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Marcel Tremblay, Quinze thse ou philosopher avec des auteur contemporains (2002) 2

Politique d'utilisationde la bibliothque des Classiques

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L'accs notre travail est libre et gratuit tous les utilisa-teurs. C'est notre mission.

Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Prsident-directeur gnral,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.


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Remerciements lditeur

Vous voulons tmoigner notre reconnaissance lditeur, Les Pres-

ses de lUniversit Laval, et son directeur gnral, M. Denis Dion,pour nous avoir autoris diffuser, le 1er novembre 2007, en versionlectronique, en accs libre et gratuit tous, en texte intgral, sur leportail des Classiques des sciences sociales, ce livre de M MarcelTremblay, professeur de philosophie, retrait de lenseignement de-puis 2006 au Cgep de Chicoutimi, livre toujours en circulationcommerciale et que lon peut se procurer auprs de lditeur.

courriels de M. Denis Dion, directeur gnral des Presses de lUniversit

Laval : [email protected] de M. Marcel Tremblay : [email protected]

Jean-Marie Tremblay,Fondateur, prsident-directeur gnral,Les Classiques des sciences sociales.Le 1er janvier 2008.
http://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_marcel/tremblay_marcel.htmlhttp://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_marcel/tremblay_marcel.htmlmailto:[email protected]:[email protected]://www.pulaval.com/mailto:[email protected]:[email protected]://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_marcel/tremblay_marcel.htmlhttp://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_marcel/tremblay_marcel.htmlhttp://www.pulaval.com/


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LE PREMIER LIVRE PUBLI

en 2008par

Les Classiques des sciences sociales

QUINZE THSESouphilosopher avec des auteurs contemporains
http://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_marcel/quinze_theses/quinze_theses.htmlhttp://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_marcel/quinze_theses/quinze_theses.html


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Cette dition lectronique a t ralise par Jean-Marie Tremblay, bnvole, profes-seur de sociologie au Cgep de Chicoutimi partir de :

Marcel TREMBLAY

QUINZE THSESouphilosopher avec des auteurs contemporains

Chomsky, Dennett, Derrida, Dumont, Feyerabend, Foucault, Galbraith, Ha-bermas, Jacquard, Jonas, Lipovetsky, Prigogine, Rawls, Reeves, Rorty

Qubec: Les Presses de l'Universit Laval, 2002, 211 pp.

[Autorisation formelle accorde conjointement, le 1er

novembre 2007, parlauteur et le directeur des Presses de lUniversit Laval, M. Denis Dion, de diffu-ser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriels : [email protected] de M. Denis Dion, dir.-gn., Les Presses de lUniversit

Laval : [email protected]

Polices de caractres utilise :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les citations : Times New Roman, 12 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word2004 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5 x 11)

dition numrique ralise le 1er janvier 2008 Chicoutimi,Ville de Saguenay, province de Qubec, Canada.
mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]


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Marcel TREMBLAYProfesseur de philosophie, retrait du Cgep de Chicoutimi

QUINZE THSESou

philosopher avec des auteurs contemporains

Chomsky, Dennett, Derrida, Dumont, Feyerabend, Foucault, Galbraith, Ha-bermas, Jacquard, Jonas, Lipovetsky, Prigogine, Rawls, Reeves, Rorty

Qubec: Les Presses de l'Universit Laval, 2002, 211 pp.

Maquette de couverture : Chantal Santerre


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ma compagne Marthe


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Du mme auteur : Histoire de la pense occidentaleIncluant un complment sur l'volution des ides auQubec paru aux ditions Le Griffon d'argile, Qubec(1997)


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qui sommes-nousse tromper de certitudesle temps joue

alibis de mots rel trop petit

Hakus de Carol LebelPetites ternits,Les ditions du Loup de Gouttire, Qubec (1997)


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DUMONT, RenThse 4 : Le seul moyen d'assurer la survie d'une humanit divise par lesingalits conomiques, et au bord de la catastrophe cologique, est de re-

mettre des tats libres le contrle d'une conomie dmocratique.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Dumont propos de la thseLecture suggrePrincipales sources

FEYERABEND, Paul

Thse 5 : L'illusion la plus nuisible la science est l'ide qu'une mthode ra-tionnelle guide l'activit du savant.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Feyerabend propos de la thseLecture suggrePrincipales sources

FOUCAULT, MichelThse 6 : Le dveloppement du savoir nest pas continu mais ponctu deruptures qui, d'une poque l'autre, renouvellent notre faon de connatre.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Foucault propos de la thseLecture suggrePrincipales sources


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GALBRAITH, John KennethThse 7 : Contre un capitalisme qui, au lieu d'aplanir, aggrave les ingalitssociales, faut promouvoir une forme de socialisme garant d'une distribu-

tion quitable de la richesse.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Galbraith propos de la thseLecture suggrePrincipales sources

HABERMAS, Jrgen

Thse 8 : La science tant devenue la premire force productive de la soci-t, rendant ainsi caduque la doctrine marxiste de la lutte des classes, le dis-cours rvolutionnaire doit faire place l'thique de la discussion.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Habermas propos de la thseLecture suggrePrincipales sources

JACQUARD, AlbertThse 9 : Les progrs de la science contemporaine sont porteurs d'espoir,certes, mais aussi de catastrophes que seul un effort accru de lucidit scienti-fique permettra d'viter.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Jacquard propos de la thseLecture suggre

Principales sources


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JONAS, HansThse 10 : Une finalit naturelle impose une ide du Bien invitant l'homme travailler la survie de l'humanit.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Jonas propos de la thseLecture suggrePrincipales sources

LIPOVETSKY, GillesTHSE 11 : Nes en promouvant un individualisme galitaire, les dmocra-

ties librales connaissent, depuis le milieu du sicle dernier, une mutationqui brise le cadre autoritaire traditionnel et proclame le primat absolu del'individu.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Lipovetsky propos de la thseLecture suggrePrincipales sources

PRIGOGINE, IlyaThse 12 : La science doit reconnatre que le temps nest pas un phnomnepurement subjectif, ni une illusion, mais un vecteur objectif du devenir.

Explicitation de la thsePour mieux comprendre la thseLa pense de Prigogine propos de la thseLecture suggrePrincipales sources


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QUINZE THSEou philosopher avec les auteurs contemporains.

Quatrime de couverture

Retour la table des matires

L'ouvrage prsente, partir d'une thse emprunte chacun,quinze auteurs qui ont contribu - et pour la plupart contribuent en-core - au dbat philosophique contemporain. Parmi eux : Chomsky,Dennett, Galbraith, Habermas, Lipovetsky, Prigogine, Reeves, Rorty,etc. En plus de proposer un survol des grands thmes abords par lesauteurs, le livre confronte leurs vues celles d'autres penseurs et r-

sume un passage significatif de leur oeuvres.L'auteur enseigne la philosophie au Collge de Chicoutimi.


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AVANT-PROPOS

par Marcel TremblayAvril 2002


Ce livre est n du dsir de fournir l'tudiant en philosophie, etmme un plus large public, un outil d'initiation aux grands dbats etauteurs contemporains.

Un tel projet commandait que le langage utilis ne soit pas troptechnique et que la forme de l'expos ne rebute pas le lecteur, parexemple en multipliant les notes explicatives et les rfrences biblio-graphiques comme on le fait dans les ouvrages destins aux spcialis-tes.

On ne sera donc pas surpris de lire ici un texte fidle au vocabu-laire des auteurs, certes, mais soucieux de ne pas s'enfermer dans unlangage hermtique, et qui se veut le plus dpouill possible de lalourdeur des justifications techniques.

Avons-nous russi, ce faisant, prsenter clairement et fidlementles points de vue des auteurs rassembls dans ces pages ? Au lecteurd'en juger, bien sr, mais l'intention de ceux qui trouveraient les ex-poss trop synthtiques, ceux encore qui se formaliseraient du faitque toutes les exigences du procd acadmique ne sont pas rigoureu-sement respectes (recours systmatique aux citations pour tayer le


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texte, listes bibliographiques exhaustives, etc.), soulignons que ce li-vre 1) ne se veut pas un document spcialis, mais un outil d'initiation la philosophie, 2) ne dispense pas de la lecture des uvres origina-

les, mais prpare au contraire les lire, 3) se limite esquisserlesgrands thmes dvelopps par les auteurs, au lieu d'en exposer toutesles articulations, prcisment pour inciter le lecteur consulter cesderniers.

Ajoutons que nous avons ralis cet ouvrage d'abord partir desoeuvres des auteurs. Leurs principales publications, comme ce fut lecas, par exemple, avec Foucault, Rawls et Lipovetsky. L'chantillon-nage le plus reprsentatif possible de leur pense quand les titres pro-poss taient soit trop techniques (certains ouvrages de Chomsky, Pri-

gogine, Derrida, etc.), soit trop rptitifs (il s'en trouve par exemplechez Habermas et Dumont) pour servir notre propos. Le lecteur com-prendra ainsi pourquoi nos sources comptent relativement peu d'tu-des de commentateurs. Nous avons consult de telles tudes, naturel-lement, mais en nous en tenant surtout aux auteurs, nous avons voulumettre nous-mme en pratique le conseil implicite de ce livre : fr-quenter les textes originaux.

Marcel TremblayAvril 2002


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EN GUISE DINTRODUCTION

PROPOS DES THSES


Les thses prsentes dans ce volume n'ont pas la prtention decouvrir l'ensemble des dbats philosophiques actuels, ni de rsumer lapense de leurs auteurs. Autant il serait irraliste d'entreprendre dedresser la liste des questions dbattues notre poque, autant il serait

prsomptueux d'essayer de condenser enune

thse les oeuvres tu-dies. L n'tait pas notre objectif, insistons-nous, pas plus que nousne visions runir tous les auteurs importants aujourd'hui. Songeonsseulement Edgar Morin, Stephen Gould et Pierre Bourdieu, dont lesuvres ne peuvent tre ignores et qui sont pourtant absents de cetouvrage.

