qui est le médecin de soins primaires du patient traité par hémodialyse ?

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Article original Qui est le me ´ decin de soins primaires du patient traite ´ par he ´ modialyse ? Who is the physician in charge with the primary care of the dialysis patients? Cle ´ mence Be ´ chade a , Gre ´ gory Daireaux b , Patrick Henri a , Isabelle Landru c , Jean-Marie Batho d , Bruno Hurault de Ligny a , Thierry Lobbedez a, * a Service de ne ´phrologie, CHU Cle ´menceau, 14033 Caen cedex, France b Service de me ´decine ge ´ne ´rale, CHU Coˆte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France c Service de ne ´phrologie, centre hospitalier ge ´ne ´ral Bisson, 14100 Lisieux, France d Service de ne ´phrologie, centre hospitalier prive ´ Saint-Martin, 14000 Caen, France Ne ´ phrologie & The ´ rapeutique xxx (2013) xxx–xxx I N F O A R T I C L E Historique de l’article : Rec ¸u le 21 mars 2013 Accepte ´ le 10 septembre 2013 Disponible sur Internet le xxx Mots cle ´s : He ´ modialyse Me ´ decin ge ´ne ´ raliste Ne ´ phrologues Soins primaires Keywords: General practitioner Hemodialysis Nephrologists Primary care R E ´ S U M E ´ Introduction. Le ro ˆle du ge ´ ne ´ raliste dans la prise en charge du patient he ´ modialyse ´ est mal connu. Notre hypothe ` se est que les soins primaires du patient he ´ modialyse ´ sont plus souvent assure ´s par le ne ´ phrologue que par le me ´ decin ge ´ne ´ raliste. L’objectif de cette e ´ tude e ´ tait d’estimer la proportion de patients traite ´s par he ´ modialyse ayant un suivi par un me ´ decin ge ´ ne ´ raliste pour leurs soins primaires et de de ´ terminer les facteurs associe ´s au non-recours au ge ´ ne ´ raliste. Patients et me ´thodes. Cette e ´ tude transversale multicentrique repose sur l’interrogatoire de patients he ´ modialyse ´s via un questionnaire standardise ´. Ont e ´te ´ inclus les patients insuffisants re ´ naux chroniques, a ˆge ´s de plus de 18 ans, he ´ modialyse ´s depuis plus de trois mois dans l’une des structures de dialyse du Calvados. Les crite ` res d’exclusion e ´ taient une dure ´e en dialyse infe ´ rieure a ` trois mois, les patients pris en charge temporairement dans la structure, les patients mineurs au moment de l’e ´ tude, une dysfonction cognitive se ´ ve ` re, les patients ne parlant pas franc ¸ais, un arre ˆt de la dialyse en cours d’e ´ tude. Un mode ` le de re ´ gression log-binomiale a e ´ te ´ utilise ´ afin d’e ´ tudier les facteurs associe ´s au non- recours au ge ´ ne ´ raliste. Re ´sultats. Seuls 26 % des patients he ´ modialyse ´s avaient un suivi re ´ gulier par un me ´ decin ge ´ne ´ raliste et 47 % e ´ taient pris en charge exclusivement par le ne ´ phrologue. La vie en institution e ´ tait associe ´e a ` un suivi re ´ gulier par un ge ´ne ´ raliste tandis que l’anciennete ´ en dialyse e ´ tait associe ´e a ` la prise en charge des soins primaires par le ne ´ phrologue. Il existait e ´ galement des diffe ´ rences de recours au me ´ decin traitant en fonction des centres de dialyse. Conclusion. Les soins primaires du patient he ´ modialyse ´ sont le plus souvent pris en charge par le ne ´ phrologue. ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS pour I’Association Socie ´ te ´ de ne ´ phrologie. A B S T R A C T Introduction. The role played by nephrologists in hemodialysis patients’ primary care is not well known. We hypothesized that primary care are provided by nephrologists and not by general practitioners for most of these patients. The aim of this study was to estimate the rate of hemodialysis patients having a nephrologist as primary care provider, and to determine which factors were associated with non-resort to a general practitioner for primary care. Methods. Patients older than 18 years treated by hemodialysis for more than 3 months in the Calvados district were included and were interviewed with a standardized questionnaire. A log-binomial regression was used to study factors associated with non-resort to a general practitioner for primary care. Results. Only 26% of patients had a general practitioner involved in the primary care; whereas 47% considered that nephrologists were the physician in charge of the primary care. Time spent in * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Lobbedez). G Model NEPHRO-690; No. of Pages 6 Pour citer cet article : Be ´ chade C, et al. Qui est le me ´ decin de soins primaires du patient traite ´ par he ´ modialyse ? Ne ´ phrol ther (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 1769-7255/$ see front matter ß 2013 Publie ´ par Elsevier Masson SAS pour I’Association Socie ´te ´ de ne ´ phrologie. http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

