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Quanta cura et le syllabus Sur les libertés modernes et l’Eglise Lettre encyclique de sa sainteté le pape pie Ix 8 décembre 1864

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Quanta cura et le syllabusSur les libertés modernes et l’Eglise

Lettre encyclique de sa sainteté le pape pie Ix

8 décembre 1864

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Les libertés modernes et l’Eglise

Syllabus veut dire « résumé ». Ce n’est pas un texte nouveau mais une compilation de condamnations antérieures que Pie IX a rassemblées pour leur donner une force nouvelle – condamner à nouveau, mais cette fois-ci de façon solennelle, en un texte universel que certains verront comme infaillible – et permettre à tous les catholiques d’en prendre connaissance facilement : le cardinal Antonelli, dans sa lettre de présentation, précise : « Mais, comme il aurait pu arriver que tous les actes pontificaux ne fussent point parvenus à chacun des ordinaires, le souverain pontife a voulu que l’on rédigeât un Syllabus de ces mêmes erreurs, destiné à être envoyé à tous les évêques du monde catholique ».

Ces erreurs ainsi condensées, c’est une véritable « conjuration antichrétienne » doctrinale qui apparut dans toute sa grandeur. En même temps, l’Eglise se dressait, toujours plus décidée à s’y opposer, et non pas resserrée dans les limites de ses églises, toute occupée à bénir et prier, « abandonnant la direction morale et spirituelle des peuples » à la Révolution (Viéville, p. XI). Aussi, Pie IX a confirmé et proposé à nouveau comme règle de doctrine des évêques le Syllabus avec Quanta cura, dans une allocution du 17 juin 1867. Léon XIII en 1879, en 1884 à l’évêque de Périgueux et dans Immortale Dei en 1885 a confirmé le Syllabus (Viollet, p. 86).

Toutes les propositions du Syllabus ne sont pas des hérésies, mais toutes sont fausses. Et, ce qui ajoute à leur gravité, c’est que ces erreurs sont contemporaines d’une part et extrêmement répandues d’autre part. Mgr Mabille de Versailles remarque ce phénomène : « Autrefois ces idées n’étaient pas très dangereuses ; quelques rêveurs, quelques utopistes sans crédit et sans influence osaient à peine les produire, en les couvrant avec soin du manteau de l’hypocrisie et du mensonge. Aujourd’hui, elles se manifestent hautement, publiquement ; elles se communiquent de proche en proche, comme des flammes dévorantes ; elles se formulent en

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maximes absolues ; elles ont à tous les degrés de la hiérarchie de puissants organes et des défenseurs avoués, que rien n’arrête, que rien n’épouvante » (Allocution à MM. les sénateurs et députés, 12 mars 1876, Viéville, p. XII).

La préparation du Syllabus fut longue et soignée. Mgr Pecci, futur Léon XIII, en eut l’idée en 1849. Elle plut à Pie IX. Il chargea le cardinal Fornari de consulter des personnalités catholiques en 1852 sur un recueil en 29 points. Mais ce fut l’Instruction pastorale sur divers erreurs du temps présent de Mgr Gerbet, évêque de Perpignan, le 23 juillet 1860, qui servit de base à un premier catalogue, approuvé par 300 évêques présents à Rome en juin 1862 pour la canonisation de martyrs japonais. Cependant, une indiscrétion du journal turinois le Mediatore, publiant et critiquant les 61 propositions du Syllabus Propositionum en octobre, obligea Pie IX à attendre l’apaisement des esprits pour reprendre le projet qui apparaissait de plus en plus nécessaire.

En effet, dans l’Eglise catholique renaissaient plus forte que jamais les idées d’une étrange alliance entre le monde moderne et l’Eglise. La Vie de Jésus par Renan, paru en 1863, montrait pourtant bien jusqu’où menait l’esprit du monde : le rejet de toute Révélation chrétienne. Pourtant les congrès catholiques de Munich (septembre 1863) et de Malines (avril 1863) renchérissaient sur cet accommodement au monde et montraient combien le libéralisme pénétrait partout. Ils soutenaient, entre autres, que la philosophie moderne et l’histoire devaient remplacer la vieille scolastique – Doellinger à Munich – et que la liberté de conscience devait supplanter « l’alliance du trône et de l’autel », selon Montalembert à Malines. La réaction au sein de l’Eglise fut forte, en particulier de la part de l’évêque de Poitiers, Mgr Pie : le pape devait mettre fin à ces divisions et aux pénétrations modernes dans l’Eglise. Déjà, l’évêque de Montréal, Mgr. Bourget, condamna par mandement à ses fidèles 61 propositions le 25 décembre 1863 (Recueil, p. 562-573).

D’où le Syllabus, rédigé à partir des condamnations prononcées par Pie IX dans trente-deux textes précédents. Le Catalogue est anonyme. On a parlé pour rédacteurs du cardinal Tarquini et du barnabite Luigi Bilio, grand

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pénitencier et cardinal en 1866 (Mattei, p. 170). Ce dernier aurait supprimé certaines propositions (Viollet, p. 83). Il était pourtant tenu pour intransigeant…

Les épiscopats du monde entier l’approuvèrent chaudement, en général, pourtant il n’existe pas d’acte pontifical qui occasionna de telles émotions et une telle polémique. La raison principale en est que, non content de dénoncer les principes, Pie IX s’élevait aussi contre leurs applications : des faits et gestes récents sont visés, et leurs auteurs le savent. En France surtout, la circulaire du 1er janvier 1865 du ministre de la Justice et des cultes interdit aux évêques de promulguer l’encyclique et le Syllabus car ils « contiennent des propositions contraires aux principes sur lesquels repose la Constitution de l’Empire ». Les évêques durent passer outre à l’interdiction (Pelage, p. 478-480). Mais les catholiques français se divisèrent un peu plus, à propos des interprétations à donner, plus ou moins sévères : car Pie IX n’avait pas donné de notes doctrinales aux propositions. Quoique modéré (et bientôt libéral), Mgr Dupanloup avec La Convention du 15 septembre et l’Encyclique du 8 décembre (janvier 1865) eut un franc succès (34 éditions, félicitations de 630 évêques et de Pie IX lui-même). Louis Veuillot, dans l’Illusion libérale, donna un son différent quoique ni raide, ni extrémiste. La ligne de démarcation était nettement tirée entre les deux partis – elle est encore d’actualité aujourd’hui.

Orientations bibliographiques.

Doctrine : L. Brigué, « Syllabus », DTC, 1941, t. 14, col. 2877-2923 (articles documenté). Paul Viollet, L’infaillibilité du pape et le Syllabus, Besançon-Paris, Jacquin-Lethielleux, 1904, in 8° de 115 p. (critique en règle du Syllabus). Abbé Jean-Baptiste Raulx, Encycliques et documents en français et en latin, Bar-le-Duc, L. Guérin, 1865, 2 vol. in 8°. Recueil des allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques des souverains pontifes… cités dans l’encyclique et le Syllabus du 8 décembre 1864, Paris, Adrien Le Clere et cie, 1864, in 8° de 300 p. Julien Viéville, Le « Syllabus » commenté d’après les textes des souverains pontifes, l’enseignement des 4

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évêques…, Paris, Lethielleux, 1879, in 8° de XVIII-469 p. Lucien Choupin s.j., Valeurs des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Paris, Beauchesne, p.111-157 (sur l’autorité du Syllabus). Frank Bouscau, « Pie IX face aux erreurs de son temps : l’encyclique Quanta cura et le Syllabus », Pie IX le pape du concile, Vue de Haut, n°17, 2011, p. 23-38 (tout le numéro est conseillé).

Histoire : Yves Chiron, Pie IX pape moderne, Bitche, Clovis, 1995, in 8° de 525 p. (seule biographie d’ensemble en français). Roberto de Mattei, Pio IX, Casale Monferrato, Piemme, 2000, in 8° de 253 p. (bonne biographie du pape Pie IX). Abbé Pelage, La bulle Quanta Cura et la civilisation moderne, Paris, Garnier frères, 1865, in 8° de 588 p. (dossier sur la promulgation de l’encyclique par un catholique libéral).

