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Rapport de stage

Master de recherche Micro et Nanoélectronique

Université Joseph Fourier

Grenoble

Le blocage de Coulomb dans les

nanols de silicium

Mathieu Pierre

Département de recherche fondamentale sur la matière condensée

Service de physique statistique, magnétisme et supraconductivité

Laboratoire de transport électronique quantique et supraconductivité

Encadrants : Xavier JEHL et Marc SANQUER

Du 12 février au 29 juin 2007

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Table des matières

1 Présentation du sujet 31.1 Cadre de l'étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Dispositif d'étude : le nano-transistor à nanol . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2 Techniques expérimentales 62.1 Cryogénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2.1.1 Les cryostats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.1.2 Mesures de température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.1.3 Thermalisation des câbles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2.2 Préparation des échantillons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3 Circuit de mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

2.3.1 Instrumentation bas niveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92.3.2 Câblage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

3 Le blocage de Coulomb 103.1 Principe de l'électronique à un électron . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.2 Le transistor mono-électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3.2.1 Constitution et modélisation électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 113.2.2 Diagramme de stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.2.3 Spectre en énergie de l'îlot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

4 Résultats expérimentaux et interprétation 174.1 Caractéristiques du transistor MOSFET . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

4.1.1 Fonctionnement sous le seuil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174.1.2 Régime de conduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

4.2 Fonctionnement en régime mono-électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . 184.2.1 Formation d'un transistor mono-électronique . . . . . . . . . . . . . 194.2.2 Analyse des pics de Coulomb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204.2.3 Observation des diamants de Coulomb . . . . . . . . . . . . . . . . . 224.2.4 Analyse des premiers pics de Coulomb . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

4.3 Comparaison des deux échantillons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264.3.1 Observation de résonances supplémentaires . . . . . . . . . . . . . . 264.3.2 Fluctuations mésoscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284.3.3 Interprétation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

5 Conclusion et perspectives 29

A Compléments de cryogénie 30

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Chapitre 1

Présentation du sujet

1.1 Cadre de l'étude

Ce stage est consacré à l'étude du transport électronique à basse température dans desdispositifs ultimes issus de la lière silicium de la nanoélectronique.

Depuis ses débuts, la microélectronique a évolué dans le sens d'une réduction de lataille des dispositifs, contribuant ainsi à l'augmentation de la densité d'intégration et dela fréquence de fonctionnement des circuits intégrés. La microélectronique est devenuenanoélectronique. Toutefois, aucune rupture technologique n'a eu lieu : la fabrication descircuits se fait toujours par une approche top-down. Les techniques les plus récentes fontque les dispositifs atteignent aujourd'hui des tailles ultimes (de l'ordre de quelques dizainesde nanomètres), grâce notamment aux avancées en lithographie, étape technologique quipermet de dénir les motifs à graver dans les couches déposées sur le substrat. Le comporte-ment électrique des dispositifs de dimensions nanométriques ainsi réalisés ne peut plus êtredécrit par une approche classique, ce qui ouvre le champ du domaine des nanosciences. Enparticulier, à basse température, il devient possible de sonder des phénomènes qui mettenten jeu des énergies très petites, et des eets quantiques de cohérence se produisent surdes distances comparables à la taille des dispositifs. Ces phénomènes sont étudiés par unebranche de la physique nommée physique quantique mésoscopique [1, 2, 3].

Le transport électronique dans une nanostructure semiconductrice est fortement in-uencé par les interactions entre électrons. La plus simple manifestation en est le phéno-mène de blocage de Coulomb, sur lequel repose le principe du transistor mono-électronique.Ce transistor contient un îlot, dont la charge, quantiée, est contrôlée par une électrodede grille. Les premiers transistors mono-électroniques exploitaient un îlot métallique isolépar des barrières d'oxyde. Dans ce travail, nous nous intéressons au fonctionnement, àbasse température, en régime de blocage de Coulomb de transistors MOSFETs en silicium.L'intérêt de fabriquer ces composants mono-électroniques avec les moyens technologiquestrès avancés de la lière CMOS de l'industrie de la microélectronique est d'obtenir desdispositifs très stables et peu sensibles au bruit, et d'espérer réaliser à terme des circuitsplus complexes. Dans ces transistors, l'enjeu est de comprendre le transport électroniqueà basse température à travers les accès source-canal et drain-canal, dont la résistance estun paramètre déterminant pour assurer le bon connement des électrons dans l'îlot. Cesrégions sont sujettes à des uctuations mésoscopiques dues au désordre, ce qui se traduitpar des irrégularités et de la dispersion dans les caractéristiques électriques des transistors.Le blocage de Coulomb constitue un moyen de spectroscopie pour étudier les propriétésmicroscopiques du silicium.

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1.2 Dispositif d'étude : le nano-transistor à nanol

Le dispositif étudié est un transistor à eet de champ MOS. On sait que la réduction dela longueur de grille doit s'accompagner d'une diminution de l'épaisseur des accès sourceet drain, pour éviter les eets de canaux courts. La particularité de ce dispositif est d'avoirégalement une largeur de zone active comparable à la longueur de grille, ce qui n'est géné-ralement pas le cas dans les transistors MOS classiques. La zone active a donc une sectiontrès réduite et peut-être assimilée à un nanol (gure 1.1).

Fig. 1.1 Photographie de la structure du nanol et de sa grille

En pratique, ce nanol est gravé dans un substrat de type SOI de 200 mm, dont lacouche supercielle de silicium, qui repose sur 400 nm d'oxyde enterré, a été préalable-ment amincie à 80 nm. Son épaisseur est encore réduite à une vingtaine de nanomètres àl'emplacement des zones actives. Le nanol est obtenu dans cette couche par une étape delithographie électronique suivie d'une gravure par plasma. Ses bords sont inclinés de 45.À ce stade, un premier dopage de type N, de 5.1017 atomes d'arsenic par cm3, est appli-qué à tout le l. Un motif de grille est ensuite déni perpendiculairement à ce l (gure1.2). Il est constitué d'une ne couche d'oxyde de grille SiO2, surmontée d'une grille ensilicium polycristallin très dopé de type N. En réalité, la couche d'oxyde est obtenue endeux couches successives : ces mêmes échantillons ont été réalisés dans le cadre d'un travailsur les mémoires à nanocristaux de silicium [4], encapsulés dans l'oxyde de grille. Les ex-trémités du nanol sont ensuite plus fortement dopées, an de constituer les accès sourceet drain. On obtient une modulation du dopage le long du l. Pour ce faire, des espaceurssont déposés autour de la grille (gure 1.3), et servent de masque au dopage. Ces espaceursempêchent le recouvrement grille-source et grille-drain. Les zones du l sous les espaceurssont faiblement dopées, et constituent des résistances d'accès entre la source et le drain etla zone du l sous la grille.

