rapport commission afrique tony blair

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NOTRE INTÉRÊT COMMUN RAPPORT DE LA COMMISSION POUR L’AFRIQUE

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  • 1. NOTRE INTRT COMMUN RAPPORT DE LACOMMISSION POUR LAFRIQUE
  • 2. NOTRE INTRT COMMUN RAPPORT DE LACOMMISSION POUR LAFRIQUE Mars 2005
  • 3. Introduction Quelques mots sur ce rapportIntroductionQuelques mots sur ce rapportCette anne est une anne extrmement importante pour lAfrique. En 2005, le mondefera le point sur les progrs accomplis suite lengagement remarquable quil a pris en2000. Les objectifs du Millnaire pour le dveloppement pour le dveloppement visent rduire la pauvret dans le monde de moiti dici 2015. Mais nous sommes dj au tiersdu parcours et le monde riche a pris du retard sur les promesses faites aux pauvres, ce quinest nulle part plus manifeste quen Afrique, o le monde a pris le plus de retard sur cespromesses solennelles. Si nous voulons changer les choses, nous devons agir maintenant.Mais il serait faux de dire que tout va mal. Car 2005 est galement lanne o le mondeextrieur prend conscience que les choses changent sur le continent : les gouvernementsafricains montrent quils ont une nouvelle vision de lavenir, sur le plan individuel commeau niveau collectif par le biais de lUnion africaine et de son programme NouveauPartenariat pour le Dveloppement de lAfrique (NEPAD). LAfrique, enfin, semble prte accomplir de grandes choses.Il y a un an, le Premier ministre britannique Tony Blair a rassembl 17 personnes et crune Commission pour lAfrique. Nous y avons t invits titre personnel et non pas poury reprsenter des gouvernements ou des institutions. La majorit dentre nous vientdAfrique, mais dhorizons diffrents : certains dentre nous sont des dirigeants politiques,dautres des fonctionnaires et dautres encore travaillent dans le secteur priv. La missionqui nous a t confie est la suivante : dfinir les difficults auxquelles lAfrique se trouveconfronte et prsenter des recommandations claires sur la manire de soutenir leschangements ncessaires pour faire reculer la pauvret.Notre point de dpart tait la reconnaissance du fait que lAfrique doit tirer son propredveloppement. Les pays riches devraient ly aider, car il est dans notre intrt communde rendre le monde plus prospre et plus sr bien que la communaut internationalesoit appele contribuer la ralisation de ces objectifs de diffrentes manires. Mais cequi est clair, cest que si lAfrique ne cre pas les conditions requises pour ledveloppement, le soutien extrieur, aussi important soit-il, chouera.Nos recommandations sont le rsultat de deux choses. Nous avons soigneusement tuditoutes les donnes disponibles afin de savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Nousavons galement procd une consultation trs large, lintrieur de lAfrique et lextrieur, avec les gouvernements, la socit civile, des intellectuels et des membres dusecteur public et du secteur priv.Nous avons rencontr des personnes et des groupes de chaque rgion et de 49 paysdAfrique, et de chaque pays du G8, de la Chine, de lInde et de toute lEurope. Nous avonsreu prs de 500 soumissions formelles et nous nous sommes particulirement efforcsdtablir le contact avec la diaspora africaine. Nous sommes infiniment reconnaissantsenvers toutes ces personnes et tous ces groupes pour la contribution quils ont apporte.Notre rapport se prsente en deux parties. La premire, Les raisons , sadresse unlarge public et prsente de manire succincte les mesures que nous prconisons. Ladeuxime, Lanalyse et les faits , prsente la substance et la base de nosrecommandations afin que ces dernires puissent tre examines de prs. Nosrecommandations se trouvent entre ces deux parties. 1
  • 4. Notre rapport est destin plusieurs publics. Nous nous adressons aux dcideurs dAfrique qui doivent maintenant faire avancer le programme de changement quils ont annonc. Nous nous adressons aux pays riches et puissants du monde, dont les dirigeants se runiront dans le cadre du G8 en juillet 2005 Gleneagles, en cosse, o ils devront insister vigoureusement sur des mesures dun ordre diffrent. Nous nous adressons la communaut internationale, qui doit sengager prendre des mesures plus importantes et plus rapides en faveur des objectifs du Millnaire pour le dveloppement pour le dveloppement aux Nations unies en septembre et qui doit aussi agir vigoureusement aux ngociations de lOrganisation Mondiale du Commerce, Hong Kong en dcembre. Enfin, nous nous adressons aux peuples dAfrique et au monde entier. Car ce sont eux qui doivent exiger que des mesures soient prises. Seule leur insistance dterminera si leurs dirigeants politiques prendront des mesures vigoureuses et soutenues. Les mesures que nous proposons constituent un ensemble cohrent pour lAfrique. Il faut les appliquer ensemble. 2005 est lanne o nous devons prendre les dcisions qui montreront que nous voulons vraiment que lAfrique devienne puissante et prospre. Tony Blair (prsident) Fola Adeola Ji Peiding K Y Amoako William Kalema Nancy Kassebaum Baker Trevor Manuel Hilary Benn Benjamin Mkapa Gordon Brown Linah Mohohlo Michel Camdessus Tidjane Thiam Bob Geldof Anna Tibaijuka Ralph Goodale Meles Zenawi2
  • 5. SommaireSommaireIntroduction Quelques mots sur ce rapport 1 Abrviations 9Rsum 13Premire partie : les raisons 19 Recommandations 76Deuxime partie : lanalyse et les faits 931 Vue densemble : pourquoi il faut agir 951.1 Pourquoi lAfrique ne peut pas attendre 961.2 Ce quil faut : une impulsion forte pour rompre les cercles vicieux 981.3 Travailler en partenariat 101 1.3.1 Laisser linitiative lAfrique : responsabilits et priorits 101 1.3.2 La communaut mondiale : responsabilits et priorits 103 1.3.3 Changement de mthode 1071.4 Plan daction pour soutenir la renaissance de lAfrique 110 Rsum des principaux messages 1112 Les dcennies perdues : le legs du pass et les causes 1172.1 La signification de la pauvret 1172.2 Quest-ce qui est arriv la pauvret ? 1192.3 Les causes 122 2.3.1 Causes politiques 123 2.3.2 Causes structurelles 125 2.3.3 Causes environnementales et technologiques 127 2.3.4 Causes humaines 1282.4 Les relations de lAfrique avec le monde dvelopp 1312.5 Conclusion 136 Annexe : Les objectifs de dveloppement du Millnaire devant tre atteints dici 2015 1373 Le point de vue des Africains : la culture 1393.1 Dmarche adopte par la Commission 1403.2 Points de vue sur le dveloppement en Afrique 1413.3 La culture et le changement 1423.4 Erreurs propos de lAfrique 143 3.4.1 Le legs de lhistoire 143 3.4.2 La diversit africaine 145 3.4.3 Les rseaux invisibles de lAfrique 145 3.4.4 Limportance croissante des rseaux religieux 1463.5 Lhritage culturel 1493.6 La culture et la politique de dveloppement 150 3
  • 6. 4 Avoir de bons systmes : la gouvernance et le dveloppement des capacits 153 4.1 Les organisations panafricaines 155 4.2 La capacit dagir 156 4.2.1 Comptences professionnelles et leadership 158 4.2.2 Incitations 160 4.2.3 quipements et infrastructures, TIC comprises 161 4.2.4 Suivi du dveloppement des capacits 162 4.3 La responsabilit 162 4.3.1 La participation 163 4.3.2 Les structures constitutionnelles, les parlements et les processus politiques 164 4.3.3 Les mdias 165 4.3.4 Le systme de la justice 166 4.3.5 Ladministration locale, les chefs traditionnels, les milieux daffaires, la socit civile et les syndicats 167 4.4 La transparence 167 4.4.1 La gestion des revenus des ressources naturelles : les industries extractives 168 4.4.2 Les autres secteurs des ressources naturelles 170 4.4.3 Le rle des institutions financires internationales 172 4.5 La corruption 173 4.5.1 La corruption et les marchs publics 173 4.5.2 Les agences de crdit lexportation 174 4.5.3 Les actifs vols 175 4.6 Le renforcement de la qualit et de lutilisation des donnes 177 4.7 Conclusion 179 Recommandations sur la gouvernance et le dveloppement des capacits 180 5 La paix et la scurit : une ncessit 183 5.1 Limportance de la prvention 184 5.2 La construction de socits africaines pacifiques 187 5.2.1 Rendre laide plus efficace dans la rduction des conflits violents et la promotion de la scurit 189 5.2.2 Le contrle des armes 190 5.2.3 La gestion des ressources naturelles 191 5.2.4 Les activits des entreprises dans les zones de conflit 193 5.3 Dvelopper la capacit rgionale et mondiale de prvenir et de rsoudre les conflits violents : alerte rapide, mdiation et maintien de la paix 194 5.3.1 Soutien externe au systme africain de paix et de scurit 197 5.3.2 Des rles et des responsabilits plus clairs 198 5.3.3 Renforcement de la capacit des Nations unies de prvenir et de rsoudre les conflits violents 198 5.4 Consolider la paix aprs la fin des combats 199 5.4.1 Planification et coordination 200 5.4.2 Financement de la consolidation de la paix post-conflit 201 5.5 Conclusion 202 Recommandations sur la paix et la scurit 203 Annexe 1 : Recommandation sur le rgime des sanctions, article VIII 205 Annexe 2 : Recommandation sur la Commission de consolidation de la paix et le Bureau dappui la consolidation de la paix, article XV 2064
