radioéléments radionucléides radiochimie
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RadioélémentsRadionucléides
Radiochimie
CeA
Examen critique des modèles d'adsorptionEtude bibliographique et approche expérimentale
DARROZES SébastienStage de DEA du 5Février au 28 Juin 1996
Universités : Paris XI - Grenoble 1 - ToursInstitut National des Sciences etTechniques Nucléaires
Remerciements
Ce travail a été réalisé à la Direction des Etudes et Recherche - EDF - Les Renardières
Service Réacteurs Nucléaires et Echangeurs, Département Etudes des Matériaux, GroupeChimie Corrosion.
Ma profonde reconnaissance s'adresse à Monsieur Didier NOËL, Chef du GroupeChimie Corrosion, qui m'a confié cette étude.
J'exprime aussi toute ma gratitude à Monsieur Philippe OLLAR, pour m'avoir guidétout au long de cette étude. Ses conseils judicieux et ses critiques avisées m'ont permisl'élaboration de ce travail.
J'adresse mes remerciements les plus sincères au Docteur Jacques LY (CEA / CEFontenay-aux-Roses) qui m'a suivi durant mon travail expérimental.
Enfin, j'exprime ici ma plus vive sympathie à tous les membres du groupe pour leuraccueil chaleureux et qui m'ont permis de passer ce stage dans de très bonne condition.
SOMMAIRE
A. Introduction .
B. Originedu phénomène d'adsorption 2
C. LE COEFFICIENT DE DISTRIBUTION : KD 4
D. LE MODELE AKD CONSTANT 5
E. LE MODELE AKD PARAMETRIQUE g
F. LES MODELES DECRIVANT LES ISOTHERMES D'ADSORPTION 7
G. LE MODELE D'ECHANOEUR D'IONS 10
H. LES MODELES DE COMPLEXATION DE SURFACE 12
/. Lemodèle à couche diffuse 75
2. Lemodèle à capacité surfacique constante /<j
3. Lemodèleà triple couche \j
I. UN PROTOCOLE EXPERIMENTAL 19
1. Leprincipe jç
2. Le protocole expérimental 27
3. Les résultats expérimentaux 22
4. Conclusion 24
J. Conclusion 25
Annexe 1 : Bases théoriques de l'interface solide-liquide I
Annexe 2 : Représentation schématique des modèles de complexation de surface III
Annexe 3 : Représentations graphiques des résultats expérimentaux V
Annexe 4 : Représentations graphiques du traitement des résultats VI
BIBLIOGRAPHIE
A. Introduction
Les Règles Fondamentales de Sûreté (RFS), qui régissent le stockage en surface des
déchets radioactifs, imposent que les déchets de haute activité et à vie longue (B et C) ne
peuvent être admis dans les centres de stockage de surface. Dans le cadre de la Loi du 30
Décembre 1991 (Loi n° 91-1381), ces déchets pourraient être destinés à un stockage dans les
formations géologiques profondes.
Dans ce cas, le confinement repose sur trois barrières : la matrice de confinement de
déchets, la barrière ouvragée, et la barrière géologique. La corrosion du colis une fois mis au
contact des eaux souterraines est susceptible d'engendrer la libération d'éléments contaminants
radioactifs dans ces fluides. Les différentes barrières doivent contribuer, en particulier grâce à
leurs propriétés de rétention, à retarder la migration des radioéléments pendant un temps
suffisamment long pour que la radioactivité atteigne un exutoire à un niveau acceptable d'un
point de vue impact sur l'homme.
Quand une phase minérale est en contact avec une solution aqueuse, des ions de la
solution, des complexes ou des molécules peuvent s'accumuler à sa surface.
La sorption, qui est la rétention d'un élément présent en solution à la surface d'un
solide, est considérée comme un des processus-clés retardant le transport des radionucléides
vers la biosphère. Cette notion complexe ne décrit pas un seul phénomène physico-chimique
déterminé mais recouvre tout un ensemble de processus. En particulier, elle inclut :
- la précipitation de surface qui conduit à la formation de nouvelles entités solides
tridimensionnelles de structure (ou de composition) différente de celle de la
phase minérale hôte,
- lacoprécipitation qui est l'entraînement d'une espèce présente à l'échelle des traces
dans laformation d'un précipité pondéral d'une espèce analogue,
- l'absorption qui correspond à la diffusion des espèces adsorbées vers l'intérieur du
solide,
- l'adsorption sur la surface du solide qui ne conduit pas à la formation de nouvelles
espèces.
c'est ce dernier phénomène physico-chimique qui sera étudié plus en détails à travers ce
travail.
B. Origine du phénomène d'adsorption
De manière générale, on peut admettre que l'adsorption des ions est due à l'existence de
différents types de sites réactionnels à la surface d'un solide [1 ]. On pourra distinguer, d'une
part, les sites possédant une charge négative qui sont dus aux substitutions isomorphiques. Par
exemple, lorsqu'un Si4+ de la silice Si02 est remplacé par un Al3+, on se retrouve avec un déficit
de charge positive au sein de la structure cristalline. Ces déficits peuvent être compensés à
l'intérieur même de la phase cristalline, mais le plus souvent ils conduisent à un excès de
charges négatives en surface.
Et d'autre part, les sites réactionnels qui possèdent un caractère acido-basique, qui peut
s'exprimer suivant deux approches :
- (1) acido-basicité au sens de BRÔNSTED : les sites sont capables de capter ou de
libérer un ion hydrogène suivant les réactions :
X-OH + H+ < Ka' > X-OHj
X-OH < Ka^ > X-O- + H+
Kai et Ka2 sont les constantes de ces équilibres.
