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septembre 2010 Quel rythme de vie pour les élèves ? La question des rythmes de l’école semble insoluble au vu des intérêts extérieurs et contradictoires qui la conditionnent. Alors comment sortir de la spirale du bras de fer ? Comment assurer à tous les jeunes une éducation de qualité respectueuse de leurs rythmes scolaires, sociaux et familiaux ? www.laligue.org Retrouvez les avis des experts et des acteurs qui font le débat. Le dossier du mois

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septembre 2010

Quel rythme de vie pour les élèves ?

La question des rythmes de l’école semble insoluble au vu des intérêts extérieurs et contradictoires qui la conditionnent.

Alors comment sortir de la spirale du bras de fer ? Comment assurer à tous les jeunes une éducation de qualité respectueuse de leurs rythmes scolaires, sociaux et familiaux ?

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Retrouvez les avis des experts et des acteurs qui font le débat.

Le dossier du mois

Quel rythme de vie pour les élèves ?

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Sommaire

Introduction ...................................................................... 3-4

Enjeux .............................................................................. 5-6

Points de vue ................................................................... 7-29

Débattre, oui, mais de quoi ?Rythmes scolaires : une question à définition plurielleEntretien avec François Testu ................................................................ 7-10École primaire : vérités et faux-semblantsEntretien avec Bruno Suchaut ................................................................. 11-12Comment se décident les rythmes de l’école Entretien avec Jacques Chauvin ............................................................. 13-15Périscolaire : une plus grande concertation s’imposeEntretien avec Philippe Machu ................................................................ 16-17

Apprendre à travailler ensembleQuelle action publique sur les rythmes scolaires ?Entretien avec Anne-Sophie Benoît ......................................................... 18-20Prendre en compte la globalité des temps de l’enfantpar la FCPE. ............................................................................................ 21-23S’engager : une question de confianceEntretien avec Thierry Cadart .................................................................. 24-26Articuler action sociale et impulsion nationaleEntretien avec Gwenaëlle Hamon ........................................................... 27-29

Repères ........................................................................... 30-32

Quizz ............................................................................... 33-35

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IntroductionIntroduction

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En plus de son héritage chrétien ou agricole auquel les élèves doivent leurs deux mois de vacances d’été, le calendrier sco-laire est modelé depuis des décennies par des logiques éco-nomiques. La satisfaction du lobby touristique conduit ainsi en 1965 à l’institution des zones, pensée autour des sports d’hiver qui ne concernent pourtant qu’une minorité d’enfants. Si le prin-cipe du zonage limite la concentration des vacanciers sur les routes et les sites, le découpage en vigueur néglige le rythme optimal des jeunes, à savoir l’alternance de sept semaines de classe et de deux semaines de vacances.

Le rythme hebdomadaire est lui aussi travaillé par des intérêts contraires. La semaine de quatre jours par exemple serait da-vantage conçue en fonction des intérêts des adultes que de la rythmicité naturelle des enfants. Un temps libéré qui serait plébiscité par les familles mais qui nie les réalités des ménages les plus modestes et des parents isolés.

Mais les journées scolaires des élèves de France ne sont pas seulement les plus longues d’Europe : elles requièrent une dis-ponibilité continue. Une école encline à offrir également des ac-tivités moins formelles ou ludiques générerait moins de stress et de fatigue, à condition qu’elle s’affranchisse de la seule quête de la performance. Une confusion des genres inconce-vable dans le secondaire tributaire du triptyque une matière - un enseignant - une heure et dont les moyens décroissent.

Autre option : l’école à l’allemande qui cède les après-midis aux loisirs. Un modèle qui, en France, pèserait lourd dans les poches des collectivités locales en charge du périscolaire. Diffi-cile en outre de ne pas redouter un durcissement de la fracture sociale sans une harmonisation de leurs budgets. Longtemps donné pour exemple, le système allemand est d’ailleurs en passe d’être abandonné.

La Conférence sur les rythmes scolaires instituée en juin 2010 par le ministre de l’Education nationale entend résoudre le casse-tête en réunissant autour de la table plusieurs des par-ties prenantes : Transport et Tourisme notamment. Le consen-sus est d’autant plus improbable que le climat est peu propice à la confiance.

Alors comment sortir de la spirale du bras de fer ? Comment as-surer à tous les jeunes une éducation de qualité respectueuse de leurs rythmes scolaires, sociaux et familiaux ? Comment permettre à l’école de la République de trouver son rythme ?

Parmi les marottes de l’école, les rythmes scolaires font partie des plus épineuses. Soumis à des intérêts contradictoires, leur articulation avec les rythmes globaux des jeunes reste boiteuse.

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Introduction

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Enjeux

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Un cas d’école

Difficile dans ces conditions de s’entendre sur une définition du « bien commun ». Faute de quoi la plupart des acteurs se réclament de l’intérêt de l’enfant. Fort bien. Mais de quoi parle-t-on exactement ? S’agit-il de ses performances scolaires, de son bien-être, de son accès à la culture, de son temps de som-meil ?Ce bel unanimisme est porteur de malentendus, cela contribue à expliquer le caractère récurrent d’un débat où curieusement tout le monde semble d’accord. C’est là que la délibération pu-blique prend tout son sens. L’enjeu de la conférence nationale sur les rythmes scolaires est aussi bien d’ouvrir des espaces de consensus que de repérer les lignes de clivage. Il est essen-tiel, en démocratie, de comprendre les désaccords si l’on veut construire des compromis qui fassent sens. Car faute d’explo-rer ce qui nous divise, le risque existe de ne se réunir, in fine, que sur un compromis minimal ou illusoire. Avec en corollaire des politiques mal conçues.Prendre acte des clivages, ce n’est pas s’engager dans un marchandage à qui cédera ceci en échange de cela. C’est au contraire se donner les moyens de surmonter les divisions en se donnant des objectifs réellement partagés, à partir desquels les acteurs puissent s’engager. L’instruction du débat, la remontée d’expérience, les conditions de l’évaluation doivent être prises en compte. Et plus générale-ment la variété des situations appelle à déléguer une partie des décisions au plus près du terrain. Mais la plupart des acteurs reconnaissent la nécessité d’un cadre national. Dès lors les méthodes de la démocratie directe ne suffisent plus et on entre dans une logique de représentation, avec des corps constitués et l’intervention de la société civile organisée. Il ne faut pas s’y tromper, le changement d’échelle engage un saut qualitatif : les positions ne sont pas élaborées de la même façon et les équilibres se construisent différemment. L’horizon de la réflexion évolue aussi : on n’est plus dans la recherche d’une simple harmonie entre divers intérêts collectifs, mais dans la question éminemment politique d’un choix de société. Raison de plus pour en débattre sérieusement.

La question des rythmes scolaires constitue en matière de débat public un véritable cas d’école. Le sujet est complexe, ses implications sociétales sont sensibles et les parties prenantes de la discussion sont nombreuses. En outre, si chacun convient que le modèle actuel devrait être amélioré, la force des habitudes et des traditions pèse sur l’imagination sociale. Enfin, divers lobbies s’intéressent de près aux dates des départs en vacances, qui conditionnent des activités économiques vitales pour certains territoires.

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Points de vue

Débattre, oui, mais de quoi ?