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Nephrologie & Therapeutique xxx (2013) xxx–xxx

G Model

NEPHRO-690; No. of Pages 6

Article original

Qui est le medecin de soins primaires du patient traitepar hemodialyse ?

Who is the physician in charge with the primary care of the dialysis patients?

Clemence Bechade a, Gregory Daireaux b, Patrick Henri a, Isabelle Landru c,Jean-Marie Batho d, Bruno Hurault de Ligny a, Thierry Lobbedez a,*a Service de nephrologie, CHU Clemenceau, 14033 Caen cedex, Franceb Service de medecine generale, CHU Cote-de-Nacre, 14033 Caen cedex, Francec Service de nephrologie, centre hospitalier general Bisson, 14100 Lisieux, Franced Service de nephrologie, centre hospitalier prive Saint-Martin, 14000 Caen, France

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Recu le 21 mars 2013

Accepte le 10 septembre 2013

Disponible sur Internet le xxx

Mots cles :

Hemodialyse

Medecin generaliste

Nephrologues

Soins primaires

Keywords:

General practitioner

Hemodialysis

Nephrologists

Primary care

R E S U M E

Introduction. – Le role du generaliste dans la prise en charge du patient hemodialyse est mal connu.

Notre hypothese est que les soins primaires du patient hemodialyse sont plus souvent assures par le

nephrologue que par le medecin generaliste. L’objectif de cette etude etait d’estimer la proportion de

patients traites par hemodialyse ayant un suivi par un medecin generaliste pour leurs soins primaires et

de determiner les facteurs associes au non-recours au generaliste.

Patients et methodes. – Cette etude transversale multicentrique repose sur l’interrogatoire de patients

hemodialyses via un questionnaire standardise. Ont ete inclus les patients insuffisants renaux

chroniques, ages de plus de 18 ans, hemodialyses depuis plus de trois mois dans l’une des structures de

dialyse du Calvados. Les criteres d’exclusion etaient une duree en dialyse inferieure a trois mois, les

patients pris en charge temporairement dans la structure, les patients mineurs au moment de l’etude,

une dysfonction cognitive severe, les patients ne parlant pas francais, un arret de la dialyse en cours

d’etude. Un modele de regression log-binomiale a ete utilise afin d’etudier les facteurs associes au non-

recours au generaliste.

Resultats. – Seuls 26 % des patients hemodialyses avaient un suivi regulier par un medecin generaliste et

47 % etaient pris en charge exclusivement par le nephrologue. La vie en institution etait associee a un

suivi regulier par un generaliste tandis que l’anciennete en dialyse etait associee a la prise en charge des

soins primaires par le nephrologue. Il existait egalement des differences de recours au medecin traitant

en fonction des centres de dialyse.

Conclusion. – Les soins primaires du patient hemodialyse sont le plus souvent pris en charge par le

nephrologue.

� 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour I’Association Societe de nephrologie.

A B S T R A C T

Introduction. – The role played by nephrologists in hemodialysis patients’ primary care is not well

known. We hypothesized that primary care are provided by nephrologists and not by general

practitioners for most of these patients. The aim of this study was to estimate the rate of hemodialysis

patients having a nephrologist as primary care provider, and to determine which factors were associated

with non-resort to a general practitioner for primary care.

Methods. – Patients older than 18 years treated by hemodialysis for more than 3 months in the Calvados

district were included and were interviewed with a standardized questionnaire. A log-binomial

regression was used to study factors associated with non-resort to a general practitioner for primary

care.