En fonction du pH et de la nature du site, la surface de la phase minérale acquiert donc une
charge positive, nulle ou négative (caractère amphotère). Il existe donc une valeur de pH pour
laquelle la charge du minéral est nulle, c'est le pH du point de charge nulle [2 ] (zéro point
charge) qui est noté pHzpc. Il est calculé à partir des constantes d'équilibres définies ci-dessus,
et répond à :
PHZPC - \ (pKal +pKa2)
Cette condition de charge de surface nulle peut aussi s'exprimer de façon a prendre en compte
l'adsorption d'espèces, autres que H+ et OH", déterminant elles aussi le potentiel de surface [2]
-PI-
- (2) acido-basicité au sens de LEWIS : le radical X du groupement X-OH est vu
comme un accepteur d'électrons :
X-OH + L" <=> X-L + OH"
L'acidité au sens de BRÔNSTED (1) permettrait d'expliquer l'apparition de charges
négatives en surface lorsque le pH est élevé conduisant alors à l'adsorption des cations de la
solution et, à la création de charges positives en milieu acide. L'acidité, vue suivant LEWIS
(2), peut quant à elle expliquer l'adsorption des anions tels que les phosphates, les sulfates...
sur les sites X-OH.
En présence d'un site possédant un comportement amphotère, les équilibres de protonation et
de déprotonation du site réactionnel, nous permettent d'envisager les caractéristiques suivantes
pour l'adsorption d'espèces anionique et cationique :
- l'adsorption d'une espèce anionique diminue lorsque le pH augmente,
- l'adsorption de l'espèce cationique suit le comportement inverse : la quantité adsorbée
augmente lorsque le pH augmente.
C. Le coefficient de distribution : Kd
Pour quantifier l'adsorption, on mesure la distribution d'un élément entre la phase solide
et la solution. Une telle valeur, ou coefficient de distribution, est souvent notée Kd (ou D). Le
Kd fait alors référence au rapport de masse, ou d'activité, d'un radionucléide présent sur une
phase solide sur la masse, ou l'activité, du même radionucléide présent en solution.
Kd -ç^solide
r^solution
où C est respectivement la concentration totale de l'élément à la surface du solide (en
mole/unité de masse) et en solution (en mole/unité de volume). Par conséquent la valeur du Kd
est donnée enunité de volume/unité de masse (exemple, m3.kg"1).
Ces coefficients de distribution dépendent des paramètres chimiques et physiques des systèmes
dans lesquels les phénomènes d'adsorption se produisent, et sont donc totalement liés aux
conditions opératoires utilisées [4 ].
De plus, la description quantitative des phénomènes d'adsorption conduit à examiner les points
suivants :
- la réversibilité des interactions,
- leur cinétique,
- les paramètres dont elles dépendent :
- les caractéristiques de la solution,
- les caractéristiques physico-chimiques de la surface du solide,
- la température, le temps de contact, les conditions d'écoulement...
Par conséquent, afin de pouvoir prendre en compte les différents paramètres physico
chimiques du système et comprendre les mécanismes mis en jeu lors des phénomènes
d'adsorption, il est nécessaire de développer des modèles décrivant de manière explicite la
relation entre coefficient de distribution et ces différents paramètres.
C'est ce comportement complexe, mettant en jeu des forces de nature et d'intensités ou rayons
d'action variés [1], de nombreuses espèces en solution qui interagissent avec différentes phases
solides, ayant des propriétés distinctes et variables, qui doit être modélisé pour prendre en
compte de façon quantitative l'adsorption des radionucléides dans les systèmes naturels
eau/roche.
Divers modèles ont été utilisés afin de décrire les phénomènes d'adsorption d'éléments
contaminants à l'échelle des traces tels que les radionucléides. Nous allons dans la suite, les
décrire par ordre de complexité croissant en soulignant leurs hypothèses et leurs champs
d'application.
D. Le modèle à Kd constant
Dans ce modèle, la distribution du radionucléide entre la phase solide et liquide est
supposée être constante. Le coefficient de distribution, nous l'avons vu précédemment, répond
à la définition :
Kd = (Quantité d'espèce adsorbée sur la phase solidc/mg) / (Quantité de la même espèce en solution/ml)
L'adsorption des radionucléides est fortement influencée par de nombreux paramètres
et peut varier de façon significative suivant les milieux [5 ]. Par conséquent, une valeur de Kd
constante pourrait être attendue seulement dans les cas où les compositions de la phase solide
et liquide, dans le milieu géologique, seraient considérées comme constantes.
Ce modèle conceptuel est donc très limité dans le fait qu'il ne prend en compte aucune
sensibilité envers des conditions variables.
E. Le modèle à Kd paramétrique
Les paramètres tels que la quantité et le type de minéraux (ou plus généralement les
sites d'adsorption de surfaces) présents dans la phase solide, la quantité et le type d'ions
présents dans la phase liquide, ainsi que les procédures expérimentales (les techniques de
séparation solide/liquide, le temps de contact...) peuvent affecter le coefficient de distribution
observé [6 J.
Des études empiriques ont donc été menées pour examiner les effets de ces variables
sur l'adsorption des radionucléides sur les sols, les sédiments ou les roches. L'approche la plus
commune est de faire varier un ou plusieurs paramètres systématiquement, et de déterminer le
coefficient de distribution résultant de chaque condition. Les valeurs des Kd obtenus sont alors
traitées à l'aide de relations empiriques qui sont généralement des expressions polynomiales, ou
des expressions plus complexe, comme par exemple :
Kd(X) = a[A] + b[B] + c[C] + d[A][B] + e[A][C] + f[B][C] + g[A][B][C] +h
où a, b, ..., h sont les coefficients de régression et,
[A], [B], [C] sont les concentrations des espèces présentes dans la solution,
Kd(x) étant le coefficient de distribution de l'espèce X.
Dans ce système, les variables indépendantes sont [A], [B], et [C], et la variable dépendante est
le coefficient de distribution de X.
Bien que ces relations empiriques générées par ce type d'analyses statistiques soient
plus efficaces que des valeurs uniques et constantes de coefficients de distribution, elles ne
peuvent pas être utilisées pour prédire des valeurs de Kd pour des conditions différentes de
celles des systèmes étudiés.
De plus, ces relations ne retracent que les effets dus aux variables indépendantes choisies sur
les coefficients de distribution. Elles n'identifient pas la cause ou les processus contrôlant
l'adsorption.
Cependant, ces analyses peuvent préciser la dépendance du coefficient de distribution en
fonction de certaines variables, tel le pH.
