quinze minutes pour donner l'alerte

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N° 238 NOVEMBRE 2009 dépasser les frontières IN SITU Entretien avec Laurent Vigroux Comment l’Europe observe l’Univers la recherche durcit le combat CANCER

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Page 1: Quinze minutes pour donner l'alerte

N° 238 NOVEMBRE 2009

dépasser les frontières

iN situEntretien avec Laurent Vigroux

Comment l’Europe observe l’Univers

la recherche durcit

le combat

CANCER

Page 2: Quinze minutes pour donner l'alerte

sommaireLe journal du CNRS

1 place Aristide-Briand92195 Meudon Cedex Téléphone : 01 45 07 53 75Télécopie : 01 45 07 56 68Mél. : [email protected] journal en ligne :www2.cnrs.fr/presse/journal/CNRS (siège)3 rue Michel-Ange75794 Paris Cedex 16

Directeurde la publication :Arnold MigusDirectricede la rédaction :Marie-Hélène BeauvaisDirecteur adjoint de la rédaction :Fabrice Impériali

Rédacteur en chef adjoint :Matthieu RavaudChefs de rubrique :Fabrice DemarthonCharline Zeitoun

Rédactrice :Anne LoutrelAssistante de la rédaction et fabrication :Laurence WinterOnt participé à ce numéro :Jean-Philippe BralyDenis DelbecqCaroline DangléantFrançoise Dupuy-MaurySebastián Escalón Ulysse FudourLaurianne GeffroyMathieu GroussonMatthieu HautemulleCamille LamotteSéverine Lemaire-DuparcqXavier MüllerVahé Ter MinassianFanny Pijaudier-CabotPhilippe Testard-VaillantGéraldine VéronCharlie Zeitguer

Secrétaire de rédaction :Anne-Solweig GremilletConception graphique :Céline HeinIconographe :Marie GandoisCouverture :C. McFann/Fotolia.com ; D. Jamet/CNESPhotogravure :Scoop CommunicationImpression :Imprimerie Didier Mary6 route de la Ferté-sous-Jouarre77440 Mary-sur-MarneISSN 0994-7647AIP 0001309Dépôt légal : à parutionPhotos CNRS disponibles à :[email protected]://phototheque.cnrs.fr/

La reproduction intégrale ou partielledes textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’unedemande auprès de la rédaction.

SOMMAIRE 3

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

ZOOM > Sur les traces de Darwin, p. 28

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VIE DES LABOS >Des gènes qui ontdu chien, p. 8

VIE DES LABOS P. 6.> REPORTAGELes électrons, c’est du solide> ACTUALITÉS P. 8Les derniers résultats de la recherche > MISSION P. 12Les peintures du désert vont enfin parler

INNOVATION P. 14 Dialogue avec les entreprisesEntretien avec Antoine Rebiscoul

PAROLE D’EXPERT P. 16 Grippe A : le point sur le vaccinEntretien avec Brigitte Autran

JEUNES CHERCHEURS P. 17Un physicien au service de lamédecinePortrait de Nicolas Tsapis

L’ENQUÊTE P. 18.

CANCERLa recherche durcit le combatNouveau regard sur une épidémie > 18 Comprendre la maladie avant tout > 21Vers des traitements plus ciblés > 25

ZOOM P. 28.Sur les traces de Darwin

RENCONTRE AVEC P. 31.L’appel de la merPortrait de Colomban de Vargas

IN SITU P. 32L’espace vu de la TerreEntretien avec Laurent Vigroux

HORIZON P. 36Suivez le guide !

GUIDE P. 38Le point sur les livres, les expos,les films, les manifestations…

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ÉCLATS4

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Il s’agit sans doute de la plus importantedécouverte archéologique effectuée àRome ces dernières décennies : uneéquipe d’archéologues dirigée parFrançoise Villedieu1, du Centre Camille-Jullian2, vient de découvrir les vestigesd’une étonnante salle de banquet attribuéeà l’empereur Néron. Il semble que cettepièce circulaire tournait en permanence enimitant le mouvement de la Terre ! Élémentde la Domus Aurea ou Maison dorée,palais impérial bâti au 1er siècle après J.-C.sur le Mont Palatin, cette rotonde ne seraitautre que la cenatio rotunda évoquée parSuétone, l’historien romain. Juchée en

hauteur, elle offrait une vue imprenable surla ville. Les fouilles ont déjà mis au jour uncourt tronçon du mur de la vaste rotondequi devait mesurer plus de 16 mètres dediamètre. Elle reposait sur un large piliercentral. Enfin, trois cavités hémisphériquesde 23 centimètres de diamètre, quidevaient servir de logement à des sphèresen bronze ou en basalte, semblent évoquerdes sortes de roulements à billes. Lesfouilles, qui se poursuivront pendantplusieurs mois, devraient permettre demieux comprendre le mécanisme derotation. « Ce n’est comparable à riend’autre de ce que nous connaissons de

l’architecture romaine antique », a soulignél’archéologue.> www2.cnrs.fr/presse/communique/1686.htm1. À la demande de la Soprintendenzaarcheologica, organisme italien qui a financé lesfouilles.2. Unité CNRS / Université de Provence.

Ô LE SUCCÈS SCIENTIFIQUE

La salle de banquet qui imitait la Terre

Le 19 octobre 2009 restera sans aucun doute comme une date importante dansl’histoire du CNRS. En effet, 70 ans jour pour jour après la création del’organisme, son nouveau contrat d’objectifs avec l’État a été signé par ValériePécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, CatherineBréchignac, présidente du CNRS, et Arnold Migus, directeur général del’organisme. Ce contrat est la concrétisation, pour la période 2009-2013, duplan stratégique « Horizon 2020 » du CNRS : il fixe les priorités scientifiques del’organisme et réorganise celui-ci, avec notamment la création de dix instituts.

Cette signature a eu lieu à l’Assemblée nationale, en présence de sonprésident, Bernard Accoyer, et en préambule du grand colloque « La recherche,une passion, des métiers : construire l’avenir » qui ouvrait les festivités liéesaux 70 ans du CNRS. Lors de cet évènement organisé par le Comité pourl’histoire du CNRS, plus de 300 personnes ont assisté à des conférencespassionnantes sur l’histoire de notre organisme ainsi qu’à des débats sur lesmétiers de la recherche, la dimension internationale de l’organisme ou encoresur le dialogue entre la science et la société. De nombreuses autresmanifestations se sont déroulées dans des délégations et laboratoires duCNRS sur tout le territoire français. Elles vont se poursuivre jusqu’à début 2010.

> À propos du contrat d’objectif :Lire Le Journal du CNRS n°236, Un nouveaucontrat pour le CNRS, p. 32.En ligne : www.cnrs.fr/fr/organisme/com.htm

> À propos des 70 ans :Lire Le Journal du CNRS n°237, Il y a 70 ansnaissait le CNRS, p. 32.En ligne : www.cnrs.fr/70ans

Ô L’ÉVÈNEMENT

Signature du nouveaucontrat d’objectifs du CNRS

De nouveaux délégués en régionIl y a du changement dans quatre délégationsrégionales du CNRS. Ainsi, Bertrand Minault,jusqu’alors secrétaire général de l’Institutnational d’études démographiques (Ined) estdepuis le 1er octobre le délégué régional de lacirconscription Alsace. Trois autres nouveauxdélégués prendront leur fonction le 1er janvier2010. Actuellement directrice de cabinet dudirecteur général du CNRS, Pascale Bukharipilotera la délégation Alpes. Son prédecesseurà ce poste, Younis Hermès sera à la tête de lacirconscription Provence & Corse. Enfin,Claudine Schmidt-Lainé, directrice scientifiqueau Cemagref, sera la nouvelle déléguée enRhône-Auvergne.

PARISCIENCE, LE PALMARÈSLe 10 octobre, après cinq jours de projections, lepalmarès du 5e festival international du filmscientifique, Pariscience, dont le CNRS estpartenaire, a été dévoilé. Parmi les septrécompenses attribuées, le prix Pierre-Gilles-de-Gennes, remis par le CNRS au film qui valorise lemieux la recherche et la diffusion desconnaissances, a été décerné au documentaireFractales, à la recherche de la dimensioncachée de Michel Schwarz et Bill Jersey. Ledocumentaire Tours du monde, tours du ciel deRobert Pansard-Besson, réalisé en coproductionavec l’Insu du CNRS, s’est vu quant à lui saluépar le « coup de cœur » du grand jury présidé parJean-Pierre Luminet.

> www.science-television.com/pariscience/accueil.php

Arnold Migus, Valérie Pécresse, Bernard Accoyer etCatherine Bréchignac, quelques instants après lasignature du contrat d’objectifs du CNRS avec l’État.©

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Pilier central de 4 mètres de diamètreet 10 mètres de hautsur lequel reposaitla salle de banquet.

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La première mention du cancer date… de 1 600 avant J. C. :

un papyrus égyptien décrit un traitement par cautérisation

de tumeurs du sein, tout en indiquant que la maladie est

incurable. Hippocrate, le premier à utiliser le mot cancer,

l’attribuait à l’accumulation de la bile noire, une des trois

humeurs censées irriguer le corps. Il faut attendre le XIXe siècle et

la théorie cellulaire énoncée par deux scientifiques allemands,

Müller et Virchow, pour comprendre que les tumeurs sont com-

posées de cellules. Aujourd’hui on sait que le cancer provient d’une

cellule qui s’affranchit des contrôles de sa prolifération et de sa sur-

vie. De plus, les cellules cancéreuses recrutent et détournent la

fonction de nombreuses cellules saines voisines. Une tumeur doit

ainsi être considérée comme un organe complexe et non un amas

déstructuré de cellules cancéreuses. Ce constat doit permettre la

conception de nouvelles thérapies, qui cibleraient le micro-

environnement tumoral.

La plupart des cancers sont sporadiques. Toutefois, c’est une mala-

die génétique, car chaque cellule cancéreuse a subi de nombreu-

ses modifications génétiques et épigénétiques de son ADN. Les étu-

des moléculaires ont permis d’identifier les oncogènes, promoteurs

de tumeurs, et les gènes suppresseurs de tumeurs, qui les freinent.

Les « voies de signalisation », qui concourent au recueil et à l’ana-

lyse des nombreux stimuli qu’une cellule reçoit, sont également déré-

glées dans les cancers. Elles constituent autant de cibles théra-

peutiques potentielles, qui sont activement étudiées.

D’autre part, une cellule cancéreuse est fragile : irradiée ou traitée

par des drogues, elle meurt plus facilement que la plupart des cel-

lules saines. C’est la base de la radio- et chimiothérapie du cancer.

Toutefois, elle est génétiquement instable, ce qui explique l’appari-

tion de résistances aux traitements et des récidives. Tout comme pour

les maladies infectieuses, la solution viendra sans doute de l’utili-

sation de combinaisons de traitements judicieusement choisis.

La compréhension des perturbations de la physiologie de la cellule

cancéreuse, de l’organisme malade et de ses

interactions avec l’environnement, s’appuie sur

tous les domaines des sciences du vivant.

Ainsi les chercheurs contribuent à la meil-

leure connaissance du cancer en étudiant la

biochimie de l’ARN, les cellules souches, le

développement embryonnaire, la réplication

de l’ADN et des chromosomes, avec leurs

extrémités (les télomères), le trafic intracellulaire, le métabolisme

ou la réponse immune… C’est pour cela qu’on estime à plus de 50

le nombre d’unités de l’Institut des sciences biologiques (INSB) du

CNRS concernées par le cancer. Auxquelles il faut ajouter les nom-

breux chercheurs de l’Institut de chimie (INC), de l’Institut des scien-

ces et technologies de l’information et de l’ingénierie (INST2I) et

de l’Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) qui travaillent

aussi sur cette maladie.

Le premier plan Cancer (2003-2008) et les recommandations

énoncées pour le second (2009-2013) se sont appuyés sur l’Insti-

tut national du cancer (Inca) et les sept cancéropôles régionaux pour

améliorer le financement et la coordination des projets menés par

le CNRS, l’Inserm, les universités et les hôpitaux. L’Alliance natio-

nale pour les sciences de la vie et de la santé, créée en avril 2009,

a été conçue pour mieux définir et mieux coordonner les actions

des opérateurs de la recherche publique, en particulier via les Ins-

tituts thématiques multi-organismes (Itmo), dont l’Itmo Cancer. Il

est important de maintenir et de renforcer cet élan : l’actuelle explo-

sion de connaissances laisse imaginer toute une série de victoires

dans la guerre menée contre le cancer.

Ne nous méprenons pas : le cancer ne sera jamais totalement éra-

diqué. Le corps humain est une machine merveilleuse ; le cancer

est sans doute un prix à payer pour l’impressionnante efficacité de

son fonctionnement. Mais il est certain que dans l’avenir, une

tumeur sera traitée avec une efficacité améliorée, et un confort

accru pour le patient. Et ce sera grâce à une meilleure compréhension

de la logique du vivant.

5ÉDITO

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

éditoeditoUrszula HibnerDéléguée scientifique au CNRSpour la recherche sur le cancer

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Contre le cancer, les espoirs de la recherche

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Dans le cas des oxydes, la supraconductivité survientà bien plus haute température, avec un record à –135°Cobservé dans l’un d’entre eux. C’est encore très froid,mais beaucoup moins que dans le cas des métaux. Aupoint de faire rêver à des matériaux permettant d’ache-miner de l’électricité sur de longues distances sansaucune perte à température ambiante. Sauf que jusqu’àaujourd’hui, personne n’a encore élucidé l’origine dela supraconductivité des oxydes. « Elle est d’autant plusmystérieuse qu’il suffit de modifier d’un rien la compositionchimique d’un oxyde pour que dans un cas il soit supra-conducteur et, dans l’autre, un matériau magnétique etisolant », détaille Julien Bobroff. Récemment, le physicien et son équipe ont obtenu unrésultat étonnant. Dans une expérience de RMN, leschercheurs ont en effet découvert que tous les élec-trons présentaient du magnétisme3 et, en même temps,la propriété de supraconduction. « C’est fascinant, s’ex-clame l’expérimentateur. Car en principe magnétisme etsupraconduction ont plutôt tendance à s’exclure l’un l’au-tre. Or nos résultats suggèrent qu’ils pourraient avoir uneorigine commune dans le cas des pnictides. »Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs du LPSont profité d’une étroite collaboration avec des physicienset des chimistes du Service de physique de l’état conden-sée du CEA, à Saclay. Comme le précise Jean-Paul Pou-get, « avec le CEA, l’université d’Orsay et les différents labo-ratoires de Palaiseau, le LPS jouit d’un environnementscientifique extraordinaire. Pour le mettre à profit, nousavons initié en 2006 un Réseau thématique de rechercheavancée intitulé le “ Triangle d’or de la physique ” qui per-met le financement de projets communs aux différents labo-ratoires associés. » De son côté, Véronique Brouet, autre

spécialiste de la supraconduction à hautetempérature critique au LPS, se prépareà profiter d’un autre voisinage. Celui dela source nationale de rayonnementsynchrotron4 Soleil, pour des expériencesdites de photoémission. « Le laboratoire està l’origine de plusieurs appareillages équipantcertaines lignes de Soleil, en particulier laligne de photoémission, explique la physi-cienne. Cette technique permet d’avoir accèsà la relation entre l’énergie d’un électron etla direction dans laquelle il se propage au sein

d’un matériau. C’est donc une technique complémentairede la RMN qui, elle, donne des informations sur leur répar-tition spatiale. »

UNE DÉSORGANISATION QUI MET DE L’ORDREGrâce à la RMN, les chercheurs du LPS ont aussi obtenudes résultats remarquables sur des matériaux appeléséchelles de spins, où le réseau cristallin forme les bar-reaux d’une échelle à l’extrémité desquels se position-nent les électrons. Dans un matériau standard, à trèsbasse température, les spins de tous les électrons s’orien-tent soit tous dans la même direction, soit tête-bêche. Ondit alors que le matériau présente un ordre magnétique.Inversement, dans une échelle de spins, les électronss’orientent dans n’importe quelle direction. Le matériauest donc magnétiquement désordonné. « Or nous avons montré, en collaboration avec NicolasLaflorencie, un jeune théoricien du laboratoire, qu’en reti-rant aléatoirement un atome magnétique sur 100, le sys-tème jusqu’alors désordonné, s’ordonnait ! », s’enthou-siasme Julien Bobroff. Le résultat a en effet de quoisurprendre puisque c’est un peu comme si déplacer auhasard quelques livres d’une bibliothèque suffisait à posi-tionner par ordre alphabétique tous les autres !Gourmandise de spécialistes des bizarreries quanti-que ? Peut-être. Mais c’est aussi au LPS que le PrixNobel Albert Fert a découvert en 1988 une autre étrangepropriété de la matière condensée appelée magnéto-résistance, à l’origine d’une nouvelle électronique fon-dée sur le magnétisme, la spintronique. « L’importantest de faire en sorte que le laboratoire ne soit pas une tourd’ivoire, précise Jean-Paul Pouget. Ainsi nous encourageonsles collaborations avec d’autres entités, avec des industrielset même entre les différents axes de recherches de nos équi-pes. Car c’est à l’interface entre les disciplines existantesqu’en apparaissent de nouvelles. » Les chercheurs du LPSsont donc sur tous les fronts de la matière condensée.Et grâce à leur nouvel aimant dédié à la RMN, probableque les spécialistes des électrons ne seront pas en reste.

Mathieu Grousson

1. Unité CNRS / Université Paris-XI.2. Le tesla est l’unité de mesure des champs magnétiques. Encomparaison, celui de la Terre est de l’ordre de 50 microteslas. 3. C’est-à-dire que leur spin (aimantation interne) s’oriente dansune direction privilégiée.4. Le rayonnement synchrotron est un rayonnementélectromagnétique émis par des électrons en mouvement.

Deux ordinateurs. À gauche, une armoire pleined’écrans et de boutons de contrôle. Des tuyaux,des câbles électriques qui courent du sol auplafond. Sur le côté, un petit établi où traînentquelques outils, un fer à souder. Et derrière la

vitre qui sépare la salle de commande de l’expérience,l’une des dernières acquisitions du Laboratoire de phy-sique des solides (LPS), à Orsay : un aimant surpuissantde 14teslas2 à vous arracher vos clés de la poche. Aimantdont les chercheurs attendent des merveilles pour révé-ler d’inédites propriétés quantiques de la matière, dansdes expériences de résonance magnétique nucléaire(RMN), une technique visant à déterminer les proprié-tés de chaque électron d’un échantillon. « Nous avons ter-miné l’aménagement de cette nouvelle pièce de manip il ya deux mois », précise Julien Bobroff, expérimentateurau laboratoire. Et de poursuivre : « cryostat, spectromètre,logiciels informatiques… à l’exception de l’aimant, tout estfait maison. Et grâce à un contrôle à distance, l’expériencetourne 24 heures sur 24 ! »Comme l’explique Jean-Paul Pouget, directeur du labo-ratoire, « le développement d’une instrumentation origi-nale est l’une de nos marques de fabrique. À laquelles’ajoute la volonté de prendre en compte tous les aspects dela physique des solides, depuis l’étude de leur structure àcelle de leurs propriétés électroniques, le tout à travers unfort couplage entre théorie et expérience. » Cet esprit, leLPS le cultive depuis sa création, il y a tout juste 50 ans.

Et il a fait ses preuves, puisque le laboratoire peut s’en-orgueillir d’avoir abrité sous son toit deux des quatrederniers prix Nobel de physique français : Pierre-Gillesde Gennes en 1991, et Albert Fert, en 2007. À cette évo-cation, Jean-Paul Pouget sourit. Mais préfère focaliserla discussion sur le présent du LPS.

AIMANTER OU CONDUIRE, PLUS BESOIN DE CHOISIRDe l’électronique aux nanotechnologies en passant parla biologie, la physique du solide se porte à merveille.Le renouveau de la physique des électrons dans lesmatériaux en est la parfaite illustration. Confortablementinstallé dans la cafétéria du LPS, connue des physi-ciens français pour avoir été financée par deux impor-tants prix scientifiques obtenus en 1966 par RaimondCasting et, en 1967, par André Guinier, Jacques Frie-del et Pierre-Gilles de Gennes, Julien Bobroff expli-que : « La thématique générale est l’étude de matériaux desynthèse, dans lesquels les électrons, parce qu’ils sontcontraints dans une ou deux dimensions, et donc se gênentles uns les autres, ont du mal à se déplacer. Naïvement, cesmatériaux devraient être de mauvais conducteurs de l’élec-tricité et ne pas être intéressants. Or paradoxalement, c’estdans ces matériaux que l’on a observé, ces dernières années,les propriétés les plus étonnantes. » Archétype de ces nouveaux états de la matière dont leLPS s’est fait une spécialité : la supraconductivité àhaute température critique, observée dans des maté-riaux composés d’un millefeuille d’oxyde de cuivre(cuprates) ou plus récemment de fer (pnictide), et d’au-tres éléments. Un nom barbare derrière lequel se cachel’un des plus grands mystères de la physique actuelle.Dans les métaux, la supraconductivité est bien connuedes physiciens. Elle survient lorsque la températureavoisine le zéro absolu (–273,15 °C), et se manifeste parune disparition de la résistance au passage d’un courantélectrique. Les physiciens savent depuis les années 1960qu’elle est le fruit de l’interaction entre les électrons etles vibrations de la matrice cristalline où elle circule.

VIEDESLABOS Reportage6 VIEDESLABOS 7

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

MATIÈRE CONDENSÉE

Le Laboratoire de physique des solides1

fête ce mois-ci son 50e anniversaire.Mais ici, pas de crise de lacinquantaine : à côté d’expériencesfascinantes, les découvertes de tailles’enchaînent toujours, notamment ence qui concerne les intrigantespropriétés électroniques de la matière...

Comptant parmi les plus importantes unités nationales en matière condensée, le LPS accueilleentre 200 et 250 personnes au quotidien. Dont 61 chercheurs CNRS, 35 enseignants-chercheurs,50 ingénieurs, techniciens et personnels administratifs et 35 doctorants.

18 équipes de recherche sont regroupées en trois axes : « Nouveaux états électroniques de lamatière », « Phénomènes physiques aux dimensions réduites », « Matière molle et interfacephysique / biologie ». Les thèmes de recherche s’étendent donc des supraconducteurs auxtissus vivants, en passant par les cristaux liquides et les nano-objets.

Entre 2005 et 2008, le LPS a produit 650 publications, dont 500 articles dans des revuesinternationales à comité de lecture.

LE LABORATOIRE DE PHYSIQUE DES SOLIDES EN CHIFFRES

L’état supraconducteur de cet oxyde (en noir) est mis enévidence dans une expériencede lévitation d’un aimant. En effet, la supraconduction se caractérise par l’expulsionhors de l’échantillon de toutchamp magnétique.C’est l’effet Meissner.

Cet appareil utilisé sur lesynchrotron Soleil illustre lacapacité du labo à réaliser uneinstrumentation originale.

Grâce à leur nouvel aimant, leschercheurs vont étudier avecune précision inégalée lespropriétés électroniques dedifférents matériaux.

Pour révéler les propriétésquantiques des supraconducteurs,les physiciens du LPS réalisent desexpériences à très bassetempérature.

Les électrons, c’est du solide

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Représentationschématique desmomentsmagnétiques (ou spins)d’atomes decuivre au seind’un échantillond’oxyde appelééchelle de spins.

CONTACTSÔ Jean-Paul Pouget, [email protected]

Ô Julien Bobroff, [email protected]

Ô Véronique Brouet, [email protected]

Page 5: Quinze minutes pour donner l'alerte

VIEDESLABOS 9

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

GÉNÉTIQUE

Des gènes qui ont du chien

Ras, longs, lisses, bouclés, doux,rêches… Les poils des chiensdiffèrent considérablement

d’une race à l’autre. Et pourtant,« 95% des pelages canins sont régispar la combinaison de seulement troisgènes », explique Catherine André de

l’Institut de génétique et dévelop-pement de Rennes 1, dont l’équipecollabore depuis des années aveccelle d’Elaine Ostrander du NationalHuman Genome Research Institutede Bethesda (États-Unis), qui publieces résultats dans Science 2.Schématiquement, l’étude à laquellea activement participé le FrançaisÉdouard Cadieu, qui sera bientôtde retour dans l’équipe rennaise,s’est déroulée en trois temps. Toutd’abord, l’analyse a porté sur le

génome de 96 teckels présentanttrois pelages différents. Chaquecaractéristique – boucles, longueurdes poils, présence de moustaches,barbe et sourcils – a pu être asso-ciée à un chromosome. Ensuite, lesmêmes analyses ont été réaliséessur 903 chiens de 80 races diffé-rentes ce qui a permis d’identifier lesgènes, puis les mutations respon-sables de chaque pelage. Dès lors,plus de doute. La longueur des poilsdépend du gène FGF5, la barbe, lamoustache et les sourcils de RSPO2,et les boucles de KRT71 ; chaquepelage s’expliquant par la présenceou non de mutations sur ces troisgènes. Ainsi, le basset hound auxpoils ras et sans boucle présente lestrois gènes dans leur état ancestral,c’est-à-dire sans mutation. À l’ex-trême opposé, on trouve le bichonfrisé dont les trois gènes sont mutés.En résumé, « la combinaison de ces

trois gènes est à l’origine d’au moinssept grands types de pelages observéschez les chiens de race », conclutCatherine André.L’intérêt de ce résultat ne se limiteévidemment pas au look canin. Ildémontre que, chez le chien, il estpossible d’identifier l’origine géné-tique de caractères complexes. Etconfirme ainsi tout l’intérêt desmodèles canins dans l’étude d’au-tres mécanismes biologiques toutaussi complexes, les cancers parexemple.