Results. – Only 26% of patients had a general practitioner involved in the primary care; whereas 47%

considered that nephrologists were the physician in charge of the primary care. Time spent in

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

* Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (T. Lobbedez).

Pour citer cet article : Bechade C, et al. Qui est le medecin de soins primaires du patient traite par hemodialyse ? Nephrol ther (2013),http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

1769-7255/$ – see front matter � 2013 Publie par Elsevier Masson SAS pour I’Association Societe de nephrologie.

http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

hemodialysis was associated with non-resort to a general practitioner, while patients living in nursing

home were more likely to have regularly a regular follow up by a general practitioner. Dialysis center

was a factor associated with the general practitioner as a primary care provider.

Conclusion. – Primary care of the hemodialysis patient is provided by nephrologists.

� 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Association Societe de nephrologie.

C. Bechade et al. / Nephrologie & Therapeutique xxx (2013) xxx–xxx2

G Model

NEPHRO-690; No. of Pages 6

1. Introduction

Les soins primaires ont ete definis par l’Organisation mondialede la sante (OMS) lors de la conference d’Alma Ata, en 1978, puisprecises en 1996 par l’American Institute of Medicine comme desprestations de sante accessibles et integrees, assurees par desmedecins qui ont la responsabilite de satisfaire une grandemajorite des besoins individuels de sante, d’entretenir une relationprolongee avec leurs patients et d’exercer dans le cadre de lafamille et de la communaute [1].

Compte tenu des co-morbidites et de l’age median des patientsdialyses, il est vraisemblable que le besoin de soins primaires soitimportant dans cette population. Selon les donnees du registreREIN, le nombre de patients traites par dialyse a augmente de 17 %entre les annees 2004 et 2009 [2]. L’age median a l’initiation del’epuration extra-renale etait de 68 ans en 2002 contre 70 ans en2009. Dans le meme intervalle de temps, le nombre de medecinsnephrologues a augmente de 13,7 % [3]. Il a ete rapporte que 90 %des nephrologues declarent prendre en charge tout ou partie dessoins primaires de leurs patients dialyses et y consacrer entre 30 et35 % de leur temps [4]. Une part des soins primaires du patienttraite par dialyse pourrait etre confiee au medecin generaliste,liberant ainsi du temps pour des activites specifiquementnephrologiques.

Nous emettons l’hypothese que le medecin de soins primairesdu patient traite par dialyse est plus souvent le nephrologue encharge du patient que le medecin generaliste, et que des facteurssocio-economiques et propres a la dialyse sont associes a unmoindre recours au medecin generaliste comme medecin de soinsprimaires.

L’objectif de cette etude transversale est d’estimer la proportionde patients traites par hemodialyse ayant un suivi par un medecingeneraliste pour leurs soins primaires, et de determiner les facteursassocies au non-recours au generaliste.

2. Patients et methodes

2.1. Patients

Les patients inclus devaient etre ages de plus de 18 ans et traitesdepuis plus de trois mois pour une insuffisance renale chroniqueterminale dans le departement du Calvados. Tous les patientsinclus ont ete informes au prealable de l’objectif de l’etude par unelettre d’information. Les criteres d’exclusion etaient :

� une duree en dialyse inferieure a trois mois ;� une prise en charge temporaire dans un centre du departement ;� le fait d’etre mineur au moment de l’etude ;� une dysfonction cognitive severe ;� une maıtrise insuffisante de la langue francaise ;� un refus de participation.

Les patients hemodialyses a domicile n’ont pas ete retenus pourl’etude en raison de leur nombre peu important dans ledepartement.

Les variables recueillies etaient les donnees :

� demographiques ;

Pour citer cet article : Bechade C, et al. Qui est le medecin de soins prhttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

� geographiques (adresse du patient et du medecin generaliste) ;� socio-economiques, estimees par l’indice de Townsend ;� medicales : nephropathie initiale, anciennete de la dialyse, mode

de dialyse, et score de Charlson.

2.2. Methode

Il s’agit d’une etude transversale multicentrique, realisee en mai2011 au sein des unites de dialyse du departement.

