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QUELS LEVIERS JURIDIQUES POUR PROTEGER ET VALORISER LA BIODIVERSITE ? ETUDE EN TERRITOIRE NORMAND Master 2 Droit de l’environnement et des risques Université de Strasbourg Année universitaire 2016-2017 Mémoire présenté par Eva LOCILLA Sous la direction de : Madame Marie-Pierre CAMPROUX-DUFRENNE, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Strasbourg Encadré par : Madame Emilie GAILLARD, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Caen- Normandie

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QUELS LEVIERS JURIDIQUES POUR PROTEGER ET

VALORISER LA BIODIVERSITE ? ETUDE EN TERRITOIRE NORMAND

Master 2 Droit de l’environnement et des risques

Université de Strasbourg

Année universitaire 2016-2017

Mémoire présenté par Eva LOCILLA Sous la direction de :

Madame Marie-Pierre CAMPROUX-DUFRENNE, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Strasbourg

Encadré par :

Madame Emilie GAILLARD, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Caen-Normandie

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Remerciements

A Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrene, Responsable du Master 2 Droit de

l’Environnement et des risques, pour son intérêt à l’égard du sujet, pour son suivi et sa

disponibilité,

A Madame Emilie Gaillard, ma maître de stage bienveillante, qui a su m’encourager

et me faire confiance tout au long de mes recherches. Son expérience et les nombreuses

connaissances qu’elle a bien voulu me faire partager m’ont énormément aidée pour la

rédaction de ce mémoire.

A Monsieur Mathias Couturier, mon second responsable de stage, pour son

implication,

A Marion Brosseau et Sophie Raous, mes encadrantes de l’IRD2, qui m’ont offert la

possibilité de réaliser ce stage pluridisciplinaire des plus enrichissants,

A l’institut Demolombe et à la MRSH qui ont accepté de m’accueillir pour mener à

bien ma mission,

Enfin, à tous les stagiaires et doctorants, Magali, Lisa, Gabriella, Laure, Frédéric,

Romane, Laetitia, Charlotte et Paul qui m’ont accompagnée et soutenue pendant ces six mois

de recherches.

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Table des sigles, abréviations et acronymes.

AFB : Agence française de la biodiversité A.J.D.A : Actualité juridique de droit administratif ARB : Agence régionale de la biodiversité CBN : Carrières et Ballastières de Normandie CC. : Conseil constitutionnel CDC : Caisse des dépôts et des consignations CDB : Convention sur la diversité biologique CIPAN : Culture intermédiaire piège à nitrates. CODERST : Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques Coll. : Collection Coord. : Coordination CPIE : Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement de Normandie). CREPAN : Comité régional d’étude pour la protection de l’environnement Dir. : Direction Dr. : Doctor DREAL : Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement DDTM14 : Direction Départementale des Territoires et de la Mer Éd. : Édition ERC : Éviter, réduire, compenser GMN : Groupe Mammologique Normand GONm : Groupe Ornithologique Normand GRAPE : Groupement Régional des Association de Protection de l’Environnement de Normandie GRETIA : Groupe d’Etude des Invertébrés Armoricains Ibid. : Ibidem ICPE : Installation classée pour la protection de l'environnement IRD2 : Institut régional du développement durable de normandie J.O. : Journal Officiel

J.O.R.F. : Journal Officiel de la République Française J.O.U.E. : Journal Officiel de l'Union Européenne L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de jurisprudence LRE : Loi sur la responsabilité environnementale MAE : Mesures agro-environnementale MEA : Millennium Ecosystem Assessment N° : Numéro OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique ONU : Organisation des Nations Unies Op. Cit. : Opere citato p. : page pp. : pages PAC : Politique agricole commune PLU : Plan local d'urbanisme PSE : Paiements pour services environnementaux P.U.F. : Presses universitaires de France R.C.A.D.I. : Revue Lamy Droit des Affaires R.J.E.: Revue juridique de l'environnement s. : suivants sc. : scientifique SE : services écosystémiques SCoT : Schéma de cohérence territoriale SRCE : Schéma régional de cohérence écologique STRADDET : Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires SFDE : Société Française pour le Droit de l'Environnement TEEB : The Economics of Ecosystems and Biodiversity TVB : Trame verte et bleue UICN : Union internationale pour la conservation de la nature

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Sommaire

PARTIE I – LES LEVIERS JURIDIQUES NES DU PROLONGEMENT D’UNE

ANALYSE ECONOMIQUE

CHAPITRE 1 – L’appropriation par le droit du concept économique de services

écosystémiques pour la protection de la biodiversité CHAPITRE 2 – L’encadrement juridique nécessaire des instruments économiques

pour une meilleure protection de la biodiversité

PARTIE II – LES LEVIERS JURIDIQUES AU SOUTIEN D’UNE ANALYSE SOCIO-

ECOLOGIQUE

CHAPITRE 1 – Le renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une

protection dynamique et intégrée de la biodiversité

CHAPITRE 2 – Le renouvellement de la gouvernance au service de la protection

sociétale de la biodiversité

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« We need the natural world. We cannot go on destroying it at the rate we are.

We do not have more than this one planet ».

Dr. Jane Goodall.1

                                                                                                               1 « Nous avons besoin de la nature. Nous ne pouvons pas continuer à la détruire comme nous le faisons. Nous n’avons pas plus d’une seule planète à notre disposition » traduction par nous. Extrait TEDGlobal, GOODALL J., « How humans and animals can live together », juin 2007.

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INTRODUCTION

De sa prison, Rosa Luxembourg écrivait :

« Tous les jours je rends visite à une toute petite coccinelle que je maintiens en vie depuis une

semaine sur une branche, malgré le vent et le froid, dans un chaud bandage de coton. Et au

fond je me sens pas plus importante que cette coccinelle. Et, dans le sentiment de cette infinie

petitesse, je me sens indiciblement heureuse ». C’est fondamentalement sur cette relation

étroitement liée de l’humain à la nature que débouche la problématique de la biodiversité.2

La biodiversité est un concept récent dans l’histoire de l’écologie. Elle vient

nommer, seulement à la fin du XXème siècle3, une réalité qui date pourtant de plusieurs

milliards d’années4. En cela, la biodiversité renvoie à une vision scientifique du vivant. Sa

définition juridique a été inscrite récemment dans le Code de l’environnement à l’article

L.110-1 désignant ainsi « la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les

écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes

écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre

espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».

Cette définition reprend celle énoncée à l’article 2 de la Convention sur la diversité

biologique5 ayant été formulée lors du troisième Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en

1992, en y ajoutant la prise en compte des interactions. La biodiversité est une notion

                                                                                                               2 LAURENT S., « La biodiversité : un enjeu humain », L’environnement et ses métamorphose, BRECHIGNAC C., DE BROGLIE G., MIRELLE DELMAS-MASTY M. (dir.), Paris, Hermann, 2015, p 61. 3 Théorisé en 1980 comme étant « la totalité de toutes les variations de tout le vivant » par Edward O. WILSON à l’origine de la notion dans son ouvrage publié en 1988 intitulé BioDiversity. WILSON E. O., PETER F. M., BioDiversity, Washington D. C., National Academy Press, 1988. 4 La Vie est apparue il y a 3,8 milliards d’années sur Terre sous la forme de molécules. 5 Article 2 de la Convention sur la diversité biologique définissant la biodiversité comme étant la « variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ».

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multidimensionnelle qui se définit par trois niveaux. D’une part, l’approche génétique renvoie

au niveau microscopique, c’est-à-dire à la diversité des gènes de tous les organismes vivants,

traduisant la diversité des caractères à l’intérieur d’une espèce. Cette diversité est très

importante car elle permet la survie des écosystèmes, de la faune et de la flore, et par

conséquent la survie de l’écosystème planétaire. D’autre part, l’approche dite spécifique,

c’est-à-dire le niveau traditionnel de la protection des espèces, recouvre la diversité des

espèces et leur nombre dans un milieu déterminé. Cette diversité peut être interspécifique, à

savoir entre les espèces ou intraspécifique, au sein des espèces. Enfin, l’approche

écosystémique renvoie au niveau macroscopique et comprend la diversité des écosystèmes.

L’écosystème, ou l’ensemble des organismes vivants qui constituent une unité fonctionnelle

par leurs interactions entre eux et avec leur milieu, se définit au cas par cas par rapport à un

territoire donné. Un écosystème a des fonctions qui dépendent des interactions entre les

différents éléments que sont les gènes, espèces et écosystèmes mais aussi entre les

constituants du monde vivant et les sociétés humaines. Certaines de ces fonctions vont

davantage servir à l’Homme. Et comme le met en exergue le biologiste Robert Barbault6, la

prise en compte des écosystèmes dans la biodiversité amène par voie de conséquence à la

découverte de ses services, ceux qu’elle rend à l’Homme, qualifiés de services

écosystémiques. Notons par ailleurs que la définition retenue par le législateur privilégie

l’approche écosystémique. 7 La complexité de cette définition ne fait que souligner la

complexité de l’écosystème planétaire lui-même, mettant ainsi en évidence une réalité

tangible selon laquelle l’Homme n’est pas le seul être vivant dans la Nature. « L’écosystème

est l’unité fondamentale de développement et de survie ». 8 On parle en ce sens de

« communauté de destin »9 entre toutes les espèces, l’Homme a également besoin de la

biodiversité pour sa propre survie. Aussi, il lui revient de sauvegarder la dynamique du

fonctionnement de notre système planétaire. Par ailleurs, au-delà de cette définition, il

convient de souligner qu’il existe une distinction juridique entre la biodiversité ordinaire et la

biodiversité protégée, dite remarquable 10 . Pourtant celles-ci sont complémentaires et

                                                                                                               6 BARBAULT R., « La biodiversité, une façon écologique de comprendre le monde », in Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ?, Ecorev, numéro spécial 38 automne hiver 2012, p10. 7 Contrairement aux biologistes classiques qui partent des gènes ou des espèces. Ibid. 8 ROLSTON III H., « La valeur de la nature et la nature de la valeur », in Ethique de l’environnement, Nature, valeur, respect, coll. Vrin, p. 171. 9 Voir en ce sens DELMAS-MARTY M., « Introduction, De la grande accélération à la grande métamorphose ? », L’environnement et ses métamorphoses, Paris, Hermann, 2015, 297 p MATHEVET R., La solidarité écologique : ce lien qui nous oblige, Actes Sud, 2012, p.88. 10 Bien que le préambule de la charte de l’environnement et l’article L110-1 du CE ne fasse pas de distinction entre la nature ordinaire et remarquable, la protection juridique des espaces et des espèces s’est pourtant longtemps focalisée sur la nature menacée.    

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indissociables. En effet, l’ensemble de la diversité biologique joue un rôle dans l’écosystème.

Le monde du vivant se construit dans cette dynamique écologique faite d’interactions de

prédation et de compétition mais également de relations de coopération, à bénéfices

réciproques. La biodiversité repose sur l’idée même de variabilité car il s’agit d’un système en

mouvement permanent. Il faut donc s’inscrire dans une vision dynamique et non statique des

choses.

Le rôle du droit face à l’urgence écologique. Si les interactions du vivant ont été

amenées à évoluer au fil du temps, la nouveauté relève du fait que l’Homme s’est

progressivement imposé comme l’un des instigateurs principal de ces évolutions.11 Et pour

cause, croissance démographique, surexploitation des ressources naturelles, bouleversement

des modes de consommation, pollutions diverses, destruction des habitats, urbanisation,

artificialisation… tout un ensemble de pressions croissantes qui ont contribué aux

bouleversements écosystémiques et à une perte de biodiversité sans précédent. Les causes

sous-jacentes de cette perte sont majoritairement de nature socio-économique, exercées par

les sociétés humaines. Face à ce risque de sixième extinction de masse avancée par les

chercheurs12, la protection de la biodiversité s’impose comme l’un des enjeux planétaires et

humain de notre siècle13. Le passage dans cette nouvelle ère a pour particularité notable d’être

d’origine anthropique, une première dans l’histoire de l’Humanité. Reprenant la métaphore du

Professeur Robert Barbault, « l’homme s’impose tel un éléphant dans un jeu de quille »14. En

effet, l’activité humaine génère une érosion de la biodiversité qui s’intensifie de façon

exponentielle depuis ces cinquante dernières années. Dans cet Anthropocène15 où l’Homme

impacte géologiquement la planète, Hubert Reeves ne voit qu’une seule solution, celle d’un

changement d’ère, une ère du respect de la diversité du vivant. Face à ces modifications

                                                                                                               11 BARBAULT R., « La biodiversité, une façon écologique de comprendre le monde », in Quelle(s) valeur(s) pour la biodiversité ?, Ecorev, numéro spécial 38 automne hiver 2012, op. cit., p10. 12 Voir en ce sens BARNOSKY D. et al., « Has the Earth’s sixth mass extinction already arrived ? », Nature, 2011, 471, 51–57. 13 Avec celui du changement climatique, tous deux étroitement liés par ailleurs. 14 RARNAULT R., Un éléphant dans un jeu de quilles. L’homme dans la biodiversité., éd. Du Seuil, janvier 2006, 265 p. 15 L’anthropocène serait l’entrée d’une nouvelle période dans laquelle l’influence de l’Homme, à travers ses activités, modifie géologiquement la planète Terre. Ce concept a été avancé par Paul Crutzen, géo-chimiste et prix Nobel et popularisé dans les années 2000. Selon lui, cette période aurait débuté lors de la révolution industrielle ; CRUTZEN P., The « Anthropocene », Earth System Science in the Anthropocene, 2006, p. 13 Voir en ce sens, l’historien Christophe Bonneuil reprend ce concept en faisant référence à un modèle de développement humain devenu insoutenable. BONNEUIL C., FRESSOZ J.-B., L’Evènement Anthropocène ; la Terre, l’histoire et nous, éd. Seuil, 2013, 320 p.

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rapides et irréversibles de l’ordre naturel, l’Homme se trouve au croisement d’un

« catastrophisme intégré » et de l’idée que des « solutions envisageables existent ».16

Pour Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrenne, la biodiversité et le droit sont deux

mondes systémiques. D’une part, le monde de la nature est un monde de réalités dans lequel

les relations entre l’Homme et la Nature reposent sur des interactions et des

interdépendances17. La planète serait donc un socio-écosystème selon certains auteurs. Tel

que le définit l’écologue Christian Lévêque nous sommes dans « un systèmes interactif entre

deux ensembles constitué par un (ou des) socio-systèmes(s)18 et un (ou des) écosystèmes(s)

naturel(s) et/ou artificiel(s) s’inscrivant dans un espace géographe donné et évoluant dans le

temps qui permet le jeu des interactions entre ce qui relève des sociétés humaines et ce qui

relève des milieux naturels ».19 Ce socio-écosystème met donc en évidence le croisement

entre le fonctionnement de la société et les écosystèmes. Il existe toute une dynamique

puisque le socio-écosystème est en mouvement permanent. Cette dynamique repose sur un

phénomène de rétroaction car les effets des sociétés impactent les écosystèmes mais les effets

des écosystèmes impactent également l’organisation et le fonctionnement des sociétés20.

D’autre part, le droit est un monde de fictions21. Le droit, entendu comme l’« ensemble des

mécanismes d’organisation des sociétés et de régulation des relations sociales »22, a un rôle

primordial à jouer dans la protection de la biodiversité, aussi bien sous le prisme de sa

protection que de sa conservation, gestion, marchandisation... Le droit forme un système

anthropocentré en ce qu’il régit les rapports des Hommes entre eux et entre l’Homme et les

choses. Le droit de l’environnement se veut audacieux et novateur en ouvrant le champ de sa

protection à la biodiversité, au monde des réalités écologiques. Cette étude portera ainsi sur

l’analyse des transformations juridiques à l’œuvre et par conséquent sur les leviers juridiques

de protection et de valorisation de la biodiversité et des services écosystémiques. Protéger la

                                                                                                               16 HERMITTE M.-A., « Edouard Bonnefous et la biodiversité : « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », L’environnement et ses métamorphose, BRECHIGNAC C., DE BROGLIE G., MIRELLE DELMAS-MASTY M. (dir.), Paris, Hermann, 2015, p.120. 17 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 18 C’est-à-dire la société humaine. 19 LEVEQUE C., VAN DER LEEUW S., Quelles natures voulons-nous ? Pour une approche socio-écologique du champ de l'environnement. Elsevier, Paris, 2003, 248p. 20 Voir en ce sens OSTROM E., « Complexity of coupled human and natural systems » , Science, Volume 317, pp.1513-1516. 21 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 22 BERGEL J.-L., « Le droit s’appuie incontestablement sur des valeurs qui dépassent le domaine de la technique juridique », Méthodologie juridique, P.U.F., p. 17.  

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biodiversité pour la préserver de son érosion est indispensable. Comme le disait l’écologiste

américain Aldo Leopold en parlant de la protection environnementale, « la protection est un

état harmonieux entre les hommes et la terre »23. Renforcer la protection de la biodiversité

passe par sa valorisation, c’est-à-dire sa mise en valeur, en lui accordant une valeur plus

importante. Cette mise en valeur s’apprécie sous le prisme des mécanismes et des instruments

nouvellement mis en œuvre dans le domaine du droit. Ainsi, analyser les leviers juridiques

revient à s’intéresser aux mécanismes et instruments juridiques novateurs qui visent à

davantage encourager la protection et l’amélioration de la biodiversité. L’objet de l’étude est

donc d’analyser ces nouvelles dynamiques juridiques favorisant une vision renouvelée de la

biodiversité. Une mise en lumière sera faite sur ces instruments. Toutefois, face à la richesse

des mécanismes juridiques existants et la complexité de l’objet traité, celle-ci ne pourra en

aucun cas se prévaloir l’exhaustivité. Par ailleurs, pour comprendre l’émergence de ces

nouveaux mécanismes juridiques au soutien de la protection de la biodiversité, il convient de

revenir tout d’abord sur la construction juridique de la protection de la biodiversité.

Retour sur la construction juridique de la protection de la biodiversité. Le droit

de la biodiversité peut se caractériser par sa richesse 24 et sa créativité, tant au plan

international que national. La biodiversité représente l’un des enjeux majeurs de notre temps

pour lequel le législateur et la doctrine juridique accordent une attention toute particulière.

L’émergence d’un droit international de la biodiversité. Lors de la Conférence des

Nations Unies sur l’environnement, à Stockholm en 1972, a été adoptée une Déclaration sur

l’environnement évoquant déjà une « coopération » entre l’Homme et la Nature, dans son

Préambule, dans l’objectif de créer un environnement meilleur. C’est une approche globale

qui est privilégiée, considérant la valeur indépendamment de l’intérêt direct que l’Homme

pourrait en tirer, en mettant en valeur les fonctions des espèces. La Charte mondiale de la

Nature adoptée en 1982 va même plus loin disposant que « toute forme de vie est unique et

mérite d’être respectée, quelle que soit son utilité pour l’homme et, afin de reconnaître aux

autres organismes vivants cette valeur intrinsèque, l’homme doit se guider sur un code moral

                                                                                                               23 LEOPOLD A., “Ethique de l’environnement”, in Almanach d’un comté des sables, p. 145. 24 Une multitude de techniques juridiques existe pour protéger la biodiversité telles que « l’autorisation, l’introduction, la reconstitution, l’interdiction, la destruction, la sanction, la surveillance, la régulation, l’évaluation, la quantification, la consultation, la classification, la compensation, l’inventaire, le recensement ». HAUTEREAU-BOUTONNET M., TRUILHE-MARENGO E., « Recherche interdisciplinaire sur les valeurs de la biodiversité – Acte 1 », Cahiers Droit, Sciences & Technologies, 2016, pp.147.

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d’action ». Un changement est opéré par la suite avec le Sommet de la Terre de Rio en 1992

qui a donné lieu une véritable prise de conscience internationale de la valeur de la biodiversité

avec l’adoption de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Cet instrument

juridique contraignant à vocation universelle consacre la naissance d’un véritable droit de la

biodiversité, remplaçant ainsi le droit des espèces sauvages de la faune et de la flore25. Ce

concept de biodiversité révolutionne le droit de l’environnement. Ainsi, dans son Préambule,

les Etats parties à la Convention se déclarent conscients de « la valeur intrinsèque de la

diversité biologique et la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans

environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et

esthétiques ». Toutefois, l’entrée par les « pertes économiques »26 est encore privilégiée pour

appréhender l’érosion de la biodiversité plutôt que par la reconnaissance de sa valeur

intrinsèque en question. De plus, la Convention n’a pas été jusqu’à reconnaître le statut de

patrimoine commun de l’humanité27 à la biodiversité. Un statut pourtant cher aux yeux du

Professeur Alexandre Kiss afin de préserver la biodiversité de tout risque d’emprise par le

domaine marchand. Rebaptisée Convention du « grand partage » par certains auteurs,28 cette

convention vise les avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques. Cela fait

référence aux objectifs de « conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de

ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des

ressources génétiques » affirmés à l’article 1er de 1adite Convention. Cet engagement, qui

s’inscrit dans une logique d’obligation de moyens, illustre un glissement juridique à l’œuvre.

S’ensuit en 2000, la décision V/6 de la COP 5 de la précédente convention à Nairobi qui fait

référence de manière explicite à la préservation des services assurés par les écosystèmes.

Mais c’est avec l’arrivée du rapport du Millenium Ecosystem Assessment (MEA)29, publié en

2005, que va être médiatisé le concept de « services écosystémiques ». Cela marque un

nouveau tournant international dans la protection de la biodiversité, désormais appréhendée

                                                                                                               25 A partir de 1992, la biodiversité vise à protéger aussi bien les espèces sauvages que les espèces domestiques. Auparavant ces dernières n’étaient pas prises en compte. Aussi, le concept de biodiversité vise à protéger aussi bien les espèces in situ (dans leur milieu naturel) que ex situ (en dehors de leur milieu). 26 VIVIEN F.-D., « Et la nature devient patrimoine », in BARRERE C., BARTHELEMY D., VIVIEN F.-D., Réinventer le patrimoine, Paris L’Harmattan, p.45. 27 Patrimoine commun de l’humanité étant défini par le Professeur A. Kiss comme étant la « matérialisation de l’intérêt commun de l’humanité dans des espaces, biens et être vivants déterminés » renvoyant ainsi à l’impossibilité d’appropriation des éléments qui le composent pour sa réalisation, R.C.A.D.I. 175, p. 243. SOHNLE J., « Avant-propos », Marché et environnement, Actes du colloque annuel de la SFDE à Strasbourg des 29 et 30 novembre 2012, coll. Bruylant, p.10. 28 Voir en ce sens HERMITTE, (1992) ; MALJEAN-DUBOIS (2005) ; THOMAS and BOIVERT (2015). 29 Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, étude réalisée par 1360 experts de 95 pays.

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sous le prisme des services. Le concept de services écosystémiques s’impose à travers sa

valeur économique. Cela amène à penser différemment la biodiversité, l’incluant dans les

activités humaines, source de richesse dans sa protection. Ces derniers apparaissent dès lors

comme l’élément conciliateur entre l’Homme et la Nature, opérant ainsi un changement de

paradigme. Plus récemment encore au niveau international, une nouvelle dynamique s’est

mise en marche depuis le 24 juin 2017 avec le Projet de Pacte mondial pour

l’environnement qui ambitionne de reconnaître de nouveaux principes généraux du droit

international de l’environnement. En tant que texte juridique contraignant, celui-ci pose des

principes généraux et transversaux qui doivent s’appliquer au droit environnemental, et

partant, entend renforcer la protection de la biodiversité. Il sera proposé par le Président de la

République française à l’ONU en septembre 2017.

La diffusion du droit de la biodiversité en droit français. Concomitamment, en

droit interne, le droit relatif à la protection de la nature fut longtemps fragmenté. En France, la

préservation de la biodiversité a, dans un premier temps, été pensée pour lutter contre la

disparition des espèces, des habitats en les protégeant et prévenant leurs atteintes. Tel était le

cas avec la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature en France. Celle-ci a pu

être qualifiée « d’étape nouvelle et importante dans l’élaboration d’un droit à

l’environnement » par Edouard Bonnefous30. La protection des espaces naturels, des paysages

et des espèces végétales et animales est dès lors déclarée d’intérêt général. Cette loi s’inscrit

dans une logique conservationniste conduisant à séparer l’Homme de la Nature. Or, cette

protection de l’espace et des espèces, bien qu’importante n’est pourtant pas une garantie

suffisante pour l’évolution du vivant qui ne peut s’enfermer dans des « cages dorées »31.

Les grandes étapes suivantes reprendront la défense de cet intérêt général comme ligne

directrice, en témoigne ainsi la loi Barnier de 1995 relative au renforcement de la protection

de l’environnement, le Code de l’environnement, la Charte de l’environnement de 2004

qui explicite l’intérêt conféré à l’environnement reconnaissant sa protection, préservation et

restauration d’intérêt général32 ou encore les lois Grenelles I et II, couvrant un champ plus

vaste qu’est le développement durable. La mobilisation législative s’intensifie encore, en                                                                                                                30 Edouard Bonnefous (1907-2007), pionnier de la pensée écologique moderne a dédié une grande partie de sa vie à observer et analyser les relations que l’Homme entretien avec son milieu naturel à la recherche de solutions concrètes afin d’enrayer la dégradation de la planète. HERMITTE M.-A., « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », « Edouard Bonnefous et la biodiversité : VL’environnement et ses métamorphose, BRECHIGNAC C., DE BROGLIE G., MIRELLE DELMAS-MASTY M. (dir.), Paris, Hermann, 2015, p 95. 31 Ibid. 32 L’idée étant que la valeur de l’environnement dépasse les intérêts et droits individuels.

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atteste particulièrement les dernières avancées juridiques insufflées par la récente loi pour la

reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages adoptée le 8 aout 2016 (dite loi

Biodiversité) sur laquelle nous mettrons particulièrement l’accent dans cette étude. « Créer

une nouvelle harmonie entre la nature et les humains » telle était l’idée avancée par Ségolène

Royal33. Cette loi, intervenant quarante ans après la loi de 1976 relative à la protection de la

nature et des paysages, vient enrichir voire même modifier le droit de l’environnement en

accordant une importance toute particulière à la protection de la biodiversité, dans une

approche globale. Celle-ci propose « une vision renouvelée de la biodiversité »34 . Un

changement de paradigme est à l’œuvre reconnaissant à la fois la protection de la biodiversité

et des services écosystémiques. Cette loi se veut ambitieuse. Et pour cause, au-delà de la

protection de la biodiversité, elle entend la « reconquérir ». Reconquête, un terme fort de sens

auquel aurait pu lui être substitué l’expression « extension du domaine de lutte » pour en

définir le contenu selon le Professeur Agathe Van Lang35. En effet, dans un contexte de perte

de biodiversité, il peut sembler paradoxal de reconquérir ce qui est définitivement perdu. Par

ailleurs, notons que cette loi s’inscrit dans une conception anthropocentrée de la biodiversité,

déjà développée dans la Charte de l’environnement. Une avancée qui illustre la

métamorphose de l’esprit du législateur, s’éloignant ainsi de l’esprit conservationniste de son

ainée. Celle-ci vient réaffirmer par ailleurs le caractère général de la protection et de la

capacité à évoluer de la biodiversité.36

Les récentes avancées législatives traduisent un élargissement de focale. Un

renouvellement de l’imaginaire juridique est à l’œuvre. Longtemps, la biodiversité n’a donc

été appréhendée qu’à travers ses éléments constitutifs. Le droit de l’environnement a mis

plusieurs années à intégrer le concept de biodiversité, concept qui n’imprègne toujours pas

entièrement le Code de l’environnement dans sa version actuelle37. Celui-ci a effectivement

évolué dans son appréhension par le droit au cours du temps, passant d’une approche

conservationniste, centrée sur la protection des sites et paysages remarquables et des espèces

rares et emblématiques, à une approche anthropocentriste, prenant en compte la place de

l’Homme par rapport à la Nature. Nature, biodiversité, services écosystémiques, un

                                                                                                               33 Sens donné au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage par l’ancienne ministre de l’écologie, Ségolène Royal, le 24 mars 2015 à l’Assemblée Nationale. 34 DOUSSAN I., « Pour une "vision renouvelée" de la biodiversité », Droit de l’environnement, 1er septembre 2014, numéro 226, pp.226 et s. 35 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée », A.J.D.A., 2016, p.2381. 36 Article L.110-1-II du Code de l’environnement. 37 Il ne conceptualise pas une partie générale visant la biodiversité.  

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renouvellement des concepts juridiques qui témoigne d’un bouleversement dans l’approche

juridique de la protection de la biodiversité38. Le droit de l’environnement cherche désormais

à protéger l’intégralité du vivant et des milieux naturels. Toutefois, cette conception

écosystémique de l’environnement reste un réel « défi » à relever pour le droit selon le

Professeur Jean Untermaier. La protection de la biodiversité implique donc nécessairement

une convergence des disciplines pour permettre une protection plus favorable, dans une

approche globale et écosystémique. L’idée est de faire de la biodiversité un atout pour les

territoires et non plus une contrainte. L’interdisciplinarité est au fondement même de la

protection de la biodiversité. Dans ce contexte, le droit se veut à l’interface entre l’économie

et l’écologie.

Au delà de l’interdisciplinarité, la protection de la biodiversité ne peut être possible que grâce

à la mobilisation de tous les acteurs du territoire, aussi bien publics que privés et ce à toutes

les échelles, aussi bien internationale, régionale que nationale et locale. Notre étude, réalisée à

l’échelle du territoire normand, où s’est déroulé le stage de recherches, nous servira

d’illustration. Cette analyse s’inscrit en effet dans un stage pluridisciplinaire à la recherche de

leviers pour espérer renforcer la protection de la biodiversité au niveau régional. La

biodiversité ne devrait pas s’imposer comme une contrainte mais comme un véritable atout

pour les décideurs locaux. Analyser les dispositifs juridiques existants et accompagner les

acteurs à changer de regard étaient donc l’objectif. A l’échelle nationale comme à l’échelle

locale, en effet, la même problématique s’impose :

Quels sont les leviers juridiques pour protéger et valoriser la biodiversité ?

Autrement dit, existe-t-il des leviers juridiques considérant la biodiversité comme une

opportunité ? Comment le droit intervient-il au soutien des autres disciplines que sont

l’économie et la socio-écologie ? Quelles sont les logiques juridiques à l’œuvre ?

La première, économique, s’articule à travers l’approche en termes de services

écosystémiques (PARTIE 1). La seconde, socio-écologique, est une logique globale et qui

ambitionne une vision intégrée de la biodiversité (PARTIE 2).

                                                                                                               38 Voir en ce sens, OST F., « La nature hors la loi », L'écologie à l'épreuve du droit, Paris, La Découverte, 1995.

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PARTIE I LES LEVIERS JURIDIQUES NES DU PROLONGEMENT D’UNE ANALYSE ECONOMIQUE DE LA BIODIVERSITE

L’approche par les services écosystémiques développée par les économistes pour

protéger la biodiversité, en attribuant une valeur à la Nature, bouleverse le rapport de

l’Homme à la Nature. L’esprit du législateur se trouve renouvelé avec l’adoption de la récente

loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages consacrant désormais la

protection de la biodiversité mais également celle des services écosystémiques. Se focaliser

sur les services écosystémiques amène, par voie de conséquence, à s’interroger sur les

interrelations entre le droit et l’économie. Dans un monde anthropocentré, les liens entre droit,

économie et préservation de la biodiversité sont étroits. Ces deux systèmes de pensées, bien

que distincts par leurs fins et leurs moyens39, tous deux à l’origine au service des êtres

humains, ont ouvert leur champ d’action à de nouvelles entités vivantes : la biodiversité.