PIE IX : Quanta curaLettre encyclique

Analyse de l'encyclique1 :

0) Introduction : vigilance des pontifes romains (1)

1) 1ère partie : caractéristiques des erreurs actuelles (2-4)1.1) Diffusion généralisée (2)1.2) Interventions de Pie IX (3)1.3) Nouvelle intervention nécessaire devant la division mise entre Eglise et Etat (4)

2) 2ème partie : Naturalisme et libéralisme (5-8)2.1) Ce qu’est le naturalisme (5)2.2) Première conséquence : l’anarchie (6)2.3) deuxième conséquence : le matérialisme (7)2.4) Troisième conséquence : les persécutions juridiques (8)

1 Plan inspiré de Quanta cura et Syllabus, Garches, Office international des œuvres de formation civique, 1964, p.3.5

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3) 3ème partie : Expulser l’Eglise de la vie publique (9-13)3.1) Communisme et socialisme dans la famille et à l’école (9-10)3.2) Césaro-papisme (11-12)3.3) Refus de l’Eglise « maîtresse des arts et des sciences » (13)

4) 4ème partie : condamnations renouvelées (14-16)4.1) Condamnation solennelle générale (14)4.2) Mise en garde contre la mauvaise littérature (15)4.3) Avertissement aux évêques(16)

5) 5ème partie : armes spirituelles (17-19)5.1) Exhortation à la prière (17)5.2) Jubilé de 1865 (18)5.3) Marie Immaculée (19)

Conclusion (20)

A tous nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques, en grâce et communion avec le Siège Apostolique.Pie IX, Pape.

Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique.

0) Introduction : vigilance des pontifes romains

1 Avec quel soin et quelle vigilance pastorale les pontifes romains Nos Prédécesseurs, ont rempli la mission à eux confiée par le Christ Seigneur lui-même en la personne du Bienheureux Pierre, Prince des Apôtres, et ont ainsi accompli leur devoir de paître les agneaux et les brebis ! Sans jamais discontinuer, ont attentivement nourri tout le troupeau du Seigneur des paroles de la foi, ont imprégné de la doctrine de salut, écarté des pâturages empoisonnés, voilà ce dont tout le monde est convaincu et assuré, Vous surtout, Vénérables Frères. Oui vraiment Nos Prédécesseurs se montrèrent les défenseurs et les vengeurs de l'auguste religion catholique, de la vérité et de la justice : soucieux, avant tout, du salut des

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âmes, ils n'ont jamais rien eu de plus à cœur que de découvrir et de condamner par leurs très sages Lettres et Constitutions toutes les hérésies et les erreurs qui, contraires à notre Foi divine, à la doctrine de l'Église Catholique, à l'honnêteté des mœurs et au salut éternel des hommes2, ont fréquemment soulevé de violentes tempêtes et lamentablement souillé l'Église et la Cité.

1) 1ère partie : caractéristiques des erreurs actuelles

1.1) Diffusion généralisée 2 C'est pourquoi Nos mêmes Prédécesseurs ont constamment opposé la fermeté Apostolique aux machinations criminelles d'hommes iniques, qui projettent l'écume de leurs désordres comme les vagues d'une mer en furie et promettent la liberté, eux, les esclaves de la corruption : ébranler les fondements de la religion catholique et de la société civile par leurs fausses opinions et les plus pernicieux écrits, faire disparaître toute trace de vertu et de justice, corrompre les âmes et les esprits, détourner des justes principes de la morale ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, en particulier la jeunesse inexpérimentée, la dépraver pitoyablement, l'entraîner dans les pièges de l'erreur, et enfin l'arracher du sein de l'Église catholique, voilà le sens de tous leurs efforts.

1.2) Interventions de Pie IX 3 Vous êtes les premiers à savoir, Vénérables Frères, qu'à peine avions-Nous été élevés à cette chaire de Pierre, par un secret dessein de la Providence Divine et sans aucun mérite de Notre part, Nous avons vu pour

2 Le Pape équipare impies et chrétiens non-catholiques comme ennemis de toute religion et toute morale car « qui n’est pas avec moi, disperse », dit Jésus-Christ (Marilley, p. 8).7

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la plus grande douleur de Notre âme une tempête vraiment effroyable soulevée par tant de doctrines perverses3. Nous avons vu les maux les plus accablants4, qu'on ne déplorera jamais assez et que tant d'erreurs ont attiré sur le peuple chrétien. C'est pour remplir les devoirs de Notre Ministère Apostolique et suivre les traces glorieuses de Nos Prédécesseurs que Nous avons élevé la voix. En plusieurs Encycliques déjà publiées, dans les Allocutions prononcées en consistoire et en d'autres Lettres Apostoliques, Nous avons condamné les principales erreurs de notre bien triste époque, fait appel à votre haute vigilance épiscopale, averti et encouragé tous Nos très chers fils de l'Église Catholique à fuir et redouter la contagion d'une peste si violente. Et en particulier, par Notre première Encyclique du 9 novembre 1846, à Vous adressée, et les deux allocutions prononcées en consistoire le 9 décembre 1854 et le 9 juin 1862, nous avons condamné ces monstruosités extraordinaires que sont les opinions, qui surtout de nos jours, dominent pour le plus grand dommage des âmes et au détriment de la société civile elle-même. Ces opinions s'opposent essentiellement, non seulement à l'Église catholique, à sa doctrine de salut et à ses droits vénérables, mais encore à l'éternelle loi naturelle gravée par Dieu dans tous les cœurs et à la droite raison. C'est d'elles que presque toutes les autres erreurs firent leur origine.

1.3) Nouvelle intervention nécessaire devant la division mise entre Eglise et Etat 4 Cependant, bien que nous n'ayons pas négligé de proscrire et de réprouver fréquemment les plus graves de ces erreurs, la cause de l'Église catholique et le salut des âmes que Dieu nous a confié, et le bien de la société humaine elle-même, réclament impérieusement que Nous lancions un nouvel appel à votre sollicitude pastorale pour terrasser d'autres idées fausses qui découlent de source de ces mêmes erreurs. Ces opinions trompeuses et perverses sont d'autant plus détestables qu'elles visent

3 Pie IX fait allusion à la révolution de 1848 qui le chassa de Rome et proclama une république romaine éphémère, jusqu’à l’intervention des puissances européennes catholiques.4 Ces maux déplorables sont les progrès de l’incrédulité mais aussi toutes les idées modernes (Marilley, p. 9).8

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principalement à entraver et renverser cette puissance de salut que l'Église catholique, en vertu de la mission et du mandat reçu de son divin Auteur, doit exercer librement jusqu'à la consommation des siècles, non moins à l'égard des individus que des nations, des peuples et de leurs chefs. Elles cherchent à faire disparaître cette mutuelle alliance et cette concorde entre le Sacerdoce et l'Empire, qui s'est toujours avérée propice et salutaire à la Religion et à la société5 (Grégoire XVI, Encyclique Mirari Vos, 15 août 1832).

