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Page 2: La question du redoublement Montluçon, le 27 janvier 2012 Bruno Suchaut Université de Bourgogne et IREDU-CNRS

Intérêt et approche de la question

• Question bien documentée par la recherche en éducation en France à l’étranger

• Pratique encore persistante dans notre pays– résistance des acteurs– incidence importante sur les élèves et leurs parcours

• Question abordée sous l’angle de la politique éducative– approche sociologique, économique et pédagogique

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Plan

• Le contexte général de l’école primaire• Le contexte pédagogique et législatif• Quelques chiffres sur le redoublement• Les effets du redoublement sur les élèves• Redoublement et attitudes des acteurs• Le coût du redoublement• Quelle alternative au redoublement ?

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Le contexte général de l’école• Qualité des apprentissages inférieure aux attentes et en baisse

– Enquêtes internationales IEA (1990), PIRLS (2001, 2006), PISA (2000, 2003, 2006, 2009), étude D.E.P.P. (2008)

• Faible efficience quantitative et qualitative – Augmentation des coûts et stagnation des résultats au niveau

quantitatif (espérance de vie scolaire, accès au diplômes…) et qualitatif (niveau d’acquisition)

• Proportion d’élèves importante qui ne maîtrise pas les compétences attendues à la fin d’un cycle. Pourcentage d’élèves faibles trop élevé.

• Augmentation des écarts entre élèves et des inégalités de réussite (PISA, D.E.P.P.)

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Pourquoi ces résultats ?• Structure de notre système (primaire / secondaire) à tendance intégrative

pourtant favorable à l’efficacité et à l’équité (tronc commun long, ségrégation scolaire relativement limitée)

• Facteurs externes à l’école : contexte socio-économique ?

• Echec relatif des mesures classiques de lutte contre l’échec scolaire et des dispositifs d’aide aux élèves en difficulté– le redoublement a longtemps été la réponse la plus utilisée

• Pilotage pédagogique peu efficace pour l’accompagnement et le suivi des mesures– cycles à l’école primaire– projets d’école– socle commun ?

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Le contexte pédagogique

• Le redoublement est lié à un contexte pédagogique particulier :– élèves regroupés au sein d’un même groupe : la classe– assimilation d’un même ensemble de connaissances et

de compétences : le programme– dans un laps de temps identique : l’année scolaire.

• Rythmes d’apprentissage imposés à un même groupe d’élèves pourtant… différents

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Le contexte législatif à l’école primaire

• Loi d'Orientation sur l'école de 1989– « Pour assurer l'égalité et la réussite des élèves, l'enseignement

est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité. »

– En théorie, chaque élève peut parcourir les deux derniers cycles à une vitesse qui lui est propre, selon la rapidité avec laquelle il maîtrise les objectifs définis

– « Dans le cours d'un cycle, aucun redoublement ne peut être imposé, les objectifs à atteindre étant fixés par cycle. Il ne s'agit pas d'interdire le redoublement mais simplement de le limiter au maximum car, souvent vécu comme une sanction, il doit être réservé à des cas bien particuliers d'échec scolaire. »

– «Le redoublement conçu comme une reprise à l’identique d’une année scolaire ne se justifie plus… »

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La politique des cycles

• Rendez-vous à la fin des deux derniers cycles (CE1 et CM2) où est envisagée une prolongation d’une année pour les élèves aux performances jugées trop faibles ou trop lacunaires.

• Maintiens en cours de cycle à titre exceptionnel et sous trois conditions– l’accord du conseil des maîtres du cycle (décision collégiale)– la mise en place d’un projet personnalisé afin que cette

prolongation ne masque pas une répétition de l’année à l’identique– l’accord contractuel avec la famille et l’enfant qui doivent bien

mesurer les enjeux.

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Quelques chiffres sur le retard scolaire et le redoublement

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Evolution du taux de retard en CP et CM2

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Taux de redoublement en primaire 2010

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Evolution des taux au secondaire

. Actuellement, en fin de troisième, un élève sur trois est en retard scolaire

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Redoublement et caractéristiques des élèves

• Proportion d’élèves en retard en 6ème (2010)– 3% pour les enfants d’enseignants– 29% pour les enfants d’inactifs– taux plus élevé pour les garçons

• Parmi les élèves en retard de un ou deux ans en 6ème, les enfants nés au mois de décembre sont presque trois fois plus nombreux que ceux nés au mois de janvier– 18% d’écart d’âge au CP entre l’élève né en janvier et celui

né en décembre !)

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Le redoublement en Europe

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Pourcentage d’élèves de 15 ans ayant redoublé

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Les pratiques dans les autres pays

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Exemple des pays nordiques

• Les enfants d’un même âge sont scolarisés ensemble tout au long de la scolarité obligatoire (primaire et secondaire inférieur), ce qui permet à l’élève de suivre le même groupe de camarades du début à la fin de la scolarité.

• Un enfant ne peut redoubler

• Les élèves qui rencontrent des difficultés d’apprentissage continuent à accompagner leurs camarades mais bénéficient d’actions de soutien et de rattrapage, et de l’aide d’un personnel spécialisé, psychologues, orthophonistes.

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• De la première à la septième année, l’information sur l’évaluation est donnée de façon écrite mais plus souvent oralement, lors de réunions régulières au cours desquelles participent chacun des trois acteurs : enfant, parents, enseignant. Pas d’évaluation chiffrée (notation).

Exemple des pays nordiques

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Les effets du redoublement

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Le redoublement est-il pertinent ?

• De nombreuses études réalisées dans des contextes différents avec des méthodologies variées

• Mesure des effets sur plusieurs dimensions de la scolarité et de l’élève

• Quelles sont les conséquences du redoublement sur la scolarité des élèves ?