L’émergence d’une prise en compte de la biodiversité dans les sphères économiques et

juridiques à travers l’approche par les services écosystémiques implique une rencontre des

deux disciplines dans un objectif commun de protection.

En s’inscrivant au prolongement d’une analyse économique de la biodiversité, le droit

s’approprie dans un premier temps le concept de services écosystémiques d’origine

économique pour la protection de la biodiversité (Chapitre 1). Le droit intervient dans un

second temps dans la mise en œuvre juridique d’instruments économiques (Chapitre 2).

CHAPITRE 1: L’appropriation par le droit du concept economique de services ecosystémiques pour la protection de la biodiversité

L’approche par les services écosystémiques a été médiatisée, à l’échelle

internationale, par le rapport du Millenium Ecosystem Assessment publié en 2005. Les

partisans du concept mettent en avant le fait qu’il est « le support potentiel d’un véritable

dialogue interdisciplinaire »40 nécessaire entre les sciences et les acteurs et décideurs. La

                                                                                                               39 L’action de l’économie étant de réguler et celle du droit d’encadrer. 40 AUBERTIN C., COUVET D., FLIPO F., « Une “marchandisation de la nature” ? De l’intégration de la nature en économie», Revue du Mauss permanente, 9 février 2016.

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remarquable impulsion générée par le MEA s’est progressivement traduite en droit interne par

l’intégration de la notion de services écosystémiques dont la biodiversité en est le support.

Toutefois, une distorsion des approches des services écosystémiques est dans un premier

temps à analyser entre ces deux disciplines (Section 1). Cette distorsion amène par voie de

conséquence à s’interroger quant à l’intégration en droit des services écosystémiques comme

notion favorable à la biodiversité (Section 2).

Section 1 : Une distorsion des approches des services écosystémiques C’est dans un premier temps dans les analyses économiques que la notion de

« services écosystémiques » a émergé avant de se propager à son tour dans la sphère juridique.

Une analyse sur ces deux approches est alors pertinente. Bien que ce concept soit clairement

défini en économie (§1), il manque encore une définition juridique précise (§2).

§1.Une approche précise en économie

Des économistes se sont emparés du concept de capital naturel sous l’angle des

bénéfices retirés du fonctionnement des écosystèmes. Dans un premier temps, la notion de

« services écosystémiques » a été utilisée dans un but pédagogique pour faire émerger une

prise de conscience humaine. Un article de Costanza et al.41 relatif à la valeur du capital

naturel mondial et des services écosystémiques a marqué une première étape, faisant entrer la

notion dans l’arène scientifique.

Le rapport du MEA est venu véritablement institutionnaliser la notion de « services

écosystémiques »42, en partant du constat qu’il est indispensable « d'évaluer les conséquences

des évolutions des écosystèmes sur le bien-être humain pour contribuer à l'élaboration d'une

base scientifique des actions nécessaires à l'amélioration de la conservation et de l'utilisation

durable des écosystèmes »43. Le lien entre l’érosion de la biodiversité et la diversité des

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         http://www.journaldumauss.net/spip.php?page=imprimer&id_article=1283 41 COSTANZA R. et al., « The value of the world’s ecosytem services and natural capital », Nature, 1997, 387, pp.253-260. 42 MONGRUEL R., MERAL P., DOUSSAN I., LEVREL H., « L’institutionnalisation de l’approche par les services écosystémiques : enjeux pour les dispositifs et les cadres de gestion », in ROCHE P., GEIJZENDORFFER I.., LEVREL H., MARIS V. (coord.), Valeurs de la biodiversité et services écosystémiques, Quae, Versaille, 2016, p.195. 43 BRAHIC E., RAMBONILAZA T., Quelle valeur les Français accordent-ils à la préservation de la biodiversité dans les forêts publiques métropolitaines, coll. « Études et documents », SEEIDD, CGDD, n°141, mars 2016, p.9.

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causes d’insécurité pour l’Humanité est avéré. Ce rapport est venu alerter sur les pressions

exercées sur les services écosystémiques44 et démontrer, par la même occasion, les liens entre

les services écosystémiques et le bien-être humain.

Par ailleurs, le MEA introduit une définition des services écosystémiques comme étant « les

bénéfices que les hommes tirent des écosystèmes ». Une classification de ces services est

établie, en les regroupant en quatre grandes catégories. Tout d’abord, les « services

d’approvisionnement » ou de « prélèvement » sont des biens appropriables tels que les

aliments, les matériaux, les fibres, les agrocarburants, les eaux douces, les ressources

génétiques, les ressources ornementales, les composés médicinaux et pharmaceutiques… Ces

services, consommés directement ou indirectement, sont pris en compte par le marché en tant

que biens appropriables. Puis, les « services de régulation » qui constituent la capacité de

moduler des phénomènes dont le cycle de l’eau, le climat, les maladies… La biodiversité est

un élément dynamique régulant nos cycles de vie, déterminant pour la santé humaine et pour

la qualité des milieux naturels. Les « services de support » quant à eux, conditionnent le bon

fonctionnement des écosystèmes. Ces services sont indirectement utilisés par l’homme, tels

que la production d’éléments nutritifs, la formation et le maintien des sols, la fourniture de

carbone, l’épuration et le stockage de l’eau… et servent de support pour les activités

humaines. Les services de support contribuent à la réalisation des autres services. Enfin, les

« services culturels » qui renvoient à l’utilisation des écosystèmes à des fins récréatives,

esthétiques ou spirituelles. Les catégories des services de régulation et de support sont

considérées comme étant les plus innovantes du MEA45.

La notion de « services écosystémiques » va se diffuser ensuite lors des conférences des

Parties de la Convention sur la diversité biologique, en particulier lors la conférence des

Parties tenue à Nagoya le 18 octobre 2010. Un nouvel objectif va être fixé, celui de

« valoriser, conserver et restaurer la biodiversité à l’horizon 2050, afin que perdurent les

services rendus par les écosystèmes ». La Convention de Nagoya sera traduite avec les

objectifs d’Aïchi, adoptée par les Parties. En tant que nouveau Plan stratégique pour la

biodiversité 2011-2020, l’article 14 dispose que « d’ici à 2020, les écosystèmes qui

fournissent des services essentiels, en particulier l’eau et contribuent à la santé, aux moyens

de subsistance et au bien-être, sont restaurés et sauvegardés ». Par ailleurs, les travaux sur

                                                                                                               44 Il a été démontré que 15 des 24 des services écosystémiques étudiés étaient en cours de dégradation ou de gestion non durable.    45 MARIS V., « Nature à vendre ». Les limites des services écosystémiques, Quae, Sciences en questions, Clermont-Ferrand, France, 2014, p25.

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l’évaluation des écosystèmes et des services écosystémiques de 2008 (TEEB46) renvoient à

une lecture économique de la Nature, servant de référentiel. L’économie de la biodiversité

soutient qu’il convient d’évaluer la biodiversité monétairement au préalable, en vue de

l’intégrer dans la prise de décision. Les décideurs vont donc être amenés à s’appuyer sur ces

travaux économiques. Les services écosystémiques sont considérés comme des éléments

extrêmement importants pour répondre à l'urgence écologique. Ceux-ci s’inscrivent dans une

double dimension, à la fois en tant que réponse dans la lutte contre la perte de biodiversité et

en tant que réponse stratégique.

Soulignons que la définition précise du MEA renvoie à une vision anthropocentrée de

la biodiversité. La notion de « services écosystémiques » a permis d’intégrer les interactions

avec la société dans les évaluations scientifiques. De plus, les travaux de l’évaluation

économique sont axés sur une approche purement économique. Le MEA est véritablement

venu populariser le concept en tant qu’argument politique pour mettre en avant que l’homme

préserve ses propres intérêts en protégeant la biodiversité. Toutefois, bien que défini

économiquement, le concept n’est pas stabilisé en droit.

§2. Une approche imprécise en droit

Les prémices des « services écosystémiques » dans la loi du 1er août 2008. C’est

dans la loi du 1er août 2008 que la prise en compte des fonctions écologiques est apparue en

droit français. Rappelons que le droit par définition se nourrit des concepts, c’est en cela qu’il

s’est nourri du concept de « services écosystémiques » ou plutôt devrions nous parler

désormais de notion47. La notion est apparue pour la première fois dans le droit de l’Union

européenne avec la Directive sur la responsabilité environnementale en date du 21 avril

200448. L’ajout de ces services écosystémiques à la définition du dommage environnemental

marque même une avancée majeure selon Olivier Fuchs49. En cela, le droit a quand même pris

en compte la notion de « services écologiques » avant le MEA. La Directive sera transposée

ensuite par la loi du 1er aout 2008 sur la responsabilité environnementale (LRE) et codifiée

                                                                                                               46 The Economics of Ecosystems and Biodiversity.  47 Notion est assortie d’effets juridiques alors que le concept est au stade de l’idée théorique. Voir Thèse FIN-LANGER L., L’équilibre contractuel, 2000. 48 Directive 2005/35/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, J.O.U.E. L.143/56 du 30/04/2004. 49 FUCHS O., « Le régime de prévention et de réparation des atteintes environnementales issu de la loi du 1er août 2008 », A.J.D.A ., 2008, p.2110.

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aux articles L.160-1 et suivants du Code de l’environnement. Le Professeur François-Guy

Trébulle qualifiera par ailleurs de « notable la consécration en droit des « services

écologiques »50. C’est donc dans le régime administratif spécifique de la réparation que le

concept fait son apparition en droit interne. Consacré à l’article L.161-1-I 4° du Code de

l’environnement en précisant que « constituent des dommages causés à l’environnement au

sens du présent titre les détériorations directes ou indirectes mesurables de l’environnement

qui (…) affectent les services écologiques », ceux-ci font désormais partie d’une composante

du dommage réparable. Selon la juriste Alexandra Langlais51, l’introduction de ce concept

dans la définition du dommage environnemental par la loi est notable dans la mesure où elle

permet une évaluation plus complète des impacts que peuvent causer les activités humaines.52

Les dommages causés aux bénéfices que retirent les humains et les ressources elles-mêmes

viennent ainsi compléter les dommages aux ressources naturelles élémentaires.53 La loi de

transposition du 1er aout 2008 sur la responsabilité environnementale54 inscrit la seule

définition des « services écologiques » en droit interne. En effet, l’article L.161-1-I 4° du

Code de l’environnement les définit comme étant « les fonctions assurées par les sols, les

eaux et les espèces et habitats55 mentionnés au 3° au bénéfice d'une de ces ressources

naturelles ou au bénéfice du public, à l'exclusion des services rendus au public par des

aménagements réalisés par l'exploitant ou le propriétaire. » Cette définition est

« extrêmement intéressante »56 selon Madame Alexandra Langlais dans la mesure où elle ne

s’inscrit pas uniquement dans la dimension anthropocentrée comme peut le faire le MEA.

Autrement dit, elle se veut plus large puisqu’en parlant de « fonctions » elle prend en

compte à la fois les bénéfices que la Nature peut rendre à l’Homme mais également les

bénéfices que la Nature se rend à elle-même, donc indépendamment de l’Homme.

                                                                                                               50 TRÉBULLE F.-G., « Quelle prise en compte pour le préjudice écologique après l'Erika ? », Environnement, numéro 3, 1er mars 2013, repère 15. 51 Chargée de recherches au CNRS, IODE (UMR 6262 Rennes). 52 « This inclusion of the concept of services in the definition of environmental damage and pollution (of the marine environment) should lead to a subtler, more complete evaluation of the environmental impact of human activity and actions taken in the fight against climate change », HERVE-FOURNEREAU N., LANGLAIS A., « Does the concept of ecosystem services promote synergies between European strategies for climate change and biodiversity », Biodiversity and Climate Change Linkages at International, National and Local Levels, The IUCN Academy of Environmental Law series, Edward Elgar, Cheltenham, UK., p.74. 53 KROMAREK P, JACQUEAU M., «Réflexions autour de la transposition de la directive sur la responsabilité environnementale en droit français », Environnement, n°11, étude 18, novembre 2004.  54 Il s’agit d’un régime de police administrative qui s’inscrit dans le cadre d’une obligation de réparation. 55 Protégés par la Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, J.O., L.103 du 25/04/1979, p.1. dite « Oiseaux » et la Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, J.O., L.206 du 22/07/1992, p.7. dite « Habitas ». 56Intervention aux rencontres nationales de l’IRD2, « La biodiversité : une offre illimitée ? », Caen, le 2 mars 2017.

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L’accent est donc mis sur la réciprocité de ces « services ». La loi fait d’ailleurs référence aux

« bénéfices » plutôt qu’aux « services » à destination humaine en tant que telle. Cette

définition est donc extensive, ne réduisant pas les services à une dimension uniquement

anthropocentrée. Toutefois, bien que présentant un grand intérêt dans la préservation de la

biodiversité, cette définition ne peut être généralisable car elle reste attachée à une

responsabilité environnementale, son champ d’application est donc restreint. Ces services

n’ont pourtant été que peu appréhendés par le droit de l’environnement. Madame Marie

Bonnin soulignait déjà en 2012 le fait que « peu d’analyses juridiques ont été réalisées sur le

concept de services fournis par les écosystèmes ».57

La prise en compte récente des services écosystémiques dans la loi du 8 août 2016.

La récente loi pour la reconquête de la biodiversité marque un tournant important en ce

qu’elle entend protéger la biodiversité et les services écosystémiques. L’intérêt premier de

cette loi s’analyse dans la conception retenue de la biodiversité, inspirant les régimes

juridiques qui s’y attachent. Cette conception est exposée de façon claire dans l’exposé des

motifs du projet de loi, exprimant que la biodiversité est une « force économique pour la

France » assurant des « services écosystémiques » mais dont le « coût de leur disposition » 58

n’est pas encore connu. La loi insiste sur cette vision de la Nature comme fournisseur de

services écosystémiques59. Par ailleurs, la biodiversité apparaît comme étant « un capital

économique extrêmement important » 60. L’approche économique de la biodiversité était donc

déjà clairement affirmée en amont de l’adoption de la loi, mettant en avant son caractère

utilitariste dans les travaux relatifs à la financiarisation de la biodiversité et des services

écosystémiques 61 . Les parlementaires français ont également estimé que l’évaluation

économique de la biodiversité « demeure une voie de progrès essentielle » pour sa

protection62. C’est cette vision économique qui sera reprise par le législateur en intégrant les «

services écosystémiques » qui n’étaient jusqu’à présent seulement prévus dans la loi sur la                                                                                                                57 BONNIN M., « L’émergence des services environnementaux dans le droit international de l’environnement : une terminologie confuse », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 12 numéro 3, déc. 2012, 14p. 58 MARTIN P., Rapport du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, n°1847, le 26 mars 2014. 59 HERMITTE M.-A., « Edouard Bonnefous et le biodiversité : « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », op. cit., p 100.  60 MARTIN P., Rapport du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, op.cit. 61 CHEVASSUS-AU-LOUIS B., « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Centre d’analyses stratégiques », Documentation Française., coll. Rapports et documents, n° 18-2009. 62 GAILLARD G., Enjeux et outils d’une politique intégrée de conservation et de reconquête de la biodiversité, Rapport d’information au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Assemblée nationale, 6 avril 2011, pp.36-37.

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responsabilité environnementale issue de la Directive 2004/35/CE. Est également précisé dans

la loi Biodiversité que le patrimoine commun de la Nation se compose d’éléments naturels qui

« génèrent des services écosystémiques et des valeurs d’usages »63. L’emploi du terme de

« valeurs d’usages » renforce la vision économique de la loi puisque celle-ci ne fait pas

référence aux valeurs de non usages, notion plus juridique64. L’environnement est plutôt

perçu comme un ensemble de biens ou d’actifs, faisant ainsi passer au second plan le

caractère immatériel et désintéressé de ce patrimoine commun en droit de l’environnement.65

Par ailleurs, la sauvegarde nécessaire des services écosystémiques est affirmée à l’article

L110-1-II disposant que « (…) la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt

général » ainsi qu’à l’article L110-1-III 2° qui prévoit « la préservation de la biodiversité, des

milieux, des ressources ainsi que la sauvegarde des services qu'ils fournissent et des usages

qui s'y rattachent ». On notera toutefois l’absence de définition pour les services

écosystémiques. Face à ce constat, la loi ne semble pas viser la biodiversité pour elle-même

mais plutôt pour l’usage que les êtres humains peuvent en faire. Cela consolide la conception

anthropocentrique de la biodiversité, une conception d’ailleurs avancée par la Commission du

développement durable du Sénat qui a préféré recourir volontairement à la notion de

« services » plutôt que celle de « fonctionnalités écologiques » pour « valoriser l’approche

anthropocentrique et économique de la biodiversité en ce qu’elle rend des services »66. Par

ailleurs, notons que la définition du préjudice écologique retenue dans le code civil à

l’article 1247 fait quant à elle référence aux « bénéfices collectifs tirés par l’homme de

l’environnement ». Nous pouvons donc nous demander si cela renvoie aux services

écosystémiques.

Oscillant entre « fonctions » et « services écologiques », l’absence de définition

juridique précise et la mise en droit récente de ces services amène à se questionner sur

l’efficacité de cette approche, en tant que notion réellement favorable à la protection de la

biodiversité.

                                                                                                               63 Article L.110-1-I du Code de l’environnement. 64 Les valeurs d’usages et de non usages renvoient aux travaux d’étude du cadre de la valeur économique totale appliqué à la biodiversité et aux services écosystémiques, d’après CHEVASSUS AU LOUIS et al, 2009, op cit.    65 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée », A.J.D.A., 2016, p. 2381. 66 BIGNON J., Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et sur la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée Nationale, relative à la nomination et à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, Tome 1, rapport n°607, 8 juillet 2015, p.72.

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Section 2 : La mise en question des services écosystémiques comme notion favorable à la biodiversité La « mise en droit » 67 de la notion de « services écosystémiques amène à s’interroger

à deux niveaux. D’une part, le fait que la notion ne soit pas stabilisée en droit peut mettre en

cause son application (§1). D’autre part, celle-ci vient véritablement bouleverser le champ du

droit de l’environnement, amenant à repenser les relations Homme-Nature (§2).

§1. Une notion non stabilisée en droit mettant en cause son application

La « mise en droit » des services écosystémiques dans le but de les protéger, interroge

quant au fait de prendre pour référentiel une définition économique. En effet, cette intégration

juridique, comme nous avons pu le constater, souffre d’une absence de définition juridique.

Pourtant, le recours à la notion de « services » est de plus en plus utilisé aussi bien en droit

que dans les autres disciplines. En ce sens, le Professeur Jean Untermaier rappelle de façon

pertinente que « les mots les plus courants, qui semblent aller de soi, s’avèrent souvent

rebelles à une approche rigoureuse »68. Sans définition stabilisée, nous pouvons nous

demander si cette protection de la biodiversité par les services écosystémiques peut être

véritablement effective. Cette absence de définition juridique amène par conséquent à prendre

en compte la définition économique plus « libre »69 qui fait autorité depuis l’avènement du

MEA. Une définition qui renvoie donc à une vision anthropocentrée et basée sur une

approche économique de la Nature. Par ailleurs, notons que cette absence, si elle peut sembler

défavorable à la biodiversité, peut toutefois très bien être amenée à se construire grâce à la

jurisprudence. En effet, le juge pourrait à l’avenir avoir l’opportunité de préciser cette notion.

Partant, celui-ci pourrait se baser sur une définition plus englobante et se positionner pour une

vision plus large de la notion en reprenant notamment l’esprit de la définition instaurée par la

loi sur la responsabilité environnementale, plus favorable à la biodiversité. Si l’objectif du

droit est de réellement renforcer la protection de la biodiversité pour la « reconquérir »,

il conviendrait de préférer la définition retenue dans la LRE. En effet, celle-ci en prenant

en compte à la fois les bénéfices humains et les bénéfices pour les ressources naturelles elles-

mêmes. Les fonctions écologiques présentent le double avantage de n’appartenir à personne et

                                                                                                               67PREVOST B., RIVAUD A., MICHELOT A., « Économie politique des services écosystémiques : de l’analyse économique aux évolutions juridiques », Revue de la régulation, Varia, 1er semestre, printemps 2016. [En ligne mis en ligne] le 27 juin 2016, consulté le 1er août 2017, pt. 6. 68 Voir en ce sens UNTERMAIER J., La conservation de la nature et le droit public, thèse de doctorat en droit public, Université Lumière, Lyon, p. 3. 69 Intervention aux rencontres nationales de l’IRD2, « La biodiversité : une offre illimitée ? », Caen, 2 mars 2017.  

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de ne pas être l’objet d’évaluations économiques. Les services renvoient en effet à une

autre réalité dans le monde du droit. Le juge pourrait donc avoir un rôle important à

jouer en se saisissant de cette absence de définition pour en faire émerger une

« définition juridique dynamique » des services écosystémiques plus favorable à la

biodiversité. Le problème qui se pose est donc ce flou juridique actuel qui peut créer une

forme d’insécurité juridique reposant sur le flou de la notion elle-même70. Aussi, en tant que

nouveaux éléments de protection de l’environnement, il s’agit de nouveaux objets de droit à

protéger. Or, ne sachant pas exactement ce que sont ces services, il existe un flou dans la

réparation et la prévention. Cette avancée juridique est lacunaire.

§2. Une notion bouleversant le champ du droit de l’environnement

Au delà des notions employées, l’introduction généralisée des services

écosystémiques en droit n’est pas sans impact dans le champ du droit de l’environnement lui-

même71. Elle constituerait même une « rupture juridique » selon Agnès Michelot72. En effet,

le rôle du droit, en tant que régulateur des activités humaines, s’est construit sur une approche

règlementaire, à la recherche des responsabilités des atteintes causées à l’environnement. En

cela, son objectif est avant tout d’encadrer les activités humaines et, en cas de dommage

environnemental, d’en fixer les modalités de réparation.

L’avènement du Millenium Economic Assessment de 2005 a entrainé un véritable changement

de paradigme dans les relations entre l’Homme et la Nature. Ce tournant engendre également

en droit entrainant alors un bouleversement juridique. En effet, il est avancé dans un premier

temps, que les bénéfices tirés de la Nature contribuent à la survie et au bien-être humain.

Partant de ce constat, la protection des écosystèmes devient motivée par les intérêts humains.

C’est donc ce même intérêt anthropique, très marqué à travers cette approche utilitariste de la

Nature, qui se substitue à la valeur intrinsèque de la Nature73. Il devient ainsi un moteur dans

la protection de la biodiversité. Certains auteurs74 avancent même que cette introduction

généralisée des services écosystémiques, suscite un questionnement quant aux instruments

juridiques eux-mêmes. Les instruments juridiques environnementaux se fondant sur les

obligations de protection à travers les principes fondamentaux de prévention et de précaution                                                                                                                70 BIZET J., Rapport sur le projet de loi (urgence déclarée) relatif à la responsabilité environnementale, rapport n°348 fait au nom de la commission des Affaires économiques, Sénat, 21 mai 2008, p.39. 71 PREVOST B., RIVAUD A., MICHELOT A., « Économie politique des services écosystémiques : de l’analyse économique aux évolutions juridiques », op. cit., pt 39. 72 Ibid.  73 Ibid., pt. 41. 74 Voir en ce sens NAIM-GESBERT E., Droit Général de L’environnement, Paris, Lexis Nexis, 2014 ; PRIEUR M., Droit de L’environnement, Paris, Dalloz, 2011.

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seraient remis en question. Notons également que cette distorsion relève du fait que

l’approche par les services écosystémiques se base sur une logique nouvelle, celle de

l’échange, nouvelle pour la logique règlementaire juridique.75 Le rapport du sujet avec son

objet est ainsi transformé. La relation juridique à la biodiversité n’est plus uniquement fondée

sur une approche d’identification, de protection ou encore de mise en valeur des fonctions

écologiques. Parler en terme de « services » revient à s’interroger à la fois sur le fournisseur et

sur le bénéficiaire dudit service. Cela laisse une ouverture propice à l’émergence des

techniques contractuelles.

L’évaluation économique de la biodiversité à travers les bienfaits que l’Homme peut

tirer des écosystèmes amène le droit à dépasser sa logique règlementaire traditionnelle en vue

de s’adapter aux outils d’évaluations économiques des services écosystémiques. Après l’étude

de l’appropriation des notions, des questionnements d’ordre pratique avec la mise en place

d’instruments économiques se posent donc. Dans le système d’économie politique dominant,

l’approche par les services écosystémiques et la mise en place d’évaluations économiques

justifient l’avènement de certains dispositifs juridiques. Le droit doit intervenir pour faire

jouer son rôle d’encadrement et ainsi les rendre opérationnels mais aussi conformes au

système juridique applicable. La mise en garde de l’économiste Richard B. Noogard va

d’ailleurs dans ce sens en estimant que « l’approche par les services écosystémiques peut

s’intégrer dans une solution plus globale, mais sa dominance dans l’évaluation de la

situation et les solutions proposées nous aveugle quant à la complexité des enjeux auxquels

nous sommes confrontés ».76 Le droit se doit d’intervenir.

CHAPITRE 2 : L’encadrement juridique nécessaire des instruments économiques pour une meilleure protection de la biodiversité

Les services rendus par les écosystèmes se trouvent monnayés depuis qu’une

évaluation économique a émergé. Cette logique de coût/bénéfices de ces services implique de

multiples temps de rencontres entre l’économie et le droit. A la recherche d’une imbrication

efficace et pertinente entre approches économique et juridique, une diversité d’instruments de                                                                                                                75 PREVOST B., RIVAUD A., MICHELOT A., « Économie politique des services écosystémiques : de l’analyse économique aux évolutions juridiques », op. cit.,  76 NORGAARD R-B., “Ecosystem services : From eye-opening metaphor to complexity blinder”, Ecological Economics, 2010, 69, p.1219.

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gouvernance est ainsi développée, basée sur diverses méthodes d’évaluation de ces services.

Donner une valeur économique aux fonctions utiles qui seraient difficilement substituables

ouvre la possibilité d’une marchandisation de la biodiversité. Un encadrement par le droit est

donc primordial pour mener à bien cette protection de la biodiversité. Il intervient en

prolongement de l’économie pour assurer sa fonction première d’encadrement de tels

instruments économiques de protection de la biodiversité. Ainsi, l’apport du droit est de

prévenir les potentiels dérives de marché qui sous-tendent cette monétarisation. Toutefois, la

monétarisation de la biodiversité n’implique pas forcément une rupture avec le droit dans sa

manière de répondre aux questions environnementales. En effet, les mécanismes de

compensation permettent aux responsables d’une destruction de s’acquitter de leurs

obligations, selon les mécanismes de responsabilité de l’approche règlementaire. Pourtant, la

mise en œuvre de l’obligation légale de compensation77 par les acteurs économiques suscitent

la controverse (Section 1). Par ailleurs, la notion même de services écosystémiques amène à

s’interroger quant à la mise en œuvre des instruments économiques dans le cadre des activités

d’acteurs privés (Section 2). L’évaluation économique de la biodiversité amenant à sa

monétarisation justifie l’avènement d’instruments juridiques adaptés. Entre imbrications

imparfaites et imbrications pertinentes, quels exemples et quelles voies suivre ?

Section 1 : La mise en œuvre de l’obligation légale de compensation par les acteurs économiques

La loi Biodiversité vient enrichir le principe général de prévention des atteintes à

l’environnement en explicitant le triptyque « éviter, réduire, compenser » (ERC) tel que

défini par la loi du 2 février 199578. Cette séquence permet aux activités humaines de se

développer et de réaliser des ouvrages et travaux tout en respectant les exigences

environnementales. A condition de minimiser leurs impacts environnementaux, la

construction d’infrastructures publiques, de bâtiments privés ainsi que la planification urbaine

de l’espace sont rendues possibles. Cette obligation s’inscrit avant tout dans une logique

préventive intégrée. La loi Biodiversité s’attache particulièrement à l’obligation de

compensation ex ante79 en introduisant dans le Code de l’environnement un mécanisme de

                                                                                                               77 Voir en ce sens, LUCAS M., Etude juridique de la compensation écologique, Thèse Université de Strasbourg, 2012.  78 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. 79 La loi traite de la compensation ex ante, à savoir la compensation qui anticipe les mesures de réparation de l’environnement nécessaires suite à la réalisation d’un projet d’aménagement ou d’un programme. VAN LANG A., « La compensation des atteintes à la biodiversité : de l’utilité technique d’un dispositif éthiquement contestable », R.D.I., 2016 p. 586.

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compensation des atteintes prévisibles à la biodiversité et en précisant ses modalités pratiques.

Ethiquement contestable, le législateur reconnaît désormais la possibilité au maître d’ouvrage

de recourir aux unités de biodiversité en vue de compenser les impacts environnementaux des

projets (§1). Toutefois, les acteurs du territoire normand peuvent être pris pour exemple en

appliquant le triptyque de façon cohérente. Un renforcement du principe de prévention et un

encadrement de la compensation comme dérogation à ce principe s’avèrent indispensables

dans la protection de la biodiversité. Les mesures de prévention et de compensation prises sur

la Prairie de Caen lors des Jeux Equestres Mondiaux peuvent en témoigner (§2).

§1. Les unités de biodiversité, une tentative incomplète de mise en œuvre de

l’obligation de compensation écologique

La compensation s’impose comme « le moyen de ne rien perdre de l’environnement et

de la biodiversité », voire « d’améliorer la qualité environnementale des milieux »80. Vue

comme un « marché en construction »81 ou un « marché de destruction »82 ? Ce qui est sûr est

que la compensation fait couler de l’encre en ouvrant la création de « réserves d’actifs

naturels » dans le cadre de la compensation par l’offre.

Le développement récent des unités de compensation. Dans cette logique de

développement des activités, c’est de l’ouverture d’un nouveau marché dont il est question,

un marché dont la biodiversité en serait l’objet même. En 2003, l’OCDE faisait déjà référence

« aux mécanismes mis en œuvre dans le but de créer un système d’indemnisation pour les

projets qui influent négativement sur la biodiversité ».83 En 2007, un Livre vert relatif aux

instruments fondés sur le marché en faveur de l’environnement est venu s’interroger sur

l’éventualité de mettre en place un marché d’unités de biodiversité84. Il propose de recourir

aux règles du marché pour protéger la biodiversité à travers l’instauration de « titres

                                                                                                               80 R.122-14 II du Code de l’environnement. 81 THIEVENT P., Directeur de la CDC Biodiversité : envirojob.fr. 82 LANGLAIS A., « Le droit de la biodiversité à l’aune du développement durable ou l’ouverture à de nouvelles formes d’équité environnementale ? L’exemple controversé de la compensation écologique », in Agnès Michelot, Equité et environnement : Quel(s) modèle(s) de justice environnementale ?, édition Larcier, 1ère édition, juillet 2012. 83 OCDE, Mobiliser les marchés au service de la biodiversité : pour une politique de conservation et d’exploitation durable, 2003, p. 77. 84 Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l’environnement et des objectifs politiques connexes, COM(2007), 140 final, Bruxelles, le 28 mars 2007.