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Rythmes scolaires : une question à définition plurielle

Comment la question des rythmes scolaires a-t-elle fait son entrée dans l’institution scolaire ?Quand j’ai commencé à travailler sur le sujet des rythmes scolaires, il y a une trentaine d’années, le thème était encore neuf en France. Je ne l’ai pas appréhendé du point de vue de la biologie (qui n’était pas ma discipline) mais de celui de la psychologie. Je me suis intéressé d’abord aux variations pé-riodiques de la fatigue, avant de me consacrer aux effets des rythmes sur la performance intellectuelle – c’est-à-dire l’atten-tion, la vigilance. Assez rapidement, il est apparu que les résul-tats concordaient avec ceux des pionniers allemands et anglais de la chronobiologie. La chronopsychologie est ainsi devenue l’une des disciplines qui permet d’appréhender le champ nou-veau des rythmes scolaires. Elle commence à être reconnue, mais sa prise en compte par la communauté éducative est as-sez récente. Les travaux de Guy Vermeil ont permis dès les années 1970 de développer le thème de la « fatigue de l’écolier ». Ceux plus récents d’Hubert Montagner dans le domaine de la biopsycho-logie y font aussi référence. Mais si l’on considère par exemple l’enseignement dispensé ces dernières années dans la forma-tion des maîtres, on constate que ces questions sont très peu, voire pas traitées du tout. Un enseignement de psychologie était dispensé dans les IUFM et le sera très probablement dans les masters qui vont les remplacer, mais cet enseignement est assez éloigné de la discipline. Il y a vingt ans, c’était une psy-chologie traditionnelle dont les origines remontaient à Platon, aujourd’hui c’est une psychologie cognitive beaucoup plus pré-cise, mais dont les professeurs stagiaires ont du mal à saisir les applications pratiques. La chronopsychologie est pour sa part quasiment absente des programmes. Ses principaux dé-fenseurs sont situés en quelque sorte hors du champ de l’insti-tution. Ce sont davantage des mouvements nationaux comme

Parent pauvre de la formation des enseignants la question des rythmes scolaires a jusqu’ici surtout préoccupé les chercheurs ou les asso-ciations. Le grand public s’en empare peu à peu. Mais des ambiguïtés demeurent dans l’approche publique de cette question formatée par l’institution.

Entretien avec François TestuProfesseur de psychologie à l’université de Tours, spécialiste de la chronopsychologie, François Testu est membre du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Il est également président de l’association Jeunesse au plein air.

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les Francas, la Ligue de l’enseignement, les Ceméa (Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active) ou la Jeunesse au plein air, qui se préoccu-pent de la question. Cela étant, grâce à la montée en puissance du débat, de plus en plus de parents et d’enseignants (je fais référence du primaire, pour le secondaire c’est une autre affaire) s’intéressent au thème, et on va bien finir par se demander pourquoi on ne l’enseigne pas aux futurs professeurs des écoles et des collèges.

Le débat public semble ici en avance sur l’institution. Les choix poli-tiques des décideurs peuvent-ils permettre de faire avancer la ques-tion ?On peut l’espérer, mais il faut noter une ambiguïté persistante, qui explique d’ailleurs en partie le caractère tardif de la prise en compte par l’institution. L’expression « rythmes scolaires » renvoie en fait à deux définitions diffé-rentes. La première est celle de l’institution : ce sont les emplois du temps, les calendriers, etc. La seconde est celle des rythmes biologiques, avec une rythmicité de la personne et non pas de l’environnement. Toute la question est d’articuler les deux définitions ; et le risque est de les confondre. D’où la nécessité d’une clarification.En outre, il semble que pour des raisons aisément compréhensibles, les décideurs aient surtout en tête la première définition. Pour être plus précis, je dirais que le débat est organisé autour de cette appréhension institution-nelle des rythmes, et que l’on réintroduit au sein de ce débat des éléments de la seconde définition. D’où le risque de confusion, auquel n’échappe pas la Conférence nationale sur les rythmes scolaires lancée cette année. Avec d’autres, j’ai d’ailleurs eu l’occasion d’alerter publiquement le ministre sur cette question.La Conférence prévoit un « large temps réservé à la réflexion, à la consul-tation et au débat », ainsi qu’une phase d’expérimentation dans 100 collèges et lycées (cours le matin, activités sportives et culturelles l’après-midi). Sur le fond, c’est sans doute une bonne initiative, et ceux qui s’intéressent au dossier l’attendaient depuis longtemps. Néanmoins il y a quelques éléments qui pourraient peser sur le débat et sur les décisions qui seront prises in fine, à commencer par les conditions de l’expérimentation et celles de l’évaluation. Et avant cela, la façon dont ce débat sera encadré mérite d’être signalée. Il faut comprendre l’histoire de cette conférence, qui tient à la montée en puis-sance des associations de parents, mais aussi des enseignants, sur la ques-tion du rythme des enfants, avec notamment la polémique sur la semaine de quatre jours. D’autres acteurs se sont intéressés à la question et ont déve-loppé une expertise. Or le comité de pilotage fait très peu de place aux scien-tifiques (nous sommes deux), et les associations de parents et les syndicats d’enseignants n’y sont pas représentés. C’est d’autant plus dommage que la prise en compte des jeunes ne s’arrête pas aux portes de l’école. Pour le dire autrement, elle ne concerne pas que l’institution.L’approche publique développée autour des rythmes scolaires souffre donc d’un double problème : le risque d’une confusion sur les termes, qui traduirait une difficulté à entrer dans le vif du sujet ; et la qualité de la concertation, avec le risque d’une ouverture insuffisante aux parties prenantes. On peut dès lors s’interroger sur la capacité de cette opération à formuler des propo-sitions politiques.

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Le sujet est difficile. La question du temps des enfants interroge des sujets sociétaux beaucoup plus larges, à commencer par le temps des parents (et donc l’organisation du travail, les transports, le marché du logement…), l’in-sertion des femmes sur le marché du travail… S’il semble illusoire de prendre en compte correctement toutes ces variables, au moins devrait-on essayer… Et c’est là que la qualité de la concertation et l’ouverture aux différentes par-ties prenantes peuvent s’avérer précieuses. La tendance, malheureusement, reste à plaquer une situation institutionnelle sur un environnement qu’on né-glige. On devrait penser en termes d’articulation, de fluidité, car il s’agit de situations qui s’imbriquent les unes dans les autres. Au fond, en évoquant les rythmes scolaires, ce n’est pas simplement en termes d’ « intérêt des en-fants » qu’il faut penser. C’est bien, au contraire, l’affaire de tous. Ce thème est emblématique de la difficulté à formuler ce qu’on appelle le bien commun.

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École primaire : vérités et faux-semblants

Les comparaisons avec d’autres pays européens sont souvent mises en avant pour défendre une approche du temps scolaire plus respectueuse des rythmes biolo-giques. Les différences sont-elles significatives ? Portent-elles davantage sur le bien-être des enfants, ou sur leurs performances ?Il est clair qu’en France, le temps scolaire n’est pas adapté aux rythmes biologiques des élèves, et cela est d’autant plus regrettable que les enfants sont jeunes. Il n’y a toutefois pas de données comparatives à l’échelle européenne ou mondiale qui montrent clairement un lien entre l’organisation du temps et les performances des élèves. Tout au plus peut-on dire que les pays qui allouent le plus d’heures d’enseignement au fonction-nement de leur système éducatif ne sont pas ceux qui ont les meilleurs résultats.

Les journées plus courtes, telles qu’on les pratique en Allemagne, sont associées à un modèle social qui tend à éloigner certains parents (en particulier les mères) du mar-ché du travail. A-t-on des exemples qui concilient journées écourtées et socialisation du temps libéré ? Sont-ils trans-posables ou pourrait-on s’en inspirer ?Une organisation du temps qui tiendrait compte des résultats des recherches dans ce domaine limiterait le temps d’ensei-gnement à une vingtaine d’heures à l’école primaire avec des journées moins longues. Cela aurait pour conséquence d’or-ganiser la semaine sur quatre jours et demi ou cinq jours et de réduire la durée des congés d’été d’une ou deux semaines. Les séquences d’apprentissage devraient être placées à des moments où les élèves sont les plus réceptifs. Il faudrait donc prévoir une mise en route progressive des activités en début de matinée et les débuts d’après-midi devraient être consacrés à des activités non scolaires. Cette organisation implique bien évidemment une coordination étroite entre les acteurs éducatifs au niveau local afin d’articuler

Dans le débat sur les rythmes scolaires, certains arguments manquent de consistance et d’autres sont oubliés, au détriment d’une réussite pour tous... Le point avec Bruno Suchaut, qui s’est notamment fait connaître pour ses recherches sur les inégalités liées aux activités scolaires sur le temps de congé des élèves.

Entretien avec Bruno SuchautBruno Suchaut est professeur en sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne. Depuis 2007, il est également directeur de l’Institut de recherche sur l’éducation (IREDU-CNRS).