• Une décision juste et équitable ?

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Au niveau macro : comparaisons internationales

(Duru-Bellat, Suchaut, 2004)

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Une méta analyse (Holmes, 1990)

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Redoublement et trajectoire scolaire(Seibel, Levasseur, 1983)

• La moitié des élèves qui ont redoublé leur CP vont quitter l’école sans diplôme ou avec le seul BEPC.

• Seuls 9% d’entre eux décrocheront un baccalauréat général ou technologique.

• S’il redouble en CM2, l’élève a encore une probabilité de 40% de quitter l’école sans diplôme ou avec un BEPC alors que cette situation ne concerne en moyenne que 19% de l’ensemble des élèves.

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Effets indirects sur la scolarité ultérieure

• « l’élève n’a devant lui qu’un nombre fini d’années de scolarité ‘acceptable’ par l’institution. Ceci amène à mettre en doute l’opportunité des redoublements ; même s’il s’avérait qu’un redoublement est bien à même de conforter les acquis (ce qui reste incertain), le fait d’imposer une année supplémentaire de scolarisation constitue un handicap objectif pour la suite de la scolarité ; au total, le solde de ces deux effets apparaît pour l’élève clairement négatif. »

Duru-Bellat, Jarousse, Mingat (1992)

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Une analyse spécifique au niveau du CP(Troncin, 2005)

• Confirme les résultats des études précédentes à partir d’ un échantillon de 3932 élèves de Côte-d’Or, répartis entre 274 classes et 220 écoles

• quatre ensembles de tests • en septembre 2002 au début de CP• en juin 2003 en fin de CP• en septembre 2003 en début de CE1 ou en début de second

CP pour les redoublants• en juin 2004 en fin de CE1 ou en fin du second CP

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• Un premier résultat important est la baisse significative des performances au cours de l’été (qui suit le premier CP) pour les élèves qui sont soumis à une décision de redoublement, comparativement à des élèves de niveau identique en juin 2003.

• Les moyennes du groupe des promus faibles sont systématiquement supérieures à celles du groupe des redoublants.

• Cependant, les progrès des promus au CE1sont insuffisants pour leur permettre de ne pas se démarquer de nouveau par la faiblesse de leurs acquisitions finales. Dans un cas sur deux, ils seront sanctionnés à leur tour par une décision de redoublement.

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Les opinions des acteurs

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Redoublement et attitudes des enseignants

• Les études étrangères et françaises montrent que les enseignants voient dans le redoublement une mesure nécessaire dont les effets positifs surpassent les effets négatifs.

• Les enseignants redoutent le jugement de leurs collègues lorsqu’un élève promu n’a pas réalisé les acquisitions prévues au programme.

– le redoublement est efficace sur le plan des apprentissages.

– il n’y pas de réelles voies alternatives.– les répercussions négatives (psychologiques, pour le

cursus scolaire) sont limitées.

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L’opinion des familles

• Des parents majoritairement favorables au redoublement

• Une attitude encore plus fréquente dans les milieux modestes

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Du côté des élèves

• Plusieurs recherches françaises et étrangères font apparaître que les redoublants, quel que soit leur âge, ont une image systématiquement plus négative d’eux-mêmes

• Dans une enquête menée en France, les adolescents citent le redoublement comme l’événement le plus redouté dans leur vie d’adolescent après celui de la perte de la vue et celui de la disparition d’un des leurs.

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Le coût du redoublement

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• Le supplément de coût dû au redoublement peut être estimé à 4% du budget pour l’élémentaire et à 7% pour le collège : 2,24 milliards d’euros (2007).

• Hypothèse plus réaliste d’un gain deux fois moindres, l’abandon du redoublement représenterait encore une économie de moyens de 1,1 milliard d’euros

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Pour conclure sur le redoublement

• Inéquitable– différences géographiques– d’une école, d’une classe à l’autre– décision basée sur des critères pas toujours objectifs – les redoublants sont doublement pénalisés par la

notation

• Inefficace sur les apprentissages, sur la motivation, sur l’ambition des élèves

• Coûteux

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Quelle alternative au redoublement ?

• Les classes uniques réduisent nettement la probabilité individuelle de redoubler dans la scolarité élémentaire (Leroy-Audouin, Mingat, 1995)

• Gérer l’hétérogénéité des élèves autrement…– référentiel des compétences des élèves (abandonner les pratiques

traditionnelles de l’évaluation des élèves)– l’organisation en cycles……– développer le travail en équipe– intégrer l’aide aux élèves dans les pratiques quotidiennes (moyens pris

notamment sur les économies faites par la suppression du redoublement)

• Dimension culturelle importante…

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Bibliographie sommaire

CRAHAY, Marcel. Peut-on lutter contre l’échec scolaire ? 2e éd., Bruxelles : De Boeck Université, 2003, 378 p.

CRDP de l’académie de Versailles. La question du redoublement. Comment faire avec la difficulté scolaire ? Collection « Des enseignants et des chercheurs », 2008, 134 p.

DRAELANTS, Hugues. Le redoublement est moins un problème qu’une solution. Comprendre l’attachement social au redoublement en Belgique francophone. Les Cahiers de Recherche en Éducation et Formation, 2006, n° 52.

PAUL, Jean-Jacques, TRONCIN, Thierry. Les apports de la recherche sur l’impact des stratégies de traitement des difficultés scolaires au cours de la scolarité obligatoire. Dijon : IREDU, 2004, 43 p., Rapport réalisé pour le Haut Conseil de l’évaluation de l’école.

PERRENOUD Philippe. Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. De la critique du redoublement à la lutte contre l'échec scolaire. Éduquer et Former, Théories et Pratiques, 1996, n° 5-6, p. 3-30.