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environnementaux négociables »85. Dans cette logique qui veut rompre avec les paradigmes

préexistants et pour répondre à la nécessité d’améliorer la prise en compte des pertes de

biodiversité, s’est ainsi développée l’idée, à côté des instruments classiques, de mise en place

d’instruments fondés sur le marché. Reprenant l’exemple américain des « mitigation

banks »86, la CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, a créé sa

première « réserve d’actifs naturels » dans la plaine de la Crau en 201087. Suite à une fuite de

pétrole dans un oléoduc souterrain, la plaine de la Crau située en zone Natura 2000, a subi des

dommages environnementaux importants. Pour compenser ces impacts, l’idée de créer des

« réserves d’actifs naturels » a alors fait son apparition. La CDC Biodiversité a signé deux

premières conventions avec les responsables de l’atteinte à la biodiversité. Les responsables

s’engagent à payer la CDC Biodiversité afin de compenser les dommages irréversibles

survenus sur la plaine. En retour, elle s’engage à acheter les terrains, les restaurer puis

revendre des crédits de biodiversité à des maîtres d’ouvrage88.

La loi Biodiversité s’inscrit dans le prolongement de cette logique. Elle instaure une véritable

obligation de compensation pour le maître d’ouvrage, défini comme étant « l'auteur d'une

demande d'autorisation concernant un projet privé ou l'autorité publique qui prend l'initiative

d'un projet » en vertu de l’article L. 122-1-I 1°89 du Code de l’environnement. Cette

obligation concerne « la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou d'activités, ou

l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de

planification ». Pour ce faire, plusieurs possibilités s’offre à lui. Il peut en effet effectuer les

mesures de compensation lui-même, ou bien recourir à deux types de contrat. D’une part, il

peut confier la réalisation des mesures compensatoires à un « opérateur de compensation »

selon l’article L.163-1-III du Code de l’environnement. Il peut s’agir d’une personne publique

ou privée en charge de mettre en œuvre ces mesures et de les coordonner à long terme.

D’autre part, il peut conclure un contrat qui repose sur « l'acquisition d'unités de

compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation défini à l'article L. 163-3 du

code de l'environnement ». L’acquisition des unités de compensation dans un site naturel de

                                                                                                               85 L’idée est de créer un marché où « des entreprises spécialisées créent des zones humides et vendent ensuite des crédits « zones humides » aux « promoteurs » afin de « compenser les dégâts inévitables que les projets d’aménagement causent à la biodiversité ». Livre vert, op. cit. p. 15. 86 Créées dans le cadre du Celan Water Act de 1972 pour la protection des zones humides, ces banques de compensation réalise la restauration d’un habitat par exemple, de maraie, praieries permanentes, haies et revendent par la suite des unités de compensation aux entreprises qui dont l’activité détruit un habitat ailleurs. 87 La plaine de la Crau est la plus grande steppe sèche d’Europe. 88 INRA, Biodiversité agriculture et politiques publiques, Agriculture et biodiversité, ESCo, Chapitre 4, p.57 89 Article L. 122-1-I 1° du Code de l’environnement.  

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compensation doit exister préalablement au projet qui impacte l’environnement. Par ailleurs

les sites naturels de compensation doivent faire l’objet d’un agrément préalable par l’Etat.

Cette nouvelle possibilité vient consacrer juridiquement le marché des unités de biodiversité

et par la même occasion la vision économique et utilitariste de la Nature. L’idée de ce

mécanisme « est de faire de la biodiversité un véritable bien, objet de mécanismes d'échange

et de compensation », estime le Professeur Gilles Martin et donc de consacrer sa

marchandisation90. Les modalités sont fixées par décret en Conseil d’Etat91. Par ailleurs, le

recours au contrat a pour objectif de donner de la souplesse aux modalités de mise en œuvre

de l’obligation et ainsi renforcer l’efficacité du mécanisme. L’obligation de compensation est

une obligation de résultat, à la recherche de l’efficacité.

Outre le fait de restaurer un milieu qui en a besoin indépendamment de tout projet, ce

mécanisme présente également l’avantage pour le débiteur de l’obligation de s’acquitter plus

simplement de ses obligations par un échange financier. Le débiteur reste toutefois

responsable de la bonne exécution de l’obligation à l’égard de l’autorité administrative92. En

cela le dispositif est strict. Pour autant, en s’imposant comme le choix de la facilité pour

l’aménageur de projet, la compensation peut alors sous-tendre à affaiblir la quête de

solutions préventives. Cette compensation par l’offre, alternative ou complémentaire à la

compensation par la demande, est alors hautement critiquable. Ces critiques ont d’ailleurs été

formulées lors des débats parlementaires. La loi consacre implicitement un droit de détruire et

officialise par là même, la marchandisation de la biodiversité.93

L’utilité des modalités de mise en œuvre de la compensation à nuancer. Pour

être menée à bien et préserver la biodiversité, la compensation est soumise à une exigence

d’équivalence écologique, à travers des aspects qualitatifs et quantitatifs. Cette notion ne

relève pas, pour l’heure, de critères précis, ce qui est regrettable. Les mesures compensatoires

« doivent permettre le rétablissement de la qualité environnementale du milieu naturel

impacté, à un niveau au moins équivalent de l'état initial et si possible d'obtenir un gain net,

en particulier pour les milieux dégradés, compte tenu de leur sensibilité et des objectifs

généraux d'atteinte du bon état des milieux » selon les termes de l’ancien ministère de

                                                                                                               90 MARTIN G.-J, « Le marché d’unités de biodiversité, questions de mise en œuvre », R.J.E., Numéro spécial Biodiversité et évolution du droit de la protection de la nature, 2008, p.95 91 Décret n° 2017-265 du 28 février 2017 relatif à l'agrément des sites naturels de compensation, J.O.R.F. n°0052 du 2 mars 2017, texte n° 8. 92 Article L. 163-1-II 2° du Code de l’environnement. 93 LEVREL H., COUVET D., « Enjeux lies à la compensation écologique dans le projet de loi biodiversité », Point de vue d’experts, Fondation Ecologie politique, janvier 2016.

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l’Ecologie94. La loi vient confirmer, à travers l’article L. 163-1 du Code de l’environnement

que ces mesures viendront réparer « dans le respect de leur équivalence écologique, les

atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité ». Cet objectif « d’absence de perte nette »

voire de « gain de biodiversité » exprime explicitement une approche comptable de la

biodiversité95. Cette logique de maîtrise des atteintes reviendrait effectivement à équilibrer

des moins avec des plus. De plus, aucune référence n’est faite aux méthodes scientifiques qui

doivent être utilisées ou bien à l’évaluation financière. L’article L.110-1-II du Code de

l’environnement s’inscrit dans une démarche scientifique, pas uniquement quantitative en ce

qu’il précise que la compensation prend en compte « des espèces, des habitats naturels et des

fonctions écologiques affectées ». Le principe d’équivalence nécessite une étude scientifique

concrète du milieu affecté. Cette nouvelle logique de compensation écologique est difficile à

mettre en œuvre en pratique pour l’ensemble des éléments environnementaux. De plus, la loi

ne précise pas non plus la personne qualifiée pour la mener à bien. Le principe d’équivalence

écologique semble donc difficile à respecter en pratique.

Par ailleurs, ce principe a pour but de protéger la biodiversité à travers le respect de

conditions spatiales. Le principe de proximité, quant à lui, exige que le site faisant l’objet de

la compensation se trouve au plus près du site détruit. En effet, dans l’article L. 163-1-II 4° il

est prévu que « les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site

endommagé ou, en tout état de cause, à proximité de celui-ci afin de garantir ses

fonctionnalités de manière pérenne ». La compensation trouve sa justification en étant

réservée uniquement aux atteintes assurément inévitables. Dans ce cas, la compensation pour

être effective doit être locale, se faire dans un espace circonscrit, un territoire. Autrement dit,

le compensé doit avoir un lien avec le compensant. La localisation géographique de la

compensation devrait être encadrée juridiquement. Or, cette localisation est remise en cause

par les unités de biodiversité. Pour cela, les connaissances scientifiques sur le fonctionnement

des écosystèmes sont indispensables. Dans les faits les compensations n’ont pas forcément

lieu dans les mêmes régions que le projet, puisque les unités de biodiversité sont

indépendantes aux projets. Cela pose problème pour respecter ce principe de proximité.

Parallèlement, les mesures nécessitent également d’être prises en compte dans un temps long,

indispensable pour la protection de la biodiversité et non pas uniquement pour le temps limité

du projet. Si les aménagements sont définitifs, les mesures doivent l’être aussi. les mesures

                                                                                                               94 Dans sa doctrine publiée le 6 mars 2012. 95 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée, Le droit nouveau : la course à l’armement » (1re Partie), AJDA 2016, p.2381  

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« devraient invariablement dépendre du projet envisagé par le maître d’ouvrage » affirme

Madame Marthe Lucas96. Or, avec la mise en œuvre d’unités de biodiversité, la pérennité de

l’affectation du terrain n’est pas garantie. Le fait de restaurer ou bien de créer des

écosystèmes dans le but de les échanger pour compenser les pertes de fonctionnalités en

matière d’aménagement relève véritablement de l’ingénierie écologique.

Une compensation finalement illusoire en principe et en pratique. La compensation

ex ante suscite de fortes réticences chez les spécialistes du droit de l’environnement. En effet,

la critique mise en évidence tient au fait qu’il n’est pas possible de reconstituer à l’identique

un écosystème qui a été détruit. Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrene soutient que l’idée

que « compenser par anticipation, c’est nier le fonctionnement des écosystèmes et la

spécificité de chaque écosystème. Compenser n’a pas comme effet de revenir à l’équilibre

antérieur puisqu’il existe encore, c’est organiser une destruction future et certaine et en

prévoir des contreparties » 97. La biodiversité et les écosystèmes ne font pas parties des

choses qui peuvent se remplacer, c’est pourquoi « la neutralité écologique n’existe pas, une

destruction et une création ne peuvent s’annuler ».98 Toujours selon ses termes, affirmer que

« les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d’absence de

perte nette, voire de gain de biodiversité » est une « contre-vérité, un contresens juridique et

écologique ».99 Admettre la possibilité de mettre en œuvre un marché d’unités de biodiversité

en attribuant un propriétaire à des éléments naturels, revient à admettre que la biodiversité

serait un bien approprié. Cette affirmation va à l’encontre même du statut de la biodiversité

res communis en ce qu’elle n’est ni inappropriée ni inappropriable100. Malgré cette illusion

découlant de l’idée de la compensation écologique, l’objectif d’absence de perte nette, voire

d’un gain de biodiversité a été pourtant défendu par l’ancienne députée écologiste Laurence

Abeille. Cette logique permettrait d’encadrer de manière plus stricte le principe de

compensation et de donner de la crédibilité à la mesure. La formulation relèverait même

d’une logique de « surcompensation » car selon ses dires, « en visant cet objectif, on est au

moins sûr que nous n’allons pas aboutir à une perte de biodiversité ». Cette crainte qui                                                                                                                96 LUCAS M., « La compensation environnementale, un mécanisme inefficace à améliorer », R.J.E., Volume 34, numéro 1, 2009. P.67. 97 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., « Le marché d’unités de biodiversité : questions de principe », R.J.E., Volume 33, numéro 1, numéro spécial 2008, p. 87. 98 Ibid. 99 Ibid. 100 En vertu de l’art. 714 du Code civil, « Les choses communes n’appartiennent à personne mais leur usage est commun à tous », Voir en ce sens M.-P. CAMPROUX-DUFRFRENE, « Une protection de la biodiversité via le statut de res communis », Revue Lamy Droit civil, « Perspectives », janvier 2009, pp. 68-74.

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s’apparente à un droit à détruire ou un droit à polluer est justifiée par sa contrepartie

financière. En payant pour protéger une espèce cela laisse le droit d’en dégrader un autre. Le

Professeur Jean Untermaier va même jusqu’à considérer que « compenser, c’est détruire en

faisant semblant de protéger ».

En consacrant l’obligation de compensation à travers le recours aux unités de biodiversité, le

législateur vient véritablement déformer la réalité. Autrement dit, il reconnaît la possibilité de

compenser l’incompensable et ce, supposé au nom de la protection de la biodiversité. Prévoir

une destruction future semble contradictoire avec l’objectif d’enrayer justement cette

perte de biodiversité. Sous couvert d’être un levier, cette nouvelle consécration législative

nous laisse hautement sceptique. La compensation écologique à travers les unités de

biodiversité, en attribuant une valeur économique à cette dernière, est un premier pas pour la

« sédimentation des consciences »101 selon l’expression de Madame Emilie Gaillard. En

appliquant une logique binaire et simplifiante pour la préservation d’un écosystème (par

nature complexe), le législateur ouvre la voie à des logiques inadaptées et par nature

incapables de réaliser la compensation écologique.

La reconnaissance d’unités de biodiversité pour mettre en œuvre l’obligation de

compensation est donc critiquable. Ces mesures mériteraient d’être mieux encadrées

juridiquement. La compensation ne doit pas s’imposer aux aménageurs et aux constructeurs

comme le droit commun. Pour protéger la biodiversité, il est primordial d’éviter et de

réduire avant tout les atteintes. Un cas concret en territoire normand de mise en œuvre de

mesures compensatoires en respectant rigoureusement la séquence ERC peut montrer la voie

à suivre pour préserver la biodiversité en dehors de la logique de marché instaurée par les

unités de biodiversité.

§2. Les Jeux Equestres Mondiaux sur la Prairie de Caen, une compensation

écologiquement acceptable pour la biodiversité

La compensation ne doit pas s’apparenter à un droit à détruire. Comme le souligne

justement A. Van Lang, la compensation curative « doit rester subsidiaire par rapport aux

mesures préventives » que sont « l’évitement et la réduction des impacts »102 d’où le rôle

                                                                                                               101 GAILLARD E. “La force normative du paradigme juridique”, in La force normative, Naissance d’un concept, THIEBERGE C. et alii, éd. LGDJ, Bruylant, 2009, p.171.  102 A. VAN LANG, Le projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes à l’épreuve de la compensation écologique – et inversement, Droit Administratif, novembre 2013.

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fondamental de l’étude d’impact en amont des projets. La loi Biodiversité renvoie

effectivement au régime de l’étude d’impact des projets d’aménagement qui avait été introduit

dans la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. L’objectif de l’étude

d’impact est de constater les mesures qui ont été envisagées par le maître d’ouvrage afin

d’ « éviter, réduire et, si possible, compenser les incidences négatives notables probables sur

l’environnement ».103 Le législateur a repris cette séquence pour la faire figurer parmi les

principes généraux du droit de l’environnement, l’objectif étant d’introduire « la valeur

écologique qui doit servir de référence lors des procédures mises en œuvre »104. En vertu de

l’article L. 110-1-11 2°, « ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux

services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser

les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats

naturels et des fonctions écologiques affectées ; ce principe doit viser un objectif d'absence de

perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité », l’ordre étant essentiel.

Par ailleurs, il est à noter que le champ des mesures de compensation est très large en faisant

référence « aux fonctions écologiques » donc au bon fonctionnement des écosystèmes. C’est

cette approche globale qui est mise en avant par la loi. La séquence « ERC » s’est appliquée à

travers la définition de mesures d’évitement, de remise en état des prairies et enfin de mesures

compensatoires et de suivi.

La mise en œuvre de la séquence ERC en territoire normand. En 2014, la ville

de Caen a accueilli les Jeux équestres mondiaux sur la Prairie105, zone humide sensible de 90

hectares au cœur de la trame verte et bleue (TVB) du territoire de la communauté urbaine. Le

site pressenti devait concilier le nombre important de public et d’épreuves avec la

préservation de la biodiversité. « L’idée était véritablement de faire en sorte que la

biodiversité ne soit pas perçue comme une contrainte ou un obstacle mais bien en tenir

compte et s’adapter » affirme Monsieur Joyau, adjoint en charge de l’environnement, du

développement durable et de l’énergie de la Ville de Caen106. La biodiversité est un

                                                                                                               103 Article L. 122-3-II 2e, issu de l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 aout 2016. 104 Selon l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la biodiversité, n°1847 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mars 2014.  105 La Prairie est « un espace aux usages multiples : espace agricole, hippodrome, espace sportif, espace de production d’eau potable, d’accueil d’évènements… » Extrait du dossier fourni par la collectivité, DUVERGE J., De la protection au développement de la Biodiversité de la Prairie de Caen : l’effet levier des Jeux Equestres Mondiaux.http://www.capitale-biodiversite.fr/experiences/de-la-protection-au-developpement-de-la-biodiversite-de-la-prairie-de-caen-leffet-levier 106 Entretien physique avec M. JOYAU, Adjoint en charge de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie, à la Mairie de Caen le 9 mai 2017.

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patrimoine à valoriser et à maintenir, c’est pourquoi la ville a su s’adapter en conséquence. La

première phase de mise en œuvre du projet, pour la période 2009-2012 a été la réalisation

d’un plan de gestion pour le faire évoluer. Ce plan a permis de réaliser un diagnostic et cibler

des objectifs sous forme de 47 actions pour protéger et développer la biodiversité du site. S’en

suivit une étude de faisabilité en 2010 demandée par le partenaire financier GIP JEM107. A

partir de 2012, la phase règlementaire a été une étape très importante en vue des

aménagements écologiques. En effet, une étude d’impact et une enquête publique ont été

réalisées. Les études environnementales réalisées en amont sont fondamentales en vue de

protéger la biodiversité dans la mesure où 87% de la surface utilisée se situait en zone

sensible. Elles ont abouti à un arrêté préfectoral en date du 3 avril 2013 autorisant

l’installation d’aménagements temporaires de zones d’obstacles sur le site. La séquence

« ERC » s’est appliquée à travers la définition de mesures d’évitement, de remise en état des

prairies et enfin de mesures compensatoires et de suivi. Ces mesures étaient en cohérence

avec les connaissances écologiques du site et le plan de gestion établi au préalable. Sous

l’impulsion du conseil municipal du 19 octobre 2009 prônant l’éco-exemplarité pour ces Jeux

équestres mondiaux, a été créé un Observatoire de la Prairie. Cette instance de concertation

avait pour objectif de réunir de nombreux partenaires institutionnels108 et associatifs109 afin de

« s’assurer de la réversibilité des aménagements prévus »110. Cette concertation s’est avérée

être un outil très fort et efficace, au delà de ce que l’on peut inscrire pour préserver et

reconquérir la biodiversité. En effet, des concertations avec les associations de protection de

la nature ont abouti sur des propositions d’aménagement des zones d’obstacles qui ont été

modifiées pour tenir compte de la biodiversité et éviter ainsi les zones aux enjeux les plus

forts. Des mesures en faveur de la biodiversité ont été mises en œuvre sur la période 2014-

2016. A titre d’exemple, « les roselières, mégaphorbiaies, cariçaies, prairies hydrophiles et

sa faune » ont été préservées grâce aux « mesures de mise en défense d’espèces et de

                                                                                                               107 Groupement d’intérêt public des jeux olympiques mondiaux de Normandie 2014. 108 Services de l’Etat : DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Normandie), DDTM14 (Direction Départementale des Territoires et de la Mer), Université de Caen, Conseil Départemental du Calvados, Région Basse-Normandie. 109 Associations naturalistes partenaires de la ville : CBN (Carrières et Ballastières de Normandie), GONm (Groupe Ornithologique Normand), GMN (Groupe Mammologique Normand), GRETIA (Groupe d’Etude des Invertébrés Armoricains), BRAINE de Basse-Normandie, CREPAN (Comité Régional d’Etude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie), GRAPE (Groupement Régional des Association de Protection de l’Environnement de Normandie), CPIE (Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement de Normandie). 110 Explique DUVERGE J. de la Direction des Espaces Verts, du Paysage et de la Biodiversité de Caen dans le compte rendu d’évaluation de terrain du 24 juin 2016.

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complexes d’habitats de zone humide ».111 Par ailleurs, malgré la mise en œuvre de mesures

d’évitement et réduction des atteintes, les prairies ont été impactées par les aménagements. La

première étape était donc de protéger les zones les plus sensibles et la seconde de compenser.

En parallèle, les prairies ont été remises en état. Les mesures compensatoires qui ont été

effectuées étaient les suivantes : la réhabilitation d’îlots de la mare pour accueillir des

populations d’oiseaux, le reprofilage de 80 mètres de berges d’étang et de fossés en pente

douce afin que la faune et la flore puisse venir proliférer et le rajeunissement de prairie

humide112.

Des résultats en l’espèce favorables à la biodiversité. Les mesures de suivi à long

terme sur certains sites ont par ailleurs été impulsées par la Ville de Caen sur la période 2015-

2019. Les associations de protection de l’environnement assurent le suivi des aires reprofilées

ainsi que des zones de reproduction ornithologiques. L’objectif est d’évaluer les effets dans le

temps de ces mesures. Après les jeux, le protocole de recolonisation des prairies humides

s’inscrit dans une durée de cinq ans. La surveillance de la Prairie est particulièrement

intéressante dans la mesure où elle permet d’évaluer l’efficacité des mesures

compensatoires. En outre, il est à remarquer que les mesures prises pour préserver la Prairie

ont abouti à renforcer la connaissance de la biodiversité présente sur celle-ci. Cet apport n’est

pas anodin. En effet, à ce jour le plan de gestion, qui a permis de préserver la biodiversité de

la prairie, a recensé 165 oiseaux, 247 espèces d’insectes, 19 mammifères ainsi

qu’approximativement 35 grands groupes d’habitats et 341 espèces végétales. Par ailleurs,

concernant les résultats du suivi de la reconquête de la biodiversité, le reprofilage des berges

de la mare a permis le développement de nouvelles espèces animales113 et végétales114. Ces

dernières sont venues coloniser les lieux. Egalement, l’îlot de reproduction ornithologique a

permis d’observer le passage d’espèces inscrites sur la liste rouge de nicheurs de la région

« en danger critique » et « vulnérable »115. Enfin, le rajeunissement de la prairie humide a

permis d’améliorer le caractère ouvert et hygrophile. Un cercle vertueux s’est mis en place,

nourrissant une meilleure connaissance de la biodiversité présente sur la Prairie.

                                                                                                               111 Ibid. 112 Article 4 alinéa 3 de l’arrêté préfectoral autorisant la réalisant la réalisation d’aménagements relatifs aux épreuves d’attelage organisées à Caen dans le cadre des jeux équestres mondiaux – Normandie 2014, signé par le Préfet Michel LALANDE le 3 avril 2013. 113 Dont le Bécasseau variable, le Chevalier gabette, le Petit grevalot, le Bécasseau maubèche etc. 114 Dont la Renoncule scélérate et le Rorippe. 115 Liste rouge établie par le Groupe Ornithologique Normand (GONm). http://www.gonm.org/public/Telechargements/Protection/Liste-Rouge_NORMANDIE.pdf    

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La durée des mesures et le suivi sont particulièrement intéressants en l’espèce. Au-delà de

cette limite temporelle, il serait en ce sens intéressant de s’assurer qu’un nouveau projet

d’aménagement ou de nouveaux jeux équestres d’une telle envergure n’aient pas lieu à

nouveau sur la Prairie afin de ne pas la dégrader une nouvelle fois. Rien ne l’interdit

juridiquement à l’heure actuelle.

Les aménagements temporaires mis en œuvre pour recevoir les Jeux équestres mondiaux,

malgré les nombreux enjeux économiques inhérents à l’événement, sont un modèle

d’exemplarité en matière de protection et de développement de la Prairie de Caen. La

surveillance et la gestion des mesures compensatoires s’avèrent indispensables pour assurer

une protection effective de la biodiversité, tout comme la création d’un réseau de partenaires

pour faire avancer la connaissance.

Pour être efficaces, il est primordial que les mesures compensatoires s’ancrent dans le

temps et dans l’espace. Au delà de la séquence ERC, il serait maintenant intéressant que le

législateur aille en prévoyant un caractère définitif de la compensation. Dans la mesure où

un projet dégrade de manière définitive la biodiversité, le caractère définitif de la

compensation devrait également être assuré116. Dans tous les cas, qu’il s’agisse de la

compensation par l’offre ou de la compensation par la demande, celle-ci est un sujet non

consensuel dans la mesure où elle impacte directement la biodiversité. Parallèlement à cette

approche attribuant une valeur monétaire à la biodiversité, une autre approche se développe.

Celle par les services écosystémiques : elle revient aussi à monétariser les services rendus par

la nature. Cette controverse est tout aussi présente dans le fait de rémunérer les acteurs du

territoire pour des services environnementaux. C’est pourquoi le droit se doit d’intervenir

pour encadrer les instruments économiques émergents.

Section 2 : La mise en œuvre juridique d’instruments économiques par les acteurs du territoire Les services rendus par les écosystèmes se trouvent désormais monnayés par les

Hommes. L’Homme se positionne à la fois comme utilisateur et contributeur de ces services.

Le verdissement de la Politique Agricole Commune (PAC), en tant qu’instrument de maîtrise

des pratiques agricoles tente de valoriser les actions des agriculteurs en faveur de la protection

                                                                                                               116 LUCAS M., « La compensation environnementale, un mécanisme inefficace à améliorer », R.J.E. Volume 34, n°1, 2009. pp. 59-68.

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de la biodiversité et des services écosystémiques (§1). Toutefois, face aux limites du dispositif

de la PAC, d’autres instruments sont recherchés dans le but de favoriser et de pérenniser ces

pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité. C’est ainsi que les paiements pour

services environnementaux peuvent s’avérer être un levier, bien que présentant lui-aussi des

limites (§2).

§1. Le verdissement de la politique agricole commune : un instrument de maîtrise

des pratiques agricoles

« L’empoisonnement et la stérilisation de la vie sauvage »117 constituent l’un des

phénomènes importants d’érosion de la biodiversité, favorisé par les divers intrants agricoles

et autres produits toxiques utilisés par diverses activités industrielles. C’est en cela que

l’agriculture a longtemps été accusée d’être à l’origine de ce phénomène de perte de

biodiversité. Pourtant, la biodiversité est l’essence même de l’agriculture. Le recours à la

notion de service peut amener les politiques publiques à soutenir des pratiques agricoles

favorables à la biodiversité. Payer les agriculteurs pour des services environnementaux ?118 La

notion de service écosystémique permet de légitimer les aides publiques existantes. Depuis les

premiers règlements d’application des mesures agro-environnementales, les paiements pour

services environnementaux ont pour objectif de « satisfaire à la demande croissante de la

société en matière de services écologiques »119. Toutefois, si depuis 1992 la liste des bonnes

pratiques agricoles autorisant l’attribution des subventions s’est développée, les services

n’apparaissent que de manière implicite. Il ne s’agit pas de « contrats de services »120 comme

le rappelle Isabelle Doussan. L’agriculteur s’engage à adapter certaines pratiques favorables

implicitement au maintien ou restauration de fonctions ou services écologiques mais de

manière implicite car ils ne font l’objet du contrat.

Une politique au soutien de la protection de l’environnement. A l’origine, l’objectif

de la politique agricole commune, créée en 1957 et mise en place en 1962, était de soutenir la

production des denrées. En cela, les soutiens publics de la PAC ont longtemps été indifférents

à la protection de la biodiversité, favorisant la « modernisation » des exploitations, dont le                                                                                                                117 UNTERMAIER J., « Biodiversité et droit de la biodiversité », in S.F.D.E., numéro spécial, Biodiversité et évolution du droit de la protection de la nature, volume 33, numéro 1, p.21. 118 DOUSSAN I., « L’institutionnalisation de l’approche par les services écosystémiques », in Valeurs de la biodiversité et services écosystémiques, Quae, Versaille, France, 2016, p. 205 119 Ibid, p.204. 120 Ibid.

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recours intensif aux intrants sur les grandes cultures qui a, certes, permis un rendement

important, se sont avéré désastreux écologiquement. En outre, la libéralisation des marchés

agricoles implique une réorientation des soutiens publics. Désormais la PAC introduit les

préoccupations environnementales dans ses deux piliers121. Le verdissement de la PAC est

synonyme d’évolution de la politique de développement durable. Cela est réaffirmé avec la

Nouvelle PAC 2014-2020122, dont l’idée est de renforcer le caractère écologique et équitable

des aides. Le modèle de production agricole conventionnelle, ayant un impact négatif sur

l’environnement, atteint désormais ses limites. C’est en cela que de nombreux agriculteurs

normands, ayant compris les enjeux environnementaux, sont de plus en plus à s’intéresser à

des pratiques agro-environnementales plus respectueuses de la biodiversité. Une modification

des rapports entre l’agriculture et les équilibres biologiques est à l’œuvre. En effet, nombreux

sont les agriculteurs123 qui ont conscience de l’opportunité de ces équilibres biologiques qui

ne sont finalement pas que des contraintes pour la production agricole, bien au contraire. Ce

changement de paradigme est alimenté par l’approche par les services écosystémiques, ayant

contribué à renforcer le bien-fondé de la protection de la biodiversité. La prise de conscience

des agriculteurs quant à la nécessité de préserver les fonctions des écosystèmes est perceptible

en terme de besoins, économiques, physiologiques etc. L’agriculteur, à la fois producteur de

services écosystémiques et protecteur/conservateur des fonctions naturelles qui sous-tendent

son activité agricole, est donc directement concerné par l’approche fonctionnelle de la

biodiversité. Les structures paysagères sont à la fois favorables à la biodiversité mais aussi à

l’agriculteur. L’agriculture dépend directement de l’approche fonctionnelle de la biodiversité.

Les entretiens réalisés sur le terrain avec des agriculteurs normands confirment ce

changement d’état d’esprit.

Le droit a également un rôle à jouer dans ces changements. En effet, les récentes évolutions

juridiques en faveur de la biodiversité interviennent désormais au soutien des pratiques des

agriculteurs contribuant à la « production » 124 de biodiversité à travers la création et

                                                                                                               121 Le Pilier 1, 73/2009 initialement prévu pour le soutien au marché est le pilier le plus fort et le plus important. Il représente environs 80% des dépenses de la PAC. Ce pilier comporte les mesures de soutien aux marchés ainsi qu’aux revenus agricoles. Quatre types d’aides directes sont disponibles à conditions : le paiement jeunes agriculteurs, le paiement redistributif, le paiement de base et le paiement « vert » qui nous intéresse en l’espèce. Le Pilier 2, 74/2009 est dédié au développement rural, l’objectif étant d’assurer le dynamisme socio-économique des territoires ruraux. Les frontières entre ces deux piliers tendent à s’estomper. 122 Projet de réforme de la PAC présenté par la Commission européenne le 18 novembre 2010 et intitulé la PAC à l’horizon 2020 : Alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l’avenir. 123 Rencontres Groupe Agriculture du sol vivant du Calvados, le 13 juin à Epinay sur Odon (Longaunay).  124 DOUSSAN I. « La biodiversité : une valeur (enfin) reconnue par le droit agricole », R.J.E., Numéro spécial, Biodiversité et évolution du droit de la protection de la nature, 2008, p.110.

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l’entretien de haies particulièrement présentes dans le bocage normand, couverts végétaux,

bandes enherbées, prairies… ainsi que les pratiques de protection de l’environnement à

travers par exemple la préservation des cours d’eau des intrants… Ces pratiques mises en

œuvre par les agriculteurs sont assimilées à des services écologiques d’intérêt général. Cela

peut justifier trois types de versements directs ou indirects. Soit un paiement direct de

l’exploitant pour service environnemental soit une diminution des charges soit enfin une

valorisation de l’exploitation en agriculture biologique sont possibles. Nous mettrons ici

l’accent en particulier sur l’aide publique aux services environnementaux.

La traduction juridique de la nouvelle PAC confirme sa coloration environnementale.