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Fig. 1.2 Schéma de la géométrie de la grille

Fig. 1.3 (a) et (b) Schéma en coupe et photographie au microscope électronique destransistors

échantillon E27S1D4 échantillon E26S1D5Longueur du l Lf 200 nm

Longueur de la grille Lg 50 nm 60 nmLongueur d'un espaceur Lespaceur 50 nm

Largeur du l W 60 nmEpaisseur du l H 17 nm

Epaisseur de l'oxyde tox 10 nmDopage du l Arsenic : 5.1017 cm−3

Dopage source et drain Arsenic : ≈ 1020 cm−3

Tab. 1.1 Dimensions des deux échantillons mesurés

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Chapitre 2

Techniques expérimentales

2.1 Cryogénie

2.1.1 Les cryostats

Diérents cryostats permettent de refroidir les composants à mesurer jusqu'à des tem-pératures de l'ordre de quelques dixièmes de Kelvin. Ils fonctionnent avec de l'héliumliquide (4He et 3He) [5]. Le plus simple des cryostats est constitué d'une simple cannequ'on plonge dans un vase rempli d'hélium liquide, à la température de 4, 2 K. L'échan-tillon est contenu dans une enceinte, appelée calorimètre, dans laquelle on fait d'abord levide pour en extraire tous les gaz qui pourraient geler à cette température. Le vide est unbon isolant thermique, donc pour accélérer la thermalisation de l'échantillon à 4, 2 K, onintroduit dans ce calorimètre une petite quantité d'hélium, appelée gaz d'échange.

Pour atteindre des températures plus basses, une première technique est d'utiliser lespropriétés de l'hélium liquide en équilibre avec sa vapeur. En pratique, on remplit partiel-lement un pot avec de l'hélium liquide et on pompe sur ce pot pour en abaisser la pression.Ce pot, en contact thermique avec l'échantillon, est situé dans l'enceinte du calorimètre. Ilconvient d'y faire à nouveau le vide, car les parois du calorimètre sont à la température del'hélium liquide dans lequel toute la canne est plongée.

Le cryostat que j'ai utilisé pour la plupart de mes expériences fonctionne sur ce principe.Sa mise en oeuvre est assez simple et plutôt rapide : il faut quelques heures pour atteindre4, 2 K depuis la température ambiante, et ensuite quelques minutes susent pour atteindrela température la plus basse. On peut contrôler le débit de remplissage du pot par une vanneà pointeau qu'on peut régler nement. L'inconvénient est que ce cryostat permet seulementd'atteindre 1 K, au prix de l'utilisation d'une pompe à gros débit (environ 1000 m3/heurepour de l'air à pression atmosphérique). Un schéma de ce cryostat est donné en annexe A,ainsi que la courbe pression-température d'équilibre liquide-vapeur de l'hélium, qui met enévidence qu'il est dicile de descendre plus bas que 1 K avec ce type de cryostat.

Un cryostat plus performant utilise les propriétés d'un isotope de l'hélium, l'3He. Leprincipe est assez similaire à celui décrit précédemment. Ce type de cryostat possède unétage supplémentaire, constitué d'un pot à hélium 3. La mise en oeuvre devient plus com-pliquée. L'hélium 3 doit circuler en circuit fermé. La mise en route du cryostat est aussilégèrement plus longue, de l'ordre de la demi-heure pour passer de 4, 2 K à la températurela plus basse. On y gagne en performance, puisque on peut atteindre avec cette technique300 mK. J'ai utilisé ce cryostat au début de mon stage. Enn, pour gagner encore unedécade de température, l'utilisation d'un cryostat à dilution est nécessaire.

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Lors de mon stage, j'ai été confronté au problème des fuites en cryogénie. C'est d'ailleursce qui a conduit à l'abandon de l'utilisation du cryostat à hélium 31. Comme je l'ai expli-qué ci-dessus, diérentes parties du cryostat doivent être sous vide, et diérents circuitsde circulation de uide cryogénique doivent être isolés les uns des autres. Hors, il est in-dispensable de disposer de passages entre ces cavités, pour passer par exemple les ls demesure de l'échantillon. Il existe en fait un grand nombre de sources de fuite possible, pastoujours évidentes à déceler ou à réparer, surtout sur un cryostat assez ancien.

2.1.2 Mesures de température

Il est évidemment essentiel, pour les expériences et pour s'assurer du bon fonctionne-ment du cryostat, de connaître la température. Le principe est d'utiliser une mesure derésistance par une méthode 4 ls. Pour des températures comprises entre 4 K et la tempé-rature ambiante, on a utilisé un thermomètre rhodium-fer, métallique, dont la résistancediminue quand la température diminue. Pour des températures inférieures, la résistance dece composant ne varie plus, ce qui rend nulle la sensibilité de la mesure, et on utilise alorsun thermomètre en germanium, dont la résistance diverge quand la température diminue(comportement isolant). Il faut installer ces thermomètres au plus près de l'échantillon, ets'assurer du bon contact thermique.

On dispose également d'une résistance de 100 Ω pour chauer par eet Joule et fairevarier la température de l'échantillon à partir de la température de base atteinte par lecryostat. Un régulateur lit les thermomètres et peut maintenir, si on le souhaite, une tem-pérature de consigne.

2.1.3 Thermalisation des câbles

Les câbles (pour mesurer l'échantillon, la température ou pour chauer) apportent dela chaleur car une de leur extrémité est à température ambiante. On les divise en plusieurssections, et à chaque relai, on les met en contact thermique avec un étage du cryostat (parexemple l'étage à 4, 2 K). Pour cela, on utilise du Kapton, qui est un isolant électrique quia la propriété de bien conduire la chaleur.

2.2 Préparation des échantillons

Les composants que nous étudions sont fabriqués dans les salles blanches du LETI surdes substrats de 200 mm. L'espace utile des cryostats est très réduit, ce qui oblige à uti-liser des techniques spéciques pour préparer les échantillons. Chaque substrat contientplusieurs puces identiques, à ceci près que seules une dizaine d'entre elles ont subi lesopérations de lithographie électronique et contiennent une zone active. Chaque puce estdivisée en plusieurs barettes. On peut les distinguer au microscope optique, et repérer lesemplacements des plots de contact.

La première étape est de découper dans le substrat une zone d'environ 8 mm× 8 mm,qui contient un ou plusieurs composants à mesurer. Cela se fait à l'aide d'une pince à cliveret requiert une certaine habileté pour éviter de le couper là où un composant est présent.Cette petite puce est ensuite nettoyée puis collée dans un support avec un vernis spécial(gure 2.1).

1Ce cryostat, après de nombreux services rendus, risque fort de partir à la benne, puisqu'un cryostat à

dilution tout neuf est prêt à être installé à la place.

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Fig. 2.1 Photographie au microscope optique d'un morceau de puce collé sur un support.

Il faut ensuite venir poser des contacts sur la puce. Il est dicile dans un cryostat d'uti-liser un système de pointes. On utilise du l d'or, de 40 microns de diamètre, qui est soudéà l'aide d'une soudeuse à ultrasons, sur un plot à une extrémité, et sur un des contactsdu support à l'autre (gure 2.2). Cette soudeuse est équipée d'un microscope optique, quipermet de viser les plots, de 100 µm× 100 µm, et espacés de 60 microns. Un des contactsdu support, destiné à être connecté à la masse (thermique et électrique), est mis en contactavec la face arrière de la puce par une couche de laque d'argent.

Fig. 2.2 Photographie au microscope optique de la soudure du l d'or sur les plots decontact.

Dans le cryostat, il reste à connecter le support sur le porte-échantillon placé à l'extré-mité du croystat.

