ......... 782.3.2. « Dérigidifier » la mise en œuvre de la méthode Agile ................................................................... 792.3.3. Former les « déclassés » pour leur permettre de retrouver un niveau d’activité équivalent à celuide l’ancienne organisation ............................................................................................................................ 792.3.4. Réduire le décalage entre le type de compétence attendu et les ambitions de l’entreprise ......... 802.3.5. Permettre aux salariés de s’inscrire dans une organisation stabilisée............................................ 802.3.6. Redonner ou permettre aux RH, d’endosser le rôle de support aux salariés ................................. 802.3.7. Améliorer les conditions de travail au poste de travail................................................................... 802.3.8. Suivi des actions : une démarche conjointe entre la direction et le CHSCT. ................................... 812.3.9. Doter le CHSCT de moyens pour être efficient ............................................................................... 822.3.10. Du coté de la direction : communiquer en toute transparence, rétablir une confiance entre éluset direction mais aussi entre salariés et direction......................................................................................... 83

3. TABLEAU RECAPITULATIF DES PISTES DE REFLEXION POUR LA MISE EN PLACE D’UNE DEMARCHE « REPARATRICE » ET

« CORRECTRICE » DES RISQUES PROFESSIONNELS AU SEIN DE FTVEN ................................................................... 86

V. ANNEXES..................................................................................................................................... 88

4. ORGANIGRAMMES FOURNIS PAR LA DIRECTION ........................................................................................ 97

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CONVENTION DE LECTURE DU PRESENT DOCUMENT

Les citations des personnes interviewées figurent « entre guillemets et en italiques » ainsi queles interventions extraites des PV de CHSCT. Les références aux instructions et textes officielsapparaissent également « entre guillemets et en italiques ».

Dans le corps du texte, les termes ou expressions extraits des propos des salariés apparaissent« entre guillemets et non en italiques ».

Nous avons veillé à ce que les propos de nos interlocuteurs restent anonymes. Dans cetteperspective, le terme « salarié » est employé au masculin même s’il s’agit de femmes, et lesverbatim sont conjugués au masculin.

Les membres de la ligne hiérarchique, au-delà des responsables opérationnels, sontrassemblés sous le terme « la direction ».

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La présente expertise s’inscrit dans le cadre de la réorganisation de FTVEN et vise à analyserses effets en termes de conditions de travail et de santé.

L’entité FTVEN a été créée en 2011 pour faire face aux évolutions du numérique. La créationde cette entité incarne donc les changements guidés par les nouvelles orientationsstratégiques. Ces dernières ont manifestement été impulsées par la direction générale encharge des programmes et de l’activité numérique et sont mises en application par la directionde FTVEN.

En septembre 2013, lorsque la direction présente au CHSCT le projet de modification del’organisation de FTVEN, des changements conséquents sont déjà effectifs. C’est en effet àpartir de 2011 (mise en place d’une nouvelle direction en charge de l’activité numérique) queles salariés voient s’opérer des mutations organisationnelles qui ont des incidences sur leursconditions de travail.

La réorganisation qui se dessine depuis 2011 n’a cependant pas fait l’objet d’un processusd’information /consultation dans les règles de l’art. Les élus au CHSCT n’ont pas été informésen amont des remaniements organisationnels les plus importants. Par ailleurs, il n’y a pas eude réelle consultation permettant de mettre en discussion suffisamment tôt les impacts decette réorganisation sur les conditions de travail et de santé et autorisant par là même leCHSCT à assurer ses missions au moment opportun. Cette situation a confronté les élus auCHSCT à un dilemme puisqu’ils ont été les dépositaires d’un malaise social sur lequel leurpouvoir d’agir était très limité.

Cette situation, dénoncée par les membres du CHSCT qui l’ont qualifiée de "délit d’entrave",semble alors avoir empêché l’officialisation du schéma organisationnel qui s’estprogressivement déployé. En conséquence, la réorganisation s’est mise en place à bas bruits,sans qu’il y ait de communication claire et harmonisée relative aux changements auxquels lessalariés étaient portant directement exposés.

Déficit de communication, imprécisions organisationnelles, informations et injonctionscontradictoires sont autant d’éléments qui ont produit du flou et profondément déstabilisé lessalariés.

À ce flou organisationnel s’est adjointe une mise en œuvre des changements, qualifiée de“violente” par la plupart des personnes rencontrées, qui a largement contribué à lafragilisation du contexte psychosocial. Parmi les éléments les plus souvent revenus pourcaractériser ce qui a fait violence, on retiendra :

Une communication maladroite ; La mise à l’écart “brutale” de collaborateurs qui travaillaient depuis

longtemps au service de France Télévisions ; L’arrivée de cadres imposés par la direction générale et occupant les postes

stratégiques dans la nouvelle organisation ; Les inégalités de traitements dans la nouvelle répartition des activités

numériques ; Une mise à l’épreuve des collaborateurs les plus anciens dans la structure ;

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Une remise en question parfois radicale des manières de travaillerantérieures ;

Une organisation qui s’impose en paraissant outrepasser toutes les règles.

Si les mutations organisationnelles ont d’emblée été minimisées par la direction qui préfèreparler de “réajustements” que de réorganisation, l’analyse du contexte force à considérer queles changements ainsi que leurs répercussions sur les conditions de travail sont conséquents :

Une reconfiguration de l’activité et des équipes ; La forte augmentation des effectifs ; Le recours massif à la sous-traitance ; L’accroissement ou la réduction des périmètres de responsabilités ; Les changements de subordination hiérarchique ; Le renforcement et la généralisation du travail en mode projet avec

notamment le déploiement de la méthode Agile ; L’introduction d’une démarche marketing avec la prédominance de la notion

de produit ; Etc.

La détérioration de l’environnement psychosocial transparaît nettement dans l’ensemble desretours. Au cours de l’expertise plusieurs catégories de risques présents dans l’environnementde travail et qui exposent particulièrement la santé des salariés ont été identifiés :

Facteurs liés au contenu de la tâche ; Facteurs liés à l’organisation du travail ; Facteurs liés aux relations de travail ; Facteurs liés à l’environnement physique ; Facteurs liés à l’environnement socio-économique.

La présence de ces nombreux facteurs de risques et l’exposition prolongée des salariés à cesmêmes facteurs produisent une organisation du travail particulièrement pathogène dont leseffets n’ont d’ailleurs pas tardé à s’exprimer. Les indicateurs de santé au travail qui ont pu êtreportés à notre connaissance ainsi que les troubles psychosociaux qui se sont massivementrévélés témoignent d’une dégradation du climat social et de ses effets en cascade sur la santé.

Parmi les signes inquiétants qui viennent confirmer une altération de la santé, on relèveral’éclosion des pathologies associées au travail (pathologies de surcharge, pathologiescognitives, pathologies post traumatiques, pathologies de la solitude).

Les préconisations sont présentées à la fin du rapport.

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I.LECONTEXTEDELAMISSION

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1. LE PROJET DE REORGANISATION DE FTVEN

Comme on peut le lire dans le « projet de modification de l’organisation de FTVEN » présentéen CHSCT le 23 septembre 2013, les principaux objectifs de France Télévisions EditionsNumériques sont les suivants :

Mettre le numérique au cœur de la stratégie du groupe afin d’être présentsur tous les usages et atteindre tous les publics

Assurer le développement de la direction des éditions numériques afin defaire du numérique l’affaire de tous.

La réorganisation de FTVEN s’inscrit dans un contexte d’adaptation de la structure auxévolutions du numérique et semble également répondre à de nouveaux enjeux.

Les différentes présentations du projet par la direction mettent effectivement en évidence lanécessité d’un rapprochement des antennes et du numérique. Antérieurement, la conceptionde l’offre numérique s’articulait autour des priorités des rédactions de télévisions.

L’accent est mis sur la cohérence d’une offre éditoriale qui doit proposer des contenus auservice des utilisateurs.

Les principaux remaniements organisationnels exposés sont :

Une activité structurée autour de 4 directions opérationnelles (Contenus etservices numériques, Marketing, Technique, Télévision connectée) contreenviron 8 directions existant précédemment ;

La transversalité entre les directions ; Le travail en mode projet avec l’introduction de la méthode Agile.

En creux de la présentation du projet par la direction au CHSCT, on entend que leschangements décrits s’inscrivent dans la continuité d’un mode de fonctionnement antérieur etne sont de fait pas considérés comme des remaniements organisationnels conséquents. Ceque corroborent les propos qui suivent, relevés dans les échanges avec une personneappartenant à l’équipe dirigeante :

- « On ne peut pas parler de réorganisation, c’est exagéré… mais d’un groschangement seulement. »

Le point sur les conditions de travail (Cf. PV en annexe) met par ailleurs en évidence qu’auxyeux de la direction, le projet n’aura que peu d’incidence sur les conditions de travail dessalariés concernés, en rappelant les éléments suivants :

Le maintien du travail en mode projet comme avant ; Pas de modification du lieu de travail ; Modification à prévoir des plans au vu des adaptations d’organisation ; Pas d’outils nouveaux découlant de la nouvelle organisation, mais une

meilleure appropriation des outils existants.

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2. LA SITUATION ET LE POSITIONNEMENT DES ELUS AU CHSCT

2.1. Une organisation opérante : un projet auquel les élus nepeuvent plus s’opposer

2.1.1. Une organisation déjà en place, une information consultationtardive

En septembre 2013, lorsque le projet de modification de l’organisation de FTVEN est présentéaux élus du CHSCT, des remaniements organisationnels présentés au cours de la réunionétaient visiblement déjà effectifs depuis plusieurs mois. Entre autres, les élus font état de lamise en place de la méthode Agile et aussi d’un remaniement de certaines équipes et activitéss’illustrant notamment par des évolutions dans les missions confiées à certains salariés et parle recrutement de nouveaux profils.

Par ailleurs, bien avant 2013, des modifications organisationnelles sensibles ont visiblementété portées à la connaissance des élus par les salariés qui vivaient eux-mêmes ceschangements.

Dans le PV de CHSCT du 17 décembre 2013, qui stipule en son point V (Cf. annexe) le processusd’information / consultation, les échanges attestent que la réorganisation est en partieeffective puisqu’il y est question de nouveaux modes de fonctionnement qui sont d’ores etdéjà en place. Par ailleurs, est abordée la question du vécu de la réorganisation par les salariés.Aussi un membre élu rappellera-t-il :

- « … dans l’ensemble, ils ont trouvé ça violent. »

2.1.2. Une réelle réorganisation

Lors du CHSCT du 17 décembre 2013, alors que les élus s’inquiètent d’une réorganisation quiimpacte l’ensemble des salariés et dont les effets semblent déjà s’exprimer, la direction leuroppose qu’il ne s’agit pas d’une réorganisation générale mais limitée à deux pôles (Techniqueet Contenus et services). Elle souligne par ailleurs que le travail en mode projet existait déjàauparavant.

Si la portée des changements paraît effectivement minimisée par la direction, la lecture de lanouvelle organisation du travail oblige cependant à constater des remaniements sensibles qui,a fortiori, ne s’inscrivent pas tous dans le prolongement de l’organisation antérieure, commenous le démontrerons dans les développements qui suivent.

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2.2. Du constat du passage en force à la volonté d’actiondes élus du CHSCT préoccupés par les remontés dessalariés

2.2.1. La demande des élus

Dans le présent contexte, les élus considèrent qu’ils sont face à un passage en force relevantdu délit d’entrave dans la mesure où les remaniements organisationnels se sont opérés avantmême qu’ils ne soient informés et consultés sur ledit projet. C’est d’ailleurs ce qu’ils exprimentlors d’un CHSCT.

Cependant, pour eux, cela ne fait plus sens de s’opposer à un projet dont le déploiement estdéjà initié. Ils préfèrent donc démarrer une expertise dans les meilleurs délais afin d’analyserl’organisation du travail qui s’impose déjà aux salariés.

Il est à noter qu’au moment où ils décident de recourir à l’expertise, les élus sont inquiets del’évolution des conditions de travail des salariés de FTVEN. Ce, notamment en raison denombreux retours qui leur sont faits et qui semblent attester d’un malaise directement associéaux changements qui se réalisent progressivement depuis plus d’un an.

2.2.2. Une expertise en deux temps

Soucieux de leur mission de préservation des conditions de travail et de protection de la santédes salariés, les élus au CHSCT veulent que soient analysées les conditions de travail et quesoient identifiés les facteurs organisationnels susceptibles de les dégrader.

Les élus ont par ailleurs à cœur que l’expertise soit un outil constructif, qui puisse guider lesévolutions organisationnelles dans le respect des conditions de travail et de santé del’ensemble des salariés.

C’est dans cette perspective que les élus ont demandé que l’expertise soit réalisée en deuxtemps :

Etape 1 : un état des lieux de la situation de travail actuelle (au moment dudémarrage de l’expertise) assorti des recommandations qui s’imposeraienten matière de conditions de travail.

Etape 2 : Bilan à 6 mois des effets de la réorganisation et desréajustements préconisés lors de l’étape 1.

2.3. Le positionnement difficile des élus

2.3.1. L’éclatement géographique des représentants du personnelélus au CHSCT

Force est de constater aujourd’hui que les élus qui siègent au CHSCT sont répartis sur quatresites distincts à Issy les Moulineaux, ce qui ne facilite ni la proximité de tous aux situations detravail réelles vécues par les salariés qui travaillent au sein de FTVEN (localisés dans lebâtiment EOS), ni l’accessibilité des salariés à l’ensemble des élus qui les représentent. Par

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ailleurs, il faut noter que cette situation est à même de rendre plus compliquée uneconcertation régulière et réactive de tous les élus, faute de moyens supplémentaires pourpallier cette dispersion.

2.3.2. La culpabilisation des élus du CHSCT

Le contexte précédemment décrit a placé les élus, comme ils l’ont dit eux-mêmes, dans unesituation de « porte à faux » qui a compliqué la mise en œuvre de leurs prérogatives. Ils onteffectivement été confrontés au double paradoxe de ne pas avoir eu leur mot à dire face àl’effectivité d’un processus ré organisationnel auquel ils ne pouvaient de fait plus s’opposer ;d’avoir été informés et consultés tardivement et en conséquence de ne pas avoir eu d’autrechoix que de laisser se poursuivre la réorganisation en place avant d’exercer leur droit derecours à l’expertise, au risque de se voir reprocher la prolongation d’une situationorganisationnelle floue et pesante pour les salariés.

Aussi, les élus au CHSCT ont-ils signifié qu’ils s’étaient vus reprocher de freiner la mise en placede la nouvelle organisation en refusant de donner un avis et en empêchant par là même ladirection de clarifier officiellement les changements.

3. LE POSITIONNEMENT DE L’EXPERT

3.1. Une démarche d’intervention guidée par les évolutionsorganisationnelles

3.1.1. Mise en perspective des organisations du travail etcompréhension des changements

Dans le contexte d’une réorganisation en cours, l’expert s’est fixé pour premier objectif lacompréhension des situations de travail existantes.

Pour prendre la mesure des évolutions organisationnelles, il a par ailleurs été nécessaire demettre en perspective l’organisation du travail actuelle et l’organisation du travail projetée.

3.1.2. Les conditions de travail et de santé : l’enjeu central del’expertise

La mission confiée à l’expert avait pour objets :

l’évaluation des impacts de l’organisation cible sur les conditions de travailet de santé des salariés

l’identification des dispositions à mettre en œuvre par la direction en vertude ses obligations.

Plus globalement, l’expertise a pour principal objectif d’aider le CHSCT dans sa mission deprévention et d’amélioration des conditions de travail et de préservation de la santé physiqueet psychologique des salariés.

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3.2. Le déroulement de l’expertise

3.2.1. Enquête de terrain

La compréhension des situations de travail existantes est un préalable indispensable àl’analyse des effets de la réorganisation projetée sur les conditions de travail. Au cours decette expertise, la démarche d’intervention s’est traduite par :

La réalisation d’entretiens avec des membres de l’encadrement qui ontprésenté le projet de réorganisation ;

La réalisation d’entretiens individuels avec des salariés, qui visaient àcomprendre l’activité de chacun et à recueillir l’expression du vécu dessituations de travail ;

Des observations de l’environnement de travail qui ont permis d’analyser lesconditions physiques d’exercice de l’activité.

Le malaise social relayé par les élus au CHSCT dès le début de l’expertise nous a conduit àporter une attention particulière aux déterminants organisationnels de la souffranceidentifiée. Le mal-être occasionné par les contraintes inhérentes à toute situation de travail nese dévoile que lorsque les opérateurs ont l’occasion de parler de leur activité. Nous avons doncaccordé, dans ce contexte, une place centrale à l’expression du vécu des salariés relatif àl’exercice de leur activité dans un cadre de remaniements.

La participation des salariés aux entretiens s’est faite sur la base du volontariat.

Cependant, concernant les entretiens avec les cadres de direction, nous avions préalablementdéfini un échantillon de personnes à rencontrer.

Au regard des organigrammes qui nous ont été communiqués, et compte tenu de larestructuration de l’activité autour des directions mais aussi de l’importance accordée à laligne éditoriale, il nous a effectivement paru nécessaire de rencontrer :

Les cadres en charge de ces directions L’ensemble des N-1 de la direction des Contenus et Services Numériques

Au total :

14 entretiens ont été réalisés avec des encadrants ; 32 entretiens avec des salariés ; 4 entretiens avec les élus du CHSCT ont été nécessaires pour le suivi de

l’expertise ; Des séquences d’observation sur site.

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3.2.2. Analyse documentaire

Nous avons croisé les données recueillies au cours de l’enquête de terrain avec une analysedocumentaire1.

Les principaux documents demandés étaient :

Organigrammes de FTVEN ; PV de CHSCT ; Documents projets ; Données sociales sur les trois dernières années : effectifs, absentéisme,

arrêts maladie ; Bilan de la médecine du travail sur les deux dernières années.

3.3. Les difficultés rencontrées

3.3.1. Des documents transmis qui altèrent la compréhension del’organisation réelle

Afin de mettre en perspective les organisations du travail et d’en analyser les évolutions,l’expert a fait la demande des organigrammes correspondant respectivement à l’organisationdu travail antérieure aux changements et à l’organisation projetée. C’est la comparaison de cesdeux organisations qui doit effectivement permettre la mise en évidence des remaniements.

Or, l’organigramme le plus ancien qui a été communiqué, intitulé« organisation actuelle »,présente un schéma organisationnel arrêté au 1er janvier 2014. Nous apprenons par ailleurs àla lecture des PV de CHSCT que l’information des élus sur le projet de réorganisation date dumois de septembre 2013. En supposant que l’organisation cible se soit déployée à partir de cemoment-là, une première incohérence chronologique apparaît : l’antériorité de l’organisationcible par rapport à l’organisation dite « actuelle ».

Si l’on comprend rapidement que l’organisation dite « actuelle » est l’organisationpréexistante à la réorganisation, les périodes de photographie des deux organigrammestransmis semblent trop rapprochées pour que l’expert puisse considérer l’ampleur réelle desévolutions.

Si en avançant dans l’expertise, la compréhension de l’organisation du travail et de sesévolutions s’éclaircit, des zones d’ombre persistent. La mise en perspective des donnéesrecueillies sur le terrain et dans les documents révèle des inexactitudes et des incohérencesqui interrogent (salariés qui ont quitté l’entreprise et qui apparaissent toujours dans lestableaux d’effectifs et/ou les organigrammes, salariés qui ne sont pas enregistrés dans leseffectifs mais qui figurent sur les organigrammes, salariés positionnés à une place ou dans uneéquipe qui n’est pas la leur dans l’organisation réelle, etc.)

3.3.2. Des données sociales importantes qui font défaut

1 Notons qu’en raison des difficultés rencontrées (documents incomplets, données reçues tardivement, documents difficilement exploitables etc.),nous avons au moins doublé le temps de travail initialement prévue pour l’analyse documentaire.

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De plus, des données nécessaires pour étayer l’analyse du contexte social ont fait défaut. Aussin’a-t-il pas été possible de se procurer des données rigoureuses sur les accidents du travail.

Les chiffres concernant l’ensemble des effectifs, pourtant indispensables à une analyseobjective des ressources mobilisée dans l’activité de travail, n’ont par ailleurs pas été portés ànotre connaissance.

3.3.3. Une peur qui s’est massivement exprimée et qui pousse à laprudence

Pour finir, si le nombre d’entretiens à réaliser au cours de l’expertise pour parvenir à uneanalyse du contexte la plus objective possible a finalement été atteint, on relèvera néanmoinsune participation hésitante des salariés en début d’expertise, qui a exigé une relance de la partdes élus au CHSCT.

Plusieurs éléments nous permettent d’attribuer ces hésitations à la peur associée à uncontexte de travail où les relations de confiance semblent mises à mal.

Cette peur s’est d’une part illustrée dans les questions relatives à la confidentialité desentretiens, revenues avec insistance chez des salariés qui disent craindre que leur participationà l’expertise « se retourne contre eux ». La retenue première observée chez des salariés dontla parole a eu du mal à se libérer au cours des échanges vient renforcer ce sentiment. Desparticipants à l’expertise nous apprendront par ailleurs que certains de leurs collègues ne seporteront pas volontaires et évoquent les craintes énoncées précédemment ou encore unepression insidieuse qui semble peser sur certaines équipes. En témoigne notamment la parolequi suit :

- «Là, vous ne trouverez personne pour sortir les épaules du rang. »

Plusieurs demandes d’entretiens téléphoniques ou de rendez-vous dans nos locaux, parfois endehors des temps de travail, viennent confirmer les différentes formes de pressions qu’exerceun contexte organisationnel qui ne permet manifestement plus de se sentir en confiance.

En conséquence, nous avons tenu à observer la prudence dans la restitution des propos et dessituations de travail censés étayer nos analyses. L’arbitrage entre les éléments à mobiliser pourobjectiver au mieux nos analyses s’est toujours fait à la faveur de la protection des salariés.Pour le dire autrement, nous avons eu constamment le souci de ne pas mettre les salariés quise sont engagés dans l’expertise en danger. Si cette manière de faire est parfois apte à générerune forme d’imprécision, néanmoins elle n’empêche pas la compréhension des déterminantsdu malaise psychosocial qui s’est donné à analyser. C’est d’ailleurs avant tout sur ce point qu’ilest important de se focaliser pour que puisse être initiée une réflexion constructive sur lapréservation des conditions de travail et la protection de la santé de tous les salariés.

L’ensemble des difficultés auxquelles nous avons été confrontés est symptomatique dutrouble organisationnel qui s’est exprimé avec acuité dès le début de l’enquête terrain etque nous allons nous attacher à décrire dans les développements qui suivent.

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II. LESCONDITIONSDETRAVAILAL’EPREUVEDESREMANIEMENTSORGANISATIONNELS

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1. LES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DE LA

REORGANISATION : UN PREMIER FACTEUR DU MALAISE

SOCIAL

1.1. Une minoration de la réorganisation qui masque mal laradicalité des changements

1.1.1. Réorganisation Versus ajustements organisationnels : le pointde vue de la direction

Les documents présentés par la direction en CHSCT comme l’ensemble des échanges avec lesmembres de la direction rencontrés au cours de l’expertise convergent pour signifier que leschangements opérés ne s’apparentent pas à une réorganisation.