Effectivement, le règlement 1303/2013 confirme la logique environnementale ainsi que la

place de « paiements agri-environnementaux », désormais « paiements agri-

environnementaux et climatiques »125 . Au considérant 47 du premier pilier est précisé

l’objectif « d’amélioration des performances environnementales par une composante

écologique », obligation des paiements directs. Il s’agit là d’une logique de résultat. Les

pratiques obligatoires se font sous forme d’actions simples généralisées non contractuelles et

annuelles allant au delà de la conditionnalité. Les pratiques obligatoires sont les suivantes : la

diversification des cultures, le maintien des prairies permanentes et disposer d’une surface

d’intérêt écologique sur la surface agricole126. Des pratiques équivalentes existent également,

ayant des réalités pratiques similaires avec des effets bénéfiques pour le climat et

l’environnement équivalents ou supérieurs127. Ces paiements ont des effets positifs sur la

biodiversité, notamment la reconstitution des haies, garantes de la lutte contre l’érosion de la

biodiversité128.

Une politique limitée à un budget. La PAC est un budget, dont la répartition se base

sur un certain nombre de textes juridiques. La logique de prise en compte des dispositions

juridiques environnementales justifie les aides accordées aux exploitants agricoles. S’ils ne

respectent pas les dispositions juridiques cela entraine une sanction financière avec la non

attribution des aides. Il pourrait être reproché à ce mécanisme de la conditionnalité des aides

                                                                                                               125 Aussi appelés paiements verts 126 Règlement 1307/2013/UE du PE et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la PAC, Chapitre 3, Paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement, Article 43. 127 Ibidem, ANNEXE IX Liste des pratiques équivalentes visées à l'article 43, paragraphe 3. 128 BALNY P. et al., La rémunération des services environnementaux rendus par l’agriculture, op. cit., p83.

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agricoles 129 de subordonner le versement des aides au respect des « exigences

règlementaires » et des « bonnes conditions agricoles et environnementales »130. En cas de

non respect de la réglementation ou un non respect des « bonnes conditions », un agriculteur

verra le montant de ses aides réduit ou annulé. Ce mécanisme de conditionnalité a pour mérite

de renforcer l’effectivité de la réglementation environnementale131. Par ailleurs, concernant

les bonnes pratiques agricoles et environnementales, n’étant pas prévues par les textes

règlementaires, le mécanisme de conditionnalité leur confère un statut d’obligations

contractuelles, comme par exemple les obligations de polyculture, les rotations, la charge en

bétail par hectare, voire les couverts végétaux...

Un autre problème est soulevé par les agriculteurs eux-mêmes : une réglementation inadaptée

voire contreproductive dans la lutte pour la préservation de la biodiversité. En effet, lors de

rencontres avec des agriculteurs normands, ceux-ci ont souligné notamment l'inefficacité des

règlements encadrant les dates de semis sur les surfaces mellifères132 ou messicoles133 d'une

part, et les dates d'épandage d'autre part. Dans le premier cas, le calendrier prévoit une date

butoir trop tôt par rapport aux besoins des insectes pollinisateurs. Dans le second cas, la

période d'épandage est jugée trop courte, provoquant un chargement des sols trop important

sur une même période. Conscients des perturbations environnementales que le respect de ces

calendriers peut provoquer, certains agriculteurs motivés avouent même se mettre "hors la

loi" en ne les respectant pas, simplement pour protéger la biodiversité essentielle à leurs yeux.

Certains ont même confié pouvoir compter sur la complicité des agents de l'Etat censés faire

respecter la réglementation, eux-mêmes sensibilisés à ces incohérences qui ne tiennent pas

compte des réalités de terrain.

Toutefois, la conditionnalité des aides a pour avantage d’avoir été introduite dans la politique

de marché du premier pilier de la PAC et les préoccupations écologiques, un premier pilier

qui bénéficie en outre de la part la plus importante du budget et qui concerne les grandes

cultures.

                                                                                                               129 DOUSSAN I., « La conditionnalité des aides agricoles : continuité ou innovation ? », Conservation de la biodiversité et politique agricole commune de l’UE, DOUSSAN I., DUBOIS J. (dir.) La documentation française, 2007, P. 179. 130 DOUSSAN I. « La biodiversité : une valeur (enfin) reconnue par le droit agricole », op. cit. 131 A. Van Lang, « L’usage agricole de l’eau : entre incitation et répression », Environnement n° 7, 2005, p58. 132 Les plantes mellifères sont des plantes qui sécrètent un nectar recherché par certains Apidés, c’est-à-dire certains insectes dont les abeilles. Par exemple les abeilles récoltent le miel, substance sucrée, sur des fleurs mellifères. 133 Les plantes messicoles sont des plantes qui poussent annuellement dans les champs de céréales.    

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35  

Cette conditionnalité pour espérer recevoir le soutien public revient à reconnaître les bonnes

pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et en cela le rôle premier de

l’agriculteur.

La dimension environnementale, pourtant inexistante à l’origine de la PAC, s’est ainsi

renforcée ces dernières années, notamment à travers les nombreuses réformes et le

verdissement récent des textes. Cette intégration reste toutefois complexe. Par ailleurs, les

débats actuellement en cours et la baisse du budget de la PAC semblent critiques pour les

agriculteurs. En effet, les enquêtés du territoire normand nous ont fait part de leurs

inquiétudes. Effectivement conscients de la richesse que la biodiversité leur procure, dans la

mesure où celle-ci est à la base de leur exploitation, les agriculteurs s’essaiyent à de nouvelles

pratiques, agriculture biologique, agroécologie, couverts CIPAN 134 , bandes enherbées,

jachères… toutes favorables à la biodiversité. Les contraintes règlementaires qui en découlent

sont finalement des opportunités pour les agriculteurs. Toutefois, les aides accordées à ces

bonnes pratiques ne sont pourtant pas à la hauteur des efforts engagés dans ces pratiques

respectueuses de la biodiversité. Pire encore, malgré leurs engagements, il s’avère que les

aides de la PAC qui leur étaient promises, pour ceux qui ont contracté dans le cadre des MAE,

accusent un retard de deux ans. Malgré la bonne volonté des agriculteurs, ceux-ci ont besoin

de ces aides pour vivre de leurs exploitations.

Une valeur financière est donc attribuée aux services environnementaux que fournit

l’agriculteur, mais force est de constater la diminution actuelle du budget alloué par la PAC.

De plus, celles-ci ne s’avèrent pas assez incitatives pour modifier les pratiques de façon

durable. Les agriculteurs les plus réticents peuvent aller jusqu'à anticiper une réglementation

qu'ils estiment contraignante en la contournant d'une manière néfaste pour la biodiversité. Des

témoignages ont ainsi été recueillis attestant que des agriculteurs avaient arraché des haies

avant que ne soit entériné un projet de loi qui prévoyait de les sanctuariser135. En supprimant

ce que le texte entendait protéger, ils s'épargneraient ainsi de futures contraintes. Les

paiements sont basés sur la compensation des surcoûts et non la rémunération du service.

C’est pourquoi, d’autres instruments sont alors recherchés pour favoriser et pérenniser ces

pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité. Ces solutions sont cherchées du côté des

paiements pour services environnementaux. Il est tout à fait possible d’envisager que ces

                                                                                                               134 Culture intermédiaire piège à nitrates. 135 Témoignages recueillis lors d’un temps de rencontre organisé avec la Chambre d’Agriculture de Basse-Normandie pour discuter autour de la problématique de la biodiversité le 15 mai 2017.

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derniers puissent intervenir en complément de la PAC. Dans ce cas, le glissement opéré du

paiement agri-environnemental au paiement pour services écosystémiques marque le passage

d’une logique de soutien public à une logique de rémunération des pratiques agricoles136.

§2. Les paiements pour services environnementaux : une tentative maladroite de

protection de la biodiversité

Une glissement notable des «services écosystémiques» vers les «services

environnementaux». La monétarisation directe des services rendus par les écosystèmes

s’illustre à travers la mise en place de paiements pour services environnementaux dans une

recherche d’efficacité dans les écosystèmes. Les paiements pour services environnementaux

se développent pour réduire la perte de ces services ou bien en améliorer leur production. Il

importe de clairement distinguer la notion de services écosystémiques de celles de services

environnementaux. Les services écosystémiques sont, par définition, les services rendus par

les écosystèmes pour le bien-être humain tandis que les services environnementaux se

définissent comme étant les services que les hommes se rendent entre eux. Ils amènent à

maintenir ou améliorer un ou plusieurs services écosystémiques. Les paiement pour services

environnementaux (PSE) constituent une réponse séduisante à la perte irréversible de

biodiversité en attribuant un paiements aux acteurs qui préservent ces services

écosystémiques137. Cette démarche est purement incitative et individuelle. Dans ce sens, le

service écosystémique s’apparente à un actif environnemental138. Les paiements pour services

environnementaux dépendent des pratiques et donc du travail humain au service de

l’environnement139. L’idée est de valoriser l’activité humaine dans la production de service.

Par voie de conséquence, ces services environnementaux pourraient constituer des actions

humaines au service de l’intérêt collectif, dans leur conception morale. A travers les PSE,

l’agriculture est plutôt perçue comme un écosystème avant d’être un mode de production. La

logique complexe est diffusée au cœur d’une activité économique en lien direct avec la

                                                                                                               136 ÉTRILLARD C., « Contrats et écosystèmes agricoles. Des mesures agroenvironnementales aux paiements pour services environnementaux”, Droit de l’environnement, n°237, septembre 2015, p.299. 137 Les cahiers de BIODIV’2050, Comprendre, Les paiements pour préservation des services écosystémiques, Mission économie de la biodiversité, BIODIV’2050, numéro 11, 32p. 138 LANGLAIS A., « A la recherche d’une définition juridique des paiements pour services environnementaux, in L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017. 139 LANGLAIS A., « Libres propos conclusifs sur la dette écologique », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 26, septembre 2016, mis en ligne le 09 septembre 2016, consulté le 10 juin 2017.

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37  

biodiversité. L’agriculture est une gestion des terres et un moyen d’offrir des services.

Toutefois, les paiements pour services environnementaux pour une agriculture durable

suscitent la controverse140. La problématique de l’agriculture est en lien avec la notion de

multifonctionnalités. Dans le domaine de l’agriculture, les paiements pour services

environnementaux relèvent à la fois des fonctions agricoles favorables à la protection de

l’environnement et des fonctions de production alimentaire. La logique est donc celle des

résultats économiques et écologiques. Par ailleurs, l’objet même du contrat et la rémunération

subséquente amènent à s’interroger quant au bien fondé de la mesure. Cette notion de

paiements pour services environnementaux, utilisée par les économistes, apparaît dans les

textes juridiques depuis les lois Grenelles.

Une mise en œuvre de nouveaux instruments de marché ? L’économiste Sven

Wunder définit les paiements pour services environnementaux comme étant « une transaction

volontaire dans laquelle, un service environnemental bien défini est « acheté » par un

acheteur de service environnemental à un fournisseur de service environnemental si et

seulement si le fournisseur de service environnemental sécurise la fourniture de ce service

environnemental »141. Ce recours au paiement pour service environnementaux s’inscrit dans

une logique de comptabilisation monétaire des éléments naturels. Toujours selon les

économistes, « ces transactions volontaires et conditionnelles, entre un bénéficiaire,

(reposent) sur des services environnementaux biens définis » 142. Il s’agit là d’un « transfert

de ressources entre les acteurs sociaux visant à créer des incitations pour articuler les

décisions individuelles et/ou collectives en matière d’utilisation des terres avec l’intérêt

social de gestion durable des ressources naturelles et de la conservation de la

biodiversité. »143 Encore une fois, la protection de la biodiversité se base sur un référentiel

monétaire en lui attribuant une valeur économique. Aucun consensus juridique n’existe

actuellement pour définir ces PSE.

Le concept de PSE se diffuserait en tant qu’instrument de marché de prime abord. L’OCDE

va d’ailleurs dans ce sens en affirmant que ce paiement est « un accord volontaire

                                                                                                               140 Ibid. 141 WUNDER S., Payments for Environmental Services : Somes Nuts and Bolts, CfifR. CIFOR. Occasionnal paper, numéro 42, p.26.  142 S. WUNDER, S. ENGEL, S. PAGIOLA, 2008, “Taking Stock: A Comparative Analysis of Payments for Environmental Services Programs in Developed and Developing Countries”, Ecological Economics, volume 65, numéro 4, pp.834-52. 143 FROGER G., et al. 2012. « Regards Croisés de L’économie Sur Les Services Écosystémiques et Environnementaux », Vertigo, vol. 12, n° 3 [en ligne] mis en ligne le 15 décembre 2012, consulté le 12 juin 2017.

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conditionnel entre au moins un vendeur et un acheteur qui porte sur un service

environnemental bien précis – ou sur une utilisation des terres censée produire ce

service ».144 Toujours selon l’OCDE, « le recours à la création de marchés dans le domaine

de la biodiversité s’impose de toute évidence ».145 La mise en œuvre de tels instruments

économiques se voudrait donc être au soutien de la protection de la biodiversité dans une

logique marchande. L’idée repose sur l’incitation à la protection de la biodiversité en

échange d’une contrepartie monétaire. Cette logique marchande permet de considérer des

services utiles à l’homme, qui jusque là étaient gratuits. A contrario, les économistes S.

Wunder et M.T. Vargas considèrent que ces instruments ne sont pas des instruments de

marché. En effet, « au lieu de véritables marchés, ce que nous trouvons principalement dans le

monde réel (…) s’apparente à des accords bilatéraux, mutuellement négociés entre les

utilisateurs et les fournisseurs de services écosystémiques »146. Cette relation bilatérale

enferme la biodiversité dans un système d’échanges économiques. L’approche par le marché

est contestable du point de vue juridique du fait de l’objet même du contrat est également à

écarter. Juridiquement, le marché serait « l’ensemble des opérations commerciales relatives à

une catégorie de biens sur une place ou dans une zone géographique donnée »147. L’offre et

la demande sont donc amenées à se rencontrer à travers une circulation entre les acteurs

économiques via un prix d’échange. Il s’agit d’une offre et d’une demande de services.

Appliqué au PSE, il n’y aurait a priori pas de circulation entre les acteurs économiques ni prix

d’échange à travers la rémunération. De plus, l’objet même du contrat témoigne des

difficultés de recourir aux logiques de marché148.

Un objet du contrat particulier. Les PSE sont le support de « deux obligation

juridiques réciproques entre au moins deux parties »149. Cet outil économique a pour objet un

service. Or, comme le rappelle Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrene, les services

environnementaux ne peuvent pas, en principe, être l’objet de marché. En étant le produit du

fonctionnement des écosystèmes, ils sont rattachés à la biodiversité qui est res communes.

                                                                                                               144 OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050. Les conséquences de l’inaction, 2012, p.201 ; OCDE, Payer pour la biodiversité. Améliorer l’efficacité-coût des paiements pour services écosystémiques, 2011. 145 OCDE, Manuel pour la création de marchés de la biodiversité. Principaux enjeux, 2005, p. 14. 146 S. WUNDER, M.T. VARGAS, Beyond « markets » : Why terminology matters, Guest Editorial, The Ecosystem Marketplace, Katoomba Group, 2005. 147 CORNU G. (dir.) Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF, coll. Quadrige, 9e éd., 2011, spéc. p. 639. 148 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., Les PSE : une participation au processus de marchandisation de services écosystémiques ? », in L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017, (dir. Sc.) A. LANGLAIS, p. 3. 149 Ibid.

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Partant, les SE étant le « produit de la chose »150 selon Marie-Pierre Camproux-Duffrene, ils

ne peuvent être ni appropriés ni appropriables et ne pourraient être l’objet d’un marché. Les

services écosystémiques ne sont pas appropriables malgré des services essentiels à assurer la

pérennité de la vie ou les cycles essentiels à la vie. Il en va ainsi du service de pollinisation

rendu par les abeilles, le service de fixation du carbone issu de la photosynthèse, la

fertilisation des sols permis par les vers de terre et autres micro-organismes, la diversité

biologique elle-même pouvant être considérés comme un service écosystémique issu des

mutations des organismes etc. Les services environnementaux, quant à eux, sont des pratiques

humaines organisées selon différentes façons, coopératives, concurrentielles… Il peut s’agir

par exemple d’un agriculteur qui possède des bandes mellifères et plante un certain type de

végétation tout en renonçant à l’utilisation de pesticide. Son action rend bien un service

environnemental qui sera favorable aux auxiliaires de cultures dont par exemple les abeilles

qui vont pouvoir accroitre le service écosystémique de pollinisation151. Il y a donc un cercle

vertueux qui est enclenché.

Le fondement des PSE repose sur l’accord de volontés des parties, entre le bénéficiaire qui a

besoin du service et le fournisseur du service. L’objet de l’échange dans le contrat qu’est le

service doit pouvoir être identifié et mesurable mais des incertitudes sur le service

environnemental à rendre en échange de rémunération. Ces échanges nécessitent la mise en

place de contrats, en tant que supports de ces paiements pour services environnementaux. Une

protection juridique permet d’établir des limites et de garantir la protection de la biodiversité.

Un encadrement juridique lacunaire des paiements pour services environnementaux

en France. L’Union Européenne considère ces paiements comme des outils innovants dans la

protection de la biodiversité. Or, cette démarche contractuelle suscite des difficultés au niveau

juridique. Il est complexe pour le législateur d’évaluer juridiquement la valeur d’un service

rendu par la nature. Ainsi, au-delà de l’évaluation économique, les PSE se caractérisent par

l’absence d’un cadre juridique adapté. Ce cadre juridique lacunaire rend difficile leur

généralisation en France. Ces instruments évoluent en l’absence de cadre juridique dans le

droit positif. Ce constat atteste des difficultés d’articulation des réalités économique et

juridique152. Des auteurs travaillent actuellement sur un encadrement possible153. Pour pallier

                                                                                                               150 Ibid. 151 Exemples concrets de terrain. Sortie de terrain à la rencontre des agriculteurs du Groupe Agriculture sol vivant du Calvados, le 13 juin à Epinay sur Odon. 152 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., Les PSE : une participation au processus de marchandisation de services écosystémiques ? Quelle réalité pour un marché des paiements pour services environnementaux ?, in

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cette carence, différentes solutions peuvent être avancées. La question des servitudes

environnementales nous semble en ce sens particulièrement intéressante pour protéger la

biodiversité. Les servitudes renvoient dans un premier temps à une contrainte matérielle qui

pèse sur un bien et qui restreint les droits de son propriétaire au profit d’un autre propriétaire

ou d’un tiers. Toutefois, cette coercition n’empêche en rien l’idée qu’une servitude puisse être

établie volontairement par les parties154. Il n’est pas non plus exclu que cette servitude puisse

leur être mutuellement profitable. Plusieurs pistes de réflexion peuvent être envisagées et à

plusieurs niveaux.

Tout d’abord, à un premier niveau d’intervention, il convient de rappeler que les servitudes

contractuelles de droit commun sont prévues dans le code civil à l’article 637 de la manière

suivante : « une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un

héritage appartenant à un autre propriétaire ». L’assouplissement de ces servitudes serait

particulièrement intéressant. D’autant plus que rien n’empêche de recourir au principe de

rémunération. Il est prévu que les servitudes reposent sur la nécessité d’établir une relation

juridique entre deux fonds. D’une part, la contrainte s’impose sur un fond servant. D’autre

part, la servitude bénéficie à un fond dominant. En pratique, recourir à une servitude dans le

but d’imposer une obligation environnementale à un propriétaire foncier nécessite de mettre

en présence deux biens fonciers distincts. Cela présente toutefois l’inconvénient de restreindre

manifestement les possibilités sur le plan environnemental.

Par ailleurs, à un second niveau, l’instauration d’un dispositif de servitude à finalité d’intérêt

général environnemental, impliquerait l’introduction de servitudes environnementales d’utilité

publique. Toutefois, moins avantageuses que dans la première hypothèse, ces servitudes

d’utilité publique n’ouvre pas un droit à indemnisation pour la partie qui doit les supporter.

Enfin, à un troisième niveau, il serait également possible de mobiliser et rationaliser les autres

instruments juridiques déjà existants à caractère contractuel.

Les baux ruraux, environnementaux, le recours au démembrement de la propriété, la fiducie

foncière, la transpropriation, les recours autorisant, par voie contractuelle, le regroupement de

propriétaires, gestionnaires ou encore agriculteurs pourraient être autant d’instruments

mobilisables. Bien qu’ils s’avèrent complexes, divers leviers juridiques pourraient être ainsi

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         L’agriculture et les paiements pour services environnementaux : quels questionnements juridiques ?, Presses Universitaires de Rennes, 2017, (dirc. sc.) A. LANGLAIS, p. 2. 153 LABAT B., « Droits reels au profit de la biodiversité : comment le droit peut-il contribuer à la mise en oeuvre des paiements pour services environnementaux ? », Humanité et Biodiversité, Mission Économie de la Biodiversité, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, 2014, p. 31 154 LABAT B., Modalités juridiques de mise en œuvre des PSE en France, Mission économie de la biodiversité, Cahier Biodiv’2050, p.11.

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envisagés pour encadrer les PSE. Ils restent toutefois à les faire évoluer et à les améliorer. A

cout terme, un assouplissement des servitudes contractuelles de droit commun semblerait plus

facilement envisageable. Pour ce faire, il convient d’abord d’inciter les acteurs du territoire à

changer de regard sur les servitudes, dont la perception demeure bien souvent négative.

Pour l’heure, les PSE ne peuvent pas être mobilisés pour résoudre tous les problèmes

environnementaux. En tout état de cause, l’approche par les services environnementaux ne

doit pas non plus prendre le pas sur l’approche par les services écosystémiques pour légitimer

l’ouverture d’un nouveau marché. L’incitation financière bien que séduisante ne doit pas

s’imposer comme étant la raison au fondement de la biodiversité. Il est donc indispensable de

repenser une complémentarité entre les instruments économiques et juridiques.

   

Conclusion Partie I

Cette approche économique de l’évaluation monétaire de la biodiversité a pour

ambition d’améliorer les décisions des décideurs locaux, politiques ou entrepreneurs liées à la

protection de la biodiversité et des écosystèmes155. L’américain Randall Holcombe déclarait

déjà en 1988 que « la meilleure façon de protéger la biodiversité est de lui affecter une

valeur. Et pourtant, comme le rappelle l’économiste Heal156, « l’évaluation économique n’est

ni nécessaire ni suffisante pour la conservation. Nous conservons beaucoup de choses que

nous n’évaluons pas, et ne conservons pas de nombreuses choses que nous évaluons ».

L’approche de l’évaluation économique à travers le concept des services écosystémiques

renvoie à une approche anthropocentrée et utilitariste de la nature en ce qu’elle tend à

maximiser le bien être des humains. Les services écosystémiques apparaissent en effet à

l’interface entre la biodiversité et le bien-être humain amenant par voie de conséquence à

valoriser certains services pour le propre intérêt humain. De plus, le passage des services

écosystémiques aux services environnementaux opère un glissement pouvant dangereusement

détourner le droit de la biodiversité vers des fins utilitaristes et ainsi valoriser un service aux

                                                                                                               155 BARNAUD G., « Des fonctions écologiques au marché des services écosystémiques, une avancée conceptuelle ou une gageure ? », in SOHNLE J., CAMPROUX-DUFFRENE (dir.), Marché et environnement, Actes du colloque annuel de la SFDE à Strasbourg des 29 et 30 novembre 2012, coll. Bruylant,, p.57. 156 HEALG. Valuing ecosystem services. Ecosystems, Volume 3, Numéro 1, janvier-février 2000, pp. 24-30.

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dépens de la biodiversité.157 Ces avancées sont en ce sens teintées de réserves mais aussi

d’ambiguïtés avec des leviers juridiques à parfaire. Séduisantes, elles peuvent facilement

dériver et faire entrer le vivant dans une logique de marché qui n’a pas lieu d’être pour

préserver la biodiversité. Les services écosystémiques ne peuvent pas être appréhendés

indépendamment de l’approche systémique de la biodiversité. Le droit doit dépasser cette

approche pour atteindre la finalité ultime qu’est le renforcement de la protection de la

biodiversité. Bien que l’approche par les services écosystémiques se veut avoir une approche

écosystémique qui met en lumière les relations de l’Homme avec son milieu, celle-ci a une

vision assez simplifiée du fonctionnement des écosystèmes. Le dynamisme des écosystèmes,

les incertitudes du vivant, le dynamisme spatio-temporel, sont difficilement assimilés. Ce sont

pourtant bien les interactions entre les ressources qui doivent être prises en compte pour

valoriser la biodiversité. C’est à partir de ce constat qu’il convient de rapprocher le droit avec

l’écologie ou plutôt avec la socio-écologie. Cette seconde logique illustre bien l’ambivalence

de la loi Biodiversité qui veut préserver à la fois les services écosystémiques et les fonctions

écologiques.

                                                                                                               157 BERTHELOT M., MOUGEY T., « Et si évaluation rimait avec concertation ? », Espaces naturels, n°52, octobre-décembre 2015, p.35.  

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PARTIE II

LES LEVIERS JURIDIQUES AU SOUTIEN D’UNE ANALYSE

SOCIO-ECOLOGIQUE DE LA BIODIVERSITE

Le droit de l’environnement doit beaucoup aux sciences de la nature, dont

l’écologie158. Face à l’urgence écologique et dans son souci de protection de la biodiversité, le

droit doit intervenir au soutien d’une analyse socio-écologique de la biodiversité. La

complexité des écosystèmes nécessite une appréhension globalisante de la biodiversité159. Le

droit doit s’inscrire dans une vision dynamique qui invite à protéger la biodiversité

indépendamment de sa valeur monétaire/d’usage pour l’homme. Le renforcement de la

protection de la biodiversité repose sur les synergies entre droit et écologie, une

collaboration étroite entre ces deux analyses. Les espèces animales et végétales doivent

être mises en valeur pour leur place et fonction par rapport à un environnement donné, en

dehors de toute considération économique. La socio-écologie, dans sa définition, est une

discipline scientifique qui a pour objet d’étude les espèces et privilégie les relations et

interactions sociales qu’elles nouent entre elles. L’approche systémique bien que complexe à

appréhender pour le droit, met l’accent sur la réciprocité des rapports entre l’Homme et la

Nature, l’Homme faisant partie intégrante de l’écosystème. En cela, pour une protection de la

biodiversité effective, le droit doit prendre en compte les interactions entre les espèces et leurs

habitats mais aussi leurs fonctions respectives. Ces interactions entre l’Homme et la

biodiversité sont désormais prises en compte par le droit français, en atteste leur ajout dans la

définition160 extensive et dynamique de la biodiversité introduite par la loi éponyme du 8 août

2016. Les fonctions écologiques sont ainsi reconnues. En cela, les mécanismes et instruments

juridiques évoluent en fonction des enjeux et exigences écologiques. En l’espèce, la loi de

2016 contribue à un renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une protection

dynamique et intégrée de la biodiversité (Chapitre 1). D’autre part, un renouvellement de la

                                                                                                               158 HUGLO, C., « De la difficulté d’appliquer les lois protectrices de l’environnement » in Energie-Environnement-Infrastructure, 23 mars 2017, p.1. 159 LABROT L., « Droit et complexité. Regards sur le droit de l’environnement », in DOAT M., LEGOFF J., PEDROT P. (dir.) Droit et complexité. Pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Actes du colloque de Brest du 24 mars 2006, P.U.R., Rennes, 2007, p.33. 160 Article L110-1-I du Code de l’environnement.  

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gouvernance au service de la protection sociétale de la biodiversité est également impulsé à

travers cette récente avancée législative (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : Le renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une protection dynamique et intégrée de la biodiversité

La perte de biodiversité exponentielle invite à repenser le rapport entre l’Homme et la

Nature mais aussi les Hommes entre eux par rapport à la Nature. Biologiquement, l’Homme

est partie intégrante de la biodiversité, il fait partie de l’écosystème planétaire. Toutefois, cette

relation s’inscrit dans un rapport asymétrique. L’Homme exerce un pouvoir sans commune

mesure sur la biosphère (ce qui justifie selon certains, le recours au concept d’Anthropocène).

Cette emprise nouvelle de l’Homme sur la Nature participe d’un changement de réalité, qui

lui-même requiert un changement de paradigme. Dans son ouvrage La structure des

révolutions scientifiques, Thomas Kuhn propose deux définitions du paradigme scientifique.

Il peut s’entendre de « l’ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui

sont communes aux membres d’un groupe donné » 161 . Cette manière de voir une science

structure dans le même temps la communauté scientifique. Une fois que cette solution est

érigée en « matrice conceptuelle »162, la vision du monde est amenée à changer. Il s’ensuit

une profonde transformation de la manière dont une communauté scientifique voit le monde.

Appliqué au droit, l’ensemble des croyances et des valeurs que la communauté des juristes

partage constitue un paradigme juridique. Il est admis que deux paradigmes puissent coexister

sans s’exclure. Dans la première hypothèse, le nouveau paradigme peut bouleverser un

paradigme dominant, établi. Dans la seconde hypothèse, le nouveau paradigme peut coexister

avec l’ancien. Dans le cadre du paradigme de l’asymétrie juridique, force est de constater

qu’il est amené à coexister avec le paradigme de la réciprocité juridique. Le droit a été conçu

par les Hommes pour les Hommes. Or, a tout droit n’existe pas forcément un devoir

réciproque. C’est d’ailleurs cette asymétrie juridique qui fait naître une responsabilité envers

l’environnement et les générations futures selon le philosophe Hans Jonas163. Dans ses

travaux, Madame Emilie Gaillard met en valeur la nécessité de procéder à un changement de

                                                                                                               161 KUHN T., La structure des révolutions scientifiques, Postface, Flammarion, coll. « Champs », 1983, 284 p. 162 GAILLARD E. « La force normative du paradigme juridique », in La force normative, Naissance d’un concept, THIBIERGE C. et alii, éd. LGDJ, Bruylant, 2009, pp.171-182. 163 JONAS H., Le principe responsabilité, coll. « Champs essaies », 1979, p.185.

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paradigme en intégrant le paradigme de l’asymétrie juridique. En l’acceptant, il s’opère une

dynamique de décloisonnement des concepts, notions et principes juridiques pour permettre

une meilleure protection de l’environnement dans la durée. « La force normative du

paradigme juridique » renvoie à « une dynamique de création, d’orientation qui anime le

droit » selon l’auteur. Le droit, conçu initialement pour réguler les rapports des Hommes entre

les Hommes a dû élargir son champ de protection afin de protéger de nouvelles entités non-

humaines telles que les générations futures, ou encore, la biodiversité. La force normative du

paradigme de l’asymétrie juridique permet de décloisonner l’imaginaire juridique et de

formuler de nouvelles protections juridiques. Ainsi, dans le domaine de la protection de la

biodiversité, il apparaît que le législateur est venu diffuser de nouvelles logiques juridiques,

révolutionnant par-là même, l’imaginaire juridique. D’une part, de nouveaux principes

dynamiques sont consacrés dans le code de l’environnement (Section 1). D’autre part, des

instruments de gestion de la biodiversité sont également mis en place afin d’assurer une

protection effective des éléments naturels (Section 2).

Section 1 : La consécration de principes juridiques dynamiques Le paradigme de l’asymétrie juridique amène le droit à déployer de nouveaux

principes. Ce décloisonnement conduit à penser et à raisonner différemment. C’est en cela

que de nouveaux principes directeurs ont fait leur apparition dans le droit de l’environnement,

insérés à l’article L110-1 du Code de l’environnement. Les objectifs de préservation de la

biodiversité et d’accompagnement de la transition écologique justifient un élargissement de la

visée protectrice du droit. Vecteurs d’une importante avancée juridique en faveur de la

protection de la biodiversité, deux nouveaux principes ont attiré tout particulièrement notre

attention. Selon le Professeur Patrick le Louarn, « un véritable droit de l’environnement

permettrait de gérer les fonctionnalités des écosystèmes en intégrant les activités »164. En

effet, l’esprit de la loi 2016 est de protéger la biodiversité de manière dynamique et globale.