2) 2ème partie : Naturalisme et libéralisme

2.1) Ce qu’est le naturalisme6

5 Et de fait, vous le savez parfaitement, Vénérables Frères, il s'en trouve beaucoup aujourd'hui pour appliquer à la société civile le principe impie et absurde du « naturalisme », comme ils l'appellent, et pour oser enseigner que « le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la Religion que si elle n'existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions »7. Et contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l'Église et des saints Pères, ils affirment sans hésitation que : « la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique, si ce n'est dans la mesure où la tranquillité publique le demande »8. À partir de cette idée tout à fait fausse

5 Si l’Etat reconnaît une vraie religion, il ne peut que proscrire les autres, à tout le moins les tolérer provisoirement.6 Syllabus 6 et 55.7 Les auteurs semblent souvent retenir aussi un sens plus large pour le naturalisme : le refus de l’ordre surnaturel.8 En condamnant cette thèse, Pie XI enseigne que la vérité peut user de moyens extérieurs contraignants pour s’imposer dans la société.9

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du gouvernement des sociétés9, ils ne craignent pas de soutenir cette opinion erronée, funeste au maximum pour l'Église catholique et le salut des âmes, que Notre Prédécesseur Grégoire XVI, d'heureuse mémoire, qualifiait de « délire »10 : « La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme. Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée. Les citoyens ont droit à l'entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions quelles qu'elles soient, par les moyens de la parole, de l'imprimé ou tout autre méthode sans que l'autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite »(Idem). Or, en donnant pour certitudes des opinions hasardeuses, ils ne pensent ni ne se rendent compte qu'ils prêchent « la liberté de perdition », et que « s'il est permis à toutes les convictions humaines de décider de tout librement, il n'en manquera jamais pour oser résister à la vérité et faire confiance au verbiage d'une sagesse toute humaine. On sait cependant combien la foi et la sagesse chrétienne doivent éviter cette vanité si dommageable, selon l'enseignement même de Notre Seigneur Jésus-Christ » (Saint Augustin, Lettre 105 aux donatistes, PL XXXIII, 400).

2.2) Première conséquence : l’anarchie

6 Là où la religion a été mise à l'écart de la société civile, la doctrine et l'autorité de la révélation divine répudiées, la pure notion même de la justice et du droit humain s'obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime. D'où l'on voit clairement pourquoi certains, reléguant au dernier rang les plus sûrs principes de la saine raison, sans en tenir compte, osent proclamer que : « La volonté du peuple qui se manifeste par ce qu'on dit être l'opinion publique, ou autrement, constitue la loi suprême dégagée de tout droit divin et humain, et que dans l'ordre politique des faits accomplis, par cela même qu'ils sont accomplis, ont force de droit ».

2.3) deuxième conséquence : le matérialisme11

9 Syllabus 15-19 et 77-79.10 Le délire est un mot de Grégoire XVI daté de 1832. Pie IX le reprend à son compte.11 Syllabus 52-57.10

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7 Mais qui ne voit et ne sent parfaitement qu'une société dégagée des liens de la religion et de la vraie justice, ne peut plus se proposer aucun autre but que d'amasser et d'accumuler des richesses12, ni suivre d'autre loi dans ses actes que l'indomptable désir de l'âme d'être esclave de ses propres passions et intérêts ? C'est pourquoi les hommes de cette espèce poursuivent d'une haine si cruelle les Familles Religieuses, en dépit des services rendus au prix des plus grands efforts à la religion chrétienne, à la société civile et à la culture13 ; ils déblatèrent contre elle en disant qu'elles n'ont aucune raison légitime d'exister, et c'est ainsi qu'ils applaudissent aux divagations des hérétiques. Or, comme l'enseignait en toute sagesse Notre Prédécesseur Pie VI d'heureuse mémoire : « l'abolition des réguliers blesse le droit de professer publiquement les conseils évangéliques, blesse un mode de vie recommandé dans l'Église comme conforme à la doctrine des Apôtres, blesse la mémoire de ces illustres fondateurs que nous vénérons sur les autels, et qui n'ont établi ces ordres que sous l'inspiration de Dieu » (Lettre au Cardinal de la Rochefoucault, 10 mars 1791).

2.4) Troisième conséquence : les persécutions juridiques

8 Et ils déclarent même dans leur impiété qu'il faut ôter aux citoyens et à l'Église la faculté « de fournir valablement des aumônes publiques par charité chrétienne », et abolir la loi « qui à des jours déterminés défend les œuvres serviles pour vaquer au culte divin » sous le prétexte si fallacieux que « la faculté et la loi ci-dessus évoquées sont contraires aux principes de la bonne économie politique »14.

3) 3ème partie : Expulser l’Eglise de la vie publique

3.1) Communisme et socialisme dans la famille et à l’école15

12 « C’est une vue assez prophétique de la société de consommation » (Bouscau, p. 31).13 La question des ordres religieux est décisive au XIXe siècle car ils tiennent éducation et œuvres caritatives en place de l’Etat ou en marge. Les éliminer, élimine cette influence de l’Eglise sur la société temporelle.14 A noter que ceux qui n’admettent pas que l’Eglise tienne la première place dans la société, n’en veulent cependant pas moins que le christianisme se répande, mais par des moyens purement individuels ou ecclésiastiques.15 Syllabus 45-48.11

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9 Et non contents de mettre la religion à l'écart de la société, ils veulent même l'écarter de la vie privée des familles. En effet, enseignant et professant la si funeste erreur du Communisme et du Socialisme, ils affirment que : « La société domestique ou la famille emprunte au seul droit civil toute sa raison d'être ; et qu'en conséquence c'est de la loi civile seule que découlent et dépendent tous les droits des parents sur les enfants, et d'abord le droit d'instruction et d'éducation ». Par ces opinions impies et ces machinations, ces hommes de mensonge veulent surtout aboutir à ce que la doctrine et le pouvoir de l'Église catholique qui apportent le salut, soient entièrement éliminés de l'instruction et de l'éducation de la jeunesse, et que l'âme tendre et malléable des jeunes soit infectée et déformée pitoyablement par toutes sortes d'erreurs perverses et par le vice. Oui, tous ceux qui ont mis leurs efforts à bouleverser l'ordre sacré et l'ordre public, à renverser l'ordre juste de la société, et à anéantir tous les droits divins et humains, ont toujours fait tendre leurs desseins criminels, leurs désirs et leurs œuvres principalement à tromper et à dépraver la jeunesse qui ne s'y attend pas, comme Nous l'avons indiqué plus haut ; et ils ont mis tout leur espoir dans la corruption de cette jeunesse.

10 Voilà pourquoi jamais ils ne cessent d'infliger toutes sortes de vexations indicibles à l'un et l'autre clergé d'où rejaillirent tant d'immenses bienfaits sur l'ordre religieux, civil et culturel, comme l'attestent avec éclat les plus sûrs monuments de l'histoire ; voilà pourquoi ils déclarent que ce clergé même, en tant qu'ennemi du véritable et utile progrès de la science et de la civilisation, doit être écarté de toute charge et de tout rôle dans l'instruction et l'éducation de la jeunesse.

3.2) Césaro-papisme16

11 Mais il en est d'autres qui, renouvelant les chimères extravagantes et tant de fois condamnées des novateurs17, ont l'insigne impudence de 16 Syllabus 20, 41, 24, 26, 27, 53..17 Les Acta Sanctae Sedis – journal officiel du Saint-Siège – signalent en note les encycliques condamnant la franc-maçonnerie, In eminenti de Clément XII, Providas de Benoît XIV, Ecclesiam de Léon XII, Graviora (Romae, 1878, t. 3, p. 165).12

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soumettre à la discrétion de l'autorité civile l'autorité suprême attribuée par le Christ Notre Seigneur à l'Église et à ce Siège Apostolique, et de dénier à cette même Église et à ce Siège tous droits en ce qui regarde les affaires extérieures. Car ils n'ont aucunement honte d'affirmer que : « Les lois de l'Église n'obligent pas en conscience, à moins qu'elles ne soient promulguées par le pouvoir civil. - Les actes et les décrets des pontifes romains concernant la religion et l'Église ont besoin de la sanction et de l'approbation, ou au moins du consentement du pouvoir civil. - Les constitutions apostoliques qui condamnent les sociétés secrètes – qu'on y exige ou non le serment de garder le secret – et qui frappent d'anathème leurs adeptes et leurs défenseurs ne peuvent entrer en vigueur dans les pays où le gouvernement civil tolère ces sortes d'associations. - L'excommunication portée par le Concile de Trente et les pontifes romains contre ceux qui envahissent et usurpent les droits et possessions de l'Église, repose sur une confusion de l'ordre spirituel avec l'ordre civil et politique, et n'a pour but qu'un bien de ce monde. - L'Église ne doit rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles relativement à l'usage des biens temporels. Le droit ecclésiastique n'a pas compétence pour châtier de peines temporelles les violateurs de ses lois. - Il est conforme aux principes de la sacrée théologie et du droit public d'attribuer au gouvernement civil et de revendiquer pour lui la propriété des biens qui sont en possession de l'Église, des Familles Religieuses et autres associations pieuses »18.