  • 7. Sommaire6 Investir dans les ressources humaines, sans laisss-pour-compte 2096.1 Une ducation et des comptences rpondant aux besoins de lAfrique contemporaine 211 6.1.1 Le moment est venu de tenir nos promesses 2126.2 Lradication des maladies vitables 219 6.2.1 Quest-ce qui donne des rsultats ? 221 6.2.2 Les priorits de sant 222 6.2.3 Une autre manire de travailler 226 6.2.4 Intgration des rponses au poids de la maladie 2306.3 tendre lalimentation en eau et lassainissement 2326.4 Le VIH/SIDA : honorer les promesses 234 6.4.1 La nature de la pandmie 236 6.4.2 Les rponses inefficaces au SIDA 238 6.4.3 Une meilleure mthode 2396.5 Lutter contre lexclusion et la vulnrabilit 241 6.5.1 Qui est exclu et qui est vulnrable ? 242 6.5.2 Les interventions de protection sociale 244 6.5.3 laboration de stratgies de lutte contre lexclusion et la vulnrabilit 2466.6 Conclusion 248 Recommandations sur lintgration : investir dans les ressources humaines 2507 Opter pour la croissance et la lutte contre la pauvret 2537.1 Introduction 2547.2 Les moteurs de la croissance 257 7.2.1 La gouvernance et la gographie : les moteurs fondamentaux de la croissance 257 7.2.2 Stratgies de croissance des pays 258 7.2.3 Les principaux dfis 261 7.2.3.1 Limpact conomique du VIH/SIDA 261 7.2.3.2 Le dveloppement urbain 2617.3 Les politiques de croissance 263 7.3.1 Le climat des investissements 263 7.3.2 Les infrastructures 268 7.3.3 Lagriculture et le dveloppement rural 2727.4 Politiques de participation la croissance 275 7.4.1 Le dveloppement des petites entreprises 276 7.4.2 La promotion de lemploi 279 7.4.3 Ce que les entreprises devraient faire 2817.5 La soutenabilit environnementale 285 Recommandations sur la croissance et la lutte contre la pauvret 288 Annexe : options dadministration des fonds dinfrastructure supplmentaires 290 5
  • 8. 8 Accrotre les changes commerciaux et les rendre plus quitables 293 8.1 Introduction : les bnfices potentiels du commerce pour lAfrique 294 8.2 Augmenter la capacit de lAfrique de participer au commerce 298 8.2.1 Un environnement habilitant pour le secteur priv 299 8.2.2 Les infrastructures 299 8.2.3 La rduction des obstacles au commerce en Afrique 299 8.2.4 Rduire la dpendance vis--vis des produits de base 310 8.3 Possibilits de participer au commerce 317 8.3.1 Lagriculture dans le programme de dveloppement de Doha 319 8.3.2 Rendre laccs prfrentiel utile pour lAfrique subsaharienne 332 8.3.3 Mcanismes de soutien aux ajustements commerciaux et dattnuation de lrosion des prfrences 337 8.3.4 Rendre la politique commerciale compatible avec la politique daide 339 Recommandations sur le commerce 341 9 Do viendra largent : les ressources 343 9.1 Introduction 344 9.2 LAfrique peut-elle financer une impulsion forte sans aide supplmentaire ? 345 9.3 Comment laide supplmentaire peut-elle tre la plus efficace ? 350 9.3.1 Aide : bilan des ralisations 351 9.3.2 Possibilits damlioration de lefficacit de laide 354 9.3.3 Amlioration de la qualit de laide 357 9.3.4 Laide : combien de plus ? 361 9.3.5 Quelles garanties avons-nous que laide supplmentaire sera utilise productivement ? 365 9.3.6 Les systmes de gestion des finances publiques et les efforts internationaux pour les soutenir samliorent-ils ? 367 9.3.7 Comment laide supplmentaire serait-elle utilise et quelles fins ? 369 9.4 Et lallgement de la dette ? 374 9.5 Comment financer une augmentation de laide ? 377 9.5.1 Laide, une obligation mondiale 377 9.5.2 Le partage des charges par le respect de normes communes 379 9.5.3 La rallocation de laide en faveur de lAfrique 380 9.5.4 Mobiliser des fonds pour le dveloppement laide de taxes internationales et dautres mcanismes 380 9.5.5 Lacclration du versement de laide ds le dpart par le recours aux marchs des capitaux 381 Recommandations sur les ressources 383 Annexe 1 : Augmentation de laide en faveur du Ghana 385 Annexe 2 : Augmentation de laide en faveur de lthiopie 390 Annexe 3 : Augmentation de laide en faveur du Mali 394 Annexe 4 : Lallocation de laide au dveloppement pour la lutte contre la pauvret 399 Annexe 5 : Dcomposition dtaille des recommandations de la Commission 401 Annexe 6 : Labsorption productive de laide supplmentaire en faveur de lAfrique 403 Annexe 7 : Projet de Principes du bon engagement dans les tats fragiles 413 Annexe 8 : Le Botswana dpend de moins en moins de laide 415 Annexe 9 : Actions possibles pour un allgement de la dette plus pouss 4176
  • 9. Sommaire10 Pour que cela devienne une ralit 41910.1 Introduction : prendre des engagements et les mettre en uvre 41910.2 Le leadership africain et le partenariat mondial 42010.3 Des mesures claires et fondes sur les faits 42110.4 Les institutions de mise en uvre 422 10.4.1 Les institutions africaines multilatrales 423 10.4.2 Les institutions mondiales 42410.5 Donner lAfrique plus de poids au sein des organisations multilatrales 43110.6 Surveillance, mesure et responsabilit 43310.7 La volont politique 435 Recommandations pour que tout cela devienne une ralit 438Glossaire 441Notes et rfrences 455 7
  • 10. 8
  • 11. AbrviationsAbrviationsACBF Fondation pour le CCNUCC Convention cadre des dveloppement des Nations unies sur les capacits en Afrique changements climatiquesACP Afrique, Carabes et CEA Commission conomique Pacifique pour lAfrique desACUA Accord du cycle de lUruguay Nations unies sur lagriculture CEAP Coopration conomique deADEA Association pour le lAsie-Pacifique dveloppement de CEDEAO Communaut conomique lducation en Afrique des tats de lAfrique deADI Association pour le lOuest dveloppement CEEAC Communaut conomique international des tats de lAfriqueADPIC Accord sur les droits de centrale proprit intellectuelle lis CEMAC Communaut conomique au commerce et montaire de lAfriqueAGCS Accord gnral sur le centrale commerce des services CEN-SAD Communaut des tatsAGNU Assemble gnrale des sahlo-sahariens Nations unies CEPGL Communaut conomiqueAGOA Loi sur les opportunits de des pays du Grand Lac croissance en Afrique CER Communaut conomiqueAGIM Agence de garantie des rgionale investissements CNUC Convention des Nations multilatraux unies contre la corruptionAIGD Autorit CNUCED Confrence des Nations intergouvernementale pour unies sur le commerce et le le dveloppement dveloppementALE Accord de libre-change COI Commission de locanAOD Aide officielle au Indien dveloppement COMESA March commun pourAPE Accords de partenariat lAfrique de lest et australe conomique DFID Ministre britannique duARP Assurance du risque dveloppement politique internationalBAD Banque africaine du DSRP Document de stratgie de dveloppement rduction de la pauvretBEI Banque europenne DTS Droits de tirage spciaux dinvestissement EAC Communaut de lAfriqueBIT Bureau international de lest du travail ECOSOC Conseil conomique etBNT Barrire non tarifaire social de lONUCAFOD Agence catholique pour le EPIP valuation politique et dveloppement ltranger institutionnelle des pays 9
  • 12. FAB Facilit damlioration des MAEP Mcanisme africain bidonvilles dvaluation par les pairs FAO Organisation des nations MIUU Unit dinvestissements unies pour lalimentation et dinfrastructures lagriculture municipales FCI Facilit damlioration du NEPAD Nouveau partenariat pour climat des investissements le dveloppement de FCLP Facilit pour la croissance et lAfrique la lutte contre la pauvret NPF Nation la plus favorise FDEA Fonds de dveloppement NSP Normes sanitaires et pour les entreprises en phytosanitaires Afrique OCDE Organisation de FFI Facilit de financement coopration et de internationale dveloppement FIA Force dintervention conomique africaine OCDE/CAD Organisation de FMI Fonds montaire coopration et de international dveloppement conomique/Comit daide FNUP Fonds des Nations unies au dveloppement pour la population OCHA Bureau de coordination des FPPI Facilit de prparation de affaires humanitaires des projets dinfrastructure Nations unies GAFI Groupe daction financire OMC Organisation mondiale du sur le blanchiment de commerce capitaux OMD Objectif du Millnaire pour GATT Accord gnralis sur les le dveloppement tarifs douaniers et le commerce OMS Organisation mondiale de la sant GAVI Alliance mondiale pour la vaccination et ONG Organisation non limmunisation gouvernementale GCRAI Groupe consultatif pour la ONU Organisation des Nations recherche agricole unies internationale ONUDI Organisation des Nations GSB Growing Sustainable unies pour le Business dveloppement industriel IAC InterAcademy Council ONUSIDA Programme commun des Nations unies sur le IBLF International Business VIH/SIDA Leaders Forum OTAN Organisation du Trait de IDE Investissement direct lAtlantique Nord tranger OUA Organisation pour lunit IFI Institution financire africaine internationale PAAL Petites armes et autres IMF Institutions micro- armes lgres financires PAC Politique agricole commune ITIE Initiative de transparence des industries extractives10