Françoise Dupuy-Maury

1. Unité CNRS / Université de Rennes-I.2. Science, 2 octobre, vol. 326, n°5949, pp. 150-153.

VIEDESLABOS Actualités8

CONTACTÔ Catherine AndréInstitut de génétique et développement de [email protected]

Poils, boucleset moustaches :une histoire deseulement troisgènes.

ÉVOLUTION

Depuis longtemps, la communauté des paléontologues est divisée : lesprimates anthropoïdes sont-ils apparus en Afrique ou en Asie? Les travaux dedeux équipes de Montpellier pourraient mettre tout le monde d’accord.

Des racines en Asie

Nos racines sont-elles africaines ou asia-tiques? La controverse sur l’origine géo-graphique des primates anthropoïdes,lignée à laquelle sont rattachés les

humains et les singes, fait rage depuis une ving-taine d’années. Mais cet été, la balance pourraitavoir basculé vers l’Asie grâce aux travaux d’uneéquipe internationale à la tête de laquelle ontrouve deux laboratoires français : l’Institut dessciences de l’évolution de Montpellier (Isem) 1

et l’Institut international de paléoprimatologie,paléontologie humaine : évolution et paléoenvi-ronnements (Iphep) 2. Coup sur coup, leurs deuxarticles publiés dans la revue Proceedings of theRoyal Society B sont venus renforcer la thèseasiatique et saper les fondations de la tenacethèse africaine.Le premier article, publié en ligne le 1er Juillet,nous emmène au Myanmar (ex-Birmanie). Leschercheurs y ont mis au jour des fragments d’unnouveau primate fossile jamais ren-contré. Baptisé Ganlea megacanina,ce petit animal pesait environ 3 kg etvivait il y a 37 millions d’années dansune grande forêt tropicale. Il fait par-tie des Amphipitécidés, famille deprimates anthropoïdes aujourd’huiéteinte. « Ganlea megacanina possédait uneénorme canine qui lui servait à ouvrir lescoques dures des fruits et des graines.Cette spécialisation est véritablementcaractéristique des primates anthropoïdes,et on la retrouve aujourd’hui chez certainssinges du nouveau monde comme lesaki », explique Laurent Marivaux,chercheur CNRS à l’Isem. Ganleas’ajoute ainsi aux espèces de primatesanthropoïdes très anciennes précé-demment découvertes en Asie. Il y a 40 millionsd’années, les primates anthropoïdes étaient doncdéjà un groupe florissant, comptant de très nom-breuses espèces adaptées à des milieux divers.Mais il y a plus : « Ganlea montre que durant l’Éo-cène moyen, il y a entre 37 et 48 millions d’années,les anthropoïdes asiatiques étaient déjà très spéciali-sés, comme le prouve sa canine caractéristique »,conclut Laurent Marivaux. Ces travaux confor-tent donc l’idée que pour les anthropoïdes la pre-mière « radiation évolutive » – lorsqu’une espècese diversifie rapidement pour donner naissanceà plusieurs espèces – a eu lieu en Asie.

Puis, après avoir étayé l’hypothèse asiatique, noschercheurs se sont attaqués à l’hypothèse africainedans un article publié le 9 septembre. Cette der-nière hypothèse puisait sa force dans la décou-verte en 1992 de quelques dents d’un très vieuxprimate dans un site algérien, ce qui lui donnason nom, Algeripithecus. Il habitait une forêtprès d’un grand lac il y a 45millions d’années. Lesspécialistes l’avaient classé un peu trop rapide-ment parmi les anthropoïdes, ce qui semblaitsituer en Afrique le berceau de cette lignée. Mais voilà, nos systématiciens, à la lumière desnouveaux fossiles récemment découverts par

leur équipe dans le Sahara algérien, contestentcette classification. « Les caractéristiques morpho-logiques des mâchoires s’apparentent plutôt à cellesdes prosimiens, groupe qui comprend de nos jours leslémuriens de Madagascar, les galagos d’Afrique et lesloris d’Asie du Sud. Nous avons aussi trouvé unfragment de crâne où l’on peut voir une partie de l’or-bite qui correspond à celle d’un animal nocturne. Uncomportement typique d’un grand nombre de pro-simiens actuels », affirme Laurent Marivaux. En somme, Algeripithecus ne serait pas un pri-mate anthropoïde, mais appartiendrait plutôt ànotre lignée sœur, celle des prosimiens. Ainsi, lesplus anciens fossiles d’anthropoïdes ne provien-nent plus d’Afrique, mais d’Asie. Reste à présentaux chercheurs à mieux comprendre les migra-tions qui ont conduit ces animaux d’Asie en Amé-rique du Sud et en Afrique, là où une nouvellediversification a permis l’apparition de l’humain.

Sebastián Escalón

1. Laboratoire CNRS / Université de Montpellier-II.2. Laboratoire CNRS / Université de Poitiers.

Mâchoire inférieure de Ganleamegacanina mise au jour auMyanmar. Son énorme canineconforte l’idée de l’origineasiatique des anthropoïdes.

Localité de Pokkaung où les fossiles de très anciens anthropoïdesont été découverts. À cette époque, la région était couverte d’uneépaisse forêt tropicale.

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

BIOINGÉNIERIE

Les lymphocytes n’ont qu’à bien se tenir

Une bouteille d’encre, un jeude plumes, c’est tout ce qu’ilaura fallu à une équipe fran-

çaise comportant des chercheursdu CNRS pour fabriquer un outildiablement efficace servant à étu-dier les cellules vivantes sans lesendommager : une biopuce à anti-corps. À ceci près que chacune desplumes ne mesure qu’un millimè-tre de long, dix fois moins de largeet surtout cinq micromètres d’épais-seur. L’encre? C’est en fait une solu-tion de polymères et d’anticorps qui,déposée en gouttelettes de 7 micro-mètres de diamètre sur une lame deverre grâce auxdites plumes, estcapable de piéger toutes sortes decellules, en particulier les lympho-cytes du système immunitaire quiont pourtant la réputation de ne passe laisser facilement attraper.L’exploit a fait la une de Small, uneimportante revue de nanotechno-logies. « C’est le fruit d’une collabo-ration entre trois équipes, raconte

Liviu Nicu, du Laboratoire d’ana-lyse et d’architecture des systèmes(Laas) 1, à Toulouse. Avec nos collèguesde l’unité Structure et propriétés d’ar-chitectures moléculaires (Spram) 2 àGrenoble, nous avons démontré qu’il estpossible de piéger des lymphocytes indi-viduellement, pour les étudier, et suivreleur réaction en présence, par exemple,d’une molécule pharmaceutique grâceà différentes techniques d’imagerie. Onpeut ainsi pénétrer dans l’intimité desmécanismes cellulaires. »Pour créer cet outil d’analyse inédit,les chercheurs ont employé le robotde dépôt de solutions biologiquesBioplume, un peigne formé de douzeplumes de silicium conçu et brevetéau Laas. Chaque plume peut dépo-ser une gouttelette de 1 à 20micro-mètres (le diamètre varie selon ladurée du contact) sur une lame deverre recouverte d’un film d’or. «LeSpram a mis au point un polymèrecapable de fixer toutes sortes de molé-cules biologiques, dans ce cas des anti-

corps, détaille Liviu Nicu. C’est unesorte de colle qui, une fois soumise à unchamp électrique émis par l’électrodeintégrée à chaque plume, lie les anti-corps au support de verre.» Il suffitensuite de tremper la biopuce ainsicréée dans un échantillon de cellu-les sanguines pour que les anticorpsse fixent à la membrane des lym-phocytes qui leur sont spécifiques, lespiégeant sans les tuer. Chaque plotretient alors une seule cellule.Depuis des années, des dispositifsinspirés des imprimantes à jet d’en-cre sont utilisés pour fabriquer despuces biologiques. « Mais la tailleminimale des gouttes est de l’ordre decent micromètres. Avec Bioplume, onpeut faire cent fois plus petit, et doncbeaucoup plus dense ! » À l’avenir,l’équipe espère déposer des anti-corps de nature différente autourd’un site de capture d’une cellule.« Nous pourrions ainsi reconnaître lessécrétions d’une cellule mise en pré-sence d’une molécule thérapeutique »,

pronostique Liviu Nicu, qui rappellequ’une « licence du brevet sur Bio-plume a été vendue à Microbiochips,une entreprise française. »

Denis Delbecq

1. Laboratoire CNRS.2. Laboratoire CNRS / CEA / UniversitéGrenoble-I.

CONTACTSÔ Liviu NicuLaboratoire d’analyse etd’architecture des systèmes,[email protected]

Ô Yoann Roupioz.Structure et propriétésd’architectures moléculaires,[email protected]

Ces douze microplumes déposent desanticorps sur une lame de verre pour ypiéger des cellules vivantes.

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CONTACTSInstitut des sciences de l'évolution de Montpellier

Ô Laurent Marivaux [email protected]

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le paludisme qui nécessite un hôte intermé-diaire (le moustique) pour infecter un indi-vidu. Pour remédier aux obstacles éthiquesliés au fait de laisser une partie de la popula-tion sans soins, Florence Débarre s’attelle àconcevoir un nouveau modèle incluant deuxtraitements : une partie de l’environnementserait traitée avec une molécule, et le reste parune autre. Mais cette fois, les chercheursdevront prendre en compte le phénomènecomplexe de multi-résistance. À suivre.

Caroline Dangléant

1. Centre CNRS / Universités Montpellier-I, -II, -III /Ensa Montpellier / Cirad/Éc. pratique des hautes études.

C’est un phénomène qui pourrait deve-nir inquiétant : face à l’utilisation àgrande échelle de médicaments, cer-tains agents pathogènes – parasites,

bactéries ou virus – deviennent résistants àceux-ci. De nombreuses études ont déjà étémenées pour trouver une parade, mais ellesconcernent toutes des mélanges de moléculesthérapeutiques ou leur alternance dans le temps.Aujourd’hui, des chercheurs du Centre d’éco-logie fonctionnelle et évolutive (Cefe) de Mont-pellier 1 proposent une autre piste : traiter seu-lement certaines zones géographiques. Jusqu’ici, l’organisation spatiale n’avait jamaisété prise en compte. Or, selon le modèle déve-loppé par l’équipe montpelliéraine, il suffit detraiter seulement une partie de la population– humains, animaux ou plantes – pour empê-cher l’évolution du phénomène de résistance.Si ces résultats soulèvent des problèmes éthi-ques rédhibitoires quand il s’agit de traiter deshumains, l’idée pourrait s’appliquer avec moinsd’états d’âme à un champ de blé.Ces conclusions découlent d’un effet bienconnu des biologistes de l’évolution : l’appari-tion d’une résistance à un médicament a uncoût. Prenons l’exemple d’une bactérie résis-tante à un antibiotique. Dans un environne-ment dépourvu de la molécule thérapeutique,les microbes non résistants sont plus compé-titifs que ceux capables de survivre à l’anti-biotique. On dit alors de ces derniers qu’ilssont contre-sélectionnés. Le modèle développépar Florence Débarre, doctorante au Cefe, et sescollègues, Sylvain Gandon et Thomas Lenor-mand, confirme que dans un milieu non traité,les bactéries résistantes disparaissent natu-rellement. Quand la surface de la zone soi-gnée est inférieure à une valeur seuil, la résis-tance ne peut plus se propager. Le modèlepermet ainsi de connaître cette taille critiqueen rentrant simplement des paramètres telque le taux de diffusion du pathogène dansl’espace et celui de guérison de la maladie. Enoutre, il fonctionne avec n’importe quel agentpathogène, parasite, bactérie ou virus, et quel-que soit le type de transmission d’une maladie :directe comme la grippe, ou indirecte comme

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Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Tous les mois, les astronomes du CNRS accumulent les résultats. Ces derniers temps, la moisson s’estmême montrée excellente. La preuve avec trois découvertes récentes. Par Vahé Ter Minassian

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Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

ASTRONOMIE

Scintillement de découvertes

Située à 600 années-lumièrede la Terre, Bételgeuse estl’une des étoiles les plus gros-

ses et les plus brillantes que l’onconnaisse avec une taille et uneluminosité de respectivement1000 et 100000 fois celle de notreSoleil. Mais ce mastodonte est unastre moribond, une supergéanterouge vouée d’ici quelques mil-liers d’années à exploser sousforme de supernova. En attendant

sa fin, il rejette dans l’espaced’énormes quantités de matière,formant autour de lui un immensenuage de gaz moléculaire. Pour lapremière fois, une équipe inter-nationale menée par Pierre Ker-vella, astronome au Laboratoired’études spatiales et d’instrumen-tation en astrophysique 1 présentedans la revue Astronomy & Astro-physics 2 une image de cette enve-loppe. Réalisée grâce à l’instru-

ment NACO installé sur l’un destélescopes du Very Large Telescope(VLT) au Chili, celle-ci montre quel’épanchement de Bételgeuse dansl’espace n’est pas uniforme. Il sefait depuis la surface de l’objetcéleste par l’intermédiaire de troispanaches, donnant forme à un trè-fle à trois feuilles. Cette asymétrieest sûrement due à la présence ausein de l’étoile d’immenses rou-leaux de convection mettant en

mouvement le gaz qu’elle ren-ferme. Coup de chance : dans lamême revue, une autre équipe tra-vaillant au VLT annonce justementqu’elle a observé l’un de ces rou-leaux !

1. Unité CNRS / Universités Paris-VI et -VII / Observatoire de Paris.2. Article sous presse.

Ô Pierre KervellaLaboratoire d’études spatiales etd’instrumentation en astrophysique, [email protected]

MYSTÈRE RÉSOLU

Une équipe travaillant sur l’instrumentSophie de l’observatoire de Haute-Pro-vence 1 vient de publier dans la revue

Nature 2 la résolution du mystère de DI Her-culis, un système de deux étoiles à l’orbitecommune. Depuis vingt ans, les astrono-mes n’arrivaient pas à comprendre le mou-vement de précession, c’est-à-dire l’évolu-tion au cours du temps de cette orbite, allantmême jusqu’à remettre en cause des théoriesen vigueur comme celles d’Einstein. L’ex-plication se cache dans les axes de rotationdes deux astres sur eux-mêmes. Cas uniquedans l’histoire de l’astronomie, ils seraientdirigés non pas perpendiculairement maisdans le plan de leur orbite commune.

1. Unité CNRS.2. Nature, vol. 461, pp. 373-376.

Ô Michel BoerObservatoire de [email protected]

UNE SUPER TERRE

C’est confirmé : CoRoT-7b est bien la pre-mière exoplanète d’une densité voisinede celle de la Terre. Une équipe inter-

nationale travaillant sur le spectromètre Harpsde l’Observatoire européen austral (ESO) etimpliquant des équipes de l’Institut nationaldes sciences de l’Univers (Insu) dont l’ob-servatoire de Haute-Provence1 et le Laboratoired’astrophysique de Marseille 2 a étudié cetastre découvert en février par le satelliteCoRoT du Centre national des études spa-tiales (Cnes) 3. Résultat : CoRoT-7b serait bienun astre recouvert de lave ou de vapeur d’eau,où règnerait une température de 2000 °C.Avec une masse de cinq fois celle de la Terrepour une taille 80 % supérieure, cet objetcéleste est à ajouter aux rares exoplanètesrocheuses connues à l’heure actuelle.

1. Unité CNRS.2. Unité CNRS / Université Aix-Marseille-I.3. Lire Le Journal du CNRS n°230, p.4.

Ô François BouchyInstitut d’astrophysique de Paris, [email protected]

Ô Claire MoutouLaboratoire d’astrophysique de [email protected]

MÉDECINE

CONTACTÔ Florence DébarreCentre d’écologie fonctionnelle et évolutive,[email protected]

Un modèle qui faitreculer la résistanceSelon des chercheurs, il suffirait de traiterdifféremment certaines zonesgéographiques pour lutter contre larésistance aux médicaments développéepar des agents pathogènes.

C’est la taille en micronsdes miroirs développéspar les équipes duLaboratoire d’analyse etd’architecture dessystèmes du CNRS et duLaboratoire de biologiemoléculaire des

eucaryotes (CNRS / Université Toulouse-III). Ces micromiroirs en forme de V, quirappellent ceux de nos salles de bain,sont à la base d’une nouvelle méthode devisualisation des cellules vivantes en 3Dqui permet l’observation de processusbiologiques, comme les mouvements del’ADN dans le noyau.

LE CHIFFRE

Bételgeuse a uneenveloppe enforme de trèfle. Lesastronomes en ontdéduit desinformations surses mouvementsinternes.

CoRoT-7b est lapremièreexoplanètedécouverteayant unedensité prochede celle de laTerre.

Les axes derotation de cesdeux étoilesseraient dirigésdans le plan deleur orbitecommune.

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À forced’utilisermassivementles mêmesremèdes,bactéries, virus et autres parasites développent des résistances.

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UNE ÉTOILE BIEN ENVELOPÉE 3

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VIEDESLABOS Actualités12

ANTHROPOLOGIE

Pour connaître les vraies habitudes alimentaires des adolescents, des scientifiques les ont observésdans leur quotidien. Et leurs premières conclusions vont contre bien des idées reçues.

Les adolescents bien dans leurs assiettes

Certains chercheurs du CNRS 1 et ensei-gnants-chercheurs 2 des universités deMarseille et de Strasbourg ont de biencurieuses manières. En effet, depuis deux

ans déjà, quinze d’entre eux squattent ferme-ment la cuisine d’honnêtes citoyens, passentavec eux leurs fêtes de famille, s’invitent à lacantine du petit, se servent même généreuse-ment et sans vergogne une jolie part de bûche lejour de Noël. Ne riez pas, cela pourrait aussivous arriver. Car la vaste enquête sur l’alimen-tation adolescente qui a déjà mené ces sociolo-gues, ethnologues et bio-anthropologues chezplus de cinq cents familles n’est pas encore bou-clée. Il reste un an de travail et de terrain avantle grand colloque international prévu en 2010 quidevrait se tenir au siège du CNRS. Heureuse-ment, les chercheurs du programme Ocha(Observatoire Cniel 3 des habitudes alimentai-res), impatients, nous ont déjà livré leurs premiersrésultats les 12 et 13 octobre derniers, lors ducolloque AlimAdos à Paris. Et ils sont déconcertants. Pre-mière chose observée : aucunpéril jeune sur la fameusemalbouffe, souvent décriée.Certes, les adolescentsconsomment des hambur-gers, des sodas et des pizzas.Mais en famille, ils aiment labonne cuisine, diversifiée,celle qu’on prend ensemble. Etils font même souvent l’élogede la cuisine de leur grand-mère. Deuxième chose, « lanourriture leur permet de seconstruire une identité, décrypteGilles Boëtsch, directeur derecherche et président duConseil scientifique du CNRS.Dis-moi ce que tu manges et jete dirai qui tu es. Aujourd’hui,l’aliment renvoie aux pratiquesalimentaires, à la religion, à lamode, aux régimes, à une convi-vialité intergénérationnelle etentre pairs. Mais aussi à la dif-férence entre filles et garçons. »Ces derniers mangent des ali-ments énergétiques, de laviande, des sandwichs, despâtes, pour être plus forts. Tan-dis que les filles tiennentcompte de leur ligne à partir

de 12 ans et achètent des salades toutes faites etdes fruits. Si les garçons se soucient aussi deleurs corps, ils le sculptent plus avec le sportqu’en ayant recours aux restrictions alimentaires.Autre chose importante, « il n’y a pas de véritablerisque sur l’obésité ou l’anorexie, martèle GillesBoëtsch. En réalité, les adolescents sont plutôt satu-rés de messages nutritionnels, type “cinq fruits etlégumes par jour”. » Mais ceux-ci sont souventcontradictoires : il leur faudrait surveiller leuralimentation en se faisant plaisir, et le tout en res-tant mince. La culpabilité qui en découle faittanguer certains ados entre des comportementsraisonnables la plupart du temps et des après-midide tentations où ils ingèrent barres chocolatées,bonbons et sodas.Enfin, il y a le discours sur le sain, le malsain. Lesaliments mous, bouillis ou gélatineux jugésécœurants, et ceux, crus et frais, avec une bellecouleur, à adopter. « L’aspect prime sur le goût, ilsdoivent pouvoir reconnaître ce qui est dans leur

assiette », retient Véronique Pardo, anthropologueà l’Ocha et coordinatrice du programme ANRAlimAdos. Reste une question, de taille. Comment un cher-cheur en vient-il à passer ses journées penduaux basques d’un adolescent et à tenter l’aventureinsolite de se fondre dans la masse de son grouped’amis ? « Les chercheurs disposaient de grandestendances sociologiques et d’indicateurs, sur l’ali-mentation adolescente, mais d’aucun résultat qui soitbasé sur les pratiques alimentaires réelles », expliqueVéronique Pardo. Pour comprendre la relation desadolescents à leur corps et à leur alimentation,et connaître leurs habitudes et leurs ressentis, « ilnous fallait privilégier une approche ethnographico-anthropologique, la seule capable de prendre encompte la diversité de la population française à tra-vers la richesse de nombreux parcours migratoires,mais aussi d’horizons culturels, religieux ou socio-économiques différents. »Le programme Ocha a donc construit son projetavec deux laboratoires CNRS, l’un tourné vers laMéditerranée et l’autre vers le monde germani-que, avec chaque fois, une culture alimentairerégionale forte et des populations d’origines dif-férentes. Enfin grâce au financement du Cniel etde l’ANR, cette méthodologie du « vivre avec » apu voir le jour. « Pour approcher les adolescents, lesoutien de l’Éducation nationale, des collèges, lycéeset académies a été déterminant. Après les premierscontacts concluants, il ne nous restait plus qu’à lessuivre de la maison à la cantine, en passant par lescentres commerciaux, sociaux, les locaux associatifs,les parcs et les rues. » Ajoutez-y beaucoup d’en-tretiens (à ce jour 1 500) et, entre autres, des car-nets confiés aux adolescents qui y ont consignéleurs repas pendant la semaine, vous obtenezla recette avec laquelle les chercheurs vont conti-nuer à nous concocter de nouvelles surprisessur l’alimentation des adolescents.

Camille Lamotte

1. Unité Anthropologie bioculturelle (CNRS / Université dela Méditerranée / Établissement français du sang Alpes-Méditéranée).2. Cultures et sociétés en Europe (CNRS / Université deStrasbourg).3. Centre national interprofessionnel de l’économie laitière.

