quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

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Quelques consid érations sur les turbines à gaz industrielles par A. L. Jaumotte, L. R. Béduwé, Professeur Directeur général l'Université de Bruxelles de la Production du Groupe des Unions de Centrales I. TURBINES À GAZ FORMÉES UNIQUEMENT DE TURBOMACHINES 1. Turbines à gaz et turbines à vapeur Dans tout moteur thermique, la puissance utile appa raît comme la différence de deux termes : la puissance produite par la détente d'un fluide compressible et la puissance absorbée pour l'introduction du fluide dans la source chaude. Suivant le type de moteur envisagé, les travaux de détente et de compression sont effectués successive mont dans le môme organe ou simultanément dans des organes différents. Ainsi dans un moteur Diesel, la détente et la com pression sont toutes deux effectuées dans le cylindre, une fois par tour dans le moteur à deux temps, une fois tous les deux tours dans le moteur li quatre temps. Dans les turbines à gaz comme h vapeur, la détente a lieu d'une manière continue dans la turbine de détente; le fluide s'échappe à la pression régnant à la source froide, l'atmosphère pour une turbine à gaz, le condenseur pour une turbine à vapeur (où la pres sion est de l'ordre de 0,05 kg/cm'). Examinons pour ces deux cas la puissance absorbée par l'introduction du fluide dans la source chaude. Pour la turbine h vapeur, le fluide sort du conden seur à l'état liquide et est introduit dans la source chaude (chaudière) par la pompe alimentaire. Dans la turbine à gaz, l'air, aspiré l'almosphère. est comprimé dans un turbocompresseur et introduit dans la cham bre de combustion. Quelle que soit la nature du fluide (liquide ou gazeux), la puissance absorbée par la compression est donnée, pour l'unité de débit, par l'expression. dp ofi V représente le volume spécifique du fluide. A cause du faible volume spécifique de l'eau con densée (0,001 m'/kg), la puissance absorbée par la pompe alimentaire n'est qu'une faible fraction de la puissance fournie par la détente : 1 à 1,5 % dans les installations à vapeur modernes à haute pression (66,88 ou 105 kg/cm^). La pompe alimentaire est entraînée par un moteur séparé, en général un moteur électrique. Dans une turbine h gaz, par suite du volume spéci fique élevé de l'air aspiré (environ 0,835 m'/kg) et malgré la pression modérée à réaliser (4 à 12 kg/cm' suivant les cas), la puissance absorbée par la compres sion représente une fraction importante de la puissance fournie par la détente : environ les deux tiers. Ainsi la puissance utile n'estelle que le tiers de la puissance totale développée par la turbine de détente, les deux autres tiers étant absorbés par le compresseur directe ment entraîné par la turbine. Cotte particularité explique une caractéristique, à vrai dire im défaut, des turbines à gaz : l'extrême sensibilité au rendement propre de chacune des machines com posantes. D'autres différences entre turbines à gaz et à vapeur proviennent de la nature des fluides moteurs. A égalité de puissance utile, le débit pondéral d'une turbine à gaz ost beaucoup plus élevé que celui d'une turbine à vapeur, ce que l'on peut exprimer en disant que la puissance utile par unité do débit est beaucoup plus faible pour la turbine é'i gaz que pour celle à vapeur. Pour la turbine à gaz, elle varie suivant le circuit Iv W "sPc kW'' sec do 80 à 200 tandis qu elle atteint 1 000 —; 1<K kg dans une turbine à vapeur moderne. Considérons le débit en volume à l'échappement : il est de l'ordre de 0,01 à 0,025 m^/kW sec pour une turbine à gaz à circuit ouvert, de l'ordre de 0,02 m'/ kW sec pour une turbine à vapeur. Ici les facteurs débit et volume spécifique à l'échappement variant en sens opposé, turbines à gaz et à vapeur se sont rapprochées et <à égalité de puissance, les dimensions du dernier étage seront du môme ordre pour une turbine à gaz et pour une turbine à vapeur. Tant à cause du rapport de détente modéré que des caractéristiques du fluide, le rapport entre les débits volumétriques à l'entrée et à la sortie est beaucoup moins élevé pour les turbines à gaz que pour celles vapeur : de 3 à 8 pour les premières, 500 et d'avantage pour les secondes. Il résulte de ces particularités, grand débit volumé trique, faible rapport de détente, faible croissance du débit volumétrique, que : Les turbines ci gaz sont à aubes longues, c'est que les aubes sont grandes par rapport au rayon

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Page 1: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

par A. L. Jaumotte, L. R. Béduwé,

Professeur Directeur général l'Université de Bruxelles de la Production du Groupe

des Unions de Centrales

I. TURBINES À GAZ FORMÉES UNIQUEMENT DE TURBOMACHINES

1. Turbines à gaz et turbines à vapeur

Dans tout moteur thermique , la puissance utile appa­raît comme la différence de deux termes : la puissance produite par la détente d ' u n f luide compressible et la puissance absorbée pour l ' in t roduct ion du fluide dans la source chaude.

Suivant le type de moteur envisagé, les travaux de détente et de compression sont effectués successive­mont dans le môme organe ou s imul tanément dans des organes différents.

Ainsi dans un moteur Diesel, la détente et la com­pression sont toutes deux effectuées dans le cylindre, une fois par tour dans le moteur à deux temps, une fois tous les deux tours dans le moteur li qua t re temps.

Dans les turb ines à gaz comme h vapeur, la détente a lieu d ' une manière cont inue dans la turbine de détente; le f luide s 'échappe à la pression régnant à la source froide, l ' a tmosphère pour une turb ine à gaz, le condenseur pour une tu rb ine à vapeur (où la pres­sion est de l 'ordre de 0,05 k g / c m ' ) .

Examinons pour ces deux cas la puissance absorbée par l ' in t roduct ion du fluide dans la source chaude.

Pour la tu rb ine h vapeur, le fluide sort du conden­seur à l'état liquide et est in t rodui t dans la source chaude (chaudière) par la pompe al imentaire. Dans la turbine à gaz, l 'air, aspiré l ' a lmosphère . est comprimé dans un turbo­compresseur et in t rodui t dans la cham­bre de combust ion.

Quelle que soit la na ture du fluide (liquide ou gazeux), la puissance absorbée par la compression est donnée, pour l ' un i t é de débit, par l 'expression.

dp

ofi V représente le volume spécifique du fluide. A cause du faible volume spécifique de l 'eau con­

densée (0,001 m ' / k g ) , la puissance absorbée par la pompe al imentaire n 'est q u ' u n e faible fraction de la puissance fournie par la détente : 1 à 1,5 % dans les installations à vapeur modernes à haute pression (66,88 ou 105 kg /cm^) . La pompe al imentaire est

entraînée par un moteur séparé, en général un moteur électrique.

Dans une tu rb ine h gaz, par suite du volume spéci­fique élevé de l 'air aspiré (environ 0,835 m ' / k g ) et malgré la pression modérée à réaliser (4 à 12 k g / c m ' suivant les cas), la puissance absorbée par la compres­sion représente une fraction impor tan te de la puissance fournie par la détente : environ les deux tiers. Ainsi la puissance utile n'est­elle que le tiers de la puissance totale développée par la tu rb ine de détente, les deux autres tiers étant absorbés par le compresseur directe­ment entra îné par la tu rb ine .

Cotte part iculari té explique une caractérist ique, à vrai dire im défaut , des turb ines à gaz : l 'extrême sensibilité au rendement propre de chacune des machines com­posantes.

D'autres différences entre turbines à gaz et à vapeur proviennent de la na tu re des fluides moteurs .

A égalité de puissance utile, le débit pondéral d ' u n e turb ine à gaz ost beaucoup plus élevé que celui d ' u n e turb ine à vapeur, ce que l 'on peut exprimer en d isant que la puissance utile par uni té do débit est beaucoup plus faible pour la tu rb ine é'i gaz que pour celle à vapeur.

Pour la t u rb ine à gaz, elle varie suivant le circuit Iv W "sPc kW'' sec

do 80 à 200 tandis qu elle at teint 1 000 — ; 1<K kg

dans une tu rb ine à vapeur moderne. Considérons le débit en volume à l ' échappement :

il est de l 'o rdre de 0,01 à 0,025 m ^ / k W sec pour une turb ine à gaz à circuit ouvert, de l 'ordre de 0,02 m ' / k W sec pour une tu rb ine à vapeur. Ici les facteurs débit et volume spécifique à l 'échappement variant en sens opposé, tu rb ines à gaz et à vapeur se sont rapprochées et <à égalité de puissance, les d imensions du dernier étage seront du môme ordre pour une tu rb ine à gaz et pour une t u rb ine à vapeur.

Tant à cause du rapport de détente modéré que des caractéristiques du fluide, le rapport en t re les débits volumétriques à l 'entrée et à la sortie est beaucoup moins élevé pour les turbines à gaz que pour celles cà vapeur : de 3 à 8 pour les premières, 500 et d 'avantage pour les secondes.