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2.3 Circuit de mesure

2.3.1 Instrumentation bas niveau

Les mesures que nous voulons eectuer nécessitent d'utiliser des équipements spéci-ques. À très basse température, pour rester en régime linéaire, nous allons polariser letransistor avec un faible niveau de tension (|eV | . kT ), typiquement 100 µV, ce qui équi-vaut à 1, 16 K. Étant donnée la conductance du transistor, il faut être capable de détecterun courant inférieur au picoampère. Pour éviter les problèmes d'oset, nous utilisons unetechnique de détection synchrone, qui fonctionne à une fréquence de quelques dizaines deHertz : on a choisi pour toutes nos mesures 37, 54 Hz2. Le détecteur synchrone (lock-in)délivre une tension alternative, qu'on applique à un diviseur de tension de facteur 1000.Le courant est amplié par un convertisseur courant-tension, basé sur un amplicateuropérationnel faible bruit AD795. Son gain est 2.108 Ω. Le lock-in utilise cette tension pourla détection synchrone. Expérimentalement, on note que l'ensemble de l'instrumentationproduit un niveau de bruit en courant de 10 fA pour une constante de temps d'environ1 s. Pour polariser la grille, on utilise une source de tension commandée par l'intermédiaired'une bre optique par le port série de l'ordinateur. Une source de tension identique est uti-lisée pour superposer une polarisation continue sur le drain du transistor. Ces deux sourcesde tension et l'amplicateur de courant sont alimentés par des batteries pour éviter lesproblèmes de boucles de masse. On dispose également d'une ligne coaxiale adaptée 50 Ω,pour superposer à la grille un signal HF.

2.3.2 Câblage

Nous avons opté pour une mesure 2 ls, car les transistors ont une résistance supé-rieure à quelques dizaines de kΩ. Nous utilisons des câbles coaxiaux pour les mesures, quiprésentent l'avantage d'être blindés. Nous avons vérié que leur résistance est bien trèsinférieure à la résistance à mesurer (268 Ω pour environ 2 mètres de câble).

Fig. 2.3 Schéma électrique du circuit de mesure

2On a vérié que la mesure ne dépend pas de la fréquence choisie.

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Chapitre 3

Le blocage de Coulomb

3.1 Principe de l'électronique à un électron

L'électronique à un électron met en oeuvre des dispositifs dans lesquels la quanticationde la charge est mise en évidence. Le principe de tels dispositifs est d'associer l'eet tunnelet l'interaction coulombienne : ce principe est appelé blocage de Coulomb [6].

Le dispositif le plus simple qu'on peut imaginer est constitué d'un îlot métallique isoléde réservoirs d'électrons en équilibre à la température T . L'interaction coulombienne entreles charges réparties sur l'îlot et dans les réservoirs se traduit par un couplage capacitif(gure 3.1). Un courant peut s'établir si la probabilité de passage d'un électron d'un ré-servoir à l'îlot par eet tunnel est non-nulle. La charge portée par l'îlot peut uniquementvarier par multiples de la charge élémentaire ±e.

Fig. 3.1 Îlot métallique

Le phénomène de blocage de Coulomb peut se comprendre assez simplement. Aprèsl'ajout d'une charge dans l'îlot, il faut fournir un travail, appelé énergie de charge, pourvaincre le potentiel répulsif créé par la première charge, et en ajouter une nouvelle. Cetteénergie est de l'ordre de e2/CΣ, où CΣ est la somme de toutes les capacités connectéesà l'îlot. Pour que le blocage soit observé, cette énergie doit dominer l'énergie d'agitationthermique, ce qui explique que le phénomène de blocage de Coulomb disparaît à des tem-pératures trop élevées.

e2

CΣ kT (3.1)

Une application numérique montre que cette inégalité est vériée à température ambiantesi CΣ 1 aF. Cela implique que la surface d'une capacité plane formée d'un oxyde de10 nm d'épaisseur soit inférieure à quelques centaines de nm2. On va voir plus précisémentcomment cela se traduit sur un dispositif élémentaire, le transistor mono-électronique.

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3.2 Le transistor mono-électronique

3.2.1 Constitution et modélisation électrique

Ce transistor est constitué d'un îlot isolé de la source et du drain par deux barrièrestunnel. De plus, l'îlot est couplé capacitivement avec une électrode de grille, pour contrôlerle passage du courant. Cette capacité est une vraie capacité électrostatique et non pas unejonction tunnel : on suppose que l'oxyde de grille est susamment épais pour empêcher lecourant de passer par eet tunnel.

Historiquement, les premiers transistors mono-électroniques fabriqués étaient consti-tués de contacts et d'un îlot métalliques, avec des jonctions tunnel faites d'une barrièred'oxyde (Al et Al2O3).

Le schéma électrique adopté pour modéliser ce transitor est donné gure 3.2. On seplace dans l'hypothèse d'un îlot métallique. Dans un premier temps, on fait une étudestatique : le transistor est polarisé par les tensions continues Vd sur le drain et Vg sur lagrille. (La source est la référence des tensions).

Fig. 3.2 Modèle électrique du transistor mono-électronique

On note Q la charge de l'îlot, n le nombre d'électrons en excès sur l'îlot, n1 le nombred'électron qui a traversé du drain vers l'îlot et n2 le nombre d'électrons qui a traversé del'îlot vers la source. La charge de l'îlot se répartit sur les armatures des trois condensateurs,ce qui donne Q = Q2 − Q1 − Qg = −ne, avec n = n1 − n2. Pour les trois condensateurs,on peut écrire Q1 = C1V1, Q2 = C2V2 et Qg = Cg(Vg − V2). Enn, on a Vd = V1 + V2.

En introduisant CΣ = C1 + C2 + Cg, on obtient

V1 =C2Vd + Cg(Vd − Vg) + ne

CΣ(3.2)

V2 =C1Vd + CgVg − ne

CΣ(3.3)

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3.2.2 Diagramme de stabilité

L'objectif du calcul suivant est de déterminer quand les transferts d'électrons à traversles jonctions tunnel sont autorisés. Pour cela, on va étudier si ces transferts entrainentune diminution ou une augmentation de l'énergie du système. Cela suppose implicitementqu'on raisonne comme si la température était strictement nulle (T = 0 K). Après untransfert de charge dans une jonction tunnel, le système quitte l'équilibre électrostatique.Il y revient par la circulation de charges à travers le circuit de polarisation du transistor : lessources fournissent donc un travail pour ramener le système à l'équilibre. L'énergie totaledu système est donc égale à l'énergie potentielle électrostatique, à laquelle on retranche letravail fourni par les sources :

E = Ep −W (3.4)

L'énergie potentielle électrostatique est donnée par :

Ep =Q2

1

2C1+

Q22

2C2+

Q2g

2Cg=

C1V21

2+

C2V22

2+

Cg(Vg − V2)2

2(3.5)

En remplaçant V1 et V2 par leurs expressions (équations 3.2 et 3.3), on obtient nalement :

Ep =C1C2V

2d + C1Cg(Vd − Vg)2 + C2CgV

2g + (ne)2

2CΣ(3.6)

Calculons le travail fourni par les sources quand n2 électrons traversent la jonction 2.Les équations 3.2 et 3.3 montrent que V1 varie de −n2e/CΣ et que V2 varie de n2e/CΣ. Onen déduit que Q1 varie de −n2eC1/CΣ et que Qg varie de −n2eCg/CΣ. Pour faire circulerces charges, les sources fournissent donc le travail W2 = ∆Q1Vd + ∆QgVg, ce qui donne :

W2 = −n2eC1

CΣVd − n2e

Cg

CΣVg (3.7)

De même, lorsque n1 électrons traversent la jonction 1, V1 varie de n1e/CΣ et V2 varie de−n1e/CΣ. On en déduit que Q1 varie de n1eC1/CΣ et que Qg varie de n1eCg/CΣ. Il seraitfaux d'écrire que le travail fourni par les sources est W1 = ∆Q1Vd +∆QgVg, car la variationde charge ∆Q1 aux bornes de la première jonction n'est pas due uniquement aux chargesamenées par la source : il y a n1 électrons qui sont partis à travers la jonction. On va écrireque W1 = (∆Q1 − n1e)Vd + ∆QgVg.