La relativisation du caractère ré organisationnel semble même s’illustrer jusque dans le titreretenu de la présentation du projet faite en CHSCT 2: « Projet de modification de l’organisationde FTVEN ».

En croisant l’ensemble des documents transmis avec les données recueillies au cours desentretiens de direction, on comprend progressivement la cohérence d’un argumentaire quivise à minorer les changements et leurs effets.

Pour éclairer notre propos, revenons sur les différents éléments exposés dans le documentprojet en septembre 2013 pour caractériser une organisation qui s’inscrit, du point de vue dela direction, dans la continuité d’un mode de fonctionnement antérieur :

Le maintien du travail en mode projet comme avant ; Pas de modification du lieu de travail ; Modification à prévoir des plans au vu des adaptations d’organisation ; Pas d’outils nouveaux découlant de la nouvelle organisation, mais une

meilleure appropriation des outils existants.

Ces éléments ne laissent effectivement pas apparaître d’importantes ruptures entrel’organisation du travail réelle à cette date (septembre 2013) et l’organisation cible présentée(qui correspond à l’organisation du travail analysée aujourd’hui) puisque le déploiement decette dernière était largement amorcé à ce moment-là, comme nous le montrerons plus loin.

Si la comparaison des organisations du travail est établie entre la période du dernier trimestre2013 et aujourd’hui, il devient alors cohérent de parler, comme l’ont fait des membres de ladirection, « d’ajustements » organisationnels plutôt que de réorganisation.

Cependant, comme nous le rappelions en préambule de ce rapport, le processus d’information/ consultation inhérent à tout projet organisationnel important n’a pas eu lieu dans les règles

2 Document projet présenté lors du CHSCT du 23 septembre 2013.

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de l’art. Notons au passage que lors d’un entretien, un cadre dirigeant laissera échapper quede toute façon, « on ne leur demandait pas leur avis », faisant allusion aux membres du CHSCT.

Le rétrécissement de la période comparative des organisations du travail, établi dans lesdiscours de la direction, s’avère dans ce contexte avoir servi les besoins d’une démonstrationvisant à justifier qu’il n’y a pas eu de réorganisation franche. La progressivité des changementsqui s’opèrent effectivement depuis plusieurs années peut, elle aussi, contribuer à soutenircette idée.

1.1.2. Un discours et des documents qui brouillent la compréhensiondes réels remaniements et de leur chronologie

Cependant, force est de constater dans les descriptifs de l’activité qu’ont pu faire lescollaborateurs interrogés, que l’organisation présentée comme « actuelle » dans le documentprojet, mais aussi dans les organigrammes remis à l’expert, n’est déjà plus en correspondanceavec la réalité organisationnelle à cette même date.

A titre d’exemple, dans un organigramme intitulé : « organisation du travail arrêtée au 1er

janvier 2014 », on relèvera que le service Internet, Chaînes et programmes apparaît avec enramification les différents sites de chaînes et leurs responsables respectifs, alors qu’à cemoment-là la spécificité chaîne a déjà laissé place à une logique d’offres thématiques qui s’estrépercutée sur l’activité même des acteurs de ce service.

Les deux organigrammes remis à l’expert révèlent aussi les incohérences suivantes :

Des personnes mentionnées qui ont pourtant quitté l’entreprise ; Des collaborateurs qui ne sont pas affectés aux équipes dans lesquels ils

sont réellement rattachés aujourd’hui ; Des activités qui ne semblent pas ou plus avoir d’existence propre

aujourd’hui, soit parce qu’elles ont été «éclatées », redistribuéesdifféremment ou renommées et qui continuent à apparaître comme si aucunchangement n’était survenu. A titre d’exemple on peut citer la « com online » devenu l’E Influence dans l’organisation cible.

Des activités censées être exercées sous la responsabilité de personnes quine sont pas présentes dans l’entreprise aujourd’hui.

On relèvera que l’activité « Coordination technique, TV éditions numériques », bien qu’elle aitété présentée comme importante par la direction, est une fonction sous laquelle on retrouveun salarié qui n’a jamais (ou très peu) occupé ce poste puisqu’il se trouve en arrêt maladie(successif) depuis environ deux ans. Il semblerait par ailleurs que cette fonction ne soit assuréeà ce jour par aucun remplaçant, ce qui questionne inévitablement la réalité de l’importancequi lui est accordée.

On peut également remarquer au sein de la direction « Technique » la présence duresponsable des « Actions éducatives et de la jeunesse », en arrêt maladie depuis longtemps etqui n’a visiblement, au regard des remontées des salariés, jamais encadré l’équipe qui lui estrattachée dans cet organigramme.

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A l’aune de ces différents constats, on comprend mieux ce qui a conduits certains salariés àqualifier de « placards » ou de « coquilles vides » des postes qui apparaissent dansl’organisation cible.

L’ensemble de ces éléments force à constater que les informations organisationnellestransmises ainsi que le discours de la direction ont non seulement biaisé la compréhensionde l’organisation réelle du travail, mais ont aussi empêché de considérer l’ampleur desremaniements qui s’opèrent depuis 2011, remaniements que les salariés qui sont aux prisesavec ces changements ont su mettre en exergue.

1.1.3. Des collaborateurs aux prises avec des changements radicaux

La refonte des outils de travail pour certains services, la conception de nouvelles offreséditoriales, la réalisation de nouveaux produits dont les salariés font état sont autantd’éléments qui impliquent des manières de fonctionner différentes : redistribution etreconfiguration des responsabilités (avec l’introduction d’une démarche marketing mettantdavantage en avant le produit par rapport au projet, l’ancien responsable de projet devientresponsable d’un produit), renforcement du travail en mode projet, introduction de laméthode Agile, accentuation de la transversalité des coopérations, etc.

Des collaborateurs reviennent sur le fait qu’ils ne « partaient pas de rien », rappelant que dansl’organisation antérieure certaines équipes avaient déjà pour habitude de travailler en modeprojet, que le fonctionnement s’inscrivait dans un schéma organisationnel matriciel où desinteractions transverses s’opéraient avec les différents groupes de travail, etc.

Force est cependant de constater que la pratique du mode projet s’est renforcée danscertaines activités et a été introduite dans des services qui ne l’utilisaient pas auparavant.

Toutes les personnes interrogées reconnaissent que certaines manières de faire se sontformalisées, renforcée et généralisée. Par ailleurs, les coopérations entre équipe transversesse sont précisées. A ce titre on voit par exemple aujourd’hui que des référents techniques ontété attitrés à chaque activité éditoriale alors qu’auparavant les équipes répondaientvisiblement de manière indifférenciée à toutes les offres qui s’adressaient à la directiontechnique.

Au regard de l’ensemble des échanges, on perçoit que souvent, ce sont les modalités de miseen œuvre des changements qui ont caractérisé une forme de radicalité ressentie par la plupartdes personnes rencontrées.

La radicalité des changements vécus a, étonnamment, pu être révélée par des encadrantsoccupant des fonctions stratégiques dans l’organisation. Au cours des entretiens, leurs propossont effectivement parfois venus contredire l’idée même que certains semblaient s’attacher àdéfendre d’une organisation davantage inscrite dans la continuité que dans la rupture. Aussi,un cadre dirigeant explique-t-il que la récente introduction d’une démarche marketing quin’existait pas avant, et dans laquelle la notion de produit est mise en avant, implique desmanières de travailler différentes qui n’avaient pas cours antérieurement. Au cours de son

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exposé, il ira même jusqu’à parler d’une « révolution copernicienne » pour ceux qui ont dûfaire face à ces changements.

Un autre encadrant, en décrivant les grands chantiers auxquels a été confrontée son équipe àson arrivée en 2011 expliquera que « rien n’a été fait comme ils avaient l’habitude de lefaire. » Il dira même que cela a été « violentant » pour qualifier le ressenti par son équiped’une organisation qui faisait rupture avec les habitudes de travail précédant son arrivée.

Un responsable se félicitera à son tour d’avoir « inverser le modèle » organisationnel dans sonéquipe.

Toutes ces remarques sont autant d’éléments qui attestent que les modificationsorganisationnelles effectuées, loin de ne s’inscrire que dans un prolongement, ont représentédes changements radicaux pour ceux qui les vivaient.

1.2. Une réorganisation qui se dessine à bas bruit depuisplusieurs années

1.2.1. Création de FTVEN et arrivée d’une nouvelle direction en 2011:l’incarnation des changements

La création de FTVEN puis l’arrivée d’une nouvelle direction pour gérer cette entité en 2011incarnent effectivement les changements précédemment observés. Les principales ambitionsde FTVEN qui sont affichées (« placer le numérique au cœur de la stratégie du groupe » et« faire du numérique l’affaire de tous ») semblent effectivement avoir impulsé de nouvellesorientations.

Le tournant stratégique qui s’amorce trouve notamment son expression dans les changementsqui sont exposés dans les différentes présentations de la direction 3:

Passage d’une conception de l’offre articulée autour des priorités del’antenne à un rapprochement des antennes et du numérique

Place centrale donnée à l’éditorial qui ne doit plus être exclusivementl’apanage des antennes

Recherche d’une meilleure cohérence de l’ensemble des offres éditoriales Introduction de la notion d’offre de produits Développement des contenus numériques au service des utilisateurs sur des

supports qui se multiplient.

Toutes ces missions dévolues à la direction de FTVEN se mettent logiquement en place depuissa création. Les salariés rencontrés dont l’ancienneté est antérieure à la création de FTVENsont d’ailleurs unanimes à dater les « grands changements » d’orientation au moment del’arrivée d’une nouvelle direction au sein de FTVEN, en 2011.

3 On retrouve ces grandes lignes dans le document projet présenté en CHSCT le 23 septembre 2013.

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1.2.2. Des mouvements de personnels qui annoncent deschangements conséquents et qui génèrent parfois del’incompréhension

Aux transformations parfois radicales des manières de travailler s’ajoutent les mouvements depersonnels qui participent eux aussi à la dynamique de réorganisation et qui agissentimmanquablement sur les conditions de travail : répartition différente des missions,management d’équipes augmentées ou diminuées dans certains cas, reconfiguration deséquipes, introduction de nouvelles méthodes de travail.

On passe d’un effectif de 81 CDI au 1er janvier 2011 à un effectif de 118 CDI au 31 décembre20134.

Les données sociales et l’enquête de terrain ont mis en exergue des éléments qui donnent unpremier aperçu du contexte social et qui donnent en partie à comprendre les modalités demise en œuvre de la nouvelle organisation. Parmi lesdits éléments, on retiendra ceux qui ont leplus souvent été signifiés dans les échanges avec les salariés, semblant illustrer par là même lemalaise qu’ils ont produit :

Des salariés qui sortent de l’effectif dès 2011 et qui semblaient occuper desfonctions reconnues dans l’organisation du travail antérieure ;

La comptabilisation de plusieurs arrêts maladie de longue durée ; Dès 2011, le recrutement de cadres qui occuperont des fonctions

stratégiques dans la nouvelle organisation.

Notons que les cadres recrutés en 2011 qui ont été rencontrés au cours de l’expertise disenttous avoir été « nommés » ou appelés par le directeur Général avec lequel ils avaient déjàtravaillé auparavant.

En 2012, les fonctions dirigeantes des grandes activités que sont lesContenus et services numériques, le Marketing, la Technique, sont occupéespar des personnes recrutées à l’extérieur (certaines depuis 2011) ;

Le recours massif à des prestataires pour travailler sur de nouveaux projetsparaît également emblématique de la réorganisation. Si les équipes onttoujours eu l’habitude de recourir à des prestataires extérieurs, ellesobservent cependant des changements de règles du jeu en la matière. Dessalariés expliquent effectivement que le recours à la prestation estbeaucoup plus important (« officialisé », dira un salarié) qu’il ne l’était, etsous forme de contrats plus courts que ce qui était en vigueur dansl’organisation antérieure, où l’on avait parfois des salariés qui travaillaient àla prestation plus de trois ans dans les équipes sans pour autant êtrestabilisés.

Si la plupart des salariés ont expliqué avoir très vite compris la stratégie qui guidait lesnouvelles orientations qui s’imposaient à eux, il n’en demeure pas moins que les décisionsprises ont d’abord soulevé des interrogations qui se sont largement formulées pendant lesentretiens.

4 Sachant que sur l’effectif 2013, il manque des salariés issus des directions des « actions éducatives » et de la « TV connectée ».

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La légitimité des personnes qui ont été positionnées aux postes les plus importants avec uneancienneté réduite et parfois pas ou peu de connaissance du milieu ou des métiers qu’ils sontcensés accompagner, le refus de certaines candidatures internes de salariés qui se sontpositionnés sur des postes ouverts et dont les fonctions antérieures assuraient la légitimité,l’absence constatée de publication en interne de postes qui seront pourvus par de nouveauxarrivants, la « mise à l’écart » de salariés dont le travail était unanimement reconnu dansl’organisation antérieure sont autant de questions qui sont revenues de manière récurrente etqui renvoient à des facteurs importants de déstabilisation des salariés.

1.2.3. « Le mode projet » : une réorganisation qui ne dit pas son nom

Nombreux sont les salariés qui ont souligné qu’en dépit des changements significatifs qu’ilsétaient en train de vivre, le terme de réorganisation était tabou au sein de FTVEN. Lesprécautions langagières relevées au cours de l’expertise, plus particulièrement chez lesencadrants, semblent le confirmer. Aussi, les notions de « mode projet », de « préfigurationdes changements », de « pré-organisation », de « modifications organisationnelles », ont-ellesété tour à tour mobilisées dans les échanges pour décrire des remaniements qui s’effectuentdepuis 2011 et qui sont emblématiques d’une réorganisation qui ne dit pas son nom.

Notons que le titre même du document remis en CHSCT le 23 septembre 2013 (« Projet demodification de l’organisation de FTVEN ») semble traduire cette même volonté de masquer ladimension ré organisationnelle alors que, comme nous allons le voir, à cette date laréorganisation est très largement mise en œuvre.

Arrêtons-nous ici sur un propos échappé ( ?) lors des échanges avec un encadrant et dontl’éloquence semble suffire à traduire la réalité du « mode projet » lui-même et du contexteplus généralement :

- « Ce qu’on appelle le mode projet entre nous c’est le moment où laréorganisation n’était pas opérée mais il y avait déjà des transformations dansles manières de travailler. »

1.2.4. La mise en place d’ateliers

Plusieurs personnes sont revenues sur la mise en place progressive d’ateliers visant la réflexioncollégiale autour de nouveaux projets. D’aucuns expliquent que c’est au cours même de cesateliers qu’ils ont pris connaissance de changements importants dont ils n’avaient pas étéinformés en amont.

La participation de prestataires extérieurs à ces réunions et le niveau d’implication decertaines personnes sur les sujets mis en réflexion ont apparemment parfois permis auxsalariés de constater que non seulement des changements se tramaient mais que desdécisions étaient d’ores et déjà arrêtées. Aussi, plusieurs salariés ont-ils exprimé leursentiment d’inutilité, soulignant le fait qu’on leur donnait l’illusion de participer à des projetsdéjà arrêtés :

- « On a travaillé sur une nouvelle offre mais on sent bien que c’est déjà arrêté. »

- « On fait semblant de nous impliquer mais on n’a pas notre mot à dire. »

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Il a par ailleurs été souligné que la présence à ces ateliers pouvait être chronophage pour ceuxqui, en raison de leurs fonctions transverses, sont susceptibles de multiplier leur participationà ces réunions.

On comprend dans les différents retours que c’est en fonction des changements auxquels lespersonnes sont elles-mêmes exposées qu’elles appréhendent les décisions organisationnellesqui s’imposent. Par ailleurs, on voit bien que l’information est inégalitaire, qu’elle est fonctiondu niveau d’implication des uns et des autres dans les espaces où les changements sontdiscutés. En témoigne le propos qui suit :

- « J’ai eu la puce à l’oreille lors d’une réunion organisée avec les prestataires etdes gens amenés dans la nouvelle organisation qui prenaient plus d’ampleur etde poids sur des nouveaux périmètres. »

On comprend alors mieux le sentiment d’être « tenu à l’écart » qui s’est énoncé chez ceux quin’ont pas nécessairement été impliqués dans les espaces de discussion stratégiques, ni mêmeparfois informés de changements concernant leur propre service de rattachement, voire leurpropre activité. Aussi, au cours des entretiens, un salarié rencontré déplorera avoir étéinformé par l’un de ses collègues qu’il devait reprendre une activité qui ne faisait jusqu’àprésent pas partie des missions qui lui étaient confiées, tout en précisant que cet exemplen’était pas isolé dans le contexte.

- « Ce qui est bizarre, c’est qu’on apprend par les autres ce qui nous concerne. »

Tous ces éléments dévoilent progressivement aux salariés une nouvelle organisation qui semet en place à bas bruit sans qu’il y ait communication officielle sur les changements.

1.3. Une réorganisation officieuse qui produit du flou et quidéstabilise les salariés

1.3.1. Une impression de flou unanimement ressentie

L’ensemble des entretiens est marqué par un sentiment de flou organisationnel qui déstabilisefortement les salariés et qui pèse inévitablement sur leurs conditions de travail.

- « On a senti que l’organisation s’installait sans information. »- « Personne ne sait concrètement comment on est organisé. »- « On n’arrête pas de chercher qui fait quoi, comment. »- « Les antennes sont perdues. »- « On a un certain nombre d’informations mais rien n’est dit vraiment

clairement. »- « On sait qu’il y a une grande ambition mais c’est flou. »

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La plupart des salariés interrogés décrivent effectivement des situations de travail où lesrepères sont brouillés, où ils ne savent plus ce qui est attendu d’eux, où il est difficile de savoirqui fait quoi.

Force est de constater par ailleurs que ce trouble organisationnel n’épargne personne. Ycompris ceux qui sont censés avoir le plus de visibilité sur leur nouveau périmètre d’activitéparce qu’ils se sont vus confier de nouvelles responsabilités et ont pu être davantage impliquésdans les espaces d’échanges concernant les nouvelles orientations stratégiques. Des situationsd’injonctions contradictoires ont ainsi maintes fois été évoquées par des personnes quifinissent par ne plus savoir « à quel saint se vouer », quelles doivent être leurs réelles priorités,sur quel projet se mobiliser, etc.

1.3.2. Des incohérences qui masquent mal la réorganisation effective

Tous les salariés n’ont visiblement pas été reçus par l’encadrement pour prendre connaissancedes modifications afférentes à chacun des services. Cependant, l’ensemble des échanges meten évidence que des entretiens individuels ont d’abord été réalisés par les encadrants auprèsdes personnes qui étaient concernées par les plus gros changements (évolution conséquentedu périmètre d’activité, changement de mission ou d’équipe d’affectation, etc.). Par ailleurs,des salariés qui percevaient des changements dans leur service sans comprendre précisémentce qui était attendu d’eux expliquent qu’ils ont pris l’initiative de demander un entretien à leurresponsable. Plusieurs disent qu’ils sont restés sans réponse explicite au motif invoqué par leurinterlocuteur que l’organisation n’était pas encore tout à fait claire.

Une personne s’étonnera d’une réponse évasive de la part d’un dirigeant qui a l’air de luiexpliquer que rien n’est encore clarifié mais qui l’oriente cependant pour plus d’explicationsvers un interlocuteur qui pourra lui apporter des précisions et qui s’avère être – ce que lapersonne concernée ne sait pas au moment du rendez-vous – l’actuel responsable de sonservice. Cet exemple est une illustration, qui n’est malheureusement pas isolée, du flou qui aété maintenu artificiellement pour masquer une réorganisation effective et dont les contoursétaient visiblement dessinés bien avant 2013, comme l’ont montré les personnes interrogées.

1.3.3. « Une langue de bois » qui persiste

De nombreux propos ont illustré le flou organisationnel ambiant mais aussi ce que beaucoupont nommé « la langue de bois ». La formule qui semble cependant traduire avec le plusd’éloquence les contradictions auxquels les salariés ont eu affaire est la suivante :

- « Il y a des actions qui sont « cash » mais le discours n’est pas clair. »

Au-delà des confusions générées par de telles manières de faire, le sentiment d’être « prispour des imbéciles », pour reprendre une expression plusieurs fois utilisées, s’est fortementexprimé chez les salariés qui ont continué à être maintenus dans le trouble alors qu’ilsprenaient eux-mêmes acte des changements au fil des évolutions qui s’imposaient à eux.

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Au cours des entretiens, des salariés évoquent alors une « impossibilité à communiquer » de lapart des dirigeants en raison du contexte dans lequel s’est déployée la réorganisation. C’est ence sens qu’on entendra des propos comme :

- « Ils ne peuvent pas communiquer car ils savent qu’ils sont en tort. »

Les évitements, les contradictions, les incohérences qui se sont massivement révélés dans lesdescriptions des situations de travail vécues par les salariés mettent effectivement enlumière « l’impossibilité à communiquer » sur une réorganisation qui s’est mise en placesans concertation dans les règles de l’art.

On entend, dans certains propos qui émergent des échanges avec les membres de la direction,qu’il n’a pas été possible d’expliquer clairement les choses qui n’avaient pu être officialisées.L’allusion y est d’ailleurs clairement faite à un blocage qui serait celui des instancesreprésentatives du personnel.

La chronologie des événements et les différentes mécaniques qui viennent d’être décrites etqui visent à entretenir le flou organisationnel concourent cependant à démontrer une formed’inversion de la situation en son contraire. Pour le dire autrement, la réorganisation qui n’apu être officialisée en raison des modalités de sa mise en œuvre - entre autres sansconcertation suffisamment en amont – paraît de fait avoir imposé un déploiement ensourdine, produisant lui-même un malaise organisationnel difficile à contenir. Ce malaise vientalors contrarier les objectifs visés d’une réorganisation qui prétend apporter une meilleurelisibilité du mode de fonctionnement et faciliter les interactions entre tous les acteurs del’entité.

Quelles que soient les perceptions différenciées de la situation en fonction de la place et durôle tenu par chacun dans l’entreprise, force est de constater que les modalités de la mise enœuvre de cette réorganisation ont été « violentes » pour la plupart des salariés rencontrés.

1.3.4. Des collaborateurs qui ont pourtant conscience de lanécessité des changements

Dans un contexte où les collaborateurs ont parfois déploré de se voir reprocher d’être« résistants » au changement, il nous paraît important d’insister sur les éléments qui suivent.

La plupart des personnes rencontrées au cours de l’expertise s’accordent à dire que lesévolutions du numérique rendaient nécessaires des ajustements organisationnels. A plusieursreprises les salariés ont effectivement souligné les nouveaux enjeux auxquels FTVEN devaitfaire face et ont aussi évoqué un retard numérique qu’il fallait combler.

En conséquence, personne n’a disconvenu que les nouvelles orientations impliquaient desmanières de fonctionner différentes ainsi que la mobilisation de nouvelles compétences.