Il résulte de ces particularités, grand débit volumé­trique, faible rapport de détente, faible croissance d u débit volumétr ique, que :

1° Les tu rb ines ci gaz sont à aubes longues, c'est­que les aubes sont grandes par rapport au rayon

Page 2: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

moyen (alors que ce cas ne se présente qu ' aux der­niers étages dans une tu rb ine à vapeur à condensa­tion) ;

2° Le nombre de leurs étages est modéré; 3" Les variations de la hau teur des aubes en t re entrée

et sortie ne sont pas très grandes.

Ces caractéristiques sont illustrées par la f igure 1 qui représente un rotor de turb ine à gaz et u n rotor de tu rb ine h vapeur.

La réalisation de turbines h aubes longues ayant un rendement ])ropre très élevé, a posé des problèmes d 'aérodynamique interne délicats, plus impor tan t s que pour les turbines à vapeur où ils ne se présentent qu ' aux derniers étages. Aussi l ' influence, sur le ren­demen t interne, de la perfection aérodynamique des étages à aubes longues est-elle l imitée dans le cas d ' u n e turbine h vapeur, prépondérante pour celui d ' u n e t m b i n e à gaz.

Reste encore l ' impor tan te question du rendement . Les installations •'i vapeur a t te ignent des rendements

élevés dont le tableau suivant donne une idée. Il est établi pour une inslallation de 40-50 MW avec une eau de réfrigération à 15° C.

Press i cn i d e l a v a p e u r il l ' e n t r é e

d e l a t u r b i n e

T e m p é i H t : ire d e l a v a p e u r à l ' a d m i s f i i o n d e l a t u r b i n e

R e n d e m e n t g l o b a l f h a r b d i i / b o r i i e s

64 k g / c m - 485° C 30,0 % 88 kg/cm- 510° C 31,5 %

105 kg/cni^ 535° C 32.2 %

Grdce à u n e surchauffe intermédiaire effectuée au tiers de la détente environ et r amenan t la t empéra tu re de la vapeur 5 sa valeur initiale, une augmenta t ion du rendement de 2 % peut être obtenue, por tan t à 33,5 % le r endement global cha rbon /bornes d ' u n e installation alimentée en vapeur à 88 k g / c m ' et SIO" C.

Pour la tu rb ine à combustion, les r endement s réali­sables au jou rd ' hu i sont de 17 à 32 % suivant le cir­cuit réalisé. Les rendements les plus élevés, compa­rables à ceux des installations ,'i vapeur mais ne les dépassant pas, ne sont obtenus que pour des circuits complexes avec réfrigérations intermédiaires d u r a n t la compression et un réchauffage du ran t la détente, pro­cédé tout-à-fait analogue à la surchauffe in termé­diaire dans une installation à vapeur.

Aujourd 'hu i , au point de vue r endemen t , la tur­bine à gaz parvient à peine à égaler les instal lat ions à vapeur modernes de grande puissance. Les deux exemples ci-dessous le prouvent.

Les turb ines 5 gaz de la centrale de Beznau, qu i restent après plusieurs années de fonc t ionnement , le modèle des turb ines à gaz de g rande puissance (40 MW réalisés en 13 M'W-|- 27 MW), ont u n rende­men t à pleine charge dépassant légèrement 30 %, pour une t empéra tu re m a x i m u m de 650" C alors que les

groupes 40-50 MW h vapeur, al imentés en vapeur à 88 kg/cm^ et 510° C ont un rendement global de 31 à 32 %.

2. Les divers circuits d e turbines à gaz

Nous appelons tu rb ine à gaz un groupement de machines de compression et de détente où l 'agent évr>luant est gazeux, groupement const i tuant un pro­ducteur autonome d'énergie, dont la puissance utile est recueillie à l 'arbre d ' ime furbomachine . Sauf pour la tu rb ine h gaz al imentée par générateurs à pistons libres (II), les machines do compression et de détente sont également des turbomachines .

Nous dirons que la tu rb ine à gaz est à circuit ouvert si elle aspire l 'air h l ' a tmosphère et y rejette les gaz brûlés.

La turb ine h gaz peut aussi être appelée tu rb ine à combustion si la combust ion est in terne : cas général au jourd 'hu i . Le combust ible est injecté dans la ou les chambres de combust ion où s 'effectue une com­bustion quasi isohare.

De nombreux schémas de réalisations de turbines à combustion h circuit ouvert sont possibles.

Nous retiendrons ceux qui ont donné lieu dès aujourd'hui à des machines assurant un service indus­triel satisfaisant, nous bo rnan t h signaler quelques autres réalisations qui sont actuel lement l 'objet de recherches ou de mises au point .

La f igure 2 doime la disposition schématique d ' u n e turb ine à gaz simple complétée par un échangeur de températures ( récupéra teur ) . Dans le cas où l 'uti l isa­tion est 5 vitesse variable, il est avantageux, au lieu d ' u n e tu rb ine de détente, d 'en avoir deux en série, dont les arbres sont indépendants , la première en t ra înan t le compresseur tandis que la seconde four­nit la puissance utile (fig. 3) . Les vitesses des deux arbres peuvent ainsi varier indépendamment l ' une de l 'autre .

Pour les t empéra tures maxima réalisables actuel­lement , l imitées à 750" C environ, le r endement de la tu rb ine à gaz simple est de 15 à 20 % sans récu­pérateur, de 18 à 26 % avec récupérateur , suivant l 'efficacité de celui-ci. Le rapport des pressions extrêmes est compris ent re 4 et 7.

La puissance est l imitée pour des turbomachines à un seul flux, h 10-15 MW environ.

La tu rb ine à combust ion à circuit ouvert com­plexe est caractérisée par une compression scindée en plusieurs parties avec réfr igérat ions intermédiaires (deux ou trois ac tuel lement) et une détente étagée avec réchauffage in termédia i re (deux étages de détente avec u n réchauffage actuel lement) . Ces dispo­sitions sont réalisées s imu l t anémen t ou non.

La compression et la détente élagées aiuimenlcnl le rendement et la /wissance utile par unilé de débit.

Le rendement varie de 23 à 32 % suivant l 'efficacité du récupérateur prévu, 23 % correspondant à u n circuit complexe mais sans récupérateur .

Le rapport des pressions extrêmes est compris en t re 8 et 12.

2

Page 3: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

Rotor d'une turbine monocylindrique à vapeur de 20 000 kW, 3 000 t/min, 35- Rotor d'une turbine à gaz après 14 000 h de mar-43 kg/cm2 et 410-450O C (Brown Boveri). che (Fabrique de ciment de Pertigalete, Vene­

zuela). Fig. 1. Rotors de turbines à vapeur et à gaz.

l.a puissance réalisable atteint 30 MW mais à part ir de 20 MW, le compresseur basse pression doit être à double flux. Aujourd 'hu i , les instal lat ions à simple flux les plus puissantes ne dépassent pas 15 MW.

Indépendamment de toute question de rendement , le recours au circuit complexe s ' impose pour des puis­sances dépassant 10 à 15 MW; le prix et l ' encombrement de r i i is lal lal ion sont en effet d iminués par suite de la réduct ion des dimensions des machines, conséquence de l 'accroissement considérable de la puissance par uni té de débit qui est 2 à 2,5 fois plus grande que pour le circuit simple.

Tant pour des quest ions de réalisation (dilatat ions au démarrage) que pour la marche en charge partielle, il est avantageux de grouper les machines en deux ligues d 'a rbre .

La f igure 4 donne le schéma le plus courant de tu rb ine à gaz à circuit ouvert complexe.

En variante le compresseur B. P. peut être scindé en deux parties séparées par u n réfr igérant intermé­diaire; la puissance ut i le peut être prélevée à l ' a rbre hau te pression, ce qui permet de réduire la vitesse de l ' a rbre basse pression au-dessous de 3 000 t / m i n . On peut ainsi augmen te r la puissance réalisable sans re;'ourir à dos machines à double flux.

La tu rb ine à gaz à circuit ouvert peut également être réalisée avec u n e combustion externe, qu i permet t ra i t

Fig. 2. t C C

Ta p

plus aisément l 'u t i l isat ion d ' u n combustible solide. Entre compresseur et tu rb ine , l 'air comprimé est

échauffé dans un échauffeur tubulaire , analogue à la chaudière d ' u n e instal lat ion à vapeur; l 'air sortant de la turbine encore très chaud sert d 'a i r de com­bustion et de soufflage pour l ' échauffeur .

Celui-ci joue donc aussi le rôle de récupérateur . Les machines tou rnan tes ne sont parcourues que

par de l 'air pur . Deux installations expérimentales de ce type ont

été réalisées, l ' une au Canada, l ' au t re en Angleterre (Parsons).

Signalons encore les tu rb ines à gaz à circuit fcinié. Compresseurs et tu rb ines sont parcourus par un gaz (qui pourrait être au t re que l 'air) circulant en cir­cuit fermé : le gaz sortant de la tu rb ine rentre dans le premier compresseur après avoir été refroidi à une t empéra tu re aussi basse que possi­ble dans u n récupéra­teur suivi d ' u n réfrigé­ran t par surface. La combustion est externe : elle s'effectue dans u n échauffeur d 'a i r éven­tuel lement sura l imenté .