Les patients inclus dans l’etude ont repondu a un questionnairestandardise, et les renseignements medicaux ont ete extraits de labase de donnees informatisees d’hemodialyse des differentscentres du departement. La variable a expliquer etait le medecingeneraliste comme medecin de soins primaires. Cette variable a eteinitialement recueillie comme une variable qualitative a troisclasses :

� aucun suivi par un generaliste ;� suivi occasionnel par un generaliste ;� suivi regulier par un generaliste.

Le suivi regulier par le medecin generaliste etait defini par uneconsultation au minimum une fois tous les 3 mois.

Pour l’analyse statistique, la classe « suivi occasionnel » a eterapprochee de la modalite non-suivi par un generaliste pour lessoins primaires, constituant ainsi une variable binaire. Les patientsnon suivis par un medecin generaliste ont ete interroges sur leursouhait de reprendre un suivi regulier par un omnipraticien pour laprise en charge de leurs soins primaires.

3. Analyse statistique

Les variables quantitatives ont ete decrites par leur moyenne etl’ecart type en cas de distribution normale, estimee par repre-sentation graphique. En cas de distribution asymetrique, lesvaleurs quantitatives ont ete decrites par la mediane, le premier etle troisieme quartiles. Les variables qualitatives ont ete decrites parleur proportion et leur pourcentage.

Une description des variables dans les groupes medecingeneraliste, comme medecin de soins primaires et nephrologue,comme medecin de soins primaires a ete effectuee. Le risque relatifet son intervalle de confiance (IC) a 95 % ont ete estimes pourchaque variable, avec un modele de regression log-binomiale a unfacteur. L’intervalle de confiance du risque relatif a ete estime parboostraping. Pour les variables quantitatives, la relation log-lineaireentre les variables et la variable a expliquer a ete estimee par lamethode des splines. L’association des variables quantitatives et dela variable a expliquer a ete estimee par une analyse encomposante principale focalisee dans une approche exploratoire.Toujours dans une approche exploratoire des liaisons, les relationsentre les differentes variables quantitatives et binaires ont eteexplorees par une analyse en composante principale.

Un modele de regression log-binomiale a ete utilise pourl’analyse multivariee. Les variables ont ete entrees dans le modeleselon les resultats de l’analyse bivariee. L’intervalle de confiancedes risques relatifs a ete estime par la methode du Boostrap. Les

imaires du patient traite par hemodialyse ? Nephrol ther (2013),

Tableau 1Caracteristiques de la population, donnees medicales.

Mediane (1er–3e quartile)

Age (annees) 72 (60–81)

Score de Charlson 5 (4–6)

Anciennete en dialyse (mois) 42 (20–83)

Temps de transport domicile-centre

de dialyse (en minutes)

18 (11–33)

Temps de transport domicile-

cabinet du MG (en minutes)

2 (1–5)

Effectif (pourcentage)

Sexe (F) nephropathie 83 (38)

Vasculaire 51 (23)

Diabetique 46 (21)

Glomerulonephrite chronique 34 (16)

Polykystose renale 11 (5)

Nephropathie interstitielle chronique 20 (9)

Divers 57 (26)

Mode de dialyse

Hemodialyse en centre 153 (70)

Autodialyse 46 (21)

Unite de dialyse medicalisee 20 (9)

Centre de dialyse

Centre 1 76 (34)

Centre 2 48 (22)

Centre 3 43 (20)

Centre 4 52 (24)

Nombre hebdomadaire de seances

1 1 (1)

2 23 (10)

3 185 (84)

4 4 (2)

5 6 (3)

MG : medecin generaliste ; F : sexe feminin ; variable continue exprimee par la

mediane, le 1er et le 3e quartile ; variable qualitative exprimee en effectif et

proportion.

Tableau 2Caracteristiques de la population, donnees socio-economiques.

