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RAPPORT DE JURY
Concours de recrutement des professeurs
des écoles de l’Académie de Créteil
session N°1
épreuve écrite d’admissibilité
mathématiques
CERPE 1
2019
Rapport rédigé par les coordonnateurs de l’épreuve écrite de mathématique :
Eric DEGORCE, IPR
Véronique PAROUTY, IEN
Pascale SCHWAGER, IEN
Marc GUEVEL, IEN
Rapport de jury de l’académie de Créteil CERPE 1 admissibilité 2019
2 Jury placé sous la Présidence de M. Hervé SEBILLE, DAASEN de l’IA-DASEN de Seine-Saint-Denis.
PARTIE 1 [13 points] Les enjeux de l’épreuve de la partie 1
Cette « partie est constituée d’un problème portant sur un ou plusieurs domaines du programme de l’école
ou du collège ou sur des éléments du socle commun de connaissances, de compétences et de culture,
permettant particulièrement d’apprécier particulièrement la capacité du candidat à rechercher, extraire et
organiser l’information utile. » Arrêté du 19 avril 2013 fixant les modalités d'organisation du concours externe, du
concours externe spécial, du second concours interne, du second concours interne spécial et du troisième concours de
recrutement de professeurs des écoles.
Le thème de cette partie était le carré. On s’intéressait ainsi à l’aire de trois, puis cinq, puis sept et enfin
quatre carrés dont les côtés étaient des entiers consécutifs. Le candidat était amené à calculer des aires, à
appliquer les formules de Pythagore et de Thalès, mais aussi à conduire des raisonnements géométriques
moins guidés. Lorsqu’il était demandé quelle devait être la valeur du côté de l’un des carrés pour que l’aire
de la réunion de deux carrés soit égale à l’aire de la réunion de tous les autres, le candidat était conduit à
mettre en équation un problème et à le résoudre, ce qui demandait de posséder des connaissances en
calcul littéral ainsi que de maîtriser la notion de fonction et de courbe représentative. Des notions en
termes d’usage du tableur étaient également requises.
Les points de force identifiés
Les candidats ont su appliquer efficacement les formules, qu’il s’agisse de celle de l’aire d’un carré ou de
celles associées aux théorèmes de Pythagore et Thalès. De même, les candidats ont montré une certaine
aisance pour lire la courbe d’une fonction.
Les principales fragilités rencontrées
Si les candidats ont généralement su appliquer des formules ou réaliser des tâches simples, ils ont éprouvé
bien davantage de difficultés lorsque les questions conduisaient à une activité mathématique plus élaborée.
Ainsi, si les candidats ont souvent su mettre en équation un problème, ils ont plus rarement été capables de
résoudre ladite équation, et ensuite d’en interpréter le résultat dans son contexte. De la même manière, si
la lecture de l’évolution d’une courbe est généralement réalisée avec succès, l’interprétation des résultats de
cette lecture pose souvent problème. Plus généralement, on note des fragilités pour les domaines plus
abstraits, qu’il s’agisse de la maîtrise du calcul littéral (développement, factorisation) ou de la conduite d’un
raisonnement rigoureux pour apporter une preuve en géométrie.
Préconisations et conseils pour se préparer à l’épreuve
Faire des mathématiques ne consiste pas seulement à appliquer des formules en remplaçant des lettres par
des nombres. Des tâches plus délicates sont souvent proposées. C’est pour cela qu’il est important de
parfaitement maîtriser les règles du calcul littéral, c'est-à-dire de savoir développer, factoriser, et résoudre
une équation, notamment une équation produit. Il est également important d’être capable de changer de
registre, c'est-à-dire d’interpréter le résultat d’une équation, ou les positions relatives de deux courbes.
L’épreuve de mathématiques vise à évaluer la maîtrise des savoirs disciplinaires nécessaires à
l’enseignement des mathématiques à l’école primaire et la capacité à prendre du recul par rapport
aux différentes notions. Dans le traitement de chacune des questions, le candidat est amené à
s’engager dans un raisonnement, à le conduire et à l’exposer de manière claire et rigoureuse.
Rapport de jury de l’académie de Créteil CERPE 1 admissibilité 2019
3 Jury placé sous la Présidence de M. Hervé SEBILLE, DAASEN de l’IA-DASEN de Seine-Saint-Denis.
Enfin, le raisonnement, c'est-à-dire l’aptitude à produire une preuve logiquement recevable, notamment
dans le domaine de la géométrie, est une activité essentielle en mathématique qui ne peut être confondue
avec le fait de décrire une figure.
PARTIE 2 [13 points] Les enjeux de l’épreuve de la partie 2
Cette partie est composée d'exercices indépendants, complémentaires à la première partie, permettant de
vérifier les connaissances et compétences du candidat dans différents domaines des programmes de l'école
ou du collège. Ces exercices pourront être proposés sous forme de questions à choix multiples, de questions
à réponse construite ou bien d'analyses d'erreurs-types dans des productions d'élèves, en formulant des
hypothèses sur leurs origines. Arrêté du 19 avril 2013 fixant les modalités d'organisation du concours externe, du
concours externe spécial, du second concours interne, du second concours interne spécial et du troisième concours de
recrutement de professeurs des écoles
Le premier exercice était un « Vrai Faux » permettant de balayer différentes notions : pourcentages,
proportionnalité et volumes, nombres décimaux. Le deuxième exercice, s’appuyant sur des lancers de dés,
proposait une question élémentaire de statistique, suivie d’un problème de probabilités. Le troisième
exercice, à travers le maniement du logiciel « scratch » s’intéressait au programme de construction de
polygones réguliers et notamment aux angles intérieurs et extérieurs.
Les points de force identifiés
Les candidats se sont montrés à l’aise pour exploiter une situation de proportionnalité, lire un tableau
statistique, ou calculer un pourcentage. De même, les notions élémentaires relatives au triangle équilatéral
sont connues.
Les principales fragilités rencontrées
Si les candidats savent appliquer la proportionnalité, ils éprouvent davantage de difficulté lorsqu’il s’agit de
savoir si une relation entre deux grandeurs, est, ou n’est pas, une relation de proportionnalité. Une telle
démarche qui fait appel un niveau d’abstraction plus poussé, nécessite généralement de passer par le calcul
littéral. En matière de pourcentages, si les candidats savent calculer un pourcentage, certains ont additionné
des pourcentages calculés sur des assiettes distinctes, ce qui, dès lors, conduisait à un non-sens. La notion
de partie décimale a souvent posé problème : certains candidats estimant, à tort, que la partie décimale
d’un produit est le produit des parties décimales. En probabilités, la modélisation du lancer de deux dés, par
exemple sous la forme d’un tableau à double entrée, c'est-à-dire d’un produit cartésien, a constitué une
difficulté pour de nombreux candidats. Ce n’est pourtant une fois que l’univers des possibles est solidement
fixé, qu’il est possible de calculer, par simple dénombrement, des probabilités. Enfin, concernant les
polygones réguliers, certains candidats ont confondu l’angle intérieur, et l’angle extérieur, qui était son
supplémentaire.
Préconisations et conseils pour préparer l’épreuve
Il est indispensable de maîtriser la proportionnalité dans les deux sens : exploiter une situation de
proportionnalité, mais aussi déterminer si l’on a affaire à une situation de proportionnalité. Le calcul des
probabilités passe nécessairement par une étape préliminaire consistant à modéliser la situation, c'est-à-
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dire à déterminer l’univers des possibles, ce qui peut parfois passer par la réalisation d’un arbre ou d’un
tableau. Enfin, les notions fondamentales des mathématiques, notamment la connaissance des ensembles
de nombre et des règles opératoires doivent être parfaitement maîtrisées. Ainsi, le produit d’une somme
n’est pas la somme des produits.