Fig. 4.

C C

^ HP

I

Chv —H

c e

T . ,

Page 4: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

2 0 0

0 200 400 fiOO 8 0 0 1000 1 2 0 0 k W

Fig. 5. Température maximum et rendement mesurés pour une turbine à gaz s imple entraînant un alter­nateur (Brown Boveri).

Deux réalisations analogues (12,5 MW) sont en phase de mise au point : l ' une à la centrale de Saint-Denis, Paris (constructeur Escher-Wyss), l ' au t re à la centrale de Dundee, Ecosse (constructeur ,lohn Brown, licencié br i tannique de Escher-Wyss).

Les circuits semi-fermés sont des combinaisons plus ou moins complexes de circuits ouvert et fermé.

Un seul schéma a reçu une application industriel le (20 MW, centrale de Weinfelden, Suisse, construc­teur Sulzer).

La mise au point des circuits ouverts à combustion externe, des circuits fermés et somi-ferniés est apparue plus difficile que prévue. Ces circuits n 'on t iias actuel­lement le développement du circuit ouvert à com­bust ion interne.

Aux charges partielles, le rendern<'nt des turbines à combustion à circuit ouvert tombe.

Cette chute de r endement est très rapide pour la machine simple (schéma de la fig. 2) : la f igure 5 donne la tempéra ture m a x i m u m et le r endement thermique mesurés, en fonction de la puissance, pour une turbine à gaz simple avec récupérateur entraî­nant un a l ternateur (constructeur Brown Boveri, uti l isateur : Fabr ique de Glace Raymond Arcache h Alexandrie, Egypte).

Elle est beaucoup plus lente pour une tu rb ine à circuit ouvert complexe comme le mont re la f igure 6 qui se rapporte à la tu rb ine Brown Boveri de

000 k"V\' installée à Beznau. Signalons que le circuit fermé permet en principe

un réglage à rendement quasi constant en agissant sur le débit par l ' in termédia i re du niveau inférieur de pression du circuit qui est différent de la pression atmosphérique.

3. Les réalisations industriel les

Nous ne ret iendrons ici que les machines en fonc-Uonnemenl indusLriel normal aujourd'hui. Nous ajouterons cependant les machines en montage et en construction qu i sont semblables à des groupes déjii éprouvés en service industriel .

iNous avons él iminé les turbines destinées à la mar ine de guerre qui ne const i tuent pas des unités industrielles, tous les groupes dont la mise au point n'est pas achevée et toutes les uni tés destinées à des recherches.

Notre but est ainsi de présenter la si tuation indus­trielle réelle de la tu rb ine à gaz ( ' ) .

Les constructeurs européens ont réalisé (dans le sens défini ci-dessus) à la fin de 1953, environ 162 UW de tu rb ines à gaz suivant le détail du tableau ci-dessous :

C o n s t r u c t e u r

C i r c u i t N o m ­

b r e d e

t u r b i l i e s

P u i s -s a u c e t o t a l e M W

C o n s t r u c t e u r O u v e r i s i m p l e

M W

> u v e r i C D I I l -p l e x e M W

N o m ­b r e d e

t u r b i l i e s

P u i s -s a u c e t o t a l e M W

Brown Boveri l îuston et Hornsby . . . Metropolitan Vickers . Brilish Thomson Houston

72,25 14,25

6,45 5,65

60 24 19 3 3

135,25 14,25 6,45 5,65

TOTAL . 49 161,6

Plusieurs des turbines construi tes par Brown Boveri ont actuel lement plus de 20 000 heures de fonction­nemen t .

Les constructeurs américains ont réalisé fin 1953 environ 323 MW de turb ines à gaz.

C i r c u i t N o m -

l i re di-

t u r b i ­n e s

P u i s -

C o u s t n u ' t e u r O u v e r t

O u v e r t c o i n -],l,.x.. M W

N o m -l i re di-

t u r b i ­n e s

s a u c e t i i t i i l e .MW

(jciieral Electiic 253,5 50 79 .303,5

Wes l inghouse . 25.5 9 26,5

TOTAL . 88 329

Le constructeur américain qui a le plus grand nombre de réalisations, la General Electric Co. con­s t rui t trois types de machines quasi s tandards .

( ' ) P o u r p l u s d e d é t a i l , v o i r R a p p o r I d e la S o i i s - C . n m m i s s i o n p o u r l ' K l u d e d e s i n s l a l l a l i o n s é q u i p é e s d e l u r b i n e s à gui d e la F é d é r a t i o n P r o f e s s i o n n e l l e d e s P r o d u c t e u r s et O i s t r i l i n l e u r s li K l e c t r i e i l é en lïet-jr iqne . R a p p o r t e u r s : 1.. R. R é d i n v é e l . \ . !.. J a u n i o l l e .

4

Page 5: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

a) Une tu rb ine à gaz simple sans récupérateur, de conception ne t t emen t influencée par la technique aéro­naut ique , d ' u n e puissance de 3 500 kW poussée actuel­lement à 5 000 k W ; son rendement est de 17 %, avec une tempéra ture m a x i m u m de 760° C. Remarquons que la construction européenne a a t te int le môme rende­ment avec des tempéra tures maxima de 600° C. C'est une turb ine Ge Co de ce type, installée h la centrale Belle-Isle, Oklahoma, qui totalise actuel lement le plus grand nombre d 'beures de fonct ionnement pour une turb ine h gaz : 35 000 heures.

5) Une tu rb ine simple de 5 000 ch avec récupéra­teur ; l 'arbre de la tu rb ine de puissance utile est séparé de celui du groupe compresseur- turbine haute pres­sion. Un grand n o m b r e de ces uni tés a été placé dans des stations de pompage pour gaz naturel . Le ren­dement the rmique a t te in t 25 % avec u n récupérateur d'efficacité 0,80.

c) Une tu rb ine de 5 000 k W à deux lignes d ' a rbre mais ne présentant pas de réchauffage au cours de la détente. Son rendement at teint 29 % pour mie tem­pérature m a x i m u m de 815° C.

Chez West inghouse également , le nombre de types const rui ts est l imité :

a) Une tu rb ine simple de 1 250 kW, sans récupé­ra teur ;

b) Une tu rb ine simple de 5 000 kW, sans récupé­ra teur ;

c) Une tu rb ine s imple avec récupérateur et tu rb ine de puissance utile séparée (3 500 kW) a t te ignant un rendement de 24 %.

Signalons que West inghouse const rui t en outre une tu rb ine à circuit ouvert complexe de 15 MW destinée à une centrale électrique.

En résumé, nous avons dénombré approximative­ment 137 installations industrielles de turbines à gaz représentant une puissance totale de i90 MW. C'est là un total impress ionnant .

Les combustibles utilisés dans ces installations sont le fuel-oil, le gaz na ture l et le gaz de hau t fourneau .

Des uni tés al imentées au gaz naturel et destinées en ordre principal au t ransport du gaz par pipe-lines représentent environ 260 MW; elles ont été construites par General Electric, West inghouse et Brown Boveri.

Deux tu rb ines seulement ( représentant 7 400 kW) sont al imentées au gaz de h a u t fourneau; elles ont été construi tes par Brown Boveri. L 'une d'elles, instal­lée à Dudelange (ARBED, Grand-Duché de Luxem­bourg) a plus de 17 000 heures de fonct ionnement .

Les résul tats d 'exploitation des turb ines à combus­tion al imentées par un combust ible gazeux (gaz na tu­rel ou gaz de hau t fourneau convenablement épuré) m o n t r e n t que la sécurité d 'exploitat ion est comparable à celle des tu rb ines à vapeur, de même que la durée de service entre révisions.

De g rands espoirs avaient été fondés sur l 'util isation de fuel-oils di ts lourds dans les turbines à gaz. En pral iquc, beaucoup de difficultés sont apparues, la plus g rande é tan t un encrassement et une corrosion rapides des parties à hau te t empéra tu re de la turbine .

1 5 0 0 0 k W

Fig. 6. R e n d e m e n t e n f o n c t i o n d e la c h a r g e p o u r u n e t u r b i n e à gaz à c i rcui t o u v e r t c o m p l e x e (Brown Boveri - C e n t r a l e d e Beznau) .

La teneur en vanadium des cendres du combustiljle joue dans cette question un rôle impor tan t sur lequel nous reviendrons au paragraphe 4.

Actuellement, un fonc t ionnement industr ie l sûr ne semble réalisé qu'avec les fuel-oils légers et moyens. La teneur on cendres du combust ible et la composition de celles-ci dé te rminen t si u n lavage i)ériodique de la turbine est nécessaire et, dans l 'aff i rmat ive, la fré­quence de ces lavages. Le remplacement périodique de certains éléments des chambres de combust ion peut en outre s ' imposer.

