rapport chambre régionale des comptes sur le sdis du nord

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14, rue du Marché au Filé – 62012 – Arras cedex – Téléphone : 03.21.50.75.00 – Télécopie : 03.21.24.24.79 Date d’envoi à fin de notification : 24/07/2012 Date de communicabilité : 20/10/2012 ROD.0534 RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES – Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) du département du Nord – SUIVI, LE CAS ÉCHÉANT, DE LA RÉPONSE DES ORDONNATEURS

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Page 1: Rapport Chambre Régionale des Comptes sur le SDIS du Nord

14, rue du Marché au Filé – 62012 – Arras cedex – Téléphone : 03.21.50.75.00 – Télécopie : 03.21.24.24.79

Date d’envoi à fin de notification : 24/07/2012 Date de communicabilité : 20/10/2012

ROD.0534

RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES

– Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) du département du Nord –

SUIVI, LE CAS ÉCHÉANT, DE LA RÉPONSE DES ORDONNATEURS

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Sommaire SYNTHESE ............................................................................................................................................................. 3�

I. PROCEDURE ................................................................................................................................................................ 4�

II. OBSERVATIONS DEFINITIVES ............................................................................................................................. 4�I -� UNE ORGANISATION GLOBALEMENT ADAPTEE AUX MISSIONS ................................................. 4�

A -� UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES QUI TIENT COMPTE DES SPECIFICITES DES MISSIONS. ............................................................................................................................................. 4�

B -� UNE ACTIVITE DU SDIS CENTREE SUR SES MISSIONS PRIORITAIRES ..................................................... 5�C -� UN SYSTEME DE GESTION DE L’ALERTE PERFORMANT .......................................................................... 6�D -� UNE ORGANISATION OPERATIONNELLE DES CENTRES DE SECOURS ADAPTEE ....................................... 7�

II -� DES PROGRES POSSIBLES EN MATIERE D’ORGANISATION TERRITORIALE .............................. 9�A -� DES IMPLANTATIONS QUI NE CORRESPONDENT PAS AUX PROPOSITIONS DU SDACR DE

1999 ..................................................................................................................................................... 9�B -� DES DISPOSITIONS DU REGLEMENT OPERATIONNEL QUI POURRAIENT ETRE RECONSIDEREES ............. 12�

III -� UNE GESTION FINANCIERE ET ADMINISTRATIVE CONTRAINTE, MAIS QUI PEUT ETRE AMELIOREE ................................................................................................................................... 14�A -� UNE SITUATION FINANCIERE TRES TENDUE ........................................................................................ 14�

1 -� Des dépenses de fonctionnement où le personnel tient la plus grande part ............................. 14�2 -� Un équilibre qui dépend essentiellement de la participation du département .......................... 15�

B -� LES COUTS RESULTANT DE LA SUSPENSION DE PLUSIEURS OPERATIONS DE CONSTRUCTION............... 17�C -� DES PROGRES POSSIBLES EN MATIERES FINANCIERE ET ADMINISTRATIVE .......................................... 19�

1 -� L’absence de comptabilité analytique ..................................................................................... 19�2 -� Un niveau excessivement élevé des pénalités en cas de retard d’exécution des

marchés .................................................................................................................................... 19�

IV -� DES RISQUES QUI DEVRAIENT ETRE ANTICIPES EN MATIERE DE GARDE .............................. 19�A -� LES RISQUES JURIDIQUES SUR LES CONDITIONS D’EXERCICE DES GARDES DE 24 HEURES ................... 19�B -� LA POSSIBILITE D’ANTICIPER D’EVENTUELLES DIFFICULTES JURIDIQUES ET FINANCIERES ................. 20�

RECOMMANDATIONS ...................................................................................................................................... 23�

ANNEXE – GLOSSAIRE ..................................................................................................................................... 24�

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Synthèse

La situation financière du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) du Nord est caractérisée par un endettement en forte croissance. La stabilisation de cet endettement nécessite que l’épargne brute du SDIS s’établisse de manière pérenne à un niveau de 8 % des recettes de fonctionnement. Pour constituer cette épargne brute, le SDIS dépend très fortement de la contribution du département. Or, en 2012, malgré une hausse assez importante de cette contribution, la portant à 93 M€ (auxquels s’ajoutent 2 M€ de subventions d’équipement), ce ratio ne devrait encore avoisiner que 6 %.

Un programme de reconstruction de centres de secours, actuellement en cours, est lui-même affecté par ces difficultés financières. Pour plusieurs d’entre eux, le passage à la phase travaux a été notablement retardé, de telle sorte que certains marchés de maîtrise d’œuvre nécessitent la passation d’avenants de prolongation, dont la sécurité juridique est incertaine. Dans quelques cas, les prestations déjà réalisées pourraient être perdues, pour un préjudice se comptant en millions d’euros.

En matière d’organisation territoriale, le SDIS du Nord vient de procéder à la mise en révision de son Schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR). Cependant, sur la question, financièrement importante, de la rationalisation des très nombreux centres de première intervention (CPI) qui étaient les héritiers de l’organisation communale antérieure, il n’a pas tiré le bilan de l’application du précédent SDACR, qui datait de 1999. Or, ceci aurait montré qu’en milieu rural, un nombre important de CPI, de statut communal, ont été transformés en centres d’incendie et de secours (CIS) relevant du SDIS lui-même, alors que le SDACR de 1999 ne prévoyait une telle promotion que dans un très faible nombre de cas.

Aujourd’hui, une des seules possibilités de poursuite dans le sens de la rationalisation de la carte des CIS consiste à regrouper ceux qui sont les plus proches les uns des autres. Le SDIS pourrait également examiner d’éventuels assouplissements de ses règles internes afin de permettre, dans certaines conditions, aux sapeurs-pompiers de rejoindre directement les lieux de l’intervention.

Enfin, en particulier dans la mesure où pourrait être remis en cause, en droit européen, le calcul des rémunérations des sapeurs-pompiers professionnels par équivalence entre 24 h de garde et un nombre inférieur d’heures de travail effectif, le SDIS pourrait envisager des modes d’organisation plus souples que les gardes de 24 h ou de 12 h ou que le service opérationnel de jour. La détermination des effectifs les plus adaptés et de leurs nouveaux services pourrait s’appuyer sur le logiciel (de gestion de l’alerte) Titan et sur l’importante base de données que celui-ci génère, à partir desquels des simulations donneraient d’utiles informations sur l’efficacité et les coûts associés aux diverses organisations envisageables.

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I. PROCEDURE

L’examen de la gestion du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) du département du Nord a porté sur la période courant à partir de l’année 2008. L’entretien de fin de contrôle prévu par l’article L. 243-1 du code des juridictions financières a eu lieu le 20 décembre 2011 avec le président du conseil d’administration du SDIS, ordonnateur en fonction, et le 14 décembre 2011 avec son prédécesseur en fonction jusqu’en mars 2011.

Lors de sa séance du 12 janvier 2012, la chambre a formulé des observations provisoires, qu’elle a adressées le 7 février 2012 au président du conseil d’administration et à son prédécesseur. Elle en a également adressé des extraits, concernant la situation financière du SDIS, au président du conseil général du Nord.

Les 4 avril et 20 mars 2012, les deux destinataires du rapport, le président du conseil d’administration et son prédécesseur, y ont répondu.

L’ancien président a relevé que certaines observations relatives à des mesures opérationnelles ne relevaient pas de la responsabilité du président du conseil d’administration mais du préfet. Cependant, la réponse du président actuel aux observations provisoires de la chambre prend en compte ces aspects opérationnels. En tout état de cause, sans qu’il revienne à la chambre de distinguer entre les différents niveaux internes de responsabilité, les présentes observations s’adressent, en application de l’article L. 243-5 du code des juridictions financières, au dirigeant de l’établissement public, c’est-à-dire, selon l’article L. 1424-30 du code général des collectivités territoriales, le président du conseil d’administration, ordonnateur et représentant légal.

Le président du conseil général du Nord n’a pas fait parvenir de réponse à la chambre dans le délai de deux mois dont il disposait.

Le 3 mai 2012, la chambre a adopté les observations définitives qui suivent.

II. OBSERVATIONS DEFINITIVES

I - UNE ORGANISATION GLOBALEMENT ADAPTEE AUX MISSIONS

A - Une gestion des ressources humaines qui tient compte des spécificités des missions.