Espace oblige, bien entendu, mais notre choix s'explique aussi parl'ventail de points de vue que nous dsirions proposer au lecteur.Voulant faire tat de la diversit des questions discutes notre po-

que, nous avons emprunt des thses au plus grand nombre possiblede registres du questionnement humain : linguistique, pistmologie,astrophysique, thique, conomie, politique, cologie, etc. Le rsul-tat ? Un ouvrage porte limite certes, mais qui ouvre la rflexiondes thmes aussi varis que, par exemple, le langage, la conscience,l'intelligence artificielle, l'esprit, le temps, la culture, la science, la


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technique, le capitalisme, la survie de l'humanit et les droits del'homme.

Donnons un bref aperu de ces thses.La premire, de Noam Chomsky, voit dans la parole, non plus un

pur produit culturel, mais une facult inne. Mme si cette thse deChomsky ne dispose pas, loin s'en faut, du problme du langage - le-quel domine la philosophie depuis le dbut du sicle -, elle est aucoeur des recherches linguistiques contemporaines et, ce titre, mriteune place ici.

*

Les recherches en intelligence artificielle et en neurologie ont sou-lev, ces dernires annes, l'pineux problme de la nature de l'esprit.Oblig de choisir parmi les nombreux auteurs ayant crit sur le sujet,nous avons opt pour Daniel Dennett, reprsentant de la philosophiede l'esprit aux tats-Unis. Si le recours ce seul auteur constitue,convenons-en nouveau, une approche minemment partielle de cetimmense problme, on reconnatra que le choix du philosophe amri-cain, dont la culture scientifique s'tend l'informatique, la linguis-

tique, la biologie et la neurologie, offre au moins un point de vuepertinent.

*

Aprs les perces de la physique contemporaine dans les domainesde la relativit et de la mcanique quantique, l'univers matriel ne de-vait plus faire problme. L'astrophysicien Stephen Hawking n'annon-ait-il pas, il y a quelques annes, une physique acheve la fin duXXe sicle ? Comme pour dcourager les excs d'optimisme en

science, le monde statique dcrit par la cosmologie classique apparatde plus en plus historique aux scientifiques, ce qui soulve, en plusdes questions du dbut et du futur de l'univers, celle du statut dutemps. Pour tmoigner de cette mtamorphose de notre vision ducosmos, nous avons fait appel Hubert Reeves, loquent chantre decet univers historique, et Ilya Prigogine, dont les recherches sont envoie d'imposer la science l'ide d'une flche du temps.


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*

l'instar de ceux qui ont cru l'univers prt livrer ses derniers se-crets la science, il s'est trouv des auteurs pour faire de celle-ci lanorme de tout savoir. Nouveau mirage, semble-t-il, si l'on prend encompte les offensives menes aujourd'hui contre la Raison scientifi-que et mme contre la Raison tout court. Avec Michel Foucault, te-nant du relativisme historique, et Paul Feyerabend, dfenseur del'anarchisme pistmologique, il nous a paru que Jacques Derrida etRichard Rorty taient suffisamment reprsentatifs de ce mouvementpour tre accueillis ici. Pour Derrida, on le sait, toute pense s'enra-cine quelque part, donc l'ide de Vrit est un leurre. Rorty, on se rap-

pelle aussi, substitue l'idal de Vrit de la mtaphysique la recher-che d'une plus grande solidarit humaine.

*

Devant la faveur que connat la rflexion thique, ces dernierstemps, comment ne pas faire tat de quelques questions souleves ence domaine.

La plus urgente, sans doute, concerne l'avenir de l'humanit, mena-ce par la puissance des moyens dont celle-ci dispose aujourd'hui pourdtruire la biosphre. Sur ce thme, nous voquons le cri d'alarme deHans Jonas, qui fait un devoir l'homme de protger la vie, et l'appeld'Albert Jacquard, invitant plus de lucidit scientifique.

une poque o les nouvelles technologies de communication res-tructurent les rseaux de solidarit sociale, une autre question surgit :quel moyen utiliser pour promouvoir le mieux-tre collectif ? ctde ceux qui continuent favoriser l'action politique (parmi lesquels

Galbraith, Dumont et Chomsky), certains mettent l'accent sur le dialo-gue. L'influence de cette dernire approche justifiant qu'elle soit re-prsente ici, nous avons opt pour Jrgen Habermas, qui oppose lapratique rvolutionnaire une thique de la discussion.

Sur le plan culturel, nul ne niera l'importance des problmes lis l'mergence d'un nouvel individualisme affranchi des grands impra-


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tifs moraux traditionnels et centr sur la poursuite du seul plaisir. Laprolifration des analyses de ce phnomne mesure en tout cas l'int-rt qu'il suscite. Sur cette question, nous avons retenu les points de

vue de John Rawls, qui subordonne la recherche du plaisir celle dela justice, et de Gilles Lipovetsky, pour qui l'hdonisme postmo-derne inaugure un deuxime ge dmocratique.

*

L'observateur attentif la scne conomique ralise que, sous cou-vert de mondialisation ou de globalisation , un capitalisme sau-vage mne actuellement une lutte finir contre le dernier refuge de ladmocratie, l'tat. Pareille ngation du droit des collectivits dcider

de leur sort ne va naturellement pas sans opposition. Pour rendrecompte de celle-ci, nous avons choisi deux auteurs qui ont vou leurvie dnoncer les mfaits du capitalisme sauvage et jug essentiel lerle de l'tat : John Kenneth Galbraith et Ren Dumont. Au premier,nous empruntons la thse selon laquelle les tats doivent freiner uncapitalisme drgl menant la domination d'un petit nombre et lafaillite conomique. Du second, nous retenons la suggestion de mettrefin la misre grandissante dans le Tiers monde en permettant destats libres de contrler dmocratiquement leur destin.


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INDEX


A

Adorno, ThodorAmblard, HlneArendt, Hannah

B

Bachelard, GastonBaissat, Bernard

Bakounine, MikhalBaudrillard, JeanBell, DanielBen Bella, MohammedBentham, JeremyBergson, HenriBesset, PaulBorrini, GrazziaBourdieu, PierreBouveresse, JacquesBuffon, Georges

Bultmann, Rudolph

C

Camus, AlbertCanguilhem, GeorgesCastro, FidelChalmers, Alan

Changeux, Jean-PierreChomsky, NoamCoppens, Yves

D

Darwin, CharlesDawkins, RichardDe Rosnay, JolDefert, Daniel

Deleuze, GillesDennett, Daniel C.Derrida, JacquesDescartes, RenDewey, JohnDufrenne, MikelDumzil, GeorgesDumont, Ren

E

Einstein, AlbertEiseman, Peter

F

Ferry, LucFeyerabend, PaulFodor, Jerry


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Foucault, MichelFranklin, BenjaminFreud, SigmundFreyer, Hans

Friedman, MiltonFukuyama, Francis

G

Galbraith, John KennethGalile (Galileo Galilei, dit)Galston, WilhemGamow, GeorgeGandhi, Mohandas, 59, 94Garaudy, Roger

Gdel, KurtGoldwater, BarryGoodman, NelsonGould, Stephen

H

Habermas, JrgenHarris, ZelligHawking, StephenHayek, Friedrich von

Hegel, Georg Wilhem FriedrichHeidegger, MartinHeisenberg, WernerHorkheimer, MaxHottois, GilbertHusserl, Edmund

I

Jacquard, AlbertJakobson, Roman

Jonas, Hans

K

Kant, EmmanuelKennedy, John F.Keynes, John MaynardKing, Martin Luther

Krige, JohnKropotkine, Piotr A.Kuhn, Thomas

L

Lakatos, ImreLefebvre, HenriLnine (Vladimir Ilitch Oulianov, dit)Lighthil, JamesLinn, Carl vonLipmann, WalterLipovetsky, GillesLocke, JohnLyotard, Jean-Franois

M

MacIntyre, AlasdairMandela, NelsonMarcuse, HerbertMarx, KarlMill, John StuartMorin, Edgar

N

Nagel, ThomasNewton, IsaacNietzsche, FriedrichNozick, Robert

O

Olender, MauriceOppenheimer, Robert

P

Paquet, CharlottePiaget, JeanPlatonPoliakov, LonPool, IthielPopper, Karl


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Prigogine, IlyaPutnam, Hilary

R

Rawls, JohnReagan, RonaldReeves, HubertRicoeur, PaulRoosevelt, FranklinRorty, RichardRousseau, Jean-JacquesRuss, Jacqueline

Russell, Bertrand

Ryle, Gilbert

S

Saint-John Perse (Alexis Saint-LgerLger, dit)

Sandel, MichaelSartre, Jean-PaulSaussure, Ferdinand de

Schelsky, HelmutSenghor, LopoldSimonnet, DominiqueSmith, Adam

Stengers, Isabelle

T

Taylor, CharlesTestard, JacquesThatcher, MargaretThom, RenTocqueville, Alexis deTrotski, LonTschumi, Bernard

V

Vry, Jacques

W

Whorf, Benjamen LeeWittgenstein, Ludwig


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CHOMSKY

Thse 1 : L'enfant n'apprend pas parier, il possde une grammaireinne que l'usage de sa langue stimule.

EXPLICITATION DE LA THSE


S'il est un fait habituellement reconnu, c'est bien que l'enfant ap-prend la grammaire de sa langue. Or, c'est l une ide sans fondementsi l'on en croit Chomsky. Pour le linguiste amricain, l'enfant acquiertle langage, visiblement, mais ce processus consiste moins assimilerdes rgles qu' appliquer les prescriptions d'une grammaire univer-selle inne. Des indices de l'existence d'une telle grammaire ? Le faitque l'enfant, manifestement, connat dj les rgles prtendument ac-quises, et le constat que l'usager d'une langue tablit des distinctionsde sens inexplicables par le seul apprentissage. En introduisant ceconcept de grammaire universelle pour rendre compte de tels ph-nomnes, Chomsky fait du langage un organe hrditaire comme l'ilet l'oreille, hypothse qui l'amne considrer chaque langue particu-lire comme un pur accident gographique et historique.