Comme exemple de fonc t ionnement de turbines à gaz indusirielles avec un combust ible l iquide assez lourd, citons les groupes de la Fabr ique de Ciment de Pertigalete au Venezuela. A part un groupe électrogène Diesel de secours et de réserve, qu i fourn i t n o t a m m e n t l 'énergie nécessaire au démarrage , les tu rb ines à gaz const i tuent l ' un ique source d 'énergie de cette entre­prise.

Trois unités construi tes par Brown Bovery y ont été successivement installées : deux de 1 650 k W mises en marche en 1949, une de 5 000 kW en 1952. Une nou­velle unité de 5 000 k W a élé conunandée.

Les deux utiités de 1 650 kW (groupes simples avec récu])érateur — rendement à pleine charge 21 %) — fonclionnent avec combust ible l iquide lourd; elles totalisaient 33 725 heures de fonc t ionnement au 31 mars 1953. Les groupes de 5 000 k W sont au gaz naturel .

Le combustible l iquide employé est un mélange de 60 % de fuel-oil lourd et de 40 % de Diesel-oil. Il a les caractéristiques suivantes :

Poids spécifique à 20° C . . . . 0,975 g r / c m ' Viscosité à 20" C 3 523 est Viscosité à 50° C 246 est Viscosité à 80° C 47 est Pouvoir calorifique intér ieur . . . 9 530 kcal /kg Teneur en cendres 0,04 % Contenu des cendres en vanadium . 50 %

(sous forme de pentoxyde de vanadium)

Fraction soluble des cendres . . . 25 % Fraction insoluble des cendres . . 75 %

5

Page 6: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

Groupe turbine à gaz-alternateur de 5 400 kW ins- Fabrique de ciment de Pertigalete, Venezuela. Groupe turbine à gaz de 5 000 kW, tallé à l'Aciérie de Dudelange (Grand-Duché de 3 600 t/m, 60 M3, construit par Browu Boveri et fonctionnant au gaz naturel (cir-Luxembourg) et alimenté au gaz de haut fourneau. cuit simple sans récupérateur). (Constructeur : Brown Boveri.)

Fig. 7. D e u x e x e m p l e s d e turbines à gaz industrielles.

Ces caractéristiques peu favorables sont aggravées par la teneur élevée des cendres en vanadium. Diverses mesures d'exploitalion ont été prises.

Les turbines subissent un lavage, aisé et rapide car prévu à la construct ion, après 700 à 900 heures de fonct ionnement . A cette fin, quelques heures après son arrôt, la tu rb ine est entraînée par le moteur de démarrage tandis que l 'on injecte de l 'eau. La durée d ' u n lavage est de 1 <i 2 heures; la machine est remise immédia tement en marche. On réussit à laver la tur ­bine malgré la fraction élevée des cendres insolubles. Aucune corrosion par les cendres n 'es t apparue, pro­bablement à cause de la tempéra ture m a x i m u m assez modérée, 600° C.

Les récupérateurs sont pér iodiquement nettoyés en service par un souffleur de suies à l 'air comprimé, al imenté par de l 'air prélevé au refoulement du com­presseur.

.\près 3 000 heures de fonct ionnement , la machine est ouverte et les ailettes du compresseur sont nettoyées car malgré les filtres, il se produi t u n encrassement lent.

En raison de la teneur en cendres du combustible, la chambre de combust ion exige u n certain entrel ien.

Les tuyères de pulvérisation du combust ible sont démontées après 3 500 heures de fonc t ionnement et les parties érodées sont remplacées.

Les cendres fondues produisent h la longue une corrosion du corps du brûleur p roprement dit , direc­tement léché par la f lamme. Celui-ci est consti tué de 250 éléments, facilement interchangeables. Après 18 000 heures de fonct ionnement , 70 éléments de chaque chambre ont été remplacés dont 25 pu ren t être réem­

ployés. On peut donc dire que la tenue de la chambre de combustion est satisfaisante.

La consommation d 'hu i le de graissage est insigni­f iante. Après 18 000 heures de fonct ionnement , on n 'entrevoyait pas le momen t où le remplacement de l 'hui le serait nécessaire.

En conclusion, moyennan t certaines règles d'exploi­tat ion, le fonc t ionnement industr iel d ' u n e turb ine à gaz avec combust ible lourd est réalisable dès aujour­d ' h u i si la t empéra tu re m a x i m u m du circuit n 'est pas t rop élevée ( inférieure à 650° C envi ron) .

Aucune réalisation de tu rb ine à gaz industrielle ali­mentée par un combustible solide n'existe encore. Des machines expérimentales ont fonct ionné duran t de courtes périodes en ut i l isant du charbon ou de la tourbe. Les trois problèmes fondamentaux posés par l 'u t i l isat ion de combustibles solides dans la tu rb ine à gaz à circuit ouvert ne sont que très part iel lement résolus. Ces problèmes sont :

(i) L ' introduction cont inue du combustible dans la chambre de combustion sous pression.

b) Le contrôle précis du débit de combustible sous l 'action des organes de réglage,

c) L 'él iminat ion des cendres avant leur passage dans la turb ine , sans créer une chute de pression exagérée.

L'ut i l isat ion d ' u n combustible solide paraî t p lus aisée dans une tu rb ine à gaz à circuit fermé, où la combust ion a lieu sous la pression a tmosphér ique et où le problème du dépôt des cendres sur les aubages ne se pose pas.

Une uni té de 2 000 kW en circuit fermé, al imentée au charbon est en construct ion chez John Brown (licencié b r i t ann ique de Escher-Wyss, Clydebank,

6

Page 7: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

lÀosse) pour ses propres usines. Ce groupe comporte une récupération de chaleur en vue du chauffage.

4. Dépôts et corrosions dus aux combust ibles l iquides lourds

Les ((irïibusl ibU's résiduels, meilleur marché que les combustibles distillés, cont iennent des traces de divers éléments, contenus dans le pétrole bru t et variables suivant son origine.

Ces éléments existent sous forme de composés organo-métalliques et minéraux , les uns solubles dans le combustible, les autres dissous dans l 'eau de mer émulsionnée au combustible, les autres encore sous forme de fine suspension.

Certains de ces composés de poids moléculaire faible peuvent distiller avec les hydrocarbures; ils donnent lieu au contenu de cendres, toujours min ime d'ail leurs, des combustibles distillés les plus lourds. Ces cendres là ne présentent aucun danger dans les turbines à gaz.

Il n 'en est pas de même des cendres des combustibles résiduels.

Pendant la combust ion, le soufre, toujours présent dans les combustibles est oxydé. Les composés métal­liques sont oxydés et t ransformés en sulfate, tout au moins pour les corps dont les sulfates sont stables à la t empéra ture a t te inte dans la f l amme (environ 1 600" C). On trouve ainsi les sulfates de sodium et de calcium dans les dépôts recueillis dans des turbines ù gaz.

Le vanadium, présent en quan t i t é très variable dans les cendres, est oxydé en divers oxydes de vanadium.

D'autres composés sont produi ts par réaction des oxydes et de certains sulfates. Ainsi se fo rme u n e série de vanadates de sodium, dont le point de fusion esl compris entre 625 et 650° C. Les seuls composés dont le point de fusion soit encore plus bas sont le bisul­fate et le pyrosulfate de sodium, mais ils se décom­posent respectivement à 250° C et à 460° C, en donnan t du sulfate dont le point de fusion est de 880° C.

Le mécanisme de la concentrat ion de fines particules de cendres emportées par le courant gazeux sur les ailettes est bien connu : il est analogue à la formation de gouttes d 'eau sur les ailettes des turb ines à vapeur fonct ionnant en vapeur humide . Il est probable q u ' u n e partie de ces cendres sont collées à la surface des aubes par des cotn])osés à bas point de fusion, comme le bisulfate et le pyrosulfate de sodium, et un mélange à bas point de ramollissement de plusieurs composants dont les points de fusion individuels sont plus élevés ( f igure 8).

Ces dépôts sur l 'aileltage de la t u r b i n e comportent une fraction soluble à l 'eau et u n e fraction insoluble. Si la fraction soluble est suffisante, u n simple lavage par injection d 'eau pulvérisée, en en t r a înan t la tur­bine par son moteur de lancement , désagrège le dépôt, qui est emporté par le couran t gazeux à la remise en marche de la tu rb ine , immédia tement après le lavage.

Signalons que les dépôts peuvent aussi ôtre désa­grégés par u n choc the rmique . Brown Boveri expéri­men te un « canon à eau » qui crée le choc thermiqiie par une injection d 'eau d u r a n t la marche normale de la machine.

F i g . 8 . Dépôts sur l e r o t o r d'une tur­b ine à gaz ayant fonc-t i o n n é a v e c u n

combus­tible rési­duel .

Page 8: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

Les turbines à gaz dont la tempéra ture m a x i m u m est inférieure à 600-650° C n ' on t guère été victimes de corrosions provoquées par les dépôts tandis que des corrosions, dans certains cas très rapides, se sont mani­festées dans les turb ines dont la tempéra ture maxi­m u m dépassait celte valeur.

Ce phénomène a at t i ré l 'a t tent ion sur le rôle du vanadium contenu dans les cendres.