Effectif

(pourcentage)

Vie en institution 22 (10)

Seul au domicile 67 (31)

Suivi IDE a domicile 34 (16)

Activite actuelle

En activite 15 (7)

Retraite ou pre-retraite 168 (77)

Chomage ou sans activite 36 (16)

Profession

Agriculteurs exploitants 7 (3)

Artisans, commercants, chefs d’entreprise 26 (11)

Cadres, professions intellectuelles superieures 23 (11)

Professions intermediaires 24 (11)

Employes 72 (33)

Ouvriers 48 (22)

Autres personnes sans activite professionnelle 19 (9)

Niveau d’etude

Sortie de l’enseignement sans diplome 55 (25)

Certificat d’etudes primaires 57 (26)

BEPC, BEP, CAP 68 (31)

Bac, brevet superieur, brevet professionnel 17 (8)

Bac + 2 10 (5)

Bac + 4 et plus 12 (5)

Beneficiaires de la CMU 11 (5)

Beneficiaires d’une mutuelle ou assurance complementaire

Pas de protection complementaire 15 (7)

CMU complementaire 8 (4)

Mutuelle, compagnie d’assurance 196 (89)

Revenus

Sans revenu 4 (2)

Moins de 700 s 38 (17)

De 700 a 1500 s 113 (50)

De 1500 a 3000 s 31 (14)

Plus de 3000 s 8 (4)

Refus 6 (3)

Non connu 19 (9)

Mediane (1er–3e quartile)

Indice de Townsend 2,5 (0,01–4,86)

IDE : infirmier diplome d’Etat ; CMU : couverture medicale universelle ; variable

continue exprimee par la mediane, le 1er et le 3e quartile ; variable qualitative

exprimee en effectif et proportion.

Fig. 1. Medecin de soins primaires des patients dialyses.

C. Bechade et al. / Nephrologie & Therapeutique xxx (2013) xxx–xxx 3

G Model

NEPHRO-690; No. of Pages 6

differents modeles ont ete estimes par le rapport de vraisemblanceet l’indice d’Akaike (AIC).

4. Resultats

4.1. Population etudiee

Deux cent trente-sept patients dialyses ont ete interroges, et18 patients ont ete exclus de l’etude conformement aux criteresd’exclusion (2 pour refus, 16 pour troubles cognitifs, 2 ne parlaientpas francais, 7 patients dialysaient depuis moins de 3 mois). Parmiles 219 patients restants, l’age moyen etait de 72 ans � 8 ans et lesex-ratio de 1,6. Les caracteristiques medicales sont detaillees dans leTableau 1 et les caracteristiques socio-economiques dans le Tableau2.

4.2. Patients hemodialyses avec suivi par un medecin generaliste

Parmi les 219 patients de l’etude, 47 % (103/219) n’avaient pasde suivi par un medecin generaliste et etaient pris en chargeexclusivement par leur nephrologue pour leurs soins primaires.Parmi les patients encore suivis par un medecin generaliste, 26 %(57/219) avaient un suivi regulier par leur medecin generaliste.Enfin, 27 % (59/219) des patients continuaient de consulteroccasionnellement leur generaliste pour des problemes inter-currents, mais leur suivi etait assure par le nephrologue ; ce dernieretait alors considere comme le medecin de soins primaires pour cegroupe de patients (Fig. 1).

Pour citer cet article : Bechade C, et al. Qui est le medecin de soins prhttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

4.3. Motif de non-recours au generaliste comme medecin de soins

primaires

Les patients dont le medecin de soins primaires etait lenephrologue ont ete interroges sur la raison principale de l’absence

imaires du patient traite par hemodialyse ? Nephrol ther (2013),

Tableau 3Analyse bivariee : lien entre les caracteristiques medicales et le generaliste comme

medecin de soins primaires.

RR IC 95 %

Age 1,01 1,00–1,03

Age, 1er quantile Ref. –

Age, quantile (60,1–71,7) 0,96 0,47–1,99

Age, quantile (71,7–80,9) 1,00 0,49–2,06

Age, quantile (80,9–99,2) 1,75 0,98–3,33

Sexe 1,28 0,81–2,00

Score de Charlson

1er quantile Ref. –

Quantile (4–5) 0,66 0,25–1,50

Quantile (5–6) 0,98 0,48–1,96

Quantile (6–12) 1,63 0,92–3,03

Anciennete en dialyse 0,98 0,94–1,02

Anciennete en dialyse superieure a 12 mois 0,45 0,29–0,74

Centre de dialyse

Centre 1 Ref. –

Centre 2 1,16 0,66–1,87

Centre 3 0,41 0,17–0,82

Centre 4 0,51 0,25–0,92

Temps de parcours domicile-centre de dialyse 1,00 0,98–1,01

Tableau 4Analyse bivariee : lien entre les caracteristiques socio-economiques et le generaliste

comme medecin de soins primaires.