PARTIE 3 [14 points] Les enjeux de l’épreuve de la partie 3
Conformément à l’arrêté du 19 avril 2013, la troisième partie de l’épreuve d’admissibilité en mathématique consiste en : « Une analyse d’un dossier composé d’un ou plusieurs supports d’enseignement des mathématiques, choisis dans le cadre des programmes de l’école primaire qu’ils soient destinés aux élèves ou aux enseignants (manuels scolaires, documents à caractère pédagogique), et productions d’élèves de tous types, permettant d’apprécier la capacité du candidat à maîtriser les notions présentes dans les
situations d’enseignement. » Les situations présentées mobilisent des connaissances sur la construction du nombre et la compréhension
juste du fonctionnement de la numération décimale de position. Le calcul en ligne, qu’il s’agisse de
soustraction ou de multiplication, sollicite les connaissances sur la numération décimale de position et les
propriétés des opérations. Pour résoudre des situations de proportionnalité, là encore, il importe
d’identifier rapidement les relations entre les nombres de l’énoncé pour choisir une stratégie de résolution
adaptée. La maîtrise de ces notions permet au candidat d’analyser avec justesse les procédures des élèves.
Les points de force identifiés
Dans la situation 1 :
Globalement l’usage cardinal du nombre et l’intérêt du quai comme étape de la validation ont été reconnus
par la plupart des candidats. Il est vrai que la plus-value du quai en termes d’apprentissage n’a pas été
suffisamment précisée.
Dans la situation 2 :
Les procédures des élèves sont correctement décrites. Rares sont les candidats qui n’ont pas admis
l’exactitude des résultats des élèves cherchant à tout prix des erreurs (certains candidats ont néanmoins
considéré inexact le résultat exprimé sous la forme d’un nombre en centièmes).
Dans la situation 3 :
Les copies des candidats témoignent de la reconnaissance d’une situation de proportionnalité et ont, à de
rares exceptions près, reconnu l’exactitude des réponses des élèves. La situation, classique à l’école
élémentaire, ne semble pas avoir déstabilisé les candidats.
Les principales fragilités rencontrées
Dans la situation 1 :
La principale difficulté rencontrée par les candidats fut de produire une véritable analyse et de dépasser
ainsi la simple description des procédures utilisées par les élèves. La construction du nombre n’est pas
toujours identifiée comme enjeu majeur de la situation d’apprentissage. Les procédures ne sont pas
nommées et perçues comme des étapes de la construction du nombre chez le jeune élève qui n’a pas encore
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compris l’usage du nombre comme mémoire d’une quantité. Ainsi dans les exemples proposés aurait-on
attendu du candidat qu’il ait perçu le recours à la collection témoin pour se souvenir de la quantité à
rapporter ; la correspondance terme à terme ; l’estimation globale ; la représentation spatiale ; etc. La
situation favorisait en outre, la comparaison de quantités, l’auto-validation lors d’un premier essai avant
d’ajuster. L’aspect cardinal du nombre était un élément majeur qu’il eût été souhaitable de caractériser.
L’apport de variables didactiques pour faire évoluer la situation de manière à induire chez l’élève un
changement de procédure, n’est que trop rarement exploité. La variable proposée étant trop souvent un
simple aménagement du support proche d’un habillage de la situation et peu en lien avec l’enjeu
d’apprentissage.
Dans la situation 2 :
Si les candidats ont été très nombreux à percevoir l’intérêt du calcul en ligne pour mobiliser et exercer la
numération décimale de position, le vocabulaire didactique fait trop souvent défaut pour analyser des
procédures : ainsi en est-il des écarts constants pour la soustraction, de la distributivité pour la
multiplication mais aussi de l’usage des unités de numération. Il eût été souhaitable de remarquer dans les
deux exemples à quel point la représentation du nombre en écriture chiffrée à virgule ou en recourant aux
unités de numération (dixièmes, centièmes), avait une incidence sur le choix de la procédure par les élèves.
Il convient de souligner quelques confusions chez nombre de candidats qui témoignent d’une maîtrise
insuffisante du concept de numération décimale de position : les dizaines sont confondues avec les
dixièmes. D’autres candidats ont par ailleurs considéré inexact le résultat exprimé en centièmes.
Dans la situation 3 :
Les différentes procédures liées aux données numériques des problèmes, ne sont que trop rarement
caractérisées. La propriété de linéarité pour l’addition puis pour la multiplication ainsi que le retour à
l’unité étaient attendues pour différencier les procédures dans le cadre d’une analyse des productions
d’élèves. Or, la plupart des candidats adoptent le point de vue de l’élève et se placent en situation de
résoudre eux-mêmes chaque problème : cela conduit à une explicitation, une description sans s’élever au
niveau attendu de l’analyse. Le défaut de vocabulaire didactique et de connaissance des procédures ne
permet pas de procéder à une analyse. La progression des situations présentées qui amène l’élève à adapter
sa stratégie en fonction de la relation entre les nombres en jeu dans l’énoncé, n’est que trop rarement
perçue. Or, un futur professeur des écoles devra être en mesure de concevoir ou choisir la situation et les
données en fonction de la procédure qu’il souhaite faire construire par les élèves pour les amener ainsi à
maîtriser l’ensemble des procédures en vue d’opérer des choix pertinents selon les situations à résoudre.
Enfin, trop de candidats encore n’envisagent que le produit en croix comme unique stratégie de résolution.
Préconisations et conseils pour préparer l’épreuve
- Bien s’approprier le concept de numération décimale de position et s’intéresser à une partie de son histoire
pour mieux en comprendre l’enjeu dans la construction des apprentissages à l’école.
S’entraîner à analyser des réponses erronées d’élèves ou des stratégies différentes pour un même résultat.
En chercher soi-même le plus grand nombre possible pour anticiper des raisonnements issus de productions
de classes avec toujours plus d’aisance.
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6 Jury placé sous la Présidence de M. Hervé SEBILLE, DAASEN de l’IA-DASEN de Seine-Saint-Denis.
- S’assurer de la maîtrise du lexique didactique et l’enrichir afin de gagner en précision et en clarté lors de
l’analyse des procédures d’élèves. Etablir un lien entre les données numériques des énoncés et les
procédures qu’elles induisent : anticiper l’impact d’un changement de nombres dans un énoncé.
- Bien relire les programmes et les fiches didactiques sur le site ministériel EDUSCOL pour chaque notion.
S’approprier les analyses d’obstacles épistémologiques, les variables didactiques envisagées pour faire
évoluer une situation en termes d’apprentissages.
- Se départir des solutions trop formelles telles que le produit en croix pour la proportionnalité ou l’unique
recours au retour à l’unité pour privilégier des procédures qui mobilisent des propriétés, une bonne
connaissance des relations entre les nombres.
- Sur la construction du nombre, lire des ouvrages didactiques qui apporteront un éclairage utile à la lecture
des programmes, quant à elle, essentielle.
Préconisations plus générales pour l’ensemble de l’épreuve mathématique :
Une copie doit être d’emblée claire sans que le correcteur n’ait en permanence besoin de se demander ce
que le candidat a bien voulu dire, douter de la bonne compréhension des notions mathématiques ou se
demander s’il n’y aurait pas malgré tout quelques bonnes idées. Cela implique que la rédaction soit limpide.
Le candidat doit éviter d’enchaîner des lignes de calcul ou de texte, sans aucune articulation entre elles, et
sans que l’on ne sache si chaque ligne traduit ce que l’on sait, ou ce que l’on veut montrer ou ce que l’on a
montré. Certaines copies ressemblent de ce fait à des documents de travail, ou a des « cartes mentales » : se
lisant aussi bien de haut en bas, que de gauche à droite, avec des flèches, des accolades, des bulles, des
encarts sans que l’on puisse clairement percevoir le déroulement logique de la pensée, ce qui est pourtant
essentiel en mathématiques.