Mission VIEDESLABOS 13

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

ARCHÉOLOGIE

Les peintures du désertvont enfin parler

Dans un décor grandiose fait de rocheset de sable ocres, une immense cara-vane progresse lentement le long d’unchemin escarpé. Ânes et chameaux por-

tent les outils et les vivres, accompagnant ungroupe d’une dizaine de personnes sous un soleilde plomb. L’image pourrait sortir tout droit d’unrécit d’anciens explorateurs. C’est pourtant bienainsi que les membres de la mission archéolo-gique franco-algérienne Tassili vont rejoindre,le 20 novembre prochain et pour un mois, leurlieu de fouilles dans le Sahara algérien. « L’accèsau site est très difficile et même un peu dangereux,indique Jean-Loïc Le Quellec, directeur de recher-che CNRS au Centre d’études des mondes afri-cains1 qui codirige la mission avec Malika Hachid,du Centre national de recherches en préhistoire,anthropologie et histoire d’Alger (CNRPAH)2. Ilfaut déjà quatre heures pour grimper sur le plateaudu Tassili, à plus de 1 000 mètres d’altitude, et il resteencore à rejoindre le site proprement dit, à Sefar.Ce n’est pas vraiment une promenade de santé. »Pourquoi tant d’efforts ? Les archéologues ontun objectif : analyser et dater les peintures rupes-tres de Tassili. Des peintures célèbres pour leurbeauté et leur nombre –il en existe des centainesde milliers dans toute la région– mais que les pré-historiens ont été incapables de dater précisé-ment jusque-là. « C’est l’archéologue français HenriLhote [ndlr : alors chargé de recherche au CNRS]qui les a fait connaître au grand public dans lesannées 1950 », raconte Jean-Loïc Le Quellec. Àl’époque, ces grandes fresques, peintes à l’airlibre sous des abris rocheux, fascinent. Il s’agitd’un véritable « documentaire en images », commel’appelle Jean-Loïc Le Quellec, sur les popula-tions qui vivaient dans la région lorsqu’elle étaitencore luxuriante. On y voit des animaux –élé-phants, girafes, hippopotames...– qui ont depuislongtemps fui le désert. Sont croquées des scè-nes de la vie quotidienne, comme ces bœufsmontés par des hommes. À Sefar, là où l’équipea décidé d’installer son campement, une peinturehaute de trois mètres représente une figureanthropomorphe. Les spécialistes l’appellent le« grand dieu de Sefar » mais d’autres, plus facé-tieux, aiment y voir un martien. « Les animauxsont représentés de manière si réaliste que ceux quiles ont dessinés les ont forcément vus, estime Jean-Loïc Le Quellec. Or nous savons que ces espèces

vivaient bel et bien dans le Sahara alors qu’il étaitencore vert mais qu’elles l’ont quitté lors de la déser-tification, environ 2000 ou 3000 ans avant notreère. » Voilà qui donne une limite à l’âge de cespeintures. Mais ont-elles été réalisées il y a cinqmille ans ? Dix mille ans ? « Bien qu’elles soient detoute beauté, sans leur âge exact, elles perdent de leurintérêt. Après avoir soulevé l’enthousiasme des pré-historiens, elles sont peu à peu tombées dans l’oubli.Seuls les historiens de l’art et les touristes ont conti-nué à s’en soucier », admet Jean-Loïc Le Quellec.Aujourd’hui, la donne a changé. Les archéologuesdisposent de nouvelles techniques bien plus per-formantes pour dater les vestiges. D’où cettenouvelle expédition, qui va permettre à la fois deprélever des échantillons de peintures, qui serontensuite analysés dans les laboratoires partenai-res, et d’explorer le sol, à la recherche d’indicessur les techniques de peinture. « Grâce aux tech-niques de datation au carbone 14, explique l’ar-chéologue, nous allons essayer de donner un âge auliant qui a servi à fixer les pigments, lesquels serontaussi analysés afin d’en déterminer la nature exacte. »La thermoluminescence, qui permet de dater lemoment où des matériaux siliceux ont été expo-sés au jour pour la dernière fois, devrait dater lesable de remblais, au pied des fresques. C’estégalement là que les scientifiques vont creuser,

à la recherche d’objets laissés par les peintres :pinceaux, colorants, godets à peinture. Des rele-vés photographiques – tant en lumière visiblequ’en infrarouge et en ultraviolet – seront aussieffectués. « Évidemment, nous allons devoir confron-ter nos résultats à d’autres sites », indique Jean-Loïc Le Quellec. Il espère ainsi mettre en placedeux campagnes annuelles pendant trois ou qua-tre ans et étudier les fresques de l’Ahaggar et del’Atlas saharien. C’est à ce prix que les peinturesrupestres du Sahara deviendront des témoigna-ges utiles de l’histoire du peuplement du conti-nent africain.

Fabrice Demarthon

1. Unité CNRS / École pratique des hautes études de Paris /Université Aix-Marseille-I / Université Paris-I.2. Le projet associe le Centre de recherches préhistoriques,anthropologiques et historiques (Ministère de la Culturealgérien), l’office du Parc national du Tassili à Djanet, leLaboratoire du centre de recherche et de restauration desmusées de France (CNRS / Ministère de la Culture et de laCommunication), le Laboratoire de mesure du carbone 14(CNRS/CEA/IRD/IRSN/Ministère de la Culture et de laCommunication) et le Centre de recherche en physiqueappliquée à l’archéologie (CNRS/Université de Bordeaux).

CONTACTSÔ Gilles BoëtschAnthropologie bioculturelle, [email protected]

Ô Véronique PardoObservatoire Cniel des habitudes alimentaires,[email protected]

CONTACTÔ Jean-Loïc Le QuellecCentre d’études des mondes africains, [email protected]

En novembre, des archéologues français et algériens vonts’installer sur le plateau du Tassili, dans le Sahara. Leur but :enfin dater les somptueuses peintures rupestres de la région.

Les sites despeintures de Tassili ne sont pas facilesd’accès (à droite).Mais celles-ciconstituent unformidabletémoignage de la vieau Sahara avant sadésertification(ci–dessous).

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Contrairement aux garçons, les adolescentes s’orientent très tôt vers lessalades et les fruits.

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INNOVATION 15

ARCHÉOLOGIE

Grâce à Archeoscan, les relevés de ter-rain sur les chantiers archéologiquesdeviennent beaucoup plus rapides et

efficaces. Mis en œuvre par le Laboratoire degéographie physique et environnementale(Geolab) 1 et Veodis-3D, entreprise innovantecréée début 2009 par Stéphane Petit, anciendoctorant au Geolab, le dispositif comprenddeux appareils à faisceau laser. Le principeest simple : on dirige le laser vers un objetdont on souhaite acquérir toutes les carac-téristiques de dimension. Et le temps deparcours du faisceau laser jusqu’à un pointde sa surface permet de calculer la distanceprécise à ce point. Il n’y a plus qu’à balayertoute la surface pour obtenir les donnéespermettant de la reconstituer point par point.Balayage justement automatique avec lesappareils en question, dits lasers-scanners 3D.« L’intérêt est immense par rapport au théodo-lite, commente Frédéric Surmely, chercheurau Geolab, car cet instrument d’optique, tra-ditionnellement utilisé en archéologie, ne permetque le relevé de 500points par jour. Tandis queles lasers-scanners peuvent enregistrer plusieursmillions de points en quelques minutes avecune précision de quelques millimètres ! » Cettetechnologie, pourtant utilisée depuis plusde dix ans pour reconstituer virtuellement desmonuments ou des grottes, n’avait pas encoreété utilisée sur les sites de fouilles. « Il fautnoter que dans ces cas-là, nous ne disposonsque d’un temps d’accès limité sur le terrain, aucontraire d’un monument classique », reprend

Frédéric Surmely, qui a testé Archeoscandans le Massif central en juillet dernier dansle cadre d’un programme de recherches. « Ilfaut donc parfois composer avec des conditionsmétéo qui deviennent subitement mauvaises. »Sans parler des découvertes surprises, enmême temps que l’on creuse, et qui récla-ment des relevés rapides à chaque étape,même si on se trouve coincé au fond d’unetranchée ! Veodis-3D et le Geolab ont doncdéveloppé conjointement une méthode afind’adapter cette technique laser à l’archéolo-gie. Utilisation de nacelles, de plateaux tour-nants, autant d’astuces et de méthodologiesmises au point pour faire face à toutes lessituations. « Au Geolab, nous sommes aussien train de développer un logiciel d’analyse deformes automatisée, à partir des données rele-vées avec Archeoscan », achève l’archéologue.Il permettra par exemple de comparer desséries d’outils, d’obtenir instantanémentleurs caractéristiques, de connaître le rapportentre la longueur, la largeur et le volumed’une lame en silex, etc. « Repérer en un clind’œil un objet qui sortirait du lot sera un gainde temps très appréciable pour toutes les recher-ches en archéologie », conclut-il.

Charline Zeitoun

1. Unité CNRS / Université Clermont-Ferrand-II /Université de Limoges.

CONTACTÔ Frédéric SurmelyGeolab, [email protected]

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L’Anvie est un organisme incontournable enmatière de valorisation de la recherche ensciences humaines et sociales auprès desentreprises. Quelles sont les recettes de cesuccès?Antoine Rebiscoul : Nous essayons de compren-dre quels sont les enjeux humains, sociaux etsociétaux des entreprises. Car leurs performan-ces et leur productivité en dépendent. Pour cela,l’Anvie se met à l’écoute à la fois du monde éco-nomique et des dernières avancées de la recher-che en sciences humaines et sociales. Ce travailde veille et d’analyse prospective permet de conce-voir et de proposer aux grandes entreprises fran-çaises une quarantaine d’opérations annuelles surdes questions à la pointe de leurs préoccupa-tions. « Le comportement du consommateur enmagasin », « la gestion du stress et du bien-êtreau travail » sont des exemples de thématiquesabordées. Ces actions menées sous forme d’ate-liers, de groupes de travail interentreprises ou biende séminaires internes, assurent la médiationet la collaboration entre la recherche et les firmes.Elles mobilisent environ 300 chercheurs et1 000 cadres d’entreprise.

Plus concrètement, comment se déroulent cesopérations?A. R. : Ensemble, chercheurs et cadres supérieursréfléchissent, comparent, échangent leurs connais-sances et leurs expériences pour réussir à conce-voir des actions innovantes. Lors d’un groupe detravail sur le développement de la précarité 1, parexemple, GDF Suez et d’autres sociétés souhai-taient construire une réflexion autour de la mise

en œuvre de nouvelles actions préventives pourlutter contre la précarité. Grâce à l’éclairage d’in-tervenants tel que Serge Paugam, sociologue etdirecteur de recherche CNRS au Centre Maurice-Halbwachs 2, elles ont pu en comprendre lescomposantes et identifier les processus qui yconduisent. Ces échanges ont donné des pistes auxétablissements pour maintenir leur activité touten essayant de permettre l’accès à leurs servicesau plus grand nombre (mise en place de tarifs pré-férentiels par exemple).

La RATP, Sanofi Aventis, la SNCF… Plus d’unetrentaine d’entreprises ont adhéré à l’Anvie etplus d’une centaine participent à ses actions.Qu’est-ce qui les pousse à vouloir engager cesréflexions?A. R. : Alors que les entreprises raisonnent defaçon économique, les sciences humaines etsociales s’intéressent davantage à la société dansson intégralité : ses usages, ses catégoriessocioprofessionnelles, etc. Ellesabordent l’impact des faits desociété sur l’activité écono-mique et industrielle sousl’angle de la sociologie, ladémographie, l’écono-mie, la psychologie ouencore l’ethnologie. Lamultiplication des dis-ciplines donne unevision stratégique com-plète aux entreprisespour être plus per-formantes et compé-

gner de façon concrète les entreprises et de réus-sir à mettre en œuvre, ensemble, des solutionspratiques. Solutions qui pourraient, pourquoipas, être par la suite diffusées et enseignées.Pour cela, une modification des formats desgroupes de travail, ateliers et autres modalités d’in-tervention est nécessaire : augmentation de leurdurée, du nombre et du type d’interlocuteursdans les entreprises (direction marketing, inno-vation), des universitaires et de chercheurs, etc.Plus que jamais, la situation économique etsociale actuelle, par les mutations qu’elle porteen elle (crises économique, écologique ou envi-ronnementale), nécessite de favoriser des lieuxau croisement de la recherche universitaire et dela direction d’entreprise.

Propos recueillis par Géraldine Véron

Ô En ligne : www.anvie.fr

1. Groupe de travail « Précarité : nouvel enjeu pour l’entrepriseen Europe? », présidé par Bernard Saincy, directeurresponsabilité sociétale, GDF Suez, juin 2009.2. Centre CNRS/École des hautes études en sciences sociales/Université de Caen / École nomale supérieure de Paris.3. Bruno Marzloff, Mobilités, trajectoires fluides, éditions del’Aube, juin 2005, 240 pages.

SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

Dialogue avec les entreprises

INNOVATION Entretien

Depuis 18 ans, l’Association nationale de valorisation interdisciplinaire des sciences humaines et socialesauprès des entreprises (Anvie) éclaire les décisions des cadres supérieurs de grands groupes français.Antoine Rebiscoul, son nouveau délégué général, décrypte comment l’Anvie a réussi ce pari osé.

Passer les fouilles au scanner

Un des deux laser-scanners 3D dudispositif Archeoscancapable d’enregistrerdes millions de pointsen quelques minutes.

Reconstitution, nonachevée, d’une partiede bâtiment médiévalsur un site du Cantalgrâce à Archeoscan.

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CONTACTÔ Antoine RebiscoulAnvie, [email protected]

titives. C’est pourquoi, nous ne souhaitons pas,lors de nos opérations, valoriser une disciplineau détriment d’une autre. Les sciences humaineset sociales sont devenues pour les entreprisesun enjeu d’innovation et de développement.

Auriez-vous un exemple?A. R. : Les résultats d’une étude sociologique 3

sur l’analyse de la mobilité et son évolution– aussi bien celle des personnes que celle desobjets, des services ou des informations – ontpu montrer que la voiture en ville aujourd’huin’avait de sens que si elle était facilement acces-sible, pouvait circuler et se poser là où on le sou-haitait. Les normes sociétales, les contrainteséconomiques (prix de l’essence élevé, coût dustationnement, crise du pouvoir d’achat…) etenvironnementales se sont modifiées. Pourrépondre à ces nouvelles préoccupations, la SNCFa par exemple répondu à l’appel d’offres pour lamise en place de voitures électriques en libre

service (Autolib’). Son objectif ? Faire venirles voyageurs dans ses trains et donc

jusqu’à la gare.

En tant que nouveaudélégué général del’Anvie, quellesévolutions souhaitez-vousconcernant ces échangesentre la recherche ensciences humaines et

sociales et l’entreprise? A. R. : L’Anvie fonctionneessentiellement sous la

forme de moments ponc-tuels d’échanges et de

concertation. Ces derniers ontpu servir d’amorces à la for-

mulation de projets concernantpar exemple la diversité dans le

corps social de l’entreprise,les politiques de motiva-

tion des collaborateurs…Or, notre ambition est

d ’ accompa -

Le CNRS est fortement impliqué dans cette association depuis sa création en1991. Aux côtés de plusieurs institutions de recherche (Maison des sciencesde l’homme, École des hautes études en sciences sociales), de grandesentreprises (Danone, Lafarge, Pechiney, L’Oréal, Caisse d’Epargne, Elf) et despouvoirs publics, le CNRS a manifesté la nécessité de rapprocher larecherche en sciences humaines et sociales des enjeux concrets desentreprises. Aujourd’hui encore, avec son vivier d’experts ensciences humaines et sociales, il participe grandement auxactions organisées par l’Anvie.

G. V.

LE CNRS ET L’ANVIE : UNE ÉTROITE COLLABORATION

BRÈVE

Le salon Pollutec Horizons se tiendra cetteannée du 1er au 4 décembre au parc desexpositions Paris-Nord-Villepinte, en régionparisienne. Près de 40000 professionnels de l’environnement sont attendus par quelque1500 exposants. Cette nouvelle édition mettral’accent sur les applications environnementalesdes biotechnologies et celles relatives aux fluides supercritiques –une alternative aux solvants classiques– et aux membranes,notamment pour la filtration. Elle continueraaussi à promouvoir des techniques porteusesd’avenir présentées lors des précédenteséditions telles que la photocatalyse ou letraitement de surface. Comme chaque année,les chercheurs du CNRS y seront en nombre. En 2008, plusieurs équipes du CNRS avaientd’ailleurs été lauréates des Prix des techniquesinnovantes pour l’environnement.> Pour en savoir plus : www.pollutec.com

L’environnementtient salon

DR

Page 9: Quinze minutes pour donner l'alerte

circonscrites, sont habituellement vaccinéessans qu’on dispose de résultats d’essaiscliniques. Cela ne veut pas dire que le vaccinactuel présente plus de risques pour elles que pour les autres, mais que nous voulonsvérifier l’immunogénicité 4 du vaccin dans ces populations. D’ailleurs, il est peu différentde celui de la grippe ordinaire, en dehors du fait qu’il contient un adjuvant, substancequi accélère et amplifie la réponseimmunitaire. Dans le cas présent, il s’agit d’un adjuvant huileux déjà utilisé pour lagrippe depuis plus de cinq ans 5 aux États-Unissans effets néfastes.

D’autres projets de recherche ont-ils été lancésen France?B. A. : Oui, une quinzaine. Parmi eux, citonsles recherches visant à développer les systèmesde diagnostic précis adaptés aux étudesépidémiologiques. Les méthodes actuellesréclament en effet un matériel de pointe qu’onne peut solliciter pour chaque cas. Citonségalement la recherche de facteurs génétiquesassociés aux formes graves de la maladie. Et bien sûr, des recherches fondamentales surle virus lui-même. L’ensemble de ces étudesnous permettra de tirer des leçons de cetépisode pandémique. Elles serviront peut-êtrevis-à-vis de futurs virus de ce type, issus desdifférentes espèces chez lesquelles ils ontséjourné. Ils ont toujours existé et nousdevrons à l’avenir leur livrer bien d’autresbatailles.

Propos recueillis par Charlie Zeitguer

1. Unité CNRS / Université Paris-VI / Inserm / Assistancepublique hôpitaux de Paris.2. Protéine particulière présente à la surface du virus de lagrippe.3. New England Journal of Medicine, publié en ligne le10 septembre 2009.4. Capacité à induire une réaction immunitaire.5. Vaccin Gripguard de la firme Chiron-Novartis.

La campagne de vaccination contre la grippe A,dont on redoute une pandémie, a commencé.Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est levirus H1N1 responsable de cette grippe ?Brigitte Autran : C’est un virus de typeinfluenza A, le plus fréquemment impliquédans les grippes humaines. Mais il s’agit d’un variant d’origine porcine avec lequell’homme n’avait jamais été en contact. Son hémagglutinine 2 (H) est de type 1,d’où le nom du virus. Elle fait partie de l’arsenal utilisé par celui-ci pour se fixer aux récepteurs des cellules de nos muqueuseset les infecter. Ces récepteurs sont trèssimilaires à ceux du porc, c’est pourquoi le virus a facilement été transmis à l’humain.De plus, nos récepteurs du nez, de la gorge et de la trachée sont très sensibles à l’hémagglutinine en question. La contamination par voie aérienne, quand on parle, on éternue, etc., est donc très forte.Mais un tel virus provoque surtout des infections bénignes. Au contraire dufameux H5N1, dont on parlait tant l’an dernier,qui touche surtout les récepteurs de l’arbrerespiratoire bas (bronches et bronchioles), qui se répand donc moins facilement dans la population, mais provoque plus de pneumonies graves voire mortelles.

Alors pourquoi ce branle-bas de combat autourdu H1N1?B. A. : Nous avons presque tous gardé en mémoire dans notre système immunitairedes réponses au virus de la grippe ordinairedont les variants circulent annuellement dansl’humanité. Mais le variant H1N1 est différent.Notre système immunitaire est naïf face à lui.Plus d’individus seront donc infectés. Par ailleurs, une grippe ordinaire, même si elleest en général bénigne, provoque toujours un petit pourcentage de formes graves. Si le nombre total de cas augmente, celui desformes graves nécessitant une hospitalisationaussi. La responsabilité des pouvoirs publicsest donc certes de limiter la propagation

du virus, mais surtout d’en limiter la gravité en recommandant à la population de se fairevacciner. C’est une question de santé publique.

Qui sera prioritaire pour être vacciné?B. A. : Nous encourageons d’abord les personnes les plus exposées aux risquesd’infection et au développement d’une formegrave : femmes enceintes et enfants en basâge. Puis les personnes ayant des facteurs de risques (système immunitaire affaibli,insuffisances cardiaques ou respiratoires,etc.) : jeunes d’abord, adultes et personnesâgées ensuite. Pourquoi les jeunes avant les autres ? Parce qu’en réalité tout le monden’est pas aussi naïf face à ce virus. Selon une récente étude américaine 3, environ 30 %des plus de 60 ans ont gardé en mémoire une réponse immunitaire car ils ont été encontact avec un cousin de ce virus qui a sévitjusqu’en 1957.Vous menez actuellement des études sur le

vaccin. N’ont-elles pas déjà été réalisées par lesindustriels avant d’obtenir l’autorisation de misesur le marché?B. A. : Les industriels réalisent leurs essaiscliniques sur des sujets sains. C’est laprocédure habituelle requise par les agencessanitaires de tous les pays. Côté chercheurs,nous avons lancé des études sur la réponseimmunitaire induite par le vaccin chez despopulations de femmes enceintes, de patientsinfectés par le VIH et de personnestransplantées. Ces populations, très

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

«Les études menéesactuellementpermettront de tirer des leçons de cetépisode pandémique. »

Brigitte Autran, professeur d’immunologie à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie,co-directrice de l’Institut fédératif de recherche Immunité-cancer-infection 1, à Paris

Grippe A : le point sur le vaccin

PAROLED’EXPERT16

CONTACTÔ Brigitte AutranInstitut « Immunité-cancer-infection », [email protected]

JEUNESCHERCHEURS 17

Ce matin-là, les couloirs du laboratoirede Physicochimie, pharmacotechnieet biopharmacie de Châtenay-Malabry 1 bruissent joyeusement à

l’arrivée des collègues venus de toushorizons. Ici se côtoient des physiciens, des physicochimistes, des biologistes, des pharmaciens. Le mélange plaît à NicolasTsapis qui, à 35 ans, vient tout juste d’êtredécoré de la médaille de bronze du CNRS.Lui-même est issu d’un parcours assezéclectique. Après les classes préparatoires scientifiques,il s’oriente vers la physique fondamentale à l’université Paris-XI, à Orsay. Vient ensuiteun DEA en physique des solides, toujours à Orsay, et une thèse, qu’il termine en 2000au Laboratoire de physique statistique del’École normale supérieure, sur lespropriétés élastiques des membranes nonioniques. C’est ensuite, en postdoctorat àl’université de Harvard, que sa carrière dephysicien pur souche va s’ouvrir à d’autresdomaines comme la pharmacie. Il travaillealors sur la vectorisation des médicaments,ou comment contrôler ou prolonger lalibération d’une molécule active dansl’organisme, tout en ciblant un organespécifique.En 2003, le jeune homme rejoint lelaboratoire de Patrick Couvreur à Châtenay-Malabry, dans l’équipe d’Elias Fattal dédiée à la « vectorisation pharmaceutique de molécules fragiles ». « Ça me plaît d’êtreau cœur d’une recherche plus appliquée »,avoue-t-il. Il y retrouve ses chères formespharmaceutiques à libération contrôlée ets’attache à développer de nouveaux systèmesbasés sur des micro- et nanoparticules,servant soit de vecteurs de principes actifs,soit d’agents de contraste pourl’échographie, ces molécules qui permettentde mieux distinguer les détails anatomiquesà l’intérieur du corps humain. Car il faut bien répondre aux nouvellesexigences de l’imagerie médicale du futur :celle-ci s’oriente désormais vers le dépistageprécoce de pathologies à l’échellemoléculaire, avant même leur manifestationclinique. L’idée, au laboratoire, est decombiner cette détection précoce avec untraitement efficace. Aujourd’hui, les agentsde contraste utilisés sont des microbullesgazeuses injectées par intraveineuse. Certes,elles renforcent le contraste, des vaisseauxsanguins par exemple, sur les échographies,

mais elles ne résistent que quelquesminutes dans l’organisme car elles sont vitedétruites par les ultrasons. Nicolas Tsapistravaille donc à concevoir de nouvellesmicrobulles composées d’une coque de polymère biodégradable et à la stabilitéaccrue. À terme, la coque enfermera un médicament, un antitumoral, à libérationplus ou moins prolongée. Son but : réduireles effets secondaires pour les patients dans le cadre d’une chimiothérapie localeactivée par ultrasons. « Les applications desmicro- et nanotechnologies pour la thérapeutiquen’en finissent pas de révolutionner le systèmed’administration et l’efficacité du principe actif,désormais délivré directement sur sa cible »,s’enthousiasme-t-il.

Comme ces aérosols que le chercheurperfectionne pour mieux atteindre le fonddu poumon. Ils libèrent une poudre sèchelégère qui se disperse très bien, atteint les alvéoles et permet ainsi d’éviter des injections douloureuses dans le cas de traitements de la tuberculose. « On penseque c’est une maladie liée à la pauvreté, maisc’est surtout une maladie opportuniste pour les personnes aux faibles défenses immunitaires,comme les malades du Sida. Et en Russie, de nouvelles souches mutantes, plus résistantes,sont apparues. On redoute à n’importe quelmoment la survenue d’une épidémie sur laquelleles antibiotiques actuels n’auraient pas d’effet. » Passionné par ses recherches, Nicolas Tsapisl’est assurément. Et quand vient le momentde quitter la fourmilière du laboratoire et de raccrocher la blouse blanche, comments’occupe-t-il ? « J’ai beaucoup fait de photosautrefois. Mais j’avoue que je n’ai plus le temps.Il y a bien sûr mes recherches. Mais surtout mes deux enfants de 10 mois et deux ans etdemi. Maintenant, mes passe-temps, c’est plutôtchanger des couches et regarder Kirikou. »

Camille LamotteÔ Retrouvez les « Talents » du CNRS surwww.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm

1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

« Ça me plaît d’être au cœur d’unerecherche appliquée! »

Nicolas TsapisUn physicien au service de la médecine

CONTACTÔ Nicolas Tsapis, Physicochimie, pharmacotechnie, biopharmacie,Châ[email protected]

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NOUVEAU REGARD SUR UNE ÉPIDÉMIE > 18COMPRENDRE LA MALADIE AVANT TOUT > 21VERS DES TRAITEMENTS PLUS CIBLÉS > 25

CANCERLes pays développés sont les plus touchésactuellement. Mais le nombre de décès prévusen 2030 augmente beaucoup plus fortement pourles pays en développement. Selon l’anthropologueAnnie Hubert, cela est dû en partie aux infectionsliées à certains cancers (col de l’utérus,rhinopharynx, etc.) favorisées dans ces pays par de mauvaises conditions d’hygiène. Par ailleurs, ces pays adoptent de plus en plus les habitudes des pays développés (tabagisme,alimentation, etc.) qui leur « apportent » ainsi de nouveaux facteurs de risques. Cancer du sein,du colon et du poumon ne sont par exempleapparus au Japon qu’après l’occupationaméricaine durant la Seconde Guerre mondiale.