W1 = −n1eC2

CΣVd − n1e

Cg

CΣ(Vd − Vg) (3.8)

Finalement, l'énergie du système s'écrit

E =C1C2V

2d + C1Cg(Vd − Vg)2 + C2CgV

2g + (ne)2

2CΣ

+n1e(C2Vd + Cg(Vd − Vg))

+n2e(C1Vd + CgVg)

CΣ(3.9)

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Il ne reste plus qu'à étudier les transferts possibles en calculant la variation d'énergie dusystème. Dans ces expressions, n désigne le nombre d'électrons de l'îlot avant le transfert.

n2 −→ n2 + 1 si Vd <(2n− 1)e− 2CgVg

2C1(3.10)

n2 −→ n2 − 1 si Vd >(2n + 1)e− 2CgVg

2C1(3.11)

n1 −→ n1 + 1 si Vd <−(2n + 1)e + 2CgVg

2(C2 + Cg)(3.12)

n1 −→ n1 − 1 si Vd >−(2n− 1)e + 2CgVg

2(C2 + Cg)(3.13)

Ces inégalités délimitent des zones du plan (Vd,Vg) dans lesquelles les transferts d'électronssont autorisés. Sur la gure 3.3, on considère le cas n = 1. Le couple de droites parallèlesmontantes est dénie par les équations 3.12 et 3.13. Elles ont pour pentes Cg/(C2 + Cg) etdélimitent la zone dans laquelle aucun électron ne peut traverser la jonction 1. Le couple dedroites parallèles descendantes est dénie par les équations 3.10 et 3.11, et ont pour penteCg/C1. Elles délimitent la zone dans laquelle aucun électron ne peut traverser la jonction2. Dans la zone grisée, le transistor est donc bloqué. Aucun courant ne peut s'établir.

VdVd

VgVg1

2

e

Cg

3

2

e

Cg

n1

n1

n2

n2

Fig. 3.3 Représentation des transitions autorisées lorsqu'un électron est en excès surl'îlot (n = 1). De part et d'autre des droites, il est indiqué si n1 et n2 peuvent augmenterou diminuer d'une unité. Dans la zone grisée, le transistor est bloqué.

À partir de l'étude de ces transitions, on construit le diagramme de stabilité du tran-sistor (gure 3.4). Il met en lumière l'existence de diérentes zones en forme de losange,qu'on nomme généralement diamants de Coulomb. Les zones grisées correspondent aufonctionnement bloqué du transitor. Dans toutes les autres zones, le passage d'un courantest possible. En particulier, pour Vg = . . . ,−1

2e

Cg, 1

2e

Cg, 3

2e

Cg, . . ., l'application d'une très

faible tension de drain provoque le passage du courant. Il en résulte qu'une courbe I(Vg) àfaible Vd comporte des pics espacés de

∆Vg =e

Cg(3.14)

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e

1

2

e

Cg

3

2

e

Cg

−1

2

e

Cg

−3

2

e

Cg

n = −2 n = −1 n = 0 n = 1 n = 2

VdVd

VgVg

Fig. 3.4 Diagramme de stabilité du transistor mono-électronique

3.2.3 Spectre en énergie de l'îlot

Rôle de l'énergie de charge

On se place maintenant dans le cas d'une tension de drain nulle. L'énergie du système(équation 3.9) se met sous la forme

E(n) =(C1 + C2)CgV

2g + (ne)2 − 2neCgVg

2CΣ(3.15)

=e2

2CΣ

(n− CgVg

e

)2

+(

12− Cg

)CgV

2g (3.16)

On peut la décomposer en somme de niveaux d'énergie

E(n) = E0 +n∑

m=1

wn (3.17)

avec

wn = E(n)− E(n− 1) =e2

(n− 1

2− CgVg

e

)(3.18)

La signication de cette décomposition est que l'énergie totale est répartie entre lesdiérents électrons ajoutés à l'îlot, qui remplissent successivement des niveaux d'énergieeectifs (un par niveau d'énergie). Ces niveaux sont séparés d'une quantité qui n'est autreque l'énergie de charge e2/CΣ. Il faut noter l'importance du facteur α = Cg/CΣ, quiexprime le couplage entre les niveaux d'énergie et la tension de grille, qui est le paramètreaccessible à l'expérimentateur.

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Ce raisonnement permet de retrouver les valeurs de Vg pour lesquelles l'ajout d'un élec-tron dans l'îlot est possible. À partir d'une situation à n électrons, l'ajout d'un électron estpossible quand wn+1 est nul, ce qui donne Vg = e

Cg

(n + 1

2

). Pour cette valeur de Vg, on

peut parler de dégénérescence de l'énergie de l'îlot : E(n) = E(n + 1). Les deux situations,n ou n + 1 électrons dans l'îlot, sont stables.

Cette décomposition en niveau d'énergie est intéressante dans la mesure où elle permetune représentation graphique en terme de spectre d'énergie (gure 3.5).

Fig. 3.5 Représentation schématique des niveaux d'énergie eectifs de l'îlot.(a) Situation de blocage de Coulomb : aucun niveau ne permet le passage des électrons dela source vers le drain.(b) Après augmentation de Vg, le passage du courant est à nouveau permis : il peut y avoir3 ou 4 électrons en excès dans l'îlot.

Validité de l'hypothèse de l'îlot métallique

Dans le raisonnement qui précède, on s'est placé dans l'hypothèse d'un îlot métallique.En eet, on n'a pas tenu compte du spectre d'énergie de l'îlot, qui ne doit pas être confonduavec le spectre eectif dû à l'énergie de charge qu'on a mis en évidence. En réalité, les élec-trons sont connés dans un puits de potentiel, et il va en résulter que ceux-ci ne peuventoccuper que des niveaux d'énergie discrets. L'écart entre les niveaux dépend de la formedu puits de potentiel. Notons ∆ cet écart moyen. L'hypothèse d'un îlot métallique se tra-duit par ∆ kT . Cette approximation permet une description classique du blocage deCoulomb : c'est le modèle orthodoxe.

À basse température, ce sont les électrons au niveau de Fermi qui participent au trans-port électronique. L'écart ∆ exprime la variation du niveau de Fermi quand un électronest ajouté à l'îlot. On peut donc écrire

〈∆〉 =1

g(EF )Ω(3.19)

où Ω est le volume de l'îlot et g(EF ) la densité d'état au niveau de Fermi. Dans les semicon-ducteurs, la densité d'état au niveau de Fermi est beaucoup plus faible que dans un métal.L'approximation ∆ kT n'est plus possible, et cela a un eet sur les caractéristiquesélectriques du transistor mono-électronique [7]. En général, on a quand même ∆ e2

CΣ.

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Si on suppose que l'écart entre les niveaux ∆ est constant, on montre facilement queles pics de Coulomb sont espacés de

∆Vg =e

Cg

(1 +

e2∆

)(3.20)

Cette situation est illustrée par le schéma 3.6, qui généralise la gure 3.5.