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les temps scolaires et périscolaires ; et cela avant tout pour éviter que cer-tains enfants ne soient pas encadrés l’après-midi ou pour ne pas contraindre les mères de famille à s’éloigner du marché du travail. Vous avez évoqué les effets pervers de l’aide personnalisée. Pourriez-vous préciser ?Les études réalisées sur les effets de l’organisation du temps scolaire montrent que le modèle français de l’école primaire est loin d’être adap-té aux rythmes biologiques des enfants : des congés mal répartis au cours de l’année scolaire, des journées beaucoup trop longues, des sé-quences d’apprentissage pas toujours bien placées dans la journée. Ce que l’on sait moins, c’est que la mise en place de l’aide personnalisée amplifie encore ce phénomène en augmentant la durée des journées de classe. Et sa programmation à des horaires inadaptés aux rythmes des élèves nuit probablement à son efficacité déjà incertaine. Le temps sco-laire ne doit pas être perçu uniquement dans sa dimension quantitative, mais surtout dans sa dimension qualitative. Ce n’est donc pas en ajoutant des heures de cours que l’on parviendra à réduire la difficulté scolaire.

Le temps de travail des élèves français se réduit régulièrement pour s’approcher, semble-t-il, des moyennes européennes. Cette réduction s’inscrit-elle dans une prise de conscience et une ambition nouvelle de mieux organiser les temps, ou traduit-elle de simples considérations budgétaires ?Depuis cent ans, la durée de l’année scolaire a été divisée par 1,5 passant de 1 338 heures au début du XXe siècle à un nombre théorique de 864 heures aujourd’hui (840 heures si l’on tient compte des jours fériés). Cette diminution du nombre annuel d’heures d’enseignement correspond à une diminution du nombre de jours d’école (par l’augmentation des jours de congé) et à la baisse du nombre d’heures dans la semaine : passage à 27 heures en 1969, puis à 26 heures en 1989. Depuis 2009, la durée hebdomadaire d’enseigne-ment s’est encore réduite à 24 heures pour les élèves qui n’éprouvent pas de difficulté. Cette diminution régulière du temps scolaire n’a jamais été le fait de considérations pédagogiques au niveau des élèves. L’organisation du temps scolaire est une question importante qui peut permettre de répondre à différents problèmes actuels de notre système éducatif dont la « non-réus-site » de tous les élèves. Plusieurs solutions sont possibles pour mieux indi-vidualiser l’enseignement, et le temps est un levier possible. Mais la politique éducative nous a aussi appris à être patients pour que des réformes soient amorcées…

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Comment se décident les rythmes de l’écoleLa gouvernance en question

Comment la Ligue de l’enseignement construit-elle ses po-sitions sur une question comme les rythmes scolaires ?C’est l’avantage d’une organisation comme la nôtre que de pouvoir débattre en interne et d’élaborer des propositions qui soient déjà des synthèses entre les positions de différentes parties prenantes. Au sein de la Ligue de l’enseignement, il y a deux grands secteurs, qui sont tous deux directement concer-nés par la question des rythmes scolaires : l’éducation (au sens large, en intégrant par exemple les associations qui s’occupent de restauration scolaire), et les loisirs. La complémentarité des approches permet de croiser les perspectives et de mieux prendre en compte la complexité de la question des rythmes.Le fait d’être une organisation « multi-parties prenantes » nous permet ainsi d’éviter les pièges du corporatisme qui marque parfois les positions d’autres organisations. Car le dialogue que nous avons en interne, on le retrouve en externe, dans les es-paces de concertation institutionnels ou plus largement dans le débat public. Toute la difficulté de ce sujet est précisément de sortir des so-lutions politiques favorisant tel ou tel acteur, telle ou telle caté-gorie, en essayant de construire des compromis plus équilibrés qui s’appuient réellement sur l’intérêt de l’enfant, mais sans le déconnecter des réalités du quotidien. Cela ne va pas de soi ! Et cela même quand certains principes sont admis par toutes les parties en présence.Prenons le cas de l’alternance « sept semaines d’école, deux semaines de vacances ». Ce « 7/2 », comme nous l’appelons parfois, tout le monde s’accorde à le considérer comme per-tinent. Or, on observe que dans certaines zones, le sept se réduit à quatre avant d’être élargi à dix !Bien sûr, l’exercice est difficile, et on ne voit guère comment on pourrait faire bouger le 25 décembre, ce qui vient bousculer le rythme des différentes zones. Mais il existe des marges de manœuvre, et c’est là qu’il convient de s’interroger. Prenons

La question des rythmes scolaires ne peut être traitée sans chercher la qualité du compromis plutôt que la satisfaction d’intérêts catégoriels. Ce n’est guère le cas aujourd’hui. Comment les rythmes sont-ils déci-dés ? Le point sur les modes de concertation et les processus de prise de décision.

Entretien avec Jacques ChauvinJacques Chauvin est chargé de mission à la Ligue de l’enseignement. Il est également vice-président de l’Union nationale des associations de tourisme (Unat) et de la Jeunesse au plein air (JPA).

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les vacances de printemps : elles débordent très peu sur le mois de mai. La raison en est connue : le lobby des sports d’hiver tente avec succès de pré-server ses intérêts, au motif qu’il y a en jeu des emplois, du développement économique… Mais si l’on veut absolument poser la question en termes éco-nomiques, d’autres secteurs du tourisme, moins bien organisés sans doute, bénéficieraient au contraire d’un décalage des vacances de printemps. Sait-on que 8 % des Français seulement se rendent aux sports d’hiver chaque année ? C’est de surcroît un chiffre qui tend à diminuer, alors que le tourisme vert est en plein essor. Mais nous avons d’un côté un secteur très bien or-ganisé et très concentré, et de l’autre une constellation beaucoup plus ato-misée et moins à même de porter ses intérêts. Pourtant, si l’on décalait les vacances d’hiver et de printemps, on se rapprocherait du 7/2.

Comment et où se passe la concertation ?Au ministère de l’Éducation nationale, qui tous les trois ans consulte les or-ganisations concernées par ce calendrier. Après quoi le ministre prépare un projet de calendrier scolaire qu’il soumet au Conseil supérieur de l’Éducation, pour avis. Il n’y a en dernier ressort qu’un seul décideur, le ministre de l’Édu-cation nationale. Les autres ministères n’ont qu’un rôle consultatif.Cette consultation régulière, à vrai dire, semble en perte de vitesse. Il y a plusieurs années que nous n’avons pas été invités. Il manque en fait un véri-table espace de concertation. J’observe avec intérêt le lancement récent de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires qui pourrait offrir une réelle opportunité de relancer les discussions.C’est en fait l’ensemble du processus de prise de décision que l’on pour-rait améliorer, avec une meilleure concertation en amont, et en aval une meilleure évaluation des politiques menées ; ou tout simplement la prise de connaissance des évaluations rendues publiques par d’autres acteurs !L’évaluation ex post permet de mesurer des effets qui n’avaient pas été pré-vus. Prenons les 35 heures par exemple : a priori, c’était une bonne nouvelle pour les loisirs des enfants, avec des parents un peu plus disponibles. Dans les faits, cela s’est traduit effectivement par plus de temps passé avec les pa-rents, et moins d’inscriptions en centre de loisirs ou en colonies de vacances. Mais le temps passé « avec les parents » s’est bien souvent traduit en temps passé devant la télé, en temps vide en somme. C’était un effet imprévu et in-désirable d’une mesure politique qui semblait pourtant aller dans le bon sens.Prenons un autre exemple. En 2006, on est passé de neuf à huit semaines de vacances d’été. Conséquences immédiates : la surenchère des coûts du tourisme (au demeurant prévisible : il faut faire le même chiffre d’affaires sur une période plus courte, et on observe logiquement une hausse de la demande). Autre effet : un accroissement de la population sur une période resserrée, avec tout ce que cela implique en termes d’inconfort, mais aussi de répercussions écologiques. Et enfin des conséquences sur le trafic au-tomobile… Car 10 % de trafic en plus, dans ces périodes déjà chargées, c’est 40 % d’embouteillages en plus et un risque accru d’accidents. Dans ce cas précis, on voit bien que la politique suivie a des effets néfastes, et il serait bon d’en prendre acte. De surcroît, il faudrait apprendre à raisonner à l’échelle européenne, car nous sommes un pays de transit. Parmi les 70 mil-lions de touristes fièrement affichés par le ministère du Tourisme, combien

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se contentent de traverser la France pour rejoindre les plages espagnoles ou italiennes ?Bref, il serait souhaitable de mettre en place le zonage des vacances esti-vales. Certes, il faut prendre en compte la question des reconfigurations fa-miliales et de l’éclatement géographique, qui pourraient amener certaines fa-milles à ne plus pouvoir se croiser en été. Mais je pense qu’on peut préserver un temps commun à toute la France, de plusieurs semaines, tout en jouant davantage du zonage en été. Cela fonctionne très bien en Allemagne, où les rythmes scolaires sont décidés par les Länder. Pourquoi pas chez nous ?