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POUR MIEUX COMPRENDRE LA THSEChomsky : l'homme


Amricain issu d'une famille isralite russe, Avram Noam Choms-ky, n Philadelphie en 1928, subit l'influence de son pre linguiste ses heures, et surtout celle de Roman Jakobson et de Zellig Harris,

avec qui il tudie la linguistique l'Universit de Pennsylvanie. Ilcomplte sa formation au Massachusetts Institute of Technology(MIT), o il ctoie les plus fameux logiciens et cybernticiens dutemps. Aprs avoir obtenu son doctorat en philosophie l'Universitde Pennsylvanie (en 1955), avec une thse intitule Analyse transfor-mationnelle, Chomsky devient professeur de linguistique au MIT.

S'amorce alors une carrire au fil de laquelle Chomsky s'illustreavec sa clbre linguistique gnrative et le combat que, paralllement son travail de linguiste, il entreprend de mener d'abord contre laguerre du Vietnam, puis sur un front plus large contre l'imprialismeamricain. Les interventions publiques de Chomsky (confrences, en-trevues et dmonstrations) sont si soutenues que le controvers lin-guiste finit par devenir, du moins aux tats-Unis, le symbole de l'in-tellectuel gauchiste et contestataire.

Les publications de Chomsky tant trop nombreuses pour tre re-censes ici, bornons-nous relever quelques titres parus en franais :L'analyse formelle des langues naturelles (1968, collab. G.A. Miller),

Structures syntaxiques (1969), La linguistique cartsienne.

Un chapitre de l'histoire de la pense rationaliste ; suivi de La na-ture formelle du langage (1969), Le langage et la pense (1970), As-pects de la thorie syntaxique (1971), Questions de smantique(1972), Principes de phonologie gnrative (1973, collab. M. Halle),Les problmes du savoir et de la libert(1973), Rflexions sur le lan-


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gage (1975), Essais sur la forme et le sens (1980), Rgles et reprsen-tations (1980). Dans le domaine politique, Chomsky est l'auteur deL'Amrique et ses nouveaux mandarins (1969), Guerre en Asie

(1971), La culture du terrorisme (1988), Idologie et pouvoir(1991),Van 501 : la conqute continue (1994), Les dessous de la politique del'Oncle Sam (1996),

Responsabilits des intellectuels (1999), Propagande, mdias etdmocratie (2000), La confrence d'Albuquerque (2001) et Autopsiedes terrorismes (2001).

Signalons que si Chomsky n'a jamais t l'enfant chri des mdiasamricains cause de ses positions politiques, il a en revanche t ho-

nor par plusieurs universits un peu partout dans le monde. En 1988,il recevait, au lapon, le prestigieux Prix des sciences fondamentales deKyoto accompagn d'une bourse de 350 000 dollars.

LA PENSE DE CHOMSKY


Pour comprendre le renouveau opr par Chomsky en linguistique,rappelons qu'avant lui le travail des linguistes consistait dcrire lesstructures et le mode d'acquisition du langage. Postulant qu'un noyaufixe de rgles prside cette acquisition, Chomsky labore une lin-guistique occupe, non plus seulement dcrire le langage, mais aussi expliquer de quelle faon ces rgles gnrent les diffrentes langues.C'est la linguistique gnrative 1 , dite en mme temps transfor-mationnelle en ce qu'elle dvoile le mcanisme de transformation deces rgles en phrases effectives.

1 Transcription du terme mathmatique generarqui signifie : rendre expli-cite au moyen de rgles (Rvolution en linguistique. Personnalit invite :Avram Noam Chomsky, sous la direction de H. Tissot, Paris, Lausanne,Laffont-Grammont, 1976, p. 134).


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Montrons ici comment, essentiellement, Chomsky fait du langagehumain une activit de pense irrductible au langage animal et rgiepar une grammaire universelle inne. Dans le domaine politique, nous

verrons que l'infatigable militant ne manque ni de conviction, ni dedocumentation pour dnoncer l'hypocrisie de la politique trangreamricaine et condamner les intellectuels complices de cette vaste su-percherie.

Parler : une activit de pense

On peut voir dans le langage un comportement comme un autre,explicable en termes de stimuli et de rponses. On peut encore leconsidrer comme un simple produit de l'habitude ou dcrire sa struc-

ture. Selon Chomsky, aucune thorie mcaniste ou empiriste de cetype ne permet de rendre compte de l'aspect crateur du langage. Serclamant de Descartes pour qui cette activit innovatrice relevait dumoi pensant, Chomsky fait du langage l'acte d'un esprit producteur desens et, par ce moyen, constructeur de l'infinit des phrases d'une lan-gue. Esprit, prcisons-le, qu'on ne doit toutefois pas confondre avecl'me ou la substance pensante de Descartes. Plus prs de la biologieque de la mtaphysique, Chomsky rattache en effet l'activit de l'espritau cerveau. Et distinguant deux niveaux de phnomnes : celui du

sens (la structure profonde) et celui du son (la structure superficielle),il dvoile les rgles gouvernant le passage du premier au second.

Langage humain et langage animal

Pas plus Chomsky n'accepte de faire remonter le langage la seuleexprience, pas plus il n'est enclin y voir un simple prolongement dulangage animal. Pour le linguiste rfractaire la science-fictionconcernant les dauphins 2 , le langage est manifestement le produitde l'volution. Cependant, fruit probable d'une mutation plutt que

d'une transformation progressive du langage animal, il est l'apparitiond'un phnomne qualitativement diffrent. Aprs avoir montr com-ment le systme de communication animal met en uvre un nombrelimit de signaux dont chacun est associ un comportement ou untat particuliers - dans le cas de l'oiseau, par exemple, tel cri manifeste

2 Le langage et la pense. Trad. L.J. Calvet, Paris, Payot, 1970, p. 104.


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sa dtermination dfendre son territoire -, Chomsky constate que lesmcanismes sous-tendant le langage humain sont irrductibles cessignaux. D'ailleurs, de faire valoir Chomsky, chez l'homme la parole

sert bien d'autres choses qu' informer.Une grammaire universelle et inne

Selon Chomsky, chaque langue possde sa grammaire particulire,et chaque grammaire particulire est rgie son tour par une gram-maire universelle inne structurant et dlimitant la facult de lan-gage 3 .

Quelles sont les composantes de cette grammaire universelle ? Des

lois phontiques qui dcrivent les sons communs toutes les langues,des rgles syntaxiques partir desquelles s'organisent ou se structu-rent ces langues, et des rgles smantiques dterminant le sens pro-fond des phrases. Illustrons ce concept de rgle smantique, cl devote de la linguistique chomskyenne, en dcomposant l'nonc Paul dit jean qu'il peut venir (la structure superficielle du lan-gage) en ses lments : Paul dit jean et Jean peut venir (lastructure profonde). Selon Chomsky, c'est une rgle smantique quidcide que l'nonc signifie Paul dit Jean que Jean peut venir ou

Paul dit Jean que Paul peut venir .Une grammaire inne, ajoutons-nous ? Peut-tre pas au sens plato-

nicien, mais du moins comme hypothse expliquant l'existence, chezl'enfant, de principes inns d'interprtation. Et Chomsky de dfendreson hypothse contre ses nombreux dtracteurs. L'innisme, une tho-rie intrinsquement rpugnante et incomprhensible comme lesoutient Goodman4 ? Une faon cavalire de repousser le pro-blme de l'origine du langage selon les termes de Putnam 5 ? Lide

3 Chomsky dfinit ainsi la facult de langage : une disposition a priori quirend possible l'acquisition du langage (Principes de phonologie gnrative,trad. P. Encrev, Paris, Seuil, 1973, p. 27).

4 Nelson Goodman : philosophe amricain, reprsentant du courant analyti-que. Cit par Chomsky, dans Le langage et la pense, op. cit., p. 121.

5 Hilary Putnam : logicien et pistmologue amricain. Cit par Chomsky,ibid., p. 126.


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de grammaire inne apparat d'autant plus recevable Chomskyqu'aucun de ces auteurs n'est capable d'expliquer autrement la prcon-naissance par l'enfant de ces rgles d'interprtation. voquant le

concept inn de triangle partir duquel Descartes prtendait appr-hender le triangle concret, Chomsky demande pourquoi il ne serait paspossible qu'une stimulation fournisse l'esprit l'occasion d'appliquercertains principes inns d'interprtation, certains concepts provenantdu pouvoir de comprhension lui-mme, de la facult de penser pluttque directement des objets externes 6.

La politique trangre

Sur le plan politique, Chomsky s'avre un pourfendeur impitoyable

de l'imprialisme amricain. Le ton souvent sarcastique et s'appuyantsur quantit de documents officiels, Chomsky dvoile les dessous dela politique de l'oncle Sam7 . Parmi ses thmes favoris : la cin-quime libert, c'est--dire dans le langage chomskyen la libert pourle capitaliste amricain de voler et d'exploiter n'importe quel peupledans le monde ; la thorie de la pomme pourrie, ou des dominos, ex-pression utilise par les conseillers de la Maison blanche pour quali-fier tout tat, dmocratique ou non, engag dvelopper un modlesocial jug contraire aux intrts amricains et susceptible de servir

d'exemple ailleurs dans le monde ; la thorie de ltat-client, termeservant aux mmes conseillers caractriser les gouvernements qu'ilstentent de soumettre leurs dictats conomiques.

On aura compris que ces quelques mots sur la pense politique deChomsky ne prtendent pas rsumer une oeuvre trop riche en analyseset en rfrences de toutes sortes pour tenir en quelques paragraphes.

Les intellectuels

L'intellectuel, penseur libre gardien des droits et du progrs hu-mains ? Pas aux tats-Unis en tout cas o, suivant Chomsky, la classeintellectuelle est gnralement complice de la politique trangre am-ricaine. Dans L'Amrique et ses nouveaux mandarins, fustigeant par

6 Ibid., p. 122.7 Titre d'un de ses ouvrages.


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exemple le sociologue Ithiel Pool, selon qui il revient la psycholo-gie, la sociologie, la mthodologie et la science politique de for-mer les mandarins de l'avenir, Chomsky demande quelle libert et

quels droits dfendent ces disciplines qui, pour des raisons de prestigeet d'intrts, se sont progressivement infodes au pouvoir.

Pour Chomsky, il ne fait pas de doute que les intellectuels ont unimportant rle jouer sur le plan politique. Ceux-ci doivent profiter dela libert d'expression reconnue aux tats-Unis pour s'impliquer surles plans de l'ducation ou des groupes de pression, et lutter pour deschangements institutionnels significatifs. Dans l'esprit de Chomsky,en effet, les institutions ne sont pas figes pour l'ternit (Idolo-gie et pouvoir, p. 125).