D’une part, le principe de solidarité écologique vient bouleverser les rapports traditionnels

entre l’Homme et la Nature (§I). D’autre part, le principe de non-régression s’inscrit dans une

dynamique d’amélioration continue afin de renforcer la protection de la biodiversité (§2).

                                                                                                               164 LE LOUARN, P. « Approche systémique du droit de l’environnement », in CORNU M., FROMAGEAU J. (éds), Genèse du droit de l’environnement – Fondements et enjeux internationaux, Volume 1, L’Harmattan, coll. Droit du patrimoine culturel et naturel, Paris, 2001, p.78

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§1. La consécration d’un principe juridique dynamique de solidarité écologique

L’Homme fait partie de la biodiversité planétaire. Cette appartenance commune fait

ainsi naître une solidarité entre l’espèce humaine, la faune et la flore165. En étant par

définition solidaires, les membres d’une société sont dépendants mutuellement. C’est cette

dépendance qui assure la survie des êtres humains sur terre. Comme le souligne l’écologue

Raphaêl Mathevet, c’est le « passage de la notion d’interdépendance entre les composantes

de cette biosphère à la notion de solidarité (qui) permet de souligner la communauté de

destin entre l’homme, la société et son environnement »166. Les Hommes, solidaires avec la

nature, doivent assurer la dynamique du fonctionnement de l’écosystème planétaire.

Le principe de solidarité, un changement de paradigme juridique renforçant la

protection de la biodiversité. La restriction des activités humaines fait partie intégrante du

droit de l’environnement. Pour autant, la solidarité écologique tente de concilier la protection

de la biodiversité et le développement des activités humaines. Les écosystèmes sont

interdépendants et solidaires. Partant de ce constat, les activités humaines doivent être elles

aussi solidaires de la biodiversité animale et végétale.167 Ce concept est apparu pour la

première fois dans la loi du 6 juin 2004 relative aux Parcs nationaux, aux parcs naturels

marins et aux parcs naturels régionaux. La solidarité rompt à partir de là avec le rapport

traditionnel que l’Homme entretient avec la Nature à travers une protection juridique

longtemps cloisonnée. Cette première référence renvoyait toutefois à une conception spatiale

de la solidarité écologique limitée aux parcs. Favoriser de nouvelles voies de préservation de

la biodiversité renvoie à une action sur des territoires plus larges qui doit bénéficier d’une

démarche intégrée et globale.

Ce concept de « solidarité et communauté de destin »168 avancé par le Professeur Delmas-

Marty est désormais formalisé en droit avec la reconnaissance du principe de solidarité

écologique par la loi Biodiversité. Consacré à l’article L. 110-1-II 6° du code de

                                                                                                               165 CAMPROUX-DUFRRENE M.-P., « Pour une approche socio-écosystémique de la dette écologique : une responsabilité civile spécifique en cas d’atteintes à l’environnement », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 26 | septembre 2016, mis en ligne le 09 septembre 2016, consulté le 29 août 2017. URL : http://vertigo.revues.org/17493 ; DOI : 10.4000/vertigo.17493 166 MATHEVET R., « La solidarité écologique, ce lien qui nous oblige », Aces Sud 2012, p. 88. 167 LUCAS M., La solidarité écologique : un essai à transformer pour une transition écologique, in A. Van Lang, Penser et mettre en œuvre les transitions écologiques, Mare & Martin issu du Colloque à Nantes des 24 et 25 septembre 2015. 168 DELMAS-MARTY M., « Conclusion- Sociétés de la peur et/ou communauté de destin ? » , Libertés et sureté dans un monde dangereux, le 31 mars 2009.

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l’environnement ce principe « appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision

publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés, les

interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ». Erigée

en principe, la solidarité écologique atteste d’une réelle transformation de l’imaginaire

juridique qui consacre la dynamique du fonctionnement de l’écosystème planétaire. La

biodiversité est présente partout et n’a pas de territoire prédéfini particulier. La loi

Biodiversité témoigne d’une avancée indéniable. Cette dernière fait de la diversité biologique

un élément central et fait référence à un intérêt scientifique. La consécration de ce principe

est porteuse d’une avancée qualitative en matière de protection de la biodiversité,

traduisant un mouvement d’écologisation du droit. Elle vient ainsi rompre avec l’esprit

conservationniste instauré par le législateur dans la loi du 10 juillet 1976. Les phénomènes

d’interdépendance sont désormais reconnus, comme les notions d’équité environnementale et

de patrimoine commun avaient pu le faire auparavant. Les espaces protégés tels que les

réserves naturelles ou les zones prioritaires de biodiversité se sont avérées être des réponses

insuffisantes pour protéger la biodiversité dans sa globalité. Ces délimitations témoignent

également « d’une forme d’échec ou d’incapacité de l’homme à s’autoréguler, devant se

protéger de lui-même »169. C’est pourquoi, toutes les espèces de faune et de flore, tous les

écosystèmes, toutes les espèces les plus communément répandues entrent dans le champ de la

loi. Les dynamiques écologiques impliquent la prise en compte des continuités écologiques,

couloirs, corridors, connexions entre ces espaces afin de les restaurer, les protéger

efficacement. Porteur d’une nouvelle façon de prendre en compte les relations entre les

sciences de la nature et la société, ce principe intègre les enjeux de la complexité

spatiotemporelle de la biodiversité. Les écosystèmes sont hétérogènes et dynamiques. La

biodiversité évolue avec les sociétés humaines, dans l’espace et le temps. Les acteurs du

territoire doivent ainsi considérer la solidarité avec les non-humains. Il s’agit d’une véritable

éthique du « vivre ensemble »170. La protection de la biodiversité fait système et le droit se

doit d’être cet instrument du « vivre ensemble »171. « Le fait d’associer étroitement l’homme

et la biodiversité dans une même construction globale nécessite de réfuter l’antagonisme

                                                                                                               169 MATHEVET et al, Biodiversités et solidarités : au-delà des aires protégées, dessiner des « territoires capables », La revue d’humanité et biodiversité, numéro 2, 2015, p 89. 170 Voir en ce sens LARRERE C., LARRERE R., Du bon usage de la nature : pour une philosophie de l’environnement, éd. « Champs essais » Flammarion, Paris, France, 2009, 355 p. 171 CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., « Pour une approche socio-écosystémique de la dette écologique : une responsabilité civile spécifique en cas d’atteintes à l’environnement », op. cit.

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traditionnel entre activités humaines et conservation de la biodiversité ».172 La solidarité

écologique repose avant tout sur la prise de conscience collective des interdépendances du

monde vivant et consacre une vision nouvellée de la protection de la biodiversité. Elle assure

le « compromis pragmatique entre écocentrisme et anthropocentrisme » selon l’écologue

Raphaël Mathevet 173 . Un changement de paradigme juridique émerge avec la

consécration de ce principe qui véhicule un lien de coopération entre l’Homme et la

Nature, unissant ces deux entités.

Ces systèmes sont écologiques mais pas seulement car ils sont indissociables de la complexité

sociale.174 Hissée au rang de principe fondateur par le législateur, la solidarité écologique

modifie l’approche du droit de l’environnement, s’imposant « comme l’équivalent écologique

de la solidarité sociale »175 selon Madame Alexandra Langlais. Il intègre une dimension

sociale dans le droit de l’environnement. En construisant les normes dans cette démarche, le

droit contribue à une évolution des normes vers une société nouvelle qui respecte aussi bien

les humains que les non-humains176. Le Professeur Patrick Morvan rappelle en ce sens que

« le principe normatif, sur le dernier versant, ne décrit pas l’objet ou une forme de la

connaissance (point de vue ontologique, relevant de la philosophie), ni un axiome ou un

système de règles construit par la raison (point de vue logique, relevant de la science du

droit), mais une norme juridique édictant un devoir-être (point de vue normatif, relevant seul

du Droit) »177. Ce principe véhicule un lien particulier unissant l’Homme à la Nature. Il

marque une prise de conscience collective de nos interdépendances écologiques et sociales

impliquant un « devoir-être » pour tendre vers un idéal de comportement qui découle de la

responsabilité environnementale. Le droit de la responsabilité environnementale doit être

guidé par ce principe. « L’usage et le développement du concept de solidarité écologique se

rapprochent d’une vision où l’Homme, en faisant partie de la communauté du vivant, a une

                                                                                                               172 BLONDEL J., Biodiversité, quels enjeux pour les sociétés, [Actes des Journées de l’institut français de la biodiversité, Tours, 18-20 décembre], Paris, Institut français de la biodiversité, p.17-19. 173 MATHEVET R. et al, « La solidarité écologique : un nouveau concept pour une gestion intégrée des parcs nationaux et des territoires », Natures Sciences Sociétés, volume 18, 2010, p. 424. 174 BARKES F., FOLKES C., “Linking Social and Ecological Systems : Managment practices and social mechanisms for building resilience”, Cambridge University Press, 1998. 175 LANGLAIS A., Libres propos conclusifs sur la dette écologique, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 26 | septembre 2016, mis en ligne le 09 septembre 2016, consulté le 10 août 2017. http://vertigo.revues.org/17500. 176 Voir en ce sens MATHEVET R. et al., « La solidarité écologique : prémices d'une pensée écologique pour le xxie siècle ? », Ecologie & politique, volume 44, numéro 1, 2012, pp. 127-138. 177 MORVAN P., « Qu’est-ce qu’un principe? », http://patrickmorvan.over-blog.com/article-6469413.html

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responsabilité, a le devoir moral de se sentir tenu à une compréhension et à une action

bienfaisante à l’endroit des écosystèmes et des espèces qui l’entourent »178.

En outre, le droit intervient au soutien d’une écologie globale. L’Homme et les activités

humaines se trouvent intégrés « dans une perspective égalitaire »179 souligne le Professeur

Agathe Van Lang. Cette perspective est également atypique par rapport aux principes

juridiques classiques à dominante fixiste. Le fondement de ce nouveau modèle est de

mettre en avant le profit de l’immatériel et de la dématérialisation de l’économie. La

solidarité écologique serait ainsi une réponse rivale à la logique marchande dominante selon

le Professeur Alain Supiot180. Enfin le droit arrête de déformer la réalité et épouse la réalité

complexe du vivant. Un principe novateur donc, à contre-courant de l’approche économique

de la biodiversité.

Pour autant, une limite au principe est à souligner. La loi consacre ce principe de solidarité

écologique en précisant qu’il s’applique seulement pour les décisions qui auraient un impact

« notable »181 sur l’environnement. Nous pouvons donc regretter sur ce point la contrainte

qui est très modérée du principe. Parallèlement à ce constat et en l’absence de précision de

la part du législateur, il est possible de se questionner quant aux modalités d’application

concrète d’un tel principe puisque la définition avancée reste très imprécise. Malgré ces

limites en matière de prise en compte, cette reconnaissance législative est en harmonie

avec l’ambition de protection de la biodiversité impulsée par le droit. Mais la solidarité

écologique reste pour l’instant obscure par rapport au contenu et à la portée du principe.

Concrètement, le principe de solidarité écologique s’applique aux autorités publiques et sert à

l’élaboration des projets de territoire qui reposent sur une vision dynamique, fonctionnelle et

partagée de la biodiversité. Il s’agit de « l’un des fondements de la gestion intégrée de la

biodiversité ». Elle doit être mise en place aussi bien entre les villes et les zones rurales

qu’entre les communes, les régions… en somme une « solidarité écologique entre les

                                                                                                               178 MATHEVET R. et al, « La solidarité écologique : un nouveau concept pour une gestion intégrée des parcs nationaux et des territoires », op. cit. 179 VAN LANG A., « La protection des continuités écologiques : avancées et limites du droit », R.D.I., 2013, p.255. 180 SUPIOT, A., 2015, La solidarité, Enquête sur un principe juridique, Ed. Odile Jacob, p.7. 181 VAN LANG A., « La protection des continuités écologiques : avancées et limites du droit », op. cit.

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territoires »182 . La reconnaissance d’un tel principe donne alors du sens à la trame verte et

bleue183, outil mettant en valeur les connectivités écologiques sur un territoire.

La trame verte et bleue, un changement de paradigme par l’action publique au

soutien de la protection de la biodiversité. « L’artificialisation de l’espace »184 issue de

l’urbanisation et de ses équipements constitue l’un des principaux symptômes de la crise de la

biodiversité. Dans ce contexte de fragmentation néfaste pour la biodiversité, il est important

de prendre en compte les liens fonctionnels des espèces et milieux. Les cours d’eaux, le

bocage ou encore le maillage de boisements sont des éléments indispensables pour mettre en

valeur ces liens à l’échelle territoriale. Les acteurs publics sont amenés à respecter le principe

de solidarité écologique à travers leurs actions d’aménagement et de planification de l’espace.

Ce principe implique d’être pris en compte dans tout projet ayant une incidence notable sur

l’environnement. La trame verte et bleue est en ce sens un outil qui permet d’organiser

ces formes de solidarité écologique. L’appréhension de la solidarité écologique implique

pour le droit de prendre en compte les réalités écologiques. Madame Marie Bonnin fait

d’ailleurs référence à un « troisième temps du droit de la conservation de la nature » en

faisant référence à la protection des réseaux écologiques185. La trame verte et bleue, qui

renvoie à l’ensemble des continuités écologiques, est un outil intéressant en ce qu’il permet

d’assurer la fonctionnalité des milieux, dans le temps, où se trouve la biodiversité.186 Issue des

articles L. 371-1-I du code de l’environnement et 121 de la loi Grenelle II, la TVB vise à

« enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise

en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les

activités humaines, notamment agricoles, en milieu rural ». Il s’agit d’un outil concret au

service de la biodiversité, l’intégrant dans les activités humaines. La trame, en tant que réseau

ou maillage écologique est le reflet de la réalité des dynamiques et interaction des

phénomènes écologiques. Cet outil concret amène également à repenser la façon de construire

et favorise un retour des habitats au cœur de la ville. La démarche de cet outil traduit les

connaissances scientifiques liées à l’écologie dans le dispositif juridique. Elle se superpose

                                                                                                               182 GAILLARD G., Rapport fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi relatif à la biodiversité, n°1847, Assemblée nationale, 26 juin 2014, 668 p. 183 La trame verte faisant référence aux espaces naturels et protégés et la trame bleue faisant référence aux cours d’eau. 184 UNTERMAIER J., « Biodiversité et droit de la biodiversité », op. cit. 185 BONNIN M., Les corridors écologiques, Vers un troisième temps du droit de la conservation de la nature ?, L'Harmattan, 2008. 186 HERMITTE M.-A., « Edouard Bonnefous et le biodiversité : « Vox clamantis in deserto » ou illustration du schisme de réalité », op. cit., p.111.  

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aux dispositifs de protection existants que sont les espaces protégés187, les espaces naturels et

les corridors écologiques pour relier ces espaces. Le droit reconnaît ainsi les continuités

écologiques, ignorées pendant longtemps juridiquement. Cela atteste d’un changement de

paradigme certain en faveur de la protection de la diversité biologique. L’évolution en

profondeur de la protection de la biodiversité repose sur la protection et la gestion des

processus écologiques.

L’opportunité de la trame verte et bleue a d’ailleurs été bien comprise par les

acteurs du territoire normand en tant que nouvelle façon de concevoir l’aménagement. Depuis

les lois Grenelles I et II, il est obligatoire d’inscrire une TVB dans les documents d’urbanisme

de la collectivité. Ces avancées législatives illustrent ce changement de paradigme à l’œuvre

en ce qu’un nouveau rapport de l’Homme à la Nature se construit. Le pôle Métropole Caen

Normandie188 travaille depuis 2008 sur cet outil qui a été approuvé en 2011. Dans les

documents opposables, une première version de la TVB existe mais celle-ci présente des

défauts bien qu’elle serve de support pour alerter et sensibiliser les élus du territoire. La TVB

est réalisée sur la base de méthodes des infrastructures vertes et bleues, c’est-à-dire basée sur

le mode d’occupation des sols. Chaque type de milieux présente un cortège d’espèces. La

révision du Schéma de cohérence territoriale (SCoT) lancée en 2013 se base également sur le

mode d’occupation des sols. La nouvelle version prend en compte l’inventaire des haies en

tant que composantes fondamentales dans les continuités et l’alignement d’arbres ainsi que le

bâti différencié de la tâche urbaine et l’analyse écologique des différents milieux et de

secteurs à enjeux. Il est tout à fait possible d’urbaniser un territoire, l’aménager sans

mettre sous cloche la biodiversité. Il est nécessaire de faire une continuité sur le territoire

pour protéger la biodiversité. L’urbanisation de la TVB dans l’aménagement du

territoire repose sur la contrainte règlementaire d’inscription dans le SCoT. Cette contrainte

n’en est finalement pas une pour les acteurs du territoire caennais qui essaient de faire de cette

contrainte une opportunité pour bénéficier d’outils intéressants, pour reconnecter les habitats.

La TVB est perçue comme une opportunité pour la Métropole de Caen. Elle permet

notamment une meilleure gestion des bords de route en permettant de laisser pousser l’herbe

ou retarder le fauchage par exemple, mais aussi le passage de grandes et petites faunes, la

prise en compte de la biodiversité dans les projets d’urbanisme et d’avoir une gestion plus

écologique des espaces. Par exemple, l’idée de création d’une zone d’activité sur une zone

                                                                                                               187 Parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés entre autres. 188 Composée de 20 EPCI et 3 départements.  

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humide avec une présence de crapaud peut amener à créer un axe humide pour aménager en

maintenant la continuité. Les haies, les zones humides, les talus… forment autant de corridors

fonctionnels fondamentaux pour favoriser la circulation des espèces entre les réservoirs de

biodiversité. L’Homme peut tout à fait composer avec la Nature en toute harmonie. La force

de cet instrument à travers ses objectifs est notable. Toutefois des faiblesses sont à relever par

rapport à son régime juridique. Sur le plan écologique, il est difficile de transcrire les

dynamiques naturelles du fait des incertitudes scientifiques. Les connaissances ainsi que les

données scientifiques sont imprécises et amenées à évoluer. Par ailleurs une limite est

également à souligner en terme d’opposabilité du document. En effet, bien que l’objectif des

continuités écologiques se trouve renforcé par le législateur puisqu’il est désormais possible

de les intégrer dans le schéma de cohérence écologique (SRCE), la portée de ces schémas est

limitée. L’article L. 371-3 8° du code de l’environnement prévoit seulement une « prise en

compte » par les documents de planification et les projets de l’Etats, des collectivités

territoriales et de leurs groupements. Cela induit donc un faible respect des orientations

régionales favorables aux continuités écologiques. La connectivité souffre encore de mesures

juridiques appropriées. Elle n’est pas accompagnée d’obligations à la fois précises et

nouvelles. Leur prise en compte dans les évaluations environnementales serait pourtant

pertinentes. Certaines villes telles que Strasbourg ou Nantes ont structuré leur plan local

d’urbanisme (PLU) autour de ces continuités écologiques.189 La loi Biodiversité confirme par

ailleurs la possibilité pour le règlement du PLU de protéger des « espaces de continuités

écologiques ». Ce document opposable permet une réelle protection de la biodiversité. La

Ville de Caen travaille dans ce même sens Elle intègre des recommandations liées aux études

sur la biodiversité ainsi que des diagnostics écologiques. La trame évolue suivant l’apport de

connaissances scientifiques. Le PLU qui avait été adopté en 2013 faisait déjà référence aux

continuités écologiques. Leur planification doit faire l’objet d’un suivi. Une obligation de

procéder à une analyse des résultats obtenus relatif à la préservation et la remise en état sera

exigée. Il faut penser les continuités dans le temps, les continuités existent depuis toujours. Le

rythme de la biodiversité est très lent.

A côté du principe de solidarité écologique, un nouveau principe fait son entrée dans

le droit de l’environnement. Le principe juridique de non-régression apparaît pour sa part

comme un principe directeur ayant une portée normative plus précise.

                                                                                                               189 Pôle métropolitain Caen Normandie Métropole et Aucame Caen Normandie, « La biodiversité : un enjeu, la trame verte et bleue : un outil », n°1, novembre 2015, p.4.

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§2. La consécration d’un principe juridique de non-régression à dynamiser ?

Un principe indispensable pour atteindre la finalité du droit de

l’environnement. Le droit de l’environnement est un droit audacieux qui n’hésite pas à

inventer et à recourir à un nouvel imaginaire juridique. C’est ainsi qu’il formule de nouveaux

principes pour relever les nouveaux défis environnementaux. Qualifié de droit

« progressiste »190 par le Professeur Michel Prieur, il est perpétuel progrès et finaliste, c’est-à-

dire pour l’environnement. Rappelons que le droit repose sur le principe classique de

mutabilité du droit, dans le sens où celui-ci peut être amené à changer à tout moment et pour

diverses raisons191. Appliqué au droit de l’environnement, cela signifie donc qu’il peut lui-

aussi être susceptible de reculer. Un éventuel recul constitue donc un obstacle majeur pour ce

droit progressiste dynamique pour embrasser et s’adapter à la complexité du réel. Il doit être

progressiste dans le sens d’une amélioration continue. Or, ce recul est une réalité puisque,

comme le rappelle Agnès Michelot, le droit de l’environnement a connu un parcours pour le

moins « chaotique » devant faire face aux diverses pressions sociétales, des choix

économiques, politiques etc192. Pourtant, ce droit de l’environnement finaliste doit être en

perpétuelle amélioration pour espérer protéger la biodiversité, cette dynamique

complexe qui ne cesse d’évoluer. Une réelle contradiction est alors à souligner entre la

mutabilité du droit et le caractère progressiste du droit de l’environnement. Selon le

Professeur Michel Prieur, la seule réponse possible à cette contradiction réside dans le

principe de non-régression193. Ce principe de non-régression doit déboucher sur un devoir

de non-régression mais aussi et surtout sur une obligation de progression. Comme le

souligne également le Professeur, « le fondement le plus intéressant du principe de non-

régression est l’éthique et la morale de l’environnement : moins de pollution, plus de

biodiversité »194. Par ailleurs, l’importance de ce principe réside dans le fait que celui-ci

permet de créer une véritable sécurité juridique nécessaire au droit de l’environnement.

Le droit de l’environnement n’aurait aucun sens si l’on revenait dessus tout comme les droits

                                                                                                               190 PRIEUR M., SOZZO G. (dir), La non-régression en droit de l’environnement, Bruylant, 2012, p 8. 191 Changement de majorité politique, enjeux économiques etc. 192 BRETON J.-M., « Droit de l’environnement et politiques environnementales : la non-régression entre volontarisme stratégique et fatalisme manichéen (ou L’inéluctable Sisuphe ?) », Tribune S.F.D.E., le 11 février 2017. http://www-sfde.u-strasbg.fr/index.php/blog-de-la-sfde/130-droit-de-l-environnement-et-politiques-environnementales-la-non-regression-entre-volontarisme-strategique-et-fatalisme-manicheen-ou-l-ineluctable-sisyphe 193 PRIEUR M., « Le principe de non-régression « au cœur » du droit de l’homme à l’environnement », in Changements fondamentaux globaux et droits de l’homme, Bruylant, 2012, p.134. 194 Ibid.  

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de l’Homme. Cela est chose faite puisque ce principe est désormais consacré dans le code de

l’environnement à l’article L.110-1 al 9 disposant que « le principe de non-régression, selon

lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et

réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration

constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » Le droit

de l’environnement se veut être un droit continu de progrès, il ne peut donc se permettre de

reculer. La crainte d’un droit figé par l’intégration d’un tel principe est alors mise en avant par

ses détracteurs195. L’argument avancé est que figer une fois les règles dans le temps, et par là

de ne plus pouvoir revenir en arrière à cause d’un droit figé, « suppose également une

approche fixiste de l’environnement qui ne cadre pas avec l’approche dynamique de la

biodiversité défendue en principe par le projet de loi biodiversité »196. Or, il n’en est rien.

Loin de figer le droit de manière non-constructive, ce principe avance qu’il n’est désormais

pas possible de revenir en arrière sur un acquis environnemental. Ce mécanisme est donc un

gage de protection pour la biodiversité. La règle de droit n’est pas figée, elle est en

revanche amenée à évoluer dans une logique d’amélioration constante. La biodiversité

repose sur un système en mouvement permanent. Cette idée de variabilité, d’une vision

dynamique et non statique des choses se retrouve dans ce principe qui se veut également

dynamique et non statique. Selon le Professeur Michel Prieur, instigateur du principe, il s’agit

là d’une création juridique nécessaire au soutien des grands principes de prévention,

précaution, information, participation institués lors du Rio de 1992. Cette consécration

législative constitue une avancée majeure pour le droit interne de l’environnement,

« verrouillant » en quelque sorte les acquis du droit de l’environnement. Sa nécessité est par

ailleurs de moins en moins contestée. Le principe de non-régression permet d’éviter de

vider de toute substance les principes généraux du droit de l’environnement.

Une portée limitée du principe de non-régression validée par le Conseil

Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel est venu valider au préalable ce principe de non-

régression en matière environnementale dans sa décision du 4 aout 2016. Il en a cependant

réduit sa portée197. Ce principe n’a pas directement pour conséquence de créer des obligations

ou des responsabilités nouvelles pour les personnes privées. Finalement, cette obligation

                                                                                                               195 Amendement présenté par CÉSAR MM., HURÉ P., LEROY D. LAURENT, EMORINE, CORNU, VASPART, G. BAILLY et GREMILLET, N° com-2 rect., 3 mai 2016. 196 Amendement présenté par BIZET M. Amendement Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages N° COM-100, 28 avril 2016. 197 FOUCHER K, « Le principe de non-régression devant le Conseil constitutionnel », Constitutions, 2016, p. 487.

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d’amélioration constante du niveau de protection de l’environnement ne s’impose qu’à

l’égard du pouvoir règlementaire et non à l’égard du pouvoir législatif. Les Sages affirment

que « ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque

matière, au pouvoir règlementaire »198. Le principe se trouve alors en quelque sorte vidé de sa

substance puisqu’il n’est pas reconnu comme étant contraignant pour le législateur.

Autrement dit, cela laisse supposer qu’à l’inverse des dispositions règlementaires, les

dispositions législatives pourront être régressives. Cela résulte du fait que ce principe soit

consacré uniquement par la loi. Or, seule la valeur constitutionnelle peut contrainte le

législateur. Il est dommage que le principe ne figure pas dans la Charte de

l’environnement, le Conseil Constitutionnel n’ayant pas été jusqu’à lui conférer la valeur de

principe constitutionnel. Cette consécration aurait pour mérite de renforcer le principe dans la

hiérarchie des normes puisque comme le rappelle Madame Karine Foucher « ce que la loi

peut faire, elle peut ensuite le défaire » 199. Cela réduit de manière significative la portée du

principe. Il est donc à regretter que ce principe ne s’applique qu’aux seules autorités

publiques. Si le champ d’application et les conséquences de ce principe sont en théorie vastes,

il reste toutefois très encadré et limité par la décision du Conseil Constitutionnel. Il se pourrait

qu’avec l’adoption de la loi Biodiversité, le Conseil constitutionnel vienne à analyser

différemment à l’avenir le principe de non-régression. Il serait intéressant que la

jurisprudence vienne dynamiser le principe.

L’apport du législateur et du juge indispensable pour plus de dynamisme du

principe. La loi Biodiversité vise à renouveler l’action publique. Le principe s’impose

d’abord aux pouvoirs législatifs et règlementaires. Il conviendra ensuite au législateur et au

juge d’en préciser les contours, à savoir son champ d’application faisant référence

« dispositions législatives et règlementaires relatives à l’environnement »200 et sa portée.

Au juge de préciser si les autres législations pouvant avoir une incidence sur l’environnement

entrent ou non dans le champ de ce principe. A lui aussi de définir les possibilités ou non d’un

recul et à quelles conditions. Parallèlement, l’expression d’ « amélioration constante » prévu

par le législateur à l’article L. 110-1 9° du code de l’environnement implique un point de

référence à définir. Cela renvoie à un point mobile, le plus haut niveau de protection atteint à

un instant T, au fur et à mesure des modifications règlementaires. Le pouvoir règlementaire ne

pourra pas adopter de normes régressives à partir de ce point. A l’inverse le point fixe

                                                                                                               198 Considérant 10 de la décision du Conseil constitutionnel, 4 août 2016, n° 2016-737-DC. 199 FOUCHER K., « Le principe de non-régression devant le Conseil constitutionnel », op. cit. 200 Article L.110-1 9° du Code de l’environnement.

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correspond à un niveau de protection acquis lors de sa reconnaissance. Le droit de

l’environnement doit tendre vers une amélioration constante, c’est à dire une action vers plus

de protection. Tout l’enjeu repose sur le maintien des équilibres écologiques menacés pour

lutter contre l’érosion de la biodiversité. Les nuisances s’avèrent irréversibles sur la

biodiversité, c’est pourquoi le droit de l’environnement ne peut se permettre de

régresser. Il pourrait être en ce sens intéressant de le coupler au mécanisme d’amélioration

continue de la Roue de Deming (voir Fig.1) pour plus d’efficacité en matière de protection de

la biodiversité. Ce principe est à la base du droit de l’hygiène et de la sécurité au travail. Il va

se diffuser progressivement en management environnemental. L’idée est de faire du principe

de non-régression un principe dynamisé par le couplage avec le principe d’amélioration

continue. En management environnemental, ce principe d’amélioration continue existe déjà et

s’avère efficace pour tendre vers plus toujours de protection. Il repose sur l’idée de cercle

vertueux. Quatre étapes sont envisagées pour permettre l’amélioration continue de la qualité

des biens et services produits tout en s’adaptant aux fluctuations naturelles d’un

environnement qui évolue constamment. Tout d’abord, la première étape du plan consiste à

analyser la situation problématique en vue de planifier les actions à entreprendre. Puis, la

seconde étape vise l’exécution des actions planifiées avant d’en contrôler l’efficacité sur un

problème en menant des tests et des mesures. Enfin, la dernière étape de la roue consiste à

réagir suivant les étapes précédentes. Cette méthode part du postulat que les connaissances et

compétences sont toujours limitées mais peuvent être améliorées. La cale de la roue, telle

l’effet cliquet en droit, symbolise la capacité à maitriser les non-régressions. Il est possible de

se tromper, à condition de s’améliorer. Calqué sur ce modèle d’amélioration continue au droit

de l’environnement présente un grand intérêt pour atteindre l’objectif final de protection de

l’environnement. Appliqué au droit, ce modèle de la Roue de Deming fait penser à cette

même roue de l’effet cliquet pour empêcher les retours en arrière. En combinant le principe de

non-régression à un principe d’amélioration continue, il y a bien une rupture épistémologique.

Fig. 1. La roue de Deming. Source : EID ATLANTIQUE, 2017

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La biodiversité repose sur des dynamiques complexes et des connaissances

scientifiques lacunaires. Sa protection juridique nécessite donc d’évoluer constamment au gré

des nouveaux apports scientifiques afin que le droit soit pertinent dans les faits. Par ailleurs,

notons que le législateur prévoit qu’il s’agit d’une obligation relative. Un recul est toutefois

envisageable « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » à

condition qu’il ne soit pas préjudiciable à la protection de l’environnement.