12 Ils ne rougissent pas non plus de professer ouvertement et publiquement les formules et les principes hérétiques, d'où sortent tant d'opinions perverses et d'erreurs. Car ils répètent que « le pouvoir ecclésiastique n'est pas, de droit divin, distinct et indépendant du pouvoir civil, et qu'une telle distinction et indépendance ne peut être conservée sans que l'Église envahisse et usurpe les droits essentiels du pouvoir civil ».

3.3) Refus de l’Eglise « maîtresse des arts et des sciences »

13 Et Nous ne pouvons passer sous silence l'audace de ceux qui, ne supportant pas la saine doctrine, prétendent que : « Quant à ces

18 Ces exemples donnent un « premier catalogue d’erreurs » (Bouscau, p. 31).13

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jugements et à ces décrets du Siège Apostolique dont l'objet regarde manifestement le bien général de l'Église, ses droits et sa discipline, on peut, du moment qu'ils ne touchent pas aux dogmes relatifs à la foi et aux mœurs, leur refuser l'assentiment et l'obéissance, sans péché et sans cesser en rien de professer le catholicisme ». À quel point cela est contraire au dogme catholique sur le plein pouvoir, divinement conféré par le Christ Notre Seigneur lui-même au pontife romain, de paître, de régir et de gouverner l'Église universelle, il n'est personne qui ne le voie et qui ne le comprenne clairement et distinctement.

4) 4ème partie : condamnations renouvelées

4.1) Condamnation solennelle générale19

14 Au milieu donc d'une telle perversité d'opinions corrompues, Nous souvenant de Notre charge Apostolique, dans notre plus vive sollicitude pour notre très sainte religion, pour la saine doctrine, et pour le salut des âmes à Nous confiées par Dieu, et pour le bien de la société humaine elle-même, Nous avons jugé bon d'élever à nouveau Notre Voix Apostolique. En conséquence, toutes et chacune des opinions déréglées et des doctrines rappelées en détail dans ces Lettres, Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons de Notre Autorité Apostolique ; et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de l'Église catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites et condamnées20.

4.2) Mise en garde contre la mauvaise littérature

15 Et, en outre, vous savez très bien, Vénérables Frères, que de nos jours ceux qui haïssent toute vérité et toute justice, les ennemis acharnés de notre religion, au moyen de livres empoisonnés, de brochures et de journaux répandus par toute la terre, trompent les peuples, mentent perfidement, et diffusent toutes sortes d'autres doctrines impies. Vous n'ignorez pas non plus que, même à cette époque où nous sommes, on en

19 Syllabus 22.20 Quanta cura dans sa condamnation du libéralisme comporte des formules explicitement ex cathedra.14

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trouve qui, mus et stimulés par l'esprit de Satan, en sont arrivés à cette impiété de nier Notre Seigneur et Maître Jésus-Christ, et ne craignent pas d'attaquer sa Divinité avec une insolence criminelle. Mais ici Nous ne pouvons, Vénérables Frères, que vous honorer à bon droit des plus grands éloges, vous qui n'avez jamais manqué, avec tout votre zèle, d'élever votre voix épiscopale contre tant d'impiété.

4.3) Avertissement aux évêques

16 C'est pourquoi, par Nos présentes Lettres, Nous nous adressons une fois de plus avec beaucoup d'affection à vous qui, appelés à partager Nos soucis, êtes au milieu des calamités qui nous touchent si vivement. Notre consolation, Notre joie et Notre encouragement les plus grands : par la qualité de votre esprit religieux et de votre piété et aussi par cet amour, cette foi et cette déférence admirable avec lesquels, attachés à Nous et à ce Siège Apostolique dans la plus grande unité d'esprit, vous travaillez à remplir avec empressement et application votre très grave ministère épiscopal. Car Nous attendons de votre remarquable zèle pastoral que, prenant le glaive de l'esprit, qui est la parole de Dieu, et fortifiés dans la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, vous ayez la volonté de veiller chaque jour davantage avec une attention redoublée à ce que les fidèles confiés à vos soins « s'abstiennent des herbes nuisibles que Jésus-Christ ne cultive pas, parce qu'elles n'ont pas été plantées par son Père » (Saint Ignace, martyr, Lettre aux Philadelphes, § 3). Et ne cessez jamais d'inculquer à ces mêmes fidèles que tout vrai bonheur découle pour les hommes de notre sainte religion, de sa doctrine et de sa pratique, et qu' « heureux est le peuple dont Dieu est le Seigneur » (Ps 143). Enseignez que « l'autorité repose sur le fondement de la Foi Catholique » (Saint Célestin, Lettre 22 au Synode d'Éphèse ) et qu' « il n'y a rien de plus mortel, rien qui nous précipite autant dans le malheur, nous expose autant à tous les dangers, que de penser qu'il nous peut suffire d'avoir reçu le libre arbitre en naissant ; sans avoir à rien demander de plus à Dieu ; c'est-à-dire, qu'oubliant notre Créateur, nous renions son pouvoir sur nous pour manifester notre liberté » (Saint Innocent I, Lettre 29 au Concile Épiscopal de Carthage). N'omettez pas non plus d'enseigner que « le pouvoir de gouverner est conféré non pour le seul gouvernement de ce monde, mais

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avant tout pour la protection de l'Église » (Saint Léon, Lettre 156) et que « rien ne peut être plus profitable et plus glorieux aux chefs d'États et aux Rois que ce que Notre Prédécesseur saint Félix, rempli de sagesse et de courage, écrivait à l'empereur Zénon : Qu'ils laissent l'Église catholique se gouverner par ses propres lois, et ne permettent à personne de mettre obstacle à sa liberté... Il est certain qu'il leur est avantageux de s'appliquer, quand il s'agit de la cause de Dieu, et suivant l'ordre qu'Il a établi, à subordonner et non à préférer la volonté royale à celle des prêtres du Christ » (Pie VII, encyclique Diu satis, 15 mai 1800).

5) 5ème partie : armes spirituelles

5.1) Exhortation à la prière

17 C'est toujours, Vénérables Frères, mais c'est maintenant plus que jamais, au milieu de telles calamités de l'Église et de la société civile, en présence d'une si vaste conspiration d'adversaires et d'un tel amas d'erreurs contre le catholicisme et le Siège Apostolique, qu'il est absolument nécessaire de nous adresser avec confiance au Trône de la grâce pour obtenir miséricorde et trouver la grâce d'une protection opportune.

À cette fin, Nous avons jugé bon de stimuler la piété de tous les fidèles pour qu'en union avec Nous, et avec vous, ils ne cessent de prier et supplier par les prières les plus ferventes et les plus humbles, le Père très clément des lumières et des miséricordes ; qu'ils se réfugient toujours dans la plénitude de la foi auprès de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a rachetés à Dieu en son sang ; qu'ils demandent avec une perpétuelle instance à son très doux Cœur, victime de sa très ardente charité envers nous, d'attirer tout à lui par les liens de son amour, et de faire que tous les hommes, enflammés de son très saint amour, marchent dignement selon son Cœur, agréables à Dieu en tout, portant des fruits en toutes sortes de bonnes œuvres. Et, comme les prières des hommes sont indubitablement plus agréables à Dieu quand elles lui parviennent avec des cœurs purs de toute corruption, Nous avons pensé à ouvrir avec une libéralité apostolique aux fidèles chrétiens les célèbres trésors de l'Église dont la

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distribution Nous est confiée, afin que ces mêmes fidèles excités plus vivement à la vraie piété, et purifiés des taches de leurs péchés par le Sacrement de Pénitence, répandent avec plus de confiance leurs prières à Dieu et obtiennent sa miséricorde et sa grâce.