L’idéal est que le candidat indique clairement ce qu’il va faire, ce qu’il fait, ce qu’il a fait, ce qu’il sait, ce qu’il
applique, ce qu’il conclut. Une copie qui se lit aisément ne pourra qu’être valorisée. Le futur professeur des
écoles veille à la qualité de sa communication pour être compris de ses élèves.
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RAPPORT DE JURY
Concours de recrutement des professeurs
des écoles de l’Académie de Créteil
session N°1
épreuve écrite d’admissibilité
français
Rapport rédigé par les coordonnateurs de l’épreuve écrite de français :
Evelyne BALLANFAT, IPR
Alain GOREZ, IEN
Jean-François CHLEQ, IEN
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PARTIE 1 [11 points]1 Les enjeux de l’épreuve de la partie 1
« La production d’une réponse, construite et rédigée, à une question portant sur un ou plusieurs textes
littéraires ou documentaires » L’épreuve « doit aussi évaluer leur capacité à comprendre et à analyser des
textes (dégager des problématiques, construire et développer une argumentation) […] »
Arrêté du 19 avril 2013 fixant les modalités d'organisation du concours externe, du concours externe spécial, du second
concours interne, du second concours interne spécial et du troisième concours de recrutement de professeurs des écoles.
Le sujet proposé cette année illustre parfaitement les attentes de l’épreuve : il ne pouvait être traité de
manière satisfaisante si l’on ne faisait pas l’effort de comprendre sur quoi portaient exactement les textes,
et, surtout, ce que demandait la question. En effet, une approche superficielle pouvait donner lieu à la seule
affirmation : le sujet parle de la révolte. Or, la question posée demandait bien quels processus étaient mis à
l’œuvre dans cette dynamique de la révolte, c'est-à-dire quels en étaient les moteurs et les modes
d’expression. Les textes, riches et variés d’un point de vue littéraire et philosophique, constituaient un
corpus exigeant, réaffirmant par là les attentes à l’égard d’un(e) futur(e) professeur(e) des écoles : sa
capacité à maîtriser la lecture d’extraits denses, nécessitant une analyse rigoureuse qui sache aller à
l’essentiel pour dégager la spécificité de chaque propos.
La manière dont les textes se répondent dans ce corpus est particulièrement intéressante : en effet, au
premier abord, les textes 1 et 2 portent sur des sujets antiques. Le premier Antigone, d’Henri Bauchau, et le
second Lysistrata, d’Aristophane. Mais Antigone est un roman du XXème siècle, -seule version non théâtrale
du mythe- et Lysistrata est une comédie du Vème siècle avant Jésus-Christ. Par ailleurs, ils donnent la parole
à deux femmes. Fallait-il pour autant les dissocier des textes 3 et 4 ? Non, bien au contraire. En effet, des
liens étroits existent entre le 2 et le 3, ce dernier étant un extrait de Germinal de Zola, donc un roman du
XIXème. Pour les deux personnages, Lysistrata dans le premier, Etienne Lantier dans Germinal, il s’agit de
fédérer la révolte, d’en faire un véritable soulèvement contre le pouvoir, de manière organisée et collective,
en vue d’établir la paix et la justice. Même si le propos d’Aristophane n’a nulle volonté de convaincre alors
que l’œuvre de Zola cherche davantage à dénoncer les travers de la société, dans les deux cas, l’on voit bien
ce que suggérait la question : les « processus » que les deux personnages principaux cherchent à enclencher.
Comme il arrive de manière assez régulière –non systématique cependant- le dernier texte aide souvent à
voir la problématique d’ensemble, sans toutefois en livrer une synthèse car il peut lui-même contenir des
idées qui ne sont pas présentes dans les autres extraits. Il convenait donc de se demander quelle place et
quelle fonction donner à l’extrait de L’Homme révolté de Camus, ici proposé. En effet, ce texte 4, dont le
1 Une proposition de correction est communiquée dans l’annexe 1
L’épreuve de français vise àévaluer la maîtrise de la langue française des candidats (correction
syntaxique, morphologique et lexicale, niveau de langue et clarté d’expression) ainsi que leurs
connaissances sur la langue ; elle doit aussi évaluer leur capacité à comprendre et à analyser des
textes (dégager des problématiques, construire et développer une argumentation) ainsi que leur
capacité à apprécier les intérêts et les limites didactiques de pratiques d’enseignement du français.
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statut d’essai philosophique a pu donner l’impression qu’il était « à part » est, au contraire, à mettre en écho
avec les trois précédents, dans la mesure où il affirme que la révolte n’est pas qu’une opposition, mais
qu’elle doit être aussi une proposition : dire non, d’abord, à un pouvoir pour dire oui, ensuite, à une autre
vision de l’humanité. En ce sens, il se démarque du choix d’Antigone, qui veut seulement dire non ; il pose la
révolte comme refus puis nécessaire ouverture de perspective. On voit donc bien à quel point ce corpus,
dont la longueur demandait qu’on soit capable d’identifier la singularité de chaque extrait et ses mises en
écho possibles, permettait des croisements, de véritables entrelacs de sens qu’il était possible de tisser de
multiples manières, du moment qu’ils répondaient à une démarche cohérente.
Les points de force identifiés
Majoritairement, le sens des textes a été compris. On peut même affirmer qu’il n’y a pas eu de contresens
sur le thème à traiter. Certaines copies ont livré des analyses très fines, en parvenanten particulier à entrer
dans la dynamique suggérée par la formulation de la question. En effet, ont été perçues, dans des
productions ayant obtenu une excellente note, la démarche des personnages, leurs intentions, et la mise en
écho avec le texte de Camus n’en est devenue que plus pertinente. Elle en a été comme l’aboutissement.
Certaines, partant d’une manière originale de la révolte féminine des deux premiers textes, ont su élargir le
propos, et inclure dans leur analyse les deux autres passages, faisant de leur réponse une sorte d’essai sur la
notion de refus du pouvoir et de l’oppression en général.
Cela signifie donc qu’une bonne lecture de la question, avec une attention à sa formulation et non au seul
thème qu’elle énonce, permet de maîtriser dans les meilleures conditions une première partie où le poids
des lectures personnelles, la fréquentation des textes littéraires et des essais trouvent l’occasion de se
révéler. Enfin, il convient de féliciter les candidat(e)s qui ont su faire preuve tout à la fois d’esprit d’analyse,
dans leur jute compréhension des textes, mais aussi de synthèse, car ils ont été à même de saisir l’enjeu de
chaque extrait et d’en dégager une problématique générale ferme et claire.
Les principales fragilités rencontrées
Cependant, le sujet a révélé des fragilités ou des insuffisances multiples qui vont être précisées ici, dans le
but d’aider de futur(e)s candidat(e)s à les éviter. Trois difficultés majeures sont relevées et dont les copies
portent la marque : la gestion du temps, la mise en relation des textes, la compréhension de l’énoncé de la
question. Certes, les textes étaient longs, denses et demandaient qu’on sache aller à l’essentiel. Il convenait
donc de se demander, pour chacun d’eux, avant même de se mettre à rédiger, quel était le point de vue pris
par l’auteur –ou, en l’occurrence par le personnage principal pour les trois premiers- par rapport à la notion
de révolte. Ce n’est qu’ainsi que l’on pouvait, ensuite, définir une problématique générale qui permettait de
construire la réponse à la question posée sans se perdre dans les détails propres à un seul extrait. Et surtout,
on prenait ainsi la précaution de prendre en compte les quatre éléments du corpus, sans en laisser un de
côté, ce qui a été fréquemment le cas pour le texte de Camus, non point qu’il était placé en fin du
groupement mais sans doute parce que, faute d’avoir formulé l’idée principale de chacun des trois autres
extraits, l’on ne voyait plus bien comment intégrer le contenu philosophique du quatrième.