  • 13. AbrviationsPACT Partenariat pour le TCA Trait sur le commerce dveloppement des des armes capacits en Afrique TIC Technologies dePARIS21 Partenariat statistique au linformation et de la service du dveloppement communication au 21e sicle TSA Tout sauf les armesPIB Produit intrieur brut TSD Traitement spcial etPIDG Groupe de dveloppement diffrentiel des infrastructures prives UA Union africainePPIAF Facilit de conseil en UE Union europenne matire dinfrastructures publiques et prives UEMAO Union conomique et montaire de lAfrique dePMA Pays les moins avancs lOuestPME Petites et moyennes UFM Union du fleuve Mano entreprises UMA Union du Maghreb arabePNB Produit national brut UNESCO Organisation des NationsPNUD Programme des Nations unies pour lducation, la unies pour le science et la culture dveloppement UN-HABITAT Programme des NationsPNUE Programme des Nations unies pour les unies pour lenvironnement tablissements humainsPPA Parit du pouvoir dachat UNHLP GHNNU Groupe de haut niveauPPTE Pays pauvres trs endetts de lONU sur les menaces,RCA Rpublique centrafricaine les dfis et le changementRDC Rpublique dmocratique UNICEF Fonds des Nations unies du Congo pour lenfanceRNB Revenu national brut VIH Virus de limmunodficience humaineRSM Rapport de suivi mondial YBI Youth BusinessRU Royaume-Uni InternationalSAC Systme dalerte YEN Rseau pour lemploi des continental jeunesSACU Union douanire de lAfrique australeSADC Communaut de dveloppement de lAfrique australeSIDA Syndrome dimmunodficience acquiseSPG Systme de prfrences gnralisesSSAGNU Session spciale de lAssemble gnrale des Nations unies sur le VIH/SIDA 11
  • 14. 12
  • 15. RsumRsumLa pauvret et la stagnation en Afrique sont la plusgrande tragdie de notre temps. La pauvret unetelle chelle appelle une rponse nergique. EtlAfrique aux niveaux national, rgional etcontinental est en train de poser des basesbeaucoup plus solides pour sattaquer sesproblmes. La croissance conomique et lagouvernance se sont amliores ces derniresannes. Mais lAfrique a besoin de progresserdavantage encore sur ces deux fronts si elle veutvraiment faire reculer la pauvret. Pour y parvenir, ilfaut un partenariat entre lAfrique et le mondedvelopp, un partenariat qui tienne pleinementcompte de la diversit et des circonstancesparticulires de lAfrique.De son ct, lAfrique doit acclrer la rforme. Pour sa part, le monde dvelopp doitaugmenter la quantit et la qualit de laide verse et cesser de faire obstacle au progrsde lAfrique. Le monde dvelopp a pour devoir moral daider lAfrique, et il y a galementintrt. Nous croyons que le moment est venu o un plus grand soutien externe peutavoir un impact norme et quil est maintenant dune importance capitale que le mondesoutienne lAfrique dans ses efforts.Les mesures proposes par la Commission constituent un ensemble cohrent pourlAfrique. Les problmes auxquelles elles sattaquent sont interdpendants. Il sagit decercles vicieux qui se renforcent les uns les autres. Il convient de sattaquer tous cesproblmes en mme temps. Pour y parvenir, lAfrique a besoin dune forte impulsion ou big push sur plusieurs fronts la fois. Les partenaires doivent travailler ensemble pourmettre cet ensemble de mesures en uvre avec dtermination, persvrance et rapidit,en essayant chacun dapporter la contribution la plus efficace possible. 13
  • 16. Avoir de bons systmes : la gouvernance et le dveloppement des capacits Ces cinquante dernires annes, lAfrique a souffert de deux grandes faiblesses : au niveau de ses capacits laptitude laborer et mettre en uvre des politiques et de la responsabilit dans quelle mesure ltat rend compte de ses actes ses citoyens. Lamlioration de la capacit et de la responsabilit incombe en premier lieu aux pays et aux peuples dAfrique. Mais lintervention des nations riches est essentielle cet gard galement. Le dveloppement des capacits prend du temps et suppose un engagement rel. Linsuffisance des capacits se traduit par des systmes, incitations et informations dficients, par linaptitude technique, par le manque de formation du personnel et par le manque de ressources financires. Nous recommandons que les donateurs investissent lourdement dans lamlioration des capacits en Afrique, en commenant par le systme denseignement suprieur, dans la science et la technologie en particulier. Ils doivent aider la construction de systmes et au dveloppement du personnel au sein de ladministration centrale et locale, mais galement au sein des organisations panafricaines et rgionales, en particulier lUnion africaine et son programme NEPAD. Les donateurs doivent changer leur comportement et soutenir les politiques nationales des gouvernements africains plutt que de laisser leurs propres procdures et prfrences nuire au dveloppement des capacits dun pays. Lamlioration de la responsabilit, ou de lobligation de rendre compte, relve des dirigeants africains. Ils peuvent le faire en largissant la participation des citoyens ordinaires aux processus gouvernementaux, en partie par le renforcement dinstitutions telles que les parlements, les autorits locales, les syndicats, le systme de la justice et les mdias. Les donateurs peuvent les y aider. Ils peuvent galement les aider mettre en place des procdures budgtaires intgrant des dispositifs de justification afin que les Africains sachent do largent provient et o il va. Ce type de transparence peur contribuer faire reculer la corruption, que les gouvernements africains doivent radiquer. Les pays dvelopps peuvent les aider sur ce front galement. Il faut rapatrier les fonds et les actifs qui ont t vols aux Africains par des dirigeants corrompus. Les banques trangres devraient tre juridiquement contraintes dinformer les autorits comptentes des transactions douteuses. Le versement de pots-de-vin ne devrait pas tre tolr et les entreprises internationales actives dans lexploitation du ptrole, des minerais, etc., doivent permettre au public davoir un droit de regard sur les paiements quelles effectuent. Les entreprises qui versent des pots-de-vin devraient se voir refuser les crdits lexportation. En labsence de progrs sur le plan de la gouvernance, toutes les autres rformes auront un impact limit. La paix et la scurit : une ncessit La dfaillance la plus extrme de la gouvernance est la guerre. LAfrique a connu plus de conflits violents que nimporte quel autre continent ces quarante dernires annes. Les choses se sont amliores dans plusieurs pays ces dernires annes, mais dans dautres les conflits violents restent le plus grand obstacle au dveloppement. Investir dans le dveloppement, cest investir dans la paix. La faon la plus efficace de sattaquer aux conflits pour pargner des vies et conomiser de largent consiste dvelopper la capacit des tats et des socits dAfrique de prvenir et de grer les conflits. Cela signifie faire un meilleur usage de laide pour sattaquer aux causes des conflits. Cela signifie amliorer la gestion des revenus que les gouvernements tirent des ressources naturelles ainsi que les accords internationaux sur le14
  • 17. Rsumcontrle des ressources sources de conflits qui alimentent ou financent les hostilits.Cela signifie contrler le commerce des petites armes.Les organisations rgionales dAfrique et lONU peuvent jouer un rle utile dans laprvention et la rsolution des conflits lorsque les tensions savrent impossibles grerau niveau national grce , par exemple, des systmes dalerte rapide efficaces, lamdiation et les oprations de maintien de la paix. Les donateurs peuvent apporterun soutien cet gard en versant un financement, selon des modalits souples, lUnionafricaine et aux organisations rgionales du continent et en soutenant la cration de laCommission de construction de la paix de lONU. La coordination et le financement de laconsolidation de la paix et du dveloppement post-conflit doivent tre amliorespour empcher les tats qui sortent dun conflit violent dy glisser nouveau.Investir dans les ressources humaines, sanslaisss-pour-compteLa pauvret est plus que le manque de choses matrielles. Les pauvres sont exclus desprocessus de dcision et des services de base que les pouvoirs publics devraient offrir. Lesplus pauvres en Afrique doivent avoir accs aux coles et aux hpitaux. Il sagit dunequestion urgente de justice sociale et de droits de lhomme fondamentaux. Mais il sagitaussi dconomie saine : une main-duvre en bonne sant et qualifie est plusproductive et ralise son potentiel avec dignit. Investir dans la croissance conomiquesignifie reconstruire les systmes de sant et dducation africains, dont bon nombre sontau bord de leffondrement. Cela suppose des fonds considrables, mais il ne sagit passeulement de ressources. Il sagit galement de prestation de services et de rsultats. Laqualit des services et les rsultats samliorent considrablement lorsque lescommunauts locales participent aux dcisions qui les concernent.Financer correctement lengagement pris par la communaut internationale en faveur delducation pour tous permettra tous les garons et filles dAfrique subsaharienne derecevoir une ducation de base et dacqurir des comptences utiles dans lAfriquedaujourdhui. Un systme ducatif global quilibr