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La lumière: onde et/ou particule ? Claude Fabre Laboratoire Kastler Brossel Ecole Normale Supérieure et Université Pierre et Marie Curie Paris

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La lumière:onde et/ou particule ?

Claude Fabre

Laboratoire Kastler BrosselEcole Normale Supérieure et Université Pierre et Marie Curie

Paris

2005 : « année Einstein »

Ann. Phys. 17, 132 (1905)

« un point de vue heuristique concernant l’émission et la transformation de la lumière »

Einstein y introduit le concept deEinstein y introduit le concept de

quantum de lumière ou « photon »quantum de lumière ou « photon »- Avancée majeure pour la compréhension de la nature de la

lumière- Prix Nobel attribué à Einstein en 1921 uniquement pour cette

découverteEst-ce que tout est connu sur la lumière fin 1905 ?

1905 ne représente qu’une étape dans une longue histoire,qui s’étale de -600 à 2005

NONNON

Antiquité

- Pythagore (-600):La lumière est quelque chosequi est émis par l’oeil

-Démocrite (-400):La lumière est « une impression dans l’airdue à l’œil et à l’objet »

-Euclide (-300):Les rayons de lumière, émis par l’oeil, sont des lignes droites.donne les lois de la réflexion sur un miroir

-Mo di (Chine -400)propagation linéaire, lois de la réflexion

Moyen Age et Renaissance-Ibn-al-Haitam, ou Alhazen (Le Caire 1000):

La lumière est quelque chose qui est émis par l’objet, comme une « balle à l’extrémité d’une flèche»

-Képler (Prague 1600)

« dans la lumière, le mouvement se fait le longd’une droite, et ce qui se déplace est une sorte de surface »

Loi approchée de la réfractionLoi des lentilles et formation des images(après la lunette de Galilée)

- Snell (1625), Descartes (1637), Fermat (1664) : loi de la réfractionoptique géométrique sur des bases solides

- Grimaldi (1665)Découverte de la diffractionsur le bord des ombres

-Römer (1675)La lumière se propage à vitesse finie

les découvertes du 17ème siècle

« Nous ne connaissons pas la nature de la lumière, et utiliser degrands mots sans beaucoup de signification est une imposture »

Huyghens (1678)

La lumière est une sorte d’ébranlementqui se propage en cerclesà partir de la source, et qui estcapable de se renforcer par addition

Explique la propagation linéaire, et les lois de la réflexion et de la réfraction

Newton (1704)Explique les couleursDécrit les « anneaux de Newton »

A la fin du livre, propose une série de questions:

« les rayons de lumière, ne sont-ce pas de fort petits corpuscules élancés ou poussés hors des corps lumineux ? »

Il existe « une disposition transitoire qui dans les progrès durayon revient à intervalles égaux et fait que le rayon, à chaqueretour de cette disposition, est transmis aisément à traversla surface réfringente »

La conception corpusculaire triomphe

Le XVIIIème siècle

Progrès important des outils mathématiques(calcul différentiel et intégral)

Pas de nouvelles découvertes majeures

(on a oublié les points d’interrogation de Newton !)

Young et Fresnel

Objection de PoissonCircular object

Young (~1800) : découvre les interférences: La lumière monochromatiqueest une onde sinusoïdale:

Fresnel (1814-20) : La lumière est une quantité oscillantedéfinie en tous les points de l’espace:Théorie mathématique de la diffractionet des interférences

Il doit exister un point brillantau centre de l’ombre !!

« de la lumière plus de la lumière peut donner de l’obscurité »

Le point brillant existe bel et bien !

Faraday et Maxwell

La Lumière est une onde électro-magnétique

Faraday (1840) introduit le conceptde champ électrique et magnétique (« lignes de forces »)existant en tout point de l’espace

Maxwell (1862) écrit les lois d’évolutionde ces champs et trouve comme solutionles ondes électromagnetiques

« nous pouvons difficilement éviter la conclusionque la lumière est constituée des ondulations transversesdu même milieu qui est la cause des phénomènesélectriques et magnétiques »

?