Fig. 3.6 Les niveaux représentés sont les niveaux du spectre d'excitation de l'îlot. Pource schéma, chaque niveau est occupé avec un seul électron. Après l'ajout du 4e électron,tout le spectre se décale de l'énergie de charge. Pour ajouter un 5e électron, il va falloiraugmenter Vg de telle sorte de baisser les niveaux de l'îlot de e2

CΣ+ ∆.

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Chapitre 4

Résultats expérimentaux et

interprétation

4.1 Caractéristiques du transistor MOSFET

On commence par vérier le fonctionnement du transistor à température ambiante. Ons'intéresse en particulier à la caractéristique courant de drain en fonction de la tension degrille, à faible polarisation. Le transistor fonctionne en régime linéaire, donc on va donnerla conductance du canal plutôt que le courant. Cette caractéristique est donnée gure 4.1,à la fois en échelle linéaire et logarithmique.

Fig. 4.1 Conductance du transistor E26S1D5 en régime linéaire en fonction de la tensionde grille.

4.1.1 Fonctionnement sous le seuil

Quand la tension de grille est inférieure à la tension de seuil, le canal du transistor estdéplété en électrons. Le canal forme une barrière de potentiel pour les électrons entre la

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source et le drain. Le franchissement de cette barrière est thermiquement activé, et on peutécrire la conductance comme étant proportionnelle à exp( e

kTCg

CΣVg). Le facteur α intervient

dans cette pente car il reète comment la tension de grille contrôle électrostatiquement lepotentiel sous la grille, c'est-à-dire la hauteur de la barrière de potentiel. On mesure unepente sous le seuil de 98 mV/décade, ce qui correspond à un facteur α = 0, 6.

4.1.2 Régime de conduction

Pour une tension de grille supérieure à la tension de seuil, la conductance linéaire d'untransistor est donnée par

G =µnCg

L2(Vg − Vt) (4.1)

où µn est la mobilité des électrons dans le nanol, et Vt la tension de seuil.

Le tracé expérimental de cette conductance (gure 4.1) montre que ce modèle linéaire neva pas convenir. Un premier problème est qu'il ne tient pas compte des résistances d'accèssource/canal et canal/drain, qui sont importantes dans le transistor étudié du fait du faibledopage dans les zones sous les espaceurs. On va donc revoir le modèle en introduisant unerésistance en série avec le canal. De plus, ce modèle est très sensible au paramètre L, lalongueur du canal. Cette longueur est certainement supérieure à la longueur de la grille,dénie par la fabrication. En eet, les zones du l à proximité de la région sous la grille sontpartiellement couplées à celle-ci, ce qui se traduit par une longueur eective Le supérieureà la longueur de grille. On adopte donc le modèle suivant :

G =(

L2e

µnCg(Vg − Vt)+

2Lespaceur + Lg − Le

neµnS

)−1

(4.2)

S désigne la section du nanol. On suppose que tous les dopants présents sous les espa-ceurs sont ionisés : la densité d'électrons n dans les résistances d'accès est prise égale à laconcentration de donneurs (5.1017 cm−3). Cette modélisation par des résistances ne rendpas bien le fait qu'on a des barrières de potentiel. Pour la capacité de grille, on utilisela valeur Cg = 19, 3 aF, estimée à l'aide de l'espacement entre les pics de Coulomb (voirparagraphe 4.2.2). À partir de la courbe expérimentale, on utilise une estimation au sensdes moindres carrés pour extraire les paramètres suivants :

longueur eective du canal : Le = 116 nm mobilité des électrons dans le l : µn = 150 cm2V−1s−1

tension de seuil : Vt = −0.25 VLa mobilité des électrons est 10 fois plus faible que la valeur donnée pour le silicium massifintrinsèque. Elle est aussi inférieure à celle du silicium massif au même niveau de dopage,ce qui est dû à la taille réduite du système. La longueur de grille vaut 60 nm, ce qui faitque la canal empiète de 28 nm sous chaque espaceur.

4.2 Fonctionnement en régime mono-électronique

Lorsque la température diminue de 300K à quelques dizaines de Kelvin, on observeprincipalement une diminution de la conductance. En deçà, la courbe Id(Vg) évolue pourfaire apparaître des oscillations de Coulomb (gure 4.2), d'autant plus contrastées que latempérature est basse. C'est la manifestation du phénomène de blocage de Coulomb : lepassage du courant ne se fait qu'autour de certaines valeurs de la tension de grille, pourlesquelles un niveau d'énergie de l'îlot est aligné avec le niveau de Fermi de la source et dudrain. A chacune de ces oscillations, l'ajout d'un nouvel électron dans l'îlot est autorisé. Ilest remarquable d'observer plus de 200 oscillations successives et très régulières.

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Fig. 4.2 Évolution de la conductance du transistor E27S1D4 avec la température

4.2.1 Formation d'un transistor mono-électronique

Obtention des barrières

Il convient, avant toute chose, d'expliquer qualitativement pourquoi le transistor à na-nol se comporte comme un transistor mono-électronique. Dans de tels transistors, il n'y apas de couche d'oxyde pour isoler le drain et la source d'un îlot. Alors, comment obtient-onces barrières tunnels ?

Une modulation de dopage le long du nanol a été intentionnellement créée, par l'uti-lisation d'espaceurs autour de la grille [8]. Il en résulte une modulation de la densité deporteurs de charge le long du canal, qui s'accompagne de la formation d'une barrière depotentiel entre la source et le drain (gure 4.3). L'électrode de grille permet d'abaisserlocalement le potentiel sous la grille. Ce contrôle électrostatique ne s'étend pas dans lesaccès peu dopés. La zone du canal sous la grille se comporte alors comme un îlot.

Le morceau de l de silicium situé sous un espaceur est dopé à 5.1017 atomes d'arsenicpar cm3. À ce niveau de dopage, le silicium se comporte comme un isolant, d'autant plusqu'à basse température, les charges libres sont localisées sur les atomes dopants.

Fig. 4.3 Représentation schématique du diagramme de bandes dans la structure. Enpointillé : cas d'un potentiel positif appliqué à la grille.

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Conditions d'observation du blocage de Coulomb

Pour voir se manifester le blocage de Coulomb, les résistances des jonctions tunnel1

doivent être supérieures au quantum de résistance he2 = 25.8kΩ . C'est en eet la condition

du connement des électrons dans l'îlot. Le temps caractéristique de chargement de l'îlot estτ = RtC. Sur cette échelle de temps, l'électron a une incertitude en énergie de ∆E = h/τ .Cette incertitude doit rester faible devant l'énergie électrostatique mise en jeu, de l'ordrede e2/C. Cela implique

Rt h

e2(4.3)

Dans nos échantillons, on observe des oscillations de Coulomb très bien dénies. Àtempérature ambiante, la résistance du nanol est supérieure au quantum de résistance :on peut donc conclure que chaque barrière a une résistance susamment forte pour que leconnement des électrons dans l'îlot soit assuré. Il faut aussi que ces résistances ne soientpas trop fortes, sinon le courant à basse température risque d'être trop faible pour êtreobservé. Par exemple, dans l'échantillon E27S1D4, la conductance au dessus du seuil à300 K est comprise entre 50 et 70 % du quantum de conductance, et à basse tempéra-ture (1 K), la conductance vaut 10 % du quantum. L'observation du blocage de Coulombdans des transistors MOSFET à basse température est un thème de recherche étudié aulaboratoire depuis quelques années déjà. Diérents types d'échantillon ont été mesurés. Enparticulier, la situation inverse a déjà été observée (gure 4.4) : à température ambiante,la résistance du l est inférieure au quantum, et, à basse température, il n'apparaît pasd'oscillations périodiques de Coulomb et la conductance devient même plus grande à fortVg (augmentation de la mobilité des porteurs dans la bande de conduction).