Cette approche peut ainsi se révéler utile pour estimer les tendances d'adsorption d'un
radionucléide, mais elle ne conduit pas à une compréhension générale des processus physico
chimiques qui contrôlent les interactions entre les roches, les eaux souterraines et les
radionucléides.
F. Les modèles décrivant les isothermes d'adsorption
De nombreuses expériences ont été menées sur l'adsorption de manière systématique afin
d'évaluer les effets de divers paramètres sur le coefficient de distribution.
L'ensemble des résultats de ces expériences où l'on évalue l'effet de la concentration du
radionucléide sur l'adsorption, alors que les autres paramètres sont fixés, est appelé isotherme
d'adsorption [7 ]. Trois modèles d'isothermes d'adsorption sont fréquemment utilisés : (1) le
modèle de LANGMUIR, (2) le modèle de FREUNDLICH, et (3) le modèle de DUBININ-
RADUSHKEVICH.
L'adsorption d'une espèce A sur un solide X peut être quantifiée par le paramètre de
densité d'adsorption T (mole.g"1) représentant le nombre de moles de A adsorbé par unité de
masse de X. D'autres unités sont cependant rencontrées g.g" , mole.mole' et mole.m" .
Diverses théories et expressions mathématiques empiriques de T peuvent être formulées
comme fonction du milieu chimique, et surtout de la concentration de A.
Considérons en premier lieu, le cas le plus simple où le phénomène d'adsorption est représenté
par une réaction de coordination de stoechiométrie 1:1 :
= X + A o = XA (1), de constante Kads
où a X représente le site d'adsorption en surface du solide.
En posant AGads° l'enthalpie libre standard de la réaction (1), la loi d'action de masse peut
s'écrire en fonction des activités des espèces adsorbées et en solution :
Kads "^A) =eXPf
ads
RTJ
Les activités des espèces de surface étant proportionnelles à leurs concentrations, et en
supposant que le nombre de sites d'adsorption [= X] est fixé, on peut écrire :
[. X]T = [. XA] + [a X] (2)
ce qui nous donne
K AfAl[3XA] = [•3dT adgL.J.1 JTl +Kfld.JA]'adsL
r. , ^ • ^ \= XA1 [= X1tEn définissant, L = l * et Tmax = , on obtient la relation :masse de solide masse de solide
K a fAlr = rmax adS / , Relation de LANGMUIR
1+KadslA]
Le modèle de LANGMUIR a été initialement utilisé pour décrire l'adsorption des molécules de
gaz sur des surfaces solides homogènes qui présentaient un seul type de site d'adsorption.
Cependant, de nombreux chercheurs ont étendu le modèle pour étudier l'adsorption de solution
sur des phases solides comportant différents types de sites.
Le modèle de FREUNDLICH [6] n'explique pas la capacité finie d'adsorption pour de forte
concentration ; mais quand on s'intéresse à l'adsorption d'éléments présents à l'état de trace,
"ignorer" de telles contraintes ne nous fournit pas un point de critique. La formulation
mathématique de ce modèle est :
r = K. [A] où Kest fonction de AGads° et a une constante.
Le troisième modèle, utilisé dans les études concernant la sorption des radionucléides, est
l'isotherme de DUBININ-RADUSHKEVICH [6]. Ce modèle est applicable dans le cas de
l'adsorption d'éléments à l'état de trace. Cependant, une fois que la surface se trouve saturée ou
que l'on atteint la limite de solubilité du soluté, celui-ci est inapproprié. La relation
mathématique traduisant cet isotherme est :
r = T e"Ksm
où K est une constante et,
s = RT ln(l + 1/[A]) avec [A] la concentration de l'élément en solution à
l'équilibre
Soulignons que ces modèles décrivant les isothermes d'adsorption, appliqués
généralement aux espèces présentes à l'échelle des traces, considèrent explicitement la
dépendance du coefficient de distribution vis à vis de la concentration du radionucléide en
solution. Cependant, ils ne considèrent nullement la dépendance d'autres paramètres liés à la
phase solide ou liquide qui peuvent influencer l'adsorption.
Aussi des études, plus rigoureuses, sur les mécanismes qui dépendent de constructions
thermodynamiques ont été et sont couramment proposées pour accroître notre connaissance
sur les processus d'adsorption de constituants à l'état de trace.
G. Le modèle d'échangeur d'ions
Ce modèle repose sur les hypothèses suivantes :
-Une phase solide, constituant l'échangeur d'ions, en contact avec une phase liquide,
voit dans certaines conditions apparaître à sa surface des charges positives ou négatives qui
sont compensées par des ions de charge opposée apportés par la solution.
-Les charges portées par la phase solide sont soit localisées au niveau de groupements
fonctionnels (groupements silanols ou aluminols), soit délocalisées (substitutions
isomorphiques).
-La charge globale de l'ensemble (phase solide + ions) devient alors nulle. Les ions
compensateurs sont alors supposés faire partie de la phase solide. La fixation sur la surface de
n'importe quel ion provoque la désorption d'un ou plusieurs ions présents initialement sur la
surface de façon à conserver la neutralité de la surface.
-Les deux phases, solide et liquide, sont homogènes et électriquement neutres. Il n'y a
pas de transfert de charge entre les deux.
La description de phénomène d'adsorption selon le modèle d'échangeur d'ions ne nécessite pas
de description physique de l'interface et aucune explication sur les processus interfaciaux n'est
apportée.
L'adsorption d'un ion Bb+ s'effectue selon l'équilibre :
bifx-1 Aa+1 +aBb+ o aifx-1 Bb+1 +bAa +
où X" représente un site d'échange, A l'espèce initialement présente sur la phase solide
et échangée par l'espèce B (a et b les valences des espèces A et B respectivement). Les { }
représentent les espèces adsorbées. On remarquera qu'elle sont globalement électriquement
neutres.
Cette réaction peut alors être décrite à l'aide de la loi d'action de masse,
10
K Aa+/Bb+
JX-) B^lV^! Aa+Na )
B1
Les ( ) représentent les activités des espèces en phase solide ou liquide.