Ce principe, en acquérant une valeur législative, doit être interprété au regard des droits

et principes de la Charte constitutionnelle de l’environnement. L’article 6 de ladite Charte

consacre le principe de conciliation affirmant que « les politiques publiques doivent

promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en

œuvre de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». Il est donc à

articuler avec le principe de précaution. En effet, est précisé par le Conseil Constitutionnel

que l’amélioration constante de la protection de l’environnement ne fait « pas obstacle à ce

que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de

l'article 5 de la Charte de l'environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution »

201. Le principe de non-régression ne semble pas être applicable aux normes qui remplacent

celles édictées dans le cadre du principe de précaution. Dans un autre temps, l’avocat Arnaud

Gossement avance que ce principe doit avant tout conduire l’Etat à mieux évaluer « l’impact

de ses décisions publiques pour les objectifs et les principes définis au sein du code de

l’environnement »202. C’est d’ailleurs intéressant car il pourrait tendre à une simplification du

droit de l’environnement dans la mesure où une inflation normative n’est pas forcément

souhaitable pour la protection de la biodiversité. Les règlementations environnementales sont

complexes. C’est pourquoi, le foisonnement des textes juridiques en matière d’environnement

est vécu de façon négative par les acteurs du territoire car ils seraient trop complexes et

contraignants à appliquer selon eux203.

C’est au juge désormais de consacrer cette non-régression, appuyé par l’opinion publique qui

doit s’en saisir, en tant que nouveau principe du droit de l’environnement. En ce sens, le

                                                                                                               201 CC, 4 aout 2016, n°2016-737 DC, cons. 13. 202 GOSSEMENT A., « Le principe de non-régression du droit de l’environnement est inscrit dans le code de ‘environnement », Gossement Avocats : Cabinet d’avocats spécialisé en droit de l’environnement, le 9 août 2016. http://www.arnaudgossement.com/archive/2016/08/09/le-principe-de-non-regression-du-droit-de-l-environnement-es-5834779.html 203 Retours d’entretiens avec les acteurs du territoire normand, à savoir des industriels, agriculteurs, élus locaux et associations de protection de l’environnement.

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principe va certainement être invoqué très prochainement par les associations de protection de

l’environnement au niveau départemental dans le cadre de l’adoption des arrêtés préfectoraux

dits « fossés »204. Concernant ces arrêtés, ce sont les préfets qui sont compétents pour fixer les

distances de protection des points d’eau des traitements par pesticides, avec notamment des

zones de non traitement. Ces zones constituent un levier important pour lutter contre la

pollution du réseau hydrographique. Les récents arrêts pris par les préfets de département ont

revu à la baisse les mesures de protection de ces zones. Bien que la situation soit hétérogène

dans chaque région, ces arrêtés se caractérisent par leur régression compte tenu de la

réglementation précédente. La largeur des zones est effectivement laissée à l’appréciation du

préfet, sans prendre en compte le cadre général de l’arrêté posé par l’arrêté de 2006. Aussi la

nouvelle topographie atteste d’une disparition de plusieurs kilomètres de zones protégées sur

les cartes IGN. Par exemple, en Normandie205, des cours d’eaux ont également disparu de la

carte IGN. Les discussions sont en cours au niveau national notamment avec France Nature

Environnement206 pour voir si le principe de non-régression pourrait être soulevé. Pour

l’heure, la région de Normandie ne sait pas encore si elle va engager un recours contre ces

arrêtés. Ces derniers témoignent d’un retour en arrière flagrant en matière de protection de

l’environnement. Le principe de non-régression aurait donc tout intérêt à être invoqué pour

faire évoluer la jurisprudence en la matière et ainsi le faire respecter en pratique.

Bien qu’il soit limité par la décision du Conseil Constitutionnel et pas encore respecté dans

les faits, ce principe pourra toutefois faire l’objet d’une évolution jurisprudentielle future dans

sa conception. La reconnaissance de ce principe reste à prouver dans son apport concret.

Concluons ainsi ces propos sur les dires de Michel Prieur affirmant de façon extrêmement

pertinente que « le recul du droit de l’environnement serait véritablement un crime contre les

générations futures »207.

La transformation des paradigmes juridiques contribue à la complexité d’un monde

dépendant de l’évolution. Cette transformation s’apprécie également à travers la consécration

de mesures de gestion de la biodiversité.

                                                                                                               204 Arrêtés relatifs à l’interdiction dans les départements de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité de l’eau. 205  Arrêté NOR 2350 – 17 – 00058, relatif à l’interdiction dans le département de l’Orne de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité de l’eau, 7 juil. 2017.  206 Retour d’entretien avec Madame C. DAVID, chargée de mission juridique au CREPAN, en date du 10 aout 2017.  207 PRIEUR M., « Le principe de non-régression « au cœur » du droit de l’homme à l’environnement », in Changements fondamentaux globaux et droits de l’homme, Bruylant, 2012, p.136.

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Section 2 : La consécration législative de mesures de gestion de la biodiversité  

Selon le Robert, la gestion se définit par l’action de « gérer une situation, une

crise, y faire face, s’en occuper ». Appliquée à la biodiversité, des mesures de gestion sont

indispensables pour espérer assurer une protection effective de cette dernière et faire face à la

crise de son érosion. Aujourd’hui, la biodiversité dépend véritablement des choix de gestion

des êtres humains. En ce sens, l’esprit de la loi Biodiversité est de renforcer l’action des

acteurs du territoire. Cette action passe par la consécration de mesures de gestion des sites

aussi bien pour prévenir d’éventuelles atteintes que pour les réparer. Le législateur est ainsi

venu créer un nouvel dispositif de gestion et de protection de la biodiversité. Tout d’abord,

l’obligation réelle environnementale s’impose comme un instrument juridique pertinent de

maîtrise foncière à la porter des acteurs du territoire (§1). Concomitamment à cette obligation,

en cas de dommages causés à l’environnement, le législateur est venu renforcer le régime de

la responsabilité civile. L’objectif de la responsabilité est d’éviter les dommages futurs et agir

au nom d’un intérêt collectif. La réparation du préjudice écologique est désormais consacrée

dans le Code civil. Les modalités de réparation de ce préjudice sont particulièrement

intéressantes pour gérer la situation née du dommage environnemental (§2).

§1. L’obligation réelle environnementale : un nouvel instrument juridique de

maitrise foncière

La loi Biodiversité introduit les obligations réelles environnementales, un outil

juridique innovant en faveur de la protection de la biodiversité. Prévu à l’article L.132-3 du

Code de l’environnement, ce régime juridique autorise tout propriétaire de biens immobiliers

à contracter « avec une collectivité publique, établissement public ou personne morale de

droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur

charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que

bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la

conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de biodiversité ou de fonctions

écologiques dans un espace naturel, agricole ou forestier ». Ces obligations permettent ainsi

le recours aux contrats de gestion avec des partenaires privés ou publics. Il existe aujourd’hui

une attente en pratique d’un outil qui permet d’attacher une charge à un bien immobilier pour

qu’il se trouve grevé d’un certain nombre d’obligations. Rappelons que le contrat repose sur

un accord de volontés destiné à produire des effets de droit. Cette obligation réelle

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environnementale relève d’une nouvelle catégorie de contrat cédé par détermination de

la loi à côté du contrat de bail. Ce nouveau renvoi fait par le droit de l’environnement au

contrat de droit privé est tout à fait séduisant pour le notaire Olivier Herrnberger208 car il

illustre selon lui l’ « idée que droit d’environnement, a fait le choix de passer d’un droit

d’interdiction, de prescription, de police administrative à un droit plus actif de contrat et de

mise en valeur ». Ce renvoi au contrat serait donc un signe positif et optimiste de confiance à

l’égard du contrat, estiment les praticiens.

Une obligation réelle environnementale particulière et souple dans son contenu. Le

contenu du contrat de l’obligation réelle environnementale est soumis au droit général des

contrats. Il envisage des engagements réciproques qui s’inscrivent dans la partie des contrats

synallagmatiques et appelle de ce fait une contrepartie, réalisée en une fois ou l’étalée dans le

temps. La mise à disposition du foncier, permet des obligations de faire209 ou de ne pas faire

avec un avantage qui profite à l’environnement. L’obligation est très souple puisqu’elle

peut faire naître toutes catégories d’obligations. Cette souplesse contractuelle est originale

pour le droit des contrats. En contrepartie, les propriétaires privés participent à la protection

de la biodiversité. Le cocontractant qui reste le propriétaire peut s’obliger auprès de divers

organismes tels que les conservatoires régionaux d’espaces naturels, le Conservatoire du

littoral, l’Office national des forêts, entre autres. Par exemple, il peut imposer à ne pas utiliser

de pesticides, ne pas couper des arbres, préserver des prairies etc. en sommes, adopter des

pratiques respectueuses de l’environnement. Ce contrat peut également s’avérer intéressant en

matière de compensation écologique210 car il permet la mise à disposition du foncier avec une

obligation de faire ou de ne pas faire mais également et surtout de contractualiser de manière

pérenne. Cette liberté contractuelle retenue par le législateur se retrouve aussi en termes de

durée. L’obligation réelle environnementale en tant que contrat conclu dans une finalité

purement environnementale a pour mérite à la fois de permettre la gestion de la

biodiversité mais également la pérennité des obligations. C’est cette question de durée qui

a d’ailleurs fait débat lors du projet de loi. Le législateur a finalement retenu la possibilité de

contractualiser de manière pérenne jusqu’à 99 ans. Actuellement cette obligation ne prévoit

                                                                                                               208 HERNBERGER O., « Le point de vue de la pratique » ,intervention dans colloque, La protection de la biodiversité au carrefour des droits public et privé de l’environnement, BILLET P., BOUTONNET-HAUTEREAU M. (dir. sc.), Lyon, le 2 février 2017. 209 REBOUL-MAUPIN N., « Projet de loi sur la biodiversité : enfin la consécration des obligations réelles environnementales », R.T.D.I., juin 2015, p18. 210 Article L. 132-3 2° du Code de l’environnement.

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pas de durée minimale. A l’instar de la servitude211 elle ne peut pas être perpétuelle. Le

contenu de ces obligations est très modulable. Sans fixer de conditions particulières ou de

limites, le législateur affirme que « la durée des obligations, les engagements réciproques et

les possibilités de révision et de résiliation doivent figurer dans le contrat »212. Il est tout à

fait envisageable pour les parties de conclure un contrat d’une durée de 10 ans puis de le

renouveler, l’objectif étant de rester incitatif pour les acteurs du territoire. Pour les durées plus

longues, des dispositifs fiscaux incitatifs peuvent être souhaitables. En effet, un propriétaire

qui accepterait de s’engager à grever son bien en dehors de toute contrepartie mise à part pour

sa satisfaction personnelle d’avoir contribué à la reconquête de la biodiversité peut laisser

dubitatif. Pour l’heure, il existe deux mesures incitatives prévues par l’article L. 132-3 du

Code de l’environnement. D’une part, les communes peuvent librement, « sur délibération du

conseil municipal, exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, les propriétaires

ayant conclu une obligation réelle environnementale ». Les propriétaires peuvent ainsi

espérer obtenir des garanties financières par le biais de dispositifs fiscaux mais également par

le biais d’une rémunération prévue dans le contrat. D’autre part, ces contrats sont dispensés de

droits d’enregistrement ainsi que de taxe de publicité foncière à partir du 1er janvier 2017213.

Le législateur affirme toutefois que « les formes de compensations sont laissées ouvertes ».

Mécanisme incitatif intéressant donc, mais nous pouvons espérer que la faiblesse des

compensations financières ne freine sa généralisation. Pour l’heure, l’incitation fiscale reste

très faible. C’est pourquoi, le rapport du gouvernement prévu à l’article 73 de la loi portera

sur le bilan de la mise en œuvre de cet outil mais aussi sur les solutions pour renforcer son

attractivité, notamment à travers de dispositifs fiscaux plus incitatifs.

Par ailleurs, cette obligation doit durer dans le temps pour espérer protéger la biodiversité de

manière pérenne. C’est pourquoi il convient de prévoir des sanctions pertinentes en cas de

non respect de l’application. La résolution du contrat n’est pas pertinente pour cet outil

puisque le principe est l’exécution du contrat avec une nécessité de garanties dans le temps.

Le législateur favorisant la liberté contractuelle, ce sont aux praticiens de faire preuve de

créativité pour la rédaction de ces contrats. La question dans le temps se pose aussi pour les

obligations attachées à un immeuble qui va bouger, être vendu ou divisé. Parallèlement, en

matière environnementale se pose la question de l’évolution dans le temps et de la vérité

                                                                                                               211 Voir en ce sens, MARTIN G. « Pour l'introduction en droit français d'une servitude conventionnelle ou d'une obligation propter rem de protection de l'environnement », R.J.E., volume 33, numéro 1, 2008, p. 123. 212 Article L. 132-3-I 3° du Code de l’environnement.  213 Article 33-III    

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scientifique liée à l’évolution des connaissances. Il serait pertinent que le contrat envisage des

clauses d’imprévision de gestion dans le cas des longues durées.

Enfin, la particularité notable de cette obligation est son caractère « réel ». Il s’agit là d’une

originalité pour le droit des biens car elle n’existe pas, il n’est pas prévu d’obligation réelle.

Cela signifie qu’elle vient créer des obligations environnementales intuitu rei214 à la charge du

propriétaire foncier mais aussi des propriétaires successifs. Ce mécanisme est intéressant pour

préserver durablement la biodiversité.

Un instrument écologique particulièrement favorable à la biodiversité. Ce nouvel

outil juridique présente de nombreuses potentialités et perspectives intéressantes à la portée

des acteurs du territoire pour protéger la biodiversité. Il est destiné à faciliter la mise en œuvre

et la gestion des pratiques favorables à la biodiversité sur les terrains agricoles et naturels. En

encourageant une gestion durable des milieux, la loi ouvre la possibilité aux citoyens de

s’impliquer en faveur de la biodiversité. Tout d’abord, il vient se substituer aux réserves

naturelles volontaires, supprimées depuis 2002. L’obligation réelle environnementale peut

être utilisée pour diverses fins. Il s’agit d’un outil de valorisation de la participation de

l’Homme à la protection de l’environnement. A titre d’exemple, la Ville de Caen215 nous a

fait part de sa volonté de mettre en valeur les orchidées dans la ville et organiser des sentiers

pédagogiques pour sensibiliser les citoyens. L’obligation réelle environnementale trouverait à

s’appliquer en l’espèce pour demander aux propriétaires de jardins alentours de ne planter que

ces variétés ou bien de prévoir des zones de fauche tardive. Autre exemple de territoire avec

les associations de protection de l’environnement normandes dont le CREPAN qui nous a fait

part de sa difficulté à sensibiliser les agriculteurs à préserver les marais de la Dives, zone

humide sensible sans statut juridique protecteur. Les agriculteurs plantent des peupleraies sur

des parcelles non cultivables et ce, au détriment des cours d’eaux alentours. Là encore un

contrat pourrait empêcher les propriétaires fonciers de planter des peupleraies au profit

d’autres essences moins gourmandes en eau. Parallèlement, la commune en collaboration

avec le CREPAN216 souhaite développer des sentiers pédagogiques sur cette zone mais n’a

pas les moyens pour racheter des terrains. Là encore, contractualiser avec les agriculteurs sur

des parcelles inexploitables serait particulièrement intéressant. Par ailleurs, l’obligation réelle

environnementale peut également être utilisée pour mettre en œuvre des politiques publiques                                                                                                                214 ETRILLARD C., « La compensation écologique : une opportunité pour les agriculteurs », Revue de droit rural, n°441, mars 2016, étude 10, repère 22. 215 Rencontre avec Monsieur F. CHANTELOUP, Directeur des espaces verts de la ville de Caen, au Jardin des Plantes de Caen, le 18 juillet 2017. 216 Comité Régional d’Etude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature en Normandie.

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dans différents domaines tels que l’eau, les forêts ou encore les sites contaminés.217 L’intérêt

reste sa grande souplesse dans son contenu. C’est un outil contractuel qui peut s’adapter

aux situations de terrain et créer des obligations attachées à ce terrain. En ce sens, le

mécanisme est modulable, il peut ainsi protéger des captages d’eau ou bien les zones voisines

de parcs nationaux entre autres.

En tant que mécanisme incitatif, les motivations qui peuvent pousser les propriétaires privés à

recourir à l’obligation réelle environnementale sont les contreparties. Les terrains, s’ils ne

sont pas constructibles ou économiquement exploitables peuvent être vécus comme une

charge pour le propriétaire foncier. Une contrepartie financière ou technique notamment à

travers l’instauration d’aides à l’entretien ou à la gestion peuvent être une réelle opportunité.

Il s’agit de leviers pour les inciter à agir en faveur de la biodiversité. D’autant plus que ces

actions favorables à la biodiversité peuvent également être valorisées tant au plan touristique

qu’au plan environnemental. Mais à côté de ces incitations financières, ce mécanisme peut

également présenter un intérêt en soi pour le propriétaire. Par exemple plusieurs voisins

peuvent avoir intérêt à contracter avec une association de protection de l’environnement s’ils

souhaitent empêcher de façon durable l’installation de projets immobilier néfastes pour

l’environnement.

L’obligation réelle environnementale présente également l’avantage d’être un

mécanisme qui s’inscrit dans un dans un temps long. En tant qu’instrument juridique de

maîtrise « éco-foncière »218, il s’articule entre utilisations et transmission c’est-à-dire dans le

continuum entre le présent et le futur, plutôt que la propriété foncière. L’idée est d’« autoriser

le propriétaire d’un immeuble à créer, sur cet immeuble, une obligation environnementale

intuiti rei durable et automatiquement transmissible à ses ayants cause, que ceux-ci soient

universels ou particuliers »219. Cette obligation permet donc de grever un fond et oblige les

propriétaires successifs de ce fond en matière environnementale220. L’idée de transmission est

particulièrement importante et intéressante pour aller au delà d’une simple protection. La

biodiversité nécessite une gestion durable dans le temps.

                                                                                                               217 MARTIN G. J., « Obligation réelle environnementale : le dispositif n’est pas assez connu », Actu-environnement, 19 juillet 2017, [En ligne] https://www.actu-environnement.com/ae/news/gilles-j-martin-biodiversite-obligation-reelle-environnementale-dispositif-29417.php4 218 La conceptualisation d’une écologie foncière a été mise en avant par O. Barrière, dans son Mémoire d’habilitation à diriger des recherches Eléments d’une socio-écologie juridique : le droit face à l’urgence écologique, essai d’une anthropologie juridique de l’environnement, présenté par Monsieur Olivier Barrière. 219 Article L. 132-3 du Code de l’environnement. 220 DENIZOT A., « Obligation réelle environnementale ou droit réel de conservation environnementale ? Brève comparaison franco-chilienne de deux lois estivales », RTD Civ. 2016, p. 949.  

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Pour l’heure, nous n’avons pas de retour sur l’utilisation des obligations réelles

environnementales en territoire normand. Bien qu’il nous semble très intéressant pour assurer

la protection de la biodiversité à maints égards, cet outil n’a pas encore été bien saisi par les

acteurs, notamment par manque de connaissances. La mesure reste à développer. Toutefois,

le Professeur Gilles J. Martin précise que le ministère de l’Ecologie est en train d’élaborer un

guide pratique sur les usages de cet outil, suite à la réunion d’un groupe de travail221. La

limite majeure de ce mécanisme repose dans sur son manque de connaissance de la part des

acteurs du territoire, aussi bien privés que publics. Pour autant, une réelle demande émerge de

la part des acteurs normands notamment de la part des élus locaux.

A titre d’exemple, Rouen Métropole, concourant au titre de Capitale française de la

biodiversité, exprime sa volonté de protéger la biodiversité à travers la mise en œuvre de

documents d'urbanismes assurant la protection de la biodiversité222. Toutefois, des limites

liées la portée juridique de ces instruments tels que le SRCE ou le PLU sont soulevées par la

collectivité. En effet, seulement une obligation de moyen est exigée par ces documents et non

une obligation de résultat. Deux stratégies de gestion ont été alors avancées par la Métropole.

D'une part, la logique de rachat du foncier est envisagée par la Ville mais celle-ci se trouve

limitée par rapport au manque de moyens financiers. D'autre part, la Métropole envisage de

faire du conventionnement avec les propriétaires un axe de développement stratégique

prioritaire pour favoriser une gestion pérenne de la biodiversité. C'est en cela que l'obligation

réelle prendrait tout son sens. La gestion est une problématique importante en matière de

biodiversité. Une gestion lacunaire est défavorable malgré les mesures de protection.

Néanmoins, la protection ne vaut pas gestion. Il en va de même pour les associations de

protection de l’environnement pour qui cet outil pourrait être pertinent et leur permettre

d’aller au-delà des actions de sensibilisation et avoir une mainmise sur la plus long terme.

Autre exemple concernant les agriculteurs, l’agro-écologie peut elle aussi s’inscrire en

harmonie avec cet outil et être par conséquent une façon pour l’agriculteur d’obtenir une aide.

Toutefois, ce manque de connaissances reflète la difficulté d’appliquer le droit national aux

réalités concrètes de terrain. Un mécanisme utile certes, mais encore trop peu connu des

acteurs du territoire. Novateur, il peut paraître difficile d’admettre que les personnes privées

puissent poursuivre une action dans un but d’intérêt général. Le Professeur Gilles J. Martin

                                                                                                               221 MARTIN G. J., Obligation réelle environnementale : le dispositif n’est pas assez connu », Ibid. 222 Entretien téléphonique avec Monsieur G. FRESNEL, Directeur adjoint de l’Environnement, Rouen Métropole, le 13 juillet 2017.

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conclu ainsi que « si le contrat peut être porteur de valeurs d'intérêt général, le droit des

biens peut également être utilisé à cette fin »223.

En outre, cette obligation est très intéressante en matière de protection de la

biodiversité dans la finalité de ses obligations puisqu’elle vise véritablement la restauration, la

gestion d’éléments de biodiversité ou de fonctions écologiques. Toutefois, ce contrat, en plus

d’être volontaire, se caractérise par son absence de statut permanent. Les obligations réelles

environnementales peuvent alors apparaître comme étant moins protectrices que les outils

règlementaires. Il s’agit là de la principale limite à cet outil novateur. Parallèlement, la

réparation du préjudice écologique suscite tout autant l’intérêt en matière de gestion de la

biodiversité.

§2. La réparation du préjudice écologique : une mise en œuvre favorable à la

biodiversité

L’introduction des analyses écologiques au droit s’insère dans l’évaluation du

dommage écologique. La loi Biodiversité est venue renforcer de manière opportune les

éléments constitutifs de la défense de la nature au niveau de la réparation. A travers la

consécration de la réparation du préjudice écologique, il est affirmé que « la nature est un

intérêt digne de protection »224.

L’opportunité de la loi Biodiversité est à la fois de consolider la jurisprudence, sécuriser un

régime de réparation applicable au préjudice écologique et clarifier les règles adaptées aux

spécificités d’un préjudice objectif et collectif.225 Le droit de la responsabilité civile contribue

ainsi à renforcer la protection de l’environnement. Le préjudice écologique a tout d’abord été

consacré par la jurisprudence dans l’affaire de l’Erika. Dans son arrêt du 25 septembre 2012

la chambre criminelle est venue consacrer la réparation du préjudice écologique dans le cadre

d’une action en responsabilité civile en précisant que le préjudice écologique résulte d’une

atteinte directe ou indirecte à l’environnement. La loi du 8 août 2016 introduit un Chapitre III

intitulé « La réparation du préjudice écologique » et consacre ainsi le préjudice écologique.

L’article 1246 du Code civil prévoit que « toute personne responsable d’un préjudice

écologique est tenue de le réparer ». Désormais inscrit dans le Code civil, l’article 1247

                                                                                                               223 Ibid. 224 HAUTEREAU-BOUTONNET M., « Faut-il accorder la personnalité juridique à la nature ? », Recueil Dalloz 2017, p.1040. 225 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p.924.

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dispose que « est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice

écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des

écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». A titre

d’exemple il peut s’agir de la disparition de certaines espèces, d’une altération de fonctions

écologiques, destruction d’un écosystème, atteinte à la faculté de reproduction d’une espèce…

Cette définition reprend la proposition du rapport Jegouzo s’inspirant de l’éco-

nomenclature226. Elle se veut « fonctionnelle » dans le sens où elle renvoie aux éléments et

fonctions des écosystèmes. Elle est donc « biologique »227 , en faveur de la préservation la

biodiversité. Cette définition renvoie ainsi à trois éléments, à savoir « aux éléments des

écosystèmes », vivant ou non vivant, « aux fonctions des écosystèmes », c’est-à-dire aux

interactions et les « bénéfices collectifs » de l’Homme. La distinction est ainsi faite avec d’une

part les éléments des écosystèmes et leurs fonctions et d’autre part les bénéfices rendus à

l’Homme, tels que la pollinisation par exemple228. Ces derniers interpellent car il n’est pas fait

référence aux services mais bien aux bénéfices, nous pouvons donc nous demander si cela

doit renvoyer aux « services écosystémiques ». De plus contrairement aux deux premiers qui

font référence à l’environnement per se, ce dernier fait référence au préjudice collectif

subjectif. Par ailleurs, le souci de cette définition du préjudice écologique est qu’elle ne fait

pas le lien avec la définition de la biodiversité consacrée dans la loi229. Selon Madame Marie-

Pierre Camproux-Duffrene, « si on pense la loi de manière globale, il aurait fallu que l’on

retrouve les éléments du patrimoine commun de la nation dans le préjudice écologique »230.

Aussi, il est fait mention à « une atteinte non négligeable », ce qui laisse sous-entendre que

tous les préjudices écologiques ne sont pas réparables. Dans tous les cas, cette extension de la

notion du préjudice écologique réparable vient consacrer le devoir de l’Homme qui est de ne

pas porter atteinte à l’environnement.

Un champ d’action élargie favorable à la protection de la biodiversité. En vertu de

l’article 1248 du Code civil « l’action est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à

agir ». Une liste vise ainsi « l’Etat, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités

territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements                                                                                                                226 Rédigée par des juristes, des économistes et des écologues. NEYRET L., MARTIN G.-J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, L.G.D.J., 2012, p.313 s. 227 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 228 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p.924. 229 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2017, Strasbourg. 230 Ibid.  

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publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date

d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature ou la défense de

l’environnement ». Précédée de la notion « telle que » cette liste n’est donc pas exhaustive

mais plutôt indicative ce qui lui donne une vision extensive. En effet, la loi a donc pour mérite

d’élargir le champ d’action, puisque n’étant pas limitative, elle ne risque pas d’être

incomplète. Nous pouvons ainsi supposer qu’au delà des personnes ciblées dans l’article,

l’ensemble des professionnels qui travaillent en lien avec l’environnement tels que par

exemple les agriculteurs, entreprises, opérateurs de compensation… pourraient eux aussi

avoir un intérêt à agir en réparation du préjudice écologique. Pour autant, cela ne doit pas

aboutir à une action populaire, l’intérêt doit rester l’action en protection de l’environnement.

La seule référence aux associations protectrices de l’environnement aurait pu faire craindre un

retour en arrière par rapport à la jurisprudence judiciaire qui s’était déjà positionnée en

retenant qu’ « une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs, dès lors que

ceux-ci entre dans son objet social ».231 Au contraire, cette action ouverte désormais à « toute

personne ayant qualité et intérêt à agir » laisse la possibilité au juge de « maintenir une

jurisprudence extensive »232. Toutefois, il convient ici de rappeler que la réparation du

préjudice écologique n’est pas une réparation du préjudice causé à une personne, il s’agit bien

de l’environnement. Pour l’avocat Christian Huglo, se pose la question du droit de demander

réparation puisque toute personne qui prendra l’initiative de la réparation du préjudice

écologique, se sacrifie en quelque sorte pour l’intérêt collectif. Il parle en ce sens de véritable

« bénévolat »233. Une avancée donc, à suivre en pratique.

Une réparation en nature pertinente pour la protection de la biodiversité. En matière

de préjudice écologique il n’y pas de préjudice personnel dans la mesure où l’environnement

n’a pas de personnalité juridique. En droit français de la responsabilité civile, deux modes de

réparation d’un préjudice sont possibles. D’une part, la remise en état correspond, au retour à

l’état initial. D’autre part, la réparation par équivalent peut se faire en nature ou bien en

réparation monétaire par le biais d’une indemnisation. Dans tous les cas, le juge qui fixe les

modalités de réparation doit respecter le principe de réparation intégrale. La réparation

doit donc réparer tout le dommage et rien que le dommage. Le juge doit choisir les mesures

de réparations qui seront les plus adaptées au dommage. En matière environnementale le juge                                                                                                                231 Civ. 3e, 26 septembre 2007, n°04-20.636, Recueil Dalloz 2007, p 2535. 232 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, p. 924. 233 HUGLO C., « Réparation du préjudice écologique et juge administratif » ,intervention dans colloque, La protection de la biodiversité au carrefour des droits public et privé de l’environnement, BILLET P., BOUTONNET-HAUTEREAU M. (dir. sc.), Lyon, le 2 février 2017.

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est limité puisqu’il doit privilégier la réparation en nature ou par équivalent en nature. Il devra

dans ce cas prendre en compte les progrès scientifiques et technologiques. L’un des

principaux apports du nouveau régime légal de la réparation du préjudice écologique tient à la

particularité de ses modalités de réparation retenues. Le principe fondamental en droit de la

responsabilité civile suppose que « la réparation du préjudice doit avoir pour objet de

replacer la victime autant qu’il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait

dommageable n’avait pas eu lieu »234. Déjà dans son Livre vert, la Commission européenne

relevait que « la remise en état représente le seul remède écologiquement valable »235.

Introduite à l’article 1249 alinéa 1 du Code civil, « la réparation du préjudice écologique

s’effectue par priorité en nature ». En cela, la loi se distingue de la jurisprudence. Ce nouveau

régime a la spécificité de limiter la liberté des juges du fond quant aux choix du mode de

réparation du préjudice. Cette dérogation a pour objectif de privilégier la restauration de

l’environnement, lui-même endommagé. Réparer le préjudice écologique par priorité en

nature présente l’avantage de revenir aux équilibres antérieurs, donc d’assurer véritablement

une restauration du milieu. Remettre l’environnement en l’état initial, tel est l’objectif qui est

recherché en matière de réparation environnementale. Cette réparation apparaît donc comme

étant la plus pertinente en matière de dommage écologique, la plus appropriée pour protéger

l’environnement et la biodiversité. Elle permet une gestion du site et contribue à la

pérennisation de l’environnement malgré sa dégradation. Cela évite ainsi l’aspiration

financière. La finalité du droit de l’environnement est bien une protection pour

l’environnement. La réparation en nature doit être la plus complète possible. Celle-ci a depuis

toujours été l’un des objectifs recherchés dans le Code de l’environnement. Par ailleurs, cette

grande avancée relève d’une grande complexité juridique et scientifique, notamment si le

préjudice est toujours en cours ou a été réalisé plusieurs années avant la sanction. Une limite

tient ainsi à une « impossibilité de fait » liée aux manques de connaissances scientifiques ou

compétences techniques en cas de dommage irréversible qui ne saurait être compensé par

équivalent naturel. Aussi, « en cas d’impossibilité de droit ou de fait ou d’insuffisance des

mesures de réparation, le juge condamne à verser des dommages-intérêts » prévu à l’article

1249 alinéa 2 du Code civil. La réparation du préjudice peut donc prendre, à titre subsidiaire,

la forme d’une condamnation à des dommages et intérêts, si la réparation en nature s’avère

impossible ou inopportune. Ils jouent un rôle complémentaire, à la condition que ceux-ci                                                                                                                234 Rapport du groupe de travail JEGOUZO Y., installé par Mme C. TAUBIRA, Garde des sceaux, ministre de la Justice, Pour la réparation du préjudice écologique, Ministère de la Justice, 17 sept. 2013, p 43 235 Livre vert sur la réparation des dommages causés à l'environnement, 14 mai 1993, COM(93) 47 final, point 2.1.10.