Une décision centralisée, comme c’est le cas en France, rend peut-être la gestion politique du dossier plus sensible.On peut en effet observer que le calendrier scolaire dépend aussi du climat social : les enseignants sont plus écoutés certaines années, par exemple. De fait, il y a derrière la concertation entre parties prenantes une négociation sociale beaucoup plus classique, avec un rapport de force et des intérêts bien identifiés. Cela contribue à compliquer le problème, et ce d’autant plus qu’on a affaire à des organisations qui campent de temps en temps sur une logique corporatiste.Or, la question des rythmes ne peut être traitée sans faire de compromis. Il faudrait viser la qualité du compromis plutôt que la satisfaction d’intérêts catégoriels. Et il est essentiel de prendre en compte les logiques territoriales. Il faut bien avoir en tête que libérer du temps ne peut pas se traduire par un temps « vide » pour les enfants. Et bien évidemment, offrir des activités édu-catives et ludiques a un coût. Il serait particulièrement inquiétant de constater un renforcement des inégalités sociales résultant de volontés politiques ou de moyens financiers publics accessibles à certains et pas à d’autres. Les défis à relever sont nombreux, mais c’est ce qu’une concertation de qua-lité, menée au niveau adéquat, permettra de réussir.

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Périscolaire : une plus grande concertation s’impose

Le débat sur les rythmes scolaires tend parfois à se ré-duire à un face-à-face entre parents et enseignants. Quelle est la place des associations ?Si l’on s’en tient au traitement médiatique de la question des rythmes, on peut en effet avoir l’impression que les associa-tions en sont le « parent pauvre » et qu’elles ne sont pas as-sociées à la réflexion. Elles jouent en réalité un rôle moteur pour la nourrir, et les principaux acteurs du débat savent à quel point les dimensions sociales et sociétales des temps scolaires – telles que les associations contribuent à les développer – sont importantes. Le monde associatif est reconnu pour sa capacité à réfléchir sur les questions de société. Il n’en demeure pas moins que l’École a souhaité s’accaparer le champ de l’éducation, alors que les collectivités locales et le monde associatif (notamment l’éducation populaire) sont des acteurs de l’éducation… La légitimité des associations sur la question des temps scolaires n’est pas pleinement conquise. Cela s’explique par une difficulté partagée à se représenter correctement leur rôle, ou plus précisément leur place. Sur les rythmes scolaires, elles sont sollicitées comme des « ac-trices périphériques », ce qui renvoie à une certaine façon de construire et faire évoluer le projet de l’École publique. Pourtant les associations y participent depuis le début de la Troisième République ! Elles ont à la fois la vocation et la capacité à ani-mer ce projet d’éducation au sens large au côté de l’institution proprement dite. L’éducation concerne l’ensemble de la so-ciété, et non pas seulement l’État. Elle est fondamentalement une affaire partagée – par l’institution, mais aussi au premier chef par les familles, les collectivités, une partie du monde as-sociatif, et plus largement la rue et même les médias, qui ont eux aussi un rôle trop souvent oublié. Devant cette multitude d’acteurs, l’École devrait garder une capacité à organiser la

S’il est essentiel de réaffirmer la dimension éducative du temps périsco-laire, les évolutions en cours appellent plus largement à une réflexion sur les rôles respectifs de l’École et des autres parties prenantes du projet éducatif, parmi lesquelles les associations. Il est temps de déve-lopper entre ces différents acteurs une action intégrée, ou en tout cas mieux articulée.

Entretien avec Philippe MachuPhilippe Machu est président de l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (Ufolep).

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complexité des apports en favorisant par exemple des concertations, des coopérations, du travail d’équipe. Mais ce rôle d’animation et d’interface, qui participe de fait à la reconnaissance du caractère éducatif du temps périscolaire, reste assez loin des tradi-tions de l’institution.Le ministère de le Jeunesse et des Sports parlait il y a quelques années de la « désco-larisation » du temps périscolaire (initialement pensé par et autour de l’école) ; manière de dire que l’institution scolaire avait tendance à y exercer une influence structurante, en négligeant quelque peu les autres acteurs. Cela change cependant, notamment au niveau des collectivités territoriales, en particulier des communes qui, invitées à contri-buer au financement, entendent être prises en considération dans le projet.À vrai dire, le monde associatif a lui aussi des progrès à faire. À l’Ufolep, nous affirmons depuis longtemps la nécessité de développer la dimension éducative du sport. Or, les associations ont une capacité inégale à le faire de façon organisée. Il y a encore du travail, dans la conception de projet comme dans la formation des acteurs.

En somme, la déscolarisation du temps périscolaire ne devrait pas remettre en cause son appartenance à un projet éducatif global.Précisément. Mais il faut immédiatement ajouter que la question « Quel projet éducatif pour quelle société ?» n’a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante, en tout cas de réponse unanime. C’est l’un des horizons du débat sur les rythmes scolaires, qui s’ouvre sur des questions aussi variées que l’organisation de l’espace, du temps, des transports, et pose aussi celle de la solidarité.Mais des impératifs économiques et financiers imposent souvent des considérations de court terme là où l’on devrait se poser la question de notre bonheur commun. Le passage de la semaine de quatre jours en est l’exemple. Personne n’est réellement sa-tisfait de ce rythme qui ne semble pas profiter aux élèves. Et le retour à une semaine de quatre jours et demi interroge directement le fonctionnement et les coûts des services municipaux. Si on ne peut ignorer ce point, le débat risque de s’y réduire.Il ne faut pas perdre de vue l’essentiel. Mettre l’enfant au centre du dispositif éducatif, c’est mettre en place un contexte qui lui permette de mieux réussir à l’école bien sûr et la question des rythmes doit évidemment être envisagée à cette aune. Mais c’est aussi de fréquenter des lieux culturels et sportifs qu’il ne connaîtrait pas autrement, de bé-néficier d’une réelle démocratisation des activités physiques, artistiques, scientifiques, et enfin de s’intégrer dans la vie de l’établissement, de l’association, du quartier, de la commune. C’est dans un cadre de cohérence, défini par un projet éducatif local et global, que doit être organisé l’aménagement du temps de l’enfant et du jeune, en réfé-rence à des lignes directrices qui concernent tous les temps sociaux de l’enfant : temps scolaire, de loisirs, vie familiale… Réfléchir aux rythmes scolaires doit se faire à partir d’une réflexion sur les temps sociaux, et non l’inverse.Il me semble essentiel de partir d’une réflexion globale, car jusqu’à présent on a plutôt fait l’inverse et c’est pour cela que notre système n’est pas satisfaisant. Des réformes et initiatives aux préoccupations éducatives, sociales, économiques, politiques, etc. se sont amoncelées sans réelle cohérence. Les propositions d’après-midi sportives, au gré de conventions avec des fédérations sportives très inégalement présentes sur le territoire, ne vont certainement pas améliorer la part de l’EPS dans les programmes scolaires, alors que le sport est plébiscité pour ses apports éducatifs et physiques. Com-ment l’action publique au sens large ne peut-elle souffrir de ces valses-hésitations ? Les acteurs partenaires de l’école (associations, collectivités territoriales) sont bousculés par des changements incessants, parfois freinés par des conflits de légitimité avec les enseignants et souvent confrontés à des soucis budgétaires… Et on ne s’étonnera pas s’ils ont beaucoup de difficulté à coopérer dans la concertation et la sérénité néces-saires. Travailler ensemble suppose au fond de réfléchir ensemble aux ambitions d’un projet éducatif partagé : le véritable enjeu est sans doute là, aujourd’hui.