PROPOS DE LA THSE


Les critiques adresses Chomsky concernent gnralement l'hy-pothse inniste. Nous avons vu, plus haut, en quels termes Putnam etGoodman condamnaient cette ide. De nombreux autres savants etphilosophes la rejettent. Parmi Ceux-ci, Jean Piaget 8, tenant du cons-tructivisme pistmologique, et Daniel Dennett 9, qui fait du langageun produit purement volutif

Pour Piaget, en accord sur le reste avec Chomsky, l'ide de gram-maire inne ne rend pas plus compte du langage que le schma beha-vioriste stimulus-rponse. Distinguant diffrents types d'abstraction(empirique, rflchissante et rflchie), le clbre psychologue montrecomment l'enfant construit l'aide de celles-ci, chaque tape de sondveloppement, les diverses structures cognitives - dont le langage -

caractristiques de l'tre humain. N'est-on pas justifi de voir danscette construction la ralisation progressive de structures cognitivesprformes, pourrait-on demander ? Compte tenu de l'volution, r-

8 Jean Piaget (1896-1980) : psychologue suisse.9 Daniel C, Dennett (1942) : reprsentant de la philosophie de l'esprit aux

tats-Unis.


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pond Piaget, il faudrait alors attribuer celles-ci aux anctres del'homme, et mme aux protozoaires et aux virus ; quant l'hypothseinniste, elle est galement carter, ne disant pas comment le hasard

d'une mutation a rendu l'tre humain capable d'apprendre une languearticule, et parce qu'on peut expliquer autrement le noyau fixe dont parle Chomsky, en faisant par exemple de celui-ci le produit del'intelligence sensori-motrice 10.

Convaincu que l'intelligence et le langage sont des acquis volu-tifs, Dennett ne peut videmment pas accepter l'ide de grammaireinne, ni la thse d'une diffrence qualitative entre le langage humainet le langage animal. L'inconditionnel partisan de Darwin repousse eneffet les deux suggestions en voyant dans le langage le simple fruit de

la slection naturelle. Pour Dennett, une partie de la structure du lan-gage est vraisemblablement inne 11 , mais cela n'en fait pas l'u-vre du hasard ou de Dieu. Et si les faits obligent voir dans le langagel'acte sophistiqu d'un cerveau s'adaptant au milieu environnant, ilsimposent aussi l'ide d'une continuit entre le langage humain et lelangage animal 12.

LECTURE SUGGRE


Le pass , dans Le langage et la pense, traduction Louis-JeanCalvet, Paris, Payot, 1970, p. 11-41.

Note : Ce texte contient la version remanie de la premire de troisconfrences (Le pass, Le prsent et Le futur) prononces par Choms-

10 Ces remarques de Piaget sont tires de Thories du langage, thories del'apprentissage. Le dbat entre Jean Piaget et Noam Chomsky (sous la di-rection de Massimo Piatelli-Palmarini), Paris, Seuil, 1979, p. 53-64.

11 La conscience explique, trad. P. Engel, Paris, Odile Jacob, 1990, p. 375.12 Sur cette critique du point de vue de Chomsky, voir, outre l'ouvrage cit,

Darwin's Dangerous Idea. Evolution and the Meanings of Life, New York,Simon & Schuster, 1995, p. 384-393.


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ky l'Universit de Californie en 1967. On le lira en gardant l'espritqu'il a t crit il y a plus de trente ans.

Prsentation du texte

Chomsky ouvre sa confrence en rappelant la question qui orienteses recherches : Quelle peut tre la contribution de l'tude du lan-gage notre comprhension de la nature humaine ? (p. 11), puis ilexprime le regret qu'on ait cess de s'interroger sur les rapports entrela langue et les processus mentaux comme on le faisait l'poqueclassique. Une lueur d'espoir, toutefois, constate le clbre linguiste,les progrs de la cyberntique, des sciences de la communication, de

la psychologie compare et physiologique obligent remettre en ques-tion plusieurs convictions tablies depuis le milieu du XXe Sicle.Parmi celles-ci : l'ide que le langage est rductible au schma beha-vioriste stimulus-rponse, et la croyance que les calculatrices ou lesautomates reclent le secret des phnomnes organiques.

Jugeant ces voies de recherche sans issue, Chomsky introduit en-suite, pour rendre compte du langage, un concept fond sur l'existencede structures mentales qualitativement diffrentes des mcanismes

observables, la comptence linguistique13

. Conscient de rhabiliterpar l Descartes, Chomsky voque le point de vue du philosophe fran-ais pour qui la question de l'esprit soulevait un problme de qualitde complexit et non pas seulement de degr de complexit (p. 18).Endossant ce point de vue, Chomsky met en parallle la thorie de lasubstance pensante de Descartes et la thse d'une force d'attractionpropose par Newton pour expliquer le mouvement des corps, et es-time qu'on n'avait pas plus raison d'abandonner la premire qu'on nel'a fait pour la seconde. Chomsky rejette videmment le concept sco-lastique de substance pensante, mais soutient que l'approche menta-

liste de Descartes permettait seule d'expliquer les trois proprits quece dernier reconnaissait au langage : 1) son caractre novateur, 2) sonindpendance de tout contrle par des stimuli, 3) sa cohrence et sonadquation la ralit. Aprs avoir ainsi assum l'hritage de Descar-

13 Pour Chomsky, la comptence linguistique est la matrise de la langue ;

elle diffre de la performance linguistique , son utilisation effective.


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tes, Chomsky paie tribut la Grammaire et la Logique de Port-Royal, la premire thorie gnrale significative de la structure lin-guistique (p. 29), laquelle il reconnat la paternit du second

concept-cl de la grammaire gnrative : l'ide d'une structure superfi-cielle relie une structure profonde par des oprations mentales.

Chomsky conclut son expos en concdant que la linguistiquestructurale-descriptive, fille de la grammaire classique, a aussi faitavancer nos connaissances. Selon lui, pourtant, en ignorant les m-canismes qui sous-tendent l'aspect crateur de l'utilisation du langageet l'expression du contenu smantique (p. 40), celle-ci tait gale-ment condamne tre dpasse.

PRINCIPALES SOURCES


Chomsky, Noam

- L'analyse formelle des langues naturelles (collab. G.A. Miller),trad. Ph. Richard et N. Ruwet, Paris, Mouton, 1968,174 p.

- La linguistique cartsienne. Un chapitre de l'histoire de la pen-se rationaliste ; suivi de La nature formelle du langage, trad. N. De-lano et D. Sperber, Paris, Seuil, 1969, 182 p.

- Structures syntaxiques, trad. M. Braudeau, Paris, Seuil, 1969,140 p.

- L'Amrique et ses nouveaux mandarins, trad. J.M. Jasienko, Pa-

ris, Seuil, 1969, 331 p.

- Le langage et la pense, trad. L.J. Calvet, Paris, Payot, 1970,145 p.

- Principes de phonologie gnrative (collab. M. Halle), trad. P.Encrev, Paris, Seuil, 1973, 325 p.


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- Idologie et pouvoir, Bruxelles, EPO, 1991, 127 p.

- L'an 501 : la conqute continue, trad. C. Labarre, (Bruxelles,EPO, 1994), (Montral, cosocit, 1995), 362 p.

- Les dessous de la politique de l'Oncle Sam, trad. J.M. Flmal,Montral, cosocit, 1996, 135 p.

- Responsabilits des intellectuels, trad. F. Cotton, Montral,Comeau et Nadeau, 1999, 165 p.

- Propagande, mdias et dmocratie, trad. L. Arcal, Montral,

cosocit, 2000, 202 p.

- La confrence d'Albuquerque, tract. H. Esqui, Paris, Allia,2001, 56 p.

Barsky, Robert F. Noam Chomsky : une voix discordante, trad. G.Joublin, Odile Jacob, 1998, 296 p.

Massimo Piatelli-Palmarini (dir.). Thories du langage, thories de

l'apprentissage. Le dbat entre Jean Piaget et Noam Chomsky, Paris,Seuil, 1979, 532 p.

Henri Tissot (dir.). Rvolution en linguistique. Personnalit invi-te : Avram Noam Chomsky, Paris, Lausanne, Laffont-Grammont,1976, 141 p.


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2

DENNETT

Thse 2 : Plutt que l'acte d'un esprit, la conscience est un rseaud'oprations parallles et diversifies du cerveau.



La conscience : manifestation de l'me ? activit d'un esprit voyantdfiler des entits diverses (images, ides...) ? ou simplement de lamatire agence selon les lois de la mcanique ? Aucune de ces tho-ries ne trouve grce aux yeux de Dennett. Empiriste convaincu, maisadversaire du matrialisme autant que du spiritualisme, Dennett pro-pose un modle volutionniste et informatique de la conscience. Pourle philosophe amricain, il n'y a dans le cerveau, contrairement lacroyance commune, aucun sujet de la conscience. En lieu et place d'untel sujet, existent divers processus d'laboration des informations sen-sorielles qui se sont dvelopps au cours de l'volution et continuent s'adapter au milieu physique et la culture. L'activit globale de cettemachine aux circuits et programmes multiples - dont le fonctionne-ment s'apparente davantage celui d'un ordinateur qu'au modle car-tsien du pilote dans un navire - dfinit la conscience.


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POUR MIEUX COMPRENDRE LA THSE

Dennett : l'homme


N Boston (tats-Unis) en 1942, Daniel Clement Dennett tudie Harvard, puis Oxford (Angleterre) o il obtient son doctorat enphilosophie sous la direction de Gilbert Ryle (1900-1976).

Dennett enseigne la philosophie l'Universit de Californie et,quelques annes plus tard, il accepte un poste l'Universit Tufts(Mass.) o il devient directeur du Centre d'tudes cognitives. Cher-cheur polyvalent et technicien autant que thoricien de la recherche enintelligence artificielle, Dennett collabore diffrents projets de vul-garisation de la technologie de l'ordinateur au Smithsonian Institution,au Muse des sciences et au Muse des ordinateurs de Boston.