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soient affectés « exclusivement à la réparation de l’environnement dégradé ». Il y a donc une

véritable obligation d’affectation des dommages-intérêts à la réparation de l’environnement,

ce qui déroge au principe de la libre utilisation des dommages et intérêts. En donnant la

priorité au demandeur236, l’idée de la loi est d’encourager les associations de protection de

l’environnement à agir « au titre » du préjudice écologique. A titre subsidiaire les dommages

et intérêts sont alloués à l’Etat. Quels que soit les destinataires, ceux-ci sont obligés de

« justifier l’affectation des sommes à l’environnement lui-même »237. La loi permet le cumul

de la réparation en nature et de la réparation pécuniaire si la première ne permet pas une

réparation du préjudice intégrale.

La réparation en nature présente de nombreux intérêts en matière de protection de la

biodiversité. Tout d’abord celle-ci permet d’affecter les sommes versées directement à la

restauration de l’environnement. Cela se distingue de l’indemnisation puisque le

responsable est obliger de payer le coût des travaux de la remise en état ou de

l’équivalence naturelle. Le principe d’équivalence entre le dommage et la réparation

implique d’adapter les modalités de réparation. Aussi, il a la charge financière et la

responsabilité d’une obligation de faire. Ensuite, le grand intérêt de la réparation en nature

pour protéger la biodiversité est d’éviter de donner un prix à la nature. On se détache donc en

ce sens de l’analyse économique pour se rapprocher d’une analyse écologique. L’évaluation

de l’importance du dommage doit s’effectuer d’un point de vue écologique. Celle-ci permet

de raisonner sur le milieu naturel endommagé dans sa globalité et pendant toute la durée de

l’impact du dommage. Il s’agit d’une évaluation forfaitaire ou pouvant correspondre à un

budget dépensé en pure perte pour gérer les biens naturels qui ont été détruits. La

monétarisation ne porte pas directement sur la biodiversité mais bien sur le coût de cette

réparation en équivalent naturel, et non sur l’atteinte à la nature. La valeur monétaire

représente la valeur d’usage ou de non usage, fondée sur le coût de remplacement et de

restauration. De ce fait, il s’agit bien du coût de la réparation, de la restauration.238

Toutefois, malgré les évolutions de ce nouveau régime légal, des évolutions restent à parfaire

quant à sa mise en œuvre en pratique. Plusieurs voies d’amélioration sont envisageables selon

le Professeur Laurent Neyret pour permettre une véritable protection de l’environnement,

                                                                                                               236 Article 1249 alinéa 2 du Code civil. 237 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p. 924.  238 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2016-2017, Strasbourg.

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notamment en matière de gestion. Ces améliorations relèvent de la nécessité d’une

nomenclature. L’idée est de « mieux nommer les préjudices »239. Il convient de préciser les

modalités de réparation en nature du préjudice écologique. Il est donc utile de s’appuyer sur la

Directive 2004/35/CE 21 avril 2004 relative à la responsabilité environnementale en ce

qu’elle prévoit que « mesures de réparation » s'entendent de « toute action, ou combinaison

d'actions, y compris des mesures d'atténuation ou des mesures transitoires visant à restaurer,

réhabiliter ou remplacer les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés ou

à fournir une alternative équivalente à ces ressources ou services »240. Les mesures de

réparation en nature doivent suivre les trois catégories suivantes en vertu de l’article 162-9 du

Code de l’environnement : la réparation primaire241, complémentaire et compensatoire. La

solution de l’indemnisation est bien écartée dans la directive, mettant en avant la réparation en

nature. Ces modalités de réparation en nature doivent servir de modèle242. Par ailleurs, l’idée

est également de « mieux évaluer »243. Le prix de la nature reste difficile à évaluer.

L’évaluation monétaire porte sur le coût de cette réparation en équivalent naturel, et non sur

l’atteinte à la nature. De ce fait, la valeur monétaire représente la valeur d’usage ou de non

usage, fondée sur le coût de remplacement et de restauration. Il s’agit donc bien du coût de la

réparation, de la restauration. 244 Et enfin, il est également nécessaire de « mieux

coordonner »245.

Bien que la mesure semble favorable à la protection de la biodiversité, sa mise en œuvre

amène à se demander si une telle protection est réellement possible en pratique. Comme le

rappelle l’avocat Christian Huglo « le droit n’existe que s’il est effectif »246. La réparation

                                                                                                               239 Commission environnement du Club des juristes, "Mieux réparer le dommage environnemental, rapport du 14 mars 2012. http://www.leclubdesjuristes.com/les-commissions/inscrire-la-responsabilite-environnementale-dans-le-code-civil/ 240 Article 2 paragraphe 11 de la directive transposée aux articles L. 156-6 et s. du Code de l’environnement. 241 Le but de la réparation primaire est de revenir à l’état initial du site avant la dégradation. . Si cela n’est pas possible, la réparation complémentaire sera envisagée. Il s’agit de la réparation en équivalent, une opération de substitution en nature, de lieux ou d’espèce. Enfin la réparation compensatoire prend en compte les pertes subies entre la réalisation du dommage et le moment où la restauration a produit son effet. Il s’agit de pertes intermédiaires. Celle-ci ne concerne uniquement la réparation de dommages temporels. 242BLIN-FRANCHOMME M.-P., « Le préjudice environnemental dans tous ses états », Lamy Droit des Affaires, n°78 janvier 2013, p. 78. 243 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p. 924.  244 Cours dispensé par CAMPROUX-DUFRENNE M.-P., Protection de la biodiversité, année universitaire 2016-2017, Strasbourg. 245 NEYRET, L, « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil », Recueil Dalloz 2017, op. cit., p. 924. 246 HUGLO C., « Réparation du préjudice écologique et juge administratif » ,intervention dans colloque, La protection de la biodiversité au carrefour des droits public et privé de l’environnement, BILLET P., BOUTONNET-HAUTEREAU M. (dir. sc.), Lyon, le 2 février 2017.

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suppose l’apport de preuves scientifiques. Le droit de l’environnement ne peut exister sans

l’apport de preuves et données scientifiques.

Outre ce renouvellement de l’imaginaire juridique à travers l’instauration de nouveaux

principes dynamiques et la consécration d’outils en faveur de la gestion de la biodiversité, la

loi Biodiversité impulse également un renouvellement institutionnel. La protection de la

biodiversité passe nécessairement par un renouvellement de gouvernance.

CHAPITRE 2 : Le renouvellement de la gouvernance au service de la protection sociétale de la biodiversité

La loi Biodiversité a consacré un titre entier au renouvellement de la gouvernance de

la biodiversité, dans un souci de rationalisation et d’amélioration de la gouvernance.

L’objectif mis en avant par le législateur était de mettre en œuvre une gouvernance claire afin

d’appuyer l’action publique sur les plans scientifiques, techniques et sociétaux. 247 La

gouvernance s’entend d’un « processus de prise de décision, de régulation des pratiques, en

termes d’actions et d’interventions sur un territoire, et également de mise en œuvre des

politiques publiques ». Ainsi entendue comme un processus décisionnel qui vise l’intégration

des acteurs publics et privés, partenaires pour « une meilleure efficacité de l’action

publique », elle joue un rôle majeur dans la protection de la biodiversité. La mobilisation des

acteurs du territoire est cruciale mais nécessite une convergence des connaissances. Le

renouvellement des principes de gouvernance territoriale passe par des méthodes de co-

construction. La collaboration est une véritable opportunité pour élaborer des territoires de

solidarité et protecteurs de la biodiversité. Traditionnellement, la gouvernance de la

biodiversité est mise en œuvre de manière descendante par l’Etat, les autorités locales et les

collectivités territoriales, à travers une gouvernance institutionnelle top/down248 afin de faire

se rencontrer les préoccupations locales. Le renouvellement à l’échelle régionale s’inscrit

dans ce sens à travers la création de nouvelles institutions protectrices de la biodiversité

(Section1). Par ailleurs, l’accompagnement des acteurs dans cette démarche de protection est

un corollaire indispensable pour renforcer la protection de cette diversité biologique

(Section2). Cet autre mode de gouvernance repose sur l’idée de coopération et de co-

                                                                                                               247 Projet de loi relatif à la biodiversité, n° 1847, déposé le 26 mars 2014 à l’Assemblée Nationale. 248 Du haut vers le bas.

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construction de l’intérêt commun. Favoriser un traitement équitable entre les différentes

parties prenantes s’intègre dans une approche bottom/up249 particulièrement intéressante. Il

est nécessaire d’agir à l’échelle locale pour espérer adapter la protection de la biodiversité. La

loi confirme par ailleurs l’importance de la région en tant qu’échelon majeur en matière de

compétence environnementale.

Section 1 : La création d’institutions spécifiques protectrices de la biodiversité à l’échelle régionale Des auteurs affirment que la « région est l’unité cohérente de conservation de la

diversité »250, tant biologique que des besoins humains. La loi Biodiversité s’inscrit dans le

prolongement de la rationalisation et l’amélioration de la gouvernance, amorcée par les lois

Grenelles. La promotion de la compétence régionale étaient déjà impulsée dans la loi NOTRe

du 7 août 2015 et dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la

croissance verte. La Région est chargée d’une nouvelle compétence qui s’intègre au

prolongement de sa fonction planificatrice251. Elle est en effet amenée à définir et mettre en

œuvre une Stratégie régionale de la biodiversité, tout en prenant en compte les orientations de

la Stratégie nationale252. Selon la formule du Professeur Bertrand Faure, la loi Biodiversité

vient confirmer un certain « leadership régional » 253 relatif à l’environnement à travers la

création de deux nouvelles instances pour la biodiversité. D’une part, la création d’Agences

régionales pour la biodiversité constituent un véritable atout pour les territoires (§I). D’autre

part, la mise en place de Comités régionaux pour la biodiversité devient une nouvelle

institution consultative (§2). Les deux institutions seront par ailleurs complémentaires.

§1. La création d’Agences Régionales pour la Biodiversité

La loi Biodiversité a consacré un titre entier à l’Agence française pour la biodiversité

(AFB). Cette mesure phare s’impose en tant que nouvel opérateur au service d’une conception

                                                                                                               249 Du bas vers le haut. 250 F. PINTON, H. RAKOTO-RAMIARANTSOA, C. AUBERTIN, « Les espaces protégés comme lieux de l’innovation sociale. De Madagascar, l’île rouge, à la forêt brésilienne », op. cit., p.168, M. CASTRO, contribution à l’École thématique du CNRS, La notion de services écosystèmiques et ses applications. Examen critique et interdisciplinaire, Montpellier, 10-14 juin 2013. 251 VAN LANG A., « La loi Biodiversité du 8 aout 2016 : une ambivalence assumée », A.J.D.A., 2016, op cit. p. 2492 252 Article L. 110-1 du Code de l’environnement. 253 FAURE B., « Le leadership régional : nouvelle orientation du droit des collectivités locales ? », A.J.D.A 2015, p 1898.  

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globale de la biodiversité, un nouvel outil d’expertise et de pilotage. La création de ce nouvel

établissement public administratif de l’Etat est issue de la fusion de plusieurs instances

préexistantes, à savoir l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques, du groupement

d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels, de l’Agence des aires marines

protégées et des parcs nationaux de France. La loi prévoit, pour assurer sa pleine efficacité, la

possibilité de mettre en place des délégations régionales. Les Agences Régionales de la

Biodiversité (ARB) sont créées en partenariat avec les régions se portant volontaires. Prévue à

l’article 21 de la loi Biodiversité « l’agence française pour la biodiversité et les collectivités

territoriales coordonnent leurs actions dans les domaines d'intérêt commun. Les régions et

l‘Agence française pour la biodiversité peuvent mettre en place conjointement des

délégations territoriales, dénommées agences régionales de la biodiversité, auxquelles

peuvent notamment s'associer les départements, en particulier au titre de leur compétence en

matière d'espaces naturels sensibles ». Une grande marge de manœuvre est laissée aux

régions.

Des agences régionales de la biodiversité créées au plus proche des enjeux

territoriaux. La mise en place d’Agences régionales pour la biodiversité intervient au renfort

de l’Agence nationale dans les régions, pour être au plus proche des enjeux territoriaux. La

forme juridique de ses agences régionales et leur statut peuvent être variées. Il peut en effet

s’agir d’établissement public de coopération environnementale, de groupement d’intérêt

public, d’association, etc. La loi précise que les régions peuvent créer conjointement ces ARB

avec l’AFB. Ces agences impulsent une nouvelle dynamique territoriale. Elles présentent

l’avantage d’être souples. Elles peuvent s’adapter aux spécificités de chaque territoire. Il est

indispensable de prendre en compte des contextes locaux pour adapter la protection de la

biodiversité. La loi Biodiversité prévoit également la possibilité pour ces ARB d’exercer

toutes les missions de l’AFB ou bien une partie de ses missions, à l’exception seulement des

missions de police de l’environnement. Pour l’heure, sept régions se sont engagées avec

l’AFB en signant une convention de préfiguration d’une AFB. Il s’agit des régions

Normandie, Bretagne, Occitanie, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté et

Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle-Aquitaine. La forme de ces agences régionales de la

biodiversité est cependant laissée à l’appréciation des régions elles-mêmes.

C’est ainsi que la région Normandie, dernière en date, a saisi l’opportunité de cette Agence

régionale de la biodiversité en signant son engagement en juin 2017. En cours de création,

celle-ci verra le jour début 2018. Cette démarche est à construire avec l’ensemble des acteurs

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du territoire. Pour l’heure, certaines missions et pistes de gouvernance semblent se profiler de

façon évidente mais ne sont par conséquent pas définitivement établies. Toutefois, cette

agence n’étant pas encore créée, ces propos se voudront n’être que de simples suppositions

basées sur les réunions de travail des acteurs du territoire normand254. Une véritable volonté

de la Région a émergé dans le but de mobiliser l’ensemble des acteurs socio-économiques,

décloisonner la recherche sur la biodiversité. Concernant la gouvernance, l’objectif souhaité

en créant ces agences est de limiter l’institutionnalisation afin de créer des instances actives et

efficaces qui précisent le rôle de chacun. Il est nécessaire de faire preuve de simplicité avec

pour ligne directrice de créer du lien et d’éviter les redondances. La gouvernance de la future

agence doit favoriser l’organisation de l’intelligence collective par le biais d’une structure

cohérente. L’intérêt repose sur le fait de mettre en place une gouvernance simple. Celle-ci

pourra être testée dans un premier temps et être améliorée par la suite. Par ailleurs, au delà des

associations naturalistes, cette future Agence devrait également associer des chercheurs

d’autres disciplines dans le but de recueillir un avis scientifique pluridisciplinaire en associant

des géographes, sociologique, économistes, juristes etc. Cette pluridisciplinarité doit

permettre d’assurer un regard transversal sur la biodiversité. La mise en place d’une instance

participative, de concertation et d’orientation et d’une instance de décision semble se dégager

naturellement des scénarios les plus probables évoqués par les acteurs du projet.

Des agences régionales de la biodiversité aux missions souples et larges. De

nombreuses attentes ont été mises en avant par les acteurs du territoire255 pour la création de

cette future ARB de Normandie. Celle-ci se verra attribuer un rôle de coordination des acteurs

de la connaissance, d’accompagnement de l’Observatoire de la biodiversité de Normandie

dans la définition des protocoles, de mise en relation avec les autres régions,

d’accompagnement et d’incitation à la coopération entre les acteurs, de coordination et de

valorisation des résultats de suivis mais aussi d’articulation des différentes échelles de suivi.

Elle contribuera à l’amélioration des connaissances des acteurs et servira d’appui à la

définition concertée d’indicateurs régionaux. Elle servira d’appui à la diffusion des

connaissances. Concernant les potentielles missions de cette Agence, un besoin de

coordination et de mise en cohérence sur de nombreux domaines a été avancé par les

partenaires. La mutualisation, l’apport d’outils partagés, la simplification de l’accès à

l’information, la valorisation de l’existant, la transversalité thématique et le

                                                                                                               254 Compte rendu de la réunion de travail du 29 juin 2017 à Caen. 255 42 structures régionales ont participé à l’élaboration de cette future Agence Régionale de la Biodiversité.

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multipartenariat256, l’espace d’échanges et de concertation sont attendus. Par ailleurs, cette

future Agence se verra aussi dotée d’un rôle d’appui de niveau régional. Elle sera là pour

guider, notamment pour l’établissement des atlas de la biodiversité communale affirme

Olivier Fauriel257. Elle sera porteuse de la Stratégie régionale en faveur de la biodiversité.

Cette future Agence aura une mission de représentation institutionnelle. Elle devra également

porter des projets complexes d’enjeu régional. Enfin, il est à espérer que cette agence pourra

combler les manques de connaissances actuels sur le territoire pour favoriser la protection de

la biodiversité. Celle-ci devrait servir d’animation d’un réseau des collectivités afin de les

faire interagir et coopérer mais aussi d’un réseau des gestionnaires d’espaces naturels. Cette

agence devrait également se charger de développer des publications régionales d’aide à la

connaissance. Il serait aussi intéressant pour cette Agence de combler les manques relatifs à

l’apport d’ingénierie financière, en appui au montage de dossiers complexes et un appui en

ingénierie géomatique et biostatistique. L’Agence devrait accompagner les territoires et

financer les projets. En ce sens, répondre ainsi à ces missions ferait de cette nouvelle agence

un outil véritablement novateur. Les ARB sont un atout pour les territoires. Leur grande

souplesse témoigne par ailleurs leur caractère innovant. En l’absence de cadre préétabli,

l’organisation de cette agence se fait sur-mesure par la Région, en fonction de ses ambitions et

de son contexte territorial. L’ARB repose sur une organisation partenariale.

Les acteurs du territoire normands insistent bien sur la volonté de faire de l’Agence Régionale

de la Biodiversité un outil facilitateur qui repose sur l’idée de mutualisation. Sa gouvernance

élargie est intéressante car elle associe les collectivités territoriales et les établissements

publics, les associations de protection de l’environnement, les organisations de la chasse et de

la pêche, mais aussi la recherche et les acteurs économiques. Cet outil doit permettre de

faire dialoguer des acteurs dont les niveaux de connaissances et les disciplines sont

différents. En complément à cela, l’Agence devra pouvoir porter des actions

opérationnelles à l’aide d’un appui technique ou bien par la prise en charge des projets

les plus complexes ou pionniers en complémentarité des acteurs existants. La

communication doit être un des axes de travail prioritaires de la future Agence.

                                                                                                               256 Entre les collectivités, entreprises, particuliers etc. 257Directeur interrégional Hauts de France-Normandie de l’Agence française pour la biodiversité, intervention lors des rencontres nationales de l’IRD2, Caen 2 et 3 mars 2017.  

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A côté de cette nouvelle instance régionale, la loi Biodiversité vient également

créer des Comités Régionaux de la Biodiversité. Les instances de l’Agence Régionale de la

Biodiversité ne doivent pas se superposer au Comité Régional de la Biodiversité.

§2. La création de Comités Régionaux de la Biodiversité

Des nouveaux Comités Régionaux de la Biodiversité très institutionnalisés. La loi

Biodiversité vient également créer des Comités régionaux de la biodiversité en tant que

nouvelles institutions protectrice de la biodiversité. Il est prévu, en vertu des articles D. 134-

20 et suivants du Code de l’environnement issues du décret n° 2017-370 du 21 mars 2017,

que « les Comités régionaux se substituent aux Comités régionaux « trame verte et bleue » ».

Ce nouveau Comité est une instance sociétale. Il est co-présidé par le Conseil régional et le

Préfet de Région. La Région voit ses missions élargies. Ce comité se trouve associé à

l’élaboration ainsi qu’au suivi de la Stratégie régionale pour la biodiversité. En Normandie, ce

comité rassemblera environ 160 personnes dans un cadre très institutionnalisé. Il sera

composé de cinq collèges à savoir les collectivités territoriales et leur groupement, l’Etat et

ses établissements publics, les organismes socio-professionnels et les usages de la nature les

associations et les gestionnaires d’espaces naturels et les scientifiques. Le président du

Conseil Régional et le Préfet de Région sont tenus de nommer les membres du comité dans

ces cinq collèges par un arrêté conjoint. Ce décret précise que certains membres de droit

doivent être intégrés obligatoirement en respectant des seuils de représentation fixés par le

décret. La parité est aussi à respecter au sein de ces collèges.

Des nouveaux Comités Régionaux de la Biodiversité à visée consultative. Cette

instance est avant tout consultative. Il s’agit d’un lieu privilégié d’information et d’échange.

L’idée du Comité est de repenser la concertation et la consultation par rapport aux questions

relatives à la biodiversité de la Région. Ce Comité sera notamment associé à l’élaboration

ainsi qu’au suivi et à la mise à jour du Schéma Régional de Cohérence Ecologique. Il

s’intéressera à une série de sujets qui étaient proches des domaines de l’ancien Comité

Régional de la Trame Verte et Bleue. Il s’intéressera également aux activités de l’Agence

Régional de la Biodiversité. Aussi, il sera associé à l’élaboration des Schémas Régionaux

d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires. Ce Comité sera

chargé d’assurer l’élaboration et le suivi de la Stratégie régionale de la biodiversité. Il devrait

en ce sens être une instance de débats et non de projet. En tant qu’institution d’échange, il

devrait être amené à se réunir peu souvent. Les instances de la future Agence Régionale de

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la Biodiversité de Normandie viendront ainsi en complément de cet outil afin de faciliter

le travail sur le plan opérationnel des projets. Contrairement aux Agences Régionales de la

Biodiversité, ces Comités régionaux, se substituant ainsi aux anciens comités régionaux de la

trame verte et bleue semble moins novateurs.

A travers la mise en place de ces deux nouvelles instances de projet et de débat, la

Région voit ses missions élargies. Toutefois, se développent parallèlement d’autres logiques

afin de permettre à un panel d’acteurs plus vaste de participer à la protection de la

biodiversité. L’innovation en matière de gouvernance pour améliorer la protection de la

biodiversité est à la portée de tous les acteurs du territoire. Certains décideurs locaux

normands l’ont d’ailleurs bien compris en mettant en place un accompagnement spécifique au

profit de la protection de la biodiversité.

Section 2 : L’accompagnement spécifique des acteurs au profit de la protection de la biodiversité Pour renforcer la protection de la biodiversité, il est indispensable de repenser les

modes de gouvernance. Il convient de définir collectivement les problématiques et d’identifier

les solutions envisageables ainsi que leurs modalités de mise en œuvre par l’action publique.

Faire converger les connaissances sur le plan scientifique, technique et empirique des divers

acteurs du territoire est primordial. C’est en ce sens que la concertation publique peut être un

outil pertinent afin de permettre une implication directe des acteurs du territoire dans la

construction des projets (§1). Au-delà de ces concertations, de nouvelles approches

partenariales se développent, tout aussi pertinentes pour renforcer la protection de la

biodiversité (§2).

§1. La concertation publique : une implication directe des acteurs du territoire

Prendre en compte les problématiques environnementales dans la décision

publique est d’une complexité telle que les décideurs n’ont pas l’expertise requise pour

mener à bien leurs projets. Leur légitimité à décider est ainsi remise en question et d’autres

modes de gouvernance sont à inventer, qui reposent sur la prise en compte et la convergence

des intérêts et la connaissance des différents acteurs du territoire en matière de protection de

la biodiversité. La concertation publique est un mécanisme qui précisément offre la possibilité

aux acteurs du territoire de participer à une prise de décision publique. Elle peut être encadrée

règlementairement, comme c’est le cas en matière d’installations classées pour la protection

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de l’environnement (ICPE), ou bien être à l’initiative des porteurs de projets. La concertation

présente plusieurs avantages qui seront pris en compte de façon différente selon les acteurs et

les projets. Cette démarche qui se veut constructive en associant les parties prenantes dans la

construction de projets présente certaines limites en pratique.

Pour les décideurs, la concertation présente comme avantages de légitimer l’action

publique, de favoriser la transparence et de maîtriser les oppositions en adaptant

éventuellement le projet aux demandes des citoyens. Par conséquent, ce processus peut être

intéressant en tant que véritable levier pour protéger la biodiversité. Mais il présente toutefois

des limites en pratique puisqu’aucun cadre juridique n’impose aux porteurs de projets

d’impliquer la population dans la construction des projets. Qui plus est, le processus même de

concertation n’est pas contraignant juridiquement, et n’impose pas d’obligation de résultats.

Des informations et consultations publiques obligatoires assez peu efficaces en

pratique. La loi Barnier de 1995 instaure le débat public en France avec la création d’une

Commission national du débat public. Dès 1996, le Préambule de la Charte de la concertation

du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement souligne bien que « sur

tous les projets qui touchent à l'urbanisme, à l'aménagement du territoire, à l'équipement des

collectivités, à la préservation de l'environnement, la concertation est devenue nécessaire. »

De plus, ce cadre juridique se renforce avec la Charte de l’environnement de 2004 qui prévoit

dans son article 7 le droit à toute personne d’« accéder aux informations relatives à

l’environnement et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence

sur l’environnement ». Elle s’inscrit dans le prolongement de la Convention d’Aarhus de

1998258. Ainsi, l’enquête publique259 vise en premier lieu à informer le public sur un projet et

à tenir compte de son avis sur sa réalisation. Elle est encadrée juridiquement par plusieurs

textes. Créée en 1819 elle visait dans un premier temps les projets susceptibles d’engendrer

des expropriations. La réforme de la loi Bouchardeau du 12 juillet 1983260 est venue affirmer

la dimension participative de l’enquête publique. Cette dernière est obligatoire pour les

projets qui sont « susceptibles d’affecter l’environnement ». En matière d’ICPE, c’est la

                                                                                                               258 Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement. 259 Article 123-1 du Code de l’environnement : "L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. 260 Loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation de l’enquête publique et à la protection de l’environnement.

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DREAL qui gère les procédures. Elle est en charge de l’étude d’impact. L’étude d’impact doit

être un instrument de conciliation des intérêts existants entre les effets d’un aménagement et

la protection de l’environnement. Qualifié d’ « instrument scientifique et juridique original et

spécifique à l’environnement » par le Professeur Michel Prieur, force est de constater que

l’étude d’impact environnementale peine à s’imposer « en tant que révélateur des enjeux

environnementaux »261. Les enjeux liés à la biodiversité ne sont pas forcément mis en avant

dans ces études262. D’autant plus qu’elle sert vient souvent à légitimer formellement des

projets. Il conviendrait de renforcer la substance de son statut dans ce processus décisionnel.

A la suite de l’étude d’impact, le public est tenu informé. La procédure d’information peut se

faire par voie d’affichage. Le public peut consulter le registre tenu par le commissaire

enquêteur relatif à l’enquête publique et déposer son avis et ses remarques voire ses

propositions. Cette procédure obligatoire peut manquer de lisibilité dans les faits car il s’agit

d’une procédure très administrative dont les citoyens ne se saisissent pas forcément. En outre,

l’avis du commissaire enquêteur peut ne pas refléter complètement certaines réserves

exprimées par la population. C’est pourtant sur cet avis du commissaire enquêteur et sur celui

du CODERST263 que le Préfet prendra sa décision finale.

Parallèlement, la concertation est régulièrement utilisée par les collectivités dans le cadre d’un

projet d’aménagement. L’article L.300-2 du Code de l’urbanisme relatif à la concertation est

utilisé pour ces projets. Cet article vise notamment l’élaboration ou la révision du PLU, la

création d’une zone d’aménagement concerté, les projets de renouvellement urbain ainsi que

les projets susceptibles de modifier le cadre de vie. Par ailleurs, la loi de solidarité et de

renouvellement urbain en date du 13 décembre 2000 va plus loin. En effet, les projets de PLU

sont obligatoirement soumis à une concertation préalable qui doit associer « les habitants, les

associations locales et les autres personnes concernées ». Le cadre législatif reste très ouvert

en matière de concertation publique. Si les objectifs sont fixés, son application reste libre pour

le maître d’ouvrage. Seules l’information et la consultation du public sont obligatoires.

Des concertations publiques plus favorables à la biodiversité en pratique. L’absence

de contrainte juridique impose une nouvelle façon de faire politiquement. Les nouveaux                                                                                                                261 PRIEUR M. « Instruments internationaux et évaluation environnementale de la biodiversité : enjeux et obstacles », R.J.E., 2011, pp. 7-28. 262 Certaines activités préjudiciables à la biodiversité ne sont pas soumises aux études d’impact. Le champ d’application des études d’impact devrait être modifié pour les intégrer. A titre d’exemple, la transformation de centaines d’hectares de prairie en labour est réalisée dans étude d’impact ni consultation du public. Les effets sur la biodiversité sont pourtant alarmants. En ce sens, WINTZ M. « La nature quotidienne entre exploitation et contemplation », in Humanité et biodiversité, Ligue ROC, Descartes et Compagnie 2009, p. 47. 263 Conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.  

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enjeux environnementaux amènent à réinterroger tout le système démocratique. Les experts

de la question ne sont plus forcément les élus, pour qui le manque d’expertise, a fortiori de

connaissances scientifiques, en matière de biodiversité est réel. C’est pourquoi, la

concertation publique peut avoir en ce sens pour vertu de rendre la politique publique plus

efficace. Le processus de concertation est un véritable plus en terme de gouvernance

partagée, supervisée par les institutions. Démocratiquement intéressante, celle-ci permet

aux acteurs du territoire d’avoir un droit de regard sur les projets locaux. L’implication

citoyenne est nécessaire pour favoriser la compréhension mais surtout l’acceptation des

projets d’aménagement. Il s’agit d’ « agir pour ne pas subir ». De plus, elle contribue à mettre

en valeur les savoirs et savoirs-faire des habitants. Enfin, elle permet aussi un rapprochement

des acteurs aux intérêts divergents dans le souci de parvenir à un consensus. La concertation

peut prendre des formes variées, s’organiser sous forme d’ateliers citoyens, d’animations de

terrain etc. L’objectif est d’être concret dans la mesure où la finalité est de produire un avis

éclairé qui viendra nourrir la prise de décision des élus. En règle générale, ce processus qui a

été impulsé par les collectivités, est pris en compte dans la décision finale par les élus. Il

s’agit donc d’un mécanisme efficace d’un point de vue démocratique. Il a aussi pour intérêt de

susciter la créativité et l’innovation puisqu’il est censé impliquer la plus grande diversité de

parties prenantes. Ces dernières peuvent être aussi bien des riverains plus ou moins proches

que des associations de protection de l’environnement, des acteurs économiques, des

représentants d’établissements publics etc. Cependant pour être efficace, ce processus doit

reposer sur la sincérité des porteurs de projets et leur réelle volonté d’instaurer une discussion

qui pourrait avoir une influence sur la décision. Surtout, il repose aussi sur le degré

d’implication des parties prenantes. A ces conditions seulement, la concertation apportera

une vraie plus-value au projet y compris environnementale. A titre d’exemple, la Ville de

Caen, forte du succès de l’Observatoire de la prairie mentionné précédemment, a décidé de se

doter d’une nouvelle instance de concertation. En effet, la Ville espère « renforcer ses

partenariats avec la création d’un Conseil Local de la Nature en Ville qui verra le jour en

octobre 2017 » affirme Monsieur Joyau, adjoint au maire en charge de l’environnement. Ce

Conseil regroupera les collectivités, les associations et administrations. L’idée de la Ville est

de mener une démarche de concertation efficace en matière de biodiversité. La participation

des parties prenantes aux projets et des acteurs de terrain est pertinente pour permettre

d’adapter les projets en amont. Le but de cette approche repose sur le partage de

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connaissances et la réunion de compétences264 variées et de croiser l’expertise. Ce Conseil

sera une instance d’échange et non une instance délibérative. Informer, améliorer la

connaissance de la biodiversité, mobiliser les acteurs, seront les diverses missions de ce

Conseil. Les élus doivent s’entourer d’experts pour être guidés dans leurs choix stratégiques

et renforcer la place de la biodiversité au sein des politiques territoriales. La mise en place de

ce Conseil local est intéressante dans la mesure où il s’agit d’un soutien pour les élus locaux

afin que ces derniers intègrent mieux la biodiversité, notamment dans les plans locaux

d’urbanisme. Il est complémentaire à la démarche déjà engagée des Atlas communaux de la

biodiversité. L’objectif est de faire en sorte que la biodiversité ne soit plus seulement du

ressort des experts. Ce Conseil Local de la Nature en Ville regroupe des représentants de la

ville mais aussi des associations locales de protection, de sensibilisation et de valorisation de

la biodiversité ainsi que des scientifiques. Cette initiative enrichissante pourrait ou même

devrait inspirer d’autres municipalités.