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Apprendre à travailler ensemble

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Quelle action publique sur les rythmes scolaires ?Clarifier les rapports entre l’État et les collectivités locales

Quel peut être l’apport des collectivités locales dans le débat sur les rythmes scolaires ?Le débat sur les rythmes scolaires est un débat récurrent qui s’est ouvert il y a une quinzaine d’années. Il porte aussi bien sur l’effica-cité du système éducatif que sur l’adéquation des temps scolaires, péri et extrascolaires ou que sur l’égalité des chances. Et si l’ambi-tion est aujourd’hui d’en sortir, ce n’est pas chose facile. L’acteur principal en l’espèce, c’est l’État, dont on peut regretter que les décisions ne prennent pas toujours en compte le travail des col-lectivités locales. La concertation qui s’engage aujourd’hui autour du ministère de l’Éducation nationale peut permettre d’avancer, à condition de s’entendre sur des objectifs…On peut en identifier trois principaux. Le premier est de lutter contre l’échec scolaire ; ou, puisque l’on parle de rythmes sco-laires, d’améliorer la performance des élèves en s’appuyant sur la chronobiologie. Le second est d’intégrer l’enfant dans son en-vironnement social, familial, dans sa ville, de l’aider à construire son autonomie et de devenir un citoyen, avec l’intervention des associations, des écoles et des collectivités locales. Le troisième réside dans l’aménagement, l’articulation et la coordination des rythmes des adultes avec celui des enfants.Même en s’accordant sur ces enjeux, il est difficile de réunir un consensus sur leur mise en œuvre, d’autant plus que les intérêts, certes nombreux, divergent. La démarche doit être pragmatique, mais aussi innovante, pour permettre de s’entendre sur les fonde-ments et les modalités des changements.Il faut parallèlement sortir du débat qui oppose l’État et les com-munes sur la légitimité de celles-ci à mettre en œuvre de véri-tables politiques éducatives, concertées avec les partenaires ins-titutionnels, les associations et les parents d’élèves…

Se pose alors le problème des différentes responsabilités engagées sur ce champ : comment les articuler au mieux ? L’Andev (Association nationale des directeurs de l’éducation des

La question des rythmes scolaires ne se situe pas seulement au carre-four de divers intérêts collectifs, elle est aussi travaillée par différents acteurs publics. Mieux articuler leur action et renforcer le dialogue entre administrations est alors nécessaire si l’on veut avancer concrètement.

Entretien avec Anne-Sophie BenoîtAnne-Sophie Benoît est directrice de l’Enfance et de la Jeunesse à la ville de Dunkerque. Elle est aussi présidente de l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes de France (Andev).

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villes de France) considère qu’un cadre national est aujourd’hui nécessaire pour éviter l’éparpillement et garantir la cohérence éducative. Cependant, pour concilier les diffé-rents temps de l’enfant avec ceux de l’éducation et de la ville (et réorienter l’action édu-cative de l’ensemble des actions sur les territoires), une démarche structurante doit être formalisée parallèlement pour l’ensemble des partenaires institutionnels. C’est le sens du PEL (projet éducatif local), porteur de cohérence territoriale, qui doit permettre de réu-nir tous les partenaires. On peut déplorer l’absence de certains, et en particulier l’Édu-cation nationale, même s’il existe de vrais rapports de proximité avec les inspecteurs de circonscription et les enseignants. C’est pour favoriser ce partenariat que l’Andev prône aujourd’hui l’inscription dans la loi du principe d’élaboration et de mise en œuvre du PEL pour toutes les communes qui en ont fait le choix.Les PEL demandent du temps et mobilisent des moyens humains, mais leurs enjeux sont importants. On n’y évoque pas seulement les rythmes scolaires, mais l’aménage-ment du temps de l’enfant – car sur les onze heures que les enfants passent hors de la maison, il y a six heures d’enseignement mais aussi cinq heures de périscolaire et d’extrascolaire, de la cantine aux transports en passant par des activités sportives ou culturelles. C’est sur cet ensemble qu’il faut raisonner.Différentes institutions interviennent, sans parler des associations. Même avec la ré-forme des collectivités locales, les strates de compétence risquent d’être difficiles à ap-préhender et bien souvent à articuler. Mais on peut observer que, dans le cas des com-munes rurales, les différents acteurs institutionnels parviennent en général à s’entendre et à coordonner leurs actions, quitte à déborder un peu de leurs attributions : il n’est pas rare que le transport à la campagne soit assuré par le Conseil général, compétent sur les collèges.Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est le rôle de compensateur des inégalités créées par l’État que jouent aujourd’hui les collectivités locales. Les temps scolaires en font partie, comme on a pu le voir avec les politiques de soutien personnalisé mises en œuvre depuis quelques années, et dont on se demande aujourd’hui si elles ne sont pas discri-minantes. Il faut savoir qu’aujourd’hui, le ministère qui influence le plus les rythmes de la société est celui de l’Éducation nationale. Ministère qui, il faut le rappeler, a décidé sans concertation le passage de toutes les écoles à la semaine de quatre jours, obligeant les parents d’élèves, les associations, les enseignants et les communes à s’adapter en terme d’accueil, de transport, de restauration, d’organisation de personnel, et entraînant de fait des coûts importants.

Qu’en est-il des autres parties prenantes ?Les associations de parents d’élèves sont représentées dans les PEL, les parents (pre-miers éducateurs de leurs enfants) également. D’une façon générale il est souhaitable de faire vivre ces espaces de discussion que sont les PEL au niveau local. Et si, je le répète, un cadre national est nécessaire, il est tout aussi nécessaire de prêter une réelle attention politique au travail mené à l’échelle locale.À cet égard, les directeurs de l’éducation des villes françaises, et par extension l’Andev qui est leur association professionnelle, possèdent une réelle expertise, non pas seu-lement des questions techniques qui se posent autour du champ des temps scolaires, mais aussi des acteurs de terrain : enseignants, parents, directeurs d’école sont nos interlocuteurs de chaque jour. Il est dommage que cette expertise ne soit pas davantage mobilisée dans les consultations en cours.

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Prendre en compte la globalité des temps de l’enfant

Lorsqu’une discussion sur les rythmes scolaire et de vie est conduite au niveau local par les membres de la communauté éducative, mais également au-delà de l’École, chacun s’ac-corde à dire que l’intérêt des enfants n’est pas suffisamment pris en compte. Pourtant dès que des solutions et des velléités de modifications apparaissent, tous les adultes concernés par cette problématique se révèlent incapables d’oublier leurs inté-rêts personnels et corporatistes pour se concentrer sur l’intérêt des enfants. Pour surmonter cet écueil, il ne semble en effet pas souhaitable que l’on demande à qui que ce soit de trancher entre ses inté-rêts particuliers et l’intérêt collectif des enfants quand ils parais-sent s’opposer. Le temps scolaire occupe un quart du temps de l’enfant, dans une journée scolaire mais il occupe en fait à peine 10 % de son temps sur une année scolaire. Et pourtant, c’est autour de ces 10 % qu’est organisé l’ensemble de son emploi du temps, dans une très large amplitude horaire incluant les temps de trans-port, la garderie, la restauration scolaire, l’étude et les devoirs... Ainsi, l’aménagement du temps de vie et d’apprentissage des jeunes doit relever d’une réflexion nationale menée avec tous les partenaires concernés et la décision doit être prise au ni-veau national afin d’harmoniser ces temps sur tout le territoire. En particulier, cette réflexion doit associer fortement les collecti-vités territoriales, qui co-organisent de fait la journée et l’année scolaires avec l’Éducation nationale, à travers les transports, la garderie, la restauration et les centres de loisirs… Si tout élève est un enfant, l’enfant n’est pas seulement un élève ! Il faut donc travailler sur le rythme de vie et d’apprentis-sage des enfants et des adolescents en incluant tous les temps de leur vie : familial, sociétal (sports, activités culturelles, ren-contres avec les pairs…) scolaire, sommeil, restauration, inac-tivité… Il faut aussi dépasser l’intérêt des adultes, quels qu’ils

Si tout élève est un enfant, l’enfant n’est pas seulement un élève : il faut donc travailler sur le rythme de vie et d’apprentissage des en-fants et des adolescents en incluant tous les temps de leur vie. Pour la FCPE, traiter la question des rythmes scolaires demande aux adultes de dépasser leurs intérêts personnels ou corporatistes.

par la FCPELa Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a été fondée en 1947, et c’est l’une des deux principales fédérations de parents d’élèves, avec la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP). Le texte que nous publions est la contribution de la FCPE pour les Assises de l’Éducation et pour les États généraux pour l’enfance (Paris, mai 2010).