doit aussi soutenir lenseignementsecondaire, suprieur et professionnel, ainsi que la formation des adultes. Les donateursdoivent verser les fonds ncessaires pour tenir leurs promesses et financer labolition desfrais de scolarit des coles primaires.Lradication des maladies vitables en Afrique dpend surtout de la reconstruction dessystmes de sant publique, car cest ce qui permettra de lutter efficacement contre desmaladies telles que la tuberculose et le paludisme. Ceci supposera de lourds investissementsdans le personnel, la formation, le dveloppement de nouveaux mdicaments, de meilleursservices de sant sexuelle et gnsique et la gratuit des consultations, qui devront trepays par les donateurs jusqu ce que les pays soient en mesure de prendre ces frais leurcharge. Il faudrait immdiatement augmenter les fonds allous lalimentation en eauet lassainissement, afin dinverser des annes de dclin.La priorit premire est damliorer les services ncessaires pour grer la catastrophe duVIH/SIDA, qui fait plus de victimes en Afrique que nimporte o ailleurs dans le monde.Mais il faut pour cela utiliser les systmes actuels, au lieu den crer de nouveaux. Ilfaudrait galement aider les gouvernements protger les orphelins et les enfantsvulnrables, ainsi que dautres groupes qui seraient sinon exclus de la croissance. A peuprs la moiti de laide supplmentaire que nous recommandons devrait tre consacre la sant, lducation et au VIH/SIDA. 15
  • 18. Opter pour la croissance et la lutte contre la pauvret LAfrique est pauvre, en dfinitive, parce que son conomie na pas enregistr de croissance. Les secteurs public et priv doivent travailler ensemble en vue de crer un climat qui libre lesprit dentreprise des peuples dAfrique, cre des emplois et encourage les particuliers et les entreprises dAfrique et dailleurs investir. Des changements simposent au niveau de la gouvernance pour amliorer le climat des investissements. Le monde dvelopp doit soutenir le programme NEPAD de lUnion africaine afin de former des partenariats public/priv et de crer ainsi un climat plus propice la croissance, aux investissements et lemploi. La croissance ncessitera galement des investissements dinfrastructure normes, afin dabolir les obstacles internes qui bloquent lAfrique. Les donateurs devraient financer un doublement des dpenses dinfrastructure des routes rurales lirrigation de petite chelle, en passant par les routes rgionales, les chemins de fer, les grands projets dlectrification et les technologies de linformation et de la communication. Ces investissements doivent galement viser le dveloppement rural et lamlioration des bidonvilles, sans quoi les pauvres dAfrique ne pourront pas participer la croissance. En outre, les politiques de croissance doivent activement englober et veiller ne pas exclure les groupes les plus pauvres. Il convient dinsister tout particulirement sur lagriculture et sur laide aux petites entreprises, les femmes et les jeunes en particulier. Pour que la croissance soit durable, la protection de lenvironnement et la gestion des risques lis aux changements climatiques devraient faire partie intgrante des programmes des donateurs et des gouvernements. Ce programme de croissance utilisera plus du tiers des ressources supplmentaires totales que nous proposons. Accrotre les changes commerciaux et les rendre plus efficaces LAfrique se trouve confronte deux grandes difficults sur plan commercial : elle ne produit pas assez de marchandises dune qualit ou un prix lui permettant de percer sur les marchs mondiaux et elle se heurte aux barrires douanires indfendables quelle doit, directement ou non, payer pour faire entrer ses marchandises sur les marchs des pays dvelopps. Pour amliorer sa capacit de participer au commerce, lAfrique a besoin de changer sur le plan interne. Elle doit amliorer son infrastructure de transport afin de rduire le cot du transport de marchandises. Elle doit rduire et simplifier les systmes douaniers entre les diffrents pays dAfrique. Elle doit remdier aux problmes de la bureaucratie excessive, des procdures douanires lourdes et de la corruption des fonctionnaires, le cas chant. Elle doit faciliter la cration dentreprises. Elle doit amliorer son intgration conomique au sein des communauts conomiques rgionales du continent. Les donateurs peuvent aider au financement de ces changements. Mais les pays riches doivent galement dmanteler les obstacles quils ont rig contre les marchandises africaines, les produits agricoles principalement. Ces obstacles nuisent aux citoyens des pays riches comme des pays pauvres. Les pays riches doivent abolir les subventions sources de distorsions qui confrent leurs agriculteurs et agro-industries un avantage injuste sur les agriculteurs africains pauvres. Ils doivent rduire les droits de douane et autres barrires non tarifaires auxquelles les produits africains se heurtent et mettre fin lapplication bureaucratique des rgles dorigine qui excluent les produits africains des prfrences auxquelles ils ont droit. Ils doivent galement donner la preuve16
  • 19. Rsumde leur dtermination le faire en terminant les ngociations commerciales actuelles ducycle de Doha sans exiger de concessions rciproques de la part des pays pauvres dAfrique.Il convient de veiller soigneusement ce que les plus pauvres soient aids tirer parti desnouvelles possibilits et faire face aux impacts dun systme dchanges mondiaux plusouvert. Il faut verser lAfrique les fonds qui laideront sadapter aux nouvellespossibilits offertes par un rgime commercial mondial diffrent.Trouver les ressources ncessairesAfin de soutenir les changements qui ont commenc en Afrique, nous demandons 25milliards dUSD daide en plus par an, avant 2010. Les pays donateurs devraientsengager immdiatement verser leur quote-part. Sous rserve dun bilan des progrsaccomplis, une nouvelle augmentation de 25 milliards dUSD par an devrait avoir lieuavant 2015. La bonne utilisation des fonds dpendra de deux facteurs. Tout dabord, labonne gouvernance en Afrique doit continuer progresser. Ensuite, les donateurs doiventconsidrablement amliorer la qualit de laide et la faon dont elle est verse : ils doiventverser plus de subventions et plus daide prvisible et non lie. En outre, les processus desdonateurs doivent peser moins lourd sur les administrations des pays africains qui sontdj au maximum de leurs capacits. En outre, laide doit tre mieux harmonise avec celledes autres donateurs et tre plus conforme aux priorits, aux procdures et aux systmesdes gouvernements africains. Surtout, elle doit tre accorde de manire obliger lesgouvernements rpondre de son utilisation devant leurs citoyens principalement.Ces changements simposent non seulement pour les diffrentes nations donatrices, maisgalement pour les institutions multilatrales dAfrique et dailleurs. La Banque africainede dveloppement a besoin dtre renforce et le rle de la Commission conomique pourlAfrique doit tre amlior. Le FMI et la Banque mondiale doivent accorder une plusgrande priorit au dveloppement de lAfrique. De mme, ils doivent rendre davantage decomptes leurs actionnaires et leurs clients, et accorder lAfrique une plus grandeparticipation leurs processus de dcision.Les pays riches devraient sengager arrter un calendrier pour consacrer 0,7 % de leurrevenu annuel laide. Pour obtenir la masse critique daide qui est ncessaire maintenant,laide devrait tre verse ds maintenant (front-loading), grce la mise en uvreimmdiate de la facilit de financement internationale. Des propositions pratiquesdevraient tre labores pour des mthodes de financement innovantes, telles quune taxeinternationale sur laviation, qui pourraient garantir le financement moyen-long terme.Pour les pays pauvres dAfrique subsaharienne qui en ont besoin, lobjectif doit tre uneannulation de la dette 100 %, le plus rapidement possible. Cette annulation doitsinscrire dans le cadre dun programme de financement pour ces pays y compris ceuxqui sont exclus des programmes dallgement de la dette actuels visant les aider atteindre les objectifs du Millnaire pour le dveloppement pour le dveloppement,comme promis par la communaut internationale Monterrey et Kananaskis.ConclusionIl ne sera possible de prendre des mesures globales vigoureuses lchelle qui simposeque par un partenariat dun genre nouveau. Dans le pass, le recours aux mthodescontractuelles et conditionnelles a t tent et a chou. Ce que nous suggrons est unnouveau type de dveloppement, fond sur le respect mutuel et la solidarit, etreposant sur une analyse solide de ce qui marche. Ceci pourra acclrer lavnement,sous-tendu par les dveloppements positifs rcents en Afrique, dun monde juste dontlAfrique fera partie intgrante. 17
  • 20. 18
  • 21. Premire partieLes Raisons
  • 22. 20