Par ailleurs, les descriptions des organisations qui se sont succédées depuis plusieurs annéesattestent que les mutations organisationnelles ne sont pas exceptionnelles. Certains ont mêmerappelé qu’elles étaient inhérentes à un secteur d’activité particulièrement exposé auxévolutions technologiques et à celles des besoins des utilisateurs au service desquels l’activitéest dirigée.

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La population salariée de FTVEN est donc particulièrement familiarisée et disposée auxchangements.

Ce que montre en revanche avec force la globalité des échanges, c’est que ce sont moins leschangements que la brutalité de leur mise en œuvre qui a été massivement déplorée par lessalariés.

1.4. Un mode opératoire « brutal » pour les salariés

La violence et la brutalité sont des termes très souvent revenus pour caractériser les modalitésde mise en œuvre des changements.

Le récit des expériences vécues par les salariés fait effectivement ressortir plusieurs élémentsqui attestent de la violence du mode opératoire qui a guidé les changements et sur lesquelsnous allons nous arrêter dans la partie qui suit.

1.4.1. Une communication « maladroite »

- « On a senti qu’une réorganisation s’installait sans information. »

Ce propos semble assez symptomatique des maladresses de communication qui se sont faitesentendre au cours de l’expertise et sur lesquelles nous allons nous arrêter.

Ce qui frappe d’abord dans les retours des salariés c’est la manière dont ils ont été informés(ou pas) des changements qui les concernaient directement ou qui touchaient les activités deleur service ou des équipes avec lesquels ils étaient amenés à travailler.

Les exemples de situations qui mettent en lumière la violence des annonces ne manquent pas.Parmi ceux qui sont revenus le plus souvent, on retiendra :

La découverte en réunion devant le collectif et parfois même devant desprestataires extérieurs des changements afférents à sa propre mission ;

Des entretiens informels avec quelqu’un qui n’est pas le responsable dusalarié concerné pour lui annoncer un changement de métier ;

Des entretiens individuels réalisés parfois de manière impromptue pourannoncer des changements conséquents : nouvelles missions, changementde périmètre de responsabilité, etc.

Une absence d’information concernant des départs d’encadrants occupantdes postes stratégiques dans l’entreprise ;

L’interruption impromptue d’une réunion d’équipe pour annoncer lechangement de responsable de cette même équipe (lui-même présent à cemoment-là), en la présence du directeur de FTVEN et du nouveauresponsable.

L’absence d’information collégiale pour expliquer des changements en coursdans les différents services. Changements que les salariés percevaient au furet à mesure des remaniements concrets qui s’effectuaient sous leurs yeux ;

L’annonce par mail de nominations à de nouveaux postes impactant de faitl’organisation de l’activité dans le service ;

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Des entretiens réalisés à la demande des salariés ne comprenant plus qu-elle était leur place dans la nouvelle organisation. Entretiens au coursdesquels des salariés ne se sont vus proposer aucune place clairementdéfinie dans l’organisation du travail.

Toutes ces maladresses communicationnelles qui ont nettement été mises en avant par lessalariés ont profondément déstabilisé les personnes individuellement mais aussi les collectifsde travail. L’asymétrie des informations diffusées, les communications individuelles aucompte-goûte, le déploiement progressif des remaniements qui n’ont pas touchés toutes leséquipes en même temps semblent avoir cloisonné les salariés en permettant, pour reprendreune expression entendue, une forme de « muselage » :

- « Personne n’a rien ébruité, on ne savait pas ce qu’il fallait dire ou ne pasdire. »

- « On a gardé les choses pour nous, on a été muselé. »

On lit par ailleurs dans l’ensemble des remarques apportées que l’organisation du travail qui sedévoilait progressivement au fil des différentes communications s’est soudainement imposée.Tout semblait en effet décidé, comme l’ont beaucoup dit les salariés. C’est sans doute cela quicontribue, en partie, à renforcer l’effet de choc qui s’est énoncé avec une certaine acuité :

- « On est resté bouche B, tout le monde était touché sans pouvoir rien faire. »

- « Un jour, la vague est arrivée sur nous. »

- « On était paumé. »

- « Ça a été violent psychologiquement. »

- « On nous a pas demandé notre avis.»

1.4.2. La mise à l’écart brutale de collaborateurs

La plupart des salariés rencontrés sont revenus avec émotion sur la violence avec laquelle ontété « débarqués » des salariés dont le travail était visiblement unanimement reconnu.

La mécanique la plus souvent décrite paraît assez nettement s’apparenter à ce que certainsn’ont pas hésité à qualifier de « placardisation ». En voyant des périmètres de responsabilitésse réduire progressivement et des missions se vider de leur contenu significatif, des salariésn’ont pas tardé à se sentir dévalorisés et à comprendre qu’ils n’avaient plus leur place dansl’entreprise. Ces situations ont eu pour corolaire des arrêts maladie de longue durée qui ontété portés à notre connaissance.

Notons par ailleurs que la mise en perspective de l’organisation du travail avant que ne soitamorcé le virage stratégique du numérique en 2011 et de l’organisation actuelle faitnettement apparaître des phénomènes de déclassement. Cette notion est à entendre comme

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une situation dans laquelle la fonction occupée n’est plus en correspondance avec lescompétences, l’expérience, le niveau de formation ou la qualification des individus.

Dans le présent contexte, force est de constater que des salariés qui occupaient des fonctionsde direction dans l’organisation antérieure5 (avant 2011) ont vu leur voilure professionnelle seréduire considérablement dans le schéma organisationnel cible, se retrouvant à des positionshiérarchiques inférieures. Certes, le calcul exact de toutes les situations qui correspondent àun déclassement n’est pas aisé à établir sur la base des documents fournis. Cependant, lesdonnées recueillies en entretien dévoilent que les situations de travail qui ne font plus sensavec les missions réalisées antérieurement et dans lesquelles les opérateurs ne se retrouventplus ne sont pas des cas isolés.

1.4.3. Des injonctions contradictoires qui perdent les salariés

Nous l’avons déjà vu, le flou organisationnel caractérise particulièrement le contexte qui s’estdonné à analyser. Ce flou est apparemment entretenu par des discours contradictoires ouencore par des changements de cap intempestifs qui peuvent venir contrarier du jour aulendemain les missions auquel chacun est affecté. Ces situations sont à l’évidencedéstabilisantes pour les salariés qui finissent par être perdus, ne plus savoir ce qui est attendud’eux.

Les paroles qui suivent semblent suffire à éclairer notre propos :

- « On me changeait de poste en me demandant de faire les réunions avec lesmêmes personnes. »

- « On nous dit qu’il faut qu’on soit responsables de nos périmètres et on nouschange nos périmètres en fonction du sens du vent. »

- « On me demandait de continuer à faire mon travail tout en me disant que çan’allait plus fonctionner comme ça. »

- « Je n’avais plus d’objectifs depuis des mois mais on me disait que ma missionétait une priorité. »

- « On m’a nommé responsable d’un projet en me disant de ne pas me mettre destress car il n’y avait pas d’enjeu. »

Des salariés finissent par constater qu’on leur a donné l’illusion d’avoir des responsabilités,peut-être pour ne pas avoir à leur dire qu’ils étaient finalement affectés sur des activités moinsstratégiques, « à moins forte valeur ajoutée » comme on l’entendra plusieurs fois.

Le sentiment d’inutilité, de dévalorisation et aussi de mépris ne tarde alors pas à se faireentendre au fil des entretiens.

5 L’organisation antérieure à 2011 n’a pas été officiellement portée à notre connaissance malgré les demandes de documents faites en ce sens.Les données recueillies en entretiens nous ont cependant permis d’avoir une visibilité sur le schéma organisationnel en place avant les plusimportants remaniements.

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Par ailleurs, l’état confusionnel dans lequel se trouvent des personnes rencontrées et quitransparaît assez nettement au cours des entretiens, semble attester des impacts du contexteorganisationnel sur la santé des salariés. Nous reviendrons sur cet aspect dans la partiespécifiquement consacrée à la santé des salariés.

1.4.4. Une remise en cause des manières de faire antérieures : lesanciens mis à l‘épreuve

La violence transparaît également assez largement dans les différentes façons de remettre encause le travail réalisé par les équipes en place avant l’arrivée de la nouvelle direction.

Dans les échanges, il a effectivement beaucoup été question de la défiance première àl’arrivée des nouveaux managers qui ont d’abord, pour reprendre des termes souvent revenus,« testé » et « mis à l’épreuve » leurs équipes. Des collaborateurs remontent ainsi qu’ils ont puêtre éprouvés sur des fonctions qu’ils occupaient antérieurement à l’arrivée de leursmanagers.

Au marketing, on apprend qu’une sorte d’audit interne est réalisé par le directeur auprès deséditeurs pour avoir un retour sur le travail antérieurement effectué. L’évaluation du travailréel, selon les équipes, n’a cependant visiblement pas pris en compte les conditions d’exercicede l’activité à ce moment-là (effectif réduit pour répondre à l’ensemble des demandesadressées au service, budgets limités par rapport à aujourd’hui, etc.). Les retours faits sontnégatifs et les collaborateurs disent les avoir mal vécus. De plus, ils déplorent l’entrée enmatière par la critique du travail réalisé précédemment, dans un contexte particulièrementsensible où l’ensemble des équipes est déjà fragilisé.

- « On n’est pas tous des experts mais les anciens se sentent dévalorisés » se désoleraune personne interrogée.

La défiance s’est aussi illustrée dans les équipes où les missions intéressantes sont d’abordconfiées à des prestataires extérieurs ou à des collaborateurs nouvellement recrutés. Cesderniers viennent d’ailleurs parfois « coacher » les équipes en place. Les exposés qui nous ontété faits de certaines situations justifient à eux seuls le malaise exprimé par les salariés :

- « Des experts sont arrivés pour nous expliquer comment on devait travailler. »

- « On m’avait dit : quelqu’un va venir voir comment tu travailles. La personnes’est posée à côté de moi un matin et m’a regardé. »

- « Pour les anciens c’était un peu dur, on vous présentait à peine les gens : il vaêtre à côté de toi. »

Des situations de travail également vécues comme insupportables, où les salariés sont mis enconcurrence avec les prestataires sur un projet (« challengés » pour reprendre l’expressionapparemment consacrée par les managers), ont aussi été portées à notre connaissance. Ainsifait-on travailler une équipe fixe et une équipe de prestataires sur un même projet dans unmême temps donné.

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D’aucuns ont relevé que les plus anciens qui occupaient des postes à responsabilités n’ont pastout de suite été mis sur la touche et ont parfois même été beaucoup sollicités à l’arrivée desnouveaux managers.

- « Ils ont été bienveillants car ils avaient besoin de nous » regrettera un salarié.

Pour finir sur le sentiment de « mise à l’épreuve » qui s’est vivement exprimé : d’aucuns sesont parfois vu retirer des missions dont ils avaient la charge auparavant et ont dû refaire leurspreuves avant de se voir accorder la confiance de leur manager. D’autres disent s’être battuspour faire valoir statutairement des fonctions qu’ils occupaient depuis plusieurs années déjà.A ce propos, plusieurs personnes se sont plaintes d’avoir essuyé des remarques violentes aumoment où elles ont demandé une reconnaissance salariale du travail réellement accompli.

On notera au passage que la remise en cause radicale des manières de faire vécue par lessalariés trouve son pendant dans les dires des managers que nous avons rencontrés.Rappelons le propos de l’un d’entre eux :

- « J’ai complètement inversé le modèle… »

Si personne n’a remis en question l’importance de mobiliser de nouvelles compétences ou detravailler différemment pour faire face aux nouveaux enjeux, les différentes formes de mise àl’épreuve sur lesquelles nous venons de nous arrêter ont été vécu comme une sanction àl’adresse des plus anciens.

1.4.5. Une « débauche » de moyens pour faire face aux nouvellesambitions qui change la donne

Les salariés qui ont vu leur travail antérieurement réalisé « dénigré » n’ont pu s’empêcher designifier que les budgets auparavant consacrés à l’activité numérique étaient sans communemesure avec ceux qui ont été débloqués pour faire face aux nouvelles ambitions portées parFTVEN. Les ressources aujourd’hui allouées au numérique permettent de travailler dans desconditions qui ne sont effectivement pas comparables à ce qu’il était possible de faire avant lacréation de FTVEN. La multiplication des projets et des moyens mis en œuvre pour les réaliseren attestent. D’où le sentiment d’injustice ressenti face aux remarques des nouveauxmanagers relevées par les salariées et tendant à montrer que les chiffres antérieurs étaientmauvais comparativement à aujourd’hui, pointant par là même une insuffisance desopérateurs alors en place. A titre d’exemple, un salarié du marketing expliquera que le servicen’avait pas les budgets pour recourir aussi massivement aux prestations extérieures avant lanouvelle organisation du travail. Il explique par là même que l’activité était faite avec « lesmoyens du bord» et que l’envergure et la quantité des projets menés sont inévitablementétroitement liées aux ressources dédiées.

Une autre personne ira dans le même sens en disant :

- « Au marketing, on n’avait aucun budget, aucun périmètre, on essayait de sefaire une place. »

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Dans le prolongement de ce biais de lecture d’une situation où le travail est évalué enomettant de considérer tous les éléments du contexte, plusieurs personnes ont déploré uneutilisation biaisée des chiffres au service d’une démonstration de l’efficacité de la nouvelleorganisation. L’exemple plusieurs fois cité à ce sujet concerne le « tagage » d’audience quipermet d’identifier les sites les plus fréquentés. Visiblement, l’information a pu demander quetoutes les émissions (contenant de l’information) des chaînes qui faisaient beaucoupd’audience soient taguées comme de l’information. Ce qui a fait artificiellement grossir leschiffres d’audience du pôle Information.

Le propos suivant vient corroborer ces constats d’une présentation des chiffres qui tronque laréalité :

- « On a l’impression d’une course à l’échalote, à celui qui dira des chosespositives, quitte à ne pas dire la vérité. »

Au cours des entretiens, sont également fréquemment évoquée les disparités salariales entreles nouveaux recrutés, et ceux qui travaillent depuis longtemps en interne et qui peinent àobtenir de la reconnaissance.

Ce qui est finalement vécu avec dureté par les salariés et qui s’est exprimé avec animosité,c’est sans doute d’avoir à se battre pour une reconnaissance salariale à la hauteur de leurinvestissement. Ce, dans un contexte où ils assistent à une « débauche » de moyens financierspour la mise en œuvre des ambitions numériques portée par une nouvelle direction(recrutement de dirigeants à des niveaux de salaires élevés, recours massif à des prestatairesextérieurs, etc.).

1.4.6. Une organisation au-dessus des règles

Au cours d’un entretien, une personne indiquera que les dirigeants ont agit rapidement « sanstenir compte des règles de management classiques » pour mettre en place les choses.

En filigrane des maladresses managériales qui transparaissent nettement dans les manières defaire qui viennent d’être décrites, on comprend effectivement que l’organisation du travails’est mise en place en faisant non seulement fi du respect « des règles » implicites visant àménager les équipes en place, mais qu’elle a également outrepassé des règles plus officiellescensées être en vigueur au sein de France Télévisions. En l’occurrence, les différents retourspointent le non-respect systématique de la procédure de « consultation interne » pour lesouvertures de postes réalisées ces trois dernières années. Le manque d’implication des salariésdans les décisions, l’absence d’information et de visibilité sur l’ensemble de l’activité, « lafroideur » managériale sont autant d’éléments également listés au fil des entretiens et quisemblent faire rupture avec les modes de fonctionnement antérieurs.

Enfin, pour boucler sur le non-respect des règles, il convient de rappeler la défaillance duprocessus d’information / consultation à laquelle a été confronté le CHSCT concernant leprojet de réorganisation qui nous occupe ici.

Arrêtons-nous pour conclure sur un propos qui s’est massivement fait entendre tout au longde l’expertise et qui traduit avec éloquence la violence d’un mode de fonctionnement qui s’estimposé :

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- « Ils sont venus avec un projet, ils se sont cooptés entre eux, ils ont posé leursvalises, ils se sont affranchis de toutes les règles existantes. »

1.5. L’absence ou le manque de support RH pour les salariésen demande

Les entretiens ont montré que face à ces situations éprouvantes, les salariés concernésn’avaient pu s’appuyer :

Ni sur un support RH pour répondre à leurs interrogations ; Ni sur la cellule psychologique, qui était estampillée « direction » et qui dans

ce contexte de méfiance n’a pu être efficiente. D’autant plus que la salle oùétaient reçus les salariés, se situait dans le bâtiment EOS et plusspécifiquement, correspond au bureau de la DRH qu’elle utilise à mi-tempsdans le cadre de son activité.

D’ailleurs, les salariés ont unanimement apprécié l’investissement de la salarié qui s’occupe dupilotage au coté du directeur, pour les écouter.

La présence feutrée ou parfois inexistante des RH dans le cadre de cette réorganisation nousinterroge (Charge de travail trop importante ? Périmètre trop important ? ).

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2. DES REMANIEMENTS CONSEQUENTS QUI AGISSENT

INEVITABLEMENT SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL

2.1. Le déménagement physique : un premier changement

Comme nous avons pu le voir précédemment, la population de FTVEN est une populationaccoutumée à de nombreux remaniements, organisationnels et physiques. La réunificationphysique des différentes équipes qui composent à l’heure actuelle FTVEN est le premierchangement physique qui a permis la mise en place de cette réorganisation.

L’ensemble des directions de France télévision Numérique, excepté la direction des « sites etservices informations, sports et culture », a effectivement déménagé en Mai 2012, et lessalariés occupent les niveaux 2 et 3 du bâtiment EOS situé sur la commune d’Issy-Les-Moulineaux (bâtiment regroupant un ensemble de sociétés dont FTVEN).

Le lieu de travail des salariés avant réunification se situait principalement à Balard. Cedéménagement a massivement été mal vécu par les salariés. Les principales raisons évoquéeslors des entretiens sont :

L’allongement de la durée du temps de transport ; Le caractère excentré du bâtiment par rapport aux transports en communs

et aux lieux de restauration (autre que la cantine); La proximité avec le périphérique ; Et le travail dans ce type d’Open Space.

Les salariés ont la sensation d’avoir perdu au change malgré la modernité du bâtiment.

- « Le déménagement a largement augmenté mes temps de transports. En plus,quand on arrive ici, c’est pollué! »

Ce déménagement a permis le regroupement de toutes les directions de FTVEN sur un mêmesite, dans un nouveau type d’espace de travail pour la plupart des salariés : l’Open-Space.

Par ailleurs, nous notons qu’un futur déménagement au sein de ce bâtiment est prévu surl’année 2014, qui viendra finaliser la mise en place de la réorganisation et qui permettra deréunir :

Les salariés d’un même service, aujourd’hui parfois dispatchés entre lesniveaux ;

Les équipes par thématique (notamment en continuant le rapprochementphysique des équipes fonctionnelles et des équipes techniques qui est encours).

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2.2. L’analyse de l’environnement physique actuel

L’analyse de cette partie a été permise par un recoupage de données issues : De notre visite ; De nos entretiens avec les salariés ; Et de la littérature traitant des conséquences du travail en Open Space sur

les conditions de travail.

2.2.1. Des espaces de travail inégaux chez FTVEN

Lors de notre visite, nous avons pu observer que plusieurs types d’espace de travailcoexistaient. Des espaces de travail pouvant accueillir 4 salariés et des espaces de travailpouvant accueillir 6 salariés. La largeur étant identique pour les deux types d’espace, l’espacede travail disponible pour les salariés se situant sur un espace de 6 postes de travail (photo ci-dessous à gauche) est inévitablement réduit et inférieur à ceux des salariés travaillant sur lesespaces à 4 postes de travail (photo ci-dessous à droite). Il y a donc une disparité importanteentre salariés concernant leur espace de travail disponible.

Cet espace est d’autant plus réduit que chaque poste de travail possède deux écransd’ordinateur, qui ne semblent pas être utilisés par les salariés. Lorsqu’on interroge les salariéssur leur équipement de travail, ces derniers nous précisent qu’ils amènent leur propre outil.Pour eux, l’équipement informatique de FTVEN proposé ne semble pas assez performant pourleur permettre de travailler correctement.

De plus, lors de notre visite, il nous a étéconfirmé que la plupart de ces espaces à 6postes de travail étaient occupés par les« prestataires ». Effectivement, comme nouspouvons le voir ci-dessous et ci-contre (captured’écran des plans nominatifs qui nous ont étéfournis), les espaces de travail contenant 6postes de travail sont occupés par les prestataires de manière quasi exclusive.

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Cette population sera donc d’autant plus exposée aux constats que nous ferons dans cettepartie.

2.2.2. Des espaces de travail parfois « surpeuplés »

Nous avons aussi pu constater une « surpopulation » dans certains lieux, où le nombre depostes de travail disponibles (un poste de travail étant constitué d’une chaise, d’une table etd’un équipement informatique) était inférieur au nombre de chaise et d’équipementsinformatiques présents.

Lors de notre visite, nous avons d’ailleurs été interpelés par un des salariés d’une des équipesqui travaillait dans une voie de circulation, pour nous expliquer que cette installation étaitcependant temporaire.

Ce constat peut signifier soit :

Que le nombre de poste disponible est inférieur au nombre de salariésprésents ;

Que les salariés réalisent des réunions au sein des espaces de travailcollectifs.

Ce constat, les salariés l’ont d’ailleurs aussi fait puisqu’ils se sont massivement exprimés lorsdes entretiens sur cette « surpopulation » au sein des Open Space, « surpopulation » attribuéeà la présence de prestataires.

- « On n’a plus de place, il y a trop de prestataires »

2.2.3. Des activités et des choix d’agencement qui exposentd’autant plus les salariés de FTVEN au bruit.

Rappels sous l’angle du bruit des risques du travail en Open Space

Si le bruit ambiant au sein d’un Open Space n’expose pas directement les salariés au risque desurdité, il peut :

Directement agir sur la fatigue et l’apparition de risque d’erreurs dans letravail et affecter de ce fait la performance des salariés.

Indirectement augmenter le risque d’altération de l’audition par l’adoptiond’un comportement à risque (port d’un casque audio), en réponse à une

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gêne sonore trop importante qui ne leur permet pas de se concentrersuffisamment pour travailler.

Alain Wisner6 s’est intéressé aux rapports entre l’intensité sonore, les bandes d’octave et lagêne perçue des salariés. De ce travail, il a déduit 4 zones de « gêne », appelées courbes deWisner. En ordonnées, nous avons le niveau de pression acoustique dB et en abscisse lesfréquences médianes (Hz). Les basses fréquences correspondent à des sons dits graves. Acontrario, les hautes fréquences correspondent à des sons aigus.

Ces courbes que nous retrouvons ci-contremontrent que :

« Lorsque le bruit ambiant estsitué en dessous de la courbe 1, letravail intellectuel complexe n'estpas gêné de façon appréciable.

Lorsque le bruit ambiant est situéentre les courbes 1 et 2, le travailintellectuel complexe est pénible,le travail courant administratif oucommercial n'est pas gêné defaçon nette.

Lorsque le bruit ambiant se situeentre les courbes 2 et 3, le travailintellectuel est extrêmementpénible, le travail administratif courant est difficile.