Enfin, il semble bien que certaines copies aient mal compris le sens du mot « processus » et l’aient confondu
avec «procédés », ou bien l’aient simplement occulté. Sont donc proposées des réponses où les textes sont
analysés, ou parfois décrits de manière superficielle, dans une juxtaposition qui se contente de dire pourquoi
les personnages se révoltent. On comprend bien alors que le dernier extrait, qui analysait avec précision ce
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que devait être la double démarche de la révolte, ne trouvait pas sa place dans un tel catalogue. Si la
question « pourquoi ? » s’imposait, elle devait impliquer un « comment ? » et un « pour quoi ? » que sous-
tendait le terme « processus ».
Préconisations et conseils pour se préparer à l’épreuve
En premier lieu, on se demande :
Quel que soit le corpus, quelle est la nature des différents documents proposés ? Dans le cas d’un
corpus de textes, deux éléments importants sont à identifier en premier lieu : le genre et l’auteur ; si ce
dernier n’est pas connu par le/la candidat(e), on regarde avec soin la date de parution. Ici, cela aurait pu
aider à comprendre que le premier texte n’était pas un extrait de la pièce de Sophocle Antigone, mais une
écriture narrative moderne, unique pour faire parler ce personnage.
Quel est le thème commun aux textes du corpus ? Une première lecture s’impose qui doit être faite
avec un regard pur de toute idée préconçue, afin que le thème émerge de lui-même. Ensuite, on peut
prendre appui sur la question posée pour s’assurer que l’interprétation première va dans le sens de la
réflexion attendue.
Ensuite, on dégage, pour chaque texte et par rapport au thème identifié :
Le point de vue propre à chacun ; on peut, quand on constate que le corpus est dense, comme pour
l’épreuve de cette année, essayer de résumer en une phrase, pour soi et au brouillon, ce qui fait la spécificité
du texte. Cette formulation condensée et synthétique aidera l’analyse à rester concise pour répondre à une
problématique claire et structurante.
Au brouillon, on peut noter, sans forcément les recopier, des citations qui serviront à illustrer le
propos (par exemple, en leur donnant un numéro que l’on fait figurer sur le texte, pour ne pas perdre de
temps) ;
Puis, on effectue une première synthèse :
Le principe d’un tableau peut être utile pour récapituler les différents relevés, en établissant, par exemple,
une colonne pour les similitudes, et une autre pour les différences. Le schéma d’une carte mentale a parfois
la préférence des candidat(e)s ; en ce cas, il faut qu’il parte du thème central, la révolte, mais que ses
branches correspondent bien à l’idée d’un processus répondant à la démarche de chaque texte. La question
se posera alors de regrouper d’un côté les points communs et d’un autre de distinguer les différences.
Après une lecture soigneuse de l’intitulé de la question :
On définit une problématique répondant de manière exacte à l’énoncé. C’est elle qui sert de fil
conducteur pour bâtir le plan. (Une fois encore, le sujet de cette année demandait impérativement de
trouver cette dynamique par la présence même du terme « processus »).
On vérifie bien que ce plan ne laisse aucun texte ou document de côté, en particulier le dernier que
l’on prend soin d’articuler aux autres textes du corpus. On veille à indiquer, à l’aide des numéros notés au
brouillon et sur le texte, les citations que l’on n’oubliera de recopier dans la rédaction au propre.
Seulement alors, on rédige…en consacrant obligatoirement une dizaine de minutes à la relecture de sa
copie. Dans le cas présent, la recommandation suivante s’impose –et elle pourrait aussi se placer avant
même de commencer à se mettre au travail : même de manière souple, effectuer un « balisage » de
l’épreuve (temps de lecture, d’idées au brouillon, d’élaboration du plan, de rédaction…).
En un mot, on gère l’épreuve comme une course de fond : l’effort est continu pour éviter la précipitation
finale.
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PARTIE 2 [11 points] Les enjeux de l’épreuve de la partie 2
« Partie portant sur la connaissance de la langue (grammaire, orthographe, lexique et système
phonologique) ; le candidat peut avoir à répondre à des questions de façon argumentée, à une série de
questions portant sur des connaissances ponctuelles, à procéder à des analyses d’erreurs-types dans des
productions d’élèves, en formulant des hypothèses sur leurs origines. »Arrêté du 19 avril 2013 fixant les
modalités d'organisation du concours externe, du concours externe spécial, du second concours interne, du second
concours interne spécial et du troisième concours de recrutement de professeurs des écoles
Les points de force et les fragilités identifiés
Cette partie, souvent insuffisante dans la majorité des copies, devrait pourtant être aisée, pour une raison
simple : les types de questions posées se retrouvent généralement d’une année sur l’autre, car elleolioçis
concernent les savoirs fondamentaux qu’un(e) candidat(e) se doit de posséder pour les enseigner et les
transmettre.
Les remarques sur chaque question énoncent les difficultés rencontrées, qu’il s’agisse de la connaissance des
verbes, de la formation des mots ou de la syntaxe. Les réponses manifestent globalement une
méconnaissance des termes précis de la grammaire, outre l’ignorance de ce qu’ils désignent. Un retour aux
définitions essentielles, aux activités de manipulation les plus courantes en grammaire s’imposent pour la
grande majorité des candidat(e)s.
On apprécie d’autant plus les quelques copies maîtrisant le sens des mots de la grammaire et, par
conséquent, leur capacité à répondre à la question posée.
Préconisations et pistes de correction pour chaque question
En prenant connaissance de sujets récemment donnés au concours, il est aisé de répertorier les questions
les plus fréquemment rencontrées. Le sujet du cerpe 1 de cette année s’inscrit parfaitement dans cette
perspective.
L’identification des types de questions
Ainsi, pour cette session, retrouvait-on :
- les verbes : temps et modes, identification et justification de leur emploi (question 1)
- la formation et le sens d’un mot et des mots de la même famille (question 2)
- l’analyse syntaxique d’une phrase et de ses différentes propositions, leur nature, et, éventuellement
leur fonction (question 3)
- la transformation et la réécriture d’un passage, par exemple du discours direct au discours indirect
avec concordance des temps impliquée par un verbe introducteur au passé (question 4)
- l’identification et l’explication de procédés d’écriture au service du sens, par exemple dans le cadre
d’une argumentation (question 5)
Première question : les verbes
La question 1 demandait aux candidats de relever et de préciser le temps et le mode de chaque verbe
souligné et d’en justifier l’emploi (passé composé de l’indicatif, présent de l’impératif, passé du
conditionnel ou conditionnel passé de l’indicatif, imparfait de l’indicatif et présent de l’indicatif)
Rapport de jury de l’académie de Créteil CERPE 1 admissibilité 2019
12 Jury placé sous la Présidence de M. Hervé SEBILLE, DAASEN de l’IA-DASEN de Seine-Saint-Denis.
Généralement, les candidats ont proposé le plus-que-parfait au lieu du conditionnel passé. Les autres
occurrences n'ont pas posé de problème d'identification. Certains n'ont pas tous indiqué les valeurs des
temps. Lorsque cela a été fait, il y avait davantage une explication liée au texte qu'à la valeur des temps
verbaux (le sens du texte d'où le verbe était extrait a souvent servi d'explication, de support pour la
réponse). Le conditionnel passé a posé davantage de problèmes (confusion avec le passé antérieur ou le
futur antérieur de l'indicatif). Les candidats sont souvent confus dans l'identification des valeurs, voire les
omettent.