Le SDIS a indiqué qu’en 2011, 81 sapeurs-pompiers professionnels (SPP) et 37 personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS), soit au total 118 agents (10 % des promouvables sur l’année) avaient obtenu en 2011 un avancement d'échelon à l'ancienneté maximale et 26 agents (16 SPP et 10 PATS, soit 2 % du total) à une ancienneté intermédiaire. En effet, selon l’article 78 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le bénéfice d’avancements d’échelon à l’ancienneté minimale doit être réservé aux agents « dont la valeur professionnelle le justifie ». Une telle pratique permet en outre de mener une politique incitative en matière de ressources humaines, et d’assurer une certaine maîtrise des dépenses de personnel, qui sont le paramètre majeur de sa situation financière. Le SDIS a, par ailleurs, précisé qu’il avait engagé l’approfondissement de sa gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et qu’il allait, dans ce cadre, mettre en place des procédures permettant d’apprécier plus finement la valeur professionnelle de chacun des agents, ce qui ne manquerait pas d’avoir un impact sur les durées d’avancement d’échelon.

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Au moment des avancements de grade, le SDIS du Nord exige également des intéressés une mobilité qui leur assure une variété d’expériences propre à leur permettre de mieux assurer les fonctions plus élevées auxquelles ils prétendent. Ces exigences s’expriment également dans la volonté du SDIS de maintenir un pyramidage de ses pompiers professionnels (des grades élevés moins pourvus, et donc moins facilement atteints, que les grades inférieurs), en cohérence avec le caractère nécessairement hiérarchique de son fonctionnement opérationnel.

Le SDIS du Nord n’admet que par exception le cumul d’emploi de sapeur-pompier volontaire (SPV) et de sapeur-pompier professionnel (SPP), que ce soit dans le Nord ou dans un autre département. En effet, il considère en règle générale qu’on ne peut pas à la fois revendiquer sur la nécessité d’un temps de travail réduit (calibrage des gardes) et, en même temps, vouloir doubler ce temps de travail. Ensuite, il admet des exceptions pour les postes spécialisés (encadrement, conducteur, formation, ainsi que pour les personnels affectés en CTA - centres de traitement de l’alerte) ou secteurs géographiques ruraux où il est difficile de recruter des volontaires. Il en résulte 294 cas de doubles statuts officiels, c’est-à-dire internes au Nord. Il lui est difficile de savoir si ses propres SPP exercent comme SPV dans des départements voisins.

B - Une activité du SDIS centrée sur ses missions prioritaires

Le SDIS du Nord, soucieux de privilégier ses missions prioritaires, ne cherche pas particulièrement à étendre son champ d’intervention.

En premier lieu, il a cherché à délimiter la partie de son activité où il agit concurremment avec les autres services compétents en matière sanitaire.

Sur la période récente, des SDIS ont été critiqués par certaines professions de santé pour le recrutement de trop nombreux infirmiers. Celui du Nord, qui en compte moins de 200 (sous statut de SPV), a une politique de limitation de leur emploi dans les secteurs où le SAMU a des faiblesses de couverture du territoire et intervient avec les délais les plus longs. Il n’adhère pas à l’idée de mettre « un infirmier dans chaque ambulance ». Pour le reste, les infirmiers sont affectés aux missions traditionnelles du Service de santé et de secours médical (SSSM), à savoir les soins à prodiguer aux sapeurs-pompiers eux-mêmes.

Les relations avec les autres intervenants en matière sanitaire sont réglées par une con-vention tripartite avec le SAMU et le secteur privé, qui doit se transformer en deux conventions à conclure entre, d’une part le SDIS et le SAMU, et d’autre part le SAMU et les transporteurs sanitaires privés.

Les appels au 18 pour problème de santé sont gérés en distinguant, notamment, les cas d’urgence vitale absolue. Pour ceux-ci, un véhicule de secours part immédiatement, avec création d’une conférence avec le SAMU ; tandis que dans certains cas non urgents, une conférence est instituée avec le SAMU pour décider s’il y a lieu pour le SDIS d’intervenir. Le SDIS engage systématiquement ses moyens lorsque la demande de secours concerne une situation d’urgence (avérée ou supposée), lorsque la victime se situe sur la voie publique ou dans un lieu public, ainsi que dans les situations d’accident, de sinistre et de catastrophe. En dehors de ces missions, qui constituent le domaine de compétence des SDIS, le SAMU peut être amené à solliciter son intervention en cas d’indisponibilité des transporteurs sanitaires privés. Une telle intervention ne rentrant pas dans la sphère de compétence du SDIS, elle fait l’objet d’une facturation auprès de l’établissement de santé siège du SAMU (sur la base de 105 € par intervention).

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En second lieu, le SDIS du Nord a pour politique de réduire systématiquement le champ des « interventions diverses », de telle sorte qu’elles ne représentent plus aujourd’hui que 13 % de son activité, contre 35 % il y a 10 ans. Il en résulte que le nombre de ses opérations (toutes catégories confondues) par habitant est inférieur à celui des autres SDIS de 1ère catégorie.

Les exemples emblématiques de ce désengagement des missions qui ne constituent pas son cœur de métier, sont les interventions sur les nids de guêpes ou les ascenseurs bloqués. Dans les deux cas, s’est posée la question de la mise en place de facturation à un prix représentatif de leur coût réel dans le cadre de l’organisation des SDIS, et donc assez dissuasif. Cela aurait pu également permis de générer des ressources nouvelles, mais le SDIS a préféré avoir un message strictement centré sur sa volonté de ne plus faire ce type d’intervention sauf dans les cas de réelle nécessité. Ce message a été porté par le règlement opérationnel (RO), validé par le conseil d’administration du SDIS et par le préfet.

C - Un système de gestion de l’alerte performant

Déjà, dans son précédent rapport, rendu public en 2004, la chambre avait noté qu’aux côtés de deux logiciels mis au point par des sociétés privées, le logiciel Titan, développé par des agents du SDIS et équipant la structure CTA / CODIS 1 Flandres à Lille, apparaissait comme le plus performant.

Lors du présent contrôle, la chambre s’est à nouveau intéressée à ce logiciel, qui équipe aujourd’hui la totalité des cinq CTA du SDIS du Nord, et qui continuera à être utilisé, dans le cadre de l’architecture future caractérisée par l’existence de deux CTA seulement, chacun étant capable de prendre en charge l’ensemble du département en cas de défaillance de l’autre.

L’élaboration de Titan avait été l’occasion d’un dialogue approfondi, notamment avec les chefs de centre, futurs interlocuteurs des CTA à travers Titan. L’originalité a consisté à concevoir le logiciel de telle sorte qu’il laisse les intervenants humains (CTA, chefs de centre…) reprendre la main, notamment si aucune solution conforme aux différentes réglementations (RO, etc.) ne peut être trouvée. C’est un avantage par rapport à d’autres logiciels qui, parfois, tournent en boucle quand ils n’arrivent pas à trouver une solution exacte.

Une fois la décision prise, par Titan ou par les intervenants humains, le système continue de gérer l’intervention, en déclenchant les bonnes sonneries aux bons endroits, en mettant les véhicules mobilisés en état d’indisponibilité pour une autre mission… Il permet un affichage synthétique de ces différents états (disponibilité, engagement sur une opération, retour d’intervention, etc.) sur les écrans informatiques des responsables concernés, en particulier dans la salle du CTA/CODIS.

Par rapport à un algorithme qui minimiserait simplement, compte tenu des règles du RO, les temps d’arrivée sur l’intervention à déclencher, des règles annexes ont été rajoutées, pour prendre en compte :

- les centres de secours fonctionnant avec des SPV dont on n’est pas certain qu’ils pourront répondre en nombre suffisant ;

- l’intérêt qu’il y a, pour faire face à d’éventuelles autres sollicitations sur la même période, à ne pas dégarnir complètement les centres de secours ;

- l’insuffisance des moyens en eau disponibles sur telle ou telle commune ;

1 Centre de traitement de l’alerte/Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours.

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- les périmètres d’intervention qui, pour les médecins SPV, sont limités à leur seul secteur.

Il est impossible d’éliminer complètement le risque que de multiples sollicitations mobilisent la totalité des moyens disponibles et laissent un centre de secours totalement dégarni et à la merci d’un ultime appel auquel il ne pourra pas répondre, ni même, dans la pire hypothèse, être suppléé par ses plus proches voisins, mais on doit chercher à minimiser ce risque. Il s’agit d’un enjeu important de gestion, car il impacte à la fois, en temps réel, la gestion de l’alerte, mais aussi, de manière prévisionnelle, la détermination de l’organisation optimale des centres de secours.

Comme on vient de le voir, ce risque est pris en compte par le logiciel, mais, dans le même temps, l’affichage synthétique sur écran (par différentes couleurs) de l’état de disponibilité des différents véhicules d’un ensemble de centres voisins permet à chaque opérateur de vérifier les conséquences que la décision à prendre pour l’intervention à engager immédiatement pourra avoir par la suite sur une situation tendue ou au contraire confortable dans tel ou tel centre pour d’éventuelles sorties à déclencher à plus ou moins brève échéance.