5.2) Jubilé de 1865

18 En conséquence, par les présentes Lettres, en vertu de notre Autorité Apostolique, à tous et chacun des fidèles des deux sexes dans l'univers catholique, Nous accordons une Indulgence plénière en forme de Jubilé, à gagner durant toute l'année à venir 1865 et non au delà, dans l'espace d'un mois à désigner par vous, Vénérables Frères, et les autres Ordinaires légitimes des lieux, en la même manière et forme exactement que Nous l'avons accordée, au commencement de Notre suprême Pontificat, par Nos Lettres Apostoliques en forme de Bref du 20 novembre 1846, envoyée à tout votre Ordre épiscopal de l'univers, et commençant par ces mots : « Arcano Divinae Providentiae consilio » et avec tous les mêmes pouvoirs accordés par Nous dans ces Lettres. Nous voulons cependant que toutes les prescriptions contenues dans les susdites lettres soient observées, et que soient maintenues toutes les exceptions que Nous avons mentionnées. Nous accordons cela nonobstant toutes dispositions contraires, même celles qui seraient dignes d'une mention et d'une dérogation spéciales et individuelles. Et pour écarter tout doute et toute difficulté, Nous vous avons fait parvenir un exemplaire de ces Lettres.

5.3) Marie Immaculée

19 Prions, Vénérables Frères, « du fond du cœur et de toute notre âme la miséricorde de Dieu, parce qu'il a lui-même ajouté : Je n'éloignerai pas d'eux ma miséricorde. Demandons et nous recevrons, et si nous attendons et que nous tardions à recevoir à cause de la gravité de nos offenses, frappons ; car à celui qui frappe on ouvrira, pourvu que nous frappions à la porte avec nos prières, nos gémissements et nos larmes, avec lesquels il faut insister et persévérer, et pourvu que notre prière soit unanime... que chacun prie Dieu non seulement pour lui-même mais pour tous ses frères, comme le Seigneur nous a enseigné à prier » (Saint Cyprien, Lettre 11). Et

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pour que Dieu exauce plus facilement Nos prières et Nos vœux, les vôtres et ceux de tous les fidèles, faisons participer en toute confiance auprès de lui l'Immaculée et très sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie qui a détruit toutes les hérésies dans le monde entier, et qui, Notre Mère très aimante à tous, « est toute suave... et pleine de miséricorde... se montre exorable à tous, très clémente à tous, compatit aux misères de tous avec la plus large affection » (Saint Bernard, Sermon sur les douze prérogatives de la Bienheureuse Vierge Marie d'après l'Apocalypse ). Comme Reine, debout à la droite de Son Fils Unique, notre Seigneur Jésus-Christ, toute enveloppée dans un vêtement d'or, il n'y a rien qu'Elle ne puisse obtenir de Lui.Demandons aussi les suffrages du Bienheureux Pierre, Prince des Apôtres, de son Co-Apôtre Paul, et de tous les Saints du Ciel qui devenus amis de Dieu, sont parvenus au royaume céleste, possèdent la couronne et la palme, et sûrs de leur immortalité, sont soucieux de notre salut.

Conclusion

20 Enfin, demandant pour vous à Dieu de toute Notre âme l'abondance de tous les dons célestes, Nous donnons du fond du cœur et avec amour, en gage de Notre particulière affection, la Bénédiction Apostolique à vous-mêmes, Vénérables Frères, et à tous les fidèles clercs et laïcs confiés à vos soins.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 8 décembre de l'année 1864, dixième depuis la Définition Dogmatique de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie Mère de Dieu21. Et de Notre Pontificat la dix-neuvième.PIE IX, Pape.

PIE IX : Syllabus22

21 Pie IX ne s’est pas trompé en signalant le dixième anniversaire du dogme de l’Immaculée Conception, Marie étant celle qui « a écrasé toutes les hérésies dans le monde » dit le bréviaire romain dans une antienne de l’office de la Sainte Vierge.22 Les propositions du Syllabus sont regroupées par thèmes. Les thèmes sont classés par ordre. Le premier paragraphe concerne les vérités fondamentales sur lesquelles repose toute la connaissance philosophique et théologique humaine. Acta Sanctae Sedis, t. 3, (1867) p. 168. Traduction française dans Recueil, pp. 17-35.18

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Résumé renfermant les principales erreurs de notre temps qui sont signalées dans les allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques de N. T. S. P. le Pape Pie IX.

§ I. Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu23.

I. Il n'existe aucun être divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa providence, qui soit distinct de l'univers, et Dieu est identique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements ; Dieu, par cela même, se fait dans l'homme et dans le monde, et tous les êtres sont Dieu et ont la propre substance de Dieu. Dieu est ainsi une seule et même chose avec le monde, et par conséquent l'esprit avec la matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l'injuste24

(26)25.

II. On doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde26 (26).

III. La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l'unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal : elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à procurer le bien des hommes et des peuples27 (26).

23 Le panthéisme fut enseigné par les philosophies platoniciennes, stoïciennes ou épicuriennes. Il est remis au goût du jour par Victor Cousin, philosophe éclectique français du XIXe siècle, mais connaissait depuis la Renaissance un véritable renouveau (Spinoza)… Les religions et mystiques extrême-orientales font grande place au panthéisme : Bramanes, hindous, bonzes bouddhistes, soufis de Perse. La Cabbale juive en est imprégnée (Viéville, p. 4). Vatican I condamne les erreurs panthéistes dans ses cinq premiers canons.24 Les « déistes, philosophes éclectiques et rationalistes protestants et incrédules » sont ici visés (Viéville, p.46).25 Le chiffre entre parenthèses renvoie au document indiqué dans la liste ci-après.26 La proposition est naturaliste. Elle nie toute providence divine. Sa contradictoire serait : « On doit reconnaître une certaine action de Dieu sur les hommes et sur le monde » (Viéville, p. 10).27 Erreur contemporaine par excellence, le rationalisme est « l’une des plus grandes et des plus dangereuses illusions modernes » (Viéville, p. 11). « L’homme est la mesure de toute chose », dit déjà Protagoras. Le rationalisme déifie l’homme et nie toute réalité au surnaturel et à la religion qui, par définition, dépassent la raison naturelle. La morale, le but de la vie humaine sont naturels.19

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IV. Toutes les vérités de la religion découlent de la force native de la raison humaine ; d'où il suit que la raison est la règle souveraine d'après laquelle l'homme peut et doit acquérir la connaissance de toutes les vérités de toute espèce28 (1, 17, 26).

V. La révélation divine est imparfaite, et par conséquent sujette à un progrès continuel et indéfini29 correspondant au développement de la raison humaine30 (1, 26).

VI. La foi du Christ est en opposition avec la raison humaine31, et la révélation divine non seulement ne sert de rien, mais encore elle nuit à la perfection de l'homme (1, 26).