Réponses :
a résolu : passé composé de l’indicatif, indique l’antériorité dans une phrase avec verbe introducteur au
passé « demandions ». Pour l’aspect, on reconnaît ici la valeur d’accompli.
tais-toi : impératif présent avec valeur d’ordre.
Serait arrivé : deux appellations possibles ; soit passé du conditionnel (programme de 2018), soit
conditionnel passé de l’indicatif (Grammaire méthodique du français) ; exprime l’irréel du passé.
me taisais : imparfait d’habitude, exprimant la répétition. (Aspect itératif).
est : présent de l’indicatif avec valeur de vérité générale.
Pour rappel :
- les modes sont les différentes manières de présenter l’action exprimée par le verbe ; chaque
mode comporte plusieurs temps ;
- les temps situent l’action du verbe selon trois époques : passé, présent, avenir ;
- l’aspect (qui n’était pas expressément demandé ici) saisit l’action dans son déroulement.
Deuxième question : composition et sens d’un mot ; mots de la même famille
La question 2 visait à évaluer les connaissances et compétences lexicales des candidats, en les invitant à
expliquer la composition et le sens du mot « approbation » (texte 1) puis à donner deux mots de la même
famille.
Il apparaît que peu de candidats ont utilisé les termes "préfixe", "suffixe" ou encore " radical". Cependant,
quelques copies se sont distinguées par leur analyse précise et complète de la formation du mot. Concernant
les deux mots de la même famille qu'il fallait donner, les candidats ont globalement donné des synonymes.
Les principales difficultés concernent l'analyse de la composition du mot. Très peu de candidats sont
parvenus à une analyse satisfaisante. La plupart ont réussi à définir le mot, même s'ils utilisent souvent des
verbes pour définir un substantif. Beaucoup ont également indiqué deux mots de la même famille mais
certaines copies proposent soit des barbarismes, soit des mots qui sont d'une autre famille tout en étant de
nature et de composition similaires.
Approbation : formé sur le radical –prob- précédé du préfixe ad- qui devient ap- par doublement de la
consonne devant le –p du radical et suivi du suffixe –ation, propre à un nom.
Sens du mot : jugement favorable, accord, adhésion.
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Mots de la même famille : approuver, approbateur, probatoire, probablement, désapprouver…
Pour rappel :
La composition du mot est la manière dont il est formé, à savoir un radical et, éventuellement des affixes,
préfixes s’ils précèdent ce radical, suffixes s’ils lui font suite.
Une famille de mots est l’ensemble des mots formés sur un même radical. Il convient donc de ne pas les
confondre avec des synonymes, termes de sens proche. Les mots d’une même famille peuvent être de
classes différentes (noms, adjectifs, verbes…)
Troisième question : analyse de phrase avec identification des propositions
Dans de nombreuses copies, les propositions ne sont pas délimitées correctement et, surtout, des
candidat(e)s ne comprennent pas en quoi consiste l’exercice, ce qui est problématique. Un seul conseil
s’impose : il faut s’entraîner ! Quel que soit l’énoncé –analyse de phrase, identification des propositions,
nature et fonction des propositions de la phrase- il s’agit de délimiter chaque proposition et d’en donner,
selon la question, soit la nature, soit la nature et la fonction. On rappelle que dans le cas de la proposition
principale, ce terme même suffit à la définir puisque ce sont les autres propositions qui dépendent d’elles
(les subordonnées).
Seul, le père Bonnemort […] ouvrait des yeux surpris : proposition principale.
s’il était là : proposition subordonnée conjonctive, complément circonstanciel de condition.
car de son temps on ne se tracassait pas de la sorte : proposition indépendante coordonnée.
Pour rappel : En aucun cas, lorsqu’on demande l’analyse d’une phrase et des propositions qu’elle contient, il
ne faut analyser séparément les mots à l’intérieur de chacune d’elles.
Quatrième question : la transposition d’une phrase au discours direct en discours indirect avec verbe
introducteur au passé
Fréquemment demandée pour l’épreuve du concours, cette transposition pose encore bien des difficultés.
C’est la raison pour laquelle il est impératif de s’entraîner à ce type de question. Elle suppose, en effet, un
certain nombre de transformations dont on rappelle succinctement ici les principales :
-Présence d’un verbe de parole introducteur, (ici, il était imposé « Lysistrata affirma ») ;
-modification des temps pour la concordance avec celui du verbe introducteur (le passé simple implique
une concordance aux temps du passé) ;
-absence de ponctuation propre au discours direct ;
-mot subordonnant ;
-transpositions de personne avec, en particulier passage de la 1ère à la 3ème.
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« Lysistrata affirma que c’était pour avoir le moyen de voler que Pisandre et tous les ambitieux suscitaient
continuellement de nouveaux troubles mais qu’ils ne toucheraient plus rien désormais de cet argent. Le
magistrat demanda ce qu’elle ferait alors. »
Pour rappel : « toucheraient » et « ferait » sont ici au conditionnel présent avec une valeur temporelle de
futur par rapport à un moment passé. C’est ce que l’on appelle généralement « le futur dans le passé ».
Cinquième question : deux procédés d’écriture significatifs pour analyser le mode de persuasion employé
par le personnage
Une erreur fréquemment commise consiste à confondre« figure de style » et « procédé d’écriture », dont le
sens est plus large et permet d’identifier des modalités d’écriture plus variées, même si, bien sûr, on peut
faire entrer dans ces procédés une ou deux figures de style. En d’autres termes, il ne faut pas limiter sa
réponse à une énumération technique mais bien à expliquer comment des procédés stylistiques permettent
de servir le sens. En somme, il s’agit de montrer comment, à partir de procédés identifiés et nommés avec
précision, la forme sert à exprimer le fond.
Plusieurs réponses étaient possibles. Afin de procéder de manière ordonnée, on pouvait distinguer :
-les types de phrases : exclamatives, interrogatives avec valeur de questions rhétoriques. Dans les
deux cas, ces phrases montrent, d’une part, la colère, l’exaltation1, et, d’autre part, l’indignation et la
réflexion intérieure2 ; 1 : « Comment ! la réflexion serait défendue à l’ouvrier ! » ; 2: « Puisqu’on
votait ensemble, est-ce que l’ouvrier devait rester l’esclave du patron qui le payait ? ».
-le type de discours : ici, le discours indirect libre, qui permet de suivre le cheminement intérieur de
la pensée du personnage. L’ensemble du passage est écrit sous cette forme. On peut citer, parmi
d’autres phrases : « On n’avait qu’à voir dans le coron même : les grands-pères n’auraient pu signer
leur nom… ».
-les figures de style : essentiellement les comparaisons, pour rendre plus frappant son propos, le
rendre visuel ; ainsi de l’asservissement des mineurs, dépossédés de leur humanité, chacun
travaillant « comme une brute, comme une machine ». La métaphore filée de la germination
s’impose, d’autant qu’elle renvoie au titre du roman Germinal et qu’elle permet de comprendre
comment monte la révolte, souterraine tout d’abord, puis de plus en plus au grand jour et portée par
tous : « une vraie graine pousserait, poussait, moisson d’hommes. » On pouvait aussi évoquer le
procédé de gradation : « les grands-pères… les pères… quant aux fils… ».
Pour rappel : dans la mesure où l’on demandait deux procédés, il était pertinent de ne pas prendre
seulement deux figures de style ou deux types de phrase, mais bien de varier la catégorie de procédés
choisis : par exemple, un type de discours (il s’imposait ici) et une figure de style.