Par ailleurs, pour l’organisation à long terme de la carte des implantations du SDIS, on voit l’intérêt que représente la conservation de l’historique des opérations gérées par Titan, et des décisions qui ont été prises à leur origine. De fait, Titan est non seulement un outil de gestion opérationnelle et immédiate de l’alerte, mais aussi un système d’archivage qui génère une base de données d’une grande richesse. En particulier, elle a permis de décompter de manière plus précise les vacations à payer aux pompiers volontaires, au moyen de l’application Titan Vac, qui a généré 800 000 € d’économies annuelles.

D - Une organisation opérationnelle des centres de secours adaptée

Les caractéristiques démographiques du département du Nord, et le choix d’un objectif d’arrivée d’un premier secours en moins de 15 minutes au profit de la quasi-totalité de ses habitants, ont des incidences sur l’organisation opérationnelle de ses centres de secours.

Ce qui définit les effectifs souhaitables des centres de secours, ce n’est pas un ratio automatique à appliquer à la population défendue, mais un raisonnement visant à minimiser le risque, en cas de sollicitations multiples, qu’un centre se trouve complètement dégarni et ne puisse répondre à une nouvelle alerte.

En milieu urbain, les centres de secours sont plus proches les uns des autres, ce qui per-met, en cas d’opérations assez importantes (relativement fréquentes puisque la population défen-due est nombreuse), de faire appel à des moyens en provenance de centres de secours voisins. Il est ainsi possible de mieux absorber les pointes exceptionnelles de sorties, et, du fait de cette mutualisation, d’assurer une charge de travail plus régulière aux pompiers de ces centres.

En définitive, les centres de secours urbains ont une charge de travail par pompier plus élevée mais moins besoin de marge de sécurité par rapport au niveau moyen d’engagement. Ceci est caractéristique d’une situation où le recours à des professionnels (SPP), employés selon le principe de la garde, est rationnel. Il est donc normal que le SDIS du Nord, département à la très forte densité de population, voie une grande partie de ses opérations effectuées par des SPP, dont le nombre, le plus élevé de France, est de plus de 2 000.

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Les campagnes sont, en ce qui concerne les centres de secours de taille moyenne, dans une situation symétrique, leurs pompiers sont assez peu sollicités en moyenne mais il est important qu’en cas de forte alerte, on puisse en mobiliser un nombre assez important. Ceci justifie un large recours au système de l’astreinte, qui est le mode de fonctionnement privilégié des volontaires (SPV).

En milieu rural, la distance joue davantage dans le calcul du temps d’arrivée sur les lieux, ce qui peut renforcer, surtout pour le SDIS du Nord qui a un objectif homogène de temps d’arrivée d’un premier secours, une logique de proximité. Cependant, il arrive que ce temps d’arrivée soit élevé en raison de la faiblesse de la réponse des SPV dans certaines zones très peu peuplées.

Ce qui précède, et qui peut se résumer par l’idée de faire appel à des volontaires en position d’astreinte dans les zones peu peuplées, et, en milieu urbain, à des professionnels qui auront à sortir plusieurs fois par garde, suppose que des centres de secours qui correspondraient à une population défendue à peu près équivalente et qui appartiendraient donc à une même classe, n’emploient pas forcément des proportions équivalentes de professionnels et de volontaires.

De fait, le SDIS du Nord, déjà caractérisé par une classification assez fine de ses centres de secours2 (CPI relevant des communes, puis CIS de classes 1 à 8), fait preuve, dans les classes charnières 3 et 4, d’une souplesse bienvenue.

En classe 3, on a, à la lecture du tableau constituant l’annexe I-1A du Règlement Opérationnel et mis à jour pour 2012, une assez grande variété d’organisations :

- quatre centres de secours (Hazebrouck, Aulnoye-Aymeries, Le Quesnoy et Orchies) présentent la particularité de n’avoir aucun pompier en garde de 24 h, et de ne fonctionner, au titre des gardes, qu’avec huit SPP en service opérationnel de jour (SOJ)3, ce qui suppose par ailleurs un recours important aux astreintes ;

- parmi les autres, les cinq qui font partie du groupement 4 (partie la plus orientale du département : Avesnes-sur-Helpe, Douchy-les-Mines, Haumont, Jeumont, Saint-Amand-les-Eaux) fonctionnent avec une dizaine de pompiers affectés à des gardes, et qui se répartissent de manière variée mais avec toujours à peu près moitié de professionnels et de volontaires, et des services différenciés entre 24 h ou SOJ pour les SPP, jour ou nuit pour les gardes de volontaires ; on peut d’ailleurs noter que les CS de Fourmies et de Vieux-Condé, quoique de classe 4, sont organisés d’une manière similaire ;

- enfin, le dernier CS de classe 3, celui de Caudry (groupement 5), avec sept SPP en gardes de 24 h, deux SPP en SOJ, et un SPV en garde de nuit, est mieux doté que les trois CS de classe 4 du groupement 3 (Haubourdin, la Bassée et Lesquin), qui n’ont chacun que sept SPP en gardes de 24 h et deux SPP en SOJ.

Les autres CS de classe 4, Anzin et Somain, sont mieux dotés, avec sept ou huit SPP en garde de 24 h, et six hommes dans l’ensemble des trois autres catégories : SPP en SOJ, SPV de garde de jour ou de nuit. Ces dotations sont d’ailleurs comparables à celles de Gravelines, en classe 5, et de Bousbecque qui, en remplaçant Comines (restructuration de cinq centres de secours de la vallée de la Lys), a été promu de classe 4 en classe 5.

2 Cette classification est fondée sur les effectifs et les statistiques d’activités, qui peuvent présenter des

discordances. Certains centres de secours pourraient mériter d’être reclassés à la hausse ou à la baisse. 3 Plus un SPV de garde de nuit pour Le Quesnoy.

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Ainsi, si la classe d’un CS ne devait se manifester que par leur effectif, la classe 4 devrait disparaître. Ce n’est pas le cas, sans doute parce que d’autres paramètres entrent en ligne de compte, par exemple les dotations en véhicules.

II - DES PROGRES POSSIBLES EN MATIERE D’ORGANISATION TERRITORIALE

A - Des implantations qui ne correspondent pas aux propositions du SDACR de 1999

L’état actuel de l’organisation du SDIS du Nord est fondé sur un Schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) dont l’élaboration et la finalisation remontent à 1999, approuvé par un arrêté du préfet du 28 janvier 2000.

Ce SDACR a récemment été mis en révision, ce qui a donné lieu à un travail important des services du SDIS, en lien avec ceux de l’État. En particulier, des risques assez peu fréquents, qui n’avaient pas été pris en compte dans le premier SDACR, ont fait l’objet d’une analyse détaillée. La chambre n’a pas examiné cet aspect de la révision de ce document.

Tout exercice de cette ampleur implique que l’on tire le bilan de l’application du schéma précédent. Cela a été fait pour l’objectif fixé par le premier SDACR, qui était de « fournir au moins un premier moyen de secours en 15 minutes sur plus de 98 % des opérations de secours et plus de 95 % du territoire ». En 2011, les chiffres obtenus sont respectivement de 99 et 98 %.

Cependant, il est un domaine où les préconisations du SDACR étaient plus implicites, mais néanmoins précises, et d’une importance non négligeable, notamment en termes d’efficience des actions du SDIS. Il s’agit de la rationalisation de la carte de ses implantations, notamment en territoire rural, où, pour disposer d’un service d’incendie et de secours bien équipé, bien entraîné et intervenant donc dans de bonnes conditions de sécurité, sans que cela se traduise par des dépenses hors de proportion avec le nombre d’interventions effectuées, des économies d’échelle doivent être recherchées.

Or, la chambre a constaté que l’élaboration du nouveau SDACR n’a pas été précédée d’une évaluation de la mise en œuvre des orientations du précédent schéma en matière de rationalisation de la carte des implantations de centres de secours.

En effet, en 1999, cette carte se caractérisait par la présence de très nombreux centres de première intervention (CPI) rattachés aux communes, le plus souvent de petite taille. Comme l’indique l’article 8 (également applicable aux CIS de classe 1) du règlement opérationnel approuvé deux ans après ce premier SDACR et sur son fondement, ces CPI n’ont qu’une vocation communale et doivent, pour toutes les interventions présentant un caractère d’urgence, être doublés par des moyens d’un centre d’incendie et de secours (CIS) de classe 2 ou supérieure. Le caractère communal de ces CPI n’apporte qu’une réponse insuffisante aux besoins d’un service d’intervention doté de moyens adéquats. Dans la décennie passée, le nombre de ces CPI a pu être très fortement réduit, et cette évolution se poursuit.