LE CANCER DANS LE MONDE

En France, comme dans tous les pays développés,plus de la moitié des cas et des décès sont dus àtrois types de cancer seulement. Point positif :selon l’étude Eurocare-4 menée sur 23 pays, laFrance se classe en 2008 nettement au-dessus dela moyenne européenne pour la guérison1 : 58,6%des femmes tous cancers confondus et 57,9% deshommes pour le cancer de la prostate, taux le plusélevé d’Europe.

1. On parle de guérison lorsque le risque de décès retombe au même niveau que celui de la population du même âge et de même sexe.

LE CANCER EN FRANCE (source : INVS)

Nouveaux cas de canceren 2008

Décès dus au cancer en 2008

Décès dus au cancer prévus en 2030

Source : Centre international derecherche sur le cancer de l’OMS.

LÉGENDES

333 000 nouveaux cas en 2008

145500 décès en 2008

PROSTATE 66000 (35%)

POUMON 24000(12,7%)

COLON-RECTUM 20500

(10,8%)

AUTRES 78500 (41,5%)

SEIN 51000 (35,4%)

COLON-RECTUM 18500(13%)POUMON 8200(5,6%)

AUTRES 66300(46%)

PROSTATE 9900 (11,6%)

POUMON 21000(24,7%)

COLON-RECTUM 9100

(10,7%)

AUTRES 45000 (53%)

SEIN 12000 (19,8%)

COLON-RECTUM 8200(13,6%)POUMON 6900(11,4%)

AUTRES 33400(55,2%)

Total mondial de nouveaux cas : 12,4 millionsTotal mondial de personnes vivant avec le cancer : 25 millionsTotal mondial de décès : 7,6 millionsEn

200

8

Àl’échelle mondiale, 25 millionsd’hommes et de femmes sontatteints d’un cancer et trente nou-veaux cas sont diagnostiqués àchaque minute. Le fléau le plus

répandu ? Le cancer des poumons (1,2 millionde nouveaux cas par an), suivi par le cancer dusein (un peu plus d’un million), le cancer ducolon ou du rectum (940000), le cancer de l’es-tomac (870000) et le cancer du foie (560000) 1.Rien que dans notre pays, à l’heure où se met enplace le plan Cancer 2009-2013 2, 1 200 000personnes vivent avec un cancer ou après un can-cer, lequel est aujourd’hui la première cause demortalité, responsable de plus de 145 000 décèsen 2008 3. La conclusion s’impose d’elle-même :le cancer est loin d’être vaincu. Nos sociétéssont même confrontées à une épidémie de can-cer, la chose s’expliquant en partie par le faitque nous sommes de plus en plus nombreux à

vivre plus vieux (c’est-à-dire assez longtempspour développer une maladie cancéreuse, uncancer sur deux se déclarant, en France, après 61 ans).

LE MODE DE VIE MIS EN CAUSEPar ailleurs, 15 % des cancers, selon les experts,sont dus à des facteurs génétiques et 85 % àdes déterminants environnementaux (tabagisme,alcool, polluants, habitudes alimentaires…) doncau mode de vie. D’où la nécessité de multiplierles travaux en épidémiologie socioculturellepour dénouer l’écheveau des causes à l’originede la plupart des cancers et planifier au cas parcas des mesures préventives avec les acteurs desanté publique, plaide l’anthropologue AnnieHubert, directrice de recherche émérite auCNRS4. « Ce type d’enquêtes complète les études épi-démiologiques quantitatives qui localisent unique-ment les populations à risques », dit cette cher-

L’ENQUÊTE18 L’ENQUÊTE 19

En 2010, le cancer sera la première cause demortalité dans le monde selon l’Organisationmondiale de la santé (OMS). Les progrès de cesdernières décennies dans la compréhension de cettemaladie, le diagnostic et les traitements sont encoreinsuffisants. Dans les labos, toutes les pistes sontdonc explorées pour la combattre. L’anthropologiepeut-elle améliorer la prévention? Que nousmanque-t-il pour comprendre la biologie du cancer?Et quels seront les traitements de demain? À l’occasion des Journées internationales debiologie, qui auront lieu du 3 au 6 novembre à LaDéfense, et qui seront en partie consacrées aucancer, Le Journal du CNRS dresse un état des lieuxdes recherches menées contre ce fléau.

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009 Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

cheuse qui connait son sujet. Elle fut en effet lapremière à prouver, dans les années 1980, quecertaines substances chimiques particulière-ment présentes dans l’alimentation des Chinoisdu Sud, des jeunes Maghrébins et des Groenlan-dais, expliquait la fréquence élevée du cancerdu rhinopharynx (voir carte p.20), associé auvirus d’Epstein-Barr, dans ces trois populations.« L’application de l’anthropologie en prévention descancers, qui éclaire les habitudes et les comportementsd’individus partageant une même culture mais quin’est pas assez reconnue en France, permettrait decomprendre pourquoi certaines populations dévelop-pent plus fréquemment certains cancers que d’au-tres (cancers du col de l’utérus chez les Vietnamien-nes, du poumon chez les Écossais, du côlon chez lesArgentins…) », explique Annie Hubert.Reste que, grâce à des dépistages plus fréquents,des diagnostics plus précoces et des protocolesthérapeutiques plus efficaces, un nombre >

Nouveau regard sur une épidémie

189000

144000

85000

60500

AMÉRIQUES

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PACIFIQUE OUEST

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RÉGION EST-MÉDITERRANÉENNE

CANCERla recherche durcit le combat

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Page 11: Quinze minutes pour donner l'alerte

grandissant de malades parviennent à repous-ser plus longtemps les attaques du « crabe ».Aujourd’hui, en France, 52 % des patients souf-frant d’un cancer survivent au-delà de cinq ansà leur maladie, contre 20 % en 1920, 39 % en1960, 43 % en 1970. Le taux de guérison peut

L’ENQUÊTE20 L’ENQUÊTE 21

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009 Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

dépasser plus de 90 % pour les tumeurs du tes-ticule ou de la thyroïde 5. Après avoir été long-temps « diabolisé » et perçu comme « le pireabsolu » parce qu’incompréhensible et insoigna-ble, le cancer est sorti du ghetto « des pathologieshonteuses et fatales » tout en restant la maladie la

plus redoutée en Occident, ditAnnie Hubert. En devenant,pour un nombre croissant delocalisations, « curable au fil desavancées médicales et pharmaco-logiques qui ont marqué le XXe siè-cle et se multiplient en ce début deXXIe siècle, le cancer a acquis unstatut de pathologie chronique dontle cours, entrecoupé de phases detraitements de courte durée, peuts’étendre sur plusieurs années, voiredes décennies, renchérit MartineBungener, directrice du Centrede recherche médecine, scienceet société (Cermes) 6. Lorsque letraitement s’arrête, les médecinsutilisent le terme de rémission etnon celui de guérison, mais l’al-longement continu des durées derémission permet de modifier la

perception du cancer. Dans cette nou-velle perspective, le corps médical peutdésormais expliquer aux patients qu’ilsvivront dorénavant plus et mieux avecleur maladie. »

VERS UNE MÉDECINE PLUSHUMAINE Qu’en est-il, maintenant, des relationssoignants-soignés? Le temps est pres-que révolu où la consultation d’an-nonce se faisait « entre deux portes »,de façon aussi brutale qu’inhumaine,par de grands maîtres jargonnant etimbus de leur toute-puissance. Il s’estproduit, voilà quelques années, « unesorte de déverrouillage du monde desmédecins cliniciens qui était jusqu’alorstrès rigide et somme toute assez indiffé-rent à la dignité et au vécu quotidiendes malades et de leur famille, com-mente Annie Hubert. Nous rattraponsenfin notre retard, dans ce domaine, surles Anglo-Saxons. » Et de se féliciterque, dans les établissements hospita-liers, les oncologues, en particulierles plus jeunes, portent un regardinnovant sur leur pratique. « Beau-coup d’entre eux attendent des sciencessociales qu’elles les aident à découvrir cequ’ils ne voient pas, ce qu’ils ne voient plusou ce qu’ils n’auraient jamais imaginévoir pour, au bout du compte, améliorerce qui peut l’être encore, qu’il s’agisse de

l’organisation des soins, de l’ergonomie des services,de l’accompagnement en fin de vie… De fait, degrands progrès ont été réalisés pour personnaliser l’ac-cueil des patients, aménager des espaces d’intimité,offrir des chambres individuelles dans les hôpitauxde jour, mettre au point un arbre décisionnel etdécider d’un traitement avec la collaboration dupatient s’il le désire… » Sans oublier qu’un certainlangage guerrier (« Battez-vous ! »), très angois-sant et très fatiguant pour le patient secoué pardes thérapies complexes, cède la place à l’infor-mation (« Voilà ce que l’on peut faire pour voussoigner »), au dialogue, à la décision partagée età l’attention portée à l’ensemble des besoins dumalade et de sa famille. Quant au rôle des médecins généralistes dansla prise en charge des patients atteints de can-cer, et leurs relations avec les équipes de soinsspécialisées, l’enquête conduite récemment parMartine Bungener est riche d’enseignements.« Concernant l’annonce du diagnostic, nous avonsété surpris de constater à quel point les généralistessont impliqués et apparaissent comme des interlo-cuteurs compétents, aux yeux des patients, dit Mar-tine Bungener. Après avoir été reçus par un spécia-liste, ces derniers éprouvent même fréquemment lebesoin de se faire mieux expliquer la situation par

leur généraliste. » D’autre part, les généralistesn’hésitent plus à acquérir de nouvelles com-pétences. Ainsi en est-il de l’autonomie acquisepar certains dans la prescription de la mor-phine en cas de fin de vie à domicile, « une pra-tique qui leur échappait jusqu’ici par manquede technicité et de savoir-faire, et qui contribue àrééquilibrer, à leur avantage, les rôles entre méde-cine générale et médecine spécialisée », indiqueMartine Bungener. Au final, il ressort de ce pro-gramme de recherche, le premier du genre,que la plupart des généralistes français, touten ne masquant pas la limite de leur compé-tence, « cherchent à rester présents auprès deleurs patients atteints du cancer », quelles quesoient les phases de la maladie.

Philippe Testard-Vaillant

1. Source : Organisation mondiale de la santé.2. Le plan Cancer 2003-2007, à l’origine de la créationde l’Institut national du cancer (Inca), affichait troisgrandes ambitions : permettre à la France de rattraperson retard en matière de prévention et de dépistage,offrir à chaque malade la qualité de soins etl’accompagnement humain auxquels il a droit, donnerune impulsion décisive à la recherche.3. Source : Institut national du cancer.4. Laboratoire Anthropologie bioculturelle (CNRS /Université Aix-Marseille-II / Établissement français dusang Alpes-Méditerranée).5. Source : Cancers : pronostics à long terme, rapportInserm, 2006.6. Centre CNRS / Inserm / Écoles de hautes études ensciences sociales/ Université Paris-XI.

Connaître son ennemi : un prin-cipe de base pour qui doit menerune guerre délicate. Et c’est bienle problème contre le cancer. Cer-tes, les chercheurs disposent déjà

de quelques certitudes et d’une trame concep-tuelle : une cellule se détraque, se divise de façonanarchique et donne naissance à un cancer (voirinfographies p. 22-23). Mais il reste encore beau-coup d’énigmes à résoudre. Alors dans les labos,aucune piste n’est négligée. Du rôle du systèmeimmunitaire à celui des altérations génétiques,en passant par l’avidité des cellules cancéreusespour le glucose, et l’implication des cellules sou-ches cancéreuses, ou encore de l’environnementdes cellules tumorales, chaque avancée apporteune nouvelle pièce au grand puzzle de la com-préhension du cancer.

LA FAILLE DE L’IMMUNITÉCommençons avec le système immunitaire et parcette théorie qui perdure depuis le début du xxe

siècle : ce système de surveillance éliminerait lescellules cancéreuses dès leur apparition, aumême titre que les virus. Et ce sont ses défail-lances qui expliqueraient la survenue des cancers.Seulement voilà, David Klatzmann et son équipede l’unité « Immunologie, immunopathologie,immunnothérapie 1 », ont très récemment revuet corrigé cette copie.

Dans les tous premiers jours d’apparition d’unetumeur, deux types de cellules immunitaires semettent en action : les lymphocytes régulateurs,qui protègent les cellules de l’organisme, et leslymphocytes effecteurs, qui détruisent les intrus.« On peut voir les cellules tumorales comme descellules anormales : elles ont quelques gènes altérésou mutés, qui leur confèrent leur caractère de mali-gnité », assure David Klatzmann. Mais tous lesautres gènes sont normaux ! Aux yeux des lym-phocytes régulateurs, les cellules cancéreusessont donc reconnues comme des cellules norma-les. « Ils vont donc les protéger, avant que les lym-phocytes effecteurs n’aient pu les attaquer. Ce sonttoujours les régulateurs qui gagnent ! » En d’au-tres termes, une immunosurveillance existe belet bien mais paradoxalement, elle protège lescellules malades.Du coup, le scientifique souhaite aujourd’hui rou-vrir la voie de la vaccination anticancéreuse pré-ventive : « Comme pour une vaccination classique,l’idée serait de préparer les lymphocytes effecteurs àreconnaître les antigènes 2 spécifiques d’un cancerdonné, les antigènes de cellules prostatiques tumo-rales par exemple, afin qu’ils puissent ensuite agirplus rapidement contre ce même antigène. »

AFFAMER LE CANCERPeu de chercheurs ont l’espoir de trouver unemême faille pour tous les cancers. Toutefois,certains scientifiques travaillant sur le métabo-lisme veulent y croire. Car toutes les tumeurs ontune chose en commun : elles sont avides desucre. La raison? Lorsque les cellules devien-nent cancéreuses, elles arrêtent de respirer nor-malement via les mitochondries et consom-ment du sucre pour se fournir en énergie.Comme ce mécanisme est bien moins efficaceque la respiration, les cellules ont besoin debeaucoup de glucose. C’est d’ailleurs grâce àcette addiction que l’on arrive à visualiser lestumeurs par imagerie médicale. De nombreuses équipes souhaitent élucider cechangement de métabolisme et s’en servir pourenrayer la prolifération cellulaire. L’équipe deMarc Sitbon au sein de l’Institut de génétiquemoléculaire de Montpellier 3, pour sa part, arejoint l’aventure presque par hasard. « On saitque les cellules cancéreuses, grosses consommatricesde sucre, ont en conséquence beaucoup de trans-porteurs (ces protéines qui transportent les nutri-ments dans la cellule) de glucose, expose-t-il. Or,nous avons récemment découvert une famille devirus qui reconnaît et utilise ces transporteurs denutriments pour infecter les cellules hôtes. Nousavons donc eu l’idée d’utiliser des fragments de

CONTACTSÔ Annie Hubert, [email protected]

Ô Martine Bungener, [email protected]

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Le nombre de nouveaux cas decancer du poumon, le plus meurtrierdans le monde, est bien plus élevédans les pays développés. Leshommes sont aussi beaucoup plustouchés que les femmes, enparticulier en Europe de l’Est.

Le tabagisme passif aggrave ou créedes maladies. Par exemple, lerisque de développer un cancer dupoumon chez un non-fumeuraugmente si son conjoint fume.

La répartition du cancer du rhinopharynx, qui semble propre à l’Afrique et à l’Asie,est très différente decelle du cancercolorectal et ducancer du poumon(voir carte ci-dessus).L’anthropologiepermet decomprendre ce typed’inégalités enidentifiant desexplications locales.Les cartesconcernant leshommes, nonpubliées ici, sont très proches decelles-ci.

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Comprendre la maladie avant tout

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Mise en évidence (en vert)de protéines chargéesd’apporter du sucre auxcellules. Les cellulestumorales ayant besoin debien plus de glucose queles cellules saines, cesprotéines s’y accumulent.

RÉPARTITION MONDIALEDE DIFFÉRENTS CANCERS(source : rapport 2008 IARC, chiffres de 2002)

CANCER DU POUMON CHEZ LES FEMMES

CANCER DU POUMON CHEZ LES HOMMES

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Le nombre de nouveaux cas croît avec l'intensité de la teinte

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virus comme nouveaux marqueurs métaboli-ques. » Les chercheurs espèrent ainsi utiliser lestransporteurs pour repérer les cellules cancé-reuses, et en déduire s’il faut alléger ou intensi-fier les traitements en fonction du nombre detransporteurs et donc du stade de développe-ment. Et pourquoi pas, un jour, réussir à bloquerces transporteurs pour couper les vivres aux cel-lules tumorales.

DES SOUCHES RÉCALCITRANTESAutre piste qui revient en force actuellement : lescellules souches cancéreuses. « De nombreuxtravaux ont permis d’établir la présence de tels élé-ments cellulaires, minoritaires (de l’ordre de quelquespour cent de cellules de la tumeur), au sein delésions cancéreuses du sein, du côlon, de la prostate,du cerveau, confirme Daniel Louvard, directeurdu Centre de recherche de l’Institut Curie. Onsoupçonne ces cellules d’être directement à l’originede la prolifération cancéreuse. Si ce concept estvalidé, il va bouleverser la lecture que l’on a pu fairejusqu’ici des processus cancéreux. » Si on ignoreencore précisément leur rôle, on sait en revan-che qu’elles se comportent comme des cellulessouches classiques : elles se multiplient indéfi-niment et peuvent ensuite se différencier pourdonner différentes cellules tumorales. Ces petits groupes de cellules posent un gros pro-blème : « Beaucoup de médicaments ciblent lescellules qui prolifèrent. Or les cellules souches can-céreuses, comme les cellules souches normales, peu-vent très bien rester sans se multiplier pendant desmois, voire des années. Si elles sont en quiescence,le traitement n’a aucun effet sur elles », expliquePaul-Henri Roméo, directeur du Laboratoire derecherche sur la réparation et la transcriptiondans les cellules souches 4.Les scientifiques tentent aujourd’hui d’isolerces cellules récalcitrantes afin de les étudier,l’objectif final étant d’élaborer de nouveaux trai-tements capables de les détruire tout en préser-vant les cellules souches normales. « Il y a peut-être différents types de cellules souches cancéreuses

à l’intérieur d’une même tumeur. Doncréussir à caractériser parfaite-

ment une cellule souche nesignifie pas forcément que

l’on pourra éradiquer complètement cette population,tempère Paul-Henri Roméo. Mais ce sera déjàun grand pas en avant ! »Mais les avancées viendront peut-être aussi desrecherches sur les cellules souches normales.C’est en tout cas ce que laissent penser lesrécents travaux de l’équipe de Jean-René Huynhdu laboratoire Génétique et biologie du déve-loppement 5 : ceux-ci ont révélé l’un des méca-nismes qui régule l’équilibre entre proliférationet différenciation. « On a montré qu’au momentoù la cellule souche se divise, les protéines qui ser-vent à faire des ribosomes – les composants de la cel-lule chargés de synthétiser les protéines en décodantl’information contenue dans l’ARN messager 6– serépartissent de manière inégale entre les deux cellu-les filles, relate Jean-René Huynh. S’il n’y a pasassez de ribosomes dans la cellule qui doit redeve-nir cellule souche, celle-ci se différencie. Et s’il y ena trop dans la cellule qui doit se différencier, ellecontinue à se diviser, ce qui va engendrer l’appari-tion de tumeurs. » Une découverte de taille.

CES CELLULES QUI MIGRENTAutre terrain de recherche, le microenvironne-ment dans lequel baignent les cellules tumora-les et qui subit de multiples transformations àmesure de la progression de la maladie. Etnotamment celle de la matrice extracellulaire, quiassure la cohésion et l’organisation des tissus.« L’importance de la matrice a longtemps été sous-estimée, relate Ellen Van Obberghen-Schilling, del’Institut de signalisation, biologie du dévelop-pement et cancer (IBDC) 7. Pourtant, les cellulestumorales et celles présentes autour de la tumeur luienvoient des signaux pour la remanier. Et la matricemodifiée exerce ensuite une influence majeure surla prolifération et la dispersion des métastases. »Son équipe s’intéresse justement à ces échangesde signaux et plus particulièrement aux intégri-nes, des protéines qui permettent à la celluletumorale de s’ancrer dans son environnementet de communiquer avec lui. « Les intégrinesrecrutent des protéines comme la protéine ILK pourtransformer les signaux en action. Nous avons ainsidémontré qu’ILK jouait un rôle clé dans l’assemblagede différentes protéines qui vont former des sortes derails : ces derniers favorisent le déplacement (la

migration) des cellules cancéreuses et la colonisationd’autres tissus », explique Ellen Van Obberghen-Schilling.« La migration des cellules cancéreuses est une étapecapitale, reprend Stéphane Noselli, directeur del’IBDC et médaillé d’argent 2009 du CNRS. Etça, on ne peut le comprendre que dans un modèlecomme la drosophile, simple et facile à manipuler.On peut muter le ou les gènes de notre choix dansun tissu donné et suivre le développement des cellu-les mutantes avec des techniques d’imagerie in vivo.Nous avons ainsi pu identifier de nouveaux gènesimpliqués dans le détachement des cellules et dansleur migration vers d’autres tissus. »

LA RÉGULATION DES GÈNES A FAIT SES PREUVESLes gènes mutés ou dérégulés que l’on retrouvedans les tumeurs sont évidemment au cœur denombreuses recherches. Mais les mécanismesqui gouvernent l’expression ou la mise soussilence de ces gènes, et que l’on regroupe sousle terme de facteurs épigénétiques, sont toutaussi importants. Un exemple ? Le mécanismequi supervise l’organisation de l’ADN dans l’es-pace. S’il est trop condensé, des gènes chargésde réparer ses lésions peuvent se retrouver blo-qués et ne plus pouvoir agir. Un mécanismedont on imagine facilement la participation à lacancérisation. Autre sujet central des travauxactuels : les micro-ARN. Ce sont des petits

bouts d’ARN qui « peuvent inhiber l’expres-

sion de certains gènes en s’appariant aux ARNmessagers et en bloquant leur traduction en protéi-nes, explique Annick Harel-Bellan, directrice dulaboratoire Épigénétique et cancer 8. Ces petitsARN interviennent notamment dans le contrôle dela prolifération et de la différenciation cellulaire.Or c’est justement cette fonction de contrôle qui estdéréglée dans les premières étapes du cancer. » Sonéquipe vient par exemple de montrer, dans unmuscle de souris, l’implication du micro-ARNmiR-181 dans la différenciation cellulaire : en sefixant à l’ARN messager, il réduit ausilence les gènes qui bloquent ladifférenciation. Résultat : lescellules ne se divisent plusmais se spécialisent.Après ce premieressai trans-f o r m é ,

les chercheurs souhai-tent répertorier tous lesautres micro-ARN impli-qués dans ces processus.Mais les chercheurs sontaussi capables de fabri-quer des ARN surmesure. L’objectif : blo-

quer l’ARN messager de leur choix et faire tairele gène correspondant. « C’est évidemment unearme extraordinaire contre le cancer », s’enthou-siasme Annick Harel-Bellan. Dans cette opti-que, les chercheurs de la plateforme Pari, unplateau technique situé à Villejuif 9, utilisent cesARN pour repérer les gènes impliqués dans laprolifération des cellules cancéreuses de poumonet espèrent ensuite s’en servir pour neutraliserles gènes incriminés au sein des tumeurs. Autre régulateur de l’expression des gènes :les protéines Polycomb. Celles-ci – que l’onretrouve sous une forme mutée ou altérée dansles cancers de la prostate, du sein, du poumon,du cerveau – bloquent l’expression de cer-

L’ENQUÊTE22 L’ENQUÊTE 23

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

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1. La cellule saine reçoit en permanence dessignaux chimiques des autres cellules. Ilspeuvent lui ordonner de se diviser via un gène deprolifération (dit oncogène) ou de se reposer viaun gène d’antiprolifération (dit suppresseur detumeur). Ce dernier peut ordonner à la cellule des’autodétruire via un gène d’apoptose.

Le cancer commence parl’apparition d’une cellulemutante, une seule parmiles quelque 60000milliardsqui constituent le corpshumain et dont certaines serenouvellent chaque jour.Elle a subi une modificationdans l’ADN de son noyau :une mutation.