RR IC 95 %

Vie en institution 2,14 1,22–3,33

Suivi infirmier a domicile 1,94 1,17–3,00

Beneficiaires de la CMU 1,82 0,76–3,17

Protection sociale complementaire

Absence Ref. –

CMU complementaire 1,41 0,35–5,04

Mutuelle, compagnie d’assurance 0,96 0,47–2,85

Niveau d’etude

Sortie de l’enseignement sans diplome Ref. –

Certificat d’etudes primaires 1,02 0,59–1,79

BEPC, BEP, CAP 0,81 0,45–1,44

Bac, brevet superieur, brevet professionnel 0,19 0,01–0,82

Bac + 2 0,65 0,11–1,82

Bac + 4 et plus 0,54 0,09–1,56

Activite actuelle

En activite Ref. –

Retraite ou pre-retraite 1,00 0,49–2,99

Chomage ou sans activite 0,83 0,31–2,74

Townsend 0,99 0,92–1,05

CMU : couverture medicale universelle.

Tableau 5Variables associees au medecin generaliste comme medecin de soins primaires,

analyse multivariee avec un modele de regression log-binomiale.

Variables RR IC 95 %

Vie en institution 1,97 1,14–3,03

Duree de dialyse > 12 mois 0,59 0,36–0,93

Dialyse en clinique privee 0,60 0,29–1,07

C. Bechade et al. / Nephrologie & Therapeutique xxx (2013) xxx–xxx4

G Model

NEPHRO-690; No. of Pages 6

de suivi par un generaliste. Parmi les 162 patients ayant unnephrologue comme medecin de soins primaires, 120 ont mis enavant le fait d’etre vus regulierement par un nephrologue au coursde leurs seances de dialyse, 20 consideraient que le medecingeneraliste n’etait plus assez au courant de leur dossier. Pour12 patients, le medecin generaliste n’etait plus competent du faitde leur insuffisance renale terminale. Pour 5 patients, le medecingeneraliste s’etait declare incompetent pour gerer les soinsprimaires en raison du traitement par dialyse.

4.4. Facteurs associes au non-recours au medecin generaliste

Nous avons etudie la liaison entre les facteurs socio-econo-miques, medicaux ou geographiques et le fait d’avoir un medecingeneraliste comme medecin de soins primaires. Les Tableaux 3 et 4correspondent a l’analyse bivariee decrivant la liaison entre lemedecin generaliste comme medecin de soins primaires etrespectivement les donnees medicales et socio-economiques.L’anciennete en dialyse superieure a 12 mois (risque relatif [RR]0,45 ; IC 95 % 0,29–0,74) et le centre de dialyse (RR 0,41, IC 95 %0,17–0,82 pour le centre 3 ; et RR 0,51, IC 95 % 0,25–0,92 pour lecentre 4) etaient statistiquement significatifs, de meme que lesvariables vies en institution (RR 2,14 ; IC 95 % 1,22–3,33) et le suiviinfirmier a domicile (RR 1,94 ; IC 95 % 1,17–3,00).

En analyse multivariee, la vie en institution etait associee a unrecours plus important au medecin generaliste (RR 1,97 ; IC 95 %

Fig. 2. Souhait des patients de reprendre un s

Pour citer cet article : Bechade C, et al. Qui est le medecin de soins prhttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

1,14–3,03), alors que l’anciennete en dialyse etait associee a unmoindre recours au generaliste (RR 0,59 ; IC 95 % 0,36–0,93)(Tableau 5). Un modele mixte avec le centre de traitement commeeffet aleatoire et le temps en dialyse, ainsi que la vie en institutioncomme effet fixe a ete utilise afin de confirmer les resultats(Tableau 6).

4.5. Accord du patient pour un suivi avec le medecin generaliste

La majorite des patients ont refuse de reprendre un suivi par unmedecin generaliste (Fig. 2) : 109 patients etaient opposes a cetteidee, 29 etaient sans opinion et seuls 24 patients etaient favorablesa la proposition de reprendre un suivi par le medecin traitant.