Au de là de la courbe 3, une exposition prolongée peut conduire à lasurdité. »

Les courbes de Wisner nous montrent donc que plus l’intensité sonore est importante, pluscette dernière va gêner la réalisation de l’activité de travail, rendant de ce fait sa réalisationpénible et plus fatigante à la fois.

Cette gêne est amplifiée par le caractère intelligible de la voix.

Des activités intellectuelles nécessitant unespace de travail protégé acoustiquement.

Les activités réalisées au sein de FTVEN sontdes activités qui requièrent d’analyser, decomprendre, de produire, de créer...autantd’activités que nous pouvons qualifier de« travail intellectuel complexe ». Il est doncprimordial de maintenir un niveau sonorefaible (inférieur à 40dB (A) pour les bruits dits« aigus » et 60dB (A) pour les bruits dits

6 Alain Wisner, médecin français, est l'un des fondateurs de l’ergonomie française. Il est égalementdirecteur honoraire du laboratoire d’ergonomie du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) eta été président de la société d'ergonomie de langue française de 1969 à 1971.

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« grave ») au sein des espaces de travail pour diminuer le risque d’apparition de gêne etmaintenir une performance élevée.

Pour illustration, le niveau sonore habituel d’une conversation est de 50dB (A)7. Cette intensitésonore est donc au-dessus de la courbe 1 sur la quasi-totalité des fréquences (ligne rouge).

Une « surpopulation » des espaces de travail.

En augmentant le nombre de salariés par mètre carré, on augmente mathématiquement lerisque d’échanges entre salariés, le nombre de personnes en conversation téléphonique etc. Ladensification d’un espace de travail est un facteur de risque d’augmentation de l’intensitésonore. Plus la densité est importante, plus les salariés risquent d’être exposés à une ambiancesonore importante. Les salariés se situant sur les espaces de travail composés de 6 postes detravail sont d’autant plus concernés.

- « Nous avons toujours été en espace ouvert mais là, c’est immense ! En fin dejournée, je suis fatigué »

Au-delà des bruits issus de la conversation, nous avons pu détecter plusieurs sources de bruitqui participent à l’augmentation du niveau sonore ambiant au sein des Open Space de FTVEN.

La présence d’imprimantes multifonctions dans les Open Space

L’imprimante est un élément qui participe à augmenter le bruit ambiant car :

De par son activité, il produit un bruit lors de son utilisation ; De par sa fonction et sa capacité, il est utilisé par un nombre important

d’utilisateurs (car il ne s’agit pas d’une imprimante individuelle).

Son positionnement dans l’espace est doncstratégique pour éviter les nuisances sonores. Elledoit être positionnée en dehors des espaces detravail.

Or, nous avons pu constater que certainesimprimantes multifonctions au sein de FTVENétaient positionnées au sein des espaces de travailou dans les couloirs de circulation. Pour illustration,nous pouvons voir sur la photo ci-contre quel’imprimante est située face aux espaces de travail(non visible sur la photographie).

Cet élément concourt donc à augmenter le bruit ambiant.

7 Le bruit au travail. Une nuisance envahissante. INRS

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La réalisation de réunions au sein des Open-Space.

Nous avons pu constater la présence denombreuses tables de réunion au sein desespaces de travail, indiquant que des réunionsétaient effectuées au sein de ces espaces (nousavons d’ailleurs pu être témoins de ce type depratique).

L’impact de la réalisation de réunion au sein desespaces de travail n’est pas le même si :

La réunion concerne l’ensemble dessalariés de l’Open Space :l’augmentation de l’ambiance sonore ne gêne pas les collaborateurs car ilsparticipent tous à cette réunion ;

La réunion ne concerne pas l’ensemble des collaborateurs, elle devient unfacteur de dégradation de l’ambiance sonore pour ceux qui n’y participentpas.

Les espaces de travail étant totalement ouverts pour une grande partie des salariés etdifférentes équipes se côtoyant sur un même open space, les réunions réalisées ne peuventpas toujours concerner l’ensemble des collaborateurs.

Les voies de circulation ouvertes sur les espaces de travail

La non séparation physique entre les postes de travail et les voies de circulation principalesaugmente le bruit ambiant. Par ailleurs, les salariés les plus touchés par cette problématiquesont ceux qui se trouvent dans les espaces de travail proches des accès aux halls d’ascenseur,aux toilettes et aux espaces de convivialité, le flux de déplacements y étant de ce faitaugmenté.

Des voies de circulation confondues avecles espaces de travail.

Les murs des espaces de circulation sontutilisés comme panneau d’affichage.

Dans le cadre de la méthode Agile, lessalariés renseignent leur état d’activitésur des post-it qu’ils apposent sur unefeuille collée au mur. De par cetteactivité, la voie de circulation est d’autantplus empruntée par les salariés.

Nous avons aussi pu constater la présenced’armoires, de paper board dans la voie de circulation comme nous le montre la photo ci-contre.

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A ce sujet, nous rappelons que les voies principales de circulation ne doivent pas êtreencombrées pour des raisons de sécurité.

Des salles de réunion en faible quantité par rapport aux besoins exprimés

L’empiètement de l’espace de travail sur les voies de circulation traduit aussi un manqued’espace de travail pour le travail en équipe. La quantité actuelle d’espaces de travail fermésne permet pas aux salariés de s’isoler pour ne pas gêner leurs collègues. Pour illustration, des« Conf Call » avec l’utilisation du mode « haut-parleur » sont réalisés au sein des espaces detravail.

- «Il y a pas mal de gens qui viennent faire leur « Conf Call dans l’open space carles espaces de confidentialités sont toujours pris. C’est compliqué de suivre sontravail.»

Un espace de convivialité ouvert aux voies de circulation

Lors de notre visite, nous avons pu constater que la sallede convivialité était elle aussi ouverte sur la voie decirculation (comme nous pouvons le voir ci-contre). Ainsi,le bruit émanant de la salle de convivialité est transmisaux Open Space situés autour de la salle de convivialité.

Son non cloisonnement constitue un facteurd’augmentation du bruit ambiant au sein des espaces detravail.

L’ « encasquage » : un comportement symptomatique d’un bruit ambiant trop important

Nous avons pu constater lors de notre visite un nombre important de salariés portant uncasque audio sur leurs oreilles. L’utilisation de ce type d’équipement permet au salarié des’isoler du bruit ambiant. Ce comportement est révélateur d’un bruit ambiant trop élevé quigêne les salariés dans la réalisation de leur travail. Afin de se concentrer, ils se coupent dubruit ambiant.

L’exposition sonore des salariés « encasqués » ne correspond donc plus à la durée d’expositionau bruit ambiant produit par l’Open Space mais correspond à :

La durée d’exposition à l’intensité sonore en sortie de casque lorsqu’ilsportent un casque ;

Plus la durée d’exposition au bruit ambiant lorsqu’ils ne portent plus lecasque.

Alors que l’intensité sonore produite par une activité en open space ne fait pas encourir unrisque de surdité chez les salariés, l’intensité sonore produite par un casque peut augmenterconsidérablement l’exposition sonore des salariés et devenir de ce fait un risque.

Ce comportement, qui leur permet de se concentrer dans un environnement ambiant bruyant,les expose donc à des risques d’altération de l’audition. Plus le bruit ambiant sera important,plus le salarié sera amené à augmenter l’intensité sonore en sortie de casque pour pouvoir se

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couper du bruit ambiant. Et plus ce bruit ambiant est présent dans sa journée de travail, plussa durée « encasquée » sera importante.

Il ne s’agit pas d’interdire aux salariés le port d’un casque audio (car c’est ce qui leur permet àl’heure actuelle d’effectuer leur travail) mais de réfléchir aux aménagements nécessaires quipermettront aux salariés de travailler dans un environnement ambiant non ou peu bruyant.

Du risque de gêne au risque d’altération de l’audition

Afin de préserver la santé des salariés, il sera donc primordial d’attacher de l’importance à laconception des futurs locaux sous l’angle de l’exposition sonore des salariés.

2.2.4. Une première leçon : des espaces de travail à préserver au vude l’activité qui s’y déroule.

Nous avons pu constater lors de notre visite que l’équipe « Télématique » avait une activitéparticulière qui requiert un « isolement » phonique. En effet, chaque salarié a besoin poureffectuer son activité :

d’un équipement informatique ; d’une télévision où le salarié suit les émissions sur lesquelles il travaille ; et d’un téléphone pour joindre les participants qui ont gagné le jeu concours.

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Ainsi, faisant suite à la démonstration précédente et étant donné qu’un nouveaudéménagement se prépare, nous déconseillons vivement d’installer cette équipe en OpenSpace afin de préserver la santé des salariés.

2.2.5. Une configuration physique apte à générer des tensions.

Les observations ont permis de montrer que la configuration physique actuelle des salariéspouvait être source de tensions entre salariés car :

Des salariés sont, suite à la réorganisation, séparés physiquement de leurmanager et/ ou d’une partie de leur équipe (d’un étage) ;

o Pour illustration, l’équipe « jeunesse » était dispatchée entre deuxniveaux lors de notre visite.

Des anciens managers se retrouvent parmi leur ancienne équipe suite à leurdéclassement, conséquence de la réorganisation ;

Des pans entiers d’équipes séparées. Les prestataires qui travaillent sur le« BUILD » (conception) du projet séparés des autres équipes qui travaillentsur le « RUN » (actualisation) du projet, renforçant de ce fait le sentimentd’exclusion des « anciennes » équipes (constat que nous exposerons dansune autre partie).

Nous souhaitons attirer l’attention sur ces différentes situations car elles peuventgénérer un malaise important pour ceux qui les vivent.

2.2.6. Une non prise en compte des études réalisées en interne

Une étude réalisée par l’observatoire de la santé au sein de FTV par un groupe de spécialistesde la santé au travail (médecin du travail, psychologue du travail et ergonome) montre leseffets délétères du travail en Open Space chez FTVEN sur les conditions de travail. Pour autant,à la lueur des constats réalisés dans le cadre de cette étude, ce travail ne semble pas avoir étépris en compte par la direction pour l’installation au poste de travail des salariés de FTVEN.

2.3. Une reconfiguration de l’activité

Alors que la direction nous indique que le projet de réorganisation ne correspond qu’à unensemble de réajustements, « avec l’intégration de la tv connectée, la mise en place d’undirecteur chez les éditeurs, quelques changements au niveau des « chaînes et programmes », età la direction « Technique » » (entretien avec le directeur de FTVEN), nous allons voir aucontraire que la nouvelle stratégie numérique souhaitée nécessite des remaniementsorganisationnels conséquents qui impactent l’ensemble des salariés de FTVEN et leursconditions de travail.

L’analyse des impacts sur les conditions de travail des remaniements organisationnels s’estappuyée sur :

les données issues du terrain (entretiens et visites) ; les résultats fournis par une analyse réalisée à partir des documents mis à

notre disposition (les deux organigrammes).

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Avant d’exposer les remaniements organisationnels et leurs impacts sur les conditions detravail, une explication de la méthodologie utilisée pour analyser les organigrammes sousl’angle des changements organisationnels est nécessaire. Les résultats de cette analyseétayeront aussi les impacts sur les conditions de travail de certains remaniementsorganisationnels.

2.3.1. La mise en évidence de remaniements importants

La lecture et l’analyse des deux organigrammes fournis par la direction ont permis de mettreen exergue certaines modifications organisationnelles qui impactent les conditions de travaildes salariés de FTVEN. Afin d’évaluer le pourcentage de salariés impactés par lesbouleversements organisationnels, que nous allons vous exposer ci-après, nous avonsdistribué un point lorsque le salarié est impacté par le changement et zéro point lorsqu’il nel’est pas. Ce travail a été effectué sur le logiciel Excel.

Pour illustration, la capture d’écran ci-dessous représente la distribution des points par salariéet par changement :

Chaque colonne représente une modification organisationnelle ; Chaque ligne représente un salarié.

Les changements organisationnels perçus à travers l’analyse documentaire :

Le rattachement à une nouvelle direction.Ce changement correspond à l’intégration d’un salarié dans unedirection différente de celle dont il est issu.

Un niveau supplémentaire de dépendance hiérarchique.Ce changement correspond à une augmentation du niveau dedépendance hiérarchique. Par exemple, si dans l’ancienne

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organisation, le directeur de FTVEN est mon N+1 et que dans lanouvelle organisation, le directeur de FTVEN est mon N+2, alors j’aiacquis un niveau de dépendance hiérarchique supplémentaire.

Un remaniement de l’activité.Cette modification correspond à un changement d’activité lorsque cedernier est perceptible à travers les organigrammes. Par exemple, lepassage du service « france2.fr » au service « pilotage ».

L’intégration à une nouvelle équipe.Ce changement correspond à un changement d’équipe. Dans cechangement, le salarié peut soit intégrer une nouvelle équipe avec desnouveaux collaborateurs ou intégrer la même équipe mais avec descollaborateurs en moins. Dans les deux cas, l’équipe sera différente et dece fait cela constitue un changement pour le salarié.

L’intégration à une équipe plus petite.Ce changement est pris en compte lorsque le salarié a intégré unenouvelle équipe plus petite en nombre de salariés que son ancienneéquipe.

L’intégration à une équipe plus importante.Ce changement est pris en compte lorsque le salarié a intégré unenouvelle équipe plus importante en nombre de salariés que sonancienne équipe.

La disparition apparente de la fonction d’encadrant.Cette modification intervient lorsqu’un salarié qui avait des fonctionsd’encadrement dans l’ancienne organisation ne les a plus dans lanouvelle organisation.

Le changement de N+1Cette modification intervient lorsque le salarié n’a pas le mêmeresponsable direct que dans l’ancienne organisation.

L’encadrement d’une équipe plus restreinteCette modification intervient lorsqu’un salarié qui avait des fonctionsd’encadrement dans l’ancienne organisation les a toujours dans lanouvelle mais a une équipe plus restreinte (nombre de salariés) àmanager.

L’encadrement d’une équipe plus importanteCette modification intervient lorsqu’un salarié qui avait des fonctionsd’encadrement dans l’ancienne organisation les a toujours dans lanouvelle mais a une équipe plus importante (nombre de salariés) àmanager.

La création d’un nouveau lien de subordination avec d’ancienscollaborateurs.

Ce changement est pris en compte lorsqu’un salarié a un nouveaulien de subordination avec un de ses anciens collaborateurs.

Les nouvelles fonctions managériales.Cette modification concerne les salariés qui n’avaient pas de fonctionsd’encadrement dans l’ancienne organisation et qui en ont dans la nouvelle.

Cette première grille de lecture nous montre bien que les changements ne sont pas marginauxet qu’ils impactent tous les salariés. La réorganisation impacte :

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Le collectif de travail à travers le remaniement des équipes (changement deN+1, changement d’équipe et donc de collaborateurs) ;

L’activité de travail ; Et le statut des salariés (fonctions d’encadrement impactées).

Voici ci-dessous les résultats de cette analyse qui appuierons nos constats qui seront exposésdans les parties qui suivent, avec :

En abscisse : les remaniements En ordonné : le % de salarié impacté

51,5

24,3

62,5

70,6

38,2

30,1

7,4

42,6

2,95,1

10,3

4,4

Ra achement àune nouvelle

direc on

Niveausupplémentairede dépendance

hiérarchique

Remaniementde l'ac vité

Nouvelleéquipe

Grossissementéquipe

Diminu onéquipe

Dispari onapparente de la

fonc ond'encadrant

Changementde N+1

Equipe encadréeplus retreinte

Equipe encadréeplus importante

Nouveau lien desubordina onavec anciens

collaborateurs

Nouvellesfonc ons

managériales

Pourcentage de la popula on de FTVEN touché pour chaque changement

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2.3.2. Le recentrage sur 4 directions

Le projet de réorganisation s’articule autourd’une nouvelle stratégie numérique quiconsiste à passer d’une logique de chaînes àune logique « thématiques ». Pour ce faire,alors que la précédente organisation s’appuiesur 10 directions, la nouvelle s’est construitesur 4 directions comme nous pouvons le voirci-contre. Par conséquent, le nombre dedirecteurs au sein de FTVEN diminue enpassant de 10 à 4 directeurs, diminuant de cefait le nombre de membres au sein du CODIR.

De plus, une direction appelée « Contenus etservices numériques » est créée. Elle englobetous les éditeurs : « coordinations sites etservices régionaux ultramarins », « serviceinternet info et sports », « actionséducatives », « services internet chaînes etprogrammes » et « service internet de tv à lademande ».

Dans le réel, rappelons que la direction « lesactions éducatives » n’était pas sous ladirection de FTVEN mais sous la direction deFrance 5, elle n’a été rattachée querécemment (en mai 2013). Les changements ont donc été plus importants que ce que lesorganigrammes nous montrent.

Ce recentrage sur 4 directions a provoqué :

Pour 51% des salariés un changement de direction ; Pour 24,3% des salariés un niveau supplémentaire de dépendance

hiérarchique.

A l’intérieur de chaque direction, des remaniements ont été effectués afin de répondre à uneorganisation permettant de travailler sur une logique « thématiques » et non sur une logiquede chaînes.

2.3.3. La mise en place d’une activité « silotique »8 pour répondre àune logique « thématiques »

La mise en place d’une activité « silotique » au sein de la direction « édition ».

8 Ce terme signifie une organisation en « silo »

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Pour passer d’une logique de chaînes à une logique de produit, une nouvelle direction estcréée : la direction « contenus et services numériques ». Elle est organisée intrinsèquement en7 services « thématisés », services issus pour certains de l’ancienne organisation :

Offre numérique chaînes ; TV à la demande et édition vidéo ; Education et emploi ; Coordinations sites et services régionaux et ultramarins ; Sites et services information, sport et culture ; Jeunesse.

Et pour un autre, créé dans le cadre de la réorganisation :

Le service Programmes et social TV.

Le changement organisationnel réside dans le fait que dans la nouvelle organisation chaqueservice possède une équipe d’éditeurs dédiée à une thématique précise (éducation et emploi,coordinations des sites régionaux et ultramarins, info, sports et culture, jeunesse) alors quedans l’ancienne organisation les équipes d’éditeurs travaillaient pour une chaîne (france2.fr,france3.fr, France4.fr, France5.fr, Jeunesse et franceo.fr). Cette manière de fonctionner estappelée activité en « silo ».

Quant à la direction « Technique », elle passe d’uneorganisation autour de 3 services à une organisationautour de 8 services comme nous pouvons le constaterci-contre.

Par rapport à l’ancienne organisation, la nouvelledirection technique a englobé les anciennes directionssuivantes :

Innovation technologique ; TV à la demande et édition vidéo ; Coordination TV – Edition numérique.

A créé une partie technique organisée en thématiques :

Informations sports et culture ; Programmes chaînes et marketing ; Actions éducatives et jeunesse.

Et s’est vu se doter d’un nouveau service : Innovation.

Ce modèle organisationnel en « silo » au sein de la technique a débuté avec le projet de laplateforme « info » puis s’est dupliqué au sein de la direction « Technique » en créant desservices « thématisés ».

L’activité « silotique » mise en place cloisonne les salariés sur une thématique.

Comme nous avons pu le constater deux des quatre nouvelles directions se sont organiséespour travailler en « silo », autour de thématiques. Cette modification organisationnelle a pour

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effet de cloisonner les salariés sur une thématique contrairement à la situation précédente oùils pouvaient travailler sur différentes thématiques. Ce cloisonnement est renforcé par unecharge de travail importante qui ne leur permet pas d’avoir une vision de l’activité qui sedéroule au sein des autres services.

Le rapprochement entre les équipes fonctionnelles et opérationnelles renforce l’isolementdes équipes opérationnelles au sein de leur propre service.

Comme nous avons pu le constater, les équipes techniques se sont calquées sur l’organisationpar thématique de la direction « contenus et services ».

Pour renforcer le travail en « silo », elles se sont rapprochées géographiquement des équipesfonctionnelles en lien avec leur thématique de travail (ce rapprochement est en cours).

Ce rapprochement a produit l’éclatement géographique des équipes techniques. Et de ce fait,les équipes techniques se sont elles aussi retrouvées cloisonnées dans une activité« thématisée » et n’ont plus de vision sur l’activité de leurs collègues et de manière généralesur leur direction.

Cette reconfiguration « silotique » de l’activité au sein des directions a nécessité uneredistribution des rôles, des responsabilités et des activités pour les salariés de FTVEN.

Une redistribution des rôles, une modification des équipes

Cette nouvelle organisation a demandé un remaniement des équipes avec desconséquences qui touchent une part importante des salariés de FTVEN :

Un remaniement apparent de l’activité pour 62,5% des salariéso Pour illustration : les éditeurs qui travaillaient pour une chaîne

travaillent maintenant sur un thème. L’intégration à une nouvelle équipe pour 70 ,6% des salariés avec

une tendance à une intégration à une plus grosse équipe (38% contre30,1% pour l’intégration à une équipe plus réduite)

o Pour illustration : la création du service « Programmes et social TV »chez les éditeurs qui est composé de 12 salariés alors que dansl’ancienne organisation, la plus grosse équipe au sein des éditeursétait composée de 4 salariés.

Le changement de N+1 pour 42,6% des salariés.o Pour illustration : tous les salariés de l’ancienne direction « services

internet chaînes et programmes » ont changé de supérieurhiérarchique.

Et des conséquences qui touchent une part moins importante des salariés de FTVEN :

La disparition apparente de la fonction d’encadrant pour 7,4% dessalariés et au contraire l’appropriation de nouvelles fonctionsmanagériales pour 4,4% des salariés.

o Pour illustration : les encadrants de l’ancienne direction « serviceinternet chaîne et programme » ont perdu leur fonction d’encadrantet une partie des nouveaux responsables de service de la nouvelle

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direction « contenus et services numérique » s’est appropriée denouvelles fonctions managériales.

Des équipes à encadrer plus restreinte pour 2,9% des salariés et aucontraire des équipes plus importantes pour 10% des salariés.

o Pour illustration : l’ancien responsable du service « productionmultimédia » qui manageait une équipe de 10 personnes et quimanage une équipe de 3 personnes dans la nouvelle organisation.

De nouveaux liens de subordination avec d’anciens collaborateurspour 10% des salariés :

o Pour illustration : un des salariés du service « jeux » est devenu lesupérieur de l’autre salarié du service « jeux » dans la nouvelleorganisation. Dans l’ancienne comme dans la nouvelle organisation,le service « jeux » est composée de deux salariés.

La réorganisation a donc impacté tous les salariés à des degrés différents sur des changementsdifférents. Les salariés ont changé d’équipe, ont vu leur activité évoluer, ont changé deresponsable directe ou sont devenus le responsable d’un ancien collaborateur etc.

Nous verrons que cette redistribution des rôles n’a pas été équitable entre tous les salariés deFTVEN.

Ces remaniements organisationnels, issus d’une volonté de se structurer en thématiques ausein des directions, se sont accompagnés d’autres changements que nous allons nous attacherà décrire dans les parties qui suivent : Le renforcement du travail en mode projet ; Vers une logique de rentabilité.

2.4. Le renforcement du travail en mode projet

2.4.1. La mise en place d’une méthode qui vise à plus d’efficacité :la méthode Agile

Avant la mise en place de la méthode Agile, les équipes techniques travaillaient déjà en modeprojet. Ils utilisaient la méthode classique de cycle en V.