Cependant, si on exprime les activités en fonction des concentrations et des coefficients
d'activité, on obtient :
K Aa + /Bb +
X"] B1b
-ib
b +B
-ib.a +
Aa
Bb + ia f
a +A
b +B
où [ ] représentent les concentrations des espèces adsorbées ou en solution,
f : coefficient d'activité d'une espèce adsorbée
y : coefficient d'activité d'une espèce en solution
Lorsque les coefficients d'activité sont considérés comme constants, on peut caractériser
l'équilibre par une constante apparente appelée coefficient de sélectivité (notée aussi Q). On
obtient alors l'expression :
QA /B KAa +/Bb +b +X"] B
b
a +X A
a
-iba +
brB
b +ia
qui permet donc de visualiser l'influence des paramètres physico-chimiques sur les propriétés
de l'échangeur. En effet, il sera relativement aisé d'étudier l'influence du pH, l'effet de
saturation de l'échangeur, l'influence de la concentration en solution d'un élément compétiteur
[8]
Observé lors des études concernant la fixation d'espèces chimiques par les sols, en
passant par les études sur les support polymériques (résines échangeuses d'ions), le phénomène
11
d'échange d'ions a été perçu par les chimistes comme un processus intéressant [ 9 ]. Lors de
ces études, les résultats obtenus sont basés sur des approches simplifiées de la théorie (prise en
compte d'un seul type de sites d'échange, la description de l'échange d'ions à l'aide d'un seul
équilibre réactionnel,...). Pour une ambition plus importante, en l'occurrence le stockage
géologique profond des déchets radioactifs, il est indispensable d'avoir recours à une
modélisation plus rigoureuse pour éviter la mise à l'écart involontaire de processus importants
conditionnant la sûreté du stockage et pour obtenir un véritable outil quantitatif et prédictif.
Une démarche possible est :
- 1) caractériser les propriétés intrinsèques de la phase solide en étudiant la saturation
des sites par des ions compensateurs, nous permettant ainsi de déterminer les différents types
de site possibles, leur quantités ainsi que leurs propriétés acido-basiques.
- 2) par la suite, mesurer le coefficient de distribution d'un élément dans des conditions
opératoires fixées, en utilisant des traces de celui-ci dans une solution contenants des ions
compétiteurs majeurs, pour connaître les mécanismes de rétention de cet élément. L'analyse de
la variation de ce coefficient de distribution avec les paramètres physico-chimiques permettra
alors de mettre en évidence les équilibres d'échange d'ions mis en jeu.
H. Les modèles de complexation de surface
Les modèles de complexation de surface reposent sur une approche microscopique des
interactions solide-liquide du phénomène de rétention. Ils postulent l'existence sur la surface
des solides de sites réactionnels présents en nombre fini. Ces sites sont supposés pouvoir
libérer ou capter des protons et être impliqués dans des réactions de complexation.
Les sites réactionnels sont des groupements amphotères, ils répondent par conséquent aux
caractéristiques des sites de surface définis auparavant (cf. § B).
Dans ces modèles, on considère la surface de la phase solide comme un plan où sont situés les
groupements hydroxyles.
12
La charge de surface engendrée par l'adsorption d'ions provoque une accumulation d'espèces
en solution au niveau de l'interface (contre-ions ou ions compensateurs) pour contrebalancer
cette charge.
Plus précisément, la présence de charges négatives ou positives sur la surface modifie la
répartition des charges en solution et crée une différence de potentiel entre surface et solution.
L'arrangement des charges à l'interface est décrit selon la théorie de la double couche
électrique de GOUY-CHAPMAN, qui a été étendue par la suite par STERN et GRAHAME
(cf. Annexe 1 p.I).
Cette répartition de charge entre les deux phases, ainsi que la relation entre charge et
différence de potentiel, peuvent être exprimées de plusieurs façons ce qui conduit aux
différents modèles de complexation de surface : modèle à couche diffuse, modèle à capacité
surfacique constante ou modèle de la triple couche...
La fixation et la libération d'ions se fait donc avec un transfert de charge entre la surface et la
solution au niveau de l'interface (zone interfaciale), et les deux phases solide et liquide ne sont
plus ni homogènes ni électriquement neutres [10 J.
Dans les modèles de complexation de surface, les réactions d'adsorption sont considérées
comme analogues aux réactions de complexation en solution mais avec une différence
fondamentale : elles font intervenir un terme d'énergie électrostatique pour tenir compte de
l'interaction entre l'espèce chargée adsorbée et la charge de surface.
Les interactions électrostatiques modifient les activités thermodynamiques des ions quand ils
passent de la solution à travers les différentes couches d'adsorption. L'activité d'une espèce
près de la surface, (Isurf), est reliée à son activité au sein de la solution, (Isoi) par la relation
suivante :
-zFT / RT\ surf/ \ sol/
13
où z est la charge de l'ion,
F est la constante de FARADAY,
*P est le potentiel électrostatique de la couche considérée.
De façon générale, la formulation mathématique des modèles de complexation de surface
consiste à écrire :
- la loi d'action de masse pour tous les équilibres supposés (équilibres acido-
basiques des groupements en surface, équilibre de formation des complexes de sphère interne
et externe,...),
- les équations de bilan-matière,
- des équations permettant de calculer la charge de surface, et décrivant les
relations charge-potentiel.
Les équilibres acido-basiques :
Nous avons vu précédemment que certains sites possèdent un caractère amphotère
pouvant être décrit par les deux équilibres suivantes :
XOH < K? > XO + H+
et XOH + H+ < k; > XOH;
où les constantes d'équilibres thermodynamiques K.° et K+° sont appelées constantes
intrinsèques.
En appliquant la loi d'action de masse et en exprimant l'activité des ions hydrogène en fonction
de l'activité des ions hydrogènes en solution, on obtient les constantes apparentes suivantes :
K=F°"IHJexpf-FVJRT) =K° fxoH
et K4 r[X°/]exp(FT0/^) =K! fxo; 'V[XOH][H+] V{ J fXOH.