  • 23. Les RaisonsLes RaisonsXamul aay na, laajtewul a ko raw.Ne pas savoir est mauvais. Ne pas souhaiter savoirest pire.Proverbe africainBatta li a i fi ise agoura li arin egun.Avec des chaussures, on peut marcher sur les pinesProverbe africainLe monde est inond de richesse, une chelle sans prcdent dans lhistoire delhumanit. Contrairement lopulence du pass, qui se trouvait entre les mains de lliteet dune poigne de privilgis, la richesse daujourdhui appartient un nombre sansprcdent de gens ordinaires rpartis sur toute la plante. La croissance et lamondialisation permettent des milliards dhommes et de femmes de bnficier deniveaux de vie plus levs.Mais il ne sagit pas dune richesse dont tout le monde profite. En Afrique, des millions degens vivent chaque jour dans la misre la plus noire et dans les conditions les plussordides. Des enfants ont faim. Leur croissance sest arrte et leurs corps sont dformspar la malnutrition. Ils ne savent ni lire ni crire. Ils sont inutilement malades. Ils doiventboire de leau sale. Ceux qui vivent dans les bidonvilles en croissance rapide dAfrique vivent ct damas dordures puants et respirent de lair pollu.Nous vivons dans un monde o de nouveaux mdicaments et techniques mdicales ontpermis dradiquer nombre des maladies et affections qui svissaient dans le monde riche.Pourtant, en Afrique, environ quatre millions denfants de moins de cinq ans meurentchaque anne, de maladies quil est possible de gurir prix trs rduit pour les deux tiers1 :le paludisme est la premire cause de dcs chez les enfants africains et la moiti de cesdcs pourraient tre vits si leurs parents avaient accs des diagnostics et desmdicaments qui ne cotent gure plus de 1 USD la dose2.Nous vivons dans un monde o les scientifiques peuvent squencer le gnome humain etont mme mis au point la technologie permettant de cloner un tre humain. Pourtant,en Afrique, nous laissons plus de 250 000 femmes mourir chaque anne des complicationsdune grossesse ou dun accouchement.Nous vivons dans un monde o linternet peut, en un clin dil, transfrer plusdinformations quun cerveau humain ne peut contenir. Pourtant, chaque jour en Afrique,environ 40 millions denfants ne peuvent pas aller lcole.Nous vivons dans un monde qui, confront une des maladies les plus dvastatricesjamais vues, le SIDA, a dvelopp les mdicaments antirtroviraux qui permettent de1 Les sources des donnes prsentes dans cette section sont indiques dans la deuxime partie du prsent rapport. 212 Pour faciliter les comparaisons, tous les chiffres du prsent rapport sont indiqus en USD.
  • 24. contrler son volution. Pourtant, en Afrique, o plus de 25 millions de personnes sont infectes, ces mdicaments ne sont pas la porte de tous. Pour cette raison, deux millions de personnes mourront du SIDA cette anne. En Zambie, un enfant sur trois sera orphelin en 2010. Nous vivons dans un monde o les pays riches consacrent lquivalent du revenu entier de tous les habitants dAfrique la subvention de la production inutile de denres alimentaires qui ne sont pas consommes soit prs dun milliard de 1 milliard dUSD par jour alors quen Afrique la faim tue plus que toutes les maladies infectieuses du continent runies. Nous vivons dans un monde o chaque vache dEurope a reu prs de 2 USD par jour de subventions, soit le niveau choquant de deux fois le revenu moyen en Afrique. Les vaches japonaises cotent prs de 4 USD. Le contraste entre la vie mene par ceux qui vivent dans les pays riches et celle des pauvres dAfrique est le plus grand scandale de notre poque. Afin de faire comprendre lnormit de cette injustice, nous parlons en millions et pourtant nous devons garder lesprit que derrire chaque statistique se trouve un enfant prcieux et aim. Chaque jour, cet enfant et des milliers comme lui, devra lutter pour respirer et survivre, et tragiquement et douloureusement perdre la bataille. La mondialisation doit galement signifier la justice lchelle mondiale. Les habitants de cette plante ont un besoin instinctif daider ceux qui sont dans la dtresse. La rponse au tsunami qui a dvast la bordure de locan Indien la montr. Plus de 300 000 personnes ont pri lorsque le sisme le plus dvastateur des temps modernes a envoy une vague gigantesque qui a travers les mers et tout dtruit sur son passage en atteignant le rivage. Ctait un drame particulirement horrible et partout dans le monde les gens ont spontanment effectu des donations une chelle jamais vue dans le pass. Il y a un tsunami chaque mois en Afrique. Mais cette vague mortelle de maladie et de famine envahit tout le continent en secret et en silence. Elle nest pas dramatique et on en parle rarement aux nouvelles. Ses victimes meurent sans bruit, labri des regards, cachs dans leurs domiciles pitoyables. Mais elles prissent en nombres identiques. Les yeux du monde ne voient peut-tre pas leur souffrance quotidienne, mais les yeux de lhistoire nous regardent. Dans quelques annes, les gnrations futures regarderont en arrire et se demanderont : comment notre monde a-t-il pu savoir et ne pas agir ? Tout le monde sait ce dont lAfrique a besoin... Lorsque le Premier ministre britannique, Tony Blair, a lanc cette Commission, beaucoup se sont exclams : Pourquoi une Commission ? Tout le monde sait ce dont lAfrique a besoin, tout de mme ! Nous avons donc demand aux gens de nous le dire. Nous avons organis des consultations dans toute lAfrique et dans les plus grandes villes du monde riche. Nous avons examin la quantit norme de donnes danalyse runies ces 50 dernires annes et les erreurs qui ont t commises dans la gestion de laide, du dveloppement et de lconomie. Par consquent, nous sommes aujourdhui nettement mieux en mesure de dire ce qui marche et ce qui ne marche pas, et de tirer les enseignements des checs et des russites passs. Notre rapport sappuie sur les preuves disponibles. Pragmatique, il contient des propositions qui reposent sur des donnes fiables et sur des arguments pratiques et analytiques solides. Nous nous sommes galement efforcs dtre parfaitement honntes. Nous sommes 17 commissaires, des Africains pour la plupart, mais certains dentre nous sont originaires des pays les plus riches du monde, et nous avons fait tout notre possible pour accepter des vrits peu agrables entendre quand il la fallu.22
  • 25. Les RaisonsNous avons t francs propos de la corruption, de lincomptence et des conflits enAfrique. Nous avons t directs dans nos critiques lgard des pays dvelopps. Leurspolitiques commerciales sont faonnes de manire bnficier aux riches sansconsidration pour les pauvres. Ils ont toujours rechign annuler les lourdes dettes quiajoutent au fardeau quotidien de lAfrique. Et leurs politiques daide semblent souventavoir t conues autant dans lintrt politique et industriel des pays riches que pourlutter contre la pauvret en Afrique. Une trop grande partie de lhistoire du rle du mondeindustrialis en Afrique est une histoire lamentable de promesses non tenues.Mais nous ne faisons pas que condamner. Nous examinons galement les dsavantagesnaturels dont lAfrique a hrit du point de vue gographique, climatique et historique etnous rflchissons ce que lAfrique et le monde industrialis peuvent faire pour yremdier. Et nous avons galement tenu compte des normes changements conomiqueset politiques qui sont se sont produits dans le monde au cours des vingt annes qui ontsuivi la famine de 1984/1985 en thiopie, lorsque Live Aid a diffus des images de famine,de mort et de pauvret sur le taux stupfiant de 98 % des postes de tlvision du monde.Ces images ont fix dans lesprit du public mondial limage dun continent de dsespoir etde dpendance. Mais, bien que de telles images correspondent toujours la ralit, ellessont dans lensemble de plus en plus dpasses. Les choses ont beaucoup chang au coursdes 20 annes qui ont suivi, tant en Afrique que dans le reste du monde.Tout dabord, la guerre froide est termine, ainsi que la tendance des superpuissances soutenir des dictateurs corrompus qui manipulaient les richesses de lAfrique sans penserau dveloppement conomique ni aux plus pauvres de lAfrique et qui ont renforclopinion selon laquelle laide est gnralement gaspille ou ne sert rien. En Afrique duSud, lapartheid sest effondr, transformation qui a redonn confiance lensemble ducontinent. La fin de lapartheid a rappel lAfrique, et au monde, quaucune injustice nepeut durer ternellement. Sur une note plus sinistre, les vnements de New York et deWashington du 11 septembre 2001 ont amen beaucoup de personnes du monde riche rflchir sur le rapport entre la pauvret dans le monde et la scurit dans leur proprepays. Ce qui arrive aux citoyens les plus pauvres du pays le plus pauvre peut avoir unimpact direct sur le plus riche du pays le plus riche. Si une socit libre ne peut pas aiderla majorit qui est pauvre , a dclar le prsident des tats-Unis John F. Kennedy, ellene pourra pas sauver la minorit qui est riche . Tenons compte de tout cela et cedocument devient une dclaration dintrt commun.Aujourdhui plus que jamais, nous avons besoin les uns des autres non seulement pournotre subsistance, mais aussi pour notre sret et notre scurit. Comme le prsidentGeorge W. Bush la dit : La pauvret et loppression persistantes peuvent aboutir ausentiment dimpuissance et au dsespoir. Et lorsque les gouvernements ne rpondent pasaux besoins les plus lmentaires de leurs citoyens, ces tats en situation dchec peuventdevenir des refuges pour les terroristes... Dans de nombreux pays du monde, la pauvretempche les gouvernements de contrler leurs frontires, de faire rgner lordre sur leursterritoires et de faire respecter la loi. Le dveloppement apporte les ressources ncessairespour construire lespoir et la prosprit, et la scurit. Aujourdhui, le sort des plus richesdes pays les plus riches est irrvocablement li au destin des plus pauvres des pays les pluspauvres du monde, mme sils sont des trangers qui ne se rencontreront jamais.Mais les changements ne sont pas termins. Les habitudes de production et deconsommation de ptrole changent et les tats-Unis sont prts importer 25 % de leurptrole dAfrique au cours des 10 prochaines annes. LAsie en particulier ses deuxgants, la Chine et lInde est en train de devenir une grande puissance conomique. Parexemple, les Chinois ont maintenant des investissements et des intrts dans toutelAfrique. Dans de nombreuses parties du monde, lre industrielle est, de nombreux 23