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soient, pour se concentrer sur l’intérêt de l’enfant et donc de l’élève. À l’École maternelle, les rythmes individuels de chaque enfant doivent avoir la priorité sur les rythmes collectifs (par exemple en ce qui concerne le temps de sieste imposé ou au contraire rendu impossible pour diverses raisons).À l’École élémentaire, le temps d’apprentissage journalier doit être inférieur à cinq heures maximum, la capacité de concentration des enfants de cet âge ne dépassant pas cette durée. Cela ne signifie pas que le temps de présence à l’Ecole ne puisse pas dépasser cinq heures. Il faut y inclure une réflexion sur le temps et les conditions matérielles de restauration, sur le type d’activités proposées sur le temps méridien allongé, en concertation avec les municipalités, et sur l’heure de début et de fin des cours et les temps péri-scolaires proposés. Tout cela doit être pensé en tenant compte des pics de vigilance identifiés par les chronobiologistes, qui sont les moments les plus favorables aux nou-veaux apprentissages. Il faut aussi prendre en compte les différents types d’apprentissage : apprentissages fondamentaux (lire, écrire, compter), ap-prentissages de type culturel (histoire-géographie, littérature, domaines ar-tistiques…) et apprentissages de type développement personnel (apprendre à apprendre, travaux encadrés, recherche, mais aussi instruction civique et le vivre ensemble...). En ce qui concerne le second degré, toujours pour respecter les capacités des jeunes mises en évidence par les chercheurs, le nombre d’heures de cours ne devrait pas excéder six heures en collège et sept heures en lycée, avec une pause méridienne minimale d’une heure et demie. Quant à l’organisation de la semaine, il est difficile de faire autre chose que prendre acte de l’adhésion large de l’opinion publique à la décision gouverne-mentale de supprimer la classe le samedi matin et de « rendre le samedi aux familles ». Et on ne peut que regretter l’absence totale de réflexion sur cette décision, notamment sur ses conséquences en termes d’apprentissage, quand des programmes alourdis doivent être assimilés avec deux heures hebdomadaires de moins, et sur ses conséquences sur la relation entre en-seignants et parents. Néanmoins, nous pouvons remédier à la rupture de rythme de sommeil et d’apprentissage imposée par le mercredi chômé et décriée par les spécia-listes de la chronobiologie en privilégiant une organisation sur une semaine de cinq jours de classe consécutifs, du lundi matin au vendredi soir. Dans le second degré, le temps de travail des élèves ne doit pas dépas-ser les 35 heures hebdomadaires TTC (tout travail compris). Pour cela, il serait peut-être pertinent de présenter les grilles horaires sous une forme annualisée, l’organisation hebdomadaire étant alors de la responsabilité de l’établissement. Là aussi, la réflexion doit être impérativement menée sur les temps de l’ado-lescent, en commençant par les temps de restauration, de travail personnel, de sommeil, en particulier dans les périodes de préparation d’examens pour les lycéens. Il faut enfin respecter pour tous l’alternance de sept semaines de cours et de deux semaines de congés pendant l’année scolaire. Pour respecter ce rythme de 7/2 pour tous, tout au long de l’année, il faudra bien s’autoriser une réflexion sur la durée des grandes vacances d’été, quitte à envisager également leur zonage.

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Les vacances d’été doivent être plus courtes, afin de répartir plus har-monieusement les heures d’apprentissage de tous les enfants sur les douze mois de l’année. Une fois pour toutes, les adultes doivent se mettre tous ensemble en capacité de prendre les meilleures décisions concernant cette problé-matique. Un enfant fatigué par les exigences scolaires et sociétales, qui plus est concentrées sur un rythme inapproprié, est un élève stressé, non disponible pour les apprentissages. C’est évidemment d’autant plus vrai pour des enfants éloignés des exigences du système scolaire.

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S’engager : une question de confiance

Comment le Sgen élabore-t-il ses positions dans le débat sur les rythmes scolaires?Il y a d’abord un fonctionnement statutaire, avec des discus-sions menées en congrès, tous les quatre ans, pour définir nos orientations. La question des rythmes y a été évoquée régu-lièrement car les militants font remonter une réelle insatisfac-tion de nos collègues sur ce point. Il semble évident que les rythmes impactent non seulement la réussite des élèves, mais aussi l’ambiance au sein des établissements. Nous avons donc depuis longtemps des textes de référence. Mais la démocratie interne s’exprime aussi d’une façon plus in-formelle, en fonction de l’actualité. La perspective de la Confé-rence nationale sur les rythmes scolaires nous a ainsi incités à lancer un débat interne sous forme électronique. Il ne s’agit pas d’élaborer de nouvelles positions, mais d’affiner notre sensibi-lité et de repérer les points de tension.Enfin, le Sgen est une fédération professionnelle, mais il fait aussi partie d’une confédération. Nous menons donc réguliè-rement des échanges, des discussions, avec les autres parties prenantes de la démocratie confédérale, dans nos différentes instances. Nous ne saurions ignorer en effet que certains su-jets, comme les rythmes, ont des retentissements sur d’autres secteurs professionnels (les transports, le tourisme, la restau-ration collective), mais aussi plus globalement sur la société. Cela engage le bien commun. L’horizon est de participer à la construction de l’intérêt général. De ce fait, sans pour autant que nous confondions nos positions avec cet intérêt général, nous veillons à le prendre en compte. Cela nous distingue d’autres acteurs de ce débat, dont les positions sont construites d’une façon plus corporatiste, sur la base d’intérêts plus étroits. Ce qui n’est pas forcément illégitime ; l’enjeu dans ce cas est plutôt de parvenir à discuter et à élaborer des compromis aussi ambitieux que possible, en dépassant le simple marchandage.

En première ligne du débat sur les rythmes scolaires, les personnels de l’Éducation nationale sont capables de s’engager dans une réforme qui rechercherait le bien commun. Mais sans rester campés sur leurs habitudes, ils restent vigilants. Sur un champ concernant l’ensemble de la société, mais qui engage aussi directement les conditions de travail des enseignants, la qualité de la concertation multi-parties-prenantes devrait avoir comme corollaire un dialogue social de qualité, à même d’établir, sur la durée, la confiance des acteurs.

Entretien avec Thierry CadartThierry Cadart est secrétaire général du Sgen-CFDT (Syndicat général de l’Éducation nationale de la Confédération démocratique du travail).

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Comment envisagez-vous la Conférence nationale sur les rythmes sco-laires lancée cette année ?Quand, en 2008, le ministre de l’Éducation Xavier Darcos a supprimé la classe du samedi matin, le Sgen et la confédération CFDT ont demandé la tenue d’une conférence nationale sur le sujet. Sa tenue pourrait donc être une bonne nouvelle. Cela étant, notre conviction profonde est qu’on peut ap-profondir à l’infini la question des rythmes scolaires, mais que si l’Éducation nationale « tricote » ses solutions seule dans son coin, elle se fera rattraper. Il nous semble donc essentiel que la Conférence réunisse une large palette d’acteurs. Sur ce point, nous ne sommes pas encore entièrement rassurés : le comité de pilotage, par exemple, ne fait pas de place aux représentants des personnels. Même s’il ne s’agit pas de confondre ce comité avec une instance de négociation, le point de vue des personnels pourrait contribuer à affiner les représentations.Le risque serait de s’en tenir à quelques déclarations et à des solutions a minima, alors que cette Conférence pourrait être l’occasion de discussions de fond. Le contexte politique et l’engagement du ministre ne seront pas sans impact. Par ailleurs, si l’on recherche des solutions réellement ambitieuses, il faudra du temps pour les mettre en œuvre. Par exemple, libérer du temps libre pour les plus petits serait assurément un objectif souhaitable, mais cela ne peut se faire sans que les structures de garde soient mises en place ou renforcées. Tout cela exige du temps, et il n’est pas certain que le temps du politique, plus rapide, soit compatible avec ce sens de la durée.