14
Les équilibres de complexation :
- Complexe de sphère interne (complexe "fort") :
XOH + Aa+ < K° > XOAa ' + H+
K. =[X0Aa,][H+][xoH][Aa+] HV v a h; ;
0 *XOH-VA'+c c
rxoA- yH*
Complexe de sphère externe ou paire d'ions (complexe "faible")
XOH + Bb+ < Kî > XO ...Bb+ + H+
[XQ Bb1M ^, „, « x,^ „0 fxoH-y^Ka r '" î li 'exp(F(bTBb. - V„A/RT) = Ka° ^'^[xoh][b-] pvi b »; ; afxo,B,.yH.
Comme nous le verrons ultérieurement (cf. § H3), les espèces H+, Aa+ et Bb+ peuvent être
adsorbées dans des couches différentes (O ou 0, cf. Annexe 2 p.IV), d'où la présence de vPAa+
et de vPBb+ dans les expressions des constantes apparentes. La figure 1 nous donne une
représentation schématique des complexes de sphère interne et de sphères externes.
Complexes de sphère externe Complexes de sphères internes
@ espèce adsorbée ^ atome métallique Q oxygène O hydrogène
Figure 1 : Représentation schématique des complexesde sphères externe/interne
Divers modèles sont utilisés pour décrire l'adsorption d'espèces contaminantes sur des phases
solides. Nous présentons ici les trois modèles les pluscouramment utilisés [11 ].
1. Le modèle à couche diffuse
Dans ce modèle, les ions s'adsorbent tous sur la surface dont ils déterminent la charge a0 (cf.
Annexe 2 p.III). La charge de surface est équilibrée du côté solution par une couche difïuse
15
type GOUY-CHAPMAN. La relation entre la densité de charge a0 et le potentiel ¥<, de la
surface est celle démontré dans la théorie de la double couche électrique, qui fait intervenir la
force ionique de la solution.
Le modèle de la couche diffuse possède trois paramètres : les deux constantes de surface K+ et
K. et le nombre total de sites de surface N, , ces trois paramètres peuvent être déterminés
expérimentalement à l'aide de titrages acide-base. C'est le modèle de complexation de surface
le plus simple à utiliser.
2. Le modèle à capacité surfacique constante
Le modèle à capacité surfacique constante reprend la description de l'interface utilisée dans le
modèle de la couche diffuse. Cependant, c'est un cas limite car on admet que l'épaisseur de la
couche diffuse est faible pour la considérer comme un plan (plan externe de Helmhotz, cf.
Annexe 2 p.III Modèle de STERN). Cette hypothèse reste vraie dans le cas de solutions de
force ionique élevée ou dans le cas où le potentiel de surface est faible. Pour la relation charge-
potentiel, on définit un terme de capacité C0 tel que :
°o = c0. x
Ce modèle possède donc quatre paramètres : les deux constantes de surface K+ et K_ , le
nombre de sites total Nt et un terme de capacité C0 qui est une constante pour une force
ionique donnée.
3. Le modèle à triple couche
Ce modèle reprend intégralement les éléments de la théorie de GRAHAME (cf. Annexe 2
p.IV). Parmi les modèles d'adsorption, c'est le plus complet mais aussi le plus complexe à
utiliser. Il différencie trois types d'ions à la surface :
16
- les complexes de coordination de surface localisés sur le plan "O" qui
possèdent une énergie de liaison importante. Ils déterminent la charge a0 et subissent le
potentiel ^n-
- les complexes dits de sphère interne localisés sur le plan "P" qui déterminent la
charge ap et subissent le potentiel Tp.
- les complexes de type paire d'ions situés, eux aussi, sur le plan "P" et dits de
sphère externe qui possèdent une énergie de liaison beaucoup plus faible que les précédents. Ils
déterminent la charge ctp et subissent le potentiel ¥p.
La somme de ces charges est équilibrée du côté solution par une couche diffuse du type
GOUY-CHAPMAN.
Ce modèle possède, quant à lui, sept paramètres : les deux constantes de surface K+ et K. ,
deux paramètres de capacité Ci et C2 , le nombre total de sites Nt et les constantes de
formation de complexes de sphères interne Kc et de complexes de sphères externes Ka.
L'avantage de ce modèle est qu'il propose une description plus détaillée de l'interface solide-
solution. De plus, il prévoit une influence plus forte de la force ionique sur la formation des
complexes de sphère externe que sur celle des complexes de sphère interne.
Son inconvénient essentiel est qu'il assimile la surface des solides à des condensateurs plans, ce
qui n'est pas le cas dans les systèmes naturels (état de surface des roches, rugosité,
recouvrement des champs électrique...), et qu'il utilise les capacités comme deux paramètres
qui ne peuvent être atteints expérimentalement.
Les paramètres dépendants et indépendants des modèles :
Les paramètres de chacun des modèles cités sont regroupés dans le tableau ci-dessous. En plus
de ces paramètres, il faut ajouter pour tous les modèles le nombre de sites (Nt) ou la densité de
sites.
17
Modèle Paramètres
Couche Diffuse K+K. S
Capacitance Constante K+ K. S Co
Triple Couche K+ K. b Ci C2 Ka Kc
Tableau 1:Les paramétres des modèles (D'après WESTALL J., HOHL H. [12 ] )
(K+K-: constantes d'acidité desurface. S : airespécifique, C 0C, C2 : capacités. K,Kc : constantes deformation decomplexes).
Certains de ces paramètres, tels que le nombre total de sites (Nt) et l'aire spécifique (S),
peuvent être déterminés expérimentalement et indépendamment des expériences traitant de
l'hydrolyse de surface. Pour tous les autres (K+, K., ..., Ci, C2), leur détermination est liée au
modèle utilisé pour d'écrire l'expérience.
Il serait extrêmement difficile de prédire des valeurs pour les termes capacitifs, et les
constantes K+, K. par des moyens indépendants des expériences d'hydrolyse de surface. Ces
paramètres sont alors considérés comme des paramètres d'ajustement.
L'aire spécifique (S) est habituellement déterminée par une méthode d'adsorption de gaz (par
exemple, méthode B.E.T. d'adsorption d'azote) [13]. Le nombre de sites (Nt) peut être
déterminé (1) directement par saturation de la surface par des ions H+, OH" ou par une mesure
d'adsorption d'un soluté (par exemple Na+, Cl", ...F")ou (2) indirectement par des considérations
cristallographiques [3].