Fig. 4.4 Les accès de cet échantillon ont une conductance élevée : les électrons ne sontpas bien connés sur l'îlot.

4.2.2 Analyse des pics de Coulomb

L'espacement entre les pics est directement relié à la capacité de grille (équation 3.14).Pour procéder à l'analyse automatique de cet espacement, on pourrait se contenter dedétecter les maxima successifs de la courbe, mais alors on risquerait de commettre une

1On peut associer à une jonction une résistance constante, si on fait l'hypothèse que le coecient de

transmission d'une barrière tunnel est indépendant de l'énergie des porteurs incidents.

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erreur d'estimation, due à l'échantillonnage en Vg. Cette erreur serait toutefois assez faible :on a fait une acquisition en incrémentant Vg par pas de 0, 3 mV, et les pics sont espacésd'environ 9 mV. Pour être plus précis, on va ajuster un modèle à chaque pic de Coulomb.Ce modèle est donné, dans le cadre de la théorie orthodoxe, par

G =12

GsGd

Gs + Gd

eα(Vg−Vg0)kT

sinh(

eα(Vg−Vg0)kT

) (4.4)

où α est le rapport Cg/CΣ, et Vg0 est la valeur de la tension de grille à la résonance deCoulomb.

Les espacements successifs sont tracés gure 4.5. Cet espacement ne dépend quasimentpas de Vg, ce qui indique que la capacité de grille est constante. C'est compréhensible,puisque la grille est un élément xé lors de la fabrication du composant. On détermineun écart moyen de 9, 3 mV pour l'échantillon E27S1D4 et de 8, 3 mV pour l'échantillonE26S1D5, ce qui donne respectivement des capacités de grille de 17, 2 aF et 19, 3 aF. Ladiérence entre les deux échantillons s'explique simplement par leur géométrie diérente :le deuxième échantillon a une grille plus longue de 10 nm que celle du premier. Pour seconvaincre que l'îlot est localisé sous toute l'étendue de l'électrode de grille (et sous elleseulement), on va vérier que ces valeurs sont en accord avec une estimation simple de cescapacités par un calcul géométrique.

Cg =ε0εoxSgrille

toxavec Sgrille = Lg(W + 2

√2H) (4.5)

On trouve respectivement 18, 6 aF et 22, 4 aF avec les données du tableau 1.1. On a tenucompte de la géométrie exacte de la grille, qui enjambe le l. Cette estimation ne prendpas en considération les eets de bords. Elle est donc imprécise mais on voit qu'elle donneune très bonne approximation du résultat.

Fig. 4.5 Évolution de l'écart entre les pics successifs en fonction de la tension de grillepour l'échantillon E27S1D4 à 1 K. L'espacement moyen est de 9, 3 mV, et l'écart type estde 0, 9 mV.

Dans le modèle adopté (équation 4.4), la largeur caractéristique des pics est fonction dela température et du facteur α, qui dépend lui-même des diérentes capacités du système.

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L'analyse des diérents pics va donc permettre d'estimer la température eective des élec-trons. Pour cela, il faut des informations sur les capacités Cs et Cd, que nous allons obteniravec les diamants de Coulomb [9].

4.2.3 Observation des diamants de Coulomb

On trace la conductance drain-source du composant en fonction de la tension de grilleet de la tension de polarisation appliquée au drain. En pratique, on applique sur le drainla superposition d'une composante continue et du signal alternatif nécessaire à la détectionsynchrone. Il en résulte qu'on mesure la conductance diérentielle de l'échantillon, c'est-à-

dire ∂Id∂Vd

∣∣∣Vg

.

On observe une succession de diamants (gure 4.6) très bien dénis, réguliers, et centrésautour de Vd = 0V , qui indiquent les zones de blocage de Coulomb. La hauteur deces diamants est liée à l'énergie de charge : elle est égale à e/CΣ. Celle-ci diminue au fur àmesure de l'augmentation de Vg. Comme Cg est sensiblement constant, cela indique que Cs

et Cd augmentent [10]. On peut les déterminer à l'aide des pentes des bords des diamants.

Fig. 4.6 Diamants de Coulomb de l'échantillon E27S1D4 observés à 1 K. Le pas en Vg

est de 0, 3 mV, et le pas en Vd est de 0, 25 mV.

Pour l'analyse des pentes, on trace un petit nombre de diamants (gure 4.7), exploitantainsi la haute résolution utilisée pendant l'acquisition. On mesure Cg

Cs+Cg= 0, 52 et Cg

Cd=

1, 01, d'où Cs = 16 aF et Cd = 17 aF. Il est illusoire de donner des valeurs plus précises deces capacités : les pentes des diamants ont été tracées à la main , ce qui entraîne quecette détermination dépend beaucoup de l'échelle de couleur choisie pour le tracé. Si onsouhaite utiliser un protocole reproductible, il faut tracer les courbes G(Vg) à Vd donné, etxer un critère sur le niveau de conductance. On en déduit le facteur α = 0, 34 et l'énergiede charge e2

CΣ= 3, 2 meV, ce qui est compatible avec la valeur de Vd pour laquelle les deux

droites se croisent. Cette énergie est bien très supérieure à kT , qui vaut 8, 6.10−2 meV à1 K.

Dicultés expérimentales et charges d'environnement

La régularité de ces diamants est vraiment remarquable. En eet, une des dicultéssouvent rencontrée est la sensibilité aux charges d'environnement. Une charge placée au

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Fig. 4.7 Diamants de Coulomb de l'échantillon E27S1D4 observés à 1 K.

voisinage de l'îlot agit sur le couplage électrostatique entre la grille et l'îlot, ce qui se traduitpar un décalage en Vg des pics de Coulomb. Pour enregistrer ces diamants, nous devonsprocéder à une variation progressive de Vg. Un saut trop brutal peut modier l'état decertaines charges, et par conséquent brouiller les gures observées. C'est probablement cequi explique les défauts de la gure 4.6, par exemple autour de Vg = 0, 27 V.

Température eective des électrons

Munis de la valeur de α, nous pouvons en déduire la température eective des électrons.La courbe 4.8 présente le résultat de l'ajustement eectué à l'aide de l'équation 4.4. À latempérature de 1 K, relativement élevée, les pics sont très élargis, si bien qu'il n'y a pasréellement de blocage entre les résonances. Le modèle donne une température eective desélectrons de 1, 5 K, légèrement supérieure à la température du cryostat.

Fig. 4.8 Ajustement des pics de Coulomb de l'échantillon E27S1D4 à 1 K.

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4.2.4 Analyse des premiers pics de Coulomb

Étude statistique

Le tracé d'une courbe G(Vg) à tension de drain nulle ne permet pas d'observer lespremiers pics de Coulomb, qui correspondent aux premiers électrons ajoutés à l'îlot. Eneet, le courant associé à ces premiers pics se confond avec le bruit. L'application d'unetension de drain provoque le passage d'un courant plus important, et ces premiers pics setraduisent par les diamants de Coulomb présentés sur la gure 4.9.