Vous évoquez l’engagement du ministre… La question ne se pose-t-elle pas aussi de la capacité de l’ensemble des acteurs à s’engager ?Si, bien sûr, mais cette capacité dépend étroitement de la confiance, et sur ce point la situation n’est pas optimale. Ce défaut de confiance n’est d’ailleurs pas seulement le fait de tel ou tel gouvernement, c’est plutôt un trait de notre société. Le monde enseignant ne fait pas exception. La plupart de nos collè-gues sont attachés à l’idée du bien commun et ne sont pas retranchés dans leurs « privilèges » ou leurs acquis. Mais cela n’empêche qu’ils craignent d’être victimes, une fois de plus, d’un marché de dupes. Car toucher aux rythmes scolaires, c’est évidemment pour nous toucher au temps et à l’organisation du travail. On sait aussi que l’un des éléments d’une réforme possible, c’est la réduction du temps des vacances. Sur le principe, nous ne sommes pas contre, si c’est le bien des élèves qui est en vue. Mais dans un contexte assez tendu sur le plan budgétaire, on est en droit de craindre que les motivations de décisions qui iraient en ce sens soient biaisées. D’où, chez les personnels (tout autant que chez leurs repré-sentants) une nécessaire vigilance. Cela n’empêche pas une réelle capacité d’engagement, car l’idée du bien commun fait partie des fondamentaux de nos métiers. Mais cette capacité d’engagement demande à être renforcée par la confiance et le dialogue.

Qu’en est-il des autres acteurs du débat, les parents d’élève par exemple ?Il est arrivé par le passé que certains ministres jouent « les parents contre les professeurs », ou l’inverse. Sur le cas qui nous occupe, nous avons tous

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conscience qu’il existe de réels intérêts communs. Même si cela suppose de changer des habitudes, chacun a intérêt à ce que les élèves se sentent mieux en classe. Une discussion bien menée n’est donc pas condamnée au campement de chacun sur ses positions. Une base pour élaborer des solu-tions dans lesquelles tous se retrouvent existe !En considérant les différents acteurs, le débat peut aboutir. Cela engage la responsabilité particulière de l’institution, c’est-à-dire en dernier ressort du politique, à offrir des garanties. On comprend ainsi que l’une des dimensions de ce débat est qu’il articule deux champs de réflexion : celui, sociétal, des rythmes scolaires souhaitables et acceptables ; et celui, social, des arrange-ments institutionnels qui vont affecter les personnels et peuvent faire l’objet d’une négociation avec le ministère.Au final, il me semble qu’il faudrait donc insister sur ce point : qu’en arrière-plan de la concertation sociétale, il y a aussi des enjeux de dialogue social. Et qu’un dialogue social de qualité, établi sur la durée, contribuerait indiscuta-blement à la qualité de la concertation, en facilitant l’émergence de solutions audacieuses. Mais inversement, on peut aussi relever que la concertation qui s’engage peut permettre de sortir du face-à-face entre les personnels et leur ministère de tutelle. Et donc, à terme, contribuer à relancer le dialogue social.

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Articuler action sociale et impulsion nationaleLes leçons d’une expérimentation

La ville de Rennes fait référence en matière de gestion des temps sociaux. Sur les rythmes scolaires, comment se passe la concertation ? Celle-ci est-elle du ressort de la ville ou de l’agglomération ?Il s’agit d’une des compétences de la ville, mais sur des ques-tions comme les rythmes, un groupe de travail d’une trentaine d’élus de l’agglomération se réunit tous les deux mois pour échanger. Cela dit, une partie des décisions est du ressort des conseils d’école, c’est-à-dire qu’elles sont prises au plus près du terrain. La ville possède dans ces conditions un pouvoir d’initiative et d’accompagnement. Dès 2002, nous avons ainsi lancé une ex-périmentation, avec l’école Sonia Delaunay. Ce fut pour nous une phase d’apprentissage et nous n’avons pas ménagé nos efforts, en menant un gros travail de concertation avec les en-seignants, les habitants du quartier, et en sollicitant des spé-cialistes comme le chronopsychologue François Testu. L’ex-périmentation portait sur l’ensemble des temps : la journée, la semaine, mais aussi l’année scolaire. Nous avons ainsi pu mettre en place une semaine de quatre jours et demi (avec le mercredi matin et non plus le samedi comme précédemment), mais aussi et surtout mettre en œuvre la fameuse alternance de sept semaines de cours et deux semaines de vacances. En-fin, un réel travail d’évaluation, passant par une comparaison méthodique avec une école aux caractéristiques équivalentes, a permis de nourrir les réflexions sur la poursuite éventuelle de l’opération.En termes de résultats scolaires proprement dits, la différence n’était pas significative. Mais elle était sensible en revanche dans la concentration et l’estime de soi, avec par exemple une prise de parole plus facile des enfants - ce qui peut soutenir

L’expérimentation menée au niveau communal est riche d’enseigne-ments et elle valide, globalement, les vues des experts. Mais elle révèle aussi une difficulté de mobilisation, même avec des acteurs publics por-teurs d’une réelle volonté politique. S’il reste essentiel de confier aux conseils d’école et plus largement au « terrain » une capacité d’initiative et de discussion, une impulsion nationale semble s’imposer, faute de quoi rien ne bougera.

Entretien avec Gwenaëlle HamonGwenaëlle Hamon est adjointe au maire de Rennes, déléguée à l’Éducation et à la Jeunesse, et vice-présidente de Rennes Métropole.

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leur réussite à terme, et n’est pas sans incidence sur l’ambiance de l’établis-sement.

Avez-vous poursuivi l’expérience ?Quand on est passé à la semaine de quatre jours en 2008, le ministère a lais-sé aux communes la possibilité d’accompagner les écoles qui souhaiteraient mettre en place la semaine de quatre jours et demi, avec classe le mercredi matin. Nous avons donc envoyé un courrier aux écoles, en leur proposant une aide si elles étaient intéressées. Il ne s’agissait pas de refaire ce que nous avions tenté en 2002, où la démarche de la ville était très volontariste et où l’expérimentation portait sur l’ensemble des temps. Mais nous étions néanmoins porteurs d’une réelle ambition. L’équipe municipale est en effet animée par la conviction que la semaine de quatre jours est non seulement mal adaptée, mais aussi inégalitaire, avec une capacité inégale des familles à organiser le mercredi, ou à être présentes le soir.La réponse des écoles a été timide. Dans un premier temps, seule l’école Trégain, dont la directrice avait justement été en poste à Sonia Delaunay, s’est lancée. Le Conseil d’école a été l’élément moteur de l’opération, ac-compagné par la ville qui a fourni en quelque sorte une ingénierie. Un travail de concertation a mobilisé l’équipe enseignante, les parents, mais aussi les associations du quartier. Ce qui donnait une certaine valeur à cette expé-rience, c’est que l’école en question est située en ZUP (zone à urbaniser en priorité), à Maurepas, quartier qui concentre des populations en difficulté, et où commençaient à apparaître des fuites dans les inscriptions. Deux ans après, cette logique s’est inversée. Et quand on se rend dans l’école, on est frappé par l’ambiance, qui n’est pas du tout la même qu’ailleurs. De ce point de vue, l’expérience est vraiment probante.L’année suivante trois nouvelles écoles ont souhaité réfléchir, et des groupes de travail ont été mis en place avec des parents. Là encore, nous avons ac-compagné le processus, en faisant venir par exemple le professeur Hubert Montagner 1. Mais sur les trois écoles, deux ont renoncé.

Sur quel motif ?Dans un cas ce sont plutôt les parents qui ont reculé, car cela remettait en cause des habitudes de vie, par exemple des cours de musique qu’on « ca-sait » le matin et du sport l’après-midi. Dans l’autre cas, c’est plutôt l’équipe enseignante qui a freiné. Pour les uns et pour les autres, le mercredi est un temps sensible. Dans la troisième école, le débat continue.Au terme de ces différentes expériences, on peut tirer un certain nombre de conclusions. La première est que le jeu en vaut la chandelle, et l’exemple du quartier Maurepas nous montre bien qu’en jouant intelligemment sur les temps, on peut amener un établissement à entrer dans une logique vraiment positive. L’école perdait des élèves il y a quelques années, c’est le contraire aujourd’hui.La deuxième conclusion est qu’il reste difficile de mettre d’accord toutes les parties et que les habitudes de vie constituent un frein. Dans ces conditions, il me semble que seule une décision gouvernementale, s’imposant à tous, pourra permettre au niveau local de réelles avancées sur la question des rythmes scolaires.

1. Hubert Montagner, directeur du laboratoire de psychophysiologie de la Faculté des Sciences de Besançon est un spécialiste de la question des rythmes scolaires.