Comme nous venons de le voir, les modèles de complexation de surface sont des modèles
thermodynamiques qui reposent sur des approches microscopiques des interactions solide-
liquide. Par conséquent, le nombre de paramètres nécessaires pour résoudre le système
d'équations caractéristique du modèle peut devenir important, et certains d'entre eux restent
difficile à déterminer expérimentalement.
18
De plus, on peut signaler qu'appliqué à un même ensemble de données, chacun des modèles de
complexation de surface conduit à des résultats différents, c'est à dire à des équilibres et/ou des
constantes différentes, tout en permettant de décrire les résultats de manière équivalente [14 ].
Les phases solides étudiés à l'aide des modèles de complexation de surface sont principalement
des oxydes minéraux, l'application aux minéraux argileux reste encore limitée. Dans ces
conditions, il est difficile d'effectuer un choix entre les diverses possibilités de modélisation, les
seuls critères applicable étant des choix de cohérence interne et de simplicité d'utilisation.
I. Un protocole expérimental
1. Le principe
L'utilisation des modèles de complexation de surface ou du modèle d'échangeur d'ions
nécessitent des hypothèses concernant notamment les sites réactionnels à l'origine du
phénomène de rétention. Par conséquent, il est nécessaire de les mettre en évidence, de les
quantifier et de déterminer leurs propriétés acido-basiques.
L'étude des sites réactionnels consiste à mesurer en fonction du pH la quantité d'élément
adsorbée par unité de masse de la phase minérale, par des expériences en flacons fermés ou
batch. La quantité d'élément fixé répond à :
[X-M] = Kd[M]sol
où Kd est le coefficient de distribution de l'élément M étudié (ml/g)
et [M]so| la concentration de M en solution à l'équilibre (mtnol/ml).
La concentration d'élément fixé est calculée à partir de son coefficient de distribution, mesuré à
l'aide d'un isotope radioactif, et de sa concentration en solution à l'équilibre.
19
L'emploi d'isotope radioactif nous permet d'accéder aisément à la distribution de
l'élément entre les deux phases connaissant l'activité totale (Ao en coups/min) mise en jeu et
l'activité résiduelle de la solution après mise à l'équilibre de la suspension (A en coups/min).
Ainsi pour un volume de solution (V en ml) et une masse de phase minérale (m en g), on peut
écrire :
d KA ) m
Pour la mesure de l'activité Ao , on ajoute à une masse Mref de solution (sans phase solide) la
même quantité de solution de marquage que celle utilisée pour marquer les suspensions. Après
un temps d'équilibre d'échange isotopique et centrifugation - filtration, une aliquote de masse
m' du surnageant est alors prélevée à l'aide d'une pipette programmable (Eppendorf) et est
soumise à l'analyse radiochimique. Si l'activité de l'aliquote prélevée dans le tube contenant la
solution seule est a,ef, on a alors :
a„f x M„A0
lref ^ lvlref
m'
L'activité résiduelle, dans le cas du mélange solide-liquide, répond à :
a x i V/A =
m'
où a est l'activité de l'aliquote, V le volume de solution, p la masse volumique (g/ml)
et m'la masse de l'aliquote.
En ce qui concerne la mesure de la concentration de l'élément en solution, cette détermination
s'effectue par des analyses en electrophorèse capillaire.
20
2. Le protocole expérimental
Des mesures d'adsorption des ions chlorure et des ions sodium ont été réalisées sur une y-
Alumine (y - AI2O3) conditionnée sous forme H+. Ainsi le comportement des cations (Na+)
permettra de révéler les charges négatives et les anions (Cl") permettront de révéler les charges
positives.
L'emploi du Cl (Ti/2 = 3.105 ans), qui est un émetteur p pur, nous permettra d'accéder au
coefficient de distribution des ions chlorure par un comptage en scintillation liquide. Par contre
le Na (T1/2 = 2.6 ans), qui est émetteur P et y, nous oblige à effectuer un marquage
séquentiel. La détermination du coefficient de distribution des ions sodium se fera à l'aide d'un
comptage en spectrométrie gamma.
Du point de vue expérimental, en batch, on détermine les charges de surface en dispersant une
masse d'oxyde (m=0.8 g) dans une solution contenant les ions compensateurs (NaCl à 2.10"2
M) et dont le pH varie du milieu acide au milieu basique.
Une première phase consiste donc à effectuer des titrages acide-base (titrateur automatique
TACUSSEL, cuve thermostatée, sous atmosphère N2) de la suspension avec des conditions
identiques de rapport masse/volume que celles envisagées pour les études en batch. Cette
opération a pour but de déterminer le volume de base NaOH à ajouter afin d'ajuster le pH à
une valeur choisie.
Après avoir ajusté le pH dans les tubes de centrifugation contenant la suspension, on ajoute le
traceur radioactif" Cl. La suspension est alors redispersée par agitation (TURBULA, agitation
sans barreau magnétique) pendant une durée de 24 heures. Les échantillons sont ensuite
centrifugés à 8000 tours/min. L'activité résiduelle en solution peut alors être mesurée par
comptage en scintillation liquide d'une aliquote de surnageant filtré.
Cette opération est à réaliser une nouvelle fois avec le traceur 22Na. Cependant l'activité
résiduelle sera mesurée par spectrométrie gamma.
21
Enfin, et en dernier lieu, toujours sur une aliquote de surnageant filtrée, on détermine la
concentration totalede Na+ et Cl" par electrophorèse capillaire.
3. Les résultats expérimentaux
Rétention des unions chloruressur l'alumine y:
En ce qui concerne l'étude des ions chlorures (cf. Annexe 3 p.V ), on a observé dans
nos conditions expérimentales une mesure d'adsorption sur l'alumine y. La quantité de chlorure
fixée décroît lorsque le pH croit pour atteindre la valeur nulle pour un pH voisin de 9.5. Cette
adsorption nous permet alors de montrer l'existence de sites réactionnels de charges positives
à la surface de l'alumine y pour des pH compris entre 4 et -8.5.