Trouve une expression satisfaisante pour u(ν)en supposant que les échanges d’énergieentre la lumière et la matière ne sefont que par multiples de Nouvelle constante

de la physique

Planck 1900

Distribution spectral du rayonnement thermique

νh

Einstein 1905

Il déduit de la loi de Planck l’entropie durayonnement thermique

Il trouve la même expression que pour un gaz parfait deN particules d’énergie hν

« L’énergie de la lumière émise par une source ponctuellen’est pas continûment distribuée dans l’espace,mais consiste en un nombre fini de quanta d’énergiequi sont localisés en des points de l’espace, qui se déplacent sans se diviser, et qui ne peuvent être produits et absorbésqu’en unités complètes.»

Einstein 1905 (suite)

νhextractionelectron EhE −= ν

E

Eextraction

Explique l’effet photo-électrique (Hertz, 1887)

La lumière ultra-violette est capable d’arracher les électrons des métaux, mais pas la lumière visible

Les réactions à l’article d’Einstein

Le quantum de lumière d’Einstein

explique bien un petit nombre de phénomènes mystérieux…

… mais est incapable d’expliquer tous les phénomènesondulatoires bien connus de la lumière:interférence, diffraction ….

Le quantum de lumière d’Einsteinse heurte au scepticisme de la communauté des

physiciens

“une bougie allumée vue à une distance légèrement supérieure à un mile”

Plaquephotographique

Expérience de Taylor 1909

Temps de pose croissant

Expérience de Millikan 1916Millikan ne croyait pas à l’existence des photons

Fait des mesures très précises de l’effet photo-électrique

parfait accord avec les prédictions d’Einstein !

Le « compteur de photons »

La lumière apparaît comme une successionde phénomènes ponctuels distribués au hasard : les photons

L’effet photo-électrique permet la détection de photons uniques

Lumière trèsatténuée

Plaque de métaltrès mince

1921: Le Prix Nobel est attribué à Einsteinpour l’effet photo-électrique

L’existence du photon est admise

Opinion générale de l’époque :

- La lumière se comporte comme une particule quand elleinteragit avec la matière

- Elle se comporte comme une onde lorsqu’elle sese propage librement

Pas de théorie complète de la lumière rendant compte de cette dualité

« dualité onde-corpuscule »

Avènement de la Mécanique Quantique

Bohr 1912 : les électrons dans les atomesont des orbites discrètes

1924 De Broglie, 1925 Heisenberg, 1926 Schrödinger …

Quantification des niveauxd’énergie

Naissance d’une théorie cohérente de la matièreradicalement nouvelle:

LA MECANIQUE QUANTIQUE

ji EEh −=ν

Première approche théoriquede l’ interaction matière-lumière

Champ électromagnetique classique Atome quantique

Théorie quantique « ab initio » de :

+

(« approche semi-classique »)

- Permet de trouver la formule de Bohr

ji EEh −=ν-Permet de retrouver exactement les lois d’Einstein de l’effet photo-électrique !

L’approche semi-classique permet d’expliquerla grande majorité des phénomènes lumineux

« saut quantique » de l’électron,et non pas arrivée d’un photon !

FAUTFAUT--ILIL RETIRER SON PRIX NOBEL A EINSTEIN ?RETIRER SON PRIX NOBEL A EINSTEIN ?

Approche semi-classique (suite)

Naissance de l’Electrodynamique Quantique 1925-1930

Dirac, Jordan, Pauli…Appliquent les lois de la Mécanique Quantiqueau champ électromagnetique

L’énergie d’un champ monochromatiqueest quantifiée

E1E2E3E4

E0

E

0

Etats quantiques contenant un nombre fixe de photons

Electrodynamique Quantique (suite)L’incertitude des mesures sur un champ monochromatiqueobéit à une inégalité de Heisenberg

2

Un champ nul à tout instant ne peut exister

L’obscurité totale n’existe pas !