Divers essais ont montré qu 'à haute tempéra ture (au-dessus de 600-650° C} le vanadium, sous forme d'oxyde de vanadium ou de vanadate de soude accé­lère la corrosion des alliages réfractaires utilisés dans les turbines à gaz. Les aciers au molybdène sont par­t iculièrement sensibles à cet effet tandis que les alliages nickel-chrome (comme les nimonic) ou cobalt-chrome (comme le vital l ium) y résistent beaucoup mieux. Cette action nocive ne se produi t que si les cendres sont fondues, d 'où l 'explication du seuil de tempé­ra ture .

Le mécanisme de cette action est, pense-t on, la dis­solution cont inue par les composés de vanadium de la couche d'oxyde protectrice qui se forme sur le métal , exposant ainsi celui-ci à une action d 'oxydation con­stante. La corrosion très rapide des aciers au molybdène fait supposer que le molybdène de l'acier joue le rôle d ' u n catalyseur d 'oxydation.

Des essais ont mont ré qu ' i l était possible de dimi­nuer les dépôts et de les rendre moins nocifs en con­trôlant la combust ion de manière à conserver 1 % environ d ' imbri i lés sous forme de fines particules de carbone. La mise en application d ' u n tel procédé, qu i doit être effectif à toutes les charges de la turbine, apparaî t difficile.

Une autre voie a été suivie pour lutter contre dépôts et corrosion : l 'emploi d 'addit i fs jouant le rôle d ' inh i ­bi teurs de corrosion. Ces additifs agissent soit pur dilut ion des const i tuants des cendres dans une sub­stance inerte, soit par la formation, avec ces cendres, de composés à point de fusion élevé.

Les additifs doivent être peu coûteux et faciles à met t re en œuvre.

De bons résultats ont été obtenus avec la silice sous forme soluble (éthyl-silicate) mais son \n\x est élevé. Aussi, s'est-on tourné vers des com])osés bon marché de la silice comme le kaolin (silicate d ' a l u m i n i u m ) et le kiesciguhr (silicate de magnés ium) .

Le kieselguhr a été utilisé avec succès comme inhi­bi teur de corrosion mais il ne semble pas avoir d 'action sur l ' importance des dépôts. Le kaolin a été essayé avec succès, semble-t-il.

Les essais d ' inh ib i t eu r s de corrosion et de dépôts, en pleine évolution au jourd 'hu i , semblent p romet teurs ( ' ) .

( 1 ) P o u r p l u s f i e d é t a i l s , s e r é f é r e r k : P . T . Si:i.7.En,Vher die Beeinflnssitiig von Oelorhenblageningen

durch Brenn!itnff:nsat:(r fSrhtreizer. Arrhiv zur Angeivandte Wissen-srhn/l i/nrf Technih. 1 9 5 2 , v o l . 1 8 , p . 3 7 9 ) .

\ . T . BoHiiEN, P . DHAPER a n r i H.ROWI.ING. D i e Prohlem nf FitrI-oil Ash neposilion in open-cvrh gas Turbines ( T r o r . Insl. Uerli. Eng., 1 9 5 3 , V o l . 1 6 7 , p . 2 9 1 ) .

5. Les turbines à gaz dans l'industrie s idérurgique

La tu rb ine à combustion s 'adapte par t icul ièrement bien à l 'emploi de combustibles gazeux, comme le gaz naturel (à haut pouvoir calorifique, environ 9 500 kcal par m^ N) ou le gaz de hau t fourneau (à bas pouvoir calorifique, environ 950 kcal par m* N) ccinvenablement dépoussiéré ( teneur inférieure h 20 m g r / m ^ ) .

Le gaz combustible doit être comprimé, avant injec­tion, dans un compresseur auxiliaire A grande vitesse de rotation vu le débit assez faible; ce compresseur est en général entraîné par l 'arbre principal, par l ' intermé­diaire d ' u n mult ipl icateur de vitesses à engrenages.

La puissance totale absorbée par la compression (air et gaz) n 'est guère affectée par cette compression auxi­liaire, la puissance absorbée par le compresseur d 'a i r é tant d iminuée d ' u n e quant i té à peu près équivalente du fait de la réduction du débit d 'a i r .

La tu rb ine à gaz de hau t fourneau peut être un simple groupe électrogène. A part le compresseur auxi­liaire de combustible, elle ne présente pas dans ce cas de part iculari tés; l 'é tude économique en sera faite au paragraphe suivant.

La tu rb ine h gaz peut être plus é t ro i tement liée à la vie de l 'us ine sidérurgique. Elle peut être conçue pour la production :

a) du veut de soufflage des hau t s fourneaux (à des pressions de l 'ordre de 2 à 2,5 kg /cm^) ;

b) d 'a i r de soufflage pour les convertisseurs d'acié­rie (à des pressions de l 'ordre de 3 à 3,5 kg/cm^) ;

c) d 'énergie électrique; séparément ou s imul tanément .

Des circuits plus complexes, mais qui n 'on t pas encore reçu d 'applications prat iques, ont été imaginés; ils combinent souvent la sura l imenta t ion du hau t fourneau avec la suppression des réchauffeurs de vent classiques.

Comme nous l 'avons signalé, il n 'existe au jou rd ' hu i que deux installations de tu rb ine h gaz al imentées au gaz de hau t fourneau, toutes deux construites par Brown Boveri mais elles const i tuent une référence de valeur puisque l ' une d'elles a plus de 17 000 heures de fonc t ionnement normal .

La t u rb ine à gaz installée à l 'us ine de Dudelange (ARBED, Grand-Duché de Luxembourg! répond au schéma de la f igure 9. Elle en t ia îne un al ternateur de 5 400 k W . Une partie de l 'air du compresseur, au m a x i m u m 15 kg/sec peut être prélevé pour al imenter soit les hauts fourneaux à la pression de 2,2 kg/cm' ' , soit les convertisseurs h la pression de 3 kg/cm' ' . La puissance électrique du groupe d i m i n u e lorsque le débit d ' a i r prélevé croît.

La puissance nominale de 5 400 k W est obtenue avec u n rendement de 21,5 % et u n e tempéra ture m a x i m u m d 'environ 550° C, infér ieure aux 600° C (lue peut admet t re la machine. Pour la t empéra ture m a x i m u m de 600° C, la tu rb ine fourn i t environ 6 800 k W avec un rendement de 24 %.

L 'autre installation (aciérie de Baracaldo, Espagne) const i tue un groupe ne servant qu ' au soufflage de

8

Page 9: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

Fig. 9. D ispos i t ion s c h é m a t i q u e d e la t u r b i n e à gaz d e h a u t f o u r n e a u d e l ' À r b e d ( D u d e l a n g e - Brown Boveri). 1. F u e l O i l ( d é m a r r a g e ) . - 2. A i r . - 3 . G a z H F . - 4 . P r é l è v e ­m e n t d ' a i r .

l 'aciérie. Le débit de soufflage est prélevé au refou­lement du compresseur de la tu rb ine à gaz. Remar­quons que cette disposition a pour elle un rendement de compression élevé, à cause du grand débit du compresseur mais la pression m a x i m u m du circuit est liée 5 l 'ut i l isat ion.

Ce groupe, en service depuis novembre 1952, a mon­tré qu ' i l se plie avec une grande souplesse au dia­g r a m m e journal ier de l 'us ine. Le débit normal est de l 'ordre de 13 kg/sec, à une pression de 2,7 a lm.

Deux turb ines à combust ion de 7 500 kW alimen­tées au gaz de hau t fourneau sont en construction chez Sulzer pour les Usines Métallurgiques du Hainaut . Llles const i tueront les premières turb ines à gaz indus­trielles installées en Belgique. Semblables dans leur s t ructure, l ' une forme cependant un groupe électro-

^ - - I l m

r Fig. 11. M a q u e t t e d ' u n e t u r b i n e à gaz 7 500 k W

a l i m e n t é e au gaz d e hau t f o u r n e a u et c o n s t i t u a n t u n g r o u p e é l e c t r o g è n e cons­

truit p a r Sulzer p o u r les Us ines M é t a l l u r g i q u e s d u H a i n a u t .

gène pur tandis que l ' au l t e (fig. 10 et 11) enlraî-nan t une soufflante et un a l te rna teur , combine avec une grande souplesse la product ion d 'énergie élec­tr ique et de vent de soufflage.

Le rendement escompté est de 24,5 %. Le point normal de fonc t ionnemen t correspond à

un débit de vent de 80 000 m ' N /h sous 1,2 k g / c m ' effectif.

L'oblention d ' u n e large g a m m e de débit d 'a i r de soufflage (de 40 000 h 100.000 m= N/h) a été ob tenue de la manière suivante.

La soufflante de vent axiale en t ra înée par la tu rb ine a été établie pour un débit de 67 000 m ' N/h, infé­rieur ,iu débit normal . Le réglage jusque 100.000 m ' N/h s 'obtient par un complément de débit soutiré à la sortie du compresseur basse pression de la tu rb ine à gaz (où règne u n e piession un peu supérieure à celle de la souff lante) . Ce soutirage d i m i n u e la puissance aux bornes de r a l t e r n a t e u r mais n 'affecte guère le rendement qui est encore de 24,4 % à 80.000 m" N/h .