28 Conséquence de la précédente proposition sur le plan intellectuel : la vérité ne peut qu’être vérifiée par la raison. En fait, même en matière de connaissances naturelles, saint Thomas remarque que très peu d’hommes, après beaucoup d’erreurs, et en travaillant avec acharnement, arriveraient à ces connaissances philosophiques des réalités supérieures de l’existence humaine : l’immortalité de l’homme, la spiritualité de l’âme humaine, l’existence d’un Dieu unique, ses attributs essentiels… Et la raison serait, bien entendu, complètement démunie en matière de la béatitude parfaite réservée par Dieu aux hommes, la substance intime de Dieu qui est trinitaire en trois Personnes égales et distinctes, les œuvres de la Rédemption (Contre les gentils, livre 1, ch. 4).29 Le progrès est la notion-clé de la philosophie du XIXe siècle : Hegel et sa dialectique puis Marx l’ont exploité. Il est vrai que les améliorations matérielles fantastiques procurées par les sciences mathématiques depuis le début du XVIIe siècle pouvaient créer une certaine illusion. Au XXe siècle, « progrès » est remplacé par « évolution », plus neutre car moins immédiatement optimiste. Mais le principe est le même : tout change, rien n’est fixé, surtout pas la religion. Les modernistes en font un principe de base. Vatican I anathématise cette proposition.30 Plus particulièrement, cette proposition visait un théologien allemand : Günther disait que la raison humaine comprenait la Révélation divine et donc que l’intelligence des dogmes irait toujours en se perfectionnant, les progrès de la philosophie leur donnant un sens nouveau. D’où la nécessité, selon lui, d’adopter les philosophies nouvelles à la place de la philosophia perennis.31 Le divorce entre foi et raison dans la pensée contemporaine est la cause du laïcisme qui refuse à l’Eglise tout rôle politique ou social. Il est pourtant clair que la foi catholique est des plus raisonnable : elle se fonde sur des préambules philosophiques rigoureusement démontrés, elle s’appuie sur des preuves extérieures de l’intervention divine dûment constatées (miracles, prophéties), elle croit un ensemble de vérités harmonieusement liées entre elles et correspondant aux principes naturels et moraux de l’intelligence humaine (justice voulant la rétribution des actes ordonnés ou désordonnés, rôle des vertus morales…).20

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VII. Les prophéties et les miracles racontés dans les saintes Écritures sont des fictions poétiques, et les mystères de la foi chrétienne sont le résumé d'investigations philosophiques ; dans les livres des deux Testaments sont contenues des inventions mythiques, et Jésus-Christ lui-même est un mythe32 (1, 26).

§ II. Rationalisme modéré33.

VIII. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les sciences théologiques doivent être traitées comme les sciences philosophiques34 (13).

IX. Tous les dogmes de la religion chrétienne sans distinction sont l'objet de la science naturelle ou philosophie ; et la raison humaine n'ayant qu'une culture historique, peut, d'après ses principes et ses forces naturelles, parvenir à une vraie connaissance de tous les dogmes, même les plus cachés, pourvu que ces dogmes aient été proposés à la raison comme objet (27, 30).

X. Comme autre chose est le philosophe et autre chose la philosophie, celui-là a le droit et le devoir de se soumettre à une autorité dont il s'est démontré à lui-même la réalité ; mais la philosophie ne peut ni ne doit se soumettre à aucune autorité35 (27, 30).

32 Les exégètes Strauss et Renan sont ici condamnés. Mais la remise en question de la vérité des Ecritures bibliques n’en a pas moins progressé sous couvert de corruption des textes par les copistes, de compléments apportés aux récits bibliques par les disciples des prophètes ou des Apôtres….33 Le chapitre condamne ici des propositions soutenues par des catholiques (Gunther, Baltzer, Fröschammer) qui pensaient les accorder avec la foi de L’Eglise. En fait, ces propositions isolent l’une de l’autre la foi et la raison en leur reconnaissant donc des droits égaux, une même indépendance. En conséquence, ce rationalisme modéré aboutit au rationalisme absolu du premier chapitre.34 Le principe du rationalisme modéré est ici posé. Les applications suivront : ce sont des propositions de Fröhschammer ici condamnées (n° 9-11).35 Dans Singulari Quadarm, Pie IX rappelle pourquoi les sciences théologiques transcendent celles de la raison humaine. Les premières sont fondées sur les lumières mêmes de Dieu révélant ; les secondes sur celles de l’esprit humain tributaire des images sensible données par le corps aux humeurs changeantes : « toute connaissance humaine vient des sens » dit la 21

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XI. L'Église non seulement ne doit, dans aucun cas, sévir contre la philosophie, mais elle doit tolérer les erreurs de la philosophie36 et lui abandonner le soin de se corriger elle-même37 (27).

XII. Les décrets du Siège apostolique et des Congrégations romaines empêchent le libre progrès de la science38 (30).

XIII. La méthode et les principes d'après lesquels les anciens docteurs scolastiques ont cultivé la théologie ne sont plus en rapport avec les nécessités de notre temps et les progrès des sciences39 (30).

XIV. On doit s'occuper de philosophie sans tenir aucun compte de la révélation surnaturelle (30).

N.B. Au système du rationalisme se rapportent pour la majeure partie les erreurs d'Antoine Günther, qui sont condamnées dans la Lettre au Cardinal

philosophie. D’où « incertitude…erreurs…illusions sans nombres », sans parler de péché originel apportant « les ténèbres dans son intelligence » et inclinant « sa volonté au mal ».36 Cette distinction veut paraître accorder à l’Eglise un magistère supérieur à toute connaissance et science humaine de fait, mais non en droit. Mais qui ne voit qu’elle donne dans l’agnosticisme ? Le philosophe ne pourrait atteindre à la philosophie, donc il n’arriverait pas au but de celle-ci, « connaissance certaine de la réalité par les causes les plus hautes ». L’Eglise peut intervenir dans le domaine des sciences profanes pour les corriger lorsque leurs conclusions vont contre des vérités de foi, proches de la foi ou conditions de la foi. La lumière de ses jugements étant celle de Dieu lui-même, et les vérités des sciences découlant aussi de Dieu par le canal de la raison naturelle, il ne peut y avoir d’opposition entre les deux.37 Le naturalisme de Jacques Fröschammer est ici condamné pour deux erreurs : d’abord et principalement, donner une autonomie absolue à la philosophie qui ne saurait être contrôlée par la Révélation divine ; ensuite, avoir élevé la raison humaine au niveau surnaturel jusqu’à pouvoir expliquer les mystères de foi. En conséquence, l’Eglise gardienne des mystères est aussi soumise à la direction de la raison seule. Saint Thomas fait justice de ces prétentions en distinguant les deux sciences avec leurs deux lumières de la science profane (raison) et science théologique (Révélation divine « illustrant » la raison) (Ia, q.1, a. 2). (Viéville, p. 52).38 Les propositions 12 à 14 sont émises par le congrès de Munich en 1863. L’Eglise empêche les erreurs des sciences, et donc favorise leur vrai progrès.39 L’Eglise use de la philosophie naturelle à l’esprit humain, la scolastique, illustrée par des savants éminents Socrate ou Aristote dans l’Antiquité, les saints Augustin et Thomas dans les temps des chrétiens. Mais les philosophies récentes, multiples et contradictoires, n’ont pas la sûreté de cette philosophie scolastique.22

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Archevêque de Cologne Eximiam tuam, du 15 juin 1857, et dans la Lettre à l'Évêque de Breslau Dolore haud mediocri, du 30 avril 1860.

§ III. Indifférentisme, latitudinarisme40.

XV. Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison41 (8, 26).

XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n'importe quelle religion42 (1, 3, 17).

XVII. Tout au moins doit-on avoir bonne confiance dans le salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Église du Christ (13, 28).

XVIII. Le protestantisme n'est pas autre chose qu'une forme diverse de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l'Église catholique43 (5).

§ IV. Socialisme, Communisme, Sociétés secrètes, Sociétés bibliques, Sociétés clérico-libérales.

Ces sortes de pestes sont à plusieurs reprises frappées de sentences formulées dans les termes les plus graves par l'Encyclique Qui pluribus, du 9 novembre 1846 ; par l'Allocution Quibus quantisque, du 20 avril 1849 ; par l'Encyclique Nostis et Nobiscum, du 8 décembre 1849 ; par l'Allocution

40 La maxime qui résume ce paragraphe serait : « toutes les religions sont bonnes et l’homme peut à son gré choisir celle qui lui plaît ». Bien entendu, les croyants non-catholiques de bonne foi, suivant la loi naturelle, et dans l’ignorance invincible quant au christianisme mais ayant une espèce de « baptême de désir » en invoquant Dieu comme Sauveur de leurs péchés, seront sauvés par grâce spéciale divine.41 Se rapporter à la raison seule en matière religieuse est le libre-examen des protestants. (Viéville, p.83).42 Les éléments de vérité qui se trouvent dans les diverses religions non catholiques y sont comme égarés et neutralisés par les erreurs et immoralités qui y pullulent le plus souvent. Et donc, indirectement, la voie du salut ne peut y être distinguée.43 Le protestantisme n’existe pas : il y a plus de 70000 religions protestantes aujourd’hui à la surface du globe.23

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Singulari quadam, du 9 décembre 1854 ; par l'Encyclique Quanto conficiamur mœrore, du 10 août 1863. § V. Erreurs relatives à l'Église et à ses droits.