5. Discussion

Ce travail montre que le nephrologue est, dans la majorite descas, le medecin de soins primaires des patients hemodialyses

uivi regulier par un medecin generaliste.

imaires du patient traite par hemodialyse ? Nephrol ther (2013),

Tableau 6Variables associees au medecin generaliste comme medecin de soins primaires,

analyse multivariee avec centre de dialyse en effet aleatoire.

Variables RR Valeur de p

Vie en institution 3,22 0,01

Duree de dialyse > 12 mois 0,52 0,04

C. Bechade et al. / Nephrologie & Therapeutique xxx (2013) xxx–xxx 5

G Model

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puisque seuls 26 % des patients ont un suivi regulier par leurmedecin generaliste.

A notre connaissance, il n’existe que deux etudes s’etantinteressees a cette problematique :

� une enquete canadienne realisee en 2002 aupres de 163 patientsen hemodialyse ou en dialyse peritoneale a montre que 87 % despatients interroges ont declare avoir un medecin generaliste [5].La variable d’interet etait la consultation d’un medecin general-iste en cas de probleme de sante non lie a la dialyse ; laproportion de patients vus au moins trimestriellement par ungeneraliste n’etait pas precisee. Cependant, ce travail a montreque seuls 56 % des patients ont consulte un medecin generalisteplus d’une fois par an, correspondant aux resultats observes dansnotre enquete puisque 53 % des patients interroges ont consulteplus de deux fois un medecin generaliste au cours de l’annee ;� une etude realisee aux Etats-Unis s’est interessee au role des

nephrologues dans la gestion des soins primaires des patientshemodialyses [6]. Holley et al., en interrogeant 233 nephrologues,ont montre que ceux-ci estiment a 20 % la proportion de patientsdialyses ayant un medecin de soins primaires different dunephrologue. Dans cette etude, le critere utilise pour definir lemedecin de soins primaires n’etait pas specifie et semblaitsubjectif puisqu’il s’agissait de l’appreciation declarative dunephrologue en charge du patient.

Pour les patients interroges, le recours au nephrologue commemedecin de soins primaires est essentiellement lie a la possibilitede voir un medecin pendant la seance d’hemodialyse. En outre, uneanciennete en dialyse superieure a 12 mois est associee a unmoindre recours au generaliste, traduisant une perte de suivi par legeneraliste au cours du temps. Les pratiques medicales au sein dechaque structure sont probablement en partie impliquees puisquedes differences de recours au medecin generaliste sont constateesselon les centres de dialyse. Nos donnees montrent qu’une fois letransfert de prise en charge realise, la majorite des patients nesouhaite pas etre a nouveau suivi par un omnipraticien.

Notre etude ne met pas en evidence d’association entre desfacteurs socio-economiques ou geographiques et un moindrerecours au medecin generaliste. Cette observation pourraits’expliquer par le fait que tous les patients dialyses beneficientd’une prise en charge au titre de l’affection de longue duree,l’ensemble des soins etant integralement pris en charge s’ils sonten rapport avec l’insuffisance renale chronique terminale [7].

La vie en institution est associee a un recours plus eleve aumedecin generaliste. Il est vraisemblable que cela soit lie al’obligation pour le patient de declarer un medecin liberal capablede se deplacer a l’institution comme medecin traitant a l’admissiondans l’etablissement [8].

La prise en charge des soins primaires par les nephrologuessemble comporter certaines limites. En effet, le temps consacre parles nephrologues aux soins primaires de leurs patients pourraitetre limite dans l’avenir par differents elements demographiqueset organisationnels. En 2002, en France, il existait 1326 nephro-logues en activite ; le nombre de nephrologues en formation etaitinferieur au nombre de departs a la retraite prevus avant 2010. Deplus, la moyenne nationale etait de 22 nephrologues par million

Pour citer cet article : Bechade C, et al. Qui est le medecin de soins prhttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.09.005

d’habitants, mais il existait d’importantes disparitesgeographiques [9]. L’augmentation du nombre de nephrologuespeut donc, dans certaines regions, etre insuffisante par rapport al’accroissement du nombre de patients insuffisants renauxchroniques necessitant une prise en charge specialisee. De plus,certains aspects de la prise en charge peuvent etre non pris encompte par le nephrologue. Holley et al. ont ainsi montre queseules 13 % des femmes en age de procreer suivies en hemodialyseont discute de contraception et/ou de grossesse avec leurnephrologue alors que le taux de grossesses dans cette populationest de 4 % [10]. Enfin, une etude canadienne pose egalement laquestion de la formation des nephrologues vis-a-vis des soinsprimaires [5]. Bien que la majorite d’entre eux se sententcompetents dans ce domaine, moins d’un tiers a participe a uncongres relatif aux soins primaires au cours des trois dernieresannees, et aucune revue medicale de soins primaires n’est citeedans les journaux medicaux les plus frequemment lus par lesnephrologues.