Le rcipiendaire de nombreuses distinctions, dont celle de membrede l'Acadmie des arts et des sciences, est l'auteur, notamment, deContent and Consciousness (1969), Brainstorms (1978), The Mind'sI : Fantasies and Reflections on Self and Soul (1981, collab. D. Hofs-tader), Elbow Room : The Varieties of Free Will Worth Wanting(1984), The Intentional Stance (1987), Consciousness Explained(1991, son matre ouvrage), Darwin's Dangerous Idea. Evolution andthe Meanings of Life (1995), Kinds of Minds (1996) et Brainchildren(1998).

Quatre oeuvres principales de Dennett ont t proposes au public

franais ce jour : Vues de l'esprit. Fantaisies et rflexions sur l'treet l'me14 (1987), La stratgie de l'interprte. Le sens commun etl'univers quotidien15 (1990), La conscience explique16 (1993) etDarwin est-il dangereux ? L'volution et les sens de la Vie17 (2000).

14 Trad. de The Mind's 1.15 Trad. de The Intentional Stance.


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LA PENSE DE DENNETT


Penseur original aux thories audacieuses, Daniel Dennett est aucur de tous les dbats entourant la conscience et l'esprit. Selon lui, sila conscience peut tre explique scientifiquement, il n'est pas impos-sible non plus que l'homme parvienne un jour fabriquer des robotsdots d'une certaine forme de conscience. Dtermin fournir cette

explication scientifique de la conscience, Dennett labore un procdd'investigation des faits psychiques, la mthode htro-phnomnologique ; et mettant profit les plus rcentes dcouvertesdans les domaines des neurosciences, de la linguistique, de la psycho-logie cognitive et de l'intelligence artificielle, il propose une thorieapparentant la conscience humaine celle des animaux et l'intelli-gence des ordinateurs. En outre, pour Dennett, le cerveau est l'organede la conscience, et non seulement cette dernire est-elle un produitvolutif, mais elle pourrait aussi, dans un avenir plus ou moins rappro-ch, tre prte des robots.

La mthode htro-phnomnologique

Htro-phnomnologique : expression un peu monstrueuse, di-sons-le, qui donne mme une allure de plaisanterie une mthodepourtant non dnue d'intrt. Pourquoi donc ces termes et en quoiconsiste la mthode de Dennett ?

Phnomnologique, par emprunt la clbre mthode dveloppe

par Husserl pour dcrire les actes intentionnels 18. Htro, pour mar-quer son rejet de l'approche subjectiviste (ou le point de vue de la

16 Trad. de Consciousness Explained.17 Trad. de Darwin's Dangerous Idea. Evolution and the Meanings of Life.18 Chez Husserl, le mot intentionnel signifie qu'un acte conscient (imagi-

ner, dsirer, etc.) vise quelque chose.


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premire personne) adopte par ce dernier. En refusant de postuler untmoin intrieur derrire la conscience, ou en rcusant le subjecti-visme, Dennett est contraint d'effectuer sa recherche la troisime

personne.La mthode de Dennett

carte la question de savoir si la conscience est matrielle ounon ;

considre le sujet tudi comme un tre rationnel dot de d-sirs et de croyances exprimant une intentionnalit ;

tire un savoir prdictif des tmoignages du sujet.

Le cerveau : organe de la conscience De nombreux dveloppe-ments seraient ncessaires pour exposer correctement le point de vuede Dennett sur cette question. Pour nous en tenir l'essentiel, disonsque selon le philosophe amricain aucun tmoin n'habite le cerveau,prenant conscience des vnements. Descartes avait tort, bien sr, deposer un tel observateur (l'me), mais les matrialistes cart-siens 19 sont tout aussi nafs de continuer imaginer, dans le cer-

veau, dfaut d'un esprit, un lieu central o nous prenons conscience.La conscience, phnomne matriel alors, rductible au seul en-

chevtrement de circuits crbraux ? Oui et non. Oui, dans la mesureo aucune substance mentale n'est postule derrire l'acte conscient.Non, si l'on nie par l toute ralit spcifique au fait conscient. SelonDennett, la conscience existe, tout comme existent diffrents typesd'tres conscients tels le chat, le chimpanz, l'homme.... mais celle-ciest la manifestation d'une activit crbrale s'organisant selon les actesadaptatifs qu'elle rend possibles.

19 Expression forge par Dennett pour qualifier les savants qui, ayant rompuavec Descartes, persistent imaginer un sujet de la conscience.


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Opposant l'ide d'un Thtre cartsien son modle des Ver-sions multiples 20 , Dennett dcrit l'activit crbrale comme un r-seau de processus interfrant, s'annulant, remanis et rdits. Ces

processus ne constituent pas les pisodes d'un vnement vcu par unspectateur intrieur, mais des versions multiples de narrations aux-quelles ils donnent lieu. Autrement dit, au lieu d'tre l'acte d'un tmoindes vnements, la conscience est l'ensemble des interactions de pro-cessus de discriminations multiples.

L'esprit, produit volutif

Lide rpugnera plusieurs. En effet, comment concevoir une r-alit immatrielle en devenir ? Voyant dans ce genre de raction une

simple illustration du prjug mentaliste, Dennett pose que si la cons-cience, c'est--dire l'esprit, est une manifestation du cerveau, celle-ci avolu au rythme de ce dernier. Pour l'un des plus ardents volution-nistes de notre poque, le cerveau est une machine anticipa-tion 21 se dveloppant en s'adaptant l'environnement, et la cons-cience est, comme le systme digestif ou l'appareil visuel, un vhi-cule de l'volution 22 . Machine anticipation, au sens o le cerveauproduit du futur et rsout les problmes avant mme d'y faire face.Vhicule de l'volution, dans la mesure o, en rsolvant d'avance les

problmes, la conscience constitue un moyen plus efficace de survie.Autre trait original de la thorie de Dennett : le rle qu'il attribue

aux mmes 23 dans le processus volutif Faisant sien le point de vuede Richard Dawkins 24, Dennett reconnat aux ides (les mmes) unapport volutif comparable celui des gnes. Dernires entits de r-plication apparues depuis les gnes, les mmes envahissent le cerveau- par exemple sous forme d'images publicitaires, de thories scientifi-

20 Dans Laconscience explique, trad. P. Engel, Paris, Odile Jacob, 1993, p.146 et sq.

21 La conscience explique, op. cit., p. 224.22 Ibid., p. 250.23 Le mme (une ide ou une reprsentation) est, dans le domaine culturel,

l'quivalent du gne au niveau biologique : une unit de transmission d'in-formation.

24 Auteur de Le gne goste.


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ques ou d'oeuvres d'art - et donnent lieu, comme les gnes au niveaubiologique, des comportements ayant, ou non, une valeur adaptative.En investissant ainsi les comportements dj fixs gntiquement et

ceux acquis par l'habitude, les mmes faonnent la conscience hu-maine.

Des robots conscients ?

Si l'esprit peut tre reli des interactions matrielles, on devraitpouvoir, en principe, fabriquer un robot pensant. Sans prter lascience, mme dans un avenir lointain, la capacit de raliser un telexploit, Dennett ne travaille pas moins, au MIT, raliser un robot - leprojet Cog (nom du robot) - apte parler, manipuler des objets, inte-

ragir avec son entourage, se protger, apprendre, et rvler sur lui-mme des choses impossibles dcouvrir autrement.

Dans l'esprit de Dennett, c'est en fabriquant des robots de plus enplus performants, non en tergiversant et en dcrtant des impossibili-ts de principe, qu'on finira par lucider le dernier grand mystre surlequel bute la science : la conscience 25.

PROPOS DE LA THSE


Les critiques adresses Dennett vont du scepticisme railleur aurefus pur et simple d'accrditer l'ide mme d'intelligence artificielle.Parmi les adversaires les plus srieux et crdibles du penseur boston-nais, on trouve Thomas Nagel (1937), thoricien politique et thicien,auteur, notamment, de Questions mortelles (1983), Le point de vue de

nulle part(1993), galit et partialit(1994) ; et Jerry Fodor (1935),reprsentant de la philosophie de l'esprit aux tats-Unis, dont les oeu-vres incluent L'explication en psychologie. Une introduction la phi-

25 Sur cette question, lire l'intressant article de Dennett, The Practical Re-

quirements for Making a Conscious Robot ,http://ase.tufts.edu/cogstudipapers/practic.htm), 1994, 11 p.


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losophie de la psychologie (1972), The Language of Thought(1975)et La modularit de l'esprit : essai sur la psychologie des facults(1986).

Convaincu que les phnomnes de l'esprit ne peuvent tre appr-hends d'une manire objective, Nagel rcuse d'emble l'ide d'unetude empirique de la conscience. Qualifiant la conscience de fonda-tionnelle (c'est--dire faisant de celle-ci le sujet, ou le fondement de laconnaissance), celui-ci soutient que tout effort pour runir l'objectif etle subjectif restera ncessairement inachev. On aura beau tout tenter,d'affirmer Nagel, on ne saura jamais ce que peut ressentir une chauve-souris 26.

Fodor, lui, dfend la doctrine de l'intentionnalit originelle, c'est--dire l'ide que l'intentionnalit d'une machine sous, par exemple, estdrive quand celle de l'tre humain est intrinsque, ce qui revient faire d'un tre conscient un tre essentiellement diffrent d'une calcu-latrice ou d'un ordinateur, par consquent accepter le concept d'intel-ligence artificielle dans un sens purement analogique. Pour le philoso-phe cognitiviste, partisan de la ralit des tats mentaux, l'esprit estform de modules crbraux inns autonomes - dont un permet parexemple le langage -, mais penser est l'activit d'un dispositif central

non modulaire.En conservant ainsi sa spcificit l'activit pensante, non seule-

ment Fodor rejette-t-il le bhaviorisme, mais il rpudie aussi le rvede Dennett de construire un robot conscient 27.

26 Cette position de Nagel est dveloppe dans son ouvrage Le point de vue denulle part, et dans son clbre texte What Is It Like to Be a Bat ? , paruen 1974, dans Philosophical Review, vol. 83, no 4, p. 435-450.