Encore une fois, l’efficacité de cet outil pourra se mesurer au degré d’implication

volontaire des élus qui impulsent et des citoyens qui s’engagent. D’où l’intérêt d’aller plus

loin encore dans la démarche participative en adoptant une approche partenariale.

§2. L’approche partenariale : une transformation durable des perceptions des

acteurs du territoire

La dynamique partenariale impulsée sur le territoire normand en faveur de la

préservation de la biodiversité est particulièrement riche et inspirante, c’est pourquoi certains

de ces partenariats méritent d’être analysés. Les perspectives pour les acteurs sont

d’aboutir à une écologie de la réconciliation.

Une dynamique partenariale particulièrement favorable à la protection de la

biodiversité. Pour préserver la biodiversité sur son territoire, la Ville de Caen mise sur une

approche partenariale. Elle travaille de concert avec de nombreuses associations expertes de

protection de l’environnement telles que le CREPAN, le Groupe Ornithologique Normand, la

Société d’Horticulture, Jardins familiaux, Association des Professeurs de Biologie et Géologie

entres autres. Elle développe également des partenariats avec des associations de quartier

notamment en lien avec des jardins partagés. L’approche partenariale doit donner les clés aux

élus pour mieux connaître et protéger la biodiversité présente sur leur territoire.

                                                                                                               264 Techniciens, experts naturalistes etc.

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Pour la Communauté d’Agglomération Mont-Saint-Michel Normandie (CAMSMN), cette

approche partenariale a véritablement servi de socle entre les différents acteurs d’un territoire

qui réunit, depuis la réforme des collectivités territoriales, plusieurs communautés de

communes de la Manche. A la suite de ce rapprochement, ces dernières ont eu à trouver de

nouveaux modes de fonctionnements pour leur permettre d’avancer ensemble sur des projets

communs à identifier. C’est autour d’un projet de réseau de Trames Vertes et Bleues qu’une

émulation s’est créée. Un cours d’eau traversant l’ensemble du nouveau territoire, désormais

composé de cinq communautés de communes265, a été l’élément déclencheur pour réunir ces

acteurs locaux sur un projet commun. Cette clé d’entrée vers un partenariat innovant, dans le

cadre d’un appel à projets régional, a incité les collectivités locales à mener une action globale

en faveur de la biodiversité de leur territoire. La TVB devient un moyen pour établir une

gouvernance et réfléchir de façon collective quant à la place de la biodiversité dans

l’aménagement du territoire. Pour construire ce projet, la volonté de la CAMSN a été non

seulement de prendre en compte les intérêts des acteurs locaux et de s’appuyer sur leurs

savoirs et savoir-faire par une approche partenariale, mais également de s’affranchir des

procédures requises pour répondre à cet appel à projets. Laurence Colin, directrice du

développement durable, des prospectives, de l’environnement et du numérique à la

CAMSMN,266 défend par ailleurs ce choix en expliquant que « contrairement à ce qui se fait

habituellement, nous avons fait le choix de ne pas remplir les fiches actions théoriques qui

nous étaient demandées pour que notre projet soit retenu ». Le choix a été fait de laisser plus

de temps aux multiples acteurs afin qu’ils réfléchissent et construisent ensemble des actions

qui répondent aux enjeux globaux de l’appel à projet. Un droit à l’expérimentation est

revendiqué par la communauté de communes. Cette nouvelle approche représente une vraie

opportunité pour les territoires. « Une collectivité doit avoir une logique de projets qui va

alimenter une logique de services » affirme Laurence Collin267. Le projet de la CAMSMN fait

partie des 5 lauréats retenus fin 2015 en Basse-Normandie. Depuis, des diagnostics ont été

menés pour accroître la connaissance des milieux et de la biodiversité du territoire et identifier

les besoins. Puis, des groupes de travail multi-acteurs ont été mis en place, réunissant des élus

locaux, des propriétaires forestiers et fonciers, des représentants d’associations 268 , de

structures professionnelles agricoles, des professionnels du bois, des propriétaires de gîtes

                                                                                                               265 Mortainais, Saint-James, Avranches-Mont-Saint-Michel, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Val de Sée. 266Rencontre et échanges avec la communauté de communes autour de cette problématique de la trame verte et bleue en date du 18 juillet 2017.  267 Ibid. 268 Des associations de randonneurs, pêcheurs, escalade, environnement, insertion notamment.

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ruraux, apiculteurs, industriels, et autres acteurs exerçant ou habitant sur le territoire de la

communauté d’agglomération. L’objectif est « d’échanger et partager sur les différentes

composantes du paysage et leur évolution, et d’identifier « les attentes des acteurs du territoire

»269. Cette approche partenariale va au-delà de la concertation. Elle repose en effet sur la

participation active des acteurs locaux dans la réalisation des projets, mais le processus

démocratique donne aussi un vrai pouvoir aux citoyens impliqués de peser sur les décisions.

Cette démarche s’inscrit dans une logique bottom/up270, c’est-à-dire une logique inversée du

processus traditionnel top/down271. Cette construction sur le long terme va au-delà du cadre

juridique traditionnel, ce qui suppose une créativité et innovation de la part des décideurs dans

leur façon de conduire les projets. L’action par l’implication des différents acteurs du

territoire et la construction sur le long terme favorise une plus grande acceptabilité du

projet272. Cette nouvelle façon de procéder de démocratie participative serait intéressante à

prendre en compte parle législateur. Cette démarche s’inscrit dans la démarche de

participation pour toute personne à « l’élaboration des décisions publique ayant une incidence

sur l’environnement » et de droit à l’information prévue à l’article 7 de la Charte de

l’environnement, en allant au-delà et l’enrichissant. Cette démarche novatrice n’est pas la

seule sur le territoire normand. D’autres exemples sont également à mettre en avant.

Une forme de partenariat original à travers l’écologie industrielle et territoriale.

L’écologie industrielle constitue une branche de l’écologie circulaire. Il s’agit également d’un

véritable levier afin de mobiliser les acteurs du territoire en faveur de la transition

écologique273 et de la protection de la biodiversité. Tous les acteurs économiques peuvent

contribuer à diminuer leurs impacts environnementaux à travers une logique

d’optimisation ou de valorisation des flux employer et générer, peu importe leur secteur

d’activité. Effectivement, les déchets des uns sont les ressources des autres. La biodiversité

amène aujourd’hui assez loin dans la réforme du système économique. Il est possible de

raisonner en terme d’usage, nous avons besoin de l’usage de l’objet pour tendre vers une

économie de fonctionnalités. Les entreprises peuvent commencer à bien fonctionner si elles se

                                                                                                               269 Présentation des démarches Trame Verte et Bleue de la CAMSMN et des partenariats engages dans le cadre du séminaire des stagiaires de l’IRD2 : « La biodiversité : une offre illimitée ? » , Temps d’échanges entre la CAMSMN et l’RD2, le 18 juillet 2017. 270 Du bas vers le haut. 271 Du haut vers le bas. 272 Il ne s’agit pas d’imposer les projets par les élus. Cela évite notamment les phénomènes NIMBY, not in my backyard auxquels sont fréquemment confrontés les élus locaux. 273 Ministère de la Transition écologique et solidaire, L’écologique industrielle et territoriale, 13 décembre 2016 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/lecologie-industrielle-et-territoriale

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mettent elles-aussi en écosystème. Cette forme de partenariat fondée sur l’écologie

industrielle et territoriale repose sur des relations de partenariat, des synergies. Il s’agit

d’améliorer les échanges entres les acteurs économiques et industriels en alliant le

développement économique local et la prise en considération des enjeux environnementaux.

L’idée est de mutualiser ces flux entre les acteurs locaux à plusieurs niveaux, c’est-à-dire à

l’échelle d’une zone d’activité, d’une commune ou encore d’un département ou d’une région

Cela se traduit concrètement par une mise en commun d’actions volontaires de la part des

acteurs économique, l’objectif étant d’économique ou pour améliorer la productivité de ces

ressources. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

définit l’écologie territoriale et industrielle de la manière suivante, consistant « sur la base

d’une quantification des flux de ressources, et notamment des matières, de l’énergie et de

l’eau, à optimiser les flux de ces ressources utilisées et produites à l’échelle d’un territoire

pertinent, dans le cadre d’actions de coopération, de mutualisation et de substitution de ces

flux de ressources, limitant ainsi les impacts environnementaux et améliorant la compétitivité

économique et l’attractivité des territoires »274. Cette écologie se fonde sur une approche

systémique. Elle s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels eux-mêmes. Les

écosystèmes sont interdépendants. C’est dans cette vision que l’écologie industrielle cherche à

transposer une organisation de type écosystémique, dans une approche globale. Le

développement doit être compatible avec les équilibres naturels. Une diversité d’acteurs peut

se mobiliser autour d’un projet afin de répondre ensemble à des défis globaux et intégrés. Les

entreprises en tant qu’acteurs privés sont au cœur des projets, accompagnées par les pouvoirs

publics dont les collectivités et l’Etat mais aussi d’autres partenaires tels que les associations,

chercheurs ou les experts. Cette approche présente notamment pour avantages d’aboutir à des

gains environnementaux favorables à la protection de la biodiversité. Par exemple, en Haute-

Normandie, une Association Ecologie Industrielle Estuaire (AEIE) a vu le jour avec la Charte

du Grenelle de l’Estuaire. La mission qui lui est attribuée est de conduire une réflexion pour

engager l’Estuaire de la Seine dans une logique d’écologie industrielle. Parmi ses membres se

trouvent un collège de collectivités territoriales, un collège de décideurs économiques ainsi

qu’un collège d’associations et de syndicats. Deux études ont été lancées en 2010, l’une

concernant les flux de matières et d’énergie, l’autre sur les possibilités de symbiose

industrielles275. Un autre exemple peut être cité en Haute-Normandie, plus précisément au

Havre. En 2007, une démarche d’écologie industrielle a été développée par la zone d’activité

                                                                                                               274 Article L541-1-I 1° du Code de l’environnement 275Orée, Le recueil des démarches d’écologie industrielle et territorial, mars 2016, p. 19.  

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du Grand Port Maritime du Havre. Quatre pistes ont été choisies collectivement par le Havre

Développement, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Havre et le Grand Port Maritime

du Havre. Ainsi, « la gestion mutualisée des déchets de conditionnement des activités de

logistique et la réutilisation locale des matières non souillées », la « valorisation des rejets de

chaleurs », la « réutilisation d’acides et de bases usagés en station d’épuration » et

l’ « extension d’un réseau mutualisé d’eau industrielle » 276ont été les actions retenues par les

partenaires. Des approfondissements à travers l’étude de ces actions sont en cours. Par

ailleurs, au-delà du territoire normand, des perspectives de développement de ces synergies

sont d’ores et déjà envisagées à un niveau plus large, à savoir sur les trois zones portuaires de

Parie, Rouen et le Havre. Force est de constater que cette démarche est en plein essor. Ces

nouvelles synergies créent une réelle dynamique territoriale entre les acteurs. But d’améliorer

la dynamique collaborative en mettant en place des actions concrètes et partagées.

Cette nouvelle approche de management environnemental illustre une fois encore le

changement de paradigme à l’œuvre. Parallèlement à ces initiatives se développe la création

de nouvelles instances à l’échelle régionale normande.

Une ouverture vers une troisième voie de partenariat à travers l’exemple de

l’IRD2277 ? L’Institut Régional du Développement Durable de Normandie développe une

troisième approche partenariale pour le moins originale. Cette structure a été créée dans le but

d’aider les institutions à la fois publiques et privées à s’approprier des thématiques qui sortent

de leur champ d’intervention. Fondé par l’Université de Caen ainsi que le Conseil Régional

de Basse Normandie, l’organisme a pour mission de mettre directement en lien les acteurs du

territoire normands, créer des synergies d’acteurs. Cette troisième voie de recherche

s’inscrit dans une logique de décloisonnement Elle permet en effet aux acteurs de

l’enseignement supérieur, aux acteurs de structures-relais de mise en valeur de cette

recherche, aux acteurs du territoires ainsi qu’aux acteurs économiques et associatifs de

fédérer.278Pour ce faire, l’organisme développe différents objectifs. Un volet d’animation et

d’aide à la décision est développer pour sensibilité et accompagner la décision publique mais

aussi nourrir et mettre en valeur des innovations territoriales. Ces actions se concrétisent par

l’élaboration de territoires fictifs, de diffusion de livrables d’aides à la décision ainsi que

d’actions concrètes de terrain à la rencontre direct d’acteurs convaincus ou non. Un volet

                                                                                                               276 Ibid, p20. 277 Institut Régional du Développement Durable, structure d’accueil du stage. 278 Le contexte de création issu du site de la structure. http://www.ird2.org/lird2/contexte-de-creation/  

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recherche, très important, vise à améliorer les connaissances de recherche et d’expertise de la

société civile. Les projets de recherche s’inscrive dans un temps long de deux ans, divisés en

trois phases : une phase de diagnostique, une phase de rencontres nationales et une phase

d’application à travers des stages universitaires de recherche pluridisciplinaire sur une

thématique donnée. La thématique actuelle qui a suscité l’intérêt de l’IRD2 est celle de la

biodiversité à travers la problématique suivante « La biodiversité : une offre illimitée ? A quel

prix et pour quels services ? ». L’objectif de ce projet de recherche, in fine, est de nourrir le

changement de paradigme en impliquant trois types d’acteurs du territoire normands, à

savoir les industriels, les élus locaux et les agriculteurs. Les modes opératoires de cette

nouvelle forme de partenariat repose sur le lien entre la recherche au service des acteurs du

territoire. Si les acteurs du territoire ne protègent pas la biodiversité c’est avant tout par un

manque de connaissances sur le sujet qui les amène à penser que la diversité du vivant est une

contrainte et non un atout dans le cadre de leurs activités. Rechercher des leviers à travers les

différentes disciplines trouve tout son intérêt. L’intérêt de ces partenariats est d’aboutir à

une modification durable des perceptions des acteurs en leur donnant les clefs pour

basculer d’une perception de la biodiversité comme une contrainte à la biodiversité

perçue comme une opportunité. Pour ce faire, différentes sessions de groupes de travail sont

organisées, accompagnées de séminaires de stagiaires afin d’aboutir à la mise en place de

modules de sensibilisation, dernier maillon du projet. La philosophie de cet organisme est

véritablement de faire converger les compétences et d’encourager les travaux collaboratifs.

Cette approche partenariale s’impose comme une troisième voie pour recréer du lien entre les

acteurs du territoire et la recherche, indispensable pour espérer améliorer la protection de la

biodiversité de façon pérenne et accompagner les acteurs locaux à changer de regard. Cette

approche favorise une mise en réseau des acteurs qui est importante. L’enjeu est de permettre

une appropriation nouvelle de la biodiversité par les acteurs socio-économiques normands. La

protection de la biodiversité passe avant tout par une prise de conscience des acteurs.

Les retours d’entretiens ont par ailleurs permis de mieux comprendre l’impact des

projets précédents de la structure sur les acteurs du territoire normands. Les travaux produits

les années passées par l’IRD2 sur les thèmes du sol et des énergies maritimes renouvelables

ont eu des impacts positifs sur les décideurs locaux de manière général. En effet, bien qu’ils

ne soient pas directement mesurables ou chiffrables en tant que tels, ils constituent un volet

animation du territoire important affirment les élus de la Ville de Caen279. Cela a en effet

                                                                                                               279 Entretien physique avec Monsieur N. JOYAU, Adjoint en charge de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie, à la Mairie de Caen le 9 mai 2017.

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donné les clés à la Ville pour prendre en considération, réfléchir autour de ces thématiques et

mener un travail de fond sur le terrain de la presqu’île de Caen notamment. L’objectif est de

diffuser le plus largement possible sur le territoire normand les projets et expériences recensés

sur la connaissance de la biodiversité et la caractérisation des services écosystémiques.

Finalement, la protection de la biodiversité est avant tout un enjeu de connaissances

transversales et pluridisciplinaires et de partage de ces connaissances pour permettre aux

différents acteurs et aux différentes disciplines de s’approprier le sujet.

Conclusion Partie II

Les récentes avancées juridiques au soutien d’une analyse socio-écologique

témoignent d’un changement de paradigme certain pour dépasser une approche économique

focalisée sur les services écosystémiques. Divers leviers juridiques sont ainsi mis en évidence

par le législateur.

D’une part, le renouvellement de l’imaginaire juridique était particulièrement attendu

pour espérer renforcer la protection de la biodiversité. L’instauration de nouveaux

principes dynamiques et intégrés que sont le principe de solidarité écologique et le

principe de non-régression est particulièrement notable. Toutefois, ces principes, bien

qu’indispensables, nécessitent d’être renforcés dans les faits. De plus, la consécration d’outils

juridiques de gestion de la biodiversité à travers l’obligation réelle environnementale et la

réparation du préjudice écologique sont tout aussi pertinents. Ces mécanismes de

responsabilité civile s’inscrivent dans une analyse écologique favorable à la protection de la

biodiversité.

D’autre part, le renouvellement de la gouvernance était également indispensable pour

faire évoluer la recherche en faveur de la biodiversité. La rencontre des acteurs normands

a permis de mettre en lumière les innovations engagées sur le territoire. Le renforcement de la

protection de la biodiversité passe avant tout par un partage des responsabilités et la

construction de connaissances. Une approche pluraliste et pragmatique est requise pour

un changement profond tant au plan social qu’écologique.

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CONCLUSION

La protection de la biodiversité est éminemment et consubstantiellement complexe.

Elle doit s’inscrire dans un travail pluridisciplinaire et qui s’inscrit dans la durée afin d’en

améliorer sa préservation. C’est dans ce contexte que s’intègre cette étude, à la recherche des

leviers juridiques existants. Le droit de l’environnement a beaucoup changé ces dernières

années. Les évolutions de la société et les enjeux environnementaux nécessitent une

adaptation constante du droit. Les récentes avancées juridiques à l’œuvre témoignent de cette

complexité en s’inscrivant dans une double logique, à la fois économique et socio-écologique.

D’une part, la reconnaissance de la protection de la biodiversité sous le prisme des

services écosystémiques opère un changement de paradigme certain de la part du législateur.

Cette approche présente l’avantage de dépasser le clivage traditionnel entre la biodiversité

ordinaire et la biodiversité remarquable. Pour autant, son référentiel purement économique

amène à s’interroger quant à la protection effective de la biodiversité. La consécration de

nouveaux instruments juridiques tels que la compensation écologique laisse supposer une

déformation de la réalité pouvant facilement dériver en logique de marché. Aussi, de

nouveaux mécanismes d’aides ou de rémunération pour services environnementaux se

développent, gage d’un anthropocentrisme dominant. La frontière pour basculer dans une

logique de marchandisation de la biodiversité est minime. C’est pourquoi la pertinence des

leviers juridiques au prolongement de l’analyse économique est à nuancer. Le droit se doit

d’améliorer l’encadrement de ses instruments économiques. L’approche par les services

écosystémiques, sous couvert d’être un levier, conduirait finalement à une approche

utilitariste de la biodiversité. Celle-ci laisse supposer une protection de la biodiversité avant

tout dans les intérêts économiques humains plutôt que dans l’intérêt de la biodiversité elle-

même. Ainsi soumise à réflexion critique, la protection de la biodiversité et des services

écosystémiques ne saurait être réduite à une simple lecture économique. Ces avancées sont

teintées de réserves mais aussi d’ambiguïtés. Une approche trop focalisée sur les services

écosystémiques laisserait supposer une nouvelle fragmentation de la biodiversité. La prise en

compte des fonctions écologiques, dont découlent les services écosystémiques, est

indispensable. La valeur d’usage doit être dépassée au profit d’une valeur de non usage qui

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n’a pourtant pas fait l’objet d’une formalisation de la part du législateur. La protection de la

biodiversité pour enrayer sa perte nécessite un basculement des logiques économiques vers

des logiques socio-écologiques.

D’autre part, le droit français de la biodiversité est dynamique et évolutif. Il

s’inscrit également dans une dimension socio-écologique. C’est en ce sens que la loi

Biodiversité innove de manière notable. Pour assurer une conservation pérenne de la

biodiversité dans sa globalité et de ses fonctionnalités pour elles-mêmes, le droit doit élaborer

des processus normatifs démocratiques prenant en compte les écosystèmes dynamiques. Ces

processus doivent être responsabilisants et participatifs. C’est dans cette logique que le droit

de l’environnement se renouvelle avec l’instauration de nouveaux principes directeurs

dynamiques et des mécanismes favorables à la biodiversité. Le recours à de nouvelles formes

juridiques se développe à côté de la police administrative classique qui ne saurait suffire pour

espérer protéger la biodiversité. Ces nouveaux mécanismes peuvent prendre la forme du

contrat, de la responsabilité, de l’obligation du préjudice écologiques etc. Le droit de la

biodiversité fait ainsi appel au droit de la responsabilité, au droit des biens, au droit des

contrats. Divers leviers intéressants existent donc, ils s’avèrent souvent complexes voire

méconnus par les acteurs du territoire. Parallèlement, la protection de la biodiversité passe

avant tout par une prise de conscience collective des enjeux liés à la biodiversité. Aussi, le

manque flagrant en matière de connaissances sur la biodiversité a amené le législateur à

renouveler la gouvernance en la matière. Les études alors menées sur le territoire à la

rencontre des acteurs locaux, en plus d’illustrer nos propos, ont été une véritable richesse pour

mieux cerner la problématique de la biodiversité. Ces rencontres avec les agriculteurs, élus

locaux, industriels et associations de protection de la nature ont permis de faire l’état des lieux

des freins et incohérences juridiques existantes mais également des leviers et innovations

engagées sur le territoire.

La prise de position du législateur est pour le moins ambivalente mais ne fragilise

pas pour autant l’édifice. Cette ambivalence s’intègre dans l’approche anthropocentrique du

développement durable 280 qui prévaut actuellement dans notre société. Des avancées

                                                                                                               280 Dans ses dimensions sociale, économique et environnementale.

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juridiques en faveur de la protection de la biodiversité sont donc indéniables, offrant ainsi de

nombreuses ouvertures. Pour autant, le droit de la biodiversité reste toujours perfectible.

Parallèlement à ce constat, de plus en plus de jurisprudences et législations étrangères281

consacrent à l’heure actuelle des droits à la Nature. Cette doctrine appelée Nature Rights

pourrait bien annoncer l’avènement d’un nouveau paradigme juridique et appeler dans

son sillage de nouvelles transformations pour protéger durablement la biodiversité.

N’est-ce pas là le gage d’une meilleure protection de la biodiversité ?

                                                                                                               281 La nature se voit attribuer les mêmes droits que les hommes dans certains pays. En effet, des fleuves et forêts se sont vus attribuer le statut d’entité vivante en Nouvelle-Zélande, Inde et Equateur. En 2008, l’Equateur intègre dans sa Constitution le statut juridique de sujet de droit à ses forêts tropicales. En Nouvelle-Zélande, le fleuve Whanganui est considéré comme une personne morale dotée de la personnalité juridique. En Inde, le fleuve du Gange et son affluent ont leur propre identité légale.  

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Charte de l’environnement de 2004

Code de l’environnement

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J.O. n°0184 du 9 août 2016.

Loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

Loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de

l’environnement, J.O. du 5 août 2009.

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Loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et

aux parcs naturels régionaux, J.O. du 15 avril 2006.

Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains

Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement,

J.O.R.F. 3 février 1995.

Loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation de l’enquête publique et à la

protection de l’environnement.

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Décret, arrêté, amendement

Arrêté préfectoral du 7 juillet 2017, NOR 2350 – 17 – 00058, relatif à l’interdiction dans le

département de l’Orne de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité de l’eau.

Arrêté préfectoral du 3 avril 2013 autorisant l’installation d’aménagements temporaires de

zones d’obstacles sur le site de la Prairie de Caen.

Décret n° 2017-265 du 28 février 2017 relatif à l'agrément des sites naturels de compensation,

JORF n°0052 du 2 mars 2017, texte n° 8.

Décret n° 2017-370 du 21 mars 2017 relatif aux comités régionaux de la biodiversité.

Jurisprudence

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Cours CAMPROUX-DUFFRENE M.-P., Le droit civil et la biodiversité, Strasbourg, année

universitaire 2016-2017. HERVE-FOURNEREAU N., Le droit de l’Union Européenne et la biodiversité, Strasbourg,

année universitaire 2016-2017. LANGLAIS A., La Politique Agricole Commune et les paiements pour services

environnementaux, Strasbourg, année universitaire 2016-2017. LUCAS M., L’étude d’impact, Strasbourg, année universitaire 2016-2017. Colloques – Conférences

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Entretiens et rencontres

Entretien téléphonique avec M. FRESNEL, Directeur adjoint de l’Environnement, Rouen Métropole, le 13 juillet 2017. Entretien physique avec M. JOYAU, Adjoint en charge de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie, à la Mairie de Caen le 9 mai 2017. Entretien physique avec le CREPAN, C. David et C. JOLY, le 12 juin 2017 et 10 août à Caen. Entretien physique avec M. SOANEN, agriculteur, le 2 juillet 2017. Entretien physique avec M. TASSEL, agriculteur, le 5 juillet 2017, dans le Pays de Cau. Entretien physique avec M. DUVAL, agriculteur le 26 juin à Arnayé-sur-Orne. Entretien physique avec M. LEGRAND, ingénieur qualité hygiène sécurité au GANIL, à Caen, le 7 juillet 2017. Groupes de travail avec les partenaires au projet « La biodiversité : une offre illimitée ? », à l’Abbaye aux Dames de Caen, les 6 avril et 24 mai 2017. Rencontre avec le Groupe Agriculture sol vivant du Calvados, le 13 juin à Epinay sur Odon. Rencontre avec la communauté de communes du Mortainais, 18 juillet 2017. Rencontre avec la Direction des Jardins de la Ville de Caen, le 18 juillet 2017 à Caen. Séminaire des stagiaires avec l’IRD2 en Normandie, les 17 et 18 août 2017.

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Sites internet

ADEME : basse-normandie.ademe.fr Archives ouvertes : halshs.archives-ouvertes.fr Association Orée : oree.org Biodiscee : biodiscee.univ-rennes1.fr Cairn : cairn.info CDC Biodiversité : cdc-biodiversite.fr Ceriscope : ceriscope.sciences-po.fr CNRS : cnrs.fr Dalloz : dalloz.fr DREAL : normandie.developpement-durable.gouv.fr Google Books : books.google.fr Humanité et biodiversité : humanité-biodiversité.fr IUCN : iucn.org Légifrance : legifrance.gouv.fr Lexisnexis : lexisnexis.com MEA : milleniumassessment.org Région Normandie : normandie.fr Research Gate : researchgate.net Sénat : senat.fr Stratégie gouvernement : stratégie.gouv.fr TEE : teebweb.org Ville de Caen : caen.fr

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Table des matières

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1

PARTIE I .................................................................................................... 10 LES LEVIERS JURIDIQUES NÉS DU PROLONGEMENT D’UNE ANALYSE ÉCONOMIQUE DE LA BIODIVERSITÉ ........................................................... 10

CHAPITRE 1: L’appropriation par le droit du concept economique de services ecosystémiques pour la protection de la biodiversité ...................................................... 10

Section 1 : Une distorsion des approches des services écosystémiques .......................... 11

§1.Une approche précise en économie ......................................................................... 11 §2. Une approche imprécise en droit ........................................................................... 13

Section 2 : La mise en question des services écosystémiques comme notion favorable à la biodiversité ................................................................................................................... 17

§1. Une notion non stabilisée en droit mettant en cause son application .................... 17 §2. Une notion bouleversant le champ du droit de l’environnement ........................... 18

CHAPITRE 2 : L’encadrement juridique nécessaire des instruments économiques pour une meilleure protection de la biodiversité ............................................................ 19

Section 1 : La mise en œuvre de l’obligation légale de compensation par les acteurs économiques .................................................................................................................... 20

§1. Les unités de biodiversité : une tentative incomplète de mise en œuvre de l’obligation de compensation écologique .................................................................... 21 §2. Les Jeux Equestres Mondiaux sur la Prairie de Caen : une compensation écologiquement acceptable pour la biodiversité .......................................................... 26

Section 2 : La mise en œuvre juridique d’instruments économiques par les acteurs du territoire ............................................................................................................................ 30

§1. Le verdissement de la politique agricole commune : un instrument de maîtrise des pratiques agricoles ....................................................................................................... 31 §2. Les paiements pour services environnementaux : une tentative maladroite de protection de la biodiversité ......................................................................................... 36

Conclusion Partie 1 ............................................................................................................ 41

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PARTIE II ......................................................................................................... 43 LES LEVIERS JURIDIQUES AU SOUTIEN D’UNE ANALYSE SOCIO-ÉCOLOGIQUE DE LA BIODIVERSITÉ .......................................................................................... 43

CHAPITRE 1 : Le renouvellement de l’imaginaire juridique au service d’une protection dynamique et intégrée de la biodiversité ....................................................... 44

Section 1 : La consécration de principes juridiques dynamiques .................................... 45

§1. La consécration d’un principe juridique dynamique de solidarité écologique ...... 46 §2. La consécration d’un principe juridique de non-régression à dynamiser ? ........... 53

Section 2 : La consécration législative de mesures de gestion de la biodiversité ............ 59

§1. L’obligation réelle environnementale : un nouvel instrument juridique de maitrise foncière ........................................................................................................................ 59 §2. La réparation du préjudice écologique : une mise en œuvre favorable à la biodiversité ................................................................................................................... 65

CHAPITRE 2 : Le renouvellement de la gouvernance au service de la protection sociétale de la biodiversité ................................................................................................. 71

Section 1 : La création d’institutions spécifiques protectrices de la biodiversité à l’échelle régionale ........................................................................................................................... 72

§1. La création d’Agences Régionales pour la Biodiversité ........................................ 72 §2. La création de Comités Régionaux de la Biodiversité ........................................... 76

Section 2 : L’accompagnement spécifique des acteurs au profit de la protection de la biodiversité ....................................................................................................................... 77

§1. La concertation publique : une implication directe des acteurs du territoire ......... 77 §2. L’approche partenariale : une transformation durable des perceptions des acteurs du territoire ................................................................................................................... 81

Conclusion Partie II ........................................................................................................... 87

CONCLUSION ...................................................................................................................... 88

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