Conseils pour réussir cette partie
Pour réussir cette partie, les candidats doivent avoir une perception très claire des fondamentaux de la
grammaire (les classes grammaticales des mots, la nature des groupes de mots, le groupe nominal, le groupe
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verbal, le mot et sa formation), penser le système de la langue (relations, manipulations) et éviter de se
contenter d’une terminologie parfois mal maîtrisée. Ils doivent également expliquer clairement l'effet
produit par des faits de langue et ne pas se contenter d'une reformulation. On ne peut se satisfaire ici de
souvenirs scolaires approximatifs. Il apparaît que cette partie de l’épreuve peut valoriser un(e) candidat(e)
capable de faire preuve de précision et de rigueur dans l’analyse de la langue, qualités attendues d’un futur
professeur des écoles. Il semble donc important que les candidats procèdent à des révisions plus
méthodiques du système verbal et syntaxique. Un entraînement régulier aux exercices proposés (analyse de
formes verbales, analyse syntaxique sur de cours extraits, exercices de transposition du discours...) leur
permettra d'acquérir rapidement de bons réflexes et de progresser considérablement.
PARTIE 3 [13 points] Les enjeux de l’épreuve de la partie 3
Conformément à l’arrêté du 19 avril 2013, la troisième partie de l’épreuve d’admissibilité en français consiste en : «Une analyse d’un dossier composé d’un ou plusieurs supports d’enseignement du français, choisis dans le cadre des programmes de l’école primaire qu’ils soient destinés aux élèves ou aux enseignants (manuels scolaires, documents à caractère pédagogique), et de productions d’élèves de tous types, permettant d’apprécier la capacité du candidat à maîtriser les notions présentes dans les situations d’enseignement ».
Les candidats disposaient de deux documents :
- Document 1 : Séquence autour d’un extrait de L’Homme à l’oreille coupée de J.-C. Mourlevat - Document 2 : Extraits de L’Homme à l’oreille coupée de J.-C. Mourlevat
Le sujet proposé offrait un matériau suffisamment concret et riche pour permettre au candidat d'identifier les éléments clés d'une situation d'enseignement et de les utiliser pour réfléchir à la conception de l'enseignement. Les candidats pouvaient puiser dans les documents proposés pour étayer leurs réponses. De plus, les textes supports étant riches, ils pouvaient permettre d'explorer toutes sortes de pistes pédagogiques.
Les points de force identifiés
Lorsqu’il a été traité, l’exercice 1 a été globalement assez bien réussi. Certains candidats se sont largement
inspirés de la démarche proposée. D'autres, se sont contentés de reprendre les termes du titre de la séance
4 pour définir leur objectif. Certains candidats ont proposé des mises en œuvre tout à fait pertinentes et
réalistes.
Notons toutefois que certains candidats ne semblent pas avoir préparé l'épreuve, et donnent l’impression de
méconnaître les programmes.
Dans l’exercice 2, il était demandé aux candidats de concevoir une séance qui s’inscrive dans le projet de la
séquence proposée (document 1). Dans l'ensemble, les différentes étapes de la séance-type ont servi de
canevas aux candidats, ce qui garantissait une certaine clarté et un semblant de contenu. De manière
générale, les candidats s'appuient sur la structure des autres séances de la séquence pour concevoir la
séance demandée.
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L’exercice 3 engageait les candidats à identifier les obstacles éventuels à la lecture autonome de ce texte par
les élèves et à préciser comment ces difficultés peuvent être anticipées. Parmi les principaux obstacles
proposés, la question du lexique est revenue très souvent avec, pour solution, l'utilisation d'un dictionnaire
ou d'une fiche-lexique préparée par l'enseignant (parfois simplement une explication orale).
La compréhension de la structure narrative, et celle du discours rapporté, levées par des reformulations et
lectures théâtrales ont été aussi parfois citées.
L’exercice 4 permettait aux candidats de proposer des étayages dans le cadre du travail d’écriture proposé
dans les séances 5 et 6.
Les principales fragilités rencontrées
- L’exercice 1 consistait, à partir des documents proposés, de définir les compétences travaillées dans la
séquence (document 1). Les difficultés identifiées sont liées essentiellement à la méconnaissance des
programmes. D’autre part, certains candidats ont eu tendance à vouloir indiquer un maximum de
compétences, qui ne sont pas toujours à l'œuvre dans les séances proposées. Les compétences relatives à
l'oral ont été les moins bien cernées.
- L’exercice 2 : certains candidats n'ont pas toujours su donner du sens à la séance et fixer un objectif clair.
Au vu des réponses apportées, il semble qu’ils aient eu du mal à identifier dans le texte les procédés utilisés
par le conteur, ce qui les a conduits à proposer des mises en œuvre parfois un peu évasives. Les choix
proposés sont insuffisamment justifiés. Certains n'ont pas compris le mot "procédés" et leur séance ne rend
pas compte de leur étude, ou alors ne propose pas des activités permettant de les trouver.
-L’exercice 3 :
Certains candidats ont eu du mal à anticiper les obstacles identifiés. Par exemple, certains ont mis des
dictionnaires à disposition des élèves sans se soucier de savoir si ces derniers étaient capables de les utiliser.
Beaucoup se sont limités à l'évocation de difficultés générales à toute lecture (lexique, longueur du texte)
sans s'intéresser aux spécificités des supports. Proposer une anticipation cohérente en lien avec l'obstacle
identifié et élaborer des stratégies explicites pour anticiper les difficultés a été également difficile pour un
grand nombre de candidats.
-L’exercice 4 permettait aux candidats de proposer des étayages dans le cadre du travail d’écriture proposé
dans les séances 5 et 6. Très souvent, le terme "étayage" a fait obstacle à la compréhension de cette
question. Parfois, certains candidats ont du mal à se projeter dans le métier d'enseignement et à imaginer
des étayages précis. Pour d’autres, les solutions proposées ne tiennent pas compte de l'âge et des
compétences d'un élève de CM1. Cependant, quelques candidats ont proposé des outils pertinents
(élaboration de la fiche évaluation avec les élèves, différents supports d'appui selon le niveau de difficulté
des élèves).
Préconisations et conseils pour préparer l’épreuve
- Lire et s'approprier les éléments essentiels des programmes pour chacun des cycles afin de pouvoir s’y référer.
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- Contextualiser davantage la séquence dans un environnement de classe, mais aussi expliciter davantage les démarches concrètes proposées.
- Etudier de manière plus approfondie les programmes d'enseignement ainsi que les ressources associées (Consulter les documents du site EDUSCOL).
- Réfléchir de façon tout aussi approfondie aux différentes aides possibles à apporter aux élèves en difficulté.
Globalement, les candidats qui ne réussissent pas sont ceux possèdent des connaissances insuffisantes des
programmes et des supports d'enseignement. Un travail sérieux dans ce domaine permettrait aux candidats
de davantage contextualiser la séquence dans un environnement de classe, mais aussi expliciter davantage
les démarches concrètes proposées.
Le jury reste conscient qu'il est difficile pour certains candidats de se projeter dans le métier d'enseignement
Cependant, se préparer à une réflexion pédagogique pratique et réaliste par des lectures choisies, une
préparation professionnelle ne peut que nourrir leur réflexion et plus tard leur pratique et leur permettre de
répondre de façon plus pragmatique et analytique aux questions posées.
Correction syntaxique et qualité écrite [5 points]
La qualité écrite est très variable avec une grande inégalité entre les copies. Les candidats ayant fait des
efforts de rédaction ont été valorisés. La lecture est parfois rendue difficile par des tournures maladroites.