Quand le débit de vent demandé tombe au-dessous de 67.000 m^ N/h, une fract ion du débit de la souf­flante de vent se détend dans une t u r b i n e de récupé­ration, placée en bout d ' a rb re de cette soufflante.

Ainsi le débit de vent peut être réglé ent re 40 000 et 100 000 m^ N/h, en conservant un bon r endemen t .

Sous 40 000 m ' N/h, une par t ie du débit de la souf­flante doit être rejeté à l ' a tmosphère , mais ce fonc-l ionnement n 'est pas envisager p ra t iquemen t .

6. Les appl icat ions de la turbine à gaz dans le cadre de l 'économie b e l g e

P r o d u c t i o n d ' é n e r g i e é l e c t r i q u e Dès 1949, la (^onnnission économique du Comité

belge de la Turb ine à Gaz a étudié, du point de vue économique, l 'application de la t u rb ine à gaz à la

Fig. 10. Dispos i t ion s c h é m a t i q u e d ' u n e t u r b i n e à gaz s e rvan t à la p r o d u c t i o n s i m u l t a n é e d ' é l ec t r i c i t é et d e v e n t (7 500 kW), c o n s t r u i t e p a r Sulzer p o u r les Usines M é t a l l u r g i q u e s d u H a i n a u t .

9

Page 10: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

production d 'énergie de base en centrales électri­ques ( ' ) .

Même en supposant des disponibili tés semblables à celles des installations ci vapeur, la tu rb ine à gaz subit un double handicap : sa puissance uni ta i re l imitée et, pour le proche avenir tout au moins, l 'obligation d 'u t i ­liser un combustible l iquide. Ce double handicap n 'es t pas compensé par l 'avantage d ' u n prix par uni té de puissance su f f i samment infér ieur à celui des installa­tions à vapeur.

Cette conclusion est illustrée par la f igure 12, extraite du rapport précité, qui compare le prix de revient de l 'énergie, en fonction de l 'uti l isation annuel le , dans le cas des turbines à vapeur et à gaz; pour celles-ci, trois combustibles ont été envisagés : fuels-oils moyen, lourd et extra-lourd. Notons cependant que la marche au fuel-oil extra-lourd n 'est pas possible industr ie l lement au jou rd 'hu i .

La mise au point éventuelle de la t u rb ine 5 gaz al imentée au charbon ne renverserait pas cette conclu­sion, pour les installations de base tout au moins . En suppu tan t , hypothèse la plus vraisemblable, la marche au charbon de la tu rb ine en circuit fermé, le rende­men t possible serait au mieux équivalent à celui des installations à vapeur. L'avantage de la tu rb ine à gaz ne pourrai t provenir que d ' u n e réduction du prix et l 'é tude comparée at tentive de la s t ruc ture d ' u n e telle installation et d ' u n e centrale à vapeur semble indiquer que les prix seraient à peu près équivalents. Seules des circonstances locales, conmie la pénur ie d 'eau ou la réalisation d ' insta l la t ions combinées de product ion d 'énergie et de chaleur, pourra ient favoriser la t u rb ine à gaz pour la production d 'énergie de base dans un pays dont l 'économie est axée sur le charbon dans le proche avenir.

Par contre, la tu rb ine à gaz alimentée en combus­tible liquide paraî t adaptable à la production d 'énergie de pointe ou de secours, avec une faible ut i l isat ion.

Dans ce cas la puissance uni taire l imitée n'est pas un défaut : les groupes peuvent être installés au voi­sinage du lieu de consommation et l 'énergie peut être

injectée directement dans le réseau à moyenne tension, comme envisagé par l 'Electricité de France.

Si on utilise des circuits assez simples, les besoins en eau sont nuls ou très limités.

Enf in , le coût d ' instal lat ion moins élevé de la tur­bine à gaz joue au max imum puisque, du fait de la faible utilisation, les frais de combust ible ont une répercussion moins grande, les charges de capital ayant une incidence prépondérante sur le prix de re­vient de l 'énergie de pointe.

L ' intérêt de la turbine à gaz dans l ' indus t r ie sidé­rurg ique a été signalé au paragraphe 5. Pour la pro­duction d 'énergie électrique à par t i r du gaz de hau t fourneau , la tu rb ine à gaz apparaît avantageuse comme le mon t r e la f igure 13, extraite du rapport précité.

Si on se rappelle que 13 % de l 'ensemble de l'élec­tricité belge sont produits à part i r du gaz de hau t fourneau, on conçoit qu ' i l y a là une application impor tante pour la tu rb ine à gaz en Belgique.

Trac t ion f e r rov ia i r e

L'expérience européenne des lortjmotives à turb ines à gaz se l imite ;") trois ma(-hines : la locomotive des chemins de fer fédéraux suisses ( tu rb ine Brown Boveri) et deux locomotives des British Railways-Western Région ( tu rb ine Brown Boveri pour l 'une , Metropolitan Vickers pour l ' au t re ) .

Une expérience plus impor tan te sur des machines plus puissantes (4 800 CV) a été accunmiée aux Etats-Unis par l 'Union Pacific. Après une expérience portant sur 10 locomotives, 15 nouvelles machines ont été commandées à la Ge Go.

Toutes ces uni tés ont été considérées comme des turb ines à gaz industrielles dans le bilan de la puis­sance installée dressé au paragraphe 3.

Tant à cause de la puissance que de la place <lis-ponible, les turbines à gaz pour locomotives sont des uni tés simples, parfois complétées par un récupé­ra teur d'efficacité voisine de 0,5. Elles n 'ex igent aucune al imentat ion en eau.

Le développement de la Turbines à vapeur 50 MW Turbines à vapeur 25 MW

UtiUsation •-

Fuel oïL.

locomotive à tu rb ine à gaz paraît donc se poursuivre aux Etats-Unis et pas en Europe.

Ces évolutions opposées t rouvent leurs causes dans le prix des combustibles et dans la différence fonda­menta le des réseaux.

( 1 ) Mémoires de la Soriétf Royale Belge des Ingénienrs el :les Indiislriels, S é i i c li, n" 5 , 1 9 4 9 .

Fig. 12. Comparaison des prix d e revient de l'éner­g ie produite par les tur­b ines à gaz et les tur­b ines à vapeur.

UtiUfcation «.

Page 11: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

Aux Etals-Unis, de grandes puissances sont néces­saires pendant de longs trajets : la tu rb ine à gaz peut donc être employée à son rendement m a x i m u m (envi­ron 20 %) .

En Europe, les conditions d 'u t i l i sa t ion imposent un fonct ionnement f réquent à charge partielle où la tur­bine à combustion a une consommation très élevée.

M. D. F. Hugues a signalé ( ' ) que, d 'après l'expé­rience d'exploitation en ( irande-Bretagne, les prix du combustible sont les suivants :

Locomotive Diesel-Elec­trique

Locomotive à vapeur Locomotive à tu rb ine à

gaz 1,52 f r par ch-h à la traction

0.59 fr par ch-h à la traction 0,66 f r par ch-h h la traction

Le réseau belge apparaît très mal adapté à la tur­bine à gaz ordinaire . Toutefois les im])ortanlcs pos­sibilités de la locomotive à tu rb ine à gaz alimentée par générateur à pistons libres seront indiquées ul­tér ieurement .

Marine

La seule expérience acquise sur mer en exploita­tion commerciale est celle du pétrolier « Auris » pro­pulsé par trois moteurs Diesel et une turbine h gaz B. T. H. de 860 kW. La transmission est électri(iue.

En deux années d 'exploitat ion, la tu rb ine a fonc­t ionné 11 200 heures en consommant :i 4G8 tonnes de combustible de diverses quali tés; 2 800 heures ont été réalisées avec un combust ible de viscosité com­prise entre 300 et 370 centistokes dont le contenu en cendres était de 0,06 à 0,09 %.

Diverses adaptat ions ont été faites (dispositifs de lavage sur le silencieux et la tuyauter ie d 'aspirat ion, sur le compresseur et la t u rb ine ) , mais jamais la tu rb ine n'a dû être arrêtée en mer par suite d ' u n e avarie. Un réailettage de la tu rb ine a cependant dû être effectué à la suite de

Un nouveau pétrolier de 18 000 t en construct ion pour la même f i rme, ]'Anglo-Saxon Petroleum Co. sera propulsé u n i q u e m e n t par turb ines à gaz. Il compor­tera deux uni tés ù deux arbres de 4 050 ch; la transmission sera électrique, comme pour 1' « Auris ». Les turb ines sont construi tes par B. T. H. Prévues pour la combust ion de fuel-oils lourds, la t empéra tu re max imum sera l imitée 5 650" C et des alliages spé­cialement résistants ti la corrosion seront employés. En outre, on compte ajouter au combustible, un inhi­bi teur de corrosion.