27 Nous tirons ce point de vue de Fodor de son ouvrage La modularit de l'es-prit : essai sur la psychologie des facults, trad. A. Gerschenfeld, Paris, d.de Minuit, 1986. Nous nous rfrons galement l'expos et la critiquequ'en fait Dennett dans La stratgie de l'interprte. Le sens commun et l'uni-vers quotidien, trad. P. Engel, Paris, Gallimard, 1990, p. 370-448.


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LECTURE SUGGRE


Versions multiples contre thtre cartsien , dans La conscienceexplique, traduction Pascal Engel, Paris, ditions Odile Jacob, 1993,p. 135-149.


Dans ces pages, Dennett soutient que, mme si un tre conscientperoit le monde d'un point de vue donn, aucun foyer unique n'existe,dans le cerveau, o convergeraient toutes nos perceptions.

Se rfrant par l Descartes, Dennett rappelle d'abord la thoriedu philosophe franais, pour qui le cerveau comportait un foyer, laglande pinale, loge la frontire des hmisphres droit et gauche.Ignorant quoi celle-ci pouvait servir, Descartes en avait fait le pointde jonction entre l'me et le corps o transitaient les informations pro-venant des sens, et ce, mme s'il avait dj dcouvert l'existence decircuits chappant au contrle de l'esprit, les rflexes. Selon Dennett,la conception cartsienne du cerveau n'tait peut-tre pas si mauvaise -tout en tant videmment errone dans les dtails -mais l'ide de fairede la glande pinale le hall d'entre de la conscience tait irrmdia-blement fausse.

Constatant ensuite que le matrialisme domine en science de nosjours, le penseur amricain dplore que plusieurs savants persistent imaginer un lieu central, dans le cerveau, o l'ordre d'arrive des in-

formations correspondrait l'ordre de leur prsentation un sujet. Cetype de matrialisme cartsien comporte en effet une difficult logi-que de taille selon Dennett : puisque l'ordre d'arrive des informationsn'est pas le mme que celui de leur droulement compte tenu de leur


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vitesse respective28, il est impossible de dterminer un lieu deconvergence de l'activit crbrale. Illusoire par consquent l'ide d'unsujet assistant comme dans un thtre un spectacle intrieur. Tout

aussi inacceptable l'hypothse d'un point charnire entre l'ensembledes perceptions et leur transformation en action. Pour Dennett, s'il estclair que la glande pinale nest pas la machine tlcopie du cer-veau (p. 140), ni son palais de l'lyse (p. 140), s' appert ga-lement que le cerveau est lui-mme l'organe de la conscience, doncqu'il n'est l'organe d'aucun sujet conscient, il faut bannir jamais touteide d'un observateur log dans le cerveau.

Plus loin, Dennett oppose ce schma dualiste cartsien son fa-meux modle des Versions multiples. Imaginera-t-on le cerveau

comme un thtre dans lequel un spectateur verrait dfiler des imagesformant les pisodes d'un vnement vcu par lui ? Les faits, eux,nous rvlent non pas un ensemble d'vnements ressentis par un t-moin fantme, mais une multitude de processus parallles de traite-ment et de dveloppement des informations sensorielles soumis une rvision ditoriale (p. 146) constante. Dennett nomme cet enche-vtrement de processus sans cesse rviss et remanis, son modle des versions multiples . Comme l'illustre l'exemple de deux carrs dif-frents apparaissant progressivement dans une forme tridimension-

nelle29

, la thorie du philosophe amricain signifie que la conscienceest un flux, non une entit, et que ce flux donne lieu des versionsnarratives constamment corriges et retouches par le sujet.

Demander quand un contenu donn devient conscient n'a donc au-cun sens aux yeux de Dennett. Croire qu'il existe une version uniqueformant l'vnement rel vcu par le sujet est tout aussi illusoire.

28 Dennett propose les exemples suivants : dire un Mississipi : mille milli-secondes, prononcer une syllabe : 200 millisecondes, une image cinmato-graphique : 42 millisecondes, le cycle de base d'un neurone : 10 millise-condes, et le cycle de base d'un micro-ordinateur : 0,0001 milliseconde (p.137).

29 Voir le schma propos par Dennett la page 147 de son ouvrage.


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PRINCIPALES SOURCES


Dennett, Daniel

- Vues de l'esprit. Fantaisies et rflexions sur l'tre et l'me (col-lab. D. Hofstader), trad. J. Henry, Paris, Inter ditions, 1987, 508 p.

- La stratgie de l'interprte. Le sens commun et l'univers quoti-

dien, trad. P. Engel, Paris, Gallimard, 1990, 493 p.

- La conscience explique, trad. P. Engel, Paris, Odile Jacob,1993, 628 p.

- Darwin's Dangerous Idea. Evolution and the Meanings of Life,New York, Simon & Schuster, 1995, 521 p.

Engel, Pascal. Le "patternalisme" de Dennett , dans Philosophi-ques, automne 1995, p. 197-212.

De Heaulme, Michel. L'esprit/cerveau , dans tudes, juin 1994,p. 837-841.


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3

DERRIDA

Thse 3 : Les oppositions sur lesquelles se fonde la mtaphysique(tre/Non-tre, Sujet/Objet, Vrai/ Faux, etc.) ne traduisent pas laralit, mais le mouvement de la pense qui essentiellement spare,diffrencie.



Selon Derrida, la mtaphysique occidentale est logocentrique ausens o elle valorise la parole au dtriment de l'criture, voyant danscelle-ci un simple outil d'expression de la pense. En faisant ainsi del'criture un domaine extrieur la pense, par consquent en niant lesattaches matrielles de cette dernire, la mtaphysique s'imagine at-teindre un tre rel dcrit, depuis Platon, comme l'tre ou le Sujet ab-solu. C'est cette mtaphysique que Derrida entreprend de dconstruire.Se rfrant au seul texte crit auquel il rduit la pense des auteurs, lephilosophe franais explique comment l'exprience de la prsence l'tre prolonge celle de la voix qui, en se rpercutant dans ma tte,semble ne pas retomber dans le monde (tre prsente elle-mme). Etil montre de quelle faon, pour justifier la prsence soi (laquellesuppose une non-prsence, un dehors), elle s'engage dans une difica-


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tion d'oppositions conceptuelles (dedans/dehors, me/corps, su-jet/objet, nature/culture, etc.) qui traduisent au fond le seul mouve-ment de la diffrance 30 l'oeuvre derrire toute pense et toute si-

gnification.

POUR COMPRENDRE LA THSE

Derrida : l'homme


Natif d'Algrie, Jacques Derrida (1930) fait ses tudes suprieuresen France. Envisageant d'abord une carrire littraire l'instar de soncompatriote d'origine Albert Camus, il finit par opter pour la philoso-phie.

Derrida enseigne la Sorbonne de 1960 1964, puis devient assis-tant-professeur l'cole normale suprieure en 1965. Le rcipiendairedu Prix Jean Cavaills pour son ouvrage Introduction l'origine de lagomtrie de Husserl (1962) ne tarde pas devenir un chef de file dela philosophie franaise avec la publication, en 1967, de trois ouvra-ges : De la Grammatologie, L'criture et la diffrence et La voix et lephnomne. Derrida fait son entre dans les universits amricainesquelques annes plus tard, o il propage la fivre d-constructiviste .

Sa tche d'enseignement et la prparation des nombreuses publica-tions n'empchent pas Derrida d'tre attentif la scne politique. Sesinterventions les plus remarques : en 1982, quand il se rend en Tch-coslovaquie - o il est emprisonn une nuit - dnoncer la rpression

mene par le rgime contre les intellectuels ; en 1986, anne o il critun hommage Nelson Mandela (Pour Nelson Mandela) ; et en 1996,lorsqu'il pouse publiquement la cause d'Abou-Jamal, activiste noir

30 Diffrance : terme forg par Derrida pour dsigner le mouvement de lapense qui cre les diffrences. Le mot a la double connotation de diffrer(reporter, ajourner) et de diffrencier (sparer).


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tions mtaphysiques dans toutes les formes de discours, littraire, phi-losophique, religieux, linguistique, psychanalytique, ethnologique,etc., Derrida montre par exemple comment Platon - philosophe de

l'me et du corps, des Ides pures et du monde matriel - dvaloriseaussi l'criture dont fait un dangereux substitut de la voix ; commentJean-Jacques Rousseau, qui oppose nature et culture, individu et so-cit, condamne lui aussi l'criture dans laquelle il voit un outil dg-nr de la voix ; comment Ferdinand de Saussure, dont la linguistiqueappose signifiant et signifi, lment et systme, considre son tourl'criture comme un travestissement de la voix.

Derrida, philosophe de l'criture, donc ? Sans doute, mais pas ausens o le philosophe franais serait un partisan de l'crit par opposi-

tion au langage parl. L'intuition soutenant la dmarche de Derrida estque la pense constitue une activit de diffrenciation rgie par la lo-gique de la trace et du supplment, et insparable de l'crit o elleprend forme.

La pense, activit de diffrenciation

Deux mots tissent le texte derridien : diffrence et diffrance. Op-posant le second ternie au premier, Derrida s'en sert pour qualifier une

activit qui diffre (reporte dans le temps et dans l'espace) et diffren-cie (spare), et dcrit par l le mouvement d'une pense ouvrant ind-finiment les divers sens des concepts 32. S'il est permis d'apparentercette thorie la dialectique hglienne posant elle aussi un mouve-ment de diffrenciation (la contradiction), on ne peut cependant l'yrduire. En effet, alors que pour Hegel les contradictions se rsorbentdans une synthse, Derrida, lui, y voit un jeu sans fin de diffrencia-tion des sens d'un concept.

32 Aucun concept n'a de sens plein pour Derrida. Chacun contient plusieurssignifications comme le montre son exemple fameux du pharmakon dePlaton, lequel signifie aussi bien remde que poison . Nous ren-voyons le lecteur intress par ce thme du pharmakon l'ouvrage deDerrida, La dissmination, Paris, Seuil, 1972, p. 71-197.