Fig. 4.9 Premiers diamants de Coulomb de l'échantillon E27S1D4 observés à 1 K. Lesdiamants ne se ferment pas tous pour Vd = 0 car le courant est trop faible. La courburedes diamants observée à fort Vd est attribuée à une erreur expérimentale. Juste avant decommencer l'acquisition, Vd a été brutalement modié de −2 mV à 10 mV et Vg a étéprogressivement passé de 900 mV à −50 mV par pas de 100 mV. On peut penser quece saut trop brusque a entrainé un changement de l'état de charge de diérentes chargesd'environnement, dont on observe la relaxation lente pendant les 5 premières heures del'acquisition.

À la diérence des pics obtenus à plus fort Vg (paragraphe 4.2.2), les premiers pics nesont pas très régulièrement espacés. Le tableau suivant donne la position des premiers picsavec une précision de ±0, 2 mV.

Vg (mV) -34,0 2,0 31,0 41,0 57,8 65,2 73,8 82,0

On peut proposer une interprétation de ce résultat en se référant au paragraphe 3.2.3 etnotamment à la formule 3.20. Pour les premiers pics, l'énergie à payer pour ajouter unnouvel électron dans l'îlot est l'énergie de charge, supposée constante dans notre modèle, àlaquelle s'ajoute l'écart ∆ entre les niveaux discrets de l'îlot. On peut aisément concevoirque cet écart ∆ est important pour les premiers électrons, et qu'il devient ensuite com-plètement négligeable quand un grand nombre d'électrons est présent dans l'îlot. La façondont on remplit successivement ces niveaux est importante, mais met en jeu des eets despin qu'il est dicile de prévoir.

La formule 3.20 se met sous la forme

e2

CΣ+ ∆ = αe∆Vg (4.6)

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On constate que les premiers diamants ont des pentes presque identiques. Pour simplierl'analyse, on va donc considérer un coecient α moyen. On trouve α = 0, 55, ce qui permetde déduire les écarts entre les niveaux d'énergie de l'îlot.

αe∆Vg (meV) 19,8 16,0 5,5 9,2 4,1 4,7 4,5

Ces écarts sont tous supérieurs à la valeur obtenue à plus fort Vg : αe∆Vg = 0, 34 ×9, 3 meV = 3, 2 meV, qu'on identie à l'énergie de charge. La diérence est l'écart ∆ qu'oncherche. Cette méthode permet d'estimer le spectre d'énergie de l'îlot (gure 4.10). Lesdeux premiers écarts entre les niveaux excités sont relativement grands, et sont loin d'êtrenégligeables devant l'énergie d'agitation thermique à température ambiante (25 meV) etl'énergie d'ionisation des donneurs arsenic (45 meV).

0

16.6

29.4

31.7

37.738.640.141.4

Niveaux d’energie (en meV)Niveaux d’energie (en meV)

Fig. 4.10 Spectre d'excitation de l'îlot estimé à l'aide de l'observation des premiersdiamants de Coulomb.

États excités

La gure 4.9 met en évidence un détail intéressant : chacune des zones passantes estconstituée de lignes parallèles. C'est particulièrement visible pour le pic obtenu à tensionde grille nulle. La gure 4.11 montre un agrandissement de cette zone, réalisée à partird'une nouvelle acquisition plus ne.

Cette courbe est très riche et plusieurs éléments méritent un commentaire. Tout d'abord,on peut procéder au calcul des pentes. La pente montante donne Cd

Cg= 0, 434 et la pente

descendante donne Cs+Cg

Cg= 1, 204. On en déduit le facteur α = Cg

CΣ= 0, 611. α . 1 signie

que Cg est supérieur à Cd et Cs. On retrouve la valeur qu'on a obtenu à l'aide de la pentesous le seuil à température ambiante. C'est normal dans la mesure où le premier pic observécorrespond eectivement à une tension de grille proche du seuil.

On voit aussi que le diamant se duplique. Tout se passe comme s'il subit un décalageen Vg et en Vd. Ce phénomène, reproductible, a été expliqué en détail [11, 12]. Une impu-reté présente dans l'environnement capte une charge. Ce piège est couplé capacitivementà l'îlot : en se chargeant, il agit comme une grille polarisée négativement. Il faut doncaugmenter Vg d'une quantité supplémentaire pour permettre l'ajout d'une nouvelle charge

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Fig. 4.11 Agrandissement d'un diamant de Coulomb

dans l'îlot. Cette impureté est également couplée au drain, ce qui permet de dénir unmodèle électrostatique qui rend compte du décalage en Vd.

Les lignes parallèles sont directement liées au spectre d'excitation de l'îlot [7]. Ces lignesparallèles sont montantes . On a vu au paragraphe 3.2.2 que ce type de ligne est carac-téristique de la sortie d'un électron de l'îlot. L'apparition d'une ligne dans un tracé d'uneconductance diérentielle indique que le courant augmente. À Vd positif, dans une zonedans laquelle le transistor est passant, un électron peut rentrer de la source vers un niveaude l'îlot, et ce niveau peut se vider quand l'électron est transféré de l'îlot vers le drain. Ceniveau est le niveau occupé de plus haute énergie. C'est ce qui est illustré sur la gure 3.6.Quand on augmente Vd, les niveaux situés sous ce niveau vont se retrouver successivementau dessus du niveau de Fermi du drain : ils vont pouvoir également se vider en cédantleur électron au drain, ce qui est à l'origine de l'augmentation par paliers du courant. Enmesurant l'écart entre les intersections de ces lignes avec l'axe des abscisses, on va accéderà l'écart ∆ entre les niveaux de l'îlot, au facteur α près. Les trois premières lignes bienmarquées donnent 〈∆〉 = 0.85 meV.

Toutes ces lignes ne sont pas très bien dénies. En fait, pour que ces lignes soient vi-sibles, il faut que les niveaux excités de l'îlot soient bien séparés. Leur largeur intrinsèqueainsi que l'écart entre ces niveaux doivent être inférieurs à kT . Il sera fort intéressant derefaire ces acquisitions en utilisant un cryostat à dilution.

On remarque aussi une bande un peu oue pour Vd compris entre −9 mV et −5 mV.Elle correspond à un problème expérimental : la température de l'échantillon est remontéeà 4 K. On voit par ce biais l'eet de la température, qui élargit les pics et, par conséquent,brouille l'image 2D.

4.3 Comparaison des deux échantillons

4.3.1 Observation de résonances supplémentaires

L'échantillon E27S1D4 présente des caractéristiques très régulières. Il correspond aufonctionnement presque idéal du composant monoélectronique. L'échantillon E26S1D5,quand à lui, se comporte de façon un peu diérente. On le voit bien sur la courbe G(Vg) :

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on observe deux résonances, pour Vg = 0, 44 V et Vg = 0, 67 V (gure 4.12). On s'aperçoitmême que ces résonances font apparaître une structure en diamant (gure 4.13) qui modulel'ensemble des diamants attribués aux oscillations de Coulomb.

Fig. 4.12 Conductance de l'échantillon E26S1D5 en fonction de la tension de grille.

Fig. 4.13 Diamants de Coulomb de l'échantillon E26S1D5 à 1 K.