Le prix de l 'appareil moteur complet avec la t rans­mission électrique dépasse celui d ' u n e t u rb ine à va­peur ou d ' u n moteur Diesel. Néanmoins, \'Anglo-Saxon Petroleum Co. estime que les frais d 'exploita­tion, pour un rendement global h l ' a rb re de l 'hélice de 25 % seront infér ieurs <i ceux d ' u n bateau m û par turbine à vapeur ou par moteurs Diesel.

Sous l 'égide du Centre Belge de Recherches Navales, nous avons entrepr is , pour quelques types de cargos, la comparaison économique de la propulsion par mo­teur Diesel et par tu rb ine à gaz. II serait p réma­turé do donner des m a i n t e n a n t les premiers résul ta ts de cette étude.

L'adaptation de la t u rb ine à gaz h la mar ine mar ­chande est une œuvre de longue haleine : l 'expé­rience de r « Auris » just i f ie u n e vue opt imiste . Elle a démontré ;

a) La sécurité et les frais d ' en t re t ien rédui ts de la tu rb ine à gaz;

b) L'absence complète de vibrat ions; c) La durée de vie de la mach ine a t te indra celle du

bateau, les seules pièces remplacer é tan t les pre­miers aubages de la tu rb ine et certaines part ies de la chambre de combust ion après u n temps que l 'on peut estimer supérieur à 20 000 heures .

Iteste h trouver une solution complètement satisfai­sante du renversement de marche : nous pensons que ce sera l 'hélice à pas variable.

corrosions dues au com­bustible utilisé et au maté­riau employé, particulière­ment sensible aux com­posés du vanadium.

La consommation d 'hu i ­le de graissage après 12 000 heures est insigni­fiante.

( 1 ) D . F . Hur . uES , La turbine à gaz industrielle (Bulletin de la Société Royale Belge des In­génieurs et des Industriels), 1 9 5 4 , 3 , p . 1 2 9 .

Fig. 13. Comparaison des prix d e revient de l'éner­g ie produite par les tur­bines à gaz a l imentées au gaz de haut fourneau et les turbines à vapeur.

Turbines à vapeur 50 MW Turbines à vapeur 25 MW

Utiliiolicn — UltUsation —

Page 12: Quelques considérations sur les turbines à gaz industrielles

II. TURBINES À GAZ ALIMENTÉES PAR GÉNÉRATEURS

À PISTONS LIBRES

7. Principe

Considérons une tu rb ine h combustion simple, mais compor tant deux turbines de détente en série T^j^ et Tgp, la première T^p servant u n i q u e m e n t à l 'entraî­n e m e n t du compresseur C tandis que la seconde fourn i t la puissance utile (fig. 3, p. 3).

Dans une installation motrice h vapeur, la turb ine reçoit de la vapeur sous pression venant d ' u n e source indépendante , la chaudière; de même, dans la tu rb ine à gaz, de la f igure 3, la tu rb ine T^p reçoit des gaz chauds sous pression, qui lui sont fournis par le com­plexe compresseur — chambre de combust ion — tur­bine Tjjp. Ce groupement forme un généraleur de gaz chauds sous pression qui al imente la turb ine motrice.

Pareil générateur, au lieu d 'être consti tué unique­ment de turbomachines peut être réalisé par des ma­chines volumétriques ou encore par une combinaison de machines volumétriques et de turbomachines .

La solution la plus intéressante a élé obtenue en groupan t compresseur et moteur dans une machine à pistons libres (Pescara).

Diverses variantes de réalisations sont possibles (Kg. 14).

Le générateur à pistons libres comporte u n cylindre à deux pistons moteurs opposés; chacun de ceux-ci est lié r igidement par une courte tige au piston compres­seur (l 'un diamètre supérieur, se déplaçant dans un cylindre correspondant.

Le cylindre moteur fonctionne en Diesel deux temps avec une al imentation en air à une pression de plu­sieurs atmosphères (environ 4).

Le déplacement des pistons moteurs produi t l 'ouver­ture et la fermeture des lumières d 'a l imenta t ion et d 'échappement .

L'air comprimé fourni t le balayage et l 'air combu­ran t .

Les deux équipages mobiles formés des pistons mo­teur et compresseur sont solidarisés par u n embiellage qu i ne t ransmet normalement aucune puissance et assure s implement la synchronisation r igoureuse des déplacements des deux équipages.

Dans la troisième variante représentée <i la f igure 14, l 'énergie fournie par la détente des gaz brûlés dans le cylindre moteur est accumulée dans les matelas d 'a i r compr imé M. Lors de la course de retour , la détente de cet air assure la compression dans les cylindres

compresseurs de la charge aspirée à l 'exlérieur, son refoulement dans l 'enveloppe en touran t le cylindre mo­teur et la compression dans ce cylindre de l 'air com­buran t .

Comme l 'ensemble ne produit aucune puissance utile, la détente dans le cylindre n 'est que partielle : les gaz d 'échappement sont à pression et température

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Fig. 14.

12

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Fig. 15. Schéma d'une turbine à gaz a l imentée par un générateur à pistons libres.

élevées. Ils se mélangent .'i l 'air de balayage dans un réservoir tampon.

A la sortie de ce réservoir, les gaz ont une pression de l 'ordre de 4-4,5 kg/cm^ et une tempéra ture de 450-500" C. Ils a l imentent une lurb ine fournissant la puis­sance utile (fig. 15).

La tu rb ine à gaz al imentée par générateur de gaz à pistons libres présente pour des applications particu­lières certains avantages sur la tu rb ine à gaz formée un iquemen t de turbomachines , comme d'ai l leurs sur le moteur Diesel.

Par lapport à une réalisation ne comportant que des turbomachines , les avantages découlent do deux carac­téristiques :

a) La pression m a x i m u m des évolutions thermo­dynamiques est élevée, environ 70 kg/cm^;

b) La t empéra tu re en fin de combust ion est égale­men t très élevée, de l 'ordre de 1 800° C, ces tempéra-tu ies élevées é tan t admissibles, comme dans les moteurs Diesel, à cause de la discont inui té de la combust ion et du refroidissement du cylindre moteur , par une circu­lation d 'eau.

De ces caractérist iques résulte un r endemen t élevé : le rendement à l ' a rb re de la tu rb ine a t te int 36 %, soit approximat ivement le r endemen t d ' u n mo teu r Diesel.

Avec une réalisation ne comportant que des turbo­machines, la t empéra tu re m a x i m u m est l imitée par le fluage des maté r iaux aux environs de 750'̂ C et le ren­dement est rédui t à 18-20 %.

Remarquons que la t empéra tu re des gaz à l ' en t rée d ' u n e turb ine a l imentée par un générateur à pistons libres est modérée : 450-500" C. La réalisation de cette turbine ne pose donc pas de problèmes de matér iaux aussi délicats que la tu rb ine à gaz ordinaire.

Signalons aussi q u ' u n e seule turli ine peut être ali-tiienlée par plusieurs généra teurs marchan t en paral­lèle. Les puissances réalisables actuel lement sont de l 'ordre de 500 à 10 000 kW au m a x i m u m .

Pour une instal lat ion comportant plusieurs généra­teurs, la panne d ' u n généra teur n ' empêche pas le fonct ionnement de l ' instal lat ion dont la puissance est s implement rédui te de celle du générateur arrêté. La réparation peut souvent être effectuée sans arrêt de l 'ensemble, pourvu que les sccl ionnements nécessaires des canalisations de gaz aient été prévus.

Courses, alésages et vitesses moyennes des pis tons sont limités dans un généra teur à pistons libres comme dans un moteur Diesel. La puissance disponible dans les gaz d ' u n généra teur est donc limitée.

Remarquons cependant que pour des instal lat ions coirq)orlant plusieurs généra teurs en parallèle, le prix, le poids et frais d ' en t re t ien sont plus élevés que pour

Fig. 16. Générateur de gaz (1 000 ch) conçu par la Société Seme, Paris.

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Fig. 17. Ensemble de l'instal­lation de la Sigma. A l'avant-plan, générateurs de gaz sur­montés chacun d'un réservoir-tampon.

une tu rb ine à gaz formée u n i q u e m e n t de turbo-machines .

Les avantages sur le moteur Diesel sont :

o) Tous les organes en mouvement sont facilement accessibles et rapidement démontables;

b) Les frais d 'ent re t ien et d 'exploitat ion semblent infér ieurs , d 'après l 'expérience de la centrale de Reims (Electricité de France), qui a actuel lement plus de 5 000 h de marche;

c) La puissance utile est obtenue à l ' a rbre d ' u n e tu rbomachine (régularité parfaite, vitesse de rotation élevée, éventuellement ramenée à la valeur voulue par un réducteur à engrenages);

d) La quant i té de chaleur à évacuer d u cylindre n 'est que de 18 % de la chaleur in t rodui te par le com­bustible, donc net tement inférieure à sa valeur dans un Diesel.

Ajoutons que le démarrage, effectué à l 'air com-pii iné, est très aisé. Par temps froid, il est facilité par la possibilité d'accroître la compression.

Le combustible normal des généra teurs h pistons libres est le gasoil.