Champ électrique de l’« obscurité » (ou du « vide »)

Existence des « fluctuations du vide »

Les Difficultés de l’Electrodynamique Quantique 1930-1947

- La théorie aboutit à de très nombreuses quantités divergentes:Energie du videAmplitude des fluctuations du vide …

- Quand elle ne diverge pas, elle donne les mêmes résultatsque la théorie semi-classique

- Un seul succès indéniable:explique de manière quantitative l’émission spontanée

1949 Tomonaga, Schwinger, Feynmanrésolvent le problème des quantités divergentes

La situation dans les années 50-70s

La quantification de la lumière n’est utileque pour calculer des propriétés subtiles de la matière

L’approche semi-classique est utilisée par tous les physicienspour calculer les propriétés de la lumièreet de l’interaction matière lumière

Pas d’évidence expérimentale directede l’existence du photon

lorsqu’il se propage librement

L’héroïne de notre histoire: la lame semi-réfléchissante

Une lame semi-réfléchissantedivise une onde en deux parts égales,

mais ne peut pas couper un photon en deux !

(1)

(2)(2)

(1)

Newton: « la lumière a des accès de facile réflexionet de facile transmission avant que de tombersur les corps transparents »

L’expérience cruciale:

(1)

(2)

Détecteur decoïncidences

Théorie Semi-classique:

Théorie Quantique complète

Il ne peut jamais y avoir coïncidence

Des coïncidences peuvent se produire par hasard

Source dePhotonsUniques

Atome unique excité

Expérience avec une source lumineuse très atténuée

(1)

(2)

On mesure descoïncidences !

R. Glauber (prix Nobel 2005) : Une source lumineusetrès atténuée n’est pas une source de photons uniques

Elle produit de temps en temps des paires de photons

Il faut pour l’expérienceune source réellede photons uniques :

Détecteur decoïncidences

Kimble, Dagenais, Mandel 1977

Ils mesurent un taux de coïncidence très faible,incompatible avec la prédiction de la théorie semi-classique

Première preuve directe de l’existence du photonen propagation libre !

après 1977

Non, ce n’est pas la fin de l’histoire !

un exemple:l’interférométrie à deux photons

Est-ce que tout est connu sur la lumière à la fin de 1977 ?

Hong, Ou, Mandel 1986

Générateur de « photons jumeaux »

Lame semi-réfléchissante

Différence de marche0

Taux de coïncidence mesuré

Pas de coïncidencesquand les photonsjumeaux arrivent enmême temps sur lalame semi-réfléchissante

Détecteur decoïncidences

? ?

Interprétation de l’expérience

(2) et (4) donnent lieu à coïncidences !

(1) (2) (3) (4)

1) En termes de champs classiques : il existe toujours une possibilité de coïncidences fortuites

2) En termes de particules classiques :

Dans cette expérience, -la lumière ne se comporte pas comme une onde classique-la lumière ne se comporte pas comme un ensemblede corpuscules classiques

Conclusion: en définitive,la lumière est-elle une onde et/ou une particule ?• La lumière peut ressembler à une onde classique

• La lumière peut ressembler à une particule classique

• La lumière peut ne ressembler à rien de classique !!

Sur quelle image physique s’appuyer alors ?-Interférence entre amplitudes de probabilité

La théorie quantique explique quantitativementtous les phénomènes observés jusqu’à présent

5.0 5.0− 5.0 5.0De la probabilité plus de la probabilité peut donner pas de probabilité !!

- Existence des fluctuations du vide

Quelle est finalementla nature de la lumière ?

Grimaldi 1665

Quel futur pour les études sur la lumière ?

Trouver des phénomènes optiques encore plus étranges

Trouver un résultat expérimental que la théorie quantiqueactuelle n’explique pas !!!

« Nous ne connaissons pas la nature de la lumière, et utiliser degrands mots sans beaucoup de signification est une imposture »

En 2005 nous savons comment décrire tous les phénomèneslumineux connus