  • 26. gards, en train de cder la place la rvolution de linformation, ce dont les implications totales nous chappent encore. Tout cela signifie que le moment est venu de rflchir nouveau au rle que le monde dvelopp peut jouer pour aider lAfrique dans son dveloppement. Dans ce rapport, nous essayons de raconter une histoire. Il sagit invitablement dune histoire complexe, car nombre des questions souleves sont intimement lies et ne peuvent pas tre envisages isolment les unes des autres. Cela naurait aucun sens. La mthode que nous avons choisie dans cet amas dinteractions est la suivante : nous commenons par raconter au monde comment les Africains voient le problme, car, press quil est de proposer ses solutions toutes prtes, le monde dvelopp oublie beaucoup trop souvent de tenir compte des cultures du continent. Dans un deuxime temps, nous rflchissons aux changements qui simposent en Afrique dans les domaines de la gouvernance, de la paix et de la scurit et la faon dont le monde industrialis doit galement changer son comportement. Nous rflchissons ce quil faut faire pour aider les gens, dans les domaines de la sant et de lducation en particulier, et pour parvenir ce que les plus pauvres soient intgrs lconomie et la socit. Nous rflchissons la question centrale suivante : comment assurer la croissance des conomies dAfrique et, l encore, comment parvenir ce que les pauvres puissent participer cette croissance et en bnficier ; les dcideurs doivent toujours tenir compte, et cest l leur obligation premire, de limpact des politiques sur les pauvres. Nous nous penchons ensuite sur la question du commerce, afin de savoir ce qui empche lAfrique de vendre plus ltranger et comment aplanir ces obstacles. Nous nous intressons ensuite aux rapports entre lAfrique et le monde riche, sur le plan du commerce, de laide et de la dette et essayons de dterminer ce que les donateurs doivent changer dans leur manire dintervenir en Afrique. Dans chacun de ces domaines, nous faisons des recommandations prcises, qui sont prsentes ici et expliques plus en dtail dans la deuxime partie de notre rapport. Pour conclure, nous rpondons la question suivante : comment faire pour que nos recommandations soient rellement suivies et pour surveiller leur bonne mise en uvre. Du dbut la fin, nous insistons sur le fait que lAfrique doit mieux se faire entendre. Et nous soulignons que la responsabilit du changement et de lamlioration de la gouvernance incombe en premier aux Africains eux-mmes, et que le monde riche a pour devoir moral de les aider, ce qui est galement dans son intrt. Du nouveau en Afrique Notre point de dpart consiste dire la vrit sur lAfrique. Cela signifie que nous devons parler des russites autant que des checs. Dans chaque pays dAfrique, les premiers signes indiquant que les choses sont peut-tre en train de changer se font jour. Il y a vingt ans, il tait courant que les pays dAfrique soient dirigs par des dictateurs. Aujourdhui, ils ne sont plus quune minorit. La dmocratie a une nouvelle vie. Au cours des cinq annes passes, plus des deux tiers des pays dAfrique subsaharienne ont eu des lections multipartites certaines plus libres et plus justes que dautres et plusieurs changements de gouvernement se sont drouls de manire dmocratique et pacifique. La guerre a cd la place la paix dans de nombreux endroits. L o le changement a eu lieu, une nouvelle gnration de dirigeants politiques est en train dmerger, dont nombre dentre eux se disent dtermins uvrer pour le bien du peuple. Ils semblent galement dcids rformer les institutions de lAfrique. Lancienne Organisation pour lunit africaine, avec sa politique de non-ingrence dans les affaires intrieures des autres tats africains, est devenue une institution beaucoup plus puissante,24
  • 27. Les RaisonslUnion africaine, qui a adopt une politique de non-indiffrence face aux souffrancesdes citoyens des pays voisins qui ne respectent pas la dmocratie, les droits de lhomme etla ncessit de la paix. LUnion africaine a mis sur pied, en tant que branche annexe, unprogramme appel Nouveau Partenariat pour le Dveloppement de lAfrique (NEPAD), pourqui lamlioration du gouvernement est une condition pralable au dveloppement delAfrique. Le NEPAD a adopt un mcanisme africain dvaluation par les pairs dont le butest de dcouvrir les politiques et les systmes gouvernements qui se sont avrs les plusefficaces ailleurs. Ces initiatives et ces organismes doivent encore faire leurs preuves, maisles premiers signes sont encourageants. Leur russite dpend peut-tre du soutien que lacommunaut internationale est prte leur accorder lheure actuelle.En Afrique comme ailleurs, le dveloppement conomique est trs troitement li audveloppement politique. Bien que le continent ait globalement stagn pendant vingt ans,la croissance a dpass les 5 % dans 24 pays dAfrique subsaharienne en 2003. Un nouvelesprit dentreprise est manifeste et, dans plusieurs pays, la classe moyenne est en train destoffer. Des groupes de pression et des organisations communautaires trs variscommencent changer le monde autour deux et apprennent obliger leursgouvernements rendre compte de leurs actes. Le rle des Africains qui vivent dans lemonde dvelopp est galement tonnant. Les fonds envoys par les Africains de ltranger leurs familles sont encore rduits par rapport dautres rgions en dveloppement, maisils ont considrablement augment ces dernires annes. Partout, les premiers signes de cequi pourrait devenir une vritable dynamique du changement sont visibles.Bien sr, certains rgimes pratiquent toujours loppression en Afrique. La corruption resteomniprsente. Les conflits violents sont beaucoup trop frquents. Linefficacit, legaspillage et la bureaucratie inutile sont courants. De nombreux pays ne possdent pas lacapacit administrative et organisationnelle de fournir leurs citoyens ce dont ils ontbesoin et ce quils mritent. Mais il y a un regain doptimisme ltranger. Plus de la moitides Africains interrogs par lorganisme de sondage Afrobarometer sattendent ce quelconomie de leur pays samliore un peu ou beaucoup au cours de lanne quivient. En outre, le sondage Pulse of Africa ralis par BBC World Services a montr que,dans presque tous les pays, au moins 9 personnes interroges sur 10 sont fires dtre desAfricains. Les Africains sont galement de plus en plus conscients du fait que cest euxquil revient de sattaquer tous ces problmes. Comme la laurate africaine du prix Nobelde la paix Wangari Maathai la dit dans son discours dacceptation en dcembre 2004 : Intensifions notre engagement envers nos peuples, envers la lutte contre les conflits et contre la pauvret et amliorons ainsi leur qualit de vie. Adoptons un systme de gouvernance dmocratique, protgeons les droits de lhomme et protgeons notre environnement. Je suis certaine que nous serons la hauteur de la situation. Ma conviction a toujours t que les solutions la plupart de nos problmes doivent venir de nous. Ce sont des changements sur le terrain tels que ceux-ci qui nous ont donn, nous autresmembres de la Commission pour lAfrique, la conviction quun moment unique est arrivpour lAfrique. Le dfi qui se prsente aux Africains comme leurs partenaires des nationsdveloppes consiste saisir cette nouvelle possibilit offerte par les changements sur leterrain. LAfrique se trouve la croise des chemins. Lavenir de nombre de pays dAfriquepourrait tre une pente inexorablement descendante. Mais il pourrait aussi poursuivre lalente ascension vers un monde meilleur. Nous esprons que notre rapport aidera lAfrique sengager sur la voie ascendante. Mais pour suivre cette voie, les Africains devrontprendre des dcisions audacieuses et le reste du monde devra leur apporter son soutien. 25