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Il ne s’agit pas, bien entendu, de déposséder l’échelon communal et le Conseil d’école de leur capacité à mettre en œuvre et à faire des choix. Au contraire, il me semble essentiel de bien prendre en compte ce temps d’or-ganisation et de concertation, et ce serait une erreur par exemple de dire aux écoles en juin prochain, qu’elles passeront début septembre à la semaine de quatre jours et demi. Mais si ce temps d’élaboration locale, avec toutes les parties concernées, est essentiel, une impulsion nationale me semble aujourd’hui nécessaire. Et l’expérience d’autres villes, comme Grenoble qui a mené sur ce sujet une politique volontariste, va dans le même sens. Il serait illusoire de tout laisser faire au niveau local, tout comme il n’est pas question de revenir à un modèle où tout est décidé au niveau ministériel. L’enjeu au-jourd’hui est d’articuler les différents niveaux.

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Quelques chiffres • 144 : c’est le nombre de jours de classe par an en France,

pour les écoles, le plus bas de toute l’Europe. La moyenne dans l’OCDE est de 184 jours.

• 864 : c’est le nombre d’heures de cours annuelles dispen-sées par an en primaire. La moyenne dans l’OCDE est de 769 heures.

• 35 : c’est le nombre d’heures de cours que peut atteindre l’emploi du temps hebdomadaire d’un lycéen.

• 12 millions : c’est le nombre d’élèves, de la maternelle au lycée en France.

Calendrier de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires

• Juin 2010 : installation du comité de pilotage, présidé par Christian Forestier, administrateur général du conservatoire des Arts et Métiers

• Septembre- décembre 2010 : débats publics dans les acadé-mies et sur le web

• Janvier 2011 : présentation de la synthèse des débats au ministre de l’Éducation nationale

• Janvier-avril 2011 : élaboration d’un rapport d’orientation

• Mai 2011 : présentation de pistes de travail au ministre

À consulter

• « Les usages du "temps" dans les recherches sur l’enseigne-ment », Marie-Pierre Chopin, Revue française de pédagogie, n° 170, (2010).

• Séparation ou désintégration de l’école ? L’espace-temps scolaire face à la société : de l’opposition créatrice à l’adap-tation destructrice, Bernard Dantier, L’Harmattan, réédité en 2009.

• « Les rythmes scolaires » hors série coordonné par Patrice Bride, Les Cahiers pédagogiques, mars 2009.

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Enjeux Points de vue Repères QuizzIntroduction Repères

• Organisation du temps scolaire dans le premier degré : les effets de la semaine de quatre jours, Alain Houchot, Yves Moulin & Jean Vogler, La Documentation française, p. 1 - 27, 2002.

• Rythmes de l’enfant : de l’horloge biologique aux rythmes scolaires, Institut national de la santé et de la recherche mé-dicale (Inserm), 2001.

Pour les jeunes • Je n’ai pas le temps !, Christophe Bouton, Giboulées Galli-

mard jeunesse, 2010.

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Quizz

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Enjeux Points de vue Repères QuizzIntroduction Quizz

Questions1/ Lequel de ces pays propose un nombre annuel d’heures de classe supérieur à la France (à l’école primaire) ?r A : Les Pays-Basr B : La Norvèger C : La Finlande

2/ Depuis quand le mercredi est-il « le jour des enfants » ?r A : 1882r B : 1945r C : 1972

3/ Depuis quand le zonage (vacances décalées en fonction des zones) existe-t-il ?r A : 1936r B : 1965r C : 1984

4/ Combien d’enfants se rendent-ils aux sports d’hiver pendant leurs vacances ?r A : Moins de 8 %r B : Entre 8 et 20 %r C : Entre 20 et 30 %

5/ Combien d’enfants ne sont pas partis en vacances sur l’année 2009 ?r A : 11 %r B : 28 %r C : 43 %

6/ Les Français sont favorables à la réduction des vacances scolaires estivales.r A : Vrair B : Fauxr C : Et pourquoi pas le baccalauréat en août, avec comme sujet de philo : « J’ai chaud donc je suis » ?

7/ Les devoirs en primaire sont-ils autorisés ?r A : Non, comme si les journées n’étaient pas assez longues comme ça !r B : Oui, encore heureux, déjà qu’on a supprimé la leçon de chose !r C : Uniquement les leçons à apprendre ou un travail oral, qui ne sont d’ailleurs pas consi-dérés comme des « devoirs ».

8/ La sieste est-elle considérée comme obligatoire en maternelle ?r A : Ouir B : Nonr C : Pourquoi ne pas la proposer au collège ? Ils sont légion à la faire en classe…

9/ A quel moment de la journée la capacité d’attention et de réflexion est la plus élevée en primaire et au collège ?r A : En début de matinée et en fin d’après-midir B : En fin de matinée et en fin d’après-midir C : En fin de matinée et en début d’après-midi

10/ Quel est le pourcentage d’adolescents en manque de sommeil (durant la semaine) ?r A : Près de 80 %r B : Près de 50 %r C : Un peu plus de 30 %

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Réponses

1/ Réponse A. Si la France est le pays qui impose les plus longues journées scolaires d’Eu-rope aux élèves de primaire, elle ne détient pas le record d’heures de travail sur l’année : 864 contre 940 aux Pays-Bas ou en Irlande. La Finlande et la Norvège, en revanche, proposent moins de 650 heures de classe par an, ce qui n’empêche pas les petits Finlandais d’exceller (à échelle mondiale) en sciences et en compréhension de l’écrit !

2/ Réponse C. En 1969, le samedi après-midi est libéré pour les enfants. Les enseignants l’utilisent pour se concerter. Trois ans plus tard, afin de rééquilibrer la semaine, la pause tra-ditionnelle du jeudi est avancée au mercredi. Puis la classe du samedi matin est partiellement supprimée et définitivement abandonnée en 2008.

3/ Réponse B. En 1965, deux zones sont instituées afin d’étaler les départs en vacances (notamment en station de sports d’hiver) et de limiter les pics d’embouteillage. Quelques années plus tard, l’hexagone est divisé en trois zones et en 1974, il est même question de créer cinq zones !

4/ Réponse A. Si le zonage concerne 100 % des élèves, moins de 8 % d’entre eux bénéfi-cient de vacances aux sports d’hiver.

5/ Réponse B. Près d’un enfant sur trois n’est pas parti en vacances pendant l’année 2009. Dans les foyers aux revenus inférieurs à 3 000 euros (75 % des ménages en France), 37 % sont des oubliés des vacances.

6/ Réponse A. 58 % des Français sont favorables à une réduction des vacances scolaires d’été d’au moins deux semaines, permettant de répartir la charge de travail sur l’année, alors que 39 % y sont opposés (Sondage LH2 de juin 2010).

7/ Réponse C. Les devoirs écrits en primaire sont proscrits depuis la circulaire du 6 sep-tembre 1994, et cela notamment afin de permettre une meilleure articulation des rythmes (pratique d’activités extrascolaires par exemple).

8/ Réponse B. La sieste n’est pas « obligatoire » mais la plupart des enfants de petite et moyenne sections en ont besoin. Les textes ne donnent aucune directive en ce qui concerne la durée ou la classe d’âge de la traditionnelle sieste de 13 heures.

9/ Réponse B. Contrairement aux idées reçues, les élèves ne sont pas plus attentifs le ma-tin que l’après-midi. Ils le sont en fin de matinée et en fin d’après-midi (une fois la digestion terminée).

10/ Réponse A. 78 % des adolescents manquent de sommeil. Ils ont besoin de neuf heures minimum de sommeil par nuit. Or, 38 % d’entre eux se contentent de huit heures et 40 % de sept heures ou moins. 55 % des adolescents somnolent dans la journée au moins une fois par semaine et 30 % d’entre eux ont des endormissements considérés comme pathologiques (Enquête TNS Sofres 2005). La présence de la télévision dans la chambre retarderait d’une demi-heure en moyenne l’heure du coucher.

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Directeur de la publication : Jean-Michel DucomteResponsable éditoriale : Nadia BellaouiRédacteurs en chef : Diane Dorelon et Richard RobertOnt participé à ce dossier : Jacques Chauvin, Éric Favey et Arnaud TiercelinPhoto de couverture : Olivier Culmann/Tendance FloueGraphisme : agencezzb.comMaquettiste : Brigitte Le Berre

Retrouvez l’intégralité des débats surwww.laligue.org

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