La place du medecin generaliste au sein de la prise en charge dessoins primaires des hemodialyses pourrait etre redefinie. L’impor-tance de la collaboration entre praticiens a fait l’objet de quelquesetudes. Selon une etude americaine menee en 2004 sur despatients hemodialyses [11], il a ete montre qu’une plus grandefrequence des consultations medicales est associee a une meilleuresatisfaction des patients et a une meilleure adherence vis-a-vis deleurs traitements de suppleance, meme si la survie et l’hospitalisa-tion ne dependaient pas de la frequence des consultations.Toutefois, l’organisation du systeme de soins aux Etats-Unis esttres differente de celle qui existe dans notre pays. En France, lemedecin referent peut intervenir dans le parcours de soins dupatient insuffisant renal chronique, notamment pour decider d’uneinitiation de la dialyse. De plus, il a ete montre que le medecingeneraliste peut participer a la discussion et a la prise de decisiond’arret de dialyse, comme c’est le cas dans l’unite de concertationethique en nephrologie developpee dans le bassin grenoblois [12].Enfin, le developpement des techniques de dialyse a domicile estegalement un element a prendre en compte. En effet, notre travailmontre que le cabinet du medecin generaliste se situe en moyennea deux minutes du domicile du patient, alors que le temps moyende transport jusqu’au centre de dialyse est de 18 minutes. Ceresultat est confirme par l’institut de recherche et documentationen economie de la sante (Irdes), qui montre qu’au niveau national,la distance domicile-cabinet du medecin generaliste est de 600 men moyenne [13], avec toutefois des disparites selon les regions.

6. Conclusion

La proximite geographique du medecin generaliste et saformation specifique concernant la prise en charge des soinsprimaires sont donc des arguments forts pour reinvestir le medecingeneraliste dans la prise en charge du patient dialyse, d’autant quela demographie nephrologique actuelle ne suffit pas a couvrir lesbesoins croissants en soins primaires de ces patients. Toutefois, ilsemble difficile de reintegrer le medecin generaliste dans la priseen charge du patient dialyse lorsque le suivi a ete interrompu, et ilfaut probablement veiller a ce que la relation du patient avec songeneraliste soit preservee lors de la mise en dialyse afin qu’ellepuisse perdurer. En effet, selon un questionnaire adresse enLorraine aux medecins traitants, 42 % des generalistes consider-aient qu’ils perdaient leur patient de vue lorsqu’ils l’envoyaient aunephrologue [14].

Une transmission d’informations entre le centre de traitementet le medecin generaliste doit etre etablie pour eviter les rupturesde suivi. La mise en place de programmes d’education therapeu-tique, definis par l’OMS comme des programmes visant « a aider les

imaires du patient traite par hemodialyse ? Nephrol ther (2013),

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G Model

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patients a acquerir ou maintenir les competences dont ils ontbesoin pour gerer au mieux leur vie avec une maladie chronique »,au stade precoce de l’insuffisance renale chronique, permetl’intervention de plusieurs acteurs, comme les infirmiers d’educa-tion therapeutique, la dieteticienne, la psychologue. . . Ces pro-grammes devraient egalement permettre de maintenir la relationentre medecin generaliste et nephrologue en amont de la mise endialyse. Enfin, une formation specifique du generaliste prenant encharge un patient traite par dialyse devrait etre mise en place.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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[8] Arrete du 30 decembre 2010 fixant les modeles de contrats types devant etresignes par les professionnels de sante exercant a titre liberal et intervenant aumeme titre dans les etablissements d’hebergement pour personnes ageesdependantes. www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?.cidTexte=JORF-TEXT000023334544

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