Rétention des cationssodiumsur l'alumine y :
L'étude des cations sodium (cf. Annexe 3 p V), nous montre que la quantité de sodium
fixé croit lorsque le pH augmente. On observe de plus un "palier" de saturation dans le milieu
acide traduisant une adsorption non négligeable des cations. Cela nous permet donc de mettre
en évidence l'existence de sites réactionnels porteurs de charges négatives à la surface de
l'alumine y pour des pH s'étalant de 4 à 10.5.
Discussions sur les résultats obtenus :
Les courbes de saturation en fonction du pH obtenu (cf. Annexe 4 p.VI ) présentent
des similitudes évidentes avec celles que l'on peut prévoir théoriquement (cf. . §B). C'est à dire:
- un accroissement de l'adsorption de l'espèce cationique lorsque le pH augmente,
- et une décroissance de l'adsorption de l'espèce anionique lorsque le pH augmente.
Cependant, mesurer une adsorption des espèces cationiques et anioniques sur une même plage
de pH nous permet d'envisager l'existence de plusieurs types de sites à la surface de cet oxyde.
L'exploitation de ces résultats passant par la mise enjeu de sites amphotères semble inadéquate
de par la présence d'un palier de saturation de l'espèce cationique en milieu acide et, la hauteur
22
des plateaux de saturation pour l'espèce anionique et l'espèce cationique qui devrait être la
même. Cependant, par la théorie de l'échange d'ions H+ / Na+ et de l'échange de ligands OH" /
Cl", il est possible de traduire les résultats obtenus par les relations suivantes :
{X, OH} + H+ + Cl o {Xi Cl} + H20 (Koii)
et {XjOHJ +Na+ o {XjONa} + H+ (K0j2)
X et Xj étant des types de sites différents.
Les constantes apparentes respectives (ou coefficient de sélectivité) répondent à :
K' - tX- C1l1 [X,OH][H+][Cl-]
et Kl
-pour l'espèce anionique : [X, Cl]
Xj ONa][H+XjOHjNa4
en considérant les coefficients d'activité comme constants.
En ce qui concerne la capacité d'échange des sites , nous pouvons écrire :
- pour l'espèce anionique : CE; = [Xj Cl] + [Xj OH]
- pour l'espèce cationique : CEj = [Xj OH] + [Xj O Na]
On arrive alors à relier la concentration d'élément fixé en fonction du pH :
CE,
1 + 'K [HIC."]
- pour l'espèce cationique : |X} ONa] CEj
.♦-lïl-Ki[Na+]
4. Conclusion
Le traitement mathématique, des résultats expérimentaux obtenus, effectué à l'aide du logiciel
SigmaPlot (JANDEL Corp.) ne permet pas de déduire de conclusions justes et précises
23
concernant les capacités d'échange de chaque type de site ou les constantes de sélectivité.
Cependant, les résultats obtenus nous montrent l'existence de différents types de sites
réactionnels. Ainsi l'adsorption des ions sodium serait due à la présence de deux types de site
présents à la surface de l'alumine y. L'adsorption des ions chlorure, quant à elle, nous révèle la
présence de deux autres types de sites. Par conséquent, avant de s'attaquer aux mécanismes de
rétention d'espèces à l'échelle des traces, il semble important de s'attarder sur le comportement
des espèces majeures en solution envers la phase solide car ils conditionneront l'adsorption de
ces éléments présents à l'échelle des traces.
Il serait bien entendu utile et nécessaire de compléter ces résultats en menant d'autres
expériences complémentaires, tout d'abord pour obtenir une étude s'étalant sur un plus large
domaine de pH. Insistons sur le fait que l'on doit avoir une distribution correcte sur toute cette
gamme de pH et éviter d'avoir des regroupements de points. Ces quelques remarques
impliquent par conséquent d'avoir un nombre de points relativement élevé pour un meilleur
traitement.
En ce qui concerne le logiciel de traitement SigmaPlot, à partir des résultats expérimentaux
([X-M], [M] et le pH), les capacités d'échange et les constantes de sélectivité peuvent être
déterminés par régression non linéaire. Après l'ajustement, il est possible d'analyser la
distribution des résidus ([X-M]calculée - [X-M]expérimentale) en fonction du pH. Ainsi il est
envisageable de repérer les points expérimentaux aberrants et de les éliminer éventuellement
(dispersion autour de la valeur nulle, absence de biais).
24
J. Conclusion
Afin de comprendre les mécanismes mis en jeu lors des phénomènes d'adsorption, les
modèles basés sur des constructions théoriques tels que les modèles d'échangeurs d'ions ou de
complexations de surface considèrent explicitement la plupart des paramètres qui contrôlent
l'adsorption d'espèces à la surface d'une phase solide.
Comme nous l'avons vu précédemment, le modèle d'échangeurs d'ions est un modèle
thermodynamique macroscopique qui ne nécessite aucune description de l'interface solide-
liquide. Les modèles de complexation de surface sont eux des modèles thermodynamiques
microscopiques qui nécessitent une description détaillée de l'interface solide-liquide. Par
conséquent, dans l'utilisation des modèles de complexation de surface, le nombre de
paramètres caractéristiques du système d'équations peut devenir relativement important.
Certains paramètres restent de plus impossibles à déterminer expérimentalement. Appliqué à un
même ensemble de données expérimentales, chacun des modèles de complexation conduirait à
des résultats différents, au niveau des constantes d'équilibre notamment, tout en permettant de
décrire les résultats de manière équivalente. Dans ces conditions, il est difficile d'effectuer un
choix entre ces diverses possibilités de modélisation et seuls des critères de cohérence interne
et de simplicité restent acceptables.
L'approche expérimentale concernant les sites réactionnels en surface d'un oxyde métallique (y
A1203) a permis de mettre en évidence la présence de sites porteurs de charges négatives mais
aussi de sites porteurs de charges positives sur une même gamme de pH, à l'origine de la
rétention d'espèces majeures (Na+ et Cl"). Ce type d'étude qui a pour but de mettre en évidence
et de quantifier ces sites réactionnels est un point important à souligner qui permet, ensuite, de
s'attaquer aux études des mécanismes de rétention des espèces présentes à l'échelle des traces.