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La trace et le supplment

Le lecteur non familier avec l'uvre de Derrida butera invitable-ment sur les mots trace et supplment . En persvrant dans salecture, il finira par reconnatre une empreinte, dans la trace , maisne devra pas donner la mtaphore un sens trop matriel. Dans laterminologie de Derrida, la trace , ou gramme , rfre au motprononc ou crit et traduit l'ide que celui-ci ne vhicule pas unconcept idal et dlimit, mais renvoie, comme toute empreinte, d'autres mots formant sa signification.

Le terme supplment dsigne un dtour pris par la vie et la

pense pour compenser un manque. Dans son ouvrage De la Gram-matologie, Derrida montre par exemple que chez Rousseau la logiquedu supplment prend le pas sur la logique de contradiction lors-que, tout en condamnant l'criture, celui-ci adopte comme substitut lavoix, ou quand, honnissant la masturbation, il avoue y avoir recourspour compenser le manque de rapport sexuel complet. La supplanceest donc un moment ncessaire du jeu de la vie et de la pense, pourDerrida, condition de ne pas faire du supplment une pure ext-riorit s'ajoutant une autre extriorit.

La pense est insparable de l'crit

Pour Derrida, l'crit ne vhicule pas une pense indpendante dutexte. Refusant toute ide d'un dehors ou d'un dedans du texte, le phi-losophe entreprend d'analyser, non la pense d'un auteur, mais le seullieu o celle-ci existe vraiment, l'crit. dessein d'y dvoiler le jeu dela diffrance, naturellement, puisque celle-ci est l'oeuvre mmequand les mtaphysiciens figent son mouvement dans leurs concepts,mais galement en jouant lui-mme avec le texte.

Par exemple, le lecteur ne doit pas chercher un sens cach derrirele texte plac dans la marge droite de son article Tympan 33 . Phi-losophant, l'instar de Nietzsche, coups de marteau , mais op-rant l'intrieur du texte, Derrida repousse par l l'ide d'un dehors du

33 Dans Marges. De la philosophie, Paris, d. de Minuit, 1972.


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texte et montre que celui-ci se nourrit de greffes le parasitant et lerenouvelant. De mme, pour comprendre son ouvrage La vrit enpeinture, on se rappellera que le procd de dsencadrement utilis

par Derrida [...] marque son rejet de tout lment extrieur au texte.En effet, avec l'image du cadre bris, Derrida met en rapport l'oeuvred'art dlimite par le cadre, et le discours sur l'oeuvre d'art, qui ne peutavoir d'encadrement, c'est--dire de fondement mtaphysique.

Pour conclure ces quelques notes forcment incompltes sur Derri-da, suggrons, l'intention de ceux qui dsireraient approfondir sapense, et malgr la difficult du texte, la lecture du matre ouvrage duphilosophe franais, De la Grammatologie. On consultera seulementensuite le volumineux catalogue de titres, souvent aussi fantaisistes

que droutants, proposs par Derrida. Pour situer ce dernier par rap-port quelques auteurs cls de la tradition philosophique, proposonsla lecture de Freud et la scne de l'criture 34 et Spectres de Marx.Dans le premier texte, consacr Freud, Derrida affirme que, mme sides lments mtaphysiques persistent dans l'oeuvre du neurologueviennois, celle-ci ne demeure pas moins une rare application de lapense de la diffrence. Dans le second, il rejette l'ide de systme etragit contre ceux (par exemple Francis, Fukuyama) qui, depuis l'ef-fondrement de l'empire sovitique, proclament sur un ton apocalyp-

tique la mort de Marx.

PROPOS DE LA THSE


En dpit de la notorit qu'il a acquise sur les campus amricains,il y a quelques annes, Derrida demeure un penseur boud du public

philosophique en gnral. Les nombreux jeux d'criture du philoso-phe, doubls d'une habitude de questionnement de tous les sens desmots utiliss, rebutent en effet mme le lecteur le mieux dispos. Ilserait pourtant malheureux que ces difficults aient Pour effet demaintenir l'interdit pesant sur Derrida. On peut ne pas apprcier le

34 Dans L'criture et la diffrence, Paris, Seuil, 1967.


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style derridien. On peut trouver exasprant son acharnement saper labase rationnelle des discours. sa faon, pourtant, Derrida effectueun travail efficace de dconstruction mtaphysique.

Au chapitre des polmiques, signalons d'abord le toll de protesta-tions souleves par la mise en candidature de Derrida comme membrehonorifique de l'Universit de Cambridge (Angleterre), en 1992. Dansune querelle ayant fait les manchettes des journaux britanniques, unecoalition de professeurs s'levrent contre sa nomination, taxant cedernier de charlatanisme et lui reprochant de saper les bases de touterationalit. Derrida fut quand mme lu majorit (336 pour, 204contre) au grand dam de l'aile la plus conservatrice de l'intelligentsiaanglaise.

Les proderridiens ? Il s'en trouve, mme en dehors du champ phi-losophique, notamment dans les domaines de la politique, de l'archi-tecture et de la littrature. En effet, en plus de certains groupes fmi-nistes amricains qui ont vu dans le dconstructivisme de Derrida unoutil idologique pour dfaire les oppositions mle/femelle, domi-nant/domine, les architectes Peter Eiseman et Bernard Tschumi sesont inspirs du philosophe franais pour crer un style architecturaldconstructeur des structures dedans/dehors, centre/priphrie, habi-

table/non habitable, utile/inutile... Et en littrature, un courant a vu lejour aux tats-Unis et en France, niant qu'un texte recle une signifi-cation unique (la prtendue pense de l'auteur), et qui est occup dvoiler les prsupposs linguistiques et mtaphysiques de l'oeuvretudie.

Parmi les philosophes sympathiques Derrida, mentionnons l'am-ricain Richard Rorty. Tout en exprimant des rserves sur plusieursaspects de l'oeuvre de Derrida, Rorty, partisan du pragmatisme, semontre solidaire du combat men par ce dernier contre la mtaphysi-

que 35. Pour Rorty, rappelons-le, les notions de Vrit et d'Objectivitdoivent faire place, comme idaux culturels, aux catgories pluspragmatiques d'autocration et de solidarit. Engag dbusquer lesdiverses tentatives de la philosophie occidentale de perptuer le mythe

35 Dans Contingence, Ironie et Solidarit, par exemple, Rorty accueille Derridadans sa famille d'lection, les ironistes .


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d'une Raison universelle, Rorty ne peut qu'applaudir aux efforts d-ploys par Derrida pour branler la Mtaphysique.

LECTURE SUGGRE


Le droit la philosophie du point de vue cosmopolitique, Paris,ditions Unesco, Verdier, 1997, 50 p.

Note : ce texte reproduit une allocution prononce par Derrida

l'Unesco, en 1997. Le titre voque l'crit de Kant : Ide d'une his-toire universelle au point de vue cosmopolitique (1784).


Dans cette confrence, Derrida soulve trois questions :

O le problme du droit la philosophie doit-il tre pos ?

Pourquoi doit-on traiter la question du droit la philosophienon plus au niveau des nations mais internationalement ?

Quelles sont les conditions du respect et de l'universalisationdu droit la philosophie ?

Le clbre philosophe franais rpond la premire question en af-firmant que l'Unesco est un lieu privilgi o discuter ce problmepuisque cet organisme, et le droit international qu'il dfend, ont uneorigine philosophique (ayant t annoncs par Kant), et parce que les

institutions de l'Unesco s'engagent soutenir la culture et la languephilosophiques utiles pour dvelopper, dans les divers tats natio-naux, une philosophie des droits de l'homme et de l'histoire univer-selle.

Abordant la deuxime question, Derrida fait d'abord observer quela philosophie n'est jamais donne au philosophe, tant sans cesse


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rinventer, ce qui prescrit de s'interroger sur l'Unesco, institution apriori philosophique (p. 17). Il rappelle ensuite le point de vue deKant qui annonait un tat cosmopolitique universel aprs de nom-

breuses rvolutions, et apercevait le fil conducteur de ce programmedans l'histoire des nations europennes. Endossant la vision kantienne,mais rejetant son europocentrisme, Derrida suggre d'affranchir laphilosophie de son pass grco-europen. Dans ses termes, En phi-losophie comme ailleurs, l'europocentrisme et l'anti-europocentrisme sont des symptmes de la culture missionnaire etcoloniale. (p. 33-34).

Quant aux conditions du respect et de l'universalisation du droit la philosophie, il faut, selon Derrida :

1) refuser de s'enfermer dans un modle ou une tradition donnscomme ce fut le cas l'poque de la philosophie analytique et de laphilosophie continentale ;

2) s'approprier, sans doute, mais aussi dtrner les langues ditesfondatrices de la philosophie : grec, latin, allemand, arabe, etc., et re-vendiquer l'autonomie de cette dernire par rapport la science et lareligion. Pour Derrida, une langue donne peut ventuellement servir

la propagation de la philosophie -l'anglais par exemple - mais fi fautrpudier l'autorit de la langue. Quant aux rapports entre la philoso-phie, la science et la religion, le penseur franais soutient que l'auto-nomie de la philosophie l'gard de la science est aussi essentielle lapratique d'un droit la philosophie que l'autonomie l'gard des reli-gions est essentielle pour quiconque veut que l'accs la philosophiene soit interdit aucun et aucune (p. 40-41).

3) consacrer les budgets ncessaires l'enseignement et la re-cherche philosophiques.


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PRINCIPALES SOURCES


Derrida, Jacques

- L'criture et la diffrence, Paris, Seuil, 1967, 439 p.- La voix et le phnomne, Paris, PUF, 1967, 117 p.- De la Grammatologie, Paris, d. de Minuit, 1967, 445 p.- Marges. De la philosophie, Paris, d. de Minuit, 1972, 396 p.- La dissmination, Paris, Seuil, 1972, 406 p.

- La vrit en peinture, Paris, Flammarion, 1978, 440 p.- La carte postale. De Socrate Freud et au-del, Paris, Aubier-Flammarion, 1980, 551 p.

- D'un ton apocalyptique adopt nagure en philosophie, Paris,Galile, 1983, 98 p.