Des essais satisfaisants ont été réalisés avec des com­bustibles plus lourds, comme le fuel-oil n" 1 (densité à 20^ C : 0,9:39 — viscosité Engler à 5 0 ' C : 9,8), ré­chauffé à 85" C avant injection.

La durée trop courte de ces essais (de l 'ordre de 100 heures) ne permet pas encore d émet t re un juge­men t définitif sur la tenue des généra teurs employés avec combustibles plus lourds.

8. Réalisations et util isations

Les premiers essais de turbines à gaz al imentées par générateurs à pistons libres ont été effectués par les Sociétés Sulzer et Alsthom.

Trois f irmes ont poursuivi le développement des gé­néra teurs à pistons libres : le groupe Seme-Sigma en France, Alan Muntz Co. en Grande-Bretagne, Lima-Hamil lon Corporation aux Etats-Unis.

Seul, le groupe français a at teint le stade de l'exploi­tation industrielle.

Conçu par la Seme (Société d 'Etudes mécaniques et

énergétiques, Paris) u n seul type de générateur de gaz (1 000 ch) est actuel lement construi t (fig. 16).

Ses principales caractéristiques sont :

Alésage moteur 340 m m Alésage compresseur WO m m Course utile à pleine charge 450 m m Nombre de ba t t ements 600 oscillations

par m i n u t e Pression des gaz d ' échappement 4,5 kg/cm^.

Plus de 70 généra teurs ont été ou sont en construc­tion à la Sigma (Société Industr iel le générale de Mé­canique appliquée - Vénissieux, Rhône) .

La licence des générateurs Seme-Sigma a été acquise récemment par la General Motors (U. S. A.)

Les deux premières installations industrielles de turbines à gaz al imentées par générateurs à pistons libres ont été montées en 1950 et 1951.

Il s 'agit de deux groupes électrogènes de 1 250-1 400 k W installés l ' un à l 'us ine d u constructeur (Sigma), l ' au t re à la centrale de Reims (Electricité de France) .

Dans les deux cas, la tu rb ine motrice est al imentée par deux généra teurs en parallèle.

La f igure 17 m o n t r e l 'ensemble de l ' inslal lat ion de la Sigma : à l 'avant-plan, on remarque les deux gé­nérateurs de gaz surmontés chacun d ' u n réservoir tampon. Le groupe de Reims est semblable.

M, P. CH.AMBADAI,, attaché à la diieclion des études el recherches d'Electricité de France a précisé l 'objet de cette installation ( ' ) .

(C L'un des buts de celte dernière installation était d 'é tudier la possibilité d 'ut i l isat ion des turbines à gaz pour le démarrage des machines électriques destinées à fonct ionner en compensateur synchrone

n Dans le cas de l 'us ine génératrice de Reims, le |)roblènie du démarrage se pose d 'ai l leurs non seule­men t pour l ' a l t e rna teur de 4 000 k'W accouplé à la tur-

(1 ) P. CiiAMBAnAL, Les tlirhines à ga: dans les usines génénilrires éleetritines (Revue Génfrale de l'Electricité. N o \ e m b r e 1 9 5 3 . p . 5 0 1 ) .

( 2 ) D a n s l e r é s e a u f r a n ç a i s , l ' é n e r g i e r é a c t i \ e e s t p r o d u i t e par l e s g r o u p e s t u r b o - a l l e r n a l e u r s , par d e s ba t t er i e s de c a p i c i l é el par des c o m p e n s a t e u r s s y n c h r o n e s , q u i a c t u e l t e m e n t . sont c o n s t r u i t s d e m a n i è r e à p o u v o i r f o u r n i r d e la p u i s s a n c e a c t i v e au m o m e n t d e s p o i n t e s , à c o n d i t i o n b i e n e n t e n d u q u ' o n les e n t r a ' n e par u n m o t e u i .

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bine à gaz mais aussi pour deux autres a l ternateurs plus puissants; actuellement, ils sont entra înés par des turbines à vapeur, mais dans un proche avenir, ils ne seront plus utilisés que pour la production d 'énergie réaclive. Une liaison électrique entre les a l te rnateurs permet t ra alors de réaliser, à l 'a ide de la m ê m e tur­bine à gaz, le démarrage de trois compensateurs , bien q u ' u n seul d ' en t r e eux soit relié mécanique­ment à cette tu rb ine » (par une liaison compor tant un embrayage) . Cette possibilité a été confirmée par l 'expérience.

En vue d 'obteni r rapidement une informat ion expé­r imentale sur les possibilités des générateurs à pistons libres, l ' instal lat ion de lieinis fonct ionne générale­ment 16 heures par jour. Elle a actuel lement JJIUS de ô 000 heures de marche .

Les résul ta ts ont été satisfaisants et Electricité de France a conmiandé une nouvelle installation de conception semblable mais plus puissante, 6 000 kW, ù jilacer ù Cherbourg. La turb ine sera alimentée par 8 généra teurs groupés par paires; u n servo-méca-nisme assurera un déphasage constant ent re les diverses paires.

D 'autres groupes électrogènes de 600 et 1 250 kW ont été réalisés ou sont en construct ion (Compagnie des Phosphates de Gafsa, Tunisie; Compagnie des Eaux de banlieue, Paris, . . . ) .

A côlé de ces groupes, la Kégie nationale Itenault a construi t une locomotive dont l 'appareil moteur est une tu rb ine à gaz de 1 000 ch a l imentée par u n géné­rateur à pistons libres.

Le r endement moyen au crochet de la traction à vapeur est de l 'ordre de o %, celui de la traction IMesel de 22 à 25 %. Mais le moteur Diesel é tant à couple sensiblement constant , il est nécessaire de pré­voir en t re le moteur et les essieux une transmission électrique ou hydro-mécanique ( transmission fluide et changement de vitesse ou convertisseurs de couple et i l iangement de vitesses).

La tu rb ine à gaz alimentée par générateur à pistons libres permet de conserver le m ê m e rendement au crochet que le moteur Diesel, avec l 'avantage d ' u n e liaison pu remen t mécanique en t re la tu rb ine et les essieux.

On sait en effet que le couple d ' u n e turb ine aug­mente à peu près l inéairement lorsque la vitesse de rotation d iminue , pour des condit ions d 'al imeti tal ion (pression et t empéra ture ) inchangées. A vitesse nulle, le couple est de l 'ordre de 2 ù 2,5 fois le couple à pleine vitesse.

Dans le cas d ' u n e locomotive, pour éviter l 'emploi d ' u n changement de vitesse, il fau t que le couple au démarrage soit aussi élevé que possible. Le construc­teur de la tu rb ine montée sur la locomotive Renaidt, la société Râteau, a obtenu 3,8 fois le couple à la vitesse m a x i m u m , ce qui représente un rapport très élevé.

Ainsi, la tu rb ine 5 gaz al imentée par générateurs à pistons libres a f ina lement la m ê m e souplesse ( ju 'un moteur Diesel m u n i d ' u n e t ransmission hydraul ique avec convertisseur de couple.

Les essais au banc de l 'appareil moteur de la loco­

motive Itenault ont doiuié pleine satisfaction. La loco­motive complète poursui t actuellement ses essais sur le réseau français, oi!i elle dépasse déjà 100 000 km.

La réalisation de ce remar(]uable prototype pourrai t être le début d ' u n e évolution dans la traction ferro­viaire.

Des apiilications de la tu rb ine à gaz avec généra­teurs sont en cours dans la mar ine .

Signalons deux groupes propulseurs de 2 000 ch commandés par la m a r i n e marchande française pour des caboteurs et 26 groupes destinés à des d ragueurs de mines pour la Marine Nationale.

L'dpj>lication à la m a r i n e pose, comme pour les autres types de turb ines à vapeur, le problème du ren­versement de la marche .

La solution la p lus radicale consiste dans l 'utilisa­tion d 'une hélice à pas variable.

L'emjjloi d ' u n e tu rb ine avec une roue de marche arrière fourn i t une au t re solution. Mais alors que pour les turbines mar ines à vapeur, la roue de marche arrière tourne no rma lemen t dès le vide du conden­seur, ici, elle tourne à la pression d 'échappement de la turbine, soit la pression a tmosphér ique; les pertes ])ar ventilation, proport ionnel les au poids spécifique du fluide sont for t accrues.

D'après la Seme, des essais de ventilation d ' u n e roue tournant en sens inverse de son sens normal de marche ont mont ré que , pour un tracé bien adapté de l 'aubage, on peut réduire les pertes par ventilation à 1,5 % de la puissance de la turb ine . Bien ((u'encore élevée si l 'on songe qu'el le affecte toute la vie de la machine, cette perte serait acceptable. L'emploi d ' u n e turbine de marche arrière, comme en tu rb ine à va­peur, n'est donc pas une solution h rejeter.

Résumons-nous en disant que les applications de la turbine à gaz al imentée par générateurs à pistons libres se t rouvent dans les puissances de 500 h 10 000 kW au m a x i m u m , pour les ut i l isat ions sui­vantes : traction ferroviaire, mar ine et groupes électro­gènes dans certains cas part icul iers .

A. L. J. et L. R. B.

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