Quant à la lisibilité, les candidats doivent en général prendre conscience qu'il faut très vite adopter une
écriture plus normée. Les attentes légitimes du jury sont d’évaluer la maîtrise de ces compétences car les
candidats seront chargés de devoir les enseigner et les évaluer auprès de leurs élèves.
ANNEXE : proposition de corrigé de français - partie 1 - Analyse succincte des textes du corpus
Ces quelques pistes ont pour but de montrer quels étaient les principaux enjeux de chacun des
textes, d’en extraire les éléments principaux permettant de formuler leur singularité. A partir de ce repérage
succinct, quelques points de comparaison avec les autres extraits aident à définir la problématique qui
conduira la réflexion. L’on rappelle qu’il s’agit ici d’une proposition parmi bien d’autres possibles.
Texte 1 : Henry BAUCHAU, Antigone, chapitre XIX, « la colère » ; (1997)
Les deux premières phrases sont sans équivoque. Antigone l’affirme : « Je suis hors de moi. […] Enfin
hors de moi ». Sa révolte est une explosion de colère qui lui fait franchir ses propres limites : celles de la
réserve, du silence, imposés à son statut de femme dans la ville de Thèbes. On peut parler d’une véritable
métaphore filée puisque, dans le deuxième paragraphe, elle continue d’affirmer « l’indignation, la
colère s’échappent de mon corps. »C’est bien un flot de rage enfouie qui sort d’elle et qui la fait exprimer, au
sens premier de « faire sortir », tout ce qu’elle a gardé en elle jusqu’alors, du fait de l’oppression exercée par
Créon. Elle est comme possédée par ce feu intérieur de la révolte qui la pousse à manifester sa rébellion, à
l’extérioriser de manière violente et incontrôlée : elle crie, elle lance de la boue, elle met le feu au décret, et
elle piétine les cendres de l’édit. La modalisation de l’adverbe « sauvagement » renforce cette idée de
violence.
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Or, lorsque la foule la porte en avant, qu’il lui est demandé de se porter à la tête de la révolte, de
devenir un porte-parole et un chef du peuple en colère, son ivresse retombe. Elle n’est pas meneuse
d’hommes, elle veut rester singulière ; elle est seule, et seulement celle qui dit « non ».
Eléments-clés : le processus de révolte ici se décompose en deux temps : il est tout d’abord une
impulsion soudaine, incontrôlée, un déferlement de colère libérateur pour Antigone. A partir du
moment où il est repris collectivement pour devenir une rébellion organisée en vue d’une prise de
pouvoir, il se limite brusquement à un refus individuel, une prise de position singulière, un « non »
qui ne sera pas suivi d’effet collectif et politique. Antigone est un personnage solitaire, celle qui fait
face au destin et au pouvoir sans aider ni être aidée. Elle est « seulement » celle qui veut fuir à
jamais. En ce sens, le roman d’Henry BAUCHAU s’inscrit bien en droite ligne de la tragédie antique :
l’héroïne reste dans sa solitude.
Texte 2 : Aristophane, Lysistrata, (411 av. J.C) ; traduit du grec par Georges-Gustave Toudouze.
S’il est vrai que les candidats n’ont pas nécessairement à l’esprit que Lysistrata signifie « qui délie l’armée »,
il apparaît clairement dans ce passage que le but des femmes athéniennes est bien de faire cesser la guerre.
Une première approche permet de comprendre le lien établi entre pouvoir masculin, guerre et argent. L’on
pourrait retrouver ici le sens de l’expression courante : « l’argent est le nerf de la guerre », ce que les
femmes veulent empêcher. On peut donc constater, de leur part, la volonté d’un contre-pouvoir. Mais ce
niveau d’analyse, s’il est juste, ne rend pas compte du renversement des forces que veut opérer Lysistrata et
dans lequel elle veut entraîner les femmes grecques en général. Ce qui manifeste le pouvoir dans la société
athénienne, c’est bien la parole. Or, cette parole est publique, masculine. Les femmes, elles, sont cantonnées
à l’intérieur : « souvent, au logis, nous apprenions vos résolutions funestes ». En prenant la parole, et donc
en imposant le silence au Magistrat, Lysistrata inverse les rôles, impose le silence à ceux qui l’imposaient,
extériorise une parole enfermée dans l’enceinte des maisons.
Eléments-clés : dans ce deuxième extrait, le processus de la révolte passe par la prise de parole, on
peut même dire par la prise de la parole, vécue comme une conquête, celle de l’arme qui va
permettre de faire taire les armes. Si, de manière individuelle, Antigone laissait sortir d’elle-même sa
colère et sa révolte, ici, ce sont les femmes regroupées autour de Lysistrata qui sortent de
l’enfermement où elles sont tenues par les hommes, et qui accèdent à une vie publique. Elles
passent de l’économie de ménage à la gestion de la cité. Elles ne se cherchent pas une place, elles la
prennent par la force de la parole, renversant par un seul verbe le pouvoir qui leur a été imposé
jusque là : le « Tais-toi » imposé par son mari devient le « Tais-toi » qu’elle intime au Magistrat. La
prise de parole est une prise de pouvoir.
.
Texte 3 : Emile Zola, Germinal, partie III, chapitre 3 (1885)
Ce troisième texte est particulièrement riche du point de vue de l’écriture et de ce qu’elle permet de
comprendre de l’évolution du personnage de Lantier. Il est possible d’affirmer qu’elle participe pleinement
du processus de la révolte, en ce sens qu’elle se situe à mi-chemin entre le discours indirect libre –
rapportant les propos tenus chez les Maheu- et le monologue intérieur. C’est bien au cheminement de la
pensée, à son éclosion que l’on assiste ici. Les échanges avec Souvarine conduisent Etienne Lantier à lire des
ouvrages théoriques des penseurs socialistes, à faire siennes les idées qu’ils contiennent, puis à les partager
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à voix haute. Il devient lui-même la preuve de ce qu’il avance : par la compréhension et l’instruction, il est
possible d’échapper à la condition de l’ouvrier, qu’incarne Bonnemort « qui ne se tracassait pas de la sorte ».
L’extrait se situe au moment précis de l’œuvre où l’on comprend pleinement le sens du titre Germinal : il
s’agit d’une germination des idées, qui, peu à peu, de pensées isolées, deviennent « une rude moisson
d’hommes », prêts à prendre leur place au soleil.
Eléments-clés : ici, le processus de la révolte s’exprime dans une longue métaphore filée : celle de la
germination. Il s’agit d’une part de celle qui se produit dans l’esprit de Lantier, par le passage des
lectures théoriques à une prise de conscience personnelle qui trouve son expression dans les
échanges avec les autres mineurs, et, d’autre part, de celle qui se produit collectivement dans la
conscience des ouvriers opprimés et qui doivent unir leurs forces. Dans ce texte, un élément
nouveau apparaît, qui ne figurait pas dans les autres extraits : celui de la formation des esprits :
« […] Les choses changeraient bientôt, parce que l’ouvrier réfléchissait à cette heure. » Et, de
manière radicale, le personnage énonce lui-même le processus de la révolte désignée ici sous la
forme d’une révolution –celle de 1789 est d’ailleurs évoquée : « tout pèterait un jour, grâce à
l’instruction. » La connaissance devient terreau de la conscience et du refus de la soumission. On
retrouve ici des accents hugoliens dans la dénonciation de la misère et de la nécessité de
l’instruction mais le propos tenu est plus violent, sous-tendu par le discours théorique.
Texte 4 : Albert CAMUS, L’Homme révolté, chapitre I, « L’homme révolté » (1951).
Ce texte a semblé moins exploité que les autres et pourtant, il était à la fois une synthèse et une ouverture.