XIX. L'Église n'est pas une vraie et parfaite société pleinement libre ; elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés par son divin Fondateur, mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l'Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer44 (13, 22, 23, 26).

XX. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l'assentiment du gouvernement civil45 (25).

XXI. L'Église n'a pas le pouvoir de définir dogmatiquement que la religion de l'Église catholique est uniquement la vraie religion46 (8).

XXII. L'obligation qui concerne les maîtres et les écrivains catholiques, se borne aux choses qui ont été définies par le jugement infaillible de l'Église47, comme des dogmes de foi qui doivent être crus par tous48 (30).

XXIII. Les souverains pontifes et les conciles œcuméniques ont dépassé les limites de leur pouvoir ; ils ont usurpé les droits des princes et ils ont même erré dans les définitions relatives à la foi et aux mœurs49 (8).

44 L’Eglise est une société parfaite ce qui lui confère une indépendance de fait et de droit envers l’Etat et la société temporelle. Le faux principe ici condamné est appliqué dans les propositions suivantes.45 En 1791, Pie VI condamna cette thèse de la Constitution civile du clergé de France.46 Heureusement que l’Eglise a ce pouvoir qui ressort de son infaillibilité : Elle laisserait autrement ses fidèles dans la plus grande perplexité et même dans l’angoisse. A qui se fier autrement ? « Où irions-nous Seigneur ? Vous avez les paroles de la vie éternelle ! »47 Les principes des propositions 21 et 22 sont condamnés sous les numéros 14 et 15.48 Non seulement les dogmes de foi, mais aussi tout ce qui les explicite, précise, défend, sont à recevoir de l’Eglise par les professeurs catholiques.49 Cette proposition est fausse et injurieuse pour l’Eglise et la papauté. Nier l’infaillibilité de l’Eglise quant aux mœurs et à la Foi est par contre hérétique.24

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XXIV. L'Église n'a pas le droit d'employer la force ; elle n'a aucun pouvoir temporel direct ou indirect50 (9).

XXV. En dehors du pouvoir inhérent à l'épiscopat, il y a un pouvoir temporel qui lui a été concédé ou expressément ou tacitement par l'autorité civile, révocable par conséquent à volonté51 par cette même autorité civile52 (9).

XXVI. L'Église n'a pas le droit naturel et légitime d'acquérir et de posséder (18, 29).

XXVII. Les ministres sacrés de l'Église et le pontife romain doivent être exclus de toute gestion et possession des choses temporelles53 (26).

XXVIII. Il n'est pas permis aux Évêques de publier même les Lettres apostoliques sans la permission du gouvernement (18).

XXIX. Les faveurs accordées par le pontife romain doivent être regardées comme nulles, si elles n'ont pas été demandées par l'entremise du gouvernement54 (18).

50 Pie VI condamne cette proposition des jansénistes de Pistoie dans Auctorem fidei. L’Eglise exerce sa juridiction sur les choses temporelles qui sont nécessaires à l’obtention de sa finalité ou, au contraire, qui y nuisent.51 …ipso facto.52 Cette proposition pourrait recevoir une distinction : des prérogatives politiques concédées par l’Etat aux hommes d’Eglise sont révocables (dignités de sénateurs ou de princes…), mais ce n’est pas le cas de la puissance temporelle exprimée par des lois sur le mariage, les jours chômés, les peines infligées pour certains crimes… qui ressortent du pouvoir épiscopal de gouvernement.53 L’Eglise peut posséder des biens car elle est une société parfaite qui doit avoir les moyens temporels d’obtenir son but.54 Le régalisme gallican (France) et le joséphisme (Autriche) prétendent que les actes papaux sont à confirmer par les gouvernements pour avoir force de lui dans les Eglises nationales. Ainsi le Syllabus fut interdit par Napoléon III.25

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XXX. L'immunité55 de l'Église et des personnes ecclésiastiques tire son origine du droit civil56 (8).

XXXI. Le for ecclésiastique57 pour les procès temporels des clercs, soit au civil, soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses réclamations (12, 18).

XXXII. L'immunité personnelle en vertu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation de l'équité et du droit naturel. Le progrès civil demande cette abrogation, surtout dans une société constituée d'après une législation libérale58 (32). XXXIII. Il n'appartient pas uniquement par droit propre et inné à la juridiction ecclésiastique de diriger l'enseignement des vérités théologiques59 (30).

XXXIV. La doctrine de ceux qui comparent le pontife romain à un prince libre et exerçant son pouvoir dans l'Église universelle, est une doctrine qui a prévalu au moyen âge60 (19).

55 Les immunités (propositions 30 à 32) font que « les lieux, les choses et les personnes ecclésiastiques sont libres et exemptes de certaines charges ou obligations communes » (Choupin, p. 291). Elles découlent du droit divin positif ou du droit naturel, mais formellement sont de droit ecclésiastique (l’Eglise détermine quelles sont ses privilèges). Pour les supprimer ou les modifier, les Etats doivent consulter le Saint-Siège, ce que ne faisaient pas les gouvernants des États italiens et du Nouveau Monde.56 La session XX du Concile de Trente déclare que les immunités des églises et du clergé sont « d’ordination divine et constituées par la sanction des canons » (ch. 20)57 Il s’agit de l’immunité des clercs par rapport à la juridiction laïque des Etats : les ecclésiastiques sont jugés par des tribunaux d’Eglise pour leurs transgressions des lois, mêmes civiles. En cas de peines physiques à infliger, les clercs seraient déférés au bras séculier, l’Eglise n’ayant pas le droit de verser le sang.58 Les premiers conciles du IVe siècle marquent déjà cette exception du service de l’armée par les clercs.59 Cette proposition vient du congrès de Munich. Elle constitue une véritable révolution puisque l’Eglise, non contente d’être dépouillée de son pouvoir indirect sur le temporel, se trouve être concurrencée par d’autres sociétés – l’Etat – dans ce qui fait son droit propre et exclusif d’enseignement en matière religieuse.60 La proposition nie que la primauté du pape soit de droit divin.26

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XXXV. Rien n'empêche que par un décret d'un concile général ou par le fait de tous les peuples le souverain pontificat soit transféré de l'Évêque romain et de la ville de Rome à un autre Évêque et à une autre ville61 (9).

XXXVI. La définition d'un concile national n'admet pas d'autre discussion, et l'administration civile peut traiter toute affaire dans ces limites (9).

XXXVII. On peut instituer des Églises nationales soustraites à l'autorité du pontife romain et pleinement séparées de lui62 (23, 24).

XXXVIII. Trop d'actes arbitraires de la part des pontifes romains ont poussé à la division de l'Église en orientale et occidentale63 (9).

§ VI. Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l'Église.

XXXIX. L'État, comme étant l'origine et la source de tous les droits, jouit d'un droit qui n'est circonscrit par aucune limite64 (26).