Les éditeurs envoyaient un cahier des charges aux équipes techniques puis le projet étaitdéveloppé en deux phases au seinde la direction technique :

Une phase dedéveloppementtechnique du projet ;

Une phase de« recette » et de testsdu projet.

Les équipes rencontraientprincipalement des difficultés

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durant la deuxième phase car c’est effectivement durant cette phase du projet que les testssont réalisés.

Pour chaque problématique relevée lors des tests, un nouveau cycle était réalisé (une phasede développement suivi d’une phase de recette et de tests) et ceci jusqu’à ce qu’il n’y ait plusde dysfonctionnement. La mise au jour tardive de ces dysfonctionnements dans le projetaugmentait considérablement sa durée de réalisation. Ce constat est fait aussi bien au niveaudes salariés qu’au niveau de la direction.

L’objectif principal de la mise en place de la méthode Agile est donc d’éviter l’apparition etdonc le traitement de ces multiples dysfonctionnements alors que le projet est déjà bienavancé.

Effectivement, laméthode Agile est dite« incrémentale », celasignifie que laproduction desfonctionnalités duproduit s’effectue en plusieurs incréments, comme nous pouvons le constater ci-dessus.

Et elle dite « itérative », car :

il y a plusieurs étapes avant la phase deproduction qui consistent à explorer lebesoin, le design de l’architecture et laplanification ;

il y un affinement du besoin mis en œuvredans des fonctionnalités en cours deréalisation et même déjà réalisées.

Sur le papier, cette méthode répond effectivement auxbesoins repérés à la direction « Technique » puisqu’ellepermet de détecter le plus en amont possible les dysfonctionnements.

Cette méthode de travail a été mise en place au départ à la direction « Technique » et s’est parla suite diffusée au sein des autres directions.

2.4.2. Une mise en œuvre rigide de la méthode Agile

Alors que cette méthode de travail doit permettre l’ « agilité » dans la réalisation du projet, lamanière dont elle a été mise en place la rend rigide et ne permet pas aux salariés de prendredu recul dans leur activité. L’activité de reporting est trop importante et ne leur permet pasd’avoir le recul nécessaire pour réaliser un travail efficient : la méthode prend le pas sur lecontenu de l’activité.

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- «Lorsque l’on donne un reporting plus flou, moins systématique, cela nouspermet de travailler et d’avancer mais ça ne plait pas. Alors on fait un reportingplus systématique mais c’est plus difficile de travailler, on avance moins bien ».

Ainsi, si cette nouvelle méthode a permis de régler les problématiques de départ, sa mise enplace engendre des effets néfastes sur les conditions de travail.

2.4.3. Vers une intensification du travail et une exacerbation ducontrôle avec la méthode Agile

La présence d’un coach Agile (externe à l’entreprise), d’instances de contrôle au sein deséquipes (un salarié au sein de chaque équipe s’assure que toutes les étapes de la méthodesont respectées), et le nombre important de projets en charge, ont deux effets néfastes sur lesconditions de travail :

L’intensification de la charge de travail.o Les salariés ont vu leur charge de travail augmenter avec la mise en

place d’un reporting systématique, certes inhérent à la méthode Agilemais devenu pénalisant par le manque de souplesse dans sa mise enplace au sein de FTVEN.

o S’ajoute à cette charge, le nombre important de projets traités enparallèle. Lors de nos entretiens avec les directions nous n’avons pasréussi à avoir de données chiffrées précises sur le nombre de projetsmenés en parallèle par les salariés. Mais lors de nos entretiens avecles salariés, ceux-ci se sont tous exprimés sur une augmentation dunombre de projets depuis la mise en place de la méthode Agile.

o L’activité de reporting à outrance et le nombre important de projets àtraiter simultanément ont pour effet de densifier le travail, privant lessalariés de temps de récupération.

o La manière dont est mise en place la méthode Agile a donc conduit àune intensification de la charge de travail.

- « Le rythme de travail est insoutenable depuis la mise en place de la méthodeAgile »

L’exacerbation du contrôle.o Le contrôle du respect de la méthode par les coachs Agile ou par

« les instances de contrôle » internes à l’équipe augmentel’impression pour les salariés de se sentir constamment surveillés etjugés.

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En soit, les salariés ne remettent pas en question l’utilisation de la méthode Agile dans le cadrede leur activité, mais c’est la manière dont elle est mise en œuvre qui est problématique et ades conséquences importantes sur les conditions de travail des salariés.

2.5. Vers une logique de rentabilité

Plusieurs éléments issus du terrain montrent que la direction s’inscrit dans une logique derentabilité des services :

Des audits sont effectués par des cabinets extérieurs dans plusieurs servicesde FTVEN ;

Des services sont mis plus en avant que d’autres. Pour illustration, lesentretiens menés avec les salariés montrent que les services quis’intéressent à l’audience téléspectateur sont très « surveillés » par ladirection ;

Des activités sont en cours d’automatisation.

Ces différents éléments impactent les conditions de travail et potentiellement la santé dessalariés.

2.5.1. Des salariés qui se sentent contrôlés

Des consultants, issus des cabinets extérieurs, participent aux réunions, mettent en place desoutils de reporting afin de connaître l’activité au sein des services et de réaliser despropositions auprès des directeurs. Cette manière de faire augmente la sensation de contrôle.Les salariés se sentent jugés, contrôlés. Ces manières de faire tendent à instaurer un climat detension au sein des équipes.

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2.5.2. Des salariés heurtés dans leurs convictions professionnelles.

Il a été relevé à plusieurs reprises lors des entretiens que la qualité des contenus proposésétait du point de vue de certains salariés devenu médiocre, voire dégradée.

Pour illustration, un des salariés s’exprime sur la qualité des propos (d’un utilisateur) diffuséssur une plateforme. Ces propos étaient visiblement à caractères diffamatoires et seraientpassés sur la plateforme car il n’y a plus de modérateur. Pour ce salarié, France TélévisionNumérique a une mission de service public qui ne doit pas permettre la diffusion de ce type depropos, même si cela permet d’augmenter l’audience téléspectateur…

Pour ces salariés, certes l’audience augmente mais la qualité n’est plus la même. Il y a undéplacement de la qualité dans les supports proposés.

- «Il y a trop de fautes, trop de cookies, trop d’éléments qui ne sont pas en accordavec la mission de service public qui nous a été confiée ; On ne peut pas fairetout et n’importe quoi ».

Cette recherche de la rentabilité a pour effet de heurter le salarié dans ses convictionsprofessionnelles liées aux missions de service public confiées à FTVEN. Cette recherche derentabilité doit donc s’effectuer dans le respect des valeurs professionnelles que le salarié adéveloppées en travaillant dans une institution publique.

2.5.3. Vers une perte d’intérêt dans la réalisation de l’activité

L’automatisation des outils de conception des « produits » est un projet en cours au sein deFTVEN.

A titre d’exemple, en recoupant les différents descriptifs que l’on a pu nous faire lors desentretiens, la plateforme Ninja est un outil d’automatisation de la conception.

La mise en place de ce type d’outil a des conséquences importantes dont l’activité consisteprincipalement à concevoir. Avec la mise en place de cet outil, l’activité de l’éditeur serecentrera exclusivement sur le renseignement de l’outil (rentrer du contenu dans l’outil qui sechargera de concevoir).

Le retrait de cette activité de conception constitue pour les salariés concernés une perteimportante d’intérêt dans leur travail, car la partie conception est la partie la plus intéressantede leur activité.

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3. APPAUVRISSEMENT DES ACTIVITES VERSUS

ACCROISSEMENT DES RESPONSABILITES : DES INEGALITES

QUI GENERENT DES TENSIONS

Nous avons pu mettre en regard les redistributions des rôles et des activités avec certainescaractéristiques de la population de FTVEN : l’âge et l’ancienneté. Ce travail a été effectué àpartir des données des effectifs transmis par la direction (effectifs sur 2011, 2012, 2013 et2014 et plus exactement l’effectif au 31 de chaque mois (ou 30 ou 28 selon le mois)). Nousavons décidé de retenir les effectifs au 31 décembre 2013 pour cette analyse.

Avant de poursuivre, nous notons que cette analyse s’est heurtée à plusieurs reprises à desdifficultés. Effectivement, malgré plusieurs relances effectuées auprès de la direction pournous fournir un effectif en cohérence avec les organigrammes, nous ne retrouvons pas certainssalariés (pour exemple, les salariés de la « TV connectée » et une grande partie des salariés dela direction « actions éducatives » sont absents des effectifs).

Néanmoins, proportionnellement à la population globale, ce manque n’a pas affecté l’analyse.

3.1. Note méthodologique et caractéristiques de lapopulation

Les tranches d’âge retenues dans le cadre de notre analyse.

La population de FTVEN étant particulièrement « jeune » (le % de salarié de plus de 50 ansétant faible) nous avons choisi de retenir les tranches d’âge suivantes :

20 ans <= Age >= 30 ans ; 30 ans < Age >= 40 ans ; 40 ans < Age >= 50 ans ; Age > 50 ans.

La population est répartie de la façonsuivante :

49% des salariés ont entre 30ans (exclus) et 40 ans (inclus)

23% des salariés ont entre 20ans inclus et 30 ans inclus

19 % des salariés ont entre 40ans exclus et 50 inclus

9% des salariés ont plus de 50ans exclus

Ainsi, plus de 70% de la population a moins de 40 ans.

23%

49%

19%

9%

Répar on par tranche d'âge chez FTVEN20<=age<=30 30<age<=40 40<=age<=50 + de 50 ans'

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Les tranches d’ancienneté retenues dans le cadre de notre analyse.

Nous avons choisi des fourchettes d’ancienneté au départ comportant un faible nombred’années (3 années pour la première puis 2 années pour la seconde), puis des fourchettesd’ancienneté tous les 5 ans :

0<ancienneté<=3 3<ancienneté<=5 5<ancienneté<=10 10<ancienneté<=15 15<ancienneté<=20 20<ancienneté<=25 Ancienneté>25

La population est répartie de lafaçon suivante :

32% des salariés ontau plus 3 ansd’ancienneté ;

15% entre 3 et 5 ansinclus ;

29% entre 5 et 10 ansinclus ;

24% ont plus de 10ans.

Ainsi, plus de 45% de la population ont une ancienneté inférieure ou égale à 5 ans.

Afin d’étudier les liens entre âge, ancienneté et bouleversements organisationnels, nousavons croisé ces données avec les données issues de l’analyse des deux organigrammes (2.3.1La mise en évidence de remaniements importants)

3.2. Liens entre âge, ancienneté et bouleversementsorganisationnels : les « anciens », une population plusimpactée

Chaque graphique représenté au sein de cette partie devra se lire de la manière suivante :

La part du changement par tranche d’âge en bleu

Cette donnée correspond à la part du changement analysée au sein d’une tranche d’âge. Parexemple, au sein de la population ayant un âge compris entre 30 et 40 ans, 25% des salariés decette tranche sont concernés par le changement.

La part du changement par fourchette d’ancienneté en orange

32%

15%29%

17%

3%

2% 2%

Répar on de l'ancienneté au sein de FTVEN0<ancienneté<=3 3<ancienneté<=5 5<ancienneté<=10 10<ancienneté<=15

15<ancienneté<=20 20<ancienneté<=25 ancienneté>25

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Cette donnée correspond à la part du changement analysé au sein d’une fourchetted’ancienneté. Par exemple, au sein de la population ayant une ancienneté comprise entre 0 et3 ans, 30% des salariés de cette fourchette sont concernés par le changement.

La part de la tranche d’âge ou de la fourchette d’ancienneté au sein de la populationconcernée par le changement en rouge

Cette donnée correspond à la part d’une tranche d’âge ou d’une fourchette d’ancienneté(selon le graphique) au sein de la population concernée par le changement. Par exemple : ausein de la population concernée par ce changement, 23% des salariés ont entre 40 et 50ans.

3.2.1. Liens entre âge, ancienneté et la disparition apparente de lafonction d’encadrant

Le graphique ci-contre montre le lienentre l’âge et la disparition apparentede la fonction d’encadrant :

Les tranches d’âge les plusconcernées par cechangement sont celles des40-50 ans (17,4%) puis lesplus de 50 ans (9,1%).

Et au sein de cechangement, lespopulations les plusreprésentéesquantitativement sont les 40-50 ans (50%) et les 30-40 ans (37,5%).

Le graphique ci-contre montre le lien entre l’ancienneté et la disparition apparente de lafonction d’encadrant :

La fourchette d’anciennetéla plus impactée dans ceremaniement est celle des20-25 ans (50%), suivipar les 15-20 ans avec25 % puis les 5-10 ansavec 17,6%.

Au sein de ce changement,les salariés ayant entre 5 et10 d’anciennetéreprésentent 50% et les10-15 ans représentent25%.

Les fourchettes d’ancienneté de 0-3 ans, 3-5 ans et plus de 25 ans ne sont pas ou très peuconcernés, ni représentées quantitativement dans ce changement.

0,0

5,2

17,4

9,1

0,0

37,5

50,0

12,5

20<=age<=30 30<age<=40 40<age<=50 + de 50 ans'

Popula on concernée par la dispari on apparente dela fonc on d'encadrant

part du changementau sein de la tranche d'age

Part du changementau sein de la popula onconcernée par le changement

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3.2.2. Liens entre âge, ancienneté et l’attribution de nouvellesfonctions managériales

Le graphique ci-contre ressemble au graphique précédent traitant de la population concernéepar la disparition apparente de la fonction d’encadrant. Cette ressemblance montre qu’il n’y apas de lien entre le facteur âge et ces changements.

Effectivement, ce sont les deuxmêmes tranches d’âge qui sont leplus concernées par leschangements. Mais c’est la tranched’âge des 30-40 ans qui est la plusconcernée par le changement : 80%des salariés concernés parl’attribution de nouvelles fonctionsmanagériales ont entre 30 et 40 ans.

Cependant, contrairement auconstat réalisé précédemment sur laressemblance des graphiques, nouspouvons noter une grande différence avec le graphique ci-dessous qui traite du même sujetmais sous l’angle de l’ancienneté.

Le graphique ci-contre nous montre que :

la population la plusimpactée par l’attributionde nouvelles fonctionshiérarchiques est lapopulation ayant uneancienneté compriseentre 3 et 5 ans(11,8%), suivi par lapopulation ayant entre0 et 3 ans d’ancienneté(8,1%).

Dans le changement, cesdeux populations sont leplus représentéesquantitativement (+ de 80%).

Les fourchettes de 10-20 ans, 15-20 ans, 20-25 ans et plus de 25 ans ne sont pas du toutimpactées, ni représentées quantitativement dans ce changement.

3.2.3. Des impacts inégaux pour les changements inhérents auxfonctions d’encadrement

0,06,9 4,3

0,00,0

80,0

20,0

0,0

20<=age<=30 30<age<=40 40<=age<=50 + de 50 ans'

Popula on concernée par de nouvelles fonc onsmanageriales

part du changementau sein de la tranche d'age

Part du changementau sein de la popula onconcernée par le changement

50,0

33,3

16,7

0,0 0,0 0,0 0,0

8,111,8

2,8 0,0 0,0 0,0 0,0

0<ancie

nneté<=3

3<ancienneté<=5

5<ancie

nneté<=10

10<ancie

nneté<=15

15<ancienneté<=20

20<ancienneté<=25

ancie

nneté>25

Popula on concernée par de nouvelles fonc onsmanageriales

Part du changementau sein de la popula onconcernée par le changement

part du changementau sein de la fourche e d'ancienneté

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Les salariés ayant une plus faible ancienneté au sein de FTVEN ne sont pas touchés par leschangements qui concernent la redistribution des rôles d’encadrant dans la nouvelleorganisation alors que les salariés ayant une ancienneté plus importante le sont :

Les salariés ayant une ancienneté plus importante n’ont pas eu depromotion managériale par rapport aux salariés ayant une ancienneté moinsimportante ;

Les salariés ayant une ancienneté plus importante ont été plus impactés parla perte de fonction managériale.

Ce constat aurait été d’autant plus éloquent si l’organigramme qui nous a été fournireprésentait l’organisation avant réorganisation plutôt que la réorganisation à un moment tqui n’a pas permis de constater l’ampleur des changements. Effectivement, l’enquête deterrain a montré que toute la ligne des directeurs avait été totalement modifiée sur 2 annéesavec le départ :

Du directeur du Marketing en Août 2011 ; De la directrice de l’ancienne direction « service Internet chaînes et

programmes » durant l’été 2013 ; Mais aussi avec le remplacement du directeur « Technique » depuis mars

2012.

Nous retrouvons d’ailleurs cette inégalité dans l’analyse de la population occupant les postesdits stratégiques.

3.2.4. Une inégalité retrouvée sur l’analyse des caractéristiques de lapopulation aux postes stratégiques de l’entreprise

Les postes stratégiques correspondent de manière globale aux postes de direction, deresponsables de service mais aussi aux postes d’encadrement de proximité.

L’analyse montre que ces postes sont :

à plus de 55% occupés par des salariés ayant au maximum 3 ansd’ancienneté (voir graphique à gauche ci-dessous)

et à 65% par des salariés ayant un âge compris entre 30 et 40 ans inclus.

55,0

10,0 10,0

15,0

10,0

0,0 0,0

0<ancie

nneté<=3

3<ancie

nneté<=5

5<ancie

nneté<=10

10<ancienneté<=15

15<ancie

nneté<=20

20<ancie

nneté<=25

ancie

nneté>25

Caractéris ques de la popula on aux postesstratégiques de la nouvelle réorganisa on

0 0,0

65,0

30,0

5,0

20<=age<=30 30<age<=40 40<=age<=50 + de 50 ans'

Caractéris ques de la popula on aux postesstratégiques de la nouvelle réorganisa on

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Les postes stratégiques sont donc occupés en majorité par des salariés situés dans lafourchette d’ancienneté la plus faible mais dans une tranche d’âge qui est majoritaire au seinde FTVEN.

A noter, le poste du directeur de la « coordination technique TV éditions numériques » n’a pasété comptabilisé dans les postes stratégiques, car comme nous avons pu l’évoquerprécédemment, ce poste d’encadrement :

N’est pas ou très peu occupé depuis sa création car son directeur est enarrêt maladie de longue durée ;

N’a aucune équipe rattachée.

Ces différents éléments nous ont amené à ne pas définir ce poste comme un poste stratégiqueau sein de cette nouvelle organisation.

Les résultats montrent que les salariés ayant le plus d’ancienneté ne semblent pas avoir puprofiter de la réorganisation pour accéder aux postes stratégiques. Ce sentiment d’iniquitéentre « anciens » et « nouveaux » participe à créer un climat délétère au sein des équipes.

3.2.5. Des inégalités qui génèrent des tensions

L’appauvrissement des tâches déploré par des salariés rencontrés contribue également à leurmise à l’écart de l’organisation, à leur démobilisation et à leur isolement progressif. Cephénomène a largement été décrit au cours de l’expertise :

- « Il a pris quelques personnes dans son équipe pour faire des chosesimportantes et les autres sont sur le carreau. »

- « On nous a enlevé nos projets progressivement, sans qu’on comprenne.Derrière on tente de nous expliquer pourquoi mais c’est très mal vécu »

- « Je suis passé d’un poste de management où j’avais un rôle décisionnaire à del’opérationnel. »

Si des salariés ont vu leur périmètre de responsabilités s’accroître, il faut cependantreconnaître qu’ils restent à la marge (en tout cas parmi les anciens comme nous venons de ledémontrer). Ce que les organigrammes fournis ne permettent pas toujours de constater se liten creux des descriptions réelles de l’activité et de son contenu qui ont été faites par tous lessalariés que nous avons rencontrés, et dont l’échantillon représente bien la diversité despostes, des niveaux d’encadrement, et des grands secteurs d’activité (Editorial, Marketing,Technique).

La seule lecture des organigrammes force en revanche à constater qu’au sein des 4 directionsautour desquelles s’est restructurée l’activité, les trois principaux directeurs (Contenus etServices numériques, Marketing, Technique) ont été récemment recrutés (depuis 2011) àl’extérieur de France Télévisions.

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Il est important de relever ici que des salariés qui se sont vus confier des responsabilités plusimportantes dans la nouvelle organisation ne sont pas épargnés par la brutalité des modalitésde mise en œuvre des changements. Des situations de souffrance vécues par des personnesqui se sentent « embarquées dans un bateau » qu’elles n’ont pas choisi ont pu aussi êtreportées à notre connaissance. Force est donc de constater que la promotion n’a pas protégéles salariés concernés, voire qu’elle a pu les mettre en « porte à faux » vis à vis de leurséquipes et renforcer par la même leur malaise.

Les inégalités dans la répartition des missions, dans l’octroi des responsabilités, dans lareconnaissance statutaire parfois, ont créé des tensions de tous côtés dans les collectifs detravail.

3.2.6. Un malaise qui se traduit par l’explosion des arrêts maladies en2013

Nous avons pu faire le lien entre arrêts maladies et ancienneté à l’aide des documents fournispar la direction.

L’analyse nous montre que sur l’année 2013 :

Les fourchettesd’ancienneté lesplus impactées parles arrêts maladiessont les plus de25 ans, les 15-25ans, suivis deprès par les 10-15ans et les 5-10ans.

Les salariés les plusreprésentésquantitativementdans la populationen arrêt sontmassivement ceux qui ont entre 5 et 10 ans d’ancienneté (46,7%), suivipar ceux ayant entre 10 et 15 années d’ancienneté (26,7%).

Les salariés ayant une ancienneté inférieure à 3 ans n’ont pas été en arrêt maladie en 2013alors que c’est la fourchette d’ancienneté représentant le plus de salariés chez FTVEN (32%).

0,0

29,4

41,2 42,1

50,0

0,0

50,0

0,0

16,7

46,7

26,7

6,7

0,03,3

0<ancie

nneté<=3

3<ancie

nneté<=5

5<ancie

nneté<=10

10<ancie

nneté<=15

15<ancie

nneté<=20

20<ancie

nneté<=25

ancie

nneté>25

Répar ion par ancienneté des arrets maladies 2013% dans fourche e d'ancienneté % parmis les salariés en arret

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Ce constat est d’autant plus important car le nombre d’arrêts maladies a explosé en 2013 :

26,3% de la population a été en arrêt maladie durant l’année 2011 ; 24,6% de la population a été en arrêt maladie durant l’année 2012 ; et 47,4% de la population a été en arrêt maladie durant l’année 2013.

Soit une augmentation entre 2012 et 2013 de 93% alors que la population entre 2012 et 2013au 31 décembre n’a augmenté que de 19,19%

Même si ces constats et cette analyse ne permettent pas de faire de liens directs etnécessaires entre changements organisationnels, ancienneté et arrêts maladies, la répartitiondes arrêts maladies ci-dessus interroge sur l’état de santé de cette tranche de la population susla corrélation de ces éléments.