Cependant, le SDACR élaboré en 1999 ne se contentait pas de considérations générales quant à cette inadéquation du modèle communal aux missions d’un SDIS moderne. Il avait au contraire, sur le fondement d’une analyse des moyens les plus efficients d’atteindre son objectif de délai d’arrivée d’un premier secours, établi deux listes limitatives des CPI qu’il était justifié, soit de conserver sous le même statut, soit de transformer en CIS relevant de la responsabilité du SDIS, ce qui est un gage de bon fonctionnement. Tous les CPI qui ne figuraient sur aucune de ces deux listes n’avaient pas vocation à continuer d’exister.

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L’analyse de l’exécution de ce travail de rationalisation de la carte de l’organisation territoriale du SDIS en milieu rural n’a pas été effectuée en préalable à la réflexion portant sur la récente révision du SDACR. Il s’agissait pourtant d’un exercice qui ne présentait pas de difficultés particulières, et dont les enseignements auraient été très utiles pour donner une nouvelle impulsion à ce travail.

C’est pourquoi la chambre a consacré une partie de son contrôle à procéder elle-même à cette évaluation, sur un secteur, le Cambrésis, caractérisé par une densité de CIS comparable à celle observée au sein de territoires beaucoup plus densément peuplés.

Dans son état antérieur au SDACR de 1999, l’arrondissement de Cambrai comportait un centre de secours principal à Cambrai, quatre CIS et 34 CPI, présentant une densité supérieure à 1 CPI pour 2 communes dans une grande partie de l’arrondissement.

Le SDACR de 1999 ne prévoyait que la transformation d’un CPI en CIS et le maintien sous statut communal de sept autres. La carte en résultant était la suivante :

Cette proposition était assez proche d’une moyenne de 1 CIS par canton. Elle visait sans doute un équilibre assez pertinent entre rationalisation et maintien d’un maillage suffisant en termes d’efficacité et notamment de délais de 1ère intervention.

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Or, à la lecture du SDACR révisé, la situation actuelle, que l’on peut décrire par la carte ci-après4, diffère sensiblement de ce qui était prévu :

Au total, sans même prendre en compte quatre centres de première intervention (CPI) qui avaient été transformés en CIS et existaient encore jusqu’à une période récente, la chambre observe qu’il existe une différence importante entre ce qui était prévu au SDACR 1999 et le résultat actuel. En effet, au lieu de suivre les indications du SDACR, le SDIS a conservé plusieurs CPI qu’il n’était pas prévu de maintenir, et a promu comme CIS des CPI qui soit ne devaient pas non plus être maintenus, soit devaient rester des CPI. :

Prévu au SDACR Situation actuelle CPI à maintenir 7 3 CPI à transformer en CIS 1 14 CPI à ne pas maintenir 26 17

Certes, à l’échelle du département dans son ensemble, le nombre de centres (qu’il s’agisse de CIS ou de CPI) est passé de 212 en 1999 à 132 en 2011, ce qui correspond à la dissolution de 80 centres. En outre, le SDIS a précisé que le passage du statut de CPI à celui de CIS n’impliquait pas d’engagement du SDIS d’en garantir la pérennité. Le résultat n’en est pas moins sensiblement différent de ce que prévoyait le SDACR.

En outre, le nouveau SDACR, au lieu de reprendre les ambitions de celui de 1999, conserve la totalité des CIS actuels. Seules quelques indications semblent traduire des intentions de rationalisation. On relève ainsi, toujours pour le Cambrésis :

- une « prospective d’évolution de la couverture opérationnelle compte tenu de la possibilité de regrouper certains CIS » concernant Rumilly-en-Cambrésis et Masnières, deux centres effectivement très proches l’un de l’autre et appartenant par ailleurs au canton de Marcoing qui bénéficie d’un ratio considérable de 1 CIS pour à peine plus de 3 000 habitants ; 4 Cette carte mentionne trois CIS qui ont bien existé jusqu’à une période récente, mais qui aujourd’hui n’existent

plus : ceux de Noyelles-sur-Escaut et de Neuvilly, et celui de Crèvecœur-sur-l’Escaut indiqué comme étant en difficulté – ce qui est également le cas de celui de Viesly.

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- et un « secteur impacté par la reconstruction de CIS : Caudry … », ce qui signifie que, le SDIS ayant exposé des dépenses importantes pour reconstruire un CIS de classe 3 à Caudry, le maintien de trois CIS de classe 1 dans ses alentours immédiats se justifie de plus en plus mal.

Pour le reste de l’arrondissement, le nouveau SDACR ne fixe pas de perspectives de rationalisation. Il apparaît donc que cette procédure de révision n’a donné lieu à l’établissement d’aucune carte traduisant de manière suffisante la recherche d’un compromis optimal entre l’objectif du SDIS en termes de délai d’arrivée des premiers secours, et un souci de maîtriser le coût d’implantations trop nombreuses.

Il est vrai qu’un SDACR a seulement pour objet de dresser l’inventaire des risques de toute nature pour la sécurité des personnes et des biens auxquels doivent faire face le SDIS, et de déterminer les objectifs de couverture de ces risques.5 Le SDIS estime donc que le nouveau SDACR ne traduit aucun infléchissement de sa volonté d’optimiser le maillage territorial en vue d’atteindre les objectifs de couverture fixés par le SDACR. Au-delà des grandes orientations, qui visent à donner une vision d’ensemble du service, les mesures nécessaires à leur mise en application (évolution de la carte des centres, des effectifs, des matériels, des formations des sapeurs-pompiers…) devraient donc figurer dans des documents ultérieurs.

La chambre estime en effet que des mesures de regroupement seraient au moins aussi rationnelles en secteur rural que dans les zones plus densément peuplées où des centres de secours, même assez proches les uns des autres, n’encourent pas nécessairement le reproche d’un volume d’activité très en-dessous de la masse critique. Or, dans la vallée de la Lys, une fusion de cinq centres de secours (nouveau CIS à Bousbecque) a pu être menée à bien, de manière apparemment très satisfaisante pour les parties concernées. Cette réussite pourrait servir d’exemple pour des initiatives similaires à prendre dans des endroits où le maintien du statu quo semble encore moins justifié.

De plus, la reprise d’une action dynamique dans le même sens pourrait être encouragée par le constat que, dans le secteur du Cambrésis examiné par la chambre dans un contexte marqué par une forte réticence de certaines communes à des mesures de rationalisation du grand nombre de CPI et CIS existant encore actuellement, un mouvement de constitution d’une intercommunalité cohérente a eu lieu, très récemment, par fusion de communautés dont la carte, il y a encore quelques années, était peu pertinente. Cette évolution intéressante des élus de ce secteur pourrait éventuellement trouver son pendant dans la création d’une dynamique en faveur de solutions innovantes à la crise du volontariat en secteur rural.

B - Des dispositions du règlement opérationnel qui pourraient être reconsidérées

Les perspectives parfois peu favorables d’évolution d’un vivier de volontaires dont les obligations professionnelles soient compatibles avec une disponibilité satisfaisante à proximité de leur CIS de rattachement, ont conduit le SDIS du Nord à une première réflexion sur d’éventuelles réponses innovantes à apporter, en milieu rural, à cet état de fait.

En particulier, certains centres de secours de petite taille mais situés à de faibles distances les uns des autres pourraient, comme on l’a vu au point précédent pour les communes de Rumilly-en-Cambrésis et Masnières, être regroupés d’une manière qui permette d’ajouter les effectifs de la ou des communes dont les centres seront fermés, à ceux du CIS qui sera maintenu.

5 Cf. article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales.

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En dehors de ce secteur du Cambrésis, des exemples apparemment satisfaisants ont été cités par des responsables du SDIS, concernant les CIS de Mortagne-du-Nord, de Solre-le-Château, ou encore le regroupement de ceux de Prisches et de Cartignies. Dans ce dernier cas, une légère baisse d’effectifs a été signalée, tout en indiquant que « les réticences initiales ont été à peu près surmontées ».

Cependant, la portée de ces « réticences initiales » dépasse le cadre de la situation locale qu’il convenait de résoudre. En effet, un des arguments qui avait été avancé par les pompiers volontaires résidant dans le village dont le centre de secours devait être fermé, était que « Selon le règlement, les sapeurs-pompiers d’astreinte doivent en effet se rendre sur une intervention en quinze minutes maximum, en rejoignant d’abord le CPI pour s’équiper. Une alerte à Prisches demandera donc un aller-retour en urgence à Cartignies pour le pompier prischois, avec des risques d’accident de la route pour le volontaire ».

L’article 15 du règlement opérationnel dispose en effet que « …l’ensemble des sapeurs-pompiers qui arment les engins de secours … se présentent obligatoirement au centre afin de constituer l’équipage du ou des engins à engager. Ils ne peuvent pas rejoindre directement les lieux de l’intervention ». Cette obligation vise à rationaliser l’organisation des secours. Seuls des personnels hauts gradés ou très spécialisés bénéficient de dérogations.