Cette mutation lui faitignorer certains dessignaux qui normalementlimitent sa prolifération. Elle se divise trop vite. Et les cellules filles issuesde ces divisions héritentelles aussi de la mutation.Et puis, des mois ou des années plus tard, l’unedes cellules filles subit unemutation supplémentaire(cellule la plus foncée sur ledessin).

Cette mutationsupplémentaire affranchitencore plus la cellule ducontrôle exercé par sonenvironnement. Laprolifération s’accroît etdonne naissance à descellules filles qui cumulentles deux mutations. Jusqu’àce qu’une nouvellemutation touche l’uned’elles (cellule la plusfoncée).

Les cellules mutantess’entassent les unes sur lesautres et commencent àformer une TUMEUR. Celle-ci peut rester confinée dansson tissu d’origine. Ou bien,l’une des cellules tumoralespeut subir une mutation deplus…(cellule la plusfoncée).

…qui lui permet de se glisser au travers desVAISSEAUX SANGUINS. Ceux-ci deviennentd’ailleurs de plus en plus ramifiés auvoisinage de la tumeur. Ils alimentent lescellules cancéreuses, gourmandes englucose, et leur intense prolifération.

2. Lors d’une division cellulaire,l’ADN est dupliqué afin que lacellule-fille en reçoive une copie. Lesgènes réparateurs d’ADN vérifientque la copie est identique à l’original.Mais une erreur peut subsister…

3. Un gène deprolifération vientjustement de muter.Il s’active sans avoirété sollicité.Heureusement, le gèned’antiprolifération estintact. Il peut freinerla division ouordonner à la cellulede se détruire.

4. Mais le gèned’antiproliférationmute à son tour. Il nerépond plus auxordres d’arrêt deprolifération et nepeut plus ordonnerl’autodestruction. Lacellule mutée refusede mourir et se divisedésormais demanière totalementanarchique. Elle estcancéreuse.

5. Les systèmes de protection de la cellules’effondrent les uns après les autres. En particulierlorsque les gènes réparateurs d’ADN sont eux aussiendommagés. Les cellules cancéreuses accumulentainsi plusieurs erreurs dans leur ADN. Certainespeuvent devenir des métastases.

Des cellules cancéreusespeuvent alors voyager dansle reste du corps via lesvaisseaux sanguins. Etpeuvent aller altérer lefonctionnement d’autresorganes en créant deNOUVELLES TUMEURS. On parle de MÉTASTASES.

COMMENT SE FORMEUNE TUMEUR

COMMENT UNE CELLULEDEVIENT CANCÉREUSE

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

VAISSEAUX SANGUINS

TUMEURTUMEURNOUVELLETUMEUR

NOUVELLETUMEUR

MÉTASTASES

TUMEUR EN FORMATIONTUMEUR EN FORMATION

MÉTASTASES

VAISSEAUX SANGUINS

SIGNAUX CHIMIQUESSIGNAUX CHIMIQUES

ADNADN

GÈNE DE PROLIFÉRATIONGÈNE DE PROLIFÉRATION

GÈNED’ANTIPROLIFÉRATIONGÈNED’ANTIPROLIFÉRATION

GÈNED’APOPTOSEGÈNED’APOPTOSE

GÈNES RÉPARATEURS D’ADNGÈNES RÉPARATEURS D’ADN

RÈCEPTEURSRÉCEPTEURS

MUTATIONMUTATION

GÈNE MUTÉGÈNE MUTÉ

GÈNE D’APOPTOSE INACTIF

GÈNE D’APOPTOSE INACTIF

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Muscle de souris où seules les cellules en régénérationexpriment l’ARNmiR-181 (en vert). Preuvede son implicationdans la différenciationcellulaire.

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Page 13: Quinze minutes pour donner l'alerte

Grossières et non exemptes d’ef-fets secondaires. Ainsi pourraientparfois se résumer les armes tra-ditionnelles anticancer que sont lachimiothérapie, la radiothérapie et

la chirurgie. Mais la relève arrive. À la fois plusprécis en termes de quantités de médicamentsadministrés et de ciblage des cellules, de nou-veaux traitements développés dans les labos duCNRS laissent entrevoir à plus ou moins longterme des suivis thérapeutiques adaptés auxpatients et au type de cancer concerné. Mieux traiter le cancer, c’est d’abord mieux lediagnostiquer. Or le scanner à rayons X, l’outilprincipal de diagnostic, exige un minimum decontraste de densité entre les tissus sains ettumoraux. Chez certaines femmes et pour cer-tains cancers, ce seuil n’est pas atteint, rendantles images obtenues difficilement lisibles pourle radiologue. Dans le cas du cancer du sein,un nouveau type d’échographe, développé parMathias Fink et son équipe de l’Institut Lange-vin « ondes et images » 1, devrait améliorer net-tement le diagnostic et le dépistage précoce destumeurs.Cet appareil est le premier échographe à obser-ver la propagation d’ondes ignorées jusqu’à pré-sent par les appareils : les ondes de cisaille-ment2. Pour réaliser cet exploit, l’appareil envoied’abord des ultrasons dans la région d’intérêt, oùceux-ci créent un micro-séisme qui déclenchel’émission d’ondes de cisaillement. Un proces-seur dit à retournement temporel analyse ensuiteces ondes et dresse à partir d’elles une cartequantitative, précise au millimètre près, de l’élas-ticité des tissus. Or cette dernière n’est ni plusni moins ce que cherchent à mesurer les méde-cins lorsqu’ils établissent un diagnostic en pal-pant le sein.« Quand on marie cette image d’élasticité avecl’échographie standard, nous obtenons quatre-vingt-dix-neuf pour cent de spécificité dans la détection destumeurs du sein », se réjouit Mathias Fink. Autre-

ment dit, la méthode ne donne presque jamaisde faux positifs. Seule l’IRM est capable de riva-liser avec une telle précision, mais pour un coûtd’équipement nettement supérieur. C’est lasociété Supersonic Imagine, spécialement crééepour l’occasion et dont le CNRS est actionnaire,qui commercialise l’échographe multi-ondes àretournement temporel 3. En moins d’un an,vingt-cinq appareils ont déjà été livrés dans lemonde, et autant ont été commandés. L’autori-sation de mise sur le marché américain, accor-dée en août, devrait accélérer le déploiement del’instrument. En attendant, Supersonic Imaginetravaille sur l’application du principe à d’autresrégions du corps.

UNE PROTÉINE ORACLEMais pour établir un diagnostic complet de latumeur et planifier le traitement adéquat, loca-liser les cellules cancéreuses ne suffit pas danstous les cas. Car des tumeurs a priori similairespeuvent évoluer différemment d’un individu à unautre. Avec le résultat qu’une chimiothérapielégère puisse se révéler insuffisante en cours detraitement, ou, au contraire, qu’un patient subisseles désagréments d’une chimiothérapie lourdequand un traitementsuperficiel aurait suffi.Les travaux menés en cemoment par GenevièveAlmouzni, chercheuseau laboratoire « Dynami-que nucléaire et plasti-cité du génome » 4, lais-sent espérer dans unavenir proche une meilleure prédiction du déve-loppement du cancer, au moins celui du sein. Au départ de ces travaux, il y a une observationfaite dans le laboratoire de Geneviève Almouznisur des échantillons de la banque de tissus del’Institut Curie : la protéine HP1alpha, ordinai-rement présente dans les cellules, est surrepré-sentée dans les cellules tumorales. Les échantil-

lons avaient été prélevés en 1995 sur des patien-tes atteintes d’un cancer du sein, permettantdes études futures de leurs tissus. Toutes lesfemmes qui ont développé par la suite des métas-tases se sont révélées posséder, sous l’œil dumicroscope de Geneviève Almouzni, un forttaux de HP1alpha dans les cellules du sein.Il existe donc un parallèle entre l’expression decette protéine et l’évolution du cancer. Tournéd’une autre manière, la concentration enHP1alpha des cellules pourrait servir d’indicepour prédire l’apparition de métastases. « Celava permettre de guider les médecins, qui sont enattente de meilleurs outils de diagnostic, s’enthou-siasme Geneviève Almouzni. C’est un messaged’espoir, même si nous devons d’abord affiner nosconclusions ». Une demande de brevet est encours, pour des applications thérapeutiques pasattendues avant plusieurs années.Si un traitement mieux adapté à l’évolution dela maladie permettra de réduire les effets secon-daires de la chimiothérapie, il n’éliminera pastotalement la chute des cheveux, nausées etautre fatigue. Et pour cause : la chimiothérapie,le traitement des cancers avec des moléculesmédicamenteuses, frappe sans discernementle corps tout entier, cellules tumorales commecellules saines. D’où l’intérêt de la découverte del’équipe d’Ara Hovanessian, du laboratoire« Régulation de la transcription et maladiesgénétiques » du CNRS, qui a mis au jour unevoie chimique pour cibler spécifiquement lescellules cancéreuses, via une protéine membra-naire des cellules tumorales, la nucléoline.Protéine non pathologique, la nucléoline joueun rôle dans la croissance des tissus. Présenteen faible quantité sur les cellules saines, elle estfortement exprimée à la fois sur les cellulesen multiplication rapide comme les cellulescancéreuses, et sur les cellules des vaisseauxsanguins accompagnant les tumeurs. En blo-quant l’action de cette protéine, on pourraitstopper spécifiquement le développement descellules tumorales et sanguines. Une stra-

L’ENQUÊTE24

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tains gènes en se fixant dessus. En travail-lant chez la drosophile, Anne-Marie Martinezet d’autres membres de l’équipe de GiacomoCavalli à l’Institut de génétique humaine deMontpellier 10 ont mis en évidence l’action anti-tumorale de l’une de ces protéines. « En provo-quant la mutation de cette protéine dans un œil demouche, on s’aperçoit que les cellules perdent leurcapacité de différenciation et prolifèrent de manièreincontrôlée. Le tissu devient amorphe, envahit lesorganes voisins et finit par tuer l’hôte… Or ce sont

des caractéristiques typi-ques des tumeurs », expli-que Giacomo Cavalli.Les chercheurs ontensuite décortiqué lemécanisme : la protéinePolycomb empêche laprolifération et la for-

mation des tumeurs en se fixant sur le gèneNotch, régulateur bien connu du cycle cellulairechez l’humain. Lorsque la fameuse protéineest mutée, le gène est déverrouillé et la machi-nerie s’emballe. Mais pour contrôler le développement cellu-laire, les gènes et leurs régulateurs intervien-nent très souvent de concert. C’est pourquoi de plus en plus de scientifiquess’intéressent auxréseaux de

gènes et de facteurs épigénétiques. Un exempleavec les récents travaux de Laurent Journot,directeur de recherche à l’Institut de génomiquefonctionnelle 11. « Certains ensembles de gènes sontsoumis à empreinte génomique : dans leur cas, c’esttoujours l’allèle 12 maternel qui est exprimé et l’allèlepaternel qui est réprimé, ou l’inverse. Et jusqu’à trèsrécemment, on ne voyait pas de lien fonctionnelentre ces gènes, expose le chercheur. Finalement,nous avons montré qu’ils sont impliqués dans lecontrôle de la croissance normale mais aussi dansla croissance tumorale lorsqu’ils sont altérés. » Uneapproche qui permet de pointer du doigt lesgènes impliqués dans les mécanismes decontrôle et qu’il serait bon de surveiller de près.Pour comprendre le cancer dans son ensem-ble, l’une des clés de la réussite réside sans

aucun doute dansl’échange d’informationsentre chercheurs. Car,résolument, comme l’af-firme Laurent Journot :

« La biologie cellulaire, ce n’est pas compli-qué, c’est complexe ! Les mécanismes sontrelativement simples à décrire mais les scénarios possibles innombrables. »

Laurianne Geffroy

1. Unité CNRS / Inserm / Université Paris-VI.2. Substance étrangère à l’organisme

susceptible de déclencher une réponse immunitaire.3. Institut CNRS/ Universités Montpellier-I et -II.

4. Laboratoire CEA / Inserm / Paris-VI.5. Unité CNRS/Inserm/Institut Curie/Université Paris-VI.6. Intermédiaire entre l’ADN et la fabrication des protéines.7. Unité CNRS / Université de Nice.8. Fédération de recherche CNRS.9. La plateforme automatisée Pari est hébergée parl’Institut André-Lwoff « Biologie intégrée de la cellule, virus etcancer ». Institut fédératif de recherche CNRS / Inserm /Université Paris-XI / Assistance publique-Hôpitaux deParis.10. Unité CNRS / Universités Montpellier-I et -II.11. Unité CNRS / Inserm / Universités Montpellier-I et -II.12. Les allèles sont les différentes versions d’un gène.

L’ENQUÊTE 25

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

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Aux côtés du tabac, des facteurs héréditaires,des ultraviolets et autres, il est une cause decancer que l’on oublie parfois : les agentsinfectieux, responsables de près de 20% descancers. Pour ne citer que les plus fréquents,Helicobacter pylori est à l’origine de 50% descancers gastriques, les virus de l’hépatite B et Cà l’origine de 80% des cancers du foie, et le virusdu papillome humain de 95% des cancers du colde l’utérus. Le mode d’action de ces micro-organismes? Il est très varié. Certains introduisent directementdes oncogènes (voir infographie p. 23) au sein de la cellule hôte, d’autres ont une actiondétournée. « Par exemple, explique Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agencenationale de recherche sur le Sida et leshépatites virales (ANRS), certains pathogènesaugmentent les risques de cancer en provoquantla suppression des réactions immunitaires oubien une inflammation chronique, comme c’est le cas avec le virus de l’hépatite B ouHelicobacter. » La suppression des défensesimmunitaires favorise en effet l’action d’autresvirus cancérigènes et les tissus inflammésprocurent un environnement idéal pour lacroissance des cellules cancéreuses.Depuis plus de 10 ans, l’équipe Oncoprotéines del’Institut de recherche de l’école supérieure debiotechnologie de Strasbourg1 s’intéresse auvirus du papillome humain qui provoque lecancer du col de l’utérus en exprimant deuxpetites protéines nommées E6 et E7 dans lescellules hôtes. Les chercheurs savaient que laprotéine virale E6 cible et dégrade la protéinep53, bien connue des biologistes qui l’ontbaptisée « le gardien du génome ». En s’appuyant

sur la structure 3D de la protéine, ils ont doncdécidé de modifier la surface de la protéine E6,et ont obtenu une forme mutante inopérante. « Enexprimant ce mutant dans des cellulescancéreuses du col de l’utérus, on empêche ladégradation de p53 et on déclenche lasénescence des cellules, c’est-à-dire qu’ellesarrêtent de se diviser, relate Murielle Masson,chargée de recherche dans l’équipeOncoprotéines. Ces travaux démontrent que l’onpeut arrêter la prolifération des cellulescancéreuses et donc les éliminer. » À traverstous ces travaux, les biologistes espèrent trouverde nouvelles voies thérapeutiquescomplémentaires de la vaccination préventive.« Les vaccins contre le papillomavirus etl’hépatite B sont les deux grands succès de lavaccination préventive, réagit Jean-FrançoisDelfraissy. De nombreuses équipes travaillentactuellement à la mise au point d’un vaccincontre l’hépatite C et Helicobacter. »

Laurianne Geffroy

1. Institut CNRS / Université Strasbourg.

Contacts : Jean-François Delfraissy, [email protected] Masson, [email protected]

DES VIRUS SANS GÊNE

Vers destraitementsplus ciblés

Conçue par deschercheurs du CNRS, la molécule HB-19 (en rouge et jaune) est capable de se fixersur certaines cellulescancéreuses (en vert)et d’empêcher leurprolifération.

Les futures cellulescancéreuses du seinexpriment la moléculeHP1alpha bien avantleur dégénérescence.Cette découvertepourrait servir à mieuxdiagnostiquer cecancer.

Section 1 Section 2

À gauche, un œil dedrosophile normale. À droite, celui d’unedrosophile dont on amuté une protéine quiempêche d’ordinaire laprolifération cellulaire.On voit alors une nettesurcroissance due à ladivision anarchiquedes cellules.

Modèle en troisdimensions de laprotéine E6, impliquéedans le cancer du colde l’utérus.

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CONTACTSÔ Giacomo Cavalli, [email protected]

Ô Annick Harel-Bellan, [email protected]

Ô Jean-René Huynh, [email protected]

Ô Laurent Journot, [email protected]

Ô David Klatzmann, [email protected]

Ô Stéphane Noselli, [email protected]

Ô Ellen Van Obberghen-Schilling, [email protected]

Ô Paul-Henri Roméo, [email protected]

Ô Marc Sitbon, [email protected]

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L’ENQUÊTE26 L’ENQUÊTE 27

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009 Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

tégie qu’Ara Hovanessian a mise en œuvreavec succès, avec l’aide de deux autres équi-pes du CNRS 5, sur des souris greffées avecdes tumeurs humaines.Les chercheurs ont d’abord conçu et synthétisédes molécules capables de se lier aux nucléo-lines et de les rendre non fonctionnelles, puisles ont administrées aux rongeurs : l’avancéedu cancer a été stoppée net dans les régions can-céreuses. Mieux, dans le cas de cellules leucé-miques, les molécules ont entraîné la mortpure et simple des tumeurs (générant unemort programmée similaire à l’apoptose) !Cerise sur le gâteau : non toxiques, ces molé-cules baptisées HB-19 n’ont entraîné aucuneffet secondaire. La société ImmuPharma 6

devrait lancer des essais cliniques courant 2010afin de tester l’efficacité de ces substances chezl’humain.

DÉCUPLER L’EFFET DES MÉDICAMENTSLuis Mir, biologiste au CNRS, au sein de l’unité« Vectorologie et transfert de gènes 7 » à Villejuif,est l’inventeur d’une autre méthode de chimio-thérapie ciblant spécifiquement les tumeurs :l’électrochimiothérapie. Déjà utilisée en routinedans certains hôpitaux, l’électrochimiothérapieexploite les propriétés électriques des membra-nes cellulaires. En appliquant un champ électri-que sur une cellule, on écarte les mailles de samembrane, favorisant ainsi la pénétration dessubstances médicamenteuses dissoutes dans leliquide extracellulaire.

L’effet est spectaculaire. Luis Mir a démontréqu’en approchant une électrode d’une tumeur,l’efficacité d’un médicament anticancéreux clas-sique (la bléomycine) pouvait être multiplié parmille ! Lors d’essais cliniques à l’Institut Gustave-Roussy puis dans d’autres centres européens,l’électrochimiothérapie a fait régresser totale-ment près de 75 % des tumeurs traitées en uneseule séance. Démultipliant l’effet des substan-ces actives, la technique garantit un effet théra-peutique même avec de faibles concentrationsmédicamenteuses. Elle réduit donc les risquesde dégâts collatéraux de la chimiothérapie. Defait, les essais cliniques ont été menés sans effetssecondaires pour les malades.Environ une quarantaine de centres de traitementdu cancer en Europe emploient aujourd’huil’électrochimiothérapie. Pour l’instant, en rai-son de la nécessité d’approcher l’électrode destumeurs, « la méthode est réservée au traitement detumeurs superficielles et accessibles (les métastasescutanées et sous-cutanées), confie Lluis Mir. Maisla recherche technologique et clinique est portée surle développement d’électrodes plus sophistiquées per-mettant d’atteindre des tumeurs profondes. »Autre méthode, la photochimiothérapie qui uti-lise cette fois la lumière pour cibler les cellulestumorales. La technique fonctionne sur ce prin-cipe : on vient activer par des rayons lumineuxune substance médicamenteuse inoculée dansla zone cancéreuse, qui d’inoffensive devienttoxique. La substance n’est pas ingérée commeen chimiothérapie standard, mais appliquéedans la région tumorale sous forme liquide oude pommade.Utilisant la lumière, cette méthode a pour terraind’élection le traitement des cancers externes,en dermatologie. Mais l’emploi de fibres optiquesendoscopiques permet également d’acheminerle faisceau lumineux dans un organe interne.« Son usage pour le traitement du cholangiocarci-nome (cancer des voies biliaires) augmente la duréede survie de plus d’un an, tout en améliorant leconfort des malades », assure Marie-Ange d’Hal-lewin, chercheuse au Centre de recherche enautomatique de Nancy (Cran) 8. Sila photochimiothérapie est d’em-ploi facile en dermatologiepuisqu’une lampe à ultravioletssuffit, en revanche, le coût du laseret une certaine complexité dansla dosimétrie limitent encore latechnique, pour les opérationsendoscopiques, à quelques cen-tres hospitaliers. Ce qui n’empêchepas le Cran de continuer à défri-cher cette voie d’avenir. Ses cher-cheurs ont notamment démontréqu’après une chirurgie de la ves-sie par endoscopie, une sessionde photochimiothérapie était béné-

fique. Elle limite en effet le développement decellules tumorales libérées lors de l’opérationet réduit ainsi le risque de récidive.

DES LEURRES POUR CELLULESParallèlement aux recherches sur la chimiothé-rapie, les méthodes physiques de destructionde cellule font l’objet de recherches. En lignede mire notamment : la radiothérapie, qui soi-gne par irradiation de rayons X, une techniquetrès utilisée, efficace mais encore perfectible.Une séance de radiothérapie ne détruit en effetseulement que 30 à 50 pour cent des cellules can-céreuses. Un manque de réussite qui allonge ladurée du traitement et donc amplifie les effetssecondaires. Comment rendre la radiothérapieplus efficace ? Grâce à l’emploi de moléculesleurres, propose l’équipe de Marie Dutreix, del’unité « Génotoxicologie et cycle cellulaire 9 ».Testées sur des animaux, ces molécules onthissé le rendement de la radiothérapie jusqu’àdes valeurs comprises entre 75 et 100 pour cent !Mais comment des molécules peuvent-elles agirde concert avec les rayonnements de la radiothé-rapie ? Les molécules leurres, ou Dbait dans lejargon des biologistes, sont en fait des frag-ments d’ADN recréés artificiellement. Une foisinjectées dans une cellule tumorale, elles don-nent l’illusion à celle-ci que son matériel géné-tique est en train d’être endommagé. La celluleenclenche alors des mécanismes de réparation,mécanismes qui sont ensuite à nouveau sollici-tés lorsqu’entre en jeu la radiothérapie dont lafonction est de casser les brins d’ADN avec lesrayons X. Au final, la cellule se croit être la cibled’une attaque généralisée et s’autodétruit via lesuicide cellulaire, l’apoptose. Les molécules Dbait seront testées pour les exa-mens précliniques réglementaires au début del’année 2010 et les premiers essais cliniquesassociant radiothérapie et Dbait devraient débu-ter en fin d’année 2010 sur des patients atteintsde métastases locales cutanées. Bonne nouvelle :« Nous avons recherché en vain des tumeurs qui pré-senteraient une résistance à ce traitement combiné :

à ce jour toutes les tumeurs greffées sur des souris etsur lesquelles nous l’avons testé répondent au dou-ble traitement », révèle Marie Dutreix.Autre point d’amélioration de la radiothérapie, laprécision. En effet, les fougueux rayons X nes’arrêtent pas au niveau de la tumeur, mais conti-nuent de cheminer et s’en vont détruire des cel-lules saines aux alentours. Pour soigner lestumeurs sensibles, comme celles des yeux oudu cerveau, biologistes et physiciens ont mis aupoint une technique alternative : la protonthéra-pie. Sur le papier, la technique est idéale : elleconsiste à remplacer les rayonsX par un flux deprotons. Côté précision, les médecins passentdu tromblon au fusil à lunettes. En outre, lesfaisceaux de protons déposent leur énergie prin-cipalement en fin de course et n’abiment donc pasles tissus traversés.Seul hic : la fabrication d’un flux de protonsdemande l’installation d’un coûteux et encom-brant accélérateur de particules dans l’hôpital.D’où l’existence aujourd’hui de seulement qua-tre centres de protonthérapie en France, dont unen construction à Lyon. La méthode exploréepar Julien Fuchs et ses collègues du Laboratoirepour l’utilisation des lasers intenses (Luli) 10,pourrait permettre de démocratiser la protonthé-rapie. Elle repose sur un phénomène découverten 2000 : en traversant une très fine feuille demétal, une impulsion laser brève et intense arra-che des protons de la face arrière du métal. Enfocalisant les protons créés, on parviendrait àconstruire une usine à protons de taille modeste.Il faudra toutefois être patient avant de croiserdans un hôpital un appareil basé sur ce principe.« Les lasers à haut taux de répétition et forte puis-sance sont encore à un stade de balbutiement, expli-

que Julien Fuchs. Nous avons comme projet deréaliser un laser d’énergie de quelques dizaines dejoules. C’est un premier stade, mais ce sera sansdoute encore insuffisant pour les applications enprotonthérapie. »Devant l’ensemble des avancées fondamenta-les ou techniques dans le traitement du cancerqui se profilent, une chose est sûre : l’arsenal thé-rapeutique du médecin oncologue va considéra-blement s’étoffer dans la prochaine décennie.