475

677

1324,5

maladie2011

maladie2012

maladie2013

Evolu on du nombre de jours d'arret maladie

26,324,6

47,4

maladie2011

maladie2012

maladie2013

Evolu on de la part des arrets maladies dans lapopula on (en %)

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III. LASANTEDESSALARIESAFFECTEE

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1. DES TROUBLES PSYCHOSOCIAUX SYMPTOMATIQUES D'UNE

ORGANISATION DU TRAVAIL PATHOGENE

1.1. Une clarification nécessaire du concept de « risquepsychosocial »

1.1.1. Une mobilisation parfois confuse du concept

La question des risques psychosociaux au sein de l’entité FTVEN est une vive préoccupationdes élus au CHSCT qui nous ont sollicités et qui étaient soucieux de s’inscrire –autant que fairese peut – dans une démarche de prévention des risques et de protection de la santé dessalariés.

Nous avons observé que la notion de « risque psychosocial » était souvent mobilisée pourdécrire la manifestation d’un malaise exprimé par les salariés eux-mêmes aux représentantsdu personnel ou qui a pu se donner à voir à ces mêmes interlocuteurs.

Dans le contexte qui nous préoccupe ici, il nous paraît important de préciser le concept derisque psychosocial. Ce dernier, qui a massivement fait son entrée dans le langage courant, estsouvent utilisé pour qualifier aussi bien le risque professionnel que sa manifestation et induitde fait une confusion.

Aussi, la clarification de la notion de risque psychosocial doit permettre à tous les acteurs quidoivent s’engager dans une réflexion sur la protection de la santé au travail de le faire sur unebase définitionnelle commune.

1.1.2. Facteurs de risques, risques, troubles : de quoi parle-t-on ?

Afin d’éviter tout équivoque et de faciliter l’identification des risques qui menacent la santédans un environnement de travail, il convient d’en avoir une analyse qui différencie les troisdimensions suivantes :

1. Les facteurs de risqueso Ce sont les éléments susceptibles de causer un risque. Notons que le

risque psychosocial résulte d’un ensemble de causes ou de facteursprésents dans l’environnement de travail.

2. Le risque psychosocialo Le risque qui est par définition potentiel est la probabilité d’apparition

de troubles. 3. Les troubles psychosociaux

o Ils sont le résultat de l’exposition des salariés à des facteurs derisque. L’exposition prolongée aux facteurs de risques étanteffectivement apte à générer des troubles physiques et psychiques.

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La compréhension psychosociale du contexte qui s’est donné à analyser a notamment étéguidée par une lecture de ces trois dimensions qui peuvent être reprises schématiquementcomme suit :

La notion de risque psychosocial doit s’entendre comme la probabilité d’apparition de troublestant individuels que collectifs ayant pour origine l’environnement professionnel. C’est doncbien l’origine du risque et non sa manifestation qui en fait sa spécificité psychosociale. Pour ledire autrement, les risques psychosociaux se définissent comme les risques pour la santémentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteursorganisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental9.

1.1.3. L’analyse des facteurs de risques

La démarche compréhensive d’une organisation et de ses impacts en termes de conditions detravail et de santé est vectorisée par l’identification des déterminants organisationnels dessituations aptes à faire souffrir ceux qui les vivent. En d’autres termes, quels sont les facteursde risques psychosociaux présents dans l’environnement de travail qui exposent la santé dessalariés ?

L’exercice de recensement des facteurs de risques n’est jamais aisé pour le clinicien du travailen raison de la multiplicité et de la diversité des déterminants du malaise qui peuvent êtreassociés au travail. La difficulté s’est exprimée ici avec particulièrement d’acuité dans uncontexte où les mutations organisationnelles agissent progressivement depuis plusieursannées.

Si l’exhaustivité n’est pas l’objectif visé, nous avons néanmoins eu le souci de catégoriser lesfacteurs de risques psychosociaux les plus massivement identifiés afin d’en faciliter leurappréhension par l’ensemble des destinataires de ce rapport d’expertise.

Pour se faire, nous nous sommes appuyés sur la catégorisation des risques psychosociauxélaborée par l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), cette dernière offrant unoutil de travail pertinent pour étayer nos analyses.

L’INRS propose un découpage en cinq grandes catégories des facteurs professionnels exposantaux tensions et qui peuvent aisément être repris pour classer les principaux risques que nous

9 Définition donnée par M.Gollac (directeur du laboratoire de sociologie quantitative, Centre de Recherche en Economie et Statistique) dans lecadre du Collège d’Expertise sur les indicateurs de risques psychosociaux, 2011.

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avons identifiés au cours de l’expertise, et qui se retrouvent en creux dans l’ensemble duprésent rapport :

1/ Facteurs liés à la tâche, au contenu même du travail à effectuerX Fortes exigences quantitatives (charge de travail accrue, rendement, pression temporelle,

etc.)X Fortes exigences qualitativesX Caractéristique de la tâche : intérêt, contenus significatifs des missions (réductions de

périmètres, perte de contenu significatif)X Utilisation et développement des compétences (des mobilisations de compétences qui se

sont réduites avec les réductions de périmètres d’activité pour certains)X 2/ Facteurs liés à l’organisation du travailX Absence de contrôle sur la répartition et la planification des tâches dans l’entrepriseX Imprécision des missions confiéesX Injonctions contradictoiresX Nouveaux modes d’organisationX Instabilité des contrats de travail (contrats précaires, recours à la prestation)X Extension de la disponibilité en dehors des horaires de travail3/ Facteurs liés aux relations de travailX Manque d’aide et de soutien de la part des collègues et / ou des supérieurs hiérarchiquesX Encadrement autoritaire, maladresses managériales.X Exigences émotionnelles : tensions, maîtrise des émotions, confrontation à la souffrance

d’autrui4/ Facteurs liés à l’environnement physique et techniqueX Nuisances physiques au poste de travail (bruit, chaleur, etc.)X Mauvaise conception des lieux5/ Facteurs liés à l’environnement socio-économiqueX Surenchère à la compétitivitéX Instabilité organisationnelle, incertitude quant à son avenir.

Si dans quelque environnement professionnel que ce soit, le « risque 0 » n’existe pas, deseffets de compensation entre les familles de risques peuvent néanmoins permettre de régulerles tensions sociales.

Ce qui est inquiétant dans l’environnement analysé, c’est que toutes les catégories de risquessont massivement représentées (matérialisées sur le tableau ci-dessus par des croix situéesdevant le risque identifié). En conséquence, il n’y a pour ainsi dire pas de plasticité pourpermettre une réelle régulation des tensions entre les différentes dimensions qui composentl’activité de travail. Force est donc de constater que nous avons affaire à une organisation dutravail éminemment rigide dont les effets délétères sur la santé sont avérés.

1.1.4. Facteurs de risques versus troubles : la santé des salariés deFTVEN affectée

L’exposition massive et prolongée des salariés à l’ensemble des risques précédemmenténumérés a eu des conséquences sur leur santé qui ont pu nettement s’appréhender au coursde l’expertise.

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L’ensemble des éléments de l’enquête de terrain qui a été menée au sein de FTVEN converge àmontrer que la notion de risque –au sens où nous l’avons précédemment définie—n’est plusappropriée pour caractériser le contexte psychosocial qui s’est donné à voir. La santé dessalariés, comme nous allons le montrer dans les développements qui suivent, attesteeffectivement d’une situation de troubles psychosociaux avérés.

2. LES SIGNES DE SOUFFRANCE IDENTIFIES

2.1. Les défenses mobilisées : un indicateur du malaise quis’est exprimé

Si nous optons ici pour un détour par le concept de défense, c’est non seulement parce qu’ils’agit d’une notion fondamentale dans le champ de la santé au travail mais surtout parce quel’ensemble des échanges avec les salariés rencontrés a mis en évidence des stratégiesdéfensives qui sont, à notre sens, le signe d’une souffrance à ne pas négliger.

2.1.1. Rappel sur la notion de défense

L’environnement professionnel confronte inévitablement à des difficultés, à descontradictions, à des conflits auxquels les individus ne réagissent jamais de manière passive. Ilsmettent effectivement en œuvre des stratégies de défense10 pour y faire face. Ces dernièresorientent les manières de penser et d’agir de sorte à éviter, autant que possible, la perceptionde ce qui fait souffrir. En d’autres termes, les stratégies défensives sont ici des constructionsqui visent à se protéger contre la souffrance psychique provoquée par les effets délétères dutravail sur la santé.

La mobilisation des stratégies défensives permet de ce fait de contrôler la souffrance, voire dela rendre invisible. Ce sont alors les mécanismes défensifs eux-mêmes qui permettentd’accéder à un malaise qui ne qui ne dit pas toujours son nom.

2.1.2. Les mécanismes de défenses à l’œuvre

Dans le contexte qui nous préoccupe, les défenses qui se sont exprimées sont un indicateur dela situation de mal être qui semble bien caractériser l’environnement de travail analysé. Parmiles défenses les plus aisément identifiées, on retiendra :

L’hyperactivité défensive qui est caractérisée par l’investissement massifdans son travail pour ne plus avoir à penser la contrainte, s’est trèslargement fait entendre. Dans de nombreux dires, des salariés montrentqu’ils préfèrent se réfugier dans le travail pour ne pas trop penser à ce qu’ilse passe autour d’eux.

- « Au bout d’un moment on devient taré » s’exclamera une personne interrogéeen ajoutant :

- « J’ai réussi à prendre de la distance, je bosse. »

10 Le concept de stratégie défensive est particulièrement développé dans le courant de la psychodynamique du travail qui vise, entre autres,l’analyse des processus psychiques mobilisés pour faire face aux contraintes.

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- « Face au bordel ambiant, je me suis créé ma propre organisation. »

L’hyperactivité défensive s’est d’autant plus aisément mobilisée que beaucoup devaient faireface à une charge de travail importante. Ainsi une personne reconnaîtra que dans son équipelorsque les personnes qui n’allaient pas bien se sont tournées vers les autres, elles se sontheurtées à l’indisponibilité des collègues qui bon an mal an devaient continuer à travailler.

La banalisation des situations de travail : cette défense a étéparticulièrement active chez les dirigeants qui ont eu tendance à minorerd’emblée les conséquences organisationnelles des changements. Rappelonsle propos d’une personne interrogée qui résume assez bien une idée quiapparaît en creux dans l’ensemble du discours de la direction :

- « On ne peut pas parler de réorganisation, c’est exagéré…mais d’un groschangement seulement. »

Des salariés qui font part de leur sentiment d’avoir eu à se battre pour faire reconnaître leurinvestissement et les efforts consentis pour accepter des changements expliquent qu’ils sesont vus opposer des fins de non-recevoir de la part de leurs managers. Ces derniers tentant,de différentes manières, de leur faire entendre que leurs demandes n’étaient pas fondées oudisproportionnées. Ainsi, quelqu’un qui demandait à son manager une reconnaissancesalariale de la fonction réellement occupée déplorera de s’entendre dire qu’il « chipote » etqu’il pourrait se contenter du statut. Un salarié, qui lui demandait d’accéder à un poste encorrespondance avec des missions qui lui étaient confiées depuis plusieurs années, se verraopposer des justifications qui ne paraissent pas faire sens avec la réalité de son parcours(manque d’expérience, etc.).

Cette tendance à relativiser les choses pour ne pas avoir à prendre en considération lesdemandes semble elle aussi opérer comme une forme de banalisation des situations de travailréelles.

On perçoit clairement à l’aune de tous les éléments de contexte portés à notre connaissanceque les changements qui s’opèrent à marche forcée depuis la création de FTVEN sont impulséspar une direction générale qui a défini les orientations stratégiques sans concertation de labase. En conséquence les cadres dirigeants de l’entité numérique, bien qu’ils aient eu àprocéder à des ajustements, semblent être davantage des courroies de transmissions desdécisions arrêtées. Les contraintes inhérentes à cette posture, qui n’autorise quasiment pas desouplesse, expliquent sans doute les conduites défensives qui se sont exprimées assezfortement chez la plupart des encadrants occupant des postes stratégiques : enjolivement dela réalité illustré par des présentations sans faille d’une organisation du travail n’apparaissantapporter que des améliorations ; exposés des changements mettant exclusivement en avantles avantages des nouvelles orientations ; perception plutôt positive du climat social11. Autantde stratégies défensives qui paraissent toutes aller dans le sens d’un déni de perception de laréalité.

11 Notons que dans la plupart des entretiens avec les cadres dirigeants, la qualité du climat social est quasiment exclusivement envisagée sousl’angle de la performance (résultats atteints, améliorations, etc.).

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Le déni de perception de la réalité. Toutes les stratégies de défense contre lasouffrance concourent à la formation d’un déni de perception de la réalité dece qui dans le travail fait souffrir le sujet. Déni qui lui-même fait obstacle àla capacité de penser. Ce déni s’illustre notamment dans les perceptions tropcontrastées, pour ne pas soulever de questionnement, qui apparaissent dansles différents retours qui nous ont été faits.

Du côté des cadres dirigeants que nous avons interrogés, arrêtons-nous sur des parolesrelatives à la perception du climat social pour éclairer notre propos :

- « L’ambiance sociale est très bonne. On peut raconter de belles histoires….Despersonnes qui étaient sur des voies de garage et qui ont de bellesresponsabilités. »

-«…une ligne de management qui porte attention à la progression des gens. Onaccompagne, on forme, on essaie de développer des potentiels. »

Du côté des collaborateurs, comme nous l’avons très largement montré dans lesdéveloppements précédents, l’accent est mis sur un climat social particulièrement délétère etdont il faut se protéger. Les stratégies de préservation se lisent assez nettement dans lesformules qui ont émaillé les échanges : « Je prends de la distance », « je mets les choses decôté », « j’évite de penser à l’avenir », « je ferme ma gueule », « je reste dans mon coin »,« j’évite de donner mon avis », « je garde ça pour moi », etc.

Cependant, si la stratégie défensive joue un rôle conservateur pour celui qui la déploie, elleatténue par là même les effets de la contrainte qui peuvent tarder à s’exprimer.

2.1.3. L’expression d’un vif mal-être

L’absence de signe apparent de souffrance n’est donc pas nécessairement synonymed’absence de dégradation de la santé psychique mais peut traduire au contraire un système dedéfenses très consolidé. Néanmoins, l’expérience nous montre que les défenses peuvent trèsvite être débordées et la posture qui consiste à tenir coûte que coûte, « à prendre sur soi »pour reprendre une expression souvent revenue au cours des échanges, peut vaciller àn’importe quel moment et faire basculer la personne dans la décompensation.

La fragilité des mécanismes de défenses qui ont été identifiés s’est parfois même illustrée aucours des entretiens dans les manifestations émotionnelles des salariés (montée de larmes,répression de pleurs, tensions nerveuses, aveu de mal-être en toute fin d’entretien, etc.).

2.2. Dégradation progressive du collectif et isolement dessalariés

2.2.1. La peur

Nous avons eu l’occasion de le souligner dans les développements précédents : la peur s’estmanifestée sous différentes formes au fur et à mesure de l’expertise. On la déchiffre d’aborddans les réticences à participer à l’expertise mais aussi dans les défenses mobilisées face à une

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organisation du travail qui fait souffrir et dans laquelle les marges d’expressions sont assezréduites.

La peur de s’exprimer est assurément renforcée par l’expérience vécue de la mise à l’écartbrutale (ou insidieuse) de collaborateurs qui ne trouvaient pas leur place ou plus exactementauxquels on ne faisait pas de réelle place dans la nouvelle organisation, comme nous avons eul’occasion de le montrer dans les développements antérieurs (réduction de périmètresd’activité, « placardisation », postes qui sous des intitulés remaniés s’avèrent être ce quecertains ont nommé des « coquilles vides », etc.).

- « Ceux qui ont essayé de lutter ont été évincés » regrettera un salarié dont lepropos corrobore un sentiment largement énoncé au cours des échanges.

L’ensemble des récits met assez nettement en évidence que la violence du mode opératoire dela réorganisation a « terrifié » les équipes. En attestent l’état de choc qui transparaît dans denombreux propos cités :

- « On est resté bouche B, tout le monde était touché sans pouvoir rien faire. »

- « On s’est senti impuissant. »

- « Ça a été violent psychologiquement. »

- « On ne comprenait pas ce qui nous arrivait. »

2.2.2. Des salariés confrontés à leur impuissance

Face à la violence décrite et vécue par les salariés eux-mêmes, la passivité observée a étéplusieurs fois interrogée :

- - « Ce qui est perturbant c’est que personne ne réagit.»

Cependant, en creux de l’ensemble des retours, on perçoit assez nettement les cercles vicieuxqui ont pu conduire à une sorte de contagion du silence produisant elle-même une formed’assourdissement du malaise.

Comme nous venons de le montrer, la rigidité organisationnelle a laissé peu de place àl’expression des individus et s’est accompagnée d’une réelle crainte d’être à son tour mis àl’écart. A plusieurs reprises ont également été évoqués l’intérêt porté à un métier etl’attachement à un secteur d’activité auquel les salariés ne peuvent pas aisément renoncer. Leprincipe d’une réalité économique et sociale s’est par ailleurs rappelé à ceux qui ont montréqu’il n’était pas toujours évident de « faire la part des choses » :

- « Ça va pas péter car on va continuer individuellement à faire ce qu’on a àfaire, car on a nos familles, … »

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- « Je me sens confus, je ne sais pas où je vais. Venir au travail le matin c’estcontraignant mais j’ai un travail. Même si c’est une souffrance, c’est compliquéde faire la part des choses. »

Tous ces éléments aptes à occasionner de la peur sont venus effectivement alimenter le cerclevicieux de l’enferment, conduisant par là même à l’isolement progressif des salariés.

2.2.3. L’isolement

Si des salariés ont pu dire qu’ils avaient tenu le coup en raison de la cohésion qui existait dansleur équipe de travail, force est cependant de constater que progressivement le « chacun poursoi » prend le pas sur les stratégies collectives de cohésion. Les descriptions des ambiances quiont été faites montrent que les relations humaines ont été profondément parasitées par lanouvelle organisation du travail. Aussi la défiance, le doute, la suspicion ont souvent étéévoqués pour caractériser la dégradation de l’environnement de travail.

La déstructuration au fil du temps des collectifs et des relations humaines a eu pour corolairel’isolement progressif des salariés.

2.2.4. Arrêts maladie versus présentéisme : deux indicateurs d’unemême souffrance

L’expérience montre que l’isolement lié à la dégradation des relations de travail peut conduireà ce que la psychopathologie du travail nomme les pathologies de la solitude. Les arrêtsmaladie pour dépression qui ont été portés à notre connaissance semblent, entre autres,attester des manifestations somatiques associées à ces pathologies. Ces arrêts maladieillustrent, quoi qu’il en soit, les affections de la santé caractéristique d’un environnement detravail pathogène.

Si l’arrêt maladie signe une affection de la santé qui ne rend plus supportable la présence autravail, la présence des salariés n’atteste cependant pas nécessairement de leur « bonne »santé.

Au cours de l’expertise nous avons effectivement pu observer que le présentéisme12 pouvaitmasquer un état de santé très fragile. Aussi, des salariés qui ont fait part de manifestationssomatiques pouvant les conduire dans certains cas à la prise de médicaments (troubles dusommeil, fatigue intense, syndrome dépressif, crises d’angoisse, maux de dos, troubles del’appétit, hypertension) continuent à se rendre au travail.

12 Le présentéisme peut être défini comme l’assiduité au travail alors que l’on est malade (troubles physiques ou psychiques qui ne permettentplus d’assumer sa tâche efficacement).

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3. L’EQUILIBRE PSYCHIQUE FRAGILISE

3.3. Les facteurs de déstabilisation psychique

3.3.1. Entre mobilisation intense et désinvestissement : des salariés entension permanente

Le contexte organisationnel qui s’est dévoilé au cours de l’expertise favoriseincontestablement l’expression d’une subjectivité capable à la fois de se mobilisermassivement dans son travail et de s’en désinvestir. Ces mouvements contradictoires ont bienété décrits par les salariés qui expliquent comment, face aux injonctions paradoxalesauxquelles ils peuvent être confrontés (changements intempestifs des priorités, signauxcontradictoires quant à la nature de leurs missions, etc.), ils passent tour à tour del’investissement à la démobilisation. Ce phénomène est par ailleurs renforcé pour ceux quialternent des pics d’activité avec des périodes pendant lesquels ils sont en sous-charge.

Chez certains salariés, la mobilisation sur des projets jugés très intéressants et captivants dansun environnement de travail au demeurant dégradé, paraît produire cette même alternanced’engagement et de démobilisation.

3.3.2. Le déséquilibre effort / récompense

Le déficit de reconnaissance qui s’est beaucoup fait entendre chez les salariés qui ont le plusd’ancienneté dans l’entreprise opère comme un déni du travail réalisé qui génère, comme on apu le constater, de l’amertume et de la frustration. Ce déficit de reconnaissance fragilise doncla santé des salariés.

Le modèle du déséquilibre efforts/ récompenses de Siegrist13 développé en 1986, montreeffectivement que l’état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre les efforts qu’unepersonne consent à fournir dans son travail et les récompenses qu’elle reçoit en retour. Lesétudes montrent que ce déséquilibre, quand il est trop important, peut affecter la santésignificativement (troubles du sommeil, dépression, maladie cardiovasculaires.)

3.3.3. Le sentiment de déconsidération

Nous avons eu l’occasion de revenir à plusieurs reprises sur le sentiment de déconsidérationéprouvé par ceux qui se sont vu imposer les changements selon des méthodes qualifiées de« violentes » que nous avons largement décrites dans le présent travail et qui ont participé à ladéstabilisation psychique des salariés.

Les sentiments d’inutilité, de déqualification, de dévalorisation qui se sont amplementexprimés dans l’ensemble des propos tenus sont caractéristiques d’un vécu dépressif. Cedernier condense ces différents sentiments en les amplifiant.

13 Johannes Siegrist est Professeur de sociologie médicale à la Faculté de Médecine de l'Université de Düsseldorf et Directeur de l'Ecole de SantéPublique de l'Université. Il travaille sur les conditions de travail contemporaines, le stress et ses effets sur la santé.

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3.4. Souffrance éthique et conflits de valeurs

3.4.1. La souffrance éthique

La souffrance éthique qui est un concept développé par la psychodynamique du travail est lasouffrance induite par le fait d’avoir à commettre des actes que l’on réprouve.

Elle s’est parfois révélée chez des personnes qui disent se sentir en « porte à faux » face à desresponsabilités qui leur ont été confiées et qu’ils n’ont pas nécessairement voulues. Les proposqui suivent semblent traduire ce conflit avec éloquence :

- « Maintenant je me sens embarqué dans ce bateau là comme on me donne desresponsabilités mais je n’ai pas envie de faire souffrir mes collègues. »

- « On nous a confié des responsabilités, on nous a pas demandé notre avis. »

On comprend au passage que l’accroissement des responsabilités, souvent présenté par lesmanagers comme une promotion, a pu générer autant de souffrance que les réductions depérimètres d’activité dont les effets ont largement été décrits précédemment.

3.4.2. Des conflits de valeurs qui exacerbent le mal-être

Au déficit de reconnaissance relevé dans une organisation qui a produit des « laissés pourcompte », s’adjoint le sentiment de ne plus se reconnaître soi-même dans une organisationdont les modes de fonctionnements ne sont plus conformes aux valeurs défendues par lessalariés.