Sa dimension philosophique ne devait pas inquiéter car le propos était particulièrement clair. Le temps a
sans doute manqué à beaucoup pour l’exploiter autant que nécessaire. On ne saurait trop revenir sur les
recommandations précédentes, à savoir bien équilibrer les étapes de son travail pour ne pas être pris de
court. L’idée clé contenue dans ce texte est la suivante : un homme révolté est « Un homme qui dit non. »
Mais « c’est aussi un homme qui dit oui. » Pour Camus, la révolte, si elle se limite au désespoir, ne permet
pas à l’homme de s’accomplir. Le recours à l’étymologie donne à l’auteur un élément de sens nécessaire : se
« révolter », c’est faire volte-face, et faire face. C’est donc, nécessairement, opposer d’autres valeurs, et ne
pas rester dans le seul refus. Le révolté « oppose ce qui est préférable à ce qui ne l’est pas. » On voit
combien ici le propos diffère, par exemple, de la prise de position d’Antigone, et s’inscrit davantage dans la
perspective de Lysistrata ou de Germinal.
Eléments-clés : ce dernier texte du corpus a une double fonction : il permet à la fois de reconsidérer les trois
précédents, et d’en mieux cerner les similitudes et les différences, mais surtout, il formule nettement une
nouvelle perspective. La révolte ne se retourne pas contre ce qui est établi, elle ne se contente pas de
manifester un sentiment d’inacceptable quand des limites à ce que l’homme peut tolérer ont été franchies.
Elle ouvre une voie nouvelle, elle propose des valeurs qui permettent à l’homme révolté de se faire
respecter, de rejeter « l’état d’esclave ». Si, pour Zola, l’instruction donne la réflexion qui conduit à la
révolte, pour Camus, c’est aussi « la conscience » qui « vient au jour avec la révolte ».
Proposition de synthèse
La possibilité d’un tableau n’est qu’une suggestion. On a vu que d’autres dispositions pouvaient être
envisagées, du moment qu’elles permettent aux candidat(e)s de rassembler, d’un regard, l’ensemble des
remarques faites à la lecture.
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Titre du texte Citation(s) marquante(s)
Points communs avec les autres textes
Différences et singularité
Texte 1 Antigone
Je suis hors de moi. Enfin hors de moi ! « Non », je dis seulement non.
La révolte est une réaction face à un pouvoir qui opprime et que l’on ne peut accepter. (textes 2, 3, 4)
Antigone veut seulement dire non et rester seule. Elle ne se revendique pas comme chef d’une rébellion collective.
Texte 2 Lysistrata
Vous ne nous permettiez pas d’ouvrir la bouche. Alors les femmes ont résolu de se réunir. Tais-toi.
Se révolter, c’est, d’abord, prendre la parole, en particulier pour les femmes (textes 3 et 1)
Les femmes grecques ne veulent plus gérer l’économie du foyer mais celle de la citépour empêcher la guerre. La révolte les fait sortir de la sphère privée à la vie publique.
Texte 3 Germinal
Il pousserait des hommes, une armée d’hommes qui rétabliraient la justice. Tout pèterait un jour, grâce à l’instruction.
Les hommes (au sens générique) ne peuvent rester les esclaves de ceux qui dominent et subir sans rien dire (textes 1, 3, 4)
Les lectures théoriques nourrissent la révolte. L’instruction est l’instrument qui permet aux opprimés de trouver les mots pour formuler leur condition.
Texte 4 L’homme révolté
Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. […] C’est aussi un homme qui dit oui.
La révolte consiste à dire non lorsqu’une frontière est franchie. Elle consiste à faire face (textes 1, 2, 3).
Se révolter, ce n’est pas seulement s’opposer, c’est aussi proposer.
Définition d’une problématique
La mise en relation des textes entre eux, la formulation de la question, avec le terme « processus » utilisé,
invitent à trouver une problématique qui mette en évidence la dynamique singulière de chaque situation de
révolte évoquée. Comme on l’a vu, à chaque fois, un personnage seul prend conscience de la nécessité de la
révolte, mais, ensuite, la manière dont il vit cette révolte diffère. Soit, il en fait un refus personnel, soit il la
partage pour lui donner une dimension sociale et politique, pouvant ouvrir sur d’autres perspectives. On
pourrait donc, par exemple, réfléchir à partir d’une question du type : « Comment la révolte, à partir d’une
prise de conscience singulière, trouve-t-elle différents modes d’expression qui peuvent la rendre collective et
dépasser le seul refus ? » Une fois encore, bien d’autres formulations étaient possibles, du moment qu’elles
incluaient, dans l’analyse, les quatre documents textuels du corpus.
.
Proposition de plan
Là encore, il ne s’agit que d’une simple suggestion et de nombreux autres plans étaient possibles :
Introduction
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Idée-clé : La révolte est le sentiment qu’une situation imposée a atteint des limites qui ne sont plus
supportables.
I La révolte, c’est dire non :
1 C’est un mouvement d’indignation et de colère qui s’exprime dans un élan.
Une situation est devenue intolérable, les limites de ce que l’on peut supporter sont atteintes, ce qui pousse
à sortir soi-même de ses gonds. (Textes 1 et 3 en particulier)
2 Elle est l’expression d’une parole étouffée par le pouvoir et par la force :
Elle se manifeste souvent par une prise de parole, voire un cri. Elle est le moment où la loi du silence est
brisée, particulièrement lorsque les femmes prennent la parole (textes 1 et 2) mais aussi lorsque les
individus les plus soumis dans l’échelle sociale veulent enfin s’exprimer (textes 3 et 4)
3 Dans tous les cas, elle s’impose comme une affirmation de soi, quelles qu’en soient les conséquences :
En aucun cas, les risques de châtiment, de répression, de condamnation, ne font reculer ceux ou celles qui se
révoltent. C’est une force plus grande qu’eux-mêmes qui pousse des hommes et des femmes à agir. Cette
résistance est « préférable à tout, même à la vie » cf. texte 4. Elle peut même se limiter à ce refus absolu,
singulier, qui ne demande aucune suite, cf. texte 1.
Transition :Mais, comme l’affirme le texte de Camus, la révolte, c’est aussi la capacité à dire « oui ».
II La révolte, c’est aussi une volonté de changement :
1Elle devient alors une prise de conscience collective, et s’inscrit dans une action dont la portée peut
être sociale, politique… (textes 2, 3 et 4). Elle peut, pour cela, prendre appui sur des textes théoriques,
une réflexion préalable (textes 2 et 3).
2 Elle est porteuse de valeurs et d’espoir :
Les femmes ne veulent plus des lois de la guerre et du pouvoir de l’argent cf. texte 2 ; les ouvriers de la
mine espèrent une vie meilleure cf. texte 3 ; d’une manière générale, tout homme opprimé aspire à sa
liberté et à sa dignité cf. texte 4.
3 Elle est un véritable retournement de situation
L’homme révolté est celui qui fait « volte-face », qui se retourne contre, mais aussi qui se tourne vers.
Textes 2, 3 et 4.
Conclusion
Qu’elle soit brusque élan de colère ou refus mûrement réfléchi, la révolte est la capacité pour tout
individu à refuser un état de fait qui lui est devenu insupportable parce qu’il sent que les valeurs auxquelles il
est attaché sont bafouées. Différents processus d’expression de cette révolte peuvent alors conduire vers
une forme organisée et collective de lutte ou de résistance contre certaines formes de pouvoir. L’Histoire
nous en a donné de multiples exemples.
Idée pour ouvrir la conclusion : Si le point de départ de la révolte est une opposition, donc une
forme de scission, n’affirme-t-elle pas sa capacité à fédérer les hommes quand elle propose des
valeurs à défendre au nom de l’humanité ?