On peut émettre l'hypothèse qu'il existe un îlot secondaire dans lequel on peut ajouterau moins deux électrons. Il reste à préciser quel élément physique est responsable de laformation de cet îlot, et comment il est couplé à la grille, au drain, à la source, et éven-tuellement à l'îlot principal. Pour évaluer ce couplage, on peut déterminer les diérentescapacités. L'écart entre les deux résonances est de 0, 23 V, ce qui donne une capacité degrille de 0, 70 aF. Les pentes donnent Cd = 11, 9 aF et Cs = 13, 7 aF. Cela donne un facteurα = 0, 026 et une énergie de charge de 6, 1 meV. Ces valeurs sont à comparer à celles pourles diamants réguliers. On a trouvé Cg = 19, 3 aF, et les pentes donnent Cd = 42 aF et

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Cs = 20, 2 aF (Ces deux valeurs ont été calculées pour Vg = 460 mV. Elles donnent aumoins un ordre de grandeur puisqu'on a vu que Cs et Cd varient avec Vg).

4.3.2 Fluctuations mésoscopiques

Ces résonances sont observées dans un seul des deux échantillons mesurés. Les tra-vaux précédents qui ont été eectués au sein du laboratoire sur des échantillons similairesmontrent, qu'à basse température, tous les échantillons se comportent diéremment. Untrès petit nombre de dopants est présent dans cette nanostructure cristalline : sous unespaceur, le l a un volume de Lespaceur ×W × H = 5, 1.10−17 cm3, et contient donc enmoyenne 25 atomes dopants. Le désordre, gé par le refroidissement, est, par conséquent,diérent d'un échantillon à un autre. On peut par exemple imaginer des diérences sur lenombre de dopants activés présents dans l'îlot ou sous les espaceurs.

Le transfert d'un électron d'un contact vers l'îlot ne se fait pas par eet tunnel di-rect : le courant qui en résulterait dépend exponentiellement de la longueur de la barrièreet serait donc bien plus faible que le courant qu'on mesure. Le transport s'établit via lesétats électroniques localisés autour des atomes dopants. Cela peut, en particulier, expliquerpourquoi les tracés G(Vg, Vd) ne sont pas symétriques en Vd (On le voit par exemple surla gure 4.11). Le désordre rompt la symétrie de fabrication des dispositifs, qui n'existequ'à l'échelle macroscopique. La répartition aléatoire des dopants fait que les chemins depropagation des électrons ne sont pas identiques dans chacun des espaceurs. On a observédes uctuations au fur et à mesure des diérents refroidissements2 d'un échantillon : unpassage à température ambiante est équivalent à un recuit pour le désordre.

Max Hofheinz a identié, lors de ses travaux de thèse, la signature de dopants uniquesprésents sous les espaceurs [11, 12]. Ces atomes dopants se comportent comme des piègesqui peuvent capter chacun une charge. Ils forment des îlots secondaires, qui perturbent letransport par blocage de Coulomb à travers l'îlot principal. On l'observe par la modica-tion des caractéristiques électriques du transistor mono-électronique. Un modèle basé surun couplage capacitif de ces pièges avec l'îlot, la grille et une électrode (source ou drain se-lon l'espaceur sous lequel est le piège) reproduit dèlement les observations expérimentales.

4.3.3 Interprétation

Dans cet échantillon, la signature est assez diérente. On propose l'existence d'un îlotsecondaire. Tout d'abord, on peut émettre l'hypothèse que cet îlot est en parallèle avecl'îlot principal. Dans le cas de deux îlots en série, le courant est nul si l'un des deux îlotsest bloqué. Ce n'est manifestement pas ce qu'on observe. Quand l'îlot secondaire est blo-qué, on voit toujours les diamants de Coulomb de l'îlot principal. Les valeurs des capacitésindiquent que cet îlot secondaire est aussi bien couplé aux électrodes de source et de drainque l'îlot principal, mais que le couplage à la grille est beaucoup plus faible. On peut alorsémettre l'hypothèse d'un canal parallèle. Le faible couplage à la grille peut faire penserque ce canal est situé plus en profondeur dans le l de silicium. La grille est présenteaussi sur ses côtés, ce qui peut permettre le couplage. On peut expliquer cette situationsi on admet qu'il puisse y avoir une concentration non homogène des dopants dans le canal.

2C'est bien contre notre volonté que nous avons fait subir ces refroidissements successifs à l'échantilon,

mais les fuites en ont décidé autrement !

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Chapitre 5

Conclusion et perspectives

Ce stage, à caractère expérimental, m'a permis de découvrir la physique des basses tem-pératures et les fondements de la cryogénie. Je tiens à remercier mes encadrants MessieursXavier Jehl et Marc Sanquer, qui m'ont guidé tout au long de ce travail.

Les transistors basés sur des nanols sont une des géométries de dispositifs ultimes ex-plorés par la recherche en nanoélectronique. À basse température, un grand intérêt résidedans l'étude du transport électronique à travers ce type de nanostructure semiconductrice,qui constituent des systèmes de basse dimensionnalité, gaz 2D, ls quasi-1D, ou encoreîlots quantiques. Il est régi par les interactions entre électrons et la diusion des électronssur le désordre, créé notamment par la répartition aléatoire des atomes dopants. Le blo-cage de Coulomb se manifeste dans ces transistors, pour peu qu'un îlot soit susammentisolé pour que les électrons y soient connés. Les zones d'accès au canal, dont le dopagea été intentionnellement limité par le dépôt d'espaceurs, sont conçues en tenant comptedu compromis entre un bon connement et une transmission élevée. Les transistors mono-électroniques à base de MOSFETs en silicium permettent d'obtenir un grand nombre dediamants de Coulomb très réguliers. Leur observation est un très bon moyen de détermi-ner les capacités de ces composants, qui ont la particularité d'avoir une capacité de grillequasi-indépendante du nombre d'électrons ajoutés à l'îlot. Le désordre est à l'origine de dif-férences, à basse température, entre les caractéristiques des diérents échantillons. L'étudede ces irrégularités permet de sonder le transport à travers les barrières tunnel, qui sont lesiège d'une transition métal-isolant, et dans lesquels les états électroniques sont localisés.Des impuretés peuvent se comporter comme des pièges pour les charges, ou encore provo-quer la formation d'un îlot secondaire.

D'autres échantillons sont en cours de fabrication, et devraient être disponibles prochai-nement. L'objectif est de diminuer encore le niveau de dopage des accès sous les espaceurs,pour réduire les uctuations dues au désordre. En contrepartie, ces zones seront plus courtespour garantir le passage d'un courant mesurable. Les dispositifs déjà étudiés ont démontréla faisabilité des composants mono-électroniques à base de nanols de silicium. Il est doncprévu d'étudier des dispositifs à plusieurs grilles. Le but est de contrôler le transfert decharge entre un ensemble d'îlots couplés, en vue de la réalisation d'une pompe à électronintégrée sur silicium.

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Annexe A

Compléments de cryogénie

Fig. A.1 Schéma de principe du cryostat à 4He. La vanne froide permet de régler nementle débit de remplissage du pot.

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Fig. A.2 Photographie de l'extrémité du cryostat.

Fig. A.3 Courbe pression-température pour l'équilibre liquide-vapeur de l'4He.

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Bibliographie

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[4] G. Molas : Fabrication, caractérisation et modélisation de dispositifs mémoire déca-

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[11] M. Hofheinz : Coulomb blockade in silicon nanowire MOSFETs. Thèse de doctorat,Université Grenoble I - Joseph Fourier, 2006.

[12] M. Hofheinz, X. Jehl, M. Sanquer, G. Molas, M. Vinet et S. Deleonibus :Individual charge traps in silicon nanowires. European Physical Journal, B(54):299307, 2006.

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