C’est ce que plusieurs personnes ont relevé en évoquant notamment les contradictions entreles nouvelles ambitions du numérique (et surtout les manières dont elles sont mises en œuvre)et la mission de service public à laquelle des salariés restent apparemment attachés.

La plupart des personnes rencontrées ont par ailleurs assez fermement dénoncé des manièresde remanier l’organisation qui vont à l’encontre de leurs valeurs morales. On retiendra pourconclure en ce sens la parole qui suit :

- « Une société dans laquelle on porte plus d’importance aux projets qu’auxsalariés, je ne veux pas être dedans. C’est ma manière de me dire que je ne suispas fou. »

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4. L’APPARITION DES PATHOLOGIES LIEES AU TRAVAIL

Les signes de souffrance identifiés au cours de l’expertise doivent alerter le CHSCT dans lamesure où ils attestent de l’éclosion de pathologies du travail bien connues.

Les pathologies cognitives : sont les troubles de la pensée en rapportétroit avec des distorsions qui affectent la cognition (troubles du jugement,troubles de la mémoire, etc.) et qui peuvent aller jusqu’à la confusionmentale.

Nous l’avons montré, l’environnement de travail expose massivement les salariés au flou, auxinjonctions contradictoires, aux changements intempestifs, entraînant par la même une pertede repères qui a bien été décrite par les salariés. Beaucoup d’entretiens au cours desquels lessalariés sont confus dans leurs descriptions et disent eux-mêmes être « paumés », ou encoreont du mal à se remémorer les événements (certains parleront de « black-out) illustrent lamanifestation de troubles de la cognition.

Relevons au passage qu’à plusieurs reprises les salariés ont recouru au terme de« schizophrénie » pour qualifier l’intensité de la confusion à laquelle les a confrontésl’organisation du travail.

Rappelons des paroles citées pour éclairer notre propos :

- « On finit par devenir fou.»

- « Quand le cerveau ne suit plus on met les choses de côté. »

- « On se demande si ce n’est pas nous qui devenons schizophrènes. Il y a unegrande difficulté à discerner le vrai du faux sur les messages. »

Les pathologies de surcharge : elles correspondent à la surcharge dufonctionnement psychologique et cognitif provoquée par l‘augmentation descontraintes de productivité. Cette dernière pouvant entraîner desdécompensations14 psychiques (anxiété larvée, repli sur soi, etc.) et pouvantmener à terme à des décompensations somatiques (troubles musculo-squelettiques, accidents cardio-vasculaires, etc.).

Si beaucoup de salariés disent qu’ils essaient de prendre de la distance avec le travail, laplupart d’entre eux reconnaissent qu’ils poursuivent leurs activités professionnelles à leurdomicile en dehors des temps de travail.

La multiplication des projets et l’intensification de la charge de travail qui a pu être mise enévidence exposent incontestablement les salariés aux pathologies de surcharge.

Il faut par ailleurs noter que le processus à l’œuvre dans les décompensations est loin de selimiter à la surcharge en terme quantitatif. La répression des émotions et des affects,caractéristique de l’organisation décrite, pèse elle aussi incontestablement sur la santé

14 La décompensation peut être définie par la rupture de l’équilibre, l’entrée dans la maladie.

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mentale, et l’expérience montre qu’elle peut favoriser l’apparition des troubles musculo-squelettiques.

Notons au passage que les situations où les salariés se sont vu réduire leur périmètre d’activitéou affecter des tâches à moindre contenu significatif (au regard de leurs activités antérieures)ne sont pas moins éprouvantes psychiquement. L’expérience en clinique du travail montre eneffet que l’accomplissement d’une tâche sans investissement matériel ni affectif exige ledéploiement d’efforts qui en d’autres circonstances sont supportés par le jeu de l’intérêt et dela motivation.

Les pathologies post traumatiques 15 peuvent être consécutives à unévénement qui fait irruption de l’extérieur et vient perturber l’organisationde l’appareil psychique mais elles surviennent aussi face à des situationsvécues comme des humiliations ou comme des atteintes à la dignité. Lalecture de l’ensemble des données recueillies au cours des entretiens laisseentendre l’amertume, le sentiment de déconsidération mais aussid’impuissance ressentis par les salariés. Bien que tous ces affects ne soientpas nécessairement pathologiques, ils peuvent se traduire par desmanifestations cliniques spécifiques16 à plus ou moins long terme.

Les pathologies de la solitude font suite à la dégradation des relations detravail qui peut être provoquée par une absence de communication, de lasuspicion à l’égard des collègues et/ou des encadrants, un climat dedéfiance, l’incapacité à faire part aux autres de ses difficultés générant replisur soi et isolement. Ces pathologies peuvent conduire à desdécompensations graves : violences retournées contre soi-même ou contreles autres, dépressions, tentatives de suicide.

15 Classiquement, on décrit comme traumatisme tout événement de vie intense face auquel une personne sera dans l’incapacité de s’adapter dufait de l’intensité des excitations ressenties, réelles ou perçues.

16 Chez certains sujets des syndromes psycho traumatiques peuvent apparaître dans l’après coup : réaction aiguë à un état de stress, troublesanxieux, dépression, recours addictifs, troubles des émotions.

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IV.CONCLUSIONSETPRECONISATIONS

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1. DES CONSTATS…

1.1. Les conditions de travail et de santé des salariés : unimpensé de la réorganisation

L’ensemble du travail d’expertise met assez clairement en évidence que la question desconditions de travail et de santé n’a pas été une préoccupation centrale dans la mise en placedes changements.

Rappelons pour mémoire que conformément à l’article L.4612-8 du code du travail, le CHSCTest consulté avant toute transformation découlant d’un changement de l’organisation dutravail. En amont de cette consultation, une information du CHSCT la plus large possible,produisant toutes les données nécessaires à l’exercice de ses missions, doit être réalisée. Enfin,la consultation doit être réelle : elle doit permettre une discussion entre l’instance et ladirection et apporter des réponses motivées aux questions posées par les membres du CHSCT.Par ailleurs, la consultation doit être faite en temps opportun et non après un commencementd’action, comme le rappelle une décision de la Cour de Cassation (Cass. crim., 28 novembre1989, Lebell et a.).

Ici, le non-respect du processus d’information /consultation semble être une premièreillustration du peu d’importance accordée à la question des conditions de travail et de santédans le projet de réorganisation. Cette négligence est exacerbée par un traitement assezminimaliste de la question des répercussions de la réorganisation sur les conditions de travail,qui apparaît dans la présentation du projet faite en CHSCT (Cf. point V du document projet enannexe).

1.2. Absence d’un soutien et d’un accompagnementadaptés pour faire face aux changements

La plupart des interlocuteurs ont mis l’accent sur une organisation caractérisée par le flou, oùles informations sont asymétriques et imprécises. Face à ce flou auquel s’adjoignent lesmaladresses managériales largement décrites, et face au débordement des RH qui neparviennent apparemment pas à répondre aux questions posées, les salariés ont souventexprimé la solitude à laquelle ils ont été confrontés.

De plus, si des salariés disent effectivement avoir bénéficié de formations courtes à laméthode Agile, la plupart d’entre eux déplorent l’absence d’accompagnement réel auxchangements et l’inadaptation des formations proposées en interne à leurs nouveaux besoins.Aussi, les salariés sont nombreux à dire qu’ils ont dû s’adapter bon an mal an « sur le tas » sansgrand soutien possible. En conséquence, plusieurs relèvent un investissement personnel,parfois hors temps de travail, pour s’auto-former et faire face à leurs nouvelles missions.

Tous ces constats viennent contrarier le dispositif d’accompagnement des collaborateurs misen avant par la direction dans le document projet (Cf. point VI du document projet en annexe).

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Force est alors de conclure que l’organisation du travail, au lieu d’être une ressource censéefaciliter l’action de chacun, a davantage été une source de situations pathogènes.

2. … AUX PRECONISATIONS

2.1. Les concepts de prévention primaire, secondaire ettertiaire des RPS

Notre approche des RPS vise à appréhender les contraintes qui, dans le travail et sonorganisation sont susceptibles d’exposer les salariés à des risques psychosociaux. Notredémarche est donc "primaire" au sens des différents niveaux de prévention établis par l’OMS.

Il peut néanmoins s’avérer nécessaire de préconiser des mesures de prévention relevant dechacun des registres, primaire, secondaire et tertiaire de prévention.

Dans un souci pédagogique, nous avons mobilisé des notions plus parlantes pour nosinterlocuteurs :

de réparation pour faire face aux troubles psychosociaux repérés dansl’organisation

de correction pour répondre aux facteurs et risques avérés.

Facteurs Risques Troubles

Type de prévention Prévention primaire Prévention secondaire Prévention tertiaire

Objet de l’analyse Diagnostic des facteurs deRPS

Diagnostic desconséquences prévisiblesdes RPS

Diagnostic des troublespsychosociaux, despathologies dues aux RPS

Objectifs des actions Prendre en compteles risques de RPS à lasource

Agir sur les causes desRPS liées notammentà l’organisation pourréduire, voire éliminerles sources de RPS

Renforcer la« résistance » dessalariés auxcontraintes du travail

Former les salariés àla gestion dessituations stressantes

Agir sur lemanagement ou lesindividus les plusexposés

Prendre en charge lesindividus ensouffrance

Réhabiliter, favoriserle retour au travail

Actions centrées sur… Les causes des RPS La gestion du stress et descontraintes du travail

Les effets des RPS

Temporalité Moyen/long terme Court /Moyen terme Immédiate

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2.2. S’inscrire dans une démarche de « réparation » pourfaire face aux troubles psychosociaux constatés : uneapproche tertiaire de la prévention

La prévention tertiaire, centrée sur la réduction des effets néfastes des contraintes du travailobservables sur des personnes en souffrance, repose sur une réponse d’urgence aux individusconcernés pour éviter que leur état ne se détériore davantage.

Dans le cadre de cette expertise, nous avons pu constater qu’une cellule psychologique étaitdéjà en place mais que cette dernière n’avait pas eu les effets escomptés car :

Le psychologue du travail en charge de réaliser les entretiens individuelsavait été mandatée par la direction. Dans le contexte de méfiance que nousavons pu décrire, ce lien entre la psychologue du travail et la direction n’apas toujours permis de libérer la parole des salariés qui étaient endemande ;

Le lieu des entretiens était là aussi problématique car le bureau de lapsychologue se situe au même étage que la grande salle de réunion et il estpartagé à mi-temps avec la DRH.

De ce fait, nous préconisons de faire appel à une cellule psychologique sous les conditionssuivantes :

Le cabinet en charge de recevoir les salariés est choisi par le CHSCT ; La communication autour de cette mesure est faite par le CHSCT

exclusivement ; Les entretiens se font en dehors de FTVEN et de FTV.

2.3. S’inscrire dans une démarche de « correction » face auxfacteurs et risques appréhendés : une approcheprimaire de la prévention

Pour rappel, la prévention primaire, centrée sur le travail et son organisationrenvoie à une approche collective du traitement des risques. Elle a pour objectif decombattre les risques présents dans le milieu de travail à la source pour les réduireou les éliminer. Les actions visent donc directement les contraintes de l’organisationet de l’environnement physique du travail pour en atténuer les impacts négatifs surles salariés. Il s’agit d’intervenir sur les causes des risques psychosociaux plutôtque sur leurs conséquences.

2.3.1. Permettre la mobilité des salariés de la direction « Technique »au sein de leur direction.

Nous avons pu voir que les salariés de la direction « Technique » travaillent ou vonttravailler pour une thématique spécifique. Pour éviter le cloisonnement de cessalariés et leur permettre de retrouver une transversalité dans les sujets qu’ils vont

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être amenés à traiter, nous préconisons de rendre possible et de faciliter la mobilitédes salariés de ce service au sein de leur direction dans la nouvelle organisation.

Cette mobilité sera possible si et seulement si les cadences de travail diminuent.

2.3.2. « Dérigidifier » la mise en œuvre de la méthode Agile

Nous avons pu constater que la mise en œuvre de la méthode Agile au sein deFTVEN comme elle est effectuée (activité de reporting importante), et le nombreimportant de projets à traiter en parallèle a généré une intensification du travail.Les salariés n’ont plus de temps de récupération, temps nécessaire pour« souffler » mais aussi pour « prendre de la hauteur » sur le projet.

Ainsi, une mise en œuvre moins dogmatique de la méthode Agile, pourraitpermettre de diminuer voire de supprimer l’apparition de ce risque, en agissant surles deux dimensions suivantes : Alléger le reporting ; Limiter le nombre de projets à traiter simultanément.

2.3.3. Former les « déclassés » pour leur permettre de retrouver unniveau d’activité équivalent à celui de l’ancienne organisation

Nous avons pu constater que la population ayant une plus forte ancienneté dans l’entrepriseavait subi un « déclassement » dans la réalisation de leur activité et dans les missions demanagement qui lui avaient été confiées dans l’ancienne organisation. Selon la direction, cedéclassement serait dû à un « manque de compétence » pour occuper des postes de mêmeniveau d’activité ou de même niveau hiérarchique dans la nouvelle organisation.

A défaut de permettre à ces salariés ainsi « déclassés » de pouvoir récupérer leurs anciennesfonctions ou d’occuper des postes différents mais avec une activité similaire, la directiondevrait s’engager pour ces salariés à :

Répondre favorablement aux demandes de ces salariés en termes deformation ;

Proposer à ces salariés un suivi RH particulier.

Ces propositions ont pour vocation de permettre aux salariés de réintégrer un poste quicorrespond à leur ancien niveau d’activité (du moins dans l’intérêt du travail à fournir).

Cette mesure exceptionnelle nous semble nécessaire au vu des risques encourus par lessalariés « déclassés ».

A l’avenir, il s’agira d’éviter l’apparition de ces risques en mettant en place des formations enamont qui répondent aux besoins de l’entreprise comme tout en respectant le cadre légal.

Article L6321-1 du code du travail :

« L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veilleau maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment del'évolution des emplois, des technologies et des organisations. »

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On pourra ici rappeler une arrêt du 8 juin 2013 de la Chambre sociale de la Cour de cassationqui a estimé qu’un employeur pouvait être condamné à verser des dommages-intérêts pourviolation de l’obligation de formation lorsqu’il était constaté qu’ « en seize ans d’exécution ducontrat de travail l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan deformation de l’entreprise, d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuperun emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (Cass.Soc. 5 juin 2013 n°11-21255)

2.3.4. Réduire le décalage entre le type de compétence attendu etles ambitions de l’entreprise

Comme nous avons pu le constater ci-dessus, l’entreprise a la responsabilité d’assurerl’adaptation des salariés à leur poste de travail au regard de l’évolution des organisations.

Pour illustration, la direction devra s’engager à former ses salariés à la nouvelle méthode detravail en cours de déploiement au sein de FTVEN : la méthode Agile.

2.3.5. Permettre aux salariés de s’inscrire dans une organisationstabilisée

Nous avons pu constater que les salariés avaient subi de nombreux remaniements et que lesconséquences sur leurs conditions de travail et la santé étaient avérées.

Il nous semble donc important de laisser le temps nécessaire aux salariés de s’installer danscette nouvelle organisation avant de prévoir de nouveaux changements.

2.3.6. Redonner ou permettre aux RH, d’endosser le rôle de supportaux salariés

Nous avons pu constater que les salariés n’avaient pas eu recours ou peu aux RH pour lesécouter et leur trouver des solutions dans le cadre de cette réorganisation, alors que leurprésence dans un contexte de changement est primordial.

La direction doit donc s’interroger sur les raisons de ce manque : charge de travail tropimportante au niveau de la DRH ? Délégation entre DRH et RRH complexe ? Manqued’informations au niveau de la DRH permettant d’agir ? De proposer des solutions auxsalariés? Etc.

2.3.7. Améliorer les conditions de travail au poste de travail

Revoir l’aménagement des espaces pour éviter le risque de gêne etle risque d’altération de l’audition

Les constats réalisés sur l’environnement physique montrent que le fonctionnement actuel enOpen Space dégrade les conditions de travail et de santé des salariés.

De ce fait, nous déconseillons le travail en Open Space pour les salariés de FTVEN.

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Néanmoins, nous pouvons apporter des pistes de réflexion pour rendre le travail en OpenSpace moins pénible. Ces pistes de réflexion sont présentées ci-dessous avec en regard, lefacteur de risque et le risque avéré.

Facteurs de risque identifiés Risques identifiés Pistes de réflexionUn nombre insuffisant depostes de travail par rapportau nombre de salariés

Gêne dans la réalisation dutravail (augmentation desrisques d’erreur et de lafatigue)

Adapter le nombre de postesnécessaires au nombre desalariés présents.

Présence d’imprimantes ausein des espaces de travail

Isoler les imprimantes en lesretirant des espaces de travail

Réalisation de réunions ausein des espaces de travail

Identifier les besoins ensalles de confidentialiténécessairesAugmenter le nombred’espaces de confidentialité

Espace de convivialité ouvertaux voies de circulation

Isoler la salle de convivialité

Voies de circulation ouvertessur les espaces de travailVoies de circulation utiliséescomme des espaces detravail

Isoler physiquement les voiesde circulation des espaces detravail

Port du casque audio lorsquel’intensité sonore est tropimportant dans les espacesde travail

Risque d’altération del’audition

Diminuer le bruit ambiant entravaillant sur les pointsprécédents.

Revoir l’aménagement des espaces pour éviter les situationsdélicates pour certains salariés

La direction doit rapidement revoir la répartition actuelle des salariés (manager au sein de leurancienne équipe etc.) afin d’endiguer le malaise que crée ces situations chez les salariésconcernés.

2.3.8. Suivi des actions : une démarche conjointe entre la direction etle CHSCT.

Suite aux derniers événements, il convient de remettre le CHSCT au centre des décisions et desactions sur les questions relatives aux conditions de travail et de santé des salariés.

Pour ce faire, il est nécessaire que la direction s’engage auprès des élus du CHSCT sur la miseen place et le suivi des différentes actions réparatrices, correctrices et préventives que nousavons et que nous allons exposer dans ce rapport.

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Cet engagement pourrait se traduire par la mise en place d’une commission de suivi. Cettedernière serait un lieu de :

Suivi de l’état d’avancement des différentes actions réparatrices etcorrectives que nous exposons dans ce présent rapport ;

Discussion de nouvelles actions à mettre en place pour préserver lesconditions de travail des salariés dans le cadre de cette réorganisation.

Pour que cette commission soit pertinente, elle devrait être composée, fonction des actions àsuivre, de :

D’un ou plusieurs membres de la direction de FTVEN selon le sujet traité ; Des élus du CHSCT ; D’un membre de l’observatoire de la santé de FTV selon le sujet traité

(médecin du travail, ergonome, psychologue du travail, etc.)

Pour illustration, les premières actions à suivre pourraient être :

La diminution et la régularisation de la charge de travail (suivi de l’évolutionde l’activité de reporting et du nombre de projets à traiter simultanément)

Le suivi des formations réalisées, proposées, etc.

2.3.9. Doter le CHSCT de moyens pour être efficient

En respectant le processus d’information/consultation

Nous avons pu constater que la manière dont a été mise en place la réorganisation a eu deseffets délétères sur la santé des salariés, avec l’apparition de troubles psychosociaux. Cesconstats auraient pu être évités si le projet de réorganisation avait été présenté aux élus avantsa mise en place comme le stipule la loi.

Article L4612-8

« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avanttoute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et desécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformationimportante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'unchangement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modificationdes cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération dutravail. »

En créant un CHSCT dédié à FTVEN

Nous avons pu constater que les moyens actuels du CHSCT d’Issy-Les-Moulineaux (nombred’élus et nombre d’heures de délégation) ne permettaient pas aux élus d’être efficients dansleurs prérogatives.

Afin de rendre le fonctionnement du CHSCT plus efficient nous proposons d’augmenter lesmoyens et les ressources. En créant par exemple un CHSCT dédié à FTVEN.

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L’augmentation constante des effectifs depuis 3 ans vient appuyer la mise en place de cettepréconisation.

En associant le CHSCT dans l’évaluation des risques et dans ladéfinition d’un plan d’action

Cette mesure permet de remettre les conditions de travail et la santé des salariés au sein desdécisions. Pour illustration, nous proposons que le suivi des actions de cette expertise soitréalisé au sein d’une « commission de suivi des actions ». Cette manière de procéder et depenser les conditions de travail au sein d’un projet, doit être réitérée dans les changements àvenir.

En formant les membres du CHSCT et de la direction aux RPS

Nous avons pu constater que les salariés avaient développés des troubles psychosociaux, celasignifie que les risques psychosociaux n’ont pas été traités en amont.

Pour ce faire, nous préconisons le suivi d’une formation aux RPS pour les membres de ladirection mais aussi pour les membres du CHSCT afin de permettre un dialogue efficient.

2.3.10. Du coté de la direction : communiquer en toute transparence,rétablir une confiance entre élus et direction mais aussi entresalariés et direction

En définissant et en respectant les valeurs de l’entreprise

La direction de FTVEN doit communiquer en toute transparence et en toute confiance auprèsdes salariés sur les valeurs actuelles et/ou futures de l’entreprise. En effet, les salariés serendent compte des changements dans la réalisation de leur travail mais aucunecommunication n’est réalisée sur le sujet.

En respectant les obligations en matière de santé et sécurité autravail

Au-delà de la mise en place d’une politique de prévention des risques professionnels,l’employeur a aussi l’obligation de sécurité de résultat comme nous le confirme laJurisprudence sociale Lamy, n° 239, 1er septembre 2008.

« Il s’agit pour l’employeur de prévenir, de former, d’informer et de mettre enplace une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est questiondans la notion d’obligation de résultat” n’est pas l’absence d’atteinte à la santéphysique et mentale, mais l’ensemble des mesures prises (effectivement!) parl’employeur dont la rationalité, la pertinence et l’adéquation pourront êtreanalysées et appréciées par le juge »17

17 Santé au travail, l’ère de la maturité”, Jurisprudence sociale Lamy, n° 239, 1er septembre 2008

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En tenant compte des études et préconisations de l’Observatoire dela Santé.

Nous avons pu constater que les conclusions données par cet observatoire sur le sujet del’aménagement des locaux n’avaient pas été utilisées par la direction pour concevoir lesespaces de travail. Cet observatoire ne doit pas être utilisé que, comme un objet decommunication sur les conditions de travail auprès des salariés, leurs conclusions doiventêtre discutées et entendues, notamment avec le CHSCT.

La direction doit donc s’engager à créer un lien entre les études de l’Observatoire de la Santéet le CSHCT, d’autant plus lorsque ce dernier est concerné par le périmètre de l’étude.

En évaluant précisément les conséquences des projets sur lesconditions de travail et de santé des salariés

Nous avons pu constater que les conséquences du projet et de sa mise en œuvreavaient eu des conséquences beaucoup plus importantes que celles énoncées dans ledocument projet présenté par la direction.

Lorsqu’il y a des changements organisationnels important, la direction doit doncréaliser une étude au plus près des réalités du terrain, sur les conséquences du projetsur les conditions de travail et de santé des salariés.