Xavier Müller1. Unité CNRS / École supérieure de physique chimieindustrielle de Paris, Universités Paris-VI et -VII.2. Les ondes de cisaillement correspondent à des vibrationsdes tissus perpendiculaires et non parallèles à la directionde propagation.3. Lire Le Journal du CNRS n°226, « De bonnes ondes pourl’imagerie médicale ».4. Unité CNRS / Institut Curie.5. Celles de Jean-Paul Briand au laboratoire Immunologieet chimie thérapeutiques du CNRS et José Courty auLaboratoire de recherche sur la croissance cellulaire, laréparation et la régénération tissulaire (Unité CNRS /Université Paris-XII).6. Lire Le Journal du CNRS n°236, « Soigner grâce auxpeptides ».7. Unité CNRS / Université Paris-XI / Institut Gustave-Roussy.8. Unité CNRS / INPL / Nancy-université.9. Unité CNRS/ Institut Curie.10. Unité CEA / Université Paris-VI / École polytechnique.

CONTACTSÔ Ara Hovanessian, [email protected]

Ô Luis Mir, [email protected]

Ô Mathias Fink, [email protected]

Ô Marie-Ange d’Hallewin,[email protected]

Ô Marie Dutreix, [email protected]

Ô Julien Fuchs, [email protected]

En 2008, onze pays (Canada, États-Unis,Australie, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne, Japon, Inde, Chine et Singapour) ont donné naissance au Consortium international sur le génomedes cancers (ICGC). L’objectif? Mieuxcomprendre les altérations génétiquessubies par les cellules tumorales. Une listede 50 cancers répandus ou présentant un intérêt clinique a été dressée. Le consortium s’est engagé à réaliser le séquençage de ces types tumoraux.Comprendre en quoi le matériel génétiqued’une cellule tumorale diffère de celuid’une cellule saine devrait fournir des pistes pour élaborer de nouveaux outils de diagnostics, ainsi que des voiesthérapeutiques inédites. En France, une douzaine de centres hospitaliers et delaboratoires –impliquant des chercheurs duCNRS– participent au projet. Les résultatsdevraient être publiés dans cinq ou six ans.

X. M.

OBJECTIF SÉQUENÇAGE

À LIRE> Se mobiliser pour la santé. Des associations de patients témoignent,Madeleine Akrich, Cécile Meadel etVololona Rabeharisoa, éd. Presses desMines, coll. « Sciences sociales », 2009.> Les origines du cancer, Louise Harel, éd. Puf, coll. « Que sais-je? », 2008.> La santé est dans votre assiette, AnnieHubert, éd. Erès, coll.« Même pas vrai »,2007.> Peut-on vaincre le cancer ?, LaurentDegos, éd. Le Pommier, 2004.> Quelle médecine voulons-nous ?,Isabelle Baszanger, Martine Bungener,Anne Paillet, éd. La Dispute, 2002.> Le cancer, Jacques Rouëssé, éd. LeCavalier Bleu,coll. « Idées reçues » 2001.

À VOIR> Cellules et prolifération cellulaire (2008,27 min) de Antoine Spire et DidierDeleskiewicz, produit par CNRS Images.http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=1947

> Guérir en nanos (2007, 15 min) deMarcel Dalaize, produit par CNRS Images.http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=1833&rang=2

Contact : Véronique Goret, CNRS Images– Vidéothèque, Tél. : 01 45 07 59 69 –[email protected]

POUR EN SAVOIR PLUS

Lors d’une protonthérapie, lescellules tumorales (en rose) sontdétruites par un flux de protons(en rouge) avec une précisionextrême et sans dégât pourl’environnement cellulaire.

Les moléculesnommées Dbait (enrouge) donnentl’illusion aux cellules(en bleu) que leurmatériel génétique est détérioré. Lesmolécules leurrées(en vert) se suicidentalors par apoptose.Utilisé conjointementavec la radiothérapie,ce mécanismepourrait doublerl’efficacité des rayonsionisants.

Patient traité par protonthérapie.Il faut aujourd’hui d’imposantssynchrotrons pour obtenir un fluxde protons. Une technique moinscoûteuse basée sur des lasersest en cours de développement.

Tumeur non traitée Tumeur traitée par Dbait

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1 Les iguanes marins, symbolesdes Galápagos, ne sont pas simarins que ça. Ils passent delongues heures sur la terre fermeà se chauffer sur les rochers noirs.

2 Sébastien Steyer et SamuelMartin observent la caldeiraSierra Negra qui mesure unedizaine de kilomètres de diamètre. 3 La grande frégate des

Galápagos est un des oiseauxmarins de l'archipel. 4 Quand les îles Galápagos ont

émergé de la mer, il y a quelquesmillions d’années, elles étaientexemptes de végétation. Au grédes courants marins, vents outempêtes, des graines du continentont traversé 1000kilomètres et s’ysont installées. 5 L'écorce de ce cactus très

présent aux Galápagos estcomposée de raquettes qui sesoudent les unes aux autres pourformer un véritable tronc.6 Grapsus grapsus ou Sally-

pied-léger, est un crabe trèsrépandu le long des côtes etarchipels d'Amérique du Sud etd’Amérique centrale.7 Les célèbres tortues à la

carapace en selle de cheval,galápago en espagnol, ont donnéleur nom à l’archipel.8 D’une île à l’autre, Darwin a

remarqué chez les tortues desvariations de taille et de forme auniveau de la carapace, de la têteet de certaines écailles. Il asoupçonné que toutes ces formesprovenaient du même groupe.9 Au centre de biologie de la

conservation, les scientifiquesétudient un échantillon de plus decent tortues.

28 juin. Soirée pluvieuse dans la mangrove.Au retour, juste avant la nuit, surprise :un iguane marin en train de mangernon pas une algue mais une plante grasse

terrestre ! » L’auteur de ces lignes, consignées dansun carnet de voyage illustré, est Sébastien Steyer,paléontologue au Centre de recherche sur la paléo-biodiversité et les paléoenvironnements 1. Le 25mai dernier, il s’est envolé pour une expédition dequinze jours aux îles Galápagos. « Avant mon départ,raconte-t-il, mes collègues n’arrêtaient pas de me dire :“Que vas-tu donc faire aux Galápagos? Il n’y a pas defossiles ! ” Mais je n’y allais pas pour faire mon travailhabituel de paléontologue. Un des principaux objectifsde cette mission était de marcher sur les pas de Darwinafin de mieux comprendre comment a germé sa fameusethéorie de l’évolution. » Dans l’équipe de Sébastien,il y a Samuel Martin. Biologiste de la conservation,il est également directeur de la Ferme aux crocodilesde Pierrelatte, dans la Drôme, une ferme éducativeabritant des espèces exotiques, qui a financé l’ex-

pédition 2. Du voyage également : Frédéric Pautz,botaniste, Béatrice Langevin, vétérinaire herpéto-logue 3, André Servan, producteur et réalisateurainsi que sa femme Myriam, photographe anima-lier. Dès l’arrivée à l’aéroport, le ton est donné :tout le monde passe par un pédiluve pour se débar-rasser d’éventuels insectes, graines et autres espè-ces qui pourraient envahir l’archipel. C’est que legouvernement équatorien prend d’extrêmes pré-cautions pour préserver la biodiversité si particulièrede ce chapelet d’une quinzaine d’îles volcaniques.Elles constituent en effet le parc national desGalápagos, classé au Patrimoine mondial del’Unesco depuis 1978. Sur ces terres sacrées qui bai-gnent dans les eaux turquoises de l’océan Pacifiqueà mille kilomètres au large de l’Équateur, les sixcompagnons de route ont refait une partie duvoyage de Charles Darwin. Un voyage entamé il ya 178 ans, le 27 décembre 1831. Ce jour-là, le naturaliste, âgé de 22 ans, embarquesur le HMS Beagle, pour un périple de cinq ans

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EXPÉDITION AUX GALÁPAGOS EXPÉDITION AUX GALÁPAGOS

En pleine année Darwin, le paléontologueSébastien Steyer et son équipe ont refaitl’extraordinaire voyage du naturaliste auxGalápagos. Le but: observer la faune et laflore, uniques au monde, de l’archipel ettâcher de comprendre comment la théoriede l’évolution a fait son chemin dansl’esprit du célèbre naturaliste. >

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autour du monde. Issu du milieu conservateurde la bourgeoisie victorienne et anglicane, Darwinest alors encore créationniste et fixiste : il est per-suadé que les êtres vivants ont été créés par Dieuet qu’ils n’évoluent pas. Mais au fil de ses observa-tions minutieuses de la faune et de la flore, il va com-mencer à avoir des doutes. En 1835, son séjour decinq semaines aux îles Galápagos, à l’époque appe-lées les îles enchantées, ne fera que les renforcer. « On le comprend ! Les îles Galápagos constituent unvéritable laboratoire évolutif, témoigne SébastienSteyer. On sait aujourd’hui que tous les êtres vivantsqui sont arrivés sur ces îles, notamment grâce à uneconvergence exceptionnelle de courants marins, se sontadaptés à l’île sur laquelle ils ont atterri. Les quinze îlesprincipales ne sont pas connectées entre elles et toutessont différentes. Du coup, on y croise un grand nom-bre de formes diverses au sein d’une même espèce. Pre-nons l’exemple du pinson endémique de l’archipel :on rencontre pratiquement autant de formes de becqu’il y a d’îles. Darwin a forcément fait le lien entre cetoiseau, avec son type de bec donné, et le type de végé-tation disponible sur l’île où il vit. Cela a dû contribuerà renforcer ses soupçons sur le créationnisme.»L’équipe est bien sûr allée à la rencontre d’uneautre espèce endémique des îles enchantées :l’iguane marin, ce lézard de couleur noire cendrée,au faciès couvert d’écailles et au corps surmontéd’une longue crête, que l’on ne trouve nulle part ail-leurs dans le monde. À l’observer, les scientifiques

ont noté, comme Darwin auparavant, sa grandesimilitude avec son cousin l’iguane terrestre, quel’on rencontre sur certaines îles. «Comme lui, l’iguanemarin se nourrit, en plus des algues, de Sesuvium, uneplante terrestre qui pousse au bord de la lagune, expli-que le paléontologue. Il passe également beaucoup detemps sur terre, à se réchauffer sur les rochers noirs. » Autre espèce emblématique des Galápagos : lestortues géantes. Les chercheurs les ont observéesen milieu protégé, au centre Charles Darwin debiologie de la conservation. Mais cette visite avaitsurtout pour but le rapprochement de ce centretrès actif avec la Ferme aux crocodiles et le CNRS.Un rapprochement fructueux : le centre équato-rien vient d’offrir à la Ferme huit jeunes tortues quipartagent aujourd’hui la vedette avec 350 spéci-mens de crocodiles. De retour, Sébastien Steyer a déjà plusieurs projetsen tête : d’abord la publication de son carnet devoyage 4. Et puis, si possible, une nouvelle expédi-tion en collaboration avec la Ferme aux crocodiles.Cette fois, pour suivre les traces de Bougainville…

Ulysse Fudour

1. Laboratoire CNRS / MNHN / Université Paris-VI.2. Avec l’association « SOS Crocodiles ».3. Spécialiste des reptiles et des amphibiens.4. Sébastien Steyer est également auteur de La Terre avant lesdinosaures, illustrations Alain Bénéteau, Éditions Belin, coll.« Bibliothèque scientifique », 2009, 208 p.

Ô En ligne : Dossier Sagascience :“Darwin. Le voyage d’un naturaliste autour du monde”http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosdarwin/darwin.htmlet www.cnrs.fr/darwin

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10 Lorsque des coulées de laves’échouent dans la mer, il ne finitpar rester que les croûtes, quiforment une succession d’archesvolcaniques. 11 Les scientifiques observentune coulée de lave très récente.Elle n’a que quelques mois ettémoigne de l’activité volcaniquepermanente de l’archipel.12 La paruline jaune est, avec lesfameux pinsons de Darwin, unedes espèces d'oiseaux non marinsdes Galápagos.13 Les fous à pattes bleues sontune autre espèce emblématiquedes Galápagos. La couleur varielégèrement d’un individu à l’autre.14 Darwin a rejeté à plusieursreprises un iguane marin au large.À chaque fois, il revenait sur lacôte. Darwin émit l’hypothèse queles iguanes marins étaientd’origine terrestre.

CONTACTÔ Sébastien SteyerCentre de recherche sur la paléobiodiversitéet les paléoenvironnements, [email protected]

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On dit souvent que les biologistes ressemblentà leur objet d’étude, plaisante Colombande Vargas. C’est vrai : j’ai une vie de planc-ton ! » Comme ces organismes en sus-

pension, le chercheur du laboratoire « Adaptationet diversité en milieu marin 1 », à Roscoff, sil-lonne les mers. Hier, il naviguait dans un fjordde Norvège. Aujourd’hui, il se hâte sur le port deRoscoff, non loin de son bureau de la stationbiologique. Demain, il mettra le pied sur le voi-lier Tara, en escale à Barcelone avant de repren-dre l’expédition de trois ans dans laquelle leCNRS est très impliqué, et dont le biologiste de38 ans est l’un des coordinateurs 2. Colomban de Vargas n’a pas toujours eu les piedsdans l’eau. Né à Paris, cet « enfant des monta-gnes » grandit et étudie en Suisse. Il vit aussi auTchad, loin des côtes... La mer, il la découvredans les émissions du commandant Cousteau,les seules qu’il est autorisé à regarder. Et il s’yplonge pour la première fois à sept ans, lors devacances en Bretagne. Submergé d’émotions.En master d’océanographie biologique, il par-court les atolls des Tuamotu, dans le Pacifique.De retour à Genève, il commence une thèse surles protistes, organismes unicellulaires et euca-ryotes (avec un noyau) particulièrement impor-tants dans le plancton. Ce cinquième élément duvivant reste méconnu, bien moins étudié queles plantes, les animaux, les bactéries et les virus.Pour Colomban, ce sont des objets de recher-che idéaux. Assez nombreux et variés pour satis-faire son inextinguible besoin « d’aller vers l’in-connu. Et le moyen de quitter les montagnes ! » LeFranco-Suisse au prénom irlandais, au nom espa-gnol et dont le père est né en Chine, effectueainsi, en 1997, son premier périple scientifique,d’Angleterre aux Falkland. Armé d’une loupe etd’un filet à plancton.Ce qui le passionne? « L’interface entre organismeset environnement, les liens entre l’évolution de la vieet celle, physicochimique, de notre planète. » Là-encore, les protistes le comblent : ils utilisentleur membrane pour intégrer des éléments (chi-miques, de la matière organique ou même des

proies), les transformer et les utiliser pour bâtirdes structures en calcaire, en verre… Colombande Vargas, en bon biologiste, leur ressemble, unpeu : il apprécie l’échange. En témoigne la façondont il évoque ses rencontres avec certains pro-fesseurs et son désir de transmettre le savoir.Comme à la Rutgers University, où il a enseignéaprès son postdoctorat à Harvard (États-Unis).Les protistes étanchent aussi sa soif d’interdis-ciplinarité. En particulier en géologie et paléon-tologie : les protistes morts qui s’accumulentdepuis un milliard d’années « nous renseignent surl’évolution de la Terre, dit Colomban, l’œil pétillant.De ce que leur squelette a absorbé, on peut déduireleur époque et leur environnement. Ils sont la plusbelle archive fossile du vivant et de ses relations avecles climats. »Pour ce petit-fils de diplômés des Beaux-Arts,« un des rares scientifiques de la famille », un autredomaine compte : l’art. Utile en biologie car il faitappel à « l’intuition » et à « l’introspection », l’artpermet aussi de décrire les protistes, « aux for-mes inimaginables ! Agnès B, mécène de l’expéditionTara, les trouve pas mal du tout… » L’inventeur dumot protiste, Ernst Haeckel, louait déjà leurbeauté. Mais « pour lui, c’était de la poussière phi-losophique, une fantaisie de l’évolution sans rôleparticulier. Il se trompait. »Et pour cause. Selon de récents travaux de Colom-ban de Vargas et son équipe, la sexualité pour-rait trouver son origine dans la manière dont leprotiste Emiliana huxleyi change radicalement decorps pour échapper à un virus 3. Les protistesocéaniques représentent aussi « un élément majeurde la biodiversité et de l’écologie globale» en pro-

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duisant énormément d’oxygène et en empor-tant au fond de l’eau une partie du carboneatmosphérique absorbé par les mers.L’expédition Tara Océans, partie en septembre,permettra de bien mieux les connaître. Colombande Vargas, à bord du navire de Lorient, la ville dudépart, à Lisbonne, embarquera à nouveau enMéditerranée et dans les océans Indien, Atlan-tique, Pacifique. Après la récolte du plancton,sa jeune équipe (qu’il dirige depuis son entrée auCNRS en 2006) emploiera des méthodes nou-velles de séquençage génétique massif et demicroscopie à haut débit. Les chercheurs espè-rent mieux comprendre structure et dynamiquedu plancton, découvrir et recenser les protistes,décrypter leur composition, analyser leur capa-cité d’adaptation à des océans plus ou moinsacides, et l’impact de ces adaptations sur le cli-mat. Crucial à un moment où acidification desmers liée à l’augmentation du dioxyde de carbonedans l’atmosphère et changement climatiqueinquiètent.

Mathieu HautemulleÔ Pour en savoir plus :http://oceans.taraexpeditions.org/?id_page=1http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1644.htm

1. Laboratoire CNRS / Université Paris-VI.2. Lire Le Journal du CNRS n°234-235.3. Lire Le Journal du CNRS n°227.

“Les protistes sont la plus belle archive fossile du vivant et de ses relations avec les climats.

Colomban de Vargas

L’appel de la mer

Biologiste

CONTACTÔ Colomban de VargasLaboratoire « Adaptation et diversité en milieumarin », [email protected]

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Directeur de l’Institut d’astrophysique de Paris1, Laurent Vigroux est égalementdepuis janvier dernier président du conseil de l’Observatoire européen austral (ESO).Il explique le rôle de cette organisation et en détaille les projets futurs.

près de Munich (Allemagne) et les observatoiresdu Chili. Du point de vue organisationnel, l’ob-servatoire est dirigé par un conseil, dont je suisle président depuis le début de l’année, au seinduquel chaque état-membre dispose de deuxreprésentants. C’est cette instance qui est chargéede nommer le directeur général, de voter le bud-get et de fixer les grandes orientations politiques. Par ailleurs, il est important de savoir qu’en géné-ral, ce n’est pas l’ESO qui construit les instru-ments qui équipent ses télescopes. Il lance desappels d’offres auxquels répondent les labora-toires des états-membres en échange de l’attri-bution de temps d’observation garantis. La Franceest d’ailleurs l’un des grands pays de ce domaineoù elle s’est distinguée par ses idées originalessur l’optique adaptative, cette technique qui per-met de corriger en temps réel grâce à un miroirdéformable l’effet des perturbations introduitespar l’atmosphère. Elle dispose, à l’Institut dessciences de l’Univers (Insu) du CNRS, de plu-sieurs équipes spécialisées dont les plus connuessont regroupées dans des observatoires des scien-ces de l’Univers, à Marseille, Toulouse, Bordeaux,Grenoble, Nice et Lyon. À cela, il faut rajouter lesgroupes de l’observatoire de Paris et de l’Institutde recherche sur les lois fondamentales de l’Uni-vers (Irfu) du CEA.

Comment va évoluer le parc d’instruments del’ESO dans les prochaines années ?L.V. : Le VLT est actuellement équipé de douze ins-

truments. Ceux-ci vont progressivement être rem-placés par d’autres de la seconde génération dontdeux font actuellement l’objet de développementsen France. Dédiés à la recherche d’exoplanètes età la spectroscopie dans le visible et l’infrarouge desgalaxies lointaines, ces dispositifs appelés Sphere,Muse et Kmos devraient être installés sur le siteà partir de 2012 ou 2013. Le VLTI bénéficie luiaussi d’un plan d’instrumentation de secondegénération, avec une forte participation du CNRS.

Parallèlement à cela, l’ESO représente l’Europeau sein d’un vaste programme internationalappelé Alma auquel participent les États-Unis, leCanada, le Japon et Taïwan. Doté d’un budget de800 millions d’euros versé pour moitié par l’ESOpour la partie européenne, celui-ci vise àconstruire à plus de 5 000 mètres d’altitude, surle site de Llano de Chajnantor, au Nord du Chili,un interféromètre géant. Lorsqu’il sera opéra-tionnel en 2013, ce réseau d’antennes permettrad’étudier la composition des nuages interstel-laires, ces nuées de gaz et de poussières d’oùsont vraisemblablement sorties les premièresgalaxies. Pour ce qui concerne l’après VLT, nous réalisonsactuellement les études d’un télescope de42 mètres : le E-ELT (European Extremely LargeTelescope). Si elles s’avèrent concluantes, les pays-membres de l’ESO pourraient décider la construc-tion de cet instrument, dont un des grands butssera de réaliser des images d’exoplanètes pour fin2010 ou mi-2011, avec une mise en service auxalentours de 2017 ou 2018. Mais tout dépendde la volonté politique des états. Car s’ils décidentde soutenir ce projet estimé à environ un milliardd’euros, ceux-ci devront accepter d’augmentersensiblement leurs contributions financières.

Propos recueillis par Vahé Ter Minassian

1. Unité CNRS / Université Paris-VI.2. L’interférométrie est une méthode qui consiste à réaliserdes images d’un objet cosmique en faisant travaillerplusieurs télescopes de concert.

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OBSERVATOIRE EUROPÉEN AUSTRAL

L’espace vu de la Terre

Qu’est ce que l’Observatoire européen austral?Laurent Vigroux : Il s’agit d’une organisationintergouvernementale créée en 1962 sur lemodèle du Cern (Organisation européenne pourla recherche nucléaire) dans le but de dévelop-per l’astronomie moderne en Europe. À l’époque,l’objectif des cinq pays fondateurs (Allemagne,France, Pays-Bas, Belgique, Suède) était deconstruire à La Silla au Chili, un télescope de qua-tre mètres dédié à l’étude de trois objets diffici-lement observables à partir de l’hémisphèreNord : le centre de notre galaxie, la Voie lactée,et les Nuages de Magellan, c’est-à-dire les deuxgalaxies les plus proches de la nôtre. Comme cepremier instrument et ceux qui s’y sont ajoutésau cours des années 1970 ont donné d’excel-lents résultats, d’autres pays ont, plus tard,décidé de rejoindre l’ESO. Grâce à la contribu-tion financière et technique de ces nouveauxarrivants, il a alors été possible de se lancer dansdes projets plus ambitieux dont le plus connu est

la construction dans lesannées 1990, sur le montParanal au Chili, des qua-tre télescopes de huitmètres du fameux VeryLarge Telescope (VLT), unobservatoire qui est de nosjours considéré comme lemeilleur au monde. En2009, l’ESO compte qua-torze états-membres etpossède une vingtaine

d’instruments, sur les sites de La Silla et dumont Paranal. À eux tous, ils permettent de réa-liser des observations du ciel dans à peu près tou-tes les longueurs d’onde.

Quel est le poids de l’ESO dans l’astronomiemondiale?L.V. : L’ESO occupe une place unique dans ladiscipline dans la mesure où il est la plus grandeorganisation en charge d’instruments au sol :tous les grands pays européens en sont mem-bres. Aucune région du monde, même les États-Unis où les télescopes appartiennent générale-ment à des universités ou à des consortiumsprivés, ne possède une structure comparable,c’est-à-dire une organisation capable de jouer unrôle fédérateur à l’échelle d’un continent, dotéd’un budget annuel et disposant à demeured’un personnel qualifié.

De plus, à la différence de l’Agence spatiale euro-péenne qui consacre une bonne part de son acti-vité aux lanceurs ou à l’observation de la Terre,l’ESO ne s’occupe que d’astronomie. Ce qui luidonne une plus grande importance aux yeux dela communauté scientifique.Pour vous donner une idée de l’intérêt que por-tent les astronomes à l’ESO, sachez que lors denotre dernier appel à propositions d’observa-tions, nous avons reçu plus de 1 200 demandesd’utilisation des télescopes : sept fois ce quenous pouvions accorder ! Actuellement, c’estplus d’un article scientifique consacré à des étu-des réalisées avec le VLT qui sort par jour : 400par an! Et il faut rajouter à ce chiffre les 250 à 300publications annuelles qui concernent des décou-vertes faites à l’aide du VLTI (Very Large TelescopeInterferometer), le mode interférométrique duVLT 2, ou des télescopes de La Silla. L’ESO est donc aujourd’hui une véritable machineà produire de la science à qui l’on doit des résul-tats aussi spectaculaires que l’évaluation, l’an-née dernière, de la masse du trou noir logé au cen-tre de notre galaxie, ou encore la réalisation, en2005, de la première image d’une exoplanètepar des équipes internationales auxquelles par-ticipait le CNRS.