Pour éviter des aller-retour à des moments où gagner du temps est essentiel, le SDIS pourrait permettre, dans certains cas, aux sapeurs-pompiers de rejoindre directement les lieux d’intervention sans passer par le centre. Le SDIS devrait ainsi examiner les nombreuses questions techniques qu’impliquerait une organisation plus souple : celle de l’équipage minimal devant armer le véhicule lors de son trajet de sa remise au lieu du sinistre, celle du rôle et des procédures à appliquer par le centre de traitement de l’alerte (CTA), en lien avec la nécessité de constater par téléphone ou par tout moyen électronique qu’une équipe sera effectivement au complet sur place à l’arrivée de ce véhicule, celle de la disposition par le pompier concerné de son équipement individuel de protection (qui doit continuer à faire l’objet d’opérations de maintenance au centre de secours de rattachement), celle de l’éventuelle fixation à l’avance d’un point de ralliement et de la gestion du stationnement des véhicules personnels des sapeurs-pompiers concernés, celle des exercices à prévoir pour roder les nouveaux automatismes à acquérir, etc.

En revanche, certaines objections du SDIS, portant notamment sur les incidences défavorables d’une telle évolution pour les délais de couverture, semblent pouvoir être écartées. En effet, si on raisonne en termes de délai global de couverture, et non plus de temps de rassemblement puis de temps de trajet, il apparaît que le fait d’éviter au véhicule d’avoir à attendre l’arrivée des pompiers venant de la commune où a lieu le sinistre, et en même temps d’éviter à ces derniers de faire un aller-retour, devrait faire gagner du temps sur le délai global s’écoulant entre l’alerte et la présence sur place d’une équipe opérationnelle au complet.

Par ailleurs, avoir un homme sur place avant l’arrivée du véhicule et capable de renseigner sa hiérarchie de visu, loin d’être un handicap dans l’organisation, pourrait aussi être un atout. Ainsi, face au risque de démotivation à court ou moyen terme d’une part non négligeable des SPV concernés, il serait sans doute dommage de ne pas mettre à l’étude, puis à l’expérimentation, une telle mesure, qui pourrait donc se traduire dans un premier temps par des dérogations à l’article 15 du RO, puis par une modification de sa rédaction actuelle.

De manière plus générale, l’article 8 du même règlement, selon lequel : « Un CPI ou un CIS de niveau 1 intervient normalement dans le cadre des limites de la commune dans laquelle il est implanté », pourrait également évoluer pour s’adapter aux nouvelles réalités démographiques du monde rural.

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III - UNE GESTION FINANCIERE ET ADMINISTRATIVE CONTRAINTE, MAIS QUI PEUT ETRE AMELIOREE

A - Une situation financière très tendue6

1 - Des dépenses de fonctionnement où le personnel tient la plus grande part

En dépenses de fonctionnement, la part prépondérante, et aussi la plus dynamique après celle des intérêts de la dette, tient aux dépenses de personnel. Leur niveau actuel s’explique en particulier par des facteurs de hausse (antérieurs aux exercices en examen et qui ne relèvent pas de la stricte responsabilité du SDIS du Nord) tels que l’application d’un plan de recrutement lié à la réduction du temps de travail et l’organisation d’un très important concours organisé par le SDIS, dont la liste des lauréats est encore, en théorie, à sa disposition pour les recrutements auxquels il n’a pas pu procéder plus tôt.

Le SDIS a précisé que, hors réduction du temps de travail, l’augmentation des effectifs trouvait son origine dans la nécessité d’une remise à niveau visant à disposer d’effectifs permet-tant d’atteindre les objectifs de couverture fixés par le SDACR, ainsi que dans la hausse très significative du nombre d’opérations pour secours à personnes (qui découle notamment de la mise en œuvre du référentiel portant sur l’organisation du secours à personnes et de l’aide médicale urgente).

Pour les dépenses de personnel stricto sensu (SPP et PATS - personnels administratifs, techniques et spécialisés), sur les exercices plus précisément examinés par la chambre, c’est-à-dire 2010 comparé à 2007, la tendance est au ralentissement, avec + 3,75 % / an en moyenne et seulement + 1,78 % pour les chiffres de 2010 par rapport à ceux de 2009.

Pour les dépenses de volontariat, l’évolution est moins rapide (+ 2,33 % par an sur les trois dernières années).

Une des pistes envisagées pour maîtriser les dépenses est la mutualisation, entre le département et le SDIS, de certains postes de personnels non pompiers (PATS). Cependant, le département et le SDIS constituant déjà des structures importantes, des économies d’échelles sont sans doute moins évidentes que pour des départements nettement moins peuplés. Pour certaines fonctions administratives, le SDIS est au moins aussi avancé dans la recherche de gains de productivité grâce aux progrès permis par l’informatique. Quant aux rapprochements de secteurs techniques existant entre le département et le SDIS, comme la maintenance d’un parc important de véhicules spécialisés ou la fonction de maîtrise d’ouvrage, les problématiques relatives à l’ajustement des moyens engagés par rapport au volume d’activité disponible se présentent plutôt dans les mêmes termes dans les deux organismes, de telle sorte qu’aucune solution simple prenant la forme de mutations de l’une vers l’autre ne semble en mesure de faire apparaître une synergie.

Au total, les dépenses de personnel au sens large représentent environ 5/6ème du total des dépenses réelles de fonctionnement (DRF). Dans le cadre de la prospective établie par le SDIS, leur évolution devrait se stabiliser à terme à 3 % par an, après avoir encore atteint + 5,7 % en 2011 et + 4,2 % en 2012. Elles devraient toutefois rester dynamiques compte tenu d’un GVT7 assez fort, les importants recrutements par concours ayant porté sur des SPP assez jeunes.

6 La présente observation est notamment fondée sur un document de la direction des finances du SDIS, intitulé

« prospective tendancielle/horizon 2018 - scénario central ». 7 Glissement vieillesse technicité.

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Les autres dépenses ne représentent que 1/6ème du total. Leur évolution résulte, elle, de deux mouvements en sens inverse très contrastés :

- les charges à caractère général ont fait l’objet d’un effort de maîtrise notable (+ 1,54 % par an en moyenne pour 2009 et 2010 comparées à 2003 et 2004)8 ;

- inversement, les frais financiers sont passés de 0,6 % des DRF en 2007 à 2,5 % en 2010, traduisant le recours croissant à l’endettement et son caractère cumulatif.

Les frais financiers vont continuer à prendre de l’ampleur (quasi-doublement de 2010 à 2013, à taux d’intérêt supposé inchangé). Aussi, ce ratio n’est appelé à se stabiliser qu’après avoir atteint les 5 %, grâce à un effort important de réduction des investissements. Le taux d’intérêt envisagé pour cela devrait rester stable à 4 % malgré le passage du stock de dette en teinte « rouge » sur la présentation de la direction des finances, et alors que celle-ci s’inquiète d’une éventuelle dégradation de la solvabilité du SDIS auprès des banques.

Dans le cadre de cette prospective, les autres dépenses de fonctionnement sont appelées à augmenter de manière régulière au-delà de 2011 ou 2012.

2 - Un équilibre qui dépend essentiellement de la participation du département

La variable d’ajustement de la section de fonctionnement est constituée par la participa-tion du département, car, le plus souvent, le SDIS ne vire aucun crédit sur la ligne « recettes d’investissement / Autofinancement (C/1068 Excédent de fonctionnement capitalisé) ».

Comme indiqué par le directeur financier, « L’autofinancement suit la dotation aux amortissements (pour laquelle, jusqu’en 2017, on se contente d’amortissements courants, anticipant le remplacement du seul matériel ainsi que de quelques centres de secours modulaires), ce qui le conduira, en 2019, en-dessous de l’annuité en capital de la dette. Amortir les bâtiments coûterait 3 M€ par an, que le SDIS n’a pas dans sa section de fonctionnement, donc, une fois que le compte 23 sera apuré, cet amortissement devra être neutralisé9 … Au SDIS 59 les frais de gestion sont correctement maîtrisés, ce qui lui a permis de dégager des excédents en 2009. Cependant, le département n’a accepté qu’à hauteur d’un tiers de leur montant que le SDIS les capitalise10, pour les deux autres tiers il a exigé qu’ils soient considérés comme des recettes du budget 2010. »

Ainsi, faute d’une capitalisation régulière d’excédents de fonctionnement ou de toute autre démarche volontaire de virement de la section de fonctionnement à celle d’investissement, les seuls transferts permettant un autofinancement sont les dotations aux amortissements, réduites au strict minimum.