  • 28. Les dcennies perdues Quand le soleil a commenc se coucher sur les empires de lEurope ltranger et que les anciennes colonies du monde entier ont commenc, dans les annes 1960, se prparer pour lindpendance, personne ne sest vraiment proccup de lAfrique. Seule lAsie tait juge proccupante. Aprs tout, lAfrique tait un lieu riche en minerais et lagriculture productive. LAsie, par contre, semblait navoir que des problmes, sans parler de sa population. Les scnarios apocalyptiques taient tous axs sur lInde et lEst. Ctait il y a tout juste quarante ans. Aujourdhui, lAfrique est la rgion la plus pauvre du monde. La moiti de la population vit avec moins dun dollar par jour. Lesprance de vie baisse. Les gens vivent, en moyenne, jusqu lge de 46 ans seulement. En Inde et au Bangladesh, en revanche, ils vivent actuellement 17 ans de plus. Les comparaisons entre lAfrique et lAsie sont rvlatrices. En effet, il y a 30 ans, le revenu moyen en Afrique subsaharienne tait deux fois plus lev quen Asie du Sud et de lEst. Depuis, un revirement de situation tonnant sest produit. Le revenu moyen en Afrique est maintenant bien au-dessous de la moiti de celui de lAsie de lEst. Il en va de mme en Asie du Sud, en Amrique latine et au Moyen-Orient. LAfrique est le seul continent au monde qui stagne. Pourquoi lAfrique est-elle ce point reste la trane ? Dune certaine manire, ses atouts se sont galement avrs tre une maldiction. En effet, lhistoire des quarante annes passes montre que les pays les plus riches en ptrole, en diamants et autres ressources naturelles de valeur leve comptent parmi ceux qui ont connu le plus de guerres et de conflits arms. Le conflit est un des cercles vicieux classiques de lAfrique. Il ne peut pas y avoir de dveloppement sans paix, mais il ne peut pas y avoir de paix sans dveloppement. Mais la grande richesse de lAfrique a apport au continent un problme plus gnralis. Les voies ferres et les routes construites lpoque coloniale avaient pour objectif premier de transporter les minerais et les autres matires premires de lintrieur de lAfrique vers ses ports, afin de les expdier en Europe. Elles navaient pas t conues pour relier une partie du continent lautre ou crer plus de liaisons vers lest. La comparaison de la carte du rseau ferroviaire africain avec celle de lInde est trs rvlatrice : le rseau ferroviaire de lInde relie le sous-continent, alors que celui de lAfrique relie simplement des lieux dextraction aux ports. Aujourdhui, les frais de transport locaux, nationaux ou internationaux en Afrique sont environ deux fois plus levs que ceux dun pays dAsie type. Expdier une voiture du Japon Abidjan cote 1 500 USD, mais lenvoyer dAbidjan Addis-Abeba cote 5 000 USD. Lre coloniale a cr dautres problmes. La division actuelle de lAfrique en pays est le rsultat des intrts des Occidentaux et non pas des proccupations africaines. Les lignes traces par les grandes puissances europennes Berlin en 1884 continuent avoir des consquences profondment perturbantes. Nombre de communauts traditionnelles sont maintenant divises entre deux, trois voire quatre pays. Ailleurs, des groupes disparates, dont certains taient des ennemis de longue date, se trouvent contraints de cohabiter dans une union difficile, en nayant bien souvent pas mme une langue commune dans laquelle communiquer. Le colonialisme a favoris certains groupes par rapport dautres et ainsi cr de nouvelles hirarchies. Les consquences de certaines de ces divisions se font encore sentir aujourdhui, comme nous avons pu le voir au Rwanda dans les rapports entre les Hutu et les Tutsi dont les diffrences ethniques ont t accentues artificiellement lpoque coloniale, avec les terribles consquences du gnocide de 1994. Donnons-leur chacun une grande montagne , aurait dit avec ddain la Reine Victoria propos de la division des terres entre le Kenya et la Tanzanie actuels. Le rsultat est que26
  • 29. Les Raisonsnombre dtats africains modernes ne possdent aucune cohrence naturellegographique, ethnique, politique ou conomique. Par rapport au sous-continent indien,o un systme administratif efficace a t instaur, lAfrique a t mal servie. LAfriqueest sortie de lre coloniale avec des infrastructures et des structures de gouvernancenettement plus faibles que celles des autres anciennes colonies. Les frontires politiquessont devenues des frontires conomiques.Le rsultat de tout cela est que lAfrique avait un trs mauvais point de dpart dans lacourse au dveloppement. Pourtant, malgr cela, dans les annes 1960, dans lesannes qui ont immdiatement suivi lindpendance, les revenus moyens ontaugment en Afrique. Ce nest pas un hasard si, lorsque les problmes des annes 1970sont survenus, le revenu de lAfricain moyen a baiss. Au cours de cette dcennie,lAfrique est devenue un des champs de bataille o se droulaient les conflits parpersonnes interposes de la guerre froide. Les deux blocs soutenaient des despotesvnaux qui taient moins intresss de dvelopper leurs conomies nationales que depiller les biens des pays quils gouvernaient pour amasser des milliards de dollarsamricains dans leurs comptes privs en Suisse.Cette dcennie na fait que renforcer les problmes de lAfrique. Tandis que lAsie du Sudtait occupe tendre les surfaces irrigues, la part des terres irrigues en Afrique napour ainsi dire pas chang : ces 20 dernires annes, elle sest maintenue environ 4 %alors quen Asie du Sud elle est passe 40 %. LAsie a investi dans les routes rurales etllectricit, dans de nouvelles cultures et dans la science et la technologie. Sur ce plangalement, lAfrique est reste la trane.Un des principales erreurs commises au cours de cette priode est de ne pas avoircommenc diversifier les conomies dAfrique afin de mettre fin leur dpendance vis--vis de leurs principaux produits de base. Aujourdhui, la plupart des pays dAfriquemisent toujours sur un ventail trs rduit de produits dexportation, ce qui les laissevulnrables aux fluctuations des cours mondiaux de ces marchandises. De 1980 2000, leprix du sucre a baiss de 77 %, celui du cacao de 71 %, celui du caf de 64 % et celui ducoton de 47 %. En Afrique, les prix lexportation sont prs de quatre fois plus instablesque ceux des pays dvelopps.L encore, les comparaisons avec lAsie ne sont pas du tout en faveur de lAfrique. Cesvingt dernires annes, un changement phnomnal sest produit dans les pays en voie dedveloppement. La part des produits manufacturs dans leurs exportations est passe de20 % seulement au chiffre poustouflant de 80 %. LAsie a ouvert la voie. Elle a dvelopples infrastructures industrielles, les comptences et la culture de lapprentissage qui fontdfaut en Afrique. La pntration de nouveaux marchs est aujourdhui plus difficile quejamais pour lAfrique. Un autre cercle vicieux.Tout cela a eu des rpercussions. Les investisseurs nationaux et trangers voient danslAfrique un tout global indiffrenci la guerre dans un pays projette de longues ombresnon seulement sur les tats voisins mais galement sur le continent entier. Parconsquent, beaucoup, de lextrieur, voient dans lAfrique un endroit o il ne fait pas boninvestir ou laisser son argent. Et cela encourage largent qui est gagn en Afrique ensortir. Environ 40 % de lpargne africaine est conserve lextrieur du continent, contre 6% seulement pour lAsie de lEst et 3 % pour lAsie du Sud. Il va en de mme pour lesressources humaines. Nombre dAfricains instruits ont, au fil des ans, quitt leur paysparce quils sont frustrs de ne pas pouvoir mieux utiliser leurs comptences. Ils peuventgalement gagner plus et mener une vie meilleure ailleurs. Cette fuite des cerveaux faitperdre lAfrique une moyenne de 70 000 personnes qualifies par an en faveur des paysdvelopps. La Zambie a perdu 1 200 de ses 1 600 mdecins ces dernires annes. 27
  • 30. Une main-duvre en bonne sant et qualifie est essentielle la russite de toute activit conomique. La sant et lducation sont des droits que tout enfant acquiert sa naissance mais ils sont galement essentiels la sant de la nation. Les pays ne peuvent pas se dvelopper correctement si seules les lites sont instruites. Il est plus difficile pour les pays qui ne bnficient pas dun bon niveau dducation et de sant dentrer en phase de croissance conomique. Sur ce plan galement, les statistiques de dveloppement humain de lAfrique sont mdiocres par rapport celles de lAsie de lEst et du Sud. Les dcennies au cours desquelles lAsie a investi, cest--dire les annes 1970 et 1980, taient les annes de crise au cours desquelles les gouvernements africains rognaient sur les budgets de sant et dducation sur lordre du Fonds montaire international. Les donnes disponibles montrent que, dans les annes 1980 et 1990, le FMI et la Banque mondiale ont beaucoup trop peu tenu compte de limpact potentiel de leurs politiques conomiques sur les pauvres dAfrique. De nombreux systmes de sant et dducation ont commenc scrouler, alors mme que le SIDA commenait faire des victimes. Tout ceci rend compte dun autre cercle vicieux tellement typique du pige de la pauvret. Si les coles et le systme mdical ne fonctionnent pas, il est plus difficile davoir une main-duvre en bonne sant et qualifie ; et sans cette main-duvre, il manque une des conditions essentielles pour crer une croissance conomique ; et sans croissance conomique, il est impossible dinvestir dans le systme mdical et dans lducation. Le problme