En réalisant un suivi des indicateurs d’alerte et agir en conséquenceo Définir et suivre des indicateurs d’alerte quant à l’exposition des

salariés aux RPS / TPS ;o Etablir une discussion et apporter des solutions face aux résultats des

indicateurs d’alerte. Pour illustration, nous avons pu constater une explosion des

arrêts maladies, sans qu’une action soit développée par lasuite.

En mettant en place les pistes de réflexion issues de ce rapport

La mise en place des pistes de solution proposées au sein de rapport serait un des moyenspour la direction de montrer la place qu’elle accorde aux conditions de travail et de santé dessalariés. Elle permettrait de rétablir une confiance entre le CHSCT et la direction.

Cette mise en place pourrait être facilitée par un référent santé pour aider la commission dansla coordination et le suivi des plans d’’actions définis avec le CHSCT. Le référent pourrait êtreun membre de l’Observatoire de la Santé

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Rappel des obligations de l’employeur

Des obligations en termes de prévention des risques professionnels - Article L4121-1

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger lasanté physique et mentale des travailleurs.Ces mesures comprennent :

1. Des actions de prévention des risques professionnels.2. Des actions d’information et de formation.3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changementdes circonstances et tendre à l’amélioration des conditions existantes. »

-2

« L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L4121-1 sur le fondementdes principes généraux de prévention suivants :

1. Eviter les risques ;2. Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;3. Combattre les risques à la source ;4. Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception

des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et desméthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travailmonotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé;

5. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui

est moins dangereux ;7. Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la

technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relationssociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés auharcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L1152-1 ;

8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité surdes mesures de protection individuelle ;

9. Donner des instructions appropriées aux travailleurs. »

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3. TABLEAU RECAPITULATIF DES PISTES DE REFLEXION POUR LA

MISE EN PLACE D’UNE DEMARCHE « REPARATRICE » ET

« CORRECTRICE » DES RISQUES PROFESSIONNELS AU SEIN

DE FTVEN

Pistes de réflexion pour la mise en place d’une démarche « corrective »

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V.ANNEXES

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Projet de modification de l’organisation de FTVEN – CHSCT du 23 septembre 2013

Projet de modification de l’organisation de FTVEN

CHSCT du 23 septembre 2013

I – Contexte et enjeux

FTVEN fait partie de la direction générale déléguée aux programmes, aux antennes et auxdéveloppements numériques.

Les développements numériques, auparavant dénommés direction du Développement Numérique et dela Stratégie (DNS), visent à rassembler les équipes participant à l’ensemble du processus d’élaborationde la stratégie, ainsi que les directions qui définissent et mettent en œuvre la politique numérique dugroupe (définition, conception, réalisation, évaluation et suivi). Outre FTVEN, l’activité desdéveloppements numériques regroupe également, pour rappel, la direction de la Stratégie, la directionde la Prospective Numérique, la direction des Nouvelles Ecritures.

Pour mémoire, les objectifs de FTVEN sont les suivants :

- mettre le numérique au cœur de la stratégie du groupe, pour assurer le virage numérique, êtreprésents sur tous les usages, tous les écrans, pour atteindre tous les publics ; veiller à la projection desprogrammes et des antennes dans l’univers numérique ; bâtir des offres transversales à destination dupublic, par exemple sur l’information et le sport, mais également la jeunesse, l’éducation, la culture.L’objectif réaffirmé depuis 2011 est de proposer à tous les téléspectateurs de vivre l’expériencetélévisuelle sous différents formats et supports, qui permettent à chacun d’accéder et de s’approprierl’offre du groupe ;

- assurer le développement de la direction des éditions numériques, afin de faire du numérique l’affairede tous, de toutes les chaînes, de tous les personnels. Pour cela, l’enjeu porte sur le rapprochement desliens avec les programmes, pour faciliter la conduite des projets et la production quotidienne.

Depuis 2011, FTVEN a poursuivi le rattrapage du retard que connaissait le groupe en matière denumérique, par le biais de la construction et de la mise en place d’une offre numérique sur les différentssupports (sites internet, offres sur mobiles et tablettes, tv connectée, plateformes de fournisseursd’accès internet,..), autour des offres des chaînes, des programmes, puis d’offres plus transverses tellesque l’information, le sport, la culture, la jeunesse.

Dernièrement, l’enjeu numérique a encore évolué avec l’émergence des réseaux sociaux et lamultiplication des expériences offertes au public, mêlant supports et contenus différents, vers denouveaux usages. Cet enrichissement implique le rapprochement plus affirmé entre antennes etnumérique.

L’évolution de la taille de FTVEN ces dernières années et l’évolution des usages rendent désormaisindispensable la mise en place d’une organisation permettant de faire face à ces enjeux et de faciliter ladissémination des savoir-faire numériques.

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II- Description de l’organisation actuelle

VOIR ANNEXE A PAGE 1

FTVEN fonctionne sur un principe inchangé depuis sa création : deux grandes fonctions support (ladirection du marketing digital, et la direction technique), au service de directions éditrices de contenus.

Les paragraphes ci-dessous reprennent l’organisation actuelle et les missions et activités associées àchaque service. Les organigrammes actuels figurent en annexe A de ce document.

1. Le pilotage de FTVEN

Il est assumé par la direction de FTVEN, qui définit les grandes orientations de la structure. Elle organisela répartition des moyens et des ressources en fonction des projets lancés en réponse à la stratégie dedéveloppement de l’offre FTV sur tous les supports numériques.

2. La direction du marketing digital VOIR ANNEXE A PAGE 3

Ses missions principales, déterminées, coordonnées et animées par la direction du marketing digitalsont les suivantes : le développement des audiences numériques, la compréhension des usages, ledéveloppement du chiffre d’affaires sur certains dispositifs du numérique (publicité et télématique).Pour mener à bien ces missions, la direction s’est construite autour des compétences suivantes :

- Le graphisme (web-design), qui a pour objectif de mettre en avant l’offre, en créant les élémentsvisuels nécessaires à la réalisation des projets numériques (création d’univers graphiques numériques,logos,…)

- la social TV, qui développe l’interaction entre l’audience et les contenus, en montant des dispositifsinnovants sur second écran, à l’antenne ou sur le web. Elle travaille sur des outils nouveaux (widgets,curation, plateforme social tv,..) montés en lien avec les usages, les besoins et l’objectif de mobiliserl’audience autour de nouveaux mode de consommation des programmes de FTV.

- la télématique, dont l’activité consiste à mettre en place sur des jeux et programmes de FTV desdispositifs audiotel et SMS qui conduisent le téléspectateur contacter par SMS ou Audiotel un servicedéfini par cette équipe, pour répondre à des questions posées à l’antenne, en échange de gainspotentiels.

- la communication on line, qui a pour objectif de fidéliser une audience sur les plateformes sociales, enpartageant des contenus, et en assurant la présence des programmes et des marques de FTV sur lesréseaux sociaux.

- la fidélisation club téléspectateurs, qui anime le club téléspectateurs. Au-delà de la gestion du Club, ils’agit aussi de développer et animer la base de données utilisateurs pour promouvoir les programmes,organiser des évènements autour de l’offre, recenser des demandes, développer un mode relationnelinteractif avec les télénautes…

- l’Acquisition et fidélisation de trafic numérique / Outils dont l’objectif porte sur le développement del’audience via, par exemple, la construction de plans d’actions pour développer le trafic sur les sites,l’optimisation du référencement, la mise en place de plans d’auto-promotion.

- les Etudes, qui s’adressent en premier lieu aux éditeurs FTVEN, mais également aux autres clientsinternes au groupe. Leur activité consiste à identifier, analyser et remonter les audiences numériques deFTV (sites web, applis, tv connectée, réseaux sociaux,…), comprendre les usages pour permettrel’évolution des offres, mesurer les performances.

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- les Jeux en ligne qui prolongent une offre en déclinant un jeu tv ou en créant un nouveau jeu sur dessupports numériques pour permettre à la fois le développement de l’audience et la fidélisation desutilisateurs.

- les Partenariats et monétisation, dont le rôle est de prendre en charge la gestion de la publicité sur lesdispositifs numériques en lien avec FTP, la mise en place de partenariats sur des opérations spéciales.

3. Le pôle technique VOIR ANNEXE A PAGE 5

On y retrouve trois activités, chacune rattachée au directeur de FTVEN, mais ayant des actionsinterdépendantes du fait de l’évolution des technologies et de la nécessaire prise en compte desproduits FTVEN dans les systèmes d’information de France Télévisions.

- la coordination technique TV – éditions numériques. Ce besoin a été identifié avec le développementde FTVEN, qui ne peut fonctionner sans interface avec les directions techniques de France Télévisionsattachées au développement et à l’exploitation de la diffusion linéaire des programmes TV, etnotamment le projet CDE.

- l’innovation technologique. Sa mission de veille, de prospective et d‘analyse des nouvelles normes ouinnovations techniques (comme par exemple la norme HbbTV) la conduit à proposer des nouveauxdispositifs techniques, à présenter les innovations de FTVEN et du numérique lors d’évènements. Elletravaille en étroite collaboration avec la direction de la Prospective Numérique.

- la direction technique, qui travaille du point de vue technique sur la définition, la conception, la miseen œuvre, la sécurisation de l’offre de FTVEN. Elle travaille en lien étroit avec les éditeurs de contenus,et ce de plus en plus dans des logiques de projet transversales. L’organisation s’articule autour de troispôles, animés par le directeur et une chef de projet.

- Développements et projets techniques : Cette équipe définit les solutions techniques à mettreen œuvre pour concevoir les produits et l'offre FTVEN. Elle est ensuite en charge de leurréalisation. Elle travaille en lien étroit avec les éditeurs.

- Production Multimedia Cette équipe travaille sur le déploiement et la mise en œuvre desproduits, pour s'assurer de leur bonne fin et de leur correct fonctionnement lors de la mise enligne.

- Exploitation des sites et services : Cette équipe travaille sur l'exploitation technique de l'offreFTVEN, le bon fonctionnement au quotidien des sites, des applications et des plateformes, unefois leur déploiement terminé. Cette équipe intègre aussi les compétences d'exploitation vidéo,en charge de l'exploitation et de la qualité de la fabrication des vidéos qui alimentent lesproduits et les services de FTVEN, en provenance de la plateforme vidéo.

4. Les directions des contenus et services numériques VOIR ANNEXE A PAGE 7

Ces directions permettent l’édition de nos offres numériques de services et de sites sur l’ensemble dessupports numériques à disposition du public : web, mobiles, tablettes, télévision connectée,...

Services Internet chaînes et programme qui est en charge de l’animation et de la conceptiondes sites des chaînes francetv.fr, france2.fr, france3.fr, france4.fr, france5.fr, franceÔ.fr, ainsique des sites consacrés à des programmes spécifiques de chacune des chaînes. Cette équipeassure aussi la conception et l’animation des sites jeunesse, avec mon-ludo et zouzous.

Services internet de TV à la demande, qui porte le développement et l’exploitation de l’offrede télévision à la demande gratuite et de rattrapage de France télévisions. L’équipe travaille sur

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la conception du portail Pluzz et de l’offre associée, pour diffuser la télévision à la demande surl’ensemble des supports numériques (web, mobiles, tablettes, consoles, télévision connectée).Cette équipe assure également la mise en place d’une plateforme vidéo, qui a pour objectif deregrouper et d’exploiter les ressources vidéo nécessaires à l’alimentation des offres FTVEN.

Services internet information et sports, qui produit une offre numérique pour tous et sur toussupports pour le public autour de :

- l’information, via notamment la plateforme francetv info, en temps réel, et en multisupports,

- le sport, pour offrir une expérience enrichie sur les grands évènements sportifs(contenus vidéos exclusifs, 2nd écran, télévision connectée, partage sur les réseauxsociaux),

- la culture, pour proposer une offre culturelle numérique disponible à tout moment.

Coordination des sites et services régionaux et Ultramarins : qui coordonne l’interactivitérégionale et ultramarine pour créer une offre de proximité et de service, en déployant descontenus sur tous les écrans, en créant de nouvelles approches éditoriales et en développantdes formats enrichis et interactifs.

La direction des actions éducatives : Conformément au projet proposé au CCE du mois d’avril2013, et remis à l’ordre du jour du CCE du 8 juillet, elle rejoindrait les services éditeursreprésentés au sein de FTVEN, pour y accomplir sa mission de proposer une offre numériqueautour des thématiques de l’éducation.

5. La TV connectée VOIR ANNEXE A PAGE 9

Aux services déjà identifiés, il a été proposé lors du CCE d’avril 2013 d’intégrer la TV connectée, parprojet de transfert des 3 postes localisés en 2011 à la Direction de la Stratégie et création d’un poste dechef de projet en complément. L’équipe travaille à la fois sur la stratégie éditoriale et de distribution del’offre éligible, ainsi que sur les modalités techniques et fonctionnelles de sa mise à disposition via lestéléviseurs connectés.

III – Objectifs du projet de modification de l’organisation

La proposition d’adaptation de l’organisation de FTVEN a plusieurs objectifs :

Adapter la structure aux évolutions de taille intervenues depuis 2011 et faire face aux enjeux de FTVENaujourd’hui, différents de ceux de 2011. En 2011, FTVEN avait pour objectif de proposer une offrepermettant d’introduire France Télévisions sur des supports et des contenus encore méconnus dugroupe. Aujourd’hui, la structure doit s’adapter pour intégrer le rapprochement des antennes et dunumérique, disséminer les savoir-faire numériques et offrir au public une expérience enrichie desnouveaux usages. Il s’agit également de garantir la mise en cohérence de l’offre éditoriale, tout enaffichant une organisation permettant de favoriser les échanges et l’interaction entre les programmes etles dispositifs numériques et transmédias.

Apporter une cohérence de travail à l’organisation de ce périmètre amené à travailler en mode projet,en assurant une meilleure circulation de l’information.

Assurer une lisibilité et l’adéquation de l’organisation technique avec les clients internes, tout enassurant l’expertise et la sécurisation de l’offre.

IV – Présentation du projet

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VOIR ANNEXE A PAGE 2

Le projet d’organisation recentre les activités autour de 4 directions opérationnelles, en conservant leprincipe inchangé depuis la création de FTVEN, et renforcé dans cette organisation : deux grandesfonctions support (la direction du marketing digital et la direction technique), au service de directionséditrices de contenus. Les volumes de postes présentés dans les organigrammes prévus en annexe Areprennent les volumes constatés dans l’organisation actuelle et amendés selon les évolutions décritesci-après. De manière globale, le nombre de postes reste inchangé.

1. La direction des contenus et services numériques VOIR ANNEXE A PAGE 8

Le projet intègre la création d’une direction des contenus et services numériques, qui animerait et seraitgarante de la ligne éditoriale.

Elle reprendrait trois services éditeurs déjà présents sans modification majeure de leur mission :

- Services internet information, sports et culture, dont un poste supplémentaire venantrenforcer l’activité sport, par mouvement interne au sein de FTVEN ;

- Coordination des sites et services régionaux et Ultramarins, sans modification ;

- Services internet de TV à la demande, dont un poste consacré à l’offre francetv emploi seraitnaturellement redéployé pour enrichir et étoffer l’offre transverse Education.

Elle traduirait également plus précisément et lisiblement dans l’organisation des activités déjàexistantes, pour lesquelles la mission ou le périmètre ont ou vont évoluer :

- Jeunesse, dont le périmètre est amené à se développer dans le cadre de la mise en place d’uneplateforme dédiée. A ce stade des hypothèses de renforcement de postes nécessiteront uneconfirmation avec la mise en place du projet.

- Programmes et social tv : cette activité aurait pour mission à la fois de produire les outilsnécessaires à l’ensemble des éditeurs pour développer leur offre et enrichir leurs contenus, etégalement de déployer ces outils sur les genres majeurs de programmes (ex : documentaires,divertissements, fictions). Elle constituerait également une porte d’entrée pour les équipesprogrammes des chaînes sur ces genres, en proposant et coordonnant la mise en place desdispositifs numériques à destination des programmes, favorisant ainsi la symbiose entre lesprogrammes et les dispositifs numériques et transmédias. Cette activité couvre en grandepartie les missions des sites chaînes et programmes, de la communication on line et de la socialtv. De ce fait sont intégrés tout ou partie des postes de ces équipes.

- Offre numérique chaînes : cette activité était auparavant en partie comprise dans les missionsde l’équipe des services internet chaînes et programmes, mais également au marketing par unepartie des missions de l’acquisition de trafic numérique. Elle a pour objectif de veiller à labonne articulation entre la prise en compte de l’actualité des chaînes sur les antennes, sur leweb tout en optimisant le trafic sur les sites chaînes.

Elle intègrerait en outre l’activité édition des actions éducatives, conformément aux projets présentéslors des CCE d’avril et juillet,

2. La direction du marketing digital VOIR ANNEXE A PAGE 4

Elle conserverait les mêmes missions que précédemment, avec pour changements principaux :

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- un transfert des activités social TV, com online et une partie de la programmation des siteschaînes opérée jusqu’à présent par le service acquisition de trafic vers la direction des contenuset services numériques (cf explication ci-dessus),

- l’intégration des postes marketing des actions éducatives.

3. La direction technique VOIR ANNEXE A PAGE 6

Elle se consoliderait en intégrant les services d’Innovation technologique et coordination techniqueTV/numérique, dans un souci de cohérence des moyens et synergie des travaux. La direction del’innovation technologique serait rattachée à la direction technique avec l’ambition majeure de créerdes cycles courts entre l’expérimentation de technologies innovantes et leur déploiement dans lesproduits des éditions numériques. Cette direction conserve par ailleurs des missions d’innovation amonten proximité avec l’équipe Innovation et développement de la direction Technologie et Fabrication et desupport à la Direction de la Prospective Stratégique.

Elle articulerait par ailleurs son organisation autour de 2 activités majeures, outre le pilotage, demanière à définir un mode de fonctionnement en miroir de ses clients internes FTVEN, tout ensécurisant techniquement l’offre numérique proposée au public :

Construction de l’offre

Des équipes projets, dédiées à la définition et mise en œuvre technique, interviendraient en lienprincipalement avec les éditeurs ou le marketing (porteurs des projets en développement). Dans cecadre, les équipes techniques travailleraient sur la construction et le déploiement des offres etdispositifs numériques. Elles seraient composées de chefs de projets encadrés par un responsable deprojet. A la suite du rattachement des Actions éducatives à FTVEN, les équipes techniques seraientregroupées afin de créer des synergies, partager les savoirs et travailler avec la même organisation queles autres éditeurs.

Ces équipes, compte-tenu de l’organisation des éditeurs et de la nature des projets en cours ou à venir,seraient ventilées selon les thèmes suivants :

o Information –sport – Culture – Régionso TV à la demande et édition vidéo :o Actions éducatives – Emploi – Jeunesse – Nouvelles écritures :o Programmes – chaînes – Marketingo Innovation

Pérennisation et exploitation de l’offre

Les équipes dites « d’exploitation» seraient organisées sur la base de leurs missions principales, quidépassent dorénavant la simple exploitation, pour instaurer une logique plus affirmée d’infrastructure,d’architecture et d’exploitation vidéo. Elles ont pour vocation de garantir la cohérence, la compatibilitéet la maintenance des solutions techniques proposées sur les différents projets. Elles interviennent dèsl’amont des projets en conseil sur le choix de l’architecture technique, mais également assurent lamaintenance et l’administration des dispositifs existant. Ces équipes sont regroupées sous le pilotaged’un responsable, qui organise les trois activités, composées en grande partie d’experts :

o Infrastructure : Responsable de l'infrastructure globale (ensemble des serveurs et réseauxde diffusion) qui hébergent l'ensemble des produits et services de FTVEN. Par conséquent,elle est en charge de la mise en ligne des sites, de l’analyse et la résolution des incidents.

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o Architecture : En charge de la définition et la bonne application des normes et standardsliés à la performance et à la sécurité des développements de FTVEN. Elle garantitla pérennité et la cohérence de l'architecture globale. Elle apporte un rôle d'expertise et deconseil auprès de projets.

o Exploitation Vidéo : En charge de l'exploitation et de la qualité de la fabrication desvidéos qui alimentent les produits et les services de FTVEN, en provenance de laplateforme vidéo.

4. La direction de la TV connectée VOIR ANNEXE A PAGE 10

Elle conserve les même missions que précédemment, pour élaborer et faire vivre, en lien avec lesservices éditeurs, l'activité de TV Connectée de France Télévisions et développer les services et lesoutils dans ce domaine, en négociant par ailleurs des partenariats de distribution de l'offre numériquede France Télévisions auprès des opérateurs de télécommunication, des constructeurs internationauxde matériels et des grands acteurs internet.

Elle bénéficie de la mise en place de la direction des services et contenus pour l’établissement et le suivide manière globale et cohérente des projets de développements et de mise en œuvre des innovationsen matière numérique, principalement par le biais de la TV connectée. L’équipement croissant desménages et le développement des usages sur ce support tendent à généraliser le recours à la TVconnectée dans les différents dispositifs numériques élaborés par les services éditeurs. Pour faire faceau renforcement du rôle de soutien de la direction de la TV connectée à la direction des services etcontenus numériques, un poste serait déployé vers cette direction.

V – Les conséquences du projet de nouvelle organisation sur les conditions de travail descollaborateurs concernés

Maintien du travail en mode projet comme avant (voir document en annexe B)

Pas de modification de lieu de travail : maintien de l’activité à Eos et MFTV pour l’équipeinfo/sport/culture

Modification à prévoir des plans au vu des adaptations d’organisation, une fois les équipes adaptées etles volumes définitifs connus

Pas d’outils nouveaux découlant de la nouvelle organisation, mais une meilleure appropriation des outilsexistants

VI – Dispositif d’accompagnement des collaborateurs

La mise en œuvre de cette organisation serait accompagnée par un dispositif reprenant les axessuivants :

- une information des collaborateurs sur l’organisation, par le biais des réunions de service prévoyantdes prises de parole des managers et de la direction, des temps d’échange individuels avec le manager,la direction ou la RH selon les attentes pour expliquer et détailler les missions qui évolueraient ;

- une écoute par les managers, la direction et les ressources humaines des situations individuelles ouquestionnements professionnels, qui permettra éventuellement d’ajuster l’organisation à la marge ;

- un accompagnement par des formations pour les collaborateurs qui assumeraient de nouvellesmissions ou activités nécessitant l’acquisition ou le renforcement des compétences métiers ciblées.

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VII – Calendrier prévisionnel de mise en place

La nouvelle organisation serait mise en place à l’issue de la consultation des instances des représentantsdu personnel, incluant le CHSCT pour les questions de modification des conditions de travail,principalement l’adaptation des plans des emprises géographiques accueillant les collaborateurs.

VIII – Annexes

A - Organigrammes avant/après projet de modification d’organisation

B – Précisions sur la pratique du travail en mode projet au sein de FTVEN

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4. ORGANIGRAMMES FOURNIS PAR LA DIRECTION

Pour éviter que le document soit trop lourd, seul l’organigramme qui représentel’organigramme complet (sans rentrer dans les détails de chaque service) est présenté ici.

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