- Du droit la philosophie, Paris, Galile, 1990, 662 p.- Spectres de Marx. L'tat de la dette, le travail du deuil et la

nouvelle internationale, Paris, Galile, 1993, 278 p.- Le droit la philosophie du point de vue cosmopolitique, Paris,

Verdier, 1997, 50 p.- Cosmopolites de tous les pays, encore un effort !, Paris, Galile,

1997, 57 p.- Foi et savoir suivi de Le sicle et le pardon : entretien avec Mi-

chel Wieviorka, Paris, Seuil, 2001, 133 p.

Collins, J., Mayblin, B. Derrida for beginners, Cambridge, IconBooks Ltd, 1996, 171 p.

Finas, L., Kofman, S., Laporte, R., Rey, J.M. carts. Quatre essais

propos de Jacques Derrida, Paris, Fayard, 1973, 324 p.


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DUMONT

Thse 4 : Le seul moyen d'assurer la survie d'une humanit divisepar les ingalits conomiques, et au bord de la catastrophe cologi-que, est de remettre des tats libres le contrle d'une conomiedmocratique.



Comptition, productivit, privatisation, mondialisation... Aucunterme n'est plus tranger au vocabulaire de Dumont, pour qui le libra-lisme dbrid de ce tournant de sicle contient les ingrdients d'uneapocalypse imminente. En effet, comment ne pas voir, dans la libra-lisation en cours, les pays riches affamer le Tiers monde ? Commentne pas apercevoir, dans ce fait, une situation gnratrice de gravesconflits internationaux : course aux armements, recours au terrorismeet migrations de populations ? Comment ne pas raliser, enfin, que lespays riches hypothquent l'avenir de l'humanit en puisant les res-sources de la plante pour leur consommation goste, et en produi-sant des armes capables de destructions de plus en plus massives ?Quoique difficile appliquer, la solution du vieux militant socialistefranais est simple : mettre un terme, au Nord, une consommationque l'puisement des rserves naturelles rend criminelle ; et permettre,


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dans le Tiers monde, le dveloppement d'tats libres vritablementdmocratiques, engags instaurer des formes de socialisme adaptes leur situation historique et gographique.

POUR MIEUX COMPRENDRE LA THSE

Dumont : l'homme


C'est un jeune homme dj gagn au socialisme et au pacifisme

qui, de 1929 1932,visite le Vietnam aprs des tudes en agronomie.Ce premier contact avec l'Asie marque le dbut d'un engagement quifera de Ren Dumont (1904-2001) le dfenseur le plus acharn duTiers monde au XXe sicle. En effet, au fil d'une carrire riche en in-terventions colores, le rput agronome, professeur l'Institut natio-nal d'agronomie en France, parcourt prs de 80 pays, conseille deschefs d'tat tels Ben Bella, Senghor et Castro, ralise des tudes pournombre de gouvernements, tout cela en publiant livre sur livre et enoccupant la moindre tribune o il peut faire valoir la cause des payspauvres ou sensibiliser la population au problme cologique. Pourpubliciser ces causes, Dumont accepte par exemple de figurer parmiles dix sages du monde l'Universit Columbia de New York, en1970, et il se porte candidat aux lections prsidentielles franaises 36en 1974.

L'oeuvre de Dumont constituera sans doute, pour les gnrationsfutures, le miroir le plus fidle de l'tat du monde au XXe sicle. Par-mi les titres ayant eu le plus d'impact, signalons : Nous allons la fa-mine (1966), L'Afrique noire est mal partie (1966), Dveloppement et

socialismes (collab. M. Mazoyer, 1969), Cuba est-il socialiste ?(1970), Paysanneries aux abois : Ceylan, Tunisie, Sngal (1972),L'utopie ou la mort ! (1973), Seule une cologie socialiste... (1976),

36 Mme s'il ne rcolte que 337 000 voix (1,33% du vote), Dumont considresa campagne comme un succs, compte tenu que son objectif tait de sensi-biliser le public franais au problme cologique.


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Paysans crass. Terres massacres (1978), La croissance... de lafamine ! Une agriculture repense (1981), Le mal-dveloppement enAmrique latine (collab. M.F. Mottin, 1981), Finis les lendemains qui

chantent... (collab. C. Paquet, 1983, 1984, 1985), Un monde intolra-ble. Le libralisme en question (collab. C. Paquet, 1988), Pour l'Afri-que, j'accuse (1989), Mes combats. Dans quinze ans, les ds serontjets (1989), La contrainte ou la mort : lettre aux Qubcoises et auxQubcois sur l'avenir de la plante (donc sur le leur) (collab. G. Boi-leau et C. Paquet, 1990) 37, Dmocratie pour l'Afrique (collab. C. Pa-quet, 1991), Cette guerre nous dshonore (collab. C. Paquet, 1992) etMisre et chmage, libralisme ou dmocratie (collab. C. Paquet,1994).

Pour en savoir davantage sur Dumont, on visionnera le film RenDumont, citoyen de la plante terre, ralis par Bernard Baissat. Onlira avec intrt, galement, la biographie de Paul Besset, Ren Du-mont. Une vie saisie par l'cologie, parue chez Stock en 1992.

LA PENSE DE DUMONT


Les titres des ouvrages de Dumont en disent assez sur les probl-mes qui sont pour lui les plus cruciaux notre poque. En effet, alorsque les rfrences une Afrique noire mal partie et au Mal-dveloppement en Amrique latine voquent le problme du Tiersmonde, les formules Paysans crass et Paysanneries aux abois tmoignent de l'importance accorde par Dumont l'agriculture. Etautant les termes Un monde intolrable et Misre et chmage attirent l'attention sur les vices d'un capitalisme drgl, autant les ex-

pressions Seule une cologie socialiste et Cette guerre nous ds-honore dirigent le focus sur les problmes de la pollution et de la

37 Cet ouvrage fait suite au Forum qubcois sur le dveloppement durable,auquel a particip Dumont en 1989. Charlotte Paquet, cosignataire de l'essai(militante ouvrire originaire de l'Estrie au Qubec), fut pendant un temps lacompagne de Dumont. Elle a rdig avec lui plusieurs autres livres.


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Pour Dumont, il ne fait pas de doute que les pays avancs doiventune bonne part de leur richesse leurs conqutes, autrement dit aupillage systmatique du Tiers monde. Homme de terrain et comme tel

tmoin des mfaits du colonialisme, Dumont n'a pas de difficult relier la misre des pays pauvres au fait que leur production a t de-puis le dbut oriente en fonction des besoins des mtropoles et que lepeu d'argent laiss dans les colonies tait accapar par de petits dicta-teurs crapuleux mis en place pour empcher le peuple de changer leschoses.

La situation s'est-elle amliore avec la dcolonisation ? Si elle apu progresser la faveur de quelques rvolutions communistes (parexemple en Chine, Cuba et au Vietnam), ou d'un dveloppement

capitaliste russi (par exemple Tawan et Hong-Kong), elle aconnu, dans plusieurs autres rgions du globe, une dtrioration deve-nue dangereuse mme pour les peuples nantis. Pourra-t-on empcherindfiniment, demande Dumont, des populations croissantes et affa-mes 39 d'migrer vers les zones riches ? ou de recourir par exempleau terrorisme ?

Selon Dumont, les pays riches n'ont pas le choix : ils doivent effa-cer les dettes des pays pauvres, soutenir des politiques destines

freiner l'explosion dmographique, et permettre aux peuples en voiede dveloppement d'instaurer des dmocraties garantes de leur prosp-rit.

Un cologiste exaspr

Apprhendant une catastrophe irrversible si nous continuons d-truire les ressources naturelles (nergie fossile, forts, eau, etc.) et altrer l'cosystme, Dumont rallie la protestation cologiste, en 1968,et entreprend une croisade contre nos habitudes de consommation. Le

militant prconise plusieurs mesures spectaculaires, dont : la fin durgne de l'automobile individuelle, symbole de nos aberrations 40 ,et dont l'utilisation n'est pas gnralisable l'chelle de la plante ; un

39 Dans ses derniers ouvrages, Dumont accuse le Fonds montaire internatio-nal et la Banque mondiale d'affamer le Tiers monde.

40 L'utopie ou la mort !, Paris, Seuil, 1973, p. 63.


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frein une urbanisation dvergonde 41 ; des lois pour mettre unterme une dforestation criminelle et au gaspillage de papier (Du-mont estime que chaque numro du dimanche du New York Times

cote 15 20 hectares de fort canadienne) ; une taxe sur l'eau qui,contrairement un prjug rpandu, n'est pas une ressource inpuisa-ble ; une hausse des prix des carburants ; une dclaration universelle,enfin, proclamant les richesses du sous-sol patrimoine commun del'humanit 42 .

Selon Dumont, l'homme doit s'associer la nature, au lieu de cher-cher la dominer. Et puisque les riches gaspillent la plus grande partiedes ressources de la plante, c'est leur consommation eux qu'ilconvient d'abord de limiter. Ce sera d'ailleurs le thme de sa campa-

gne la prsidence de la Rpublique franaise, en 1974, o il propose,entre autres mesures, de rduire d'un tiers la consommation des cou-ches les plus riches de la population franaise.

Un socialiste impnitent

Malgr ses sympathies socialistes, Dumont se montre incapable des'accommoder d'une politique de parti, mme de gauche. Se situantlui-mme gauche de la gauche 43 , mais plus prs, au fond, de

l'anarchisme libertaire, l'ex-lecteur des Bakounine et Kropotkine luttepour le droit des gens (dans l'esprit de Dumont, les paysans) dispo-ser d'eux-mmes. Socialiste humanitaire plutt que communiste, etentendant rformer le capitalisme au lieu de l'abolir par la lutte arme,Dumont propose des mesures pour les pays riches et d'autres adaptesaux pays pauvres. S'il fait appel, dans les pays riches, aux groupescologistes, tiers-mondistes, socialistes et fministes pour combattrele pouvoir des nantis et leur culture du gaspillage, invite les peuplesdu Tiers monde conqurir leur indpendance pour former ensuite unfront des pays pauvres et dvelopper une conomie plantaire cha-

peaute, ventuellement, par un organisme mondial (non pas un gou-

41 Ibid., p. 75.42 Misre et chmage, libralisme ou dmocratie (collab. C. Paquet), Paris,

Seuil, 1994, p. 53.43 Ibid., p. 170.


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Marcel Tremblay, Quinze thse ou philosopher avec des auteur contemp

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