Justement, quelle est l’implication du CNRSdans l’ESO?L.V. : Même si elle est indirecte, l’implication duCNRS dans l’ESO est importante. La majoritédes astronomes français travaillent, en effet, dansdes laboratoires du CNRS. Ceux-ci participentpar ailleurs énormément à la conception des ins-truments. Pour vous donner un ordre d’idée surles quinze instruments du VLT et du VLTI, septont été conçus avec l’appui d’équipes françaises.Or, parmi celles-ci, six étaient du CNRS. Sanscompter que le CNRS représente la plus grandepart de la centaine de publications françaises réa-lisées à partir des observations faites à l’ESO.

Quelles relations entretient l’ESO avec lesagences spatiales? Y-a-t-il concurrence entrel’astronomie spatiale et au sol ?L.V. : Non, certainement pas, car ces deux bran-ches de l’astronomie sont complémentaires. Pourréaliser des images d’exoplanètes, un télescopede 40 mètres installé au sol est indispensable.Mais pour repérer les zones vers lesquelles poin-ter cet instrument, il faut disposer d’un téles-cope spatial du type Corot (du Centre nationald’études spatiales). De même, l’étude du ciel à cer-taines longueurs d’onde – comme le domainedes rayons X et gamma ou même l’infrarougelointain – n’est pas possible à partir du sol. C’estpourquoi nous avons besoin des initiatives quisont prises en dehors de l’ESO. D’autant quetous les moyens d’observations terrestres ne sontpas représentés dans notre organisation. L’ESOne fait pas de radioastronomie ou ne participe pasà des instruments d’astrophysique des hautesénergies comme Hess ou Auger.

Comment est organisé l’ESO?L.V. : Le budget annuel de l’ESO est d’un peuplus de 130 millions d’euros venant essentielle-ment des contributions de chaque état-membreproportionnellement à son PIB. Environ 40 % decette somme est utilisée pour les opérations etdans le cadre de contrats industriels portant surla construction des télescopes et de leur instru-mentation. Le reste sert à payer le personnel, soit650 personnes réparties entre le siège de l’ESO

CONTACTÔ Laurent VigrouxInstitut d’astrophysique de [email protected]

INSITU INSITU

Un consortium de trois laboratoires français de l’Institut national des sciences de l’Univers (Insu) 1 duCNRS vient d’achever pour le compte de l’ESO la mise au point d’une caméra ultrarapide et de très hautesensibilité pour l’optique adaptative. Capable de prendre 1500 images par seconde dans une obscuritéquasi complète, OCam, financée pour moitié par la Commission européenne, l’ESO et l’Insu, a nécessitécinq ans de développement au sein du projet européen Opticon. Destiné à être utilisé notamment sur lefutur instrument de seconde génération Sphere du VLT dédié à l’imagerie des exoplanètes, le dispositifpermettra aux astronomes de mesurer puis corriger en temps réel avec une précision jusqu’ici inégalée,les turbulences atmosphériques responsables du brouillage des clichés des télescopes au sol. V. T. M

1. Laboratoire d’astrophysique de Grenoble (CNRS / Université Grenoble-I, Observatoire des sciences de l’Univers deGrenoble (CNRS / Université Grenoble-I / Institut polytechnique Grenoble), Laboratoire d’astrophysique de Marseille(CNRS / Université Aix-Marseille-I / Observatoire astronomique de Marseille-Provence) et Observatoire de Haute-Provence (CNRS).

Contacts :Philippe [email protected] [email protected]

UNE CAMÉRA POUR FILMER L’UNIVERS

Le Very LargeTelescope (VLT) est aujourd’huiconsidéré comme lemeilleur observatoiredu monde.

L'ESO représentel'Europe au sein duprojet internationalALMA qui vise àconstruire d'ici 2013sur le site de Llano deChajnantor, au Nord duChili, un interféromètregéant à plus de5000 mètres d’altitude.

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Détecteur de la caméraOcam. Celle-ci pourraprendre 1500 imagespar seconde dans uneobscurité quasicomplète.

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INSITU INSITU

PROGRAMME EUROPÉEN SESAR

Moderniser le trafic aérien en Europe

Mesdames, messieurs, icivotre commandant de bord.Je vous informe que ledécollage de notre avion est

retardé de vingt minutes. » Ce typed’annonces, les habitués des voyages enavion sur l’Europe risquent de l’enten-dre de plus en plus souvent. Car, avecprès de 30000 vols par jour en périodede pointe, plus de dix millions de volspar an, 17millions prévus pour 2020 et20,4millions pour 2030, le trafic aérieneuropéen risque la paralysie si sa ges-tion et son contrôle ne sont pas rapi-dement modernisés. « Depuis la mise enplace de la communication par radio et desradars, le contrôle aérien n’a que très peuévolué, explique en effet Philippe Bap-tiste, un des douze membres du comitéscientifique de Sesar et directeur duLaboratoire d’informatique de l’Écolepolytechnique (Lix) 2. Il reste dans unelarge mesure artisanal, très peu automa-tisé, et repose sur la capacité individuelledes contrôleurs à gérer toujours plus detrafic. » Pour éviter la congestion annon-cée, un traitement de choc s’imposait.En 2007, la Commission européennelance donc le programme Sesar, volettechnologique de l’initiative « Ciel uni-que européen » visant à restructurerla gestion du trafic aérien sur le Vieux Conti-nent, actuellement fragmentée en 27 systèmesnationaux différents ! « Les pertes économiquesliées au manque d’efficacité du système sont esti-mées à entre 3 et 5 milliards d’euros par an, dont unmilliard dû à cette fragmentation , souligne AlainJeunemaître, également membre du comitéscientifique de Sesar, et directeur de rechercheau Pôle de recherche en économie et gestion del’École polytechnique (Preg) 3. Proportionnelle-ment, la gestion du trafic aérien coûte deux foismoins cher aux États-Unis qu’en Europe, notammentparce qu’ils n’ont pas ce problème. »

LA TRAJECTOIRE OPTIMALE EXISTEPour atteindre ses objectifs, Sesar mise sur l’op-timisation de la trajectoire des avions. Pour un voldonné, celle-ci sera définie de façon concertéeentre les contrôleurs, les compagnies aérienneset autres utilisateurs de l’espace aérien (aéroports,jets d’affaires, aviations privée et militaire…). En

fait, un compromis entre distance, temps, coût etpollution, ces critères n’ayant pas la même impor-tance pour les différents acteurs. « Actuellementdéfinies par les contrôleurs, les trajectoires emprun-tent des routes aériennes non optimales car tropdépendantes de la fragmentation géographique des sys-tèmes de gestion nationaux et des espaces d’entraî-nement des militaires, explique Patrick Ky, directeurexécutif de Sesar. Ainsi, on estime que les trajectoi-res actuelles dévient de 3 à 5% par rapport aux tra-jectoires optimales, ce qui génère des surconsomma-tions de carburant, de la pollution, des pertes detemps et d’argent. » Afin de transformer ce concepten réalité, plusieurs technologies vont être déve-loppées : mise en place d’un intranet entre tousles intervenants du trafic aérien ; transfert directdes données entre le sol et les avions par liaisonnumérique et non plus simplement par liaisonradio ; premiers tests de navigation par satellitegrâce au système européen Galileo dès 2010-2011 ; assistance des contrôleurs et des pilotes

par de nouvelles fonctions automati-ques ; nouveaux systèmes de détectiondes turbulences… Une fois mises aupoint, ces technologies seront déployéesau sol puis sur les avions à partir de2014.

RECHERCHE À LONG TERMEParallèlement à ces développementstechnologiques en cours, le comitéscientifique de Sesar construit desréseaux de recherche académique àplus long terme sur diverses thémati-ques : modélisation et optimisationdu trafic aérien, interface contrôleur/ordinateur, amélioration de la perfor-mance économique du système… EnFrance, plusieurs laboratoires duCNRS mènent des recherches dansce domaine. À titre d’exemple, le Prega étudié les pistes de restructuration ducontrôle aérien européen pour enréduire le coût, et le Lix a travaillé surles aspects de modélisation du trafic.En 2002, 71 personnes trouvèrent lamort lors de la collision entre deuxavions au dessus du lac de Constanceen Suisse. En cause : la défaillance ducontrôle aérien. La contribution desmeilleures équipes de recherche seranécessaire pour moderniser le trafic

aérien européen dont les limites peuvent avoirdes conséquences dramatiques.

Jean-Philippe Braly

Ô À voir : http://www.sesarju.eu

1. Single European Sky Air Traffic Management and Research.Son budget actuel s’élève à 2,1 milliards d’euros répartisentre la Commission européenne, Eurocontrol(organisation européenne pour la sécurité de la navigationaérienne), et 15 partenaires industriels.2. Laboratoire CNRS / École polytechnique.3. Laboratoire CNRS / École polytechnique.

CONTACTSÔ Patrick KySesar Joint Undertaking, [email protected]

Ô Philippe BaptisteLaboratoire d’informatique de l’Écolepolytechnique (Lix), [email protected]

Ô Alain JeunemaîtrePôle de recherche en économie et gestion del’École polytechnique (Prég), [email protected]

Permettre un triplement du trafic dans le ciel européen, diviser par deux les frais de gestion, améliorerla sécurité d’un facteur dix et réduire de 10% l’impact environnemental de chaque vol : tels sont lesobjectifs du programme Sesar1 auquel participe le CNRS.

Intranet reliant tousles acteurs du trafic,liaisons numériquesavec les avions,nouveaux systèmesde détection desturbulences… :diversestechnologies serontdéployées.

TSUNAMI

Quinze minutes pour donner l’alerte

Le tsunami du 26 décembre2004, avec 230000 victimes, aréveillé les esprits : aucune côte

n’est à l’abri de ces vagues meur-trières. La France va donc se doterd’un Centre régional d’alerte auxtsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée (Cratanem).Régional, parce qu’il s’insérera dansle dispositif mondial coordonné parl’Unesco qui est, pour l’instant, sur-tout opérationnel dans le Pacifique.Une convention-cadre a été signéeen septembre dernier à l’instigationdes ministères français de l’Inté-

rieur et de l’Environnement. Elleorganise la collaboration entre l’Ins-titut national des sciences de l’Uni-vers du CNRS (Insu), le Commis-sariat à l’énergie atomique (CEA)et le Service hydrographique et océa-nographique de la marine (Shom).Objectif : mettre en place un sys-tème capable d’alerter les autoritésfrançaises – et internationales –moins de quinze minutes après lasurvenue d’un séisme susceptibled’engendrer un tsunami menaçantles côtes françaises de l’Atlantique etde la Méditerranée.

« Évaluer rapidement le risque de for-mation d’un tsunami est une gageure,expliquent Helle Pedersen, du Labo-ratoire de géophysique interne ettectonophysique (LGIT) 1 et AnneDeschamps, du laboratoire Géos-ciences Azur 2, qui coordonnerontles efforts du CNRS pour ce projet.La nature même des ondes sismiqueset des méthodes d’analyse fait que plusune secousse est importante, et sus-ceptible de provoquer un tsunami, plusil faut de temps pour s’assurer de saprofondeur et de sa magnitude exactes.Il faut parfois des centaines de secon-des. » Autrement dit de précieusesminutes quand les vagues qui mena-cent plages et côtes basses voyagentà plus de 500 km/h.Grâce à son réseau de détection desexplosions nucléaires souterraines,basé entre autres sur des stationssismologiques à l’écoute des sou-bresauts de la Terre, le CEA est unacteur majeur des alertes sismiqueseuro-méditerranéennes. Quatre sta-tions sismologiques de l’Insu ins-tallées en Corse et sur les côtes médi-terranéennes viendront compléter ledispositif. Elles seront équipées d’unsystème de communications parsatellite qui transmettra les mesuresavec un décalage de quelques secon-

des seulement au Cratanem, ins-tallé au CEA à Bruyères-le-Châtel(Essonne). Le Shom fournira lesmesures de hauteur d’eau de sesmarégraphes. L’ensemble devraitêtre opérationnel fin 2012. Dans cemême esprit de collaboration, lesdonnées des sismographes du CEAviendront enrichir le réseau instru-mental Resif3 mis en place par l’Insu–et piloté par Helle Pedersen– pourétudier les risques sismiques, lastructure interne de la Terre et lesressources du sous-sol.

Denis Delbecq

1. Unité CNRS / Université Joseph-Fournierde Grenoble / Laboratoire central des Pontset Chaussées / IRD / Université de Savoie /Observatoire des sciences de l’Univers deGrenoble.2. Laboratoire CNRS / Université de NiceSophia-Antipolis / IRD / Université Paris-VI / Observatoire de la Côte d’Azur.3. Résif (Réseau sismologique français) estclassé comme projet de Très grandeinfrastructure de recherche par le ministèrede l’Enseignement supérieur et de laRecherche.

CONTACTSÔ Helle PedersenLaboratoire de géophysique interneet tectonophysique, [email protected]

Ô Anne DeschampsGéosciences Azur, [email protected]

Gravure du XIXe siecle représentant les terriblesséisme et raz-de-marée qui ont causé la destructionde nombreux édifices à Lisbonne en 1755.

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HORIZON Ils ont choisi la France et le CNRS36

Des forêts camerounaises aux savanes deGuyane en passant par les champs demanioc cultivés en Amazonie, les « ter-rains de jeu » de Doyle McKey ne sont

jamais très loin de l’équateur. Pour ce chercheuren écologie évolutive aux faux airs de Robin Williams, la biodiversité des tropiques est un tré-sor : « on peut trouver parfois dans un même lieujusqu’à 30 espèces d’un seul genre ! Cette richessepermet de faire de la biologie comparée à une échelleimpossible dans d’autres écosystèmes. » L’Améri-cain de 60 ans est spécialiste de la coévolutiondans les cas d’interactions entre plantes et ani-maux au Centre d’écologie fonctionnelle et évo-lutive (Cefe) 1, à Montpellier. Au fil de sa carrière,il a développé trois grands thèmes de recherche :l’association entre plantes et fourmis, l’évolutiondu manioc sélectionné par la pratique agricole et,dernièrement, l’étude archéologique et écologiquedes savanes côtières de Guyane.

Petit, ce natif du Texas s’imaginait tour à tourexplorateur, à l’image de ses héros Davy Crockettet Daniel Boone, ou naturaliste comme son chefscout de l’époque. À l’heure de choisir sa for-mation universitaire, le jeune Doyle privilégiecelle qui dispense le plus de cours sur le terrainet s’oriente vers des études de gestion de la faune.Il y découvre l’écologie tropicale et « mord à l’ha-meçon » articule-t-il, satisfait de pouvoir employerdes expressions imagées à la française. L’écolo-gue Daniel Janzen, aujourd’hui mondialementconnu 2, deviendra son directeur de thèse. Tan-dis que Doyle McKey s’initie à l’espagnol pour tra-vailler au Costa Rica, Daniel Janzen lui proposeun sujet au Cameroun. « Cinq semaines plus tard,je décollais pour l’Afrique avec dans mes bagages :Apprendre le français en 90 jours et Les troisMousquetaires. » Et d’ajouter avec malice : « ilsfurent vite remplacés par le commissaire SanAntonio. » Commencent sept ans de thèse, dont

quatre de terrain. « Ces annéesau Cameroun m’auront donnédes idées de recherches pour le restede ma vie! » L’Américain devient« francophone puis francophile »,si bien qu’il épouse une Fran-çaise et finit par décrocher unposte à l’université Montpellier-II en 1995, en accueil au Cefe,où sa femme travaille déjà. Dèsson arrivée en France, il atta-que des recherches sur le manioc parallèlement à celles

sur les interactions entre plantes et fourmis surlesquelles il bûche depuis plusieurs années. Lescientifique et ses étudiants ont montré com-ment, de manière empirique, les agriculteursamérindiens gèrent durablement leurs champsen combinant bouturage et reproduction sexuéeafin de conserver la diversité et le potentiel adap-tatif du manioc. Ces recherches lui ont valu le prixTerra Ficaria (Fondation Yves Rocher/ Institutde France) en 2006. L’année suivante, il lance unvaste projet interdisciplinaire sur les savanescôtières d’Amazonie 3. Ces paysages sont carac-térisés par une multitude de petites buttes, ves-tiges des champs surélevés précolombiens. Maiscomment, après 800 ans d’abandon et de pluiestropicales, ces monticules ont-ils pu traverserles âges? Doyle McKey soupçonne déjà que « cespaysages construits par des hommes ont été main-tenus par des organismes ingénieurs » : plantes,vers, termites, fourmis… Bref, encore une histoired’interactions. On vous avait prévenu !

Caroline Dangléant

1. Unité CNRS / Universités Montpellier-I, -II et -III / EnsaMontpellier / Cirad / École pratique des hautes études, Paris.2. Daniel Janzen a reçu le prix Crafoord en 1984, équivalentau prix Nobel de l’écologie.3. Le projet Savanes côtières, financé par le CNRS dans lecadre du programme interdisciplinaire « Amazonie 2 »,rassemble biologistes, écologues, pédologues,anthropologues, archéobotanistes et archéologues.

Doyle McKeyL’aventurier de l’interaction

CONTACTÔ Monica DietlBureau du CNRS à [email protected]

HORIZON 37

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Vous souhaitez diriger un projet de recher-che avec des partenaires européens etdécrocher un contrat de la Commissioneuropéenne pour assurer son finance-

ment? Malgré votre détermination, vous vous sen-tez parfois découragé devant les contraintesadministratives imposées par Bruxelles ? Béné-ficiez du soutien d’un ingénieur projet européen(IPE) de la Direction des affaires européennes(DAE) du CNRS. Mis en place au CNRS en 2003,et pour la première fois en Europe, lors du lan-cement du sixième programme-cadre de recher-che et développement (PCRD), les IPE ont su enquelques années se faire une place dans la com-munauté scientifique en France et en Europe. Lebesoin était net. Si les appels à propositionsoffrent chaque année plusieurs millions d’eu-ros, seul un projet sur dix est retenu après éva-luation par un comité de pairs. La compétitionest rude, même pour le CNRS qui demeure pour-tant le premier participant aux programmes com-munautaires, avec 884 contrats signés pour lesixième programme-cadre et bientôt 300 pour leseptième qui a débuté en 2007.La Commission exige de chaque candidature,outre un descriptif pertinent des recherches,« des informations précises en terme de montagefinancier, de management des équipes européennesengagées, de valorisation (applications, transfertsde technologies) ainsi qu’une évaluation étayée del’impact socioéconomique des recherches sur la sociétéeuropéenne», explique Monica Dietl, responsabledu Bureau de Bruxelles de la DAE en charge dela coordination de ces IPE. Un travail qui exigedu coordinateur scientifique du projet une légi-timité parmi ses pairs, un engagement person-nel « sur plusieurs mois voire plusieurs années » etdes compétences qui dépassent largement lecadre de ses recherches. Malgré l’appui des ser-vices de partenariat et valorisation des délégationsrégionales de l’établissement, les dossiers mon-tés en hâte peuvent être écartés par un processusd’évaluation devenu très sélectif. D’où l’idée duCNRS de recruter et de former des ingénieurs quisoient le trait d’union entre les chercheurs, les ser-vices du CNRS, les institutions partenaires et, par-fois, les chargés d’affaires de la Commissioneuropéenne. Des IPE qui assurent le montage etle lancement des dossiers, sans pour autant inter-venir dans le cœur scientifique du projet.

Un pool de neuf IPE est aujourd’hui en postedans les délégations régionales du CNRS. Recru-tés pour trois ans, ces ingénieurs sont placésauprès du coordinateur scientifique du projet,sous l’autorité de la DAE. Ils suivent un porte-feuille de trois à cinq projets, traquent l’infor-mation la plus récente et la plus juste, rédigenten binôme avec le coordinateur les parties non-scientifiques du dossier et montent ensemblele budget. « Les IPE sont en charge de grands projets européensportés par le CNRS, des consortiums de recherchepouvant réunir jusqu’à trente partenaires euro-péens. » Malgré leur « jeunesse » – ils ont entre 25et 35 ans –, les IPE sont de véritables « spécialis-tes des programmes communautaires ». Diplômésde Science-Po, juristes ou spécialistes en mana-gement de projets, rarement scientifiques, ilsont sillonné l’Europe et ses instituts avant defrapper aux portes du CNRS. Mar Roig-Ripoll,d’origine espagnole, recrutée en juin 2008, estactuellement, à 25 ans, la benjamine du groupe.Elle a ainsi passé deux ans au Collège d’Europe 1

dans le cadre d’un échange Erasmus, un an dansune université anglaise, un an au Portugal en pre-

mière année de master, sept mois en stage à ladélégation catalane de la Commission euro-péenne à Bruxelles et une sixième année enPologne. « Multilingue catalan, espagnol, français,anglais et portugais », Mar se dit également très« à l’aise en Italien, polonais et russe ». La jeune IPEgère avec professionnalisme le montage d’unprojet de recherche « confidentiel » dans ledomaine de la santé, évalué à douze millionsd’euros. Si le projet est lancé et si son coordina-teur le souhaite, un European project manager 2 duCNRS pourra prendre la suite de l’IPE pour assu-rer le suivi des actions jusqu’à échéance ducontrat de recherche, soit un maximum de six ans.Voilà de quoi rassurer les scientifiques les plusfrileux à se lancer dans l’aventure européenne.

Séverine Lemaire-Duparcq

1. Le collège d’Europe est un institut universitaire deformation spécialisé dans les études européennes. Il estbasé à Bruges et Varsovie.2. Manager de projet européen.

CONTACTÔ Doyle McKeyCentre d’écologie fonctionnelle et évolutive,[email protected]

BRÈVES

Grande première en AsieLe 7 octobre, le CNRS, la Nanyang Technological University (NTU) deSingapour et Thales ont créé Cintra, la première unité mixte internationaleen Asie avec un partenaire industriel. Basée à Singapour, elle va seconsacrer aux nanotechnologies pour l’électronique et à la photonique dufutur. Elle est dirigée par Dominique Baillargeat, du laboratoire XLIM(CNRS/Université de Limoges), avec pour adjoints le professeur Tjin SweeChuan de la NTU et le docteur Myriam Kaba de Thales.> www2.cnrs.fr/presse/communique/1687.htm

PROJETS EUROPÉENS

Monter un projet scientifique à l’échelleeuropéenne n’a souvent rien d’une sinécure.Les ingénieurs projet européen (IPE) du CNRS sont là pour aider les chercheurs à se lancer dans cette aventure.

Suivez le guide!

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Appel à candidaturesLes inscriptions pour les chaires internationales de recherche Blaise-Pascal, destinées aux chercheurs étrangers de toutes disciplines, sontouvertes. Les candidatures peuvent être déposées jusqu’au 11 janvier 2010.> Pour en savoir plus : www.chaires-blaise-pascal.org

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GUIDE 39

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Issu du colloque « Archéologie des riva-ges méditerranéens : cinquante ans derecherche » (Arles, octobre 2009), cetimposant ouvrage entre dans les célé-brations du cinquantenaire de la créa-tion du ministère des Affaires culturel-les sous la responsabilité d’André

Malraux. Une synthèse pour un large public sur les grandes étapes del’évolution de l’archéologie durant ces cinquante dernières années, sousforme de notices consacrées à des sites et découvertes parmi les plussignificatifs en Languedoc-Roussillon, Corse et Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Les grandes découvertes del’archéologie méditerranéenne

1959 - 2009Sous la direction de Joseph Césari,Xavier Delestre, Michel L’Hour,Henri Marchesi, éd. Actes sud,octobre 2009, 216 p. – 39 €

GUIDE Livres38

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Il était une fois un hôpital où « l’on soignait malet guérissait peu ». Mais, de la fin du XIXe audébut de ce XXIe siècle, l’institution hospitalièrea connu une formidable mutation. Jadis lieud’accueil et de relégation, l’hôpital est devenu,surtout sous la Cinquième République, un

endroit où sont reconnus les droits du patient-citoyen. Historien, l’auteurretrace ici l’évolution de la médecine et de ses exécutants (médecins, per-sonnel des services de soins, personnel administratif, directeurs etouvriers) et, en parallèle obligatoire, celle de l’économie et du droit hos-pitalier. Histoire d’un colossal outil de soin.