8 La légère baisse constatée (- 0,29 M€) en 2010, après une hausse très modérée en 2009, est sans doute à mettre

en regard avec l’achat, par le SDIS, de son siège, pour 6,94 M€, ce qui a dû générer des économies de loyer de quelques centaines de milliers d’euros, en contrepartie d’une hausse des frais financiers d’un montant un peu plus faible. Par ailleurs, la hausse de 2008 et la baisse qui a suivi sont sans doute corrélées avec les records des prix du pétrole constatés cette année-là, le SDIS étant un assez gros consommateur de carburants.

9 En réponse aux observations provisoires de la chambre, il a été précisé que « le SDIS procède à l'amortissement de ses immobilisations dans le respect de l'instruction budgétaire et comptable M61 (et ce avant même le 1er janvier 2004, date à partir de laquelle l'amortissement des immobilisations corporelles et incorporelles est devenu obligatoire). Le mécanisme de neutralisation de l'amortissement technique des bâtiments n'est utilisé qu'en raison de l'impossibilité dans laquelle le SDIS s'est jusqu'à présent trouvé de dégager les recettes de fonctionnement nécessaires. »

10 Soit 3,08 M€ constatés en 2010.

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Au total, sur la période 2008-2018 de ce scénario central, cet amortissement incompres-sible ne représente que 29,5 % des dépenses réelles d’investissement, ce qui, ajouté à 0,9 % d’autofinancement volontaire, montre que 69,6 % doivent être financés par des ressources propres de la section d’investissement, et donc, hors FCTVA, essentiellement par l’emprunt (55,7 %).

En tant que variable d’ajustement de la section de fonctionnement, la participation du département est ainsi, le plus souvent, maintenue au minimum légal permettant à cette section d’être juste équilibrée. La raison d’une telle prudence tient probablement au souci de ne pas encourager le SDIS à une croissance de ses dépenses encore plus élevée que celle qu’il a connue dans la dernière décennie, mais sans doute aussi au fait que le SDIS du Nord connaît, en pourcentage, une des croissances de cette contribution parmi les plus élevées des départements français (elle aura été multipliée par plus de 4 de 2003 à 2012), du fait de son niveau de départ qui était un des plus bas.

Une croissance rapide de cette ressource tient à un « effet de ciseau » entre l’augmentation de certaines dépenses et la stabilisation des recettes du secteur communal. En effet, outre l’augmentation des dépenses de personnel et des frais financiers, les amortissements ne se stabiliseront qu’à partir de 2014, après avoir encore augmenté de 13 % en trois ans. En revanche, conformément à la loi11, les contributions du secteur communal, qui aujourd’hui comptent encore pour près de la moitié des recettes de fonctionnement, ne seront plus revalorisées qu’à hauteur de l’inflation, anticipée au taux de 1,95 % par an.

Ainsi, dans la prospective « centrale » élaborée par la direction des finances du SDIS en septembre 2011, et malgré un retour à des dépenses d’investissement qui, à terme, n’excèderont pas des amortissements pourtant faibles (17 M€ par an), la contribution du département devait dans un premier temps continuer à progresser rapidement, pour atteindre 104,67 M€ en 2013, avant de voir sa croissance se stabiliser autour de + 3,7 % / an pendant trois ans puis se situer autour de + 2,4 % / an pour les deux dernières années.

Ce retour à un faible niveau de dépenses d’investissement devrait clore un cycle caractérisé par un plan pluriannuel de mise à niveau des matériels et d’une partie des bâtiments. Celui-ci est d’un niveau cumulé de 266 M€ de 2007 à 2015 inclus, à mettre en regard d’un retard d’investissement qui, par comparaison avec d’autres SDIS de 1ère catégorie et selon la méthodologie retenue, variait entre 50 et 110 M€. À cela s’ajoutent, pour un niveau moyen de 17 M€ par an à partir de 2008, les dépenses courantes d’investissement. La dette du SDIS devrait alors se stabiliser autour de 265 M€ (contre 51,4 M€ début 2008 et 190 M€ prévus fin 2011), correspondant à 16 ans d’épargne brute, ou encore, en 2018, à un an et quarante jours de recettes de fonctionnement.

Cette stabilisation à terme, à un niveau de dette élevé et pour des montants annuels d’investissements qui seront limités, nécessite que l’épargne brute du SDIS s’établisse, au moins pour les dernières années du plan d’investissement en cours, à un niveau de 8 % des recettes totales de fonctionnement (elles-mêmes en hausse). Dans la simulation financière réalisée par sa direction des finances, le SDIS devait, pour la première fois de manière pérenne, se rapprocher de ce niveau en 2012, la contribution du département devant être portée à 99,33 M€ (+ 12,88 % par rapport à 2011).

11 Disposition introduite par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (art. 121),

codifiée à l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales (7ème alinéa), et qui s'impose au SDIS depuis 2003.

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Toutefois, ce niveau d’épargne brute ne devrait pas être atteint. En effet, lors du vote du budget primitif du Département du Nord le 22 décembre 2011, la contribution au SDIS pour 2012 a été fixée à 93 M€, à laquelle s’ajoute une subvention d’équipement de 2 M€ pour la réalisation de centres d’incendie et de secours. Le nouvel équilibre de la section de fonctionnement a pu être obtenu par la réduction de certaines dépenses de gestion et l’apport d’un excédent de l’exercice antérieur plus important que prévu. Ainsi, de 7,72 % en 2011, le ratio d’épargne brute ne devrait avoisiner que 6 % des recettes de fonctionnement en 2012 ». Ainsi, faute d’atteindre le ratio précité de 8 %, le SDIS aura du mal à stabiliser sa situation financière.

Cette difficulté est encore accrue par la très faible prévisibilité des recettes de fonctionnement, le Département du Nord étant confronté à une double incertitude en matière financière :

- une incertitude de portée générale, liée à la situation économique, qui limite la visibilité pluriannuelle sur son équilibre financier ;

- une incertitude propre aux SDIS : de nombreuses mesures nationales imposent très régulièrement des charges nouvelles aux SDIS depuis plusieurs années (mise en place du nouveau réseau de transmission ANTARES, mesures catégorielles de revalorisation des rémunérations des sapeurs-pompiers professionnels, mesures en faveur des sapeurs-pompiers volontaires, modification de normes techniques relatives aux matériels et aux équipements individuels…).

B - Les coûts résultant de la suspension de plusieurs opérations de construction

Souffrant d’un retard d’investissement de l’ordre de 50 à 110 M€ par rapport à ses homologues, et confronté de manière directe à la vétusté de ses matériels et de bon nombre de ses bâtiments, le SDIS a, au milieu de la décennie 2000-2010, élaboré un plan d’équipement en classant ses besoins par ordre de priorité.

Une fois ce travail de planification achevé, le SDIS s’est lancé dans la réalisation concrète d’un certain nombre de travaux de rénovation ou de reconstruction de centres de secours, dans le cadre d’un programme portant sur 14 d’entre eux.

Il se trouve aujourd’hui dans une situation inconfortable, qui tient au fait que pour un certain nombre de ces opérations, les marchés de maîtrise d’œuvre, après avoir donné lieu à la première partie des prestations concernées (phases de projet), ont été suspendus et nécessitent un avenant de prolongation pour pouvoir donner lieu à la réalisation des phases suivantes (la passation des marchés de travaux et la conduite de ces derniers).

Or, ces avenants, qui font l’objet de discussions avec le service du contrôle de légalité de la préfecture, semblent présenter des risques juridiques importants, car il pourrait être soutenu qu’ils bouleversent rétrospectivement l’économie des marchés de maîtrise d’œuvre concernés. Cependant, l’option consistant à résilier ces marchés et à en passer de nouveaux, outre la perte financière qu’elle représente, n’apporte guère plus de sécurité juridique. En effet, des contentieux pourraient être engagés aussi bien :

- par les participants aux précédents concours de maîtrise d’œuvre s’il leur est interdit de se présenter aux nouveaux concours ;

- ou, dans le cas contraire, par leurs concurrents, qui pourraient invoquer une inégalité de connaissance des attentes du maître d’ouvrage et du programme de ces nouveaux concours, nécessairement très proches des anciens.

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Six marchés de maîtrise d’œuvre ont été l’objet de telles suspensions, et leurs perspectives de reprise sont variées :

- celui de Port-Mardyck est relancé et l’opération correspondante ne devrait pas connaître de difficultés ;

- pour celui de Vieux-Condé, une délibération permettant la prolongation par avenant du marché de maîtrise d’œuvre a été prise, et n’a pas été déférée par le préfet ;

- celui d’Aulnoye-Aymeries est dans un état juridique comparable, mais la relance des travaux nécessiterait un arbitrage budgétaire favorable qui n’est pas encore acquis ;

- celui de Cambrai connaît des retards importants dans un contexte de découverte de vestiges archéologiques ;

- celui de Dunkerque-Téteghem est l’objet de fortes réticences du contrôle de légalité du fait de l’importante mise à distance dans le temps qui a été appliquée par le SDIS ;

- enfin, celui d’Orchies semble abandonné, malgré les conditions peu reluisantes dans lesquelles les pompiers concernés exercent leurs fonctions.