de lAfrique est que tous ces cercles vicieux sont lis entre eux. Cest pourquoi, si lon veut sattaquer aux problmes de lAfrique, il faudra prendre des mesures rigoureuses dans tous ces domaines la fois. Les rapports de lAfrique avec le monde riche Trois dynamiques parfois contradictoires dominent les rapports entre lAfrique et les pays industrialiss : le commerce, la dette et laide. Au cours des dcennies passes, lAfrique a vu sa part du commerce mondial tomber de 6 % en 1980 moins de 2 % en 2002. Le monde industrialis na rien fait ce sujet. En effet, il a fait dlibrment obstacle. LUnion europenne, le Japon, les tats-Unis et de nombreux autres pays riches subventionnent lourdement leur agriculture, ce qui a pour effet de faire baisser les cours mondiaux des marchandises subventionnes. Les agriculteurs locaux se rendent alors compte quils ne peuvent pas produire leurs rcoltes des prix rivalisant avec ceux des produits si lourdement subventionns par les contribuables des pays du G8. Les pays pauvres se sont plaints de la situation lOrganisation mondiale du Commerce, o leurs griefs ont t entendus. Mais la rforme de la politique agricole commune de lUE et de la politique agricole des tats-Unis est terriblement lente. En effet, les sommes que le monde dvelopp a consacres aux subventions de son agriculture dont lessentiel va aux grosses agro-industries quivalaient en 2002 au revenu de tous les habitants de lAfrique subsaharienne pris ensemble. Mais il ne sagit pas du seul problme dans le domaine du commerce. Les pays dvelopps imposent des taxes sur les marchandises quelles importent. Par exemple, une taxe de 22 % en moyenne doit tre rgle pour les produits agricoles imports en Europe. Il y a tout un ensemble dobstacles de ce type sur des produits qui intressent lAfrique. Par exemple, les droits de douane sur les cacahutes sont de 132 % aux tats-Unis. Certains de ces obstacles ont t rduits au fil des ans, mais dautres ont t introduits. Il faut liminer ces barrires douanires indfendables, bien que, comme nous le verrons plus loin, il ne sagisse pas des seuls obstacles au commerce pour lAfrique. Enfin, la politique conomique africaine relative au commerce (les mesures de libralisation de secteurs de lconomie, par exemple) constitue trop souvent une condition doctroi de laide de la part28
  • 31. Les Raisonsdes donateurs. Si lon veut quils rendent compte de leurs actes leurs citoyens, lesgouvernements africains doivent tre en mesure de prendre leurs propres dcisions.Le deuxime aspect problmatique des rapports entre lAfrique et le monde dveloppest celui de la dette. Dans de nombreuses parties dAfrique, il existe un ressentimentprofond au sujet de la dette, en partie parce que lessentiel de la dette a t contractpar des dirigeants non lus soutenus par les pays qui touchent maintenant les fondscouvrant le service de ces dettes et qui, du point de vue de nombreux Africains,utilisent maintenant la dette comme levier pour dicter la politique au continent.Beaucoup ont limpression que ces dettes ne sont pas raisonnables et que ce qui tait da dj t pay pas mal de fois en pratique.Au fil des ans, lAfrique a eu du mal payer les intrts sans parler du capital sur cesdettes. Mme aprs plusieurs sries de rduction de la dette, lAfrique subsaharienne paietoujours plus sur le service de la dette que pour son systme de sant (environ 3 % de sonrevenu annuel). lheure actuelle, chaque fois que lAfrique touche 2 USD daide, ellerembourse prs de 1 USD au titre de la dette.Le troisime aspect essentiel des rapports entre lAfrique et le monde riche est celui delaide. Certains ne voient pas laide dun il favorable. Ils la jugent parfois inefficace, voleou gche. Il ne fait aucun doute que cela a t le cas dans le pass, dans le Zare deMobutu par exemple. De mme, il ne fait aucun doute que certains pays nont pas t enmesure de grer laide efficacement. Mais les preuves de lefficacit de laide, que nousavons examines trs soigneusement, montrent quil est tout simplement faux de direque laide verse lAfrique a t gaspille ces dernires annes.Certaines leons ont t tires et lAfrique change. Mais, dans certains domaines, lesgouvernements africains doivent acclrer le changement pour maximiser les bienfaits delaide supplmentaire qui sera verse lavenir. En outre, les donateurs internationauxdoivent srieusement amliorer la manire dont laide est verse. Ce rapportrecommandera des changements fondamentaux dans le comportement des pays africainscomme dans celui des pays riches et dans leurs rapports entre eux.Le problme essentiel de la gouvernanceUn lment sous-tend toutes les difficults causes par les interactions de lhistoire delAfrique au cours des 40 annes passes. Il sagit de la faiblesse de la gouvernance et delabsence dun gouvernement efficace. Par gouvernance, nous voulons dire lincapacit dugouvernement et des services publics de crer le cadre conomique, social et juridique quiencouragera la croissance conomique et permettra aux pauvres dy participer. Toutes lespreuves montrent que la pauvret ne peut pas reculer sans croissance conomique.Comme nimporte quel jardinier le dira, il ny a pas de croissance possible si les bonnesconditions ne sont pas runies. Dans le domaine de lhorticulture, il faut le bon type desol, la bonne temprature et suffisamment deau et de lumire. Dans le domaine delconomie, comme la croissance est principalement tire par le secteur priv, cela supposeque les gouvernements crent un climat dans lequel les citoyens ordinaires quil sagissedes petits agriculteurs ou des dirigeants de grandes entreprises puissent poursuivre leursactivits quotidiennes sereinement et avoir le sentiment quil vaut la peine dinvestir dansleur avenir. Un tel climat fait dfaut dans toute lAfrique.Pour quun gouvernement puisse fonctionner correctement, il est ncessaire dtablir unclimat conomique qui encourage linvestissement. Pour cela, il faut des fonctions de basetelles que la scurit, des politiques conomiques saines adoptes dans les limitesimposes par la loi, le prlvement dimpts et la prestation de services publics adquats(sant, ducation, etc.). Il faut que les infrastructures physiques soient en place (routes, 29
  • 32. chemins de fer, eau, lectricit et tlcommunications). Mais il existe dautres formes plus abstraites dinfrastructures, comme, par exemple, les systmes juridiques qui protgent les droits de proprit de base, les droits de lhomme et lexcution des contrats, afin de faire respecter lordre et de contrler les gouvernements. Cette fonction stend au-del des activits directes du gouvernement, jusquau secteur plus large de la gouvernance. Il sagit de veiller ce que dautres institutions soient en place : un systme judiciaire indpendant, une police et un systme carcral impartiaux et efficaces, et un large ventail de systmes financiers et rglementaires tels que des banques centrales, des cadastres et des administrations portuaires et douanires. Pour cela, il faut des dirigeants et des fonctionnaires qualifis, aux niveaux national et local, qui ont eux-mmes besoin dune formation, ainsi que dquipements de base tels que des outils de tenue de fichiers et de dossiers, des systmes comptables, des tlphones et des ordinateurs. Sans tout cela, la capacit des gouvernements du monde moderne de faire leur travail se trouve srieusement limite. Ce sont ces systmes de gouvernance et la capacit de les faire fonctionner qui font terriblement dfaut en Afrique. Et, pour quils soient valables, les citoyens doivent avoir un droit de regard sur les processus gouvernementaux. Savoir quelles sommes dargent ont t reues et comment elles sont senses tre dpenses donne aux citoyens le moyen dobliger les gouvernements leur rendre des comptes. La question de la bonne gouvernance et du dveloppement des capacits est, de notre point de vue, au cur de tous les problmes de lAfrique. Tant que cette question ne sera pas rsolue, lAfrique sera voue se maintenir dans la stagnation conomique. Pourquoi maintenant ? La longue histoire du dclin de lAfrique pourrait amener certains penser quil ne peut pas y avoir durgence prendre des mesures radicales. Cest en fait le contraire. LAfrique ne peut pas attendre. Le plan que nous proposons ici doit tre mis en uvre maintenant. La raison la plus vidente qui justifie cette urgence est le fait que, dans toute lAfrique, des Africains meurent chaque jour inutilement. Des gens souffrent continuellement en raison des graves privations quils subissent. Par simple dcence humaine, nous ne pouvons pas repousser lchance. Mais il y a dautres raisons. Nous sommes en train de nous prparer des problmes pour lavenir. Plus nous attendrons avant de nous attaquer aux problmes de lAfrique, plus ils saggraveront. Si nous nintervenons pas, le SIDA poursuivra sa progression. Il en ira de mme pour dautres maladies telles que la tuberculose, qui se rpand aussi vite quun rhume et qui se propage actuellement sur le continent au rythme dune personne par seconde. La pauvret pousse les gens adopter des mesures de survie court terme, vendre des biens ou abattre