Christian Chevandier, éd. Perrin, coll.« Pour l’histoire », octobre 2009, 492 p. –25 €

Ce « gentil coquelicot » sur la cou-verture de votre livre adresse en faitune véritable alerte aux gestionnai-res des villes de France. Autrementdit : pourquoi cet ouvrage?Nous avons pris le coquelicot commeemblème parce que si cette plantefragile survit en ville, la nature auratoute sa place dans la cité. Les pédo-logues –les spécialistes du sol– sesont mobilisés dans le cadre de l’An-née internationale de la planète Terrepour que les gestionnaires prennentle sol urbain véritablement en comptedans leurs décisions. Précisons quel’on entend par sol urbain non seu-lement celui qui est sous les pavésmais aussi celui des parcs, des jar-dins et celui qui entoure la ville. Ils’agit du sol dit surface et celui dit

volume (de deux à cinq mètres deprofondeur). Ce sol n’est pas un solagricole ou forestier. Il est l’empreintede l’histoire de la ville avec ses acti-vités, ses spots de pollution –d’oùune composition hautement hétéro-gène qui le rend difficile à caractéri-ser – et, sans doute, cause princi-pale de l’oubli pendant des annéeschez les scientifiques et les gestion-naires, contrairement aux sols agri-coles ou forestiers, il n’a pas vocationà produire de la biomasse alimen-taire. Tout cela fait qu’il véhicule uneimage négative ou reste le grandabsent de la ville dont il a intégré lesdivers déchets. Or, c’est une res-source limitée. L’urbanisation enconsomme de plus en plus. Elleoccupe des sols fertiles (70 % des

Françaissont aujourd’hui dansles villes). Parvenir à contrôlercette urbanisation galopante est dé-sormais un enjeu majeur. D’où lamobilisation ici de quarante auteursde toutes disciplines.

Malgré cette image négative, ce sola-t-il des fonctions importantes pourla ville?Bien sûr, puisque, grâce à lui, nousavons arbres, pelouses, jardins pota-gers! L’homme peut ainsi garder enville un contact essentiel avec lanature en la regardant, d’abord, et,très matériellement, en marchant. Ilcontrôle aussi l’eau : il avait un rôlede filtre qu’il a perdu par son imper-méabilisation, par l’installation anar-chique des réseaux (tuyaux, câbles)ce qui modifie la genèse des cruescomme la qualité des eaux. C’estaussi un écosystème : même pollué,ce sol est un milieu vivant du fait demicro-organismes qui sont desacteurs de résilience (réparation)dans les pollutions. Des plantes,comme la violette calaminaire métal-

lophyte, par exemple, peuventcontribuer à la remédiation

–remise en état– des sols pol-lués. Ces techniques ont été étu-

diées dans la plaine d’Achère, qui areçu les eaux usées de la ville deParis pendant deux cents ans. Toutesces fonctions génèrent des trans-ferts de matières, du sol vers leseaux, les plantes, l’atmosphère quiont des conséquences sur la santéde l’homme et des écosystèmes.

Comment corriger l’oubli du sol pouraller vers une ville harmonieuse?On ne pourra pas toujours préleverdes sols agricoles pour créer lanature dont la ville a besoin. Il faudrainventer des nouveaux matériauxpour les revêtements, améliorer lacompréhension et les techniques deremédiation des sols pollués. Par ail-leurs, les outils d’enregistrement desdonnées sur le sol seront essentiels.La base de données Basias existesur les anciens sites industriels maisil n’y a rien sur le suivi des caracté-ristiques et des interventions. Or,gérer les sols, c’est prendre encompte leurs caractéristiques pourdécider de leur usage futur. Mais,vous savez, le sol urbain est l’affairede tous: chercheurs, gestionnaires ethabitants des villes.

Propos recueillis par A.L.

Chantal Gascuel est hydropédologue, membre du Centre armoricain derecherche en environnement (CNRS / Universités de Rennes-I et -II / Inra /Agrocampus Ouest).

L’ergologie n’est pas une science maisune méthode d’appréhension de l’acti-vité humaine dans sa globalité. Etl’ergoprévention en est la mise enœuvre dans le domaine de la préventiondes risques du travail. Devant la recru-descence des dégâts « tous azimuts »au travail, Pierre Trinquet, enseignant-chercheur en ergoprévention auxuniversités Aix-Marseille-I et -II, pro-pose ici, après Maîtriser les risques dutravail (Puf, 1996), un ouvrage dont lepremier chapitre s’intitule « Travail,mon ami, mais qu’est-ce qu’on a faitde toi! » et se termine par un encou-rageant « C’est possible ! », sous-entendu de prévenir le fléau social (har-cèlements, suicides, cancers, burn out …) qu’entraîne la négation dutravail réel au profit du seul travail prescrit. Une méthode novatrice qui,bien qu’imposée par une directive cadre européenne en 1989 et trans-posée en droit français en 1991, reste mise en œuvre comme une sim-ple formalité administrative.

Chantal GascuelSous les pavés, la terreConnaître et gérer les sols urbains

Par quelles opérations un édifice ou un objet setrouve-t-il intégré au corpus du patrimoine ? Quelssont les critères, les étapes de l’obtention de cestatut juridique? Quelles émotions sous-tendentles mobilisations des profanes en faveur des biensà préserver et, pour finir, quelles valeurs fonda-mentales posent la notion de patrimoine? Par unespécialiste de la sociologie de l’art, une étude pas-sionnante de l’Inventaire patrimonial (piloté par leministère de la Culture et de la Communication)qui, récemment, vient de reconnaître la borneMichelin.

La fabrique du patrimoineDe la cathédrale à la petite cuillère

« Avec la mondialisation de l’information, le moindreévènement est rendu visible et apparemment pluscompréhensible. Pour autant, il n’y a pas de liendirect entre l’augmentation du nombre d’informa-tions et la compréhension du monde. Telle est lanouvelle donne du siècle qui s’ouvre : l’informationne crée pas la communication. Bien au contraire. »Cet inédit de Dominique Wolton explique le hiatus.

Dominique Wolton, éd. CNRS Éditions, coll. « Débats », octobre2009, 64 p. – 6 €

Claude Cheverry et Chantal Gascuel, Éd. Omniscience, coll. « Écrin »,septembre 2009, 208 p. – 25 €

3 questions à…

Nathalie Heinich, éd. Maison des sciences de l’homme, septembre2009, coll. « Ethnologie de la France », 288 p. – 21 €

Mars : planète rouge ou bleue?

Astrophysicien à l’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay et responsablede plusieurs programmes d’exploration sur Mars, Jean-Pierre Bibring retraceici l’évolution de la planète qui, sans doute, a le plus fasciné les esprits. Ilraconte les prouesses technologiques et les trésors d’ingéniosité déployéspar les chercheurs pour trouver de la vie sur Mars, souligne ce que ces tra-vaux ont apporté dans la compréhension de la formation des planètes –y com-pris la nôtre– et dans la connaissance de la nature de la vie.

Jean-Pierre Bibring, éd. Odile Jacob, novembre 2009, 224 p. – 23,90 €

Prévenir les dégâts du travail:l’ergoprévention

Selon l’ONU, la population de la Terre a franchi leseuil des six milliards six cent millions au 1er janvier2009. Que signifie un tel chiffre? Mais, au fait, à par-

tir de quelles valeurs peut-on calculer la population maximale « pouvant dura-blement vivre sur la planète » (45évaluations variant de 4 à plus de 40mil-liards ont été forgées entre 1650 et 2000) ? L’invention de la notion de« population mondiale », à la fois simple chiffre et abstraction, reviendrait-elle à se demander si la population menace la Terre ?

Hervé Le Bras, éd. Le Pommier, coll. « LeCollège de la Cité n° 4 », octobre 2009, 192 p. –8,60 €

Des scientifiques d’horizons variés (philosophes,éthologues, sociologues et biologistes) remettentici en question la thèse de la singularité radicale del’humain : du point de vue de l’identité psychologi-que et des performances cognitives, la différenceentre les grands singes et l’homme ne serait pas denature mais seulement de degrés ; pour la biologie, la distinction entrel’humain et les autres animaux est maintenue seulement comme une dif-férence de complexité à l’intérieur de l’ordre naturel. Une réflexion éthiquedoit désormais prendre en compte l’instrumentalisation de l’animal, lesmenaces sur les espèces dues au développement industriel et la nécessitéd’une véritable responsabilité morale des hommes à l’égard de leurs « frèresinférieurs ».

Valérie Camos, Frank Cézilly, Pierre Guenancia,Jean-Pierre Sylvestre (coord.), éd. Quae, coll.« Update Sciences et technologies », juillet2009, 216 p. – 35 €

Pierre Trinquet, préface du professeur Yves Schwartz, éd. Puf,coll. « Le travail humain », septembre 2009, 224 p. – 24€

Homme et animal, la questiondes frontières

Informer n’est pas communiquer

L’hôpital dans laFrance du XXe siècle

Vie et mort de lapopulation mondiale

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GUIDE Livres40

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

MATIÈRE ET MATÉRIAUXDe quoi est fait le monde?Étienne Guyon (dir), éd. Belin, coll.« Bibliothèque scientifique », octobre2009, 304 p. – 27,50 €

LES MONDES DARWINIENSL’évolution de l’évolutionThomas Heams, Philippe Huneman,Guillaume Lecointre, Marc Silberstein(dir), préface Jean Gayon, postfaceRichard Lewontin, éd. Syllepse, coll.« Matériologiques », octobre 2009, 1104 p.– 30 €

HISTOIRE DES SCIENCES À L’ÉPOQUEMODERNESimone MazauricÉd. Armand Colin, coll. « U Histoire »,octobre 2009, 320 p. – 29 €

LES HORLOGES DU VIVANTComment elles rythment nos jours etnos nuitsAndré Klarsfeld, éd. Odile Jacob,coll. « Sciences », octobre 2009, 320 p. –21,50 €

LES JEUNES, L’ÉCOLE ET LA RELIGIONCéline Béraud et Jean-Paul Willaime (dir)Éd. Bayard, octobre 2009, 300 p. – 18 €

LA CHIMIE ET LA MEREnsemble au service de l’hommeCoordonné par Minh-Thu Dinh-Audouin,éd. EDP Sciences, octobre 2009, 208 p. –24 €

SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCEFractures et évolutionsCoordonné par Michel Durampart, CNRSÉditions, coll. « Les Essentiels d’Hermès »,septembre 2009, 176 p. – 8 €

LE XXE SIÈCLE IDÉOLOGIQUE ETPOLITIQUEMichel Winock, éd. Tempus, octobre 2009,544 p. – 11 €

DU REGARD À L’ÉMOTIONLa vision, le cerveau, l’affectifChristian Marendaz, éd. Le Pommier,coll. « Essais », octobre 2009, 168 p. –19,90 €

PRÉHISTOIRE. LA FABRIQUE DEL’HOMMEFrançois Bon, éd. Seuil, coll. « L’univershistorique », octobre 2009, 338 p. – 22 €

Retrouvez les publications de CNRS Éditionssur le site : www.cnrseditions.fr

AUTRES PARUTIONS

Ce premier atlas historique des parisiens met en évidence les grandesévolutions qui ont façonné le corps social parisien de la fin du XVIIIe siè-cle à nos jours. Cartographie composée à partir des annuaires, registres,« listes à l’adresse » et données de recensements disponibles ainsi quedocuments photographiques d’archives qui dressent un portrait deshabitants de la capitale : habitat, transports, loisirs, hygiène, santé, ali-mentation, naissance du rapport capitale / banlieue, pratiques religieu-ses, maintien de l’ordre, éducation, enseignement, mariages, natalité, mor-talité et nuptialité durant les guerres.

Jean-Luc Pinol et Maurice Garden, éd. Parigramme,septembre 2009, 288 p., 320 cartes, 250 photographies – 49 €

Aux limites du travail del’historien, Arlette Fargepropose ici un originalessai sur « les voix au XVIIIe

siècle » – les voix, ces« substances immatériellesmais présences actives,entêtantes, charmeusesou déplorées ». Fondée surles archives de polices, terrain de prédilectionde l’auteur parce que « tout est consigné, ycompris l’intonation de l’accusé », cette réflexionsur l’objet-voix privilégie celle du « peuple »,celle des plus démunis parce qu’elle est le« ciment des sociétés ». Ce faisant, l’auteureaborde, avec la même sensibilité extrême, d’au-tres voix : déclamées ou chantées, hurlées, voixde la conversation amoureuse ou des larmes.Une inédite lecture historique qui montre com-ment l’écriture court-circuite tous les itinérairesde la voix. En compagnie de Lacan, Jules Ver-nes, Michelet, Goffmann, Barthes, Butler, etc.

Arlette Farge, éd. Bayard, octobre 2009,320 p. – 22 €

Essai pour une histoiredes voix au XVIIIe siècle

Réflexion incisive sur la crise mondiale à partir de l’analysedu mythe du progrès qui a imprégné toute la planète commeune loi de l’histoire et qui s’est avéré favoriser d’énormesrégressions : « Il faut admettre l’échec de notre vision dumonde. […] Les outils qui fonctionnaient plus ou moinsbien selon les moments, matériels ou théoriques, ne sontplus suffisants. »

Edgar Morin, CNRS Éditions, coll. « Débats »,novembre 2009, 64 p. – 4 €

La crise

Cette réflexion brillanteexplore le passé des scien-ces et des techniques enmontrant le lien entre savantset artisans et met en évidence

comment se sont réconciliés ces deux uni-vers –celui du savoir et celui de la main– à tra-vers l’évolution de la relation des humainsaux sciences.

Robert Halleux, éd.Armand Colin,octobre 2009, 256 p. – 25 €

Après L’effet injure : de la pragmatique à la psychanalyse(Puf, 1983), L’injure à fleur de peau (L’Harmattan, 1993),Injure et sexualité : le corps du délit (Puf 1997), la sociolo-gue Évelyne Larguèche propose ici une étude désormaisde référence. Après avoir montré que l’injure n’est passeulement un objet lexical ni un duel entre injurieur et inju-rié mais une sorte de théâtreavec un tiers, elle dégage, et,c’est là l’originalité de ce travail,une théorie de l’effet injure – lesconditions, les lois à partir des-quelles on peut déterminer s’il ya injure ou non –, théorie quipourrait servir de base pour étu-dier l’injure dans une perspec-tive plus universelle que celle oùest menée cette étude (la sociétéfrançaise contemporaine).

Évelyne Larguèche, éd. Université de Savoie, coll.« Langages », mai 2009, 148 p. – 16 €

Espèce de…!Les lois de l’effet injure

Le savoir de la main

Atlas des ParisiensDe la révolution à nos jours

GUIDE 41

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

EXPOSITIONS

Teotihuacan a rayonné sur lemonde mésoaméricain pendantsix siècles, atteignant mêmeune population de plus de100 000 habitants avec uneapogée entre 150 et 450 denotre ère. Mais il faudra atten-dre les Aztèques et leur redé-couverte du lieu au XIVe siècle

pour qu’un nom lui soit attribué : lacité des Dieux. Entre le Ve et le XIVe, que s’est-il passé?

Les archéologues s’attellent à répondre à cette épi-neuse question, mettant au jour sculptures, masques,

encensoirs enfouis sous la végétation luxuriante qui arecouvert le site de l’ancien Mexique. Et en ce moment,

le musée du quai Branly se fait écrin de ce joyau muséo-graphique regroupant 450 imposantes pièces, témoins de

la splendeur de cette mystérieuse cité précolombienne. Unvoyage extraordinaire au cours duquel sont présentés tour à tour

l’architecture et l’urbanisme, la politique, l’économie et le militarisme,la religion, la vie des palais et les habitations, l’artisanat, les rela-tions de la ville avec le monde mésoaméricain, et enfin la chute dela cité. Pour agrémenter le tout, des fresques monumentales etdes pièces jamais venues en Europe. Une exposition évènement.

À l’occasion de l’Année mondiale de l’astronomie, àl’espace Sciences actualités de la Cité, venez visiterle système solaire tel que les scientifiques le connais-sent mais aussi avec tous leurs questionnements en cours. Au menu de ce voyagespatial : de nombreuses photo-graphies, des films sur laconquête de mars, des maquet-tes de robots, des météorites enprovenance du Muséum nationald’histoire naturelle, des interviewsfilmées d’éminents spécialistestels André Brack, astrobiologisteau CNRS, Claudie Haigneré, astro-naute de l’Agence spatiale euro-péenne et présidente de la Cité, ou encore ThérèseEncrenaz, astrophysicienne au CNRS. Et même desœuvres d’artistes contemporains.

400 ans après Galilée,le système solaire revisitéJusqu’en février 2010, Cité des sciences,Paris (XIXe).Tél. : 01 40 05 70 00 —www.cite-sciences.fr

PRÉDATEURSMusée d’histoire naturelle et de géologie, Lille (59). Tél. : 03 28 55 30 80 Les prédateurs sont à l’honneur, de la coccinelle àl’humain en passant par les grands félins, le crapaud quise délecte de limaces ou l’hermine dévoreuse d’oiseaux.Une exposition qui montre les dessous parfois méconnusde la chasse, les méthodes et armes des traqueurs, lesruses des traqués.

ET AUSSI

Rubrique réalisée par Anne-Solweig Gremillet

Bienvenue dans une savoureuse expérience d’anti-cipation! Venez vous balader dans cette expositionbâtie grâce aux fouilles archéologiques réalisées… enl’an 4000, dévoilant des objets familiers du XXIe siècle,accompagnés de truculentes hypothèses. Comme cenain de jardin tenant un pot de fleurs avec pour seuleexplication « Statuette d’homme avec gobelet à liba-tion ». Un bon moment en perspective, et une réflexionsur ce qu’il restera de notre civilisation dans deuxmille ans.

Futur antérieurJusqu’au 13 mars 2010, Centre d’éducation au patrimoine Ospitalea, Irisarry (64).Tél. : 05 59 37 97 20 — www.ospitalea.cg64.fr

Ces vingt dernières années, la pêche a été excellente pour lesarchéologues qui ont remonté de multiples trésors du fond duRhône, à Arles et au large des Saintes-Maries-de-la-Mer. Cetteexposition permet d’admirer ces découvertes, près de 650 objets,des plus modestes aux plus exceptionnels. Dont le célèbrebuste de Jules César, le seul connu à ce jour réalisé du vivantde l’empereur.

À VOIR ÉGALEMENT

QUI L’EÛT CRU(E)?, SI LE RHÔNE M’ÉTAIT CONTÉDu 05 au 12 novembre 2009, Port Saint-Louis-du-Rhône (13). Puis du 17 au 29 novembre 2009,Bregnier-Cordon (01). Tél. : 04 79 42 06 06 – www.quileutcrue.com

Au départ, il y a le Rhône, fleuve indompté. Et puis il y a les humains qui vivent sur ses rives.Pour les sensibiliser au risque de crue mais aussi développer la mémoire collective, unsociologue et un photographe sont partis à la rencontre des anciens mariniers, pêcheurs ousimples riverains du Rhône et ont recueilli leurs témoignages sur leur rapport au fleuve. Àvoir et à écouter sans plus tarder.

Jusqu’en septembre 2010, Musée départemental Arles Antique (13).Tél. : 04 90 18 89 08 — www.arles-antique.cg13.fr

Teotihuacan, cité des Dieux

Masque rituelen pierre, avecincrustations deturquoise,d’amazonite,d’obsidienne et decoquillage.

Jusqu’au 24 janvier 2010, Musée du quai Branly, Paris (VIIe).Tél. : 01 56 61 70 00 —www.quaibranly.fr

Sculpture duseigneur del’au-delà,réalisée entre300 et 450après J. C.

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César, le Rhône pour mémoire, 20 ans de fouilles dans le fleuve à Arles

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GUIDE42

Le journal du CNRS n° 238 novembre 2009

Durant une semaine, anthropologues, sociologues, universitaires, étudiants,cinéastes, producteurs, acteurs, critiques de cinéma, viendront témoigneret débattre du rôle précurseur et original en France comme à l’étranger, del’ethnologue et cinéaste Jean Rouch, décédé en 2004. Et qui était, selon Jean-Luc Godard, de ceux qui ont ouvert la voie à la Nouvelle Vague du cinémafrançais! Son œuvre a aussi changé le regard porté sur certains peuplesafricains, comme les Dogon. Un colloque dont le CNRS est coorganisateur.

Du 14 au 20 novembre 2009, Paris (Ier, XIIIe, XVIe).Tél. : 01 47 04 38 20— www.comite-film-ethno.net

Colloque international Jean-Rouch

Sigmund Freud tout de couleurs acidulées vous accueille. Bienvenue dansle coffret de 14 DVD, réalisé par Jérôme Blumberg et Daniel Friedmann,sociologue au CNRS, et qui tente de répondre à cette question : qu’est-ceque la psychanalyse? Pour cela, 14 praticiens dont Elisabeth Roudinesco,André Green ou encore François Roustang, filmés pour la plupart en 1983puis 25 ans plus tard, nous livrent leurs réflexions sur la pratique de la psy-chanalyse, sur ses différences avec la psychiatrie et la psychothérapie, ouencore sur le rapport à la religion, aux idéologies politiques et à l’argent. Envied’un avant-goût? C’est au Mk2 Quai de Seine à Paris jusqu’au 14 février 2010.Un entretien y est projeté les samedis à 11h30, et avec en prime un débatles dimanches à 11h.

Éditions Montparnasse / CNRS Images,novembre 2009, prix public conseillé 70 €

DVD

« Être psy »

ÉVÈNEMENT

Du 16 au 22 novembre 2009, dans la France entière,www.fetedelascience.fr et www.cnrs.fr/fetedelascience

C’est la 18e fois qu’on vous y reprend. La fête dela science, c’est maintenant, c’est gratuit et enplus c’est pour tous. Les labos ouvrent leur porte,et la recherche se met en quatre pour vousaccueillir et vous faire découvrir ses millefacettes. À l’honneur cette année, lespremières observations faites à lalunette astronomique par Galilée il ya 400ans. Et la naissance de Darwin,il y a 200ans.

La Fête de la science

Une réflexion en profondeur sur la recherchemathématique d’aujourd’hui et de demain, àdestination avant tout des non-mathématiciens!

Conférences, tables rondes sur les rapports entre les maths et la société,ou sur leur place dans les médias et une exposition intitulée « À quoi ser-vent les maths? » sont au menu de ce colloque organisé par la Fondationsciences mathématiques de Paris, le CNRS, l’Institut des hautes étudesscientifiques et l’Inria.

Les 1er et 2 décembre 2009, Maison de lamutualité, Paris (Ve),Tél. : 01 44 27 67 72 –www.maths-a-venir.org

Primé lors de l’édition 2008 du festival Pariscience, ce film propose, defaçon claire et ludique, une représentation renouvelée de l’arbre du vivant,de ces millions d’espèces qui peuplent la planète : elles appartiennent tou-tes à une seule et même famille. Comment les classer? Sur quels critères?Leur nombre de pattes? La présence de plumes?

Le 14 novembre à 20h45 sur Arte. Film de Denis van Waerebeke,Vincent Gaullier et Raphaëlle Chaix, produit par Ex-nihilo, France5,Arte, NHK, CNRS Images et le MNHN (82 min).

TV

Espèces d’espèces

À quelques semaines du sommet de Copenhague sur le climat, 30 chercheursétrangers et français abordent la question des changements climatiques etla façon dont les sociétés humaines s’y sont adaptées dans la durée.

19, 20 et 21 novembre 2009, Cité des sciences, Paris (XIXe),entrée libre,Tél. : 01 40 05 80 00 – www.cite-sciences.fr/college

COLLOQUES

Des climats et des hommes, glaciologie, climatologie, archéologie, histoire

Comment vivent les espèces par des milliers demètres de fond, là où la lumière est si rare, lapression si grande et la température extrême,parfois glaciale, parfois très élevée? La viedans les abysses pose énormément de ques-tions aux scientifiques qui tentent d’y répondreau fur et à mesure de leurs pérégrinations.

Le 18 novembre, 19h30,Aline Fiala-Médioni, Institut océanographique,Paris (Ve).Tél. : 01 44 32 10 70 — www.oceano.org/io/

Des sources de vie dans les abyssesCONFÉRENCES

Un débat organisé par l’Académie des technologies pour mieux saisir lesenjeux environnementaux, géopolitiques et sociaux des économies d’éner-gie dans les villes, l’habitat ou encore les transports.

Le 27 novembre, 18h15, Conservatoire national des arts et métiers,Paris (IIIe). Tél. : 01 53 85 44 30 — www.cnam.fr

Économies d’énergie, du comportementcollectif au comportement individuel

« Maths à venir 2009 »

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Invasions viralesAprès les champs de blé, ces cerclesconcentriques seraient-ils les signes d’une visiteextraterrestre au fond de la mer? Rassurez-vous!L’invasion n’est pas pour maintenant. Il ne s’agitque d’une forme condensée d’un ADN viral, et plusparticulièrement celui d’un bactériophage, un virusqui ne s’attaque qu’aux bactéries. Il est situé dans la capside, l’enveloppe qui renferme legénome. Pour l’empêcher de sortir complètement et donc de contaminer la bactérie, une équipe du Laboratoire de physique des solides 1 y a ajoutéune solution d’ions positifs de spermine. En réaction, la molécule d’ADN s’effondre sur elle-même et forme alors ces cercles, un mouvement comparable à l’enroulement d’un filde laine en bobine. L’apparition de cette structureparticulière d’ADN, dite torique en raison de sonallure, a été observée par cryomicroscopie, une technique qui consiste à congeler la solutionpour pouvoir figer l’action. L’étude de tellesstructures permet de mieux comprendrel’organisation de l’ADN in vivo. F.P.-C.1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.

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