En ce qui concerne la valeur des études qui pourraient être perdues, elle devrait être comprise entre 1,7 M€ dans l’hypothèse, plutôt optimiste, où le SDIS devrait seulement renoncer à Dunkerque-Téteghem (de l’ordre de 1,4 M€ en jeu) et à Orchies (0,3 M€), et le chiffre de 4 M€ qui a également été indiqué à la chambre, pour une hypothèse plus pessimiste.

Si, comme l’indique le président du conseil d’administration du SDIS, la détérioration, en 2008, du contexte économique général et de la situation financière du département, confronté aux transferts de compétences de l’État, a pu contribuer à différer ces opérations, ces suspensions semblent surtout résulter d’une politique délibérée de délai entre la maîtrise d’œuvre et le lancement des travaux.

En effet, le passage suivant, extrait de « La lettre n° 14 » (outil de communication interne du SDIS, daté de novembre 2007) indique que : « le Plan Pluriannuel d’Investissement (P.P.I.) du SDIS va passer à la vitesse supérieure à la suite des concours de maîtrise d’œuvre lancés au cours de l’année 2008. C’est ainsi que les CIS d’Anzin, Aulnoye Aymerie, Cambrai, Cassel, Caudry, Dunkerque, Fort-Mardyck, Le Quesnoy, Marcq-en-Barœul, Orchies, Somain, Vallée de la Lys, Valenciennes et Vieux-Condé verront leur reconstruction engagée dans les cinq prochaines années ». Ce document suggère que, dès le début, l’idée était de lancer conjointement tous les concours de maîtrise d’œuvre, et d’étaler sur cinq ans les mises en chantier. Si le SDIS conteste, à juste titre, la portée juridique de ce document, il ne remet pas formellement en cause l’exactitude de ces faits.

Par ailleurs, aucune raison de nature technique (souci de ne pas saturer le marché local des entreprises de construction ou de maîtrise d’œuvre) n’a été avancée pour expliquer cette volonté de différer de quelques années le lancement de ces opérations.

Ainsi, la chambre estime que le SDIS aurait dû, soit passer ces marchés de maîtrise d’œuvre et engager rapidement les travaux, soit s’abstenir de toute dépense.

Ce délai dans le lancement des travaux semble provenir d’un souci de lissage dans le temps des dépenses d’investissement. Ce lissage semble en effet une préoccupation du SDIS, qui l’a conduit à développer un logiciel d’aide à la conduite d’opérations dénommé Aladin, « Assistance au lissage des achats et dépenses d’investissement ».

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Certes, la possibilité de financer les dépenses d’investissement par l’emprunt, ainsi que le fait de les retracer dans une section distincte de celle applicable au fonctionnement, peuvent les rendre compatibles avec des pics temporaires de dépenses. En effet, les amortissements, évalués de manière adéquate, permettent d’apprécier les charges que font peser les dépenses d’investissement sur les équilibres financiers fondamentaux du SDIS.

Toutefois, pour le SDIS, le lissage des dépenses d’investissement paraît se justifier par une situation financière tendue, qui ne lui permettrait pas, sans ce lissage, de financer les annuités d’amortissements.

C - Des progrès possibles en matières financière et administrative

Plus ponctuellement, la chambre a relevé que des améliorations pourraient être apportées en établissant une comptabilité analytique, ainsi qu’en fixant les pénalités de retard à un niveau plus réaliste.

1 - L’absence de comptabilité analytique

Le SDIS du Nord, bien qu’étant le plus important de France, ne dispose pas encore d’une comptabilité analytique, ce qui le prive d’un outil de pilotage très polyvalent. Certains de ses responsables administratifs ont eu l’occasion de constater les effets de cette lacune en matière d’aide à la décision lors de réflexions récentes concernant l’organisation de son dispositif de formation professionnelle interne. On peut également indiquer, à titre d’exemple, que dans le cadre des évolutions juridiques qui encadrent la commande publique, une comptabilité analytique pourrait aider à mieux pondérer les critères de jugements des offres. En effet, savoir ce que rapporte une meilleure garantie des matériels achetés, ou ce que coûtent des délais d’exécution plus longs, est important si on souhaite affecter à ces critères tels ou tels coefficients de pondération.

2 - Un niveau excessivement élevé des pénalités en cas de retard d’exécution des marchés

Dans le cas où les entreprises ne respectent pas ces délais sur lesquels elles se sont engagées, les marchés publics prévoient en général des pénalités financières. Les cahiers des clauses administratives générales actuellement en vigueur prévoient des pénalités, suivant les catégories de marchés, de 1/1000ème ou 1/3000ème par jour de retard12. Qu’elles soient, in fine, levées dans le respect des procédures qui encadrent cette décision du maître d’ouvrage, ou maintenues, il est important qu’elles aient été fixées à un niveau réaliste. La chambre invite les responsables de la rédaction des cahiers des charges à limiter aux cas de nécessité impérieuse la pratique consistant à les fixer au niveau particulièrement élevé que constitue le chiffre de 1/100ème du montant du marché par jour de retard.

IV - DES RISQUES QUI DEVRAIENT ETRE ANTICIPES EN MATIERE DE GARDE

A - Les risques juridiques sur les conditions d’exercice des gardes de 24 heures

Dans ses observations définitives rendues publiques en 2004, la chambre avait signalé l’attention qu’il convenait de porter au devenir juridique du système des gardes de 24 h, notamment par référence au décret du 31 décembre 2001 qui prévoit un régime « d’horaire

12 Arrêtés du 16 septembre 2009.

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d’équivalence ». Celui-ci constitue « un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d’inaction … » (Conseil d’Etat, 19 octobre 2011, SDIS du Finistère, 333746). Ainsi, comme l’a noté le récent rapport public thématique de la Cour des comptes : « Une G24 correspond à 24 heures de présence, dont une partie seulement (entre 16 et 17 heures actuellement selon les SDIS) équivaut à du temps de travail effectif théorique. Ce dernier a été augmenté à partir de 2002, afin de prendre en compte la réduction du temps de travail »

Cependant, en droit européen, cette question n’est pas totalement réglée, comme le montre par exemple le passage suivant du rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale sur le financement des SDIS :

« Les discussions en cours au niveau européen, concernant la directive sur le temps de travail risquent de remettre en cause les systèmes d’équivalence pour les gardes de 24 heures. La procédure de conciliation engagée entre le Conseil et le Parlement européen sur ce projet de directive sur le temps de travail a échoué en avril (2009). Le Parlement européen s’était opposé à l’accord politique dégagé au Conseil sur la possibilité d’offrir un régime dérogatoire (« opt-out ») à un État membre pour permettre une semaine de travail supérieure à 48 heures, et sur la possibilité de ne pas considérer une heure de temps de garde comme une heure de temps de travail effectif. Le débat n’est certainement pas clos car le renouvellement récent du Parlement européen verra certainement la reprise de ces discussions sur la base d’un nouveau texte. »

Plus récemment (novembre 2011), le rapport de la Cour des comptes a précisé que : « L’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes tend à considérer le temps de présence comme temps de travail (et non à limiter ce dernier au temps de travail productif). Ainsi, le temps de garde des personnels hospitaliers est assimilé à du temps travaillé. Si cette évolution devait un jour être reconnue, le système d’équivalence n’aurait plus lieu d’être et la G24 deviendrait particulièrement coûteuse ».

En matière de sapeurs-pompiers volontaires (SPV), le risque prépondérant concerne les mutations démographiques et sociologiques du monde rural et une éventuelle baisse des vocations. Il existe cependant également une incertitude juridique quant à la pérennité de leur situation de vacataires considérés comme des non-salariés, percevant une rémunération non imposable, et ne bénéficiant d’une assurance retraite que dans le cadre ad hoc de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR).

Pour les SDIS qui, comme celui du Nord, ont recours à de nombreux pompiers professionnels, la question la plus importante reste cependant l’éventuelle remise en cause des gardes de 24 heures payées 16 ou 17 heures.

B - La possibilité d’anticiper d’éventuelles difficultés juridiques et financières

Si une telle perspective devait se matérialiser, il ne serait pas réaliste d’espérer y répondre par une forte augmentation de la masse salariale, qui, d’ores et déjà, est le paramètre crucial d’un équilibre financier difficile et fait peser sur les finances du département une lourde charge.