25
Actuellement, aucune confrontation (ou plutôt évaluation, en effet il n'y a pas de bons
ou de mauvais modèles) des modèles de complexation de surface et du modèle d'échangeur
d'ions n'a été réalisé. Chaque modèle possédant ces propres hypothèses (nature des sites, les
réactions mises enjeu ont atteint leur équilibre,...), il est impératif de prendre le temps de les
vérifier afin d'être cohérent avec le choix du modèle utilisé.
Cette évaluation sera d'autant plus réaliste si les chercheurs concentrent leurs efforts sur la
prise en compte de matériaux formés d'assemblages de minéraux de propriétés et de structure
complexes, permettant ainsi de prévoir de manière réaliste les interactions entre les
radionucléides et les composants réels d'un stockage profond, comme les roches par exemple.
26
ANNEXE 1 : Bases théoriques de l'interfacesolide-liquide
La théorie de GOUY - CHAPMAN a donné la première description de l'interfacesolide-solution qui apparente les ions à des charges électriques ponctuelles soumises à ladifférence de potentiel induite par la présence de charges sur le solide. Cette différence depotentiel provoque une répartition asymétrique des charges de la solution, et son influence surles ions est fonction de la distance ion-surface. Elle varie en fonction de la charge de surfacesuivant la relation de GOUY - CHAPMAN :
o= 0.118Vïsinh(zF*F/2RT)
a : la charge de surfaceI : force ioniquez : charge de l'ionR : constante des gaz parfaitsT : températureF : constante de Faraday*P :la différence de potentiel entre surface et solution
Cette théorie ne prend pas en compte la taille des ions qui limite l'accumulation possible sur lasurface et empêche les ions de s'approcher à une distance plus faible que celle imposée par leurrayon.
Cependant, STERN (1923) puis GRAHAME (1947) ont modifié cette vision dusystème solide-solution afin d'introduire la taille des ions et ses répercutions sur la géométriede l'interface dans sa description.
STERN ne tient compte que des ions désolvatés qui s'accumulent sur la surface, de façon àformer une couche compacte d'épaisseur égale à l'hypothétique diamètre ionique moyen valablepour tous les ions. Seuls les protons désolvatés s'adsorbent à une distance nulle de la surface.
GRAHAME, quant à lui, considère que les ions solvatés se fixent également sur la surface, àune distance égale à leur diamètre ionique. Ceci a pour effet de créer une couche compactesupplémentaire à la surface du solide.
Dans les deux cas cependant, la charge de la surface créée par l'accumulation des ionsest équilibrée dans la solution par les ions de charge opposée localisés dans une couche difïuse.La répartition de ces charges dans la couche diffuse est due aux seules forces électrostatiques,et est donc soumise à la relation de GOUY - CHAPMAN. L'épaisseur de cette couche estinversement proportionnelle à la force ionique.
De plus, ces auteurs ne considèrent plus les ions comme étant uniquement soumis à des forcesélectrostatiques, mais leur attribuent une énergie propre de fixation sur la surface. Cetteénergie est de nature chimique, ne dépendant que de la nature de l'ion, et est exprimée par la loid'action de masse. L'énergie totale de fixation d'un ion sur une surface chargée sera doncconstituée de deux termes, l'un chimique correspondant à la fixation de l'ion sur une surfaceneutre, et l'autre électrostatique quantifiant l'influence de la charge de surface sur la constanteapparente de fixation :
Annexe 1 page : I
f AG°^K ads = KehimKelec = exp
v rt;exp
AzF^
RT
Indépendamment des effets de charges entre surface et solution, on peut également évoquerl'existence d'interactions électrostatiques entre ions de mêmes charges fixés sur la surface. Iln'existe aucune relation théorique permettant d'exprimer l'influence de ces types d'interactions.
Annexe 1 page : II
ANNEXE 2 : Représentation schématique des modèles de complexation de surfaceModèle de GOUY-CHAPMAN.
CT0
Surface
Potentiel
1*0 = *d
Surface
Solution
CTd
Modèle de STERN.
H,0
gq + ad =0r0.5Gd =0.18IU°sinh(zFW2RT )
Distance
Go + Gf, + Gd = 0Gd = 0.118 I05 sinb(zF¥/2RT)
Couche de STERN
Distance
Annexe 2 page : III
&0 C7p
Surface
Potentiel
Modèle de GRAHAME
tfd
Plan externe de Helmhotz
Plan interne de Helmhotz
Distance
Solution
<T0 + 0"p + Gd = 0
%- ^P = CTo/Cr
^P- ^4 = " GjCy
Annexe 2 page : IV
ANNEXE3 : Représentations graphiques des résultats expérimentaux
Résultats expérimentaux d'adsorption[Na+]fixée et [CI-Jfixée sur l'aluminegamma
0,4
0.3
0,2 -
•
.a O-1
s*
• •tt&JïSn "
-0,1
m=0.800g Alumine gamma
v=20mlNaCI [2.10-2 M]
j_ J_
6 8
pH
♦ ♦
10 12
Vo fixé de Na+ et Cl- sur l'Alumine gamma)40
30
20
H-
10
-10
I
\1
•♦ ♦
J I I L
6 8
pH
10 12
• %CI-
♦ Données B
• [Na]fixée
• [Cljfixée
Annexe 3 page : V
ANNEXE4 : Représentations graphiques du traitement des résultatsAdsorption de Na+ et Cl" sur l'alumine-y (y-A1203)
llfixée (mmol/g)
0,40
0,30
0,20
0,10
0,00
0,080
0,060
0,040
W
^ 0,020
0,000
-0,020
-0,040
OOQ^gçf^Q
_i L
• [Najfixée• [Cl]fixée
- Cl (1 site)Cl (2 sites)Na (2 sites)Na (1 site)
J . L
8 9 10 11
pH
•
• Résidus Cl 2s.
-
•
• Résidus Na 2s. ""
-
-
Q30C^6S-10•• •••
••
i i
•
i i
• iii
10 11
PH
Annexe 4 page : VI
BIBLIOGRAPHIE
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