Il ne serait pas non plus souhaitable de la prendre en compte par une réduction des objectifs opérationnels, notamment en termes de réponse quasiment assurée et rapide aux urgences sur la partie du département la plus grande possible.

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C’est donc dans la voie d’une réorganisation des gardes qu’une solution devrait préférentiellement être recherchée. En effet, il n’y a aucune raison que l’organisation actuelle, qui assure sans doute un bilan coût-efficacité assez satisfaisant compte-tenu du faible coût marginal de la présence des pompiers en garde de nuit, reste aussi pertinente dès lors que les données changeraient dans le sens d’un fort renchérissement de cette présence de nuit.

La chambre estime qu’une solution ne doit pas se baser sur une simple opposition entre jours et nuits, ni se contenter, par exemple, de faire une place plus grande aux gardes de 12 h ou au service opérationnel de jour (SOJ), mais doit s’ajuster de la manière la plus fine possible à toutes les circonstances qui déterminent les risques auxquels le SDIS doit faire face :

- les horaires précis de la transition entre période diurne animée et période nocturne plus calme, ainsi que les jours de la semaine, les vendredis et samedis soirs n’étant pas comparables aux autres soirées ;

- le fait que les sorties de nuit sont parfois moins nombreuses mais plus lourdes (incendies qui ont couvé plus longtemps et sont devenus plus graves, accidents de la circulation intervenus à plus grande vitesse et moindre visibilité...) ;

- la plus ou moins grande pertinence des points qui précèdent en fonction du secteur géographique défendu par chaque centre de secours.

L’enjeu d’une telle réflexion doit être de reprendre complètement l’objectif consistant, comme indiqué aux points I-C et I-D, non pas à éliminer complètement car c’est impossible, mais à minimiser, sous contrainte financière, le risque que de multiples sollicitations mobilisent la totalité des moyens disponibles et laissent un centre de secours ou un ensemble de CS voisins, totalement dégarnis et à la merci d’un ultime appel auquel ils ne pourront pas répondre.

La prise en compte d’une telle problématique pour optimiser, de manière prévisionnelle, l’organisation des effectifs et des services des personnels de l’ensemble des centres de secours du SDIS, ne serait pas forcément un problème déroutant pour ses responsables. Ainsi, une étude portant sur la localisation des USL (unités de soutien logistique) était précédée de l’avertisse-ment suivant : « Étudier la modernisation des USL et de l’organisation logistique est un travail éminemment systémique. Impossible de traiter chaque problème de manière indépendante. … De par son côté systémique, il est probable qu’une décision, prise ou non, change l’efficacité potentielle de l’ensemble. … ne disposant pas d’un système d’information aussi petit soit-il, les propositions évoquées pourront apparaître discutables … ».

Redéfinir les services des pompiers affectés aux différents centres de secours, de manière à revenir à un bilan coût-efficacité optimal dans un contexte de modification des coûts relatifs des périodes d’activité, de loisirs ou de nuit qui constituent les gardes, est bien, lui aussi, « un travail éminemment systémique ». La différence avec la citation ci-dessus est que l’on ne peut pas dire que, sur cette question, le SDIS « ne dispose pas d’un système d’information aussi petit soit-il ».

Bien au contraire, il apparaît logique de relier cette question à la base de données considérable que constitue l’archivage de tous les éléments enregistrés par le logiciel Titan dans le cadre du traitement des alertes : date, lieu et nature des appels, réponse apportée, éventuels renforts apportés au cours des opérations, états de disponibilité (quart d’heure par quart d’heure) de l’ensemble des moyens des centres de secours du SDIS, conditions d’achèvement des opérations…

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La direction informatique du SDIS estime irréaliste de concevoir un logiciel qui, à partir de cette base de données, déterminerait tout seul l’organisation optimale des effectifs et des services de l’ensemble des centres de secours, option qui pourrait d’ailleurs à bon droit être critiquée pour son manque de concertation avec les personnels concernés. Par contre, la démarche inverse qui consisterait à élaborer, en se fondant notamment sur l’aspect humain du problème, diverses hypothèses de réorganisation, puis à les tester en les confrontant à cette base de données et en évaluant le caractère plus ou moins satisfaisant des réponses apportées à des sollicitations identiques à celles qui ont été archivées par Titan, a été estimée tout à fait faisable d’un point de vue informatique.

La chambre recommande donc que, compte tenu des risques auxquels il est confronté et notamment l’hypothèse d’une remise en cause juridique du système actuel des équivalences, en temps effectif de rémunération, des gardes de 24 heures, le SDIS fasse preuve d’anticipation. Elle lui suggère en conséquence d’examiner les possibilités de définir une organisation plus souple et qui apporte, grâce aux possibilités de simulation qu’offre la base de données générée par Titan, le meilleur bilan coût-efficacité.

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Recommandations Il est recommandé au SDIS de :

1. Développer une comptabilité analytique, en fonction de ses objectifs de contrôle de gestion ou autres (par exemple : pondération adéquate, dans les marchés publics, des divers critères de jugement des offres).

2. S’assurer que les pénalités pour non-respect des délais sont fixées à des niveaux réalistes et strictement nécessaires au regard des hausses de prix qu’elles peuvent générer dans les offres des entreprises.

3. Stabiliser l’endettement au niveau le plus modéré possible, par l’obtention, de la part du département, d’une contribution permettant de porter son autofinancement à un niveau plus réaliste, et par la maîtrise prioritaire des dépenses de personnel.

4. Lever les hypothèques juridiques qui pèsent, après plusieurs années d’interruption, sur la prolongation de plusieurs marchés de maîtrise d’œuvre correspondant à diverses opérations de reconstruction de centres de secours.

5. Mettre à profit la base de données générée par Titan pour tester diverses hypothèses d’organisation affinée des services de gardes et d’astreintes, notamment dans le but d’anticiper le risque d’évolutions du droit européen dans le sens d’une remise en cause du calcul par équivalence des rémunérations des gardes de 24 h.

6. En matière de regroupements de centres de secours de petite taille :

- prendre appui sur les changements récents ayant affecté la coopération intercommunale là où c’est le cas (exemple du Cambrésis) ;

- mettre à l’étude l’éventualité d’accompagner la politique de rapprochement de centres de secours voisins entre eux, par un assouplissement de la logique des articles 8 et 15 du règlement opérationnel.

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ANNEXE – GLOSSAIRE

Aladin Assistance au lissage des achats et dépenses d’investissement.

CA / CASDIS Conseil d’Administration du SDIS.

CIS Centre d’Incendie et de Secours.

CODIS Centre Opérationnel Départemental d’Incendie et de Secours.

CPI Centre de Première Intervention (statut communal).

CS Centre de Secours (au sens du présent rapport, regroupe aussi bien les CSI que les CPI).

CTA Centre de Traitement de l’Alerte.

DRF Dépenses réelles de fonctionnement.

FCTVA Fonds de compensation de la TVA.

GVT Glissement vieillesse-technicité.

G24 période de garde de 24 heures (8h à 7h59) assurée sur place par un sapeur-pompier, suivie d’une période de repos minimale de 24 heures.

G12 période de garde de 12 heures (en général le jour, 8h à 19h59) assurée sur place par un sapeur-pompier, suivie d’un repos minimal de 12h.

IGF/IGA Inspection générale des Finances/Inspection générale de l’Administration.

PATS Personnels Administratifs, Techniques et Spécialisés.

PFR Prestation Fidélité et Reconnaissance.

PPI Plan pluriannuel d’investissement.

RO Règlement Opérationnel.

SAMU Service d’Aide Médicale d’Urgence.

SDACR Schéma Départemental d’Analyse et de Couverture des Risques.

SDIS Service Départemental d’Incendie et de Secours.

SOJ Service opérationnel de jour.

SPP Sapeur-Pompiers Professionnel.

SPV Sapeur-Pompier Volontaire.

SSSM Service de Santé et de Secours Médical (du SDIS).

USL Unités de soutien logistique.

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14, rue du Marché au Filé – 62012 – Arras cedex – Téléphone : 03.21.50.75.00 – Télécopie : 03.21.24.24.79

ROD.0534

RÉPONSE(S) AU RAPPORT D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES

– Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) du département du Nord –

(Département du Nord)

Ordonnateurs successifs en fonction pour la période examinée : - M. Bernard Derosier : Pas de réponse. - M. Daniel Rondelaere : Réponse de 1 page. « Les destinataires du rapport d’observations disposent d’un délai d’un mois pour adresser au greffe de la chambre régionale des comptes une réponse écrite. Dès lors qu’elles ont été adressées dans le délai précité, ces réponses sont jointes au rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs » (article 42 de la loi 2001-1248 du 21 décembre 2001).