XL. La doctrine de l'Église catholique est opposée au bien et aux intérêts de la société humaine65 (1, 4).

XLI. La puissance civile, même quand elle est exercée par un prince infidèle, possède un pouvoir indirect négatif sur les choses sacrées. Elle a

61 Résurgences de la veille erreur conciliariste qui fleurit à la fin du Moyen-âge avec les théologiens excommuniés au XIVe siècle : Marsile de Padoue et Guillaume d’Occam, la proposition 36 est hérétique car niant la juridiction universelle du pape. Les protestants reprendront ces thèses puis les gallicans, la constitution civile du clergé en 1790…62 A la racine de tous les schismes…63 Cette erreur est soutenue par Institutions du droit ecclésiastique et Traité de droit ecclésiastique universel de Jean-Nicolas Nuytz, professeur à Turin. Elle sera reprise par les historiens de l’époque et forcera Léon XIII à une lettre sur les études historiques adressée aux cardinaux Pitra et Hergenroether le 18 août 1883 pour activer les travaux d’éditions érudites.64 Proposition extrêmement dangereuse qui est à la racine des totalitarismes du XXe siècle.65 La proposition est complémentaire de la précédente. A elles deux, elles justifient les séparations de l’Eglise et de l’Etat qui ont abouti au chaos mondialiste actuel : les Etats, sans norme ni guide, sont poussés à tout vent d’intérêts économiques, idéologiques, financiers, militaires…27

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par conséquent non seulement le droit qu'on appelle d'exequatur, mais encore le droit qu'on nomme d'appel comme d'abus66 (9).

XLII. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil prévaut (9).

XLIII. La puissance laïque a le pouvoir de casser, de déclarer et rendre nulles les conventions solennelles (Concordats) conclues avec le Siège Apostolique, relativement à l'usage des droits qui appartiennent à l'immunité ecclésiastique, sans le consentement de ce Siège et malgré ses réclamations67 (7, 23).

XLIV. L'autorité civile peut s'immiscer dans les choses qui regardent la religion, les mœurs et le gouvernement spirituel. D'où il suit qu'elle peut juger des Instructions que les pasteurs de l'Église publient, d'après leurs charges, pour la règle des consciences ; elle peut même décider sur l'administration des sacrements et les dispositions nécessaires pour les recevoir (7, 26).

XLV. Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles la jeunesse d'un État chrétien est élevée, si l'on en excepte dans une certaine mesure les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l'autorité civile, et cela de telle manière qu'il ne soit reconnu à aucune autre autorité le droit de s'immiscer dans la discipline des écoles, dans le régime des études, dans la collation des grades, dans le choix ou l'approbation des maîtres68 (7, 10).

XLVI. Bien plus, même dans les séminaires des clercs, la méthode à suivre dans les études est soumise à l'autorité civile (18).

66 L’« appel comme d’abus » consiste en l’appel que faisaient des clercs mécontents aux juridictions civiles contre des dispositions prises par leurs supérieurs ecclésiastiques à leur égard. Les juges laïques intervenaient alors dans le domaine spirituel. Bien qu’il l’appelle « pouvoir indirect négatif », l’Etat s’arroge une puissance qu’il ne peut avoir, l’Eglise étant seule mandatée par Dieu pour ce qui touche aux choses de la religion. L’Eglise a toujours protesté : Innocent VIII dès 1487 auprès de Jean II du Portugal.67 Dans les propositions 43 à 45, Pie IX protestait en 1850 contre la persécution religieuse sévissant dans le Piémont.68 Propositions regroupées (45 à 48) car portant sur le droit d’enseignement du Magistère ecclésiastique contre « une des attaques les plus perfides tentées pour bannir tout principe religieux de l’éducation » (Viéville, p. 223)28

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XLVII. La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et en général que les institutions publiques destinées aux lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l'Église, de toute influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu'elles soient pleinement soumises à la volonté de l'autorité civile et politique, suivant le désir des gouvernants et le niveau des opinions générales de l'époque (31).

XLVIII. Des catholiques peuvent approuver un système d'éducation en dehors de la foi catholique et de l'autorité de l'Église, et qui n'ait pour but, ou du moins pour but principal, que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre (31).

XLIX. L'autorité séculière peut empêcher les Évêques et les fidèles de communiquer librement entre eux et avec le pontife romain69 (26).

L. L'autorité séculière a par elle-même le droit de présenter les Évêques, et peut exiger d'eux qu'ils prennent en main l'administration de leurs diocèses avant qu'ils aient reçu du Saint-Siège l'institution canonique et les Lettres apostoliques70 (18).

LI. Bien plus, la puissance séculière a le droit d'interdire aux Évêques l'exercice du ministère pastoral, et elle n'est pas tenue d'obéir au pontife romain en ce qui concerne l'institution des évêchés et des Évêques (8, 12).

69 Les Etats modernes de plus en plus centralisés supportent de moins en moins la puissance spirituelle du Saint-Siège qui empêche une domination sans frein sur les peuples. C’est pourquoi, ils ont très souvent contesté les décrets du Saint-Siège comme intrusion d’une puissance étrangère et ils ont toujours favorisé les Eglises nationales qui seraient à leur service. Louis XIII et Louis XIV avec le gallicanisme, Napoléon et les articles organiques du Concordat de 1801, les nazisme et bolchevisme…70 Dans la nomination des évêques, il y a le choix du candidat – qui peut être laissé aux laïcs, rois ou princes, ou à des ecclésiastiques inférieurs comme les chanoines du diocèse – et la collation du pouvoir de juridiction (ou de gouvernement). Les élus doivent cependant être idoines selon les canons fixés par l’Eglise, bien entendu acceptés par le Saint-Siège qui confère la juridiction épiscopale par l’institution canonique.29

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LII. Le gouvernement peut, de son propre droit, changer l'âge prescrit pour la profession religieuse, tant des femmes que des hommes, et enjoindre aux communautés religieuses de n'admettre personne aux vœux solennels sans son autorisation71 (18).

LIII. On doit abroger les lois qui protègent l'existence des familles religieuses, leurs droits et leurs fonctions ; bien plus, la puissance civile peut donner son appui à tous ceux qui voudraient quitter l'état religieux qu'ils avaient embrassé et enfreindre leurs vœux solennels ; elle peut aussi supprimer complètement ces mêmes communautés religieuses72, aussi bien que les églises collégiales et les bénéfices simples, même de droit de patronage, attribuer et soumettre leurs biens et revenus à l'administration et à la volonté de l'autorité civile (12, 14, 15).

LIV. Les rois et les princes, non seulement sont exempts de la juridiction de l'Église, mais même ils sont supérieurs à l'Église quand il s'agit de trancher les questions de juridiction73 (8).

LV. L'Église doit être séparée de l'État, et l'État séparé de l'Église74 (12).

§ VII. Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne75.

71 La révolution française avait interdit le 17 février 1790 les vœux de religion comme attentatoires à la liberté. Aux XVIIIe et XIXe siècles, bien des pays l’imitèrent (Autriche, Nouvelle-Grenade, Sardaigne, Italie en 1871…).72 Les ordres religieux, en soustrayant une main d’œuvre utile aux travaux et des candidats à fonder des familles pour donner des citoyens à l’Etat, sont mal considérés par ces derniers. Il faut avoir un regard de foi pour réfuter leurs raisons utilitaristes, mais aussi remarquer combien les œuvres d’éducation et de charité, et la morale sanctionnée par des peines éternelles, sont au contraire pour le bien commun le meilleur de la société. 73 Boniface VIII, dans Unam Sanctam a condamné cette doctrine au début du XIVe siècle.74 Conclusion logique de tout ce qui procède. Lamennais, et les libéraux à sa suite proclamaient « Eglise libre dans Etat libre ».75 Comme toujours, partant de l’indépendance du temporel par rapport à l’Eglise, les propositions déroulent leurs conséquences logiques. Ici, le matérialisme en matière morale et sociale. Proudhon est l’inventeur de la « morale indépendante » (Viéville, p.290).30

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LVI. Les lois de la morale n'ont pas besoin de la sanction divine, et il n'est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d'obliger76 (26).

LVII. La science des choses philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l'autorité divine et ecclésiastique (26).

LVIII. II ne faut reconnaître d'autres forces que celles qui résident dans la matière, et tout système de morale, toute honnêteté doit consister à accumuler et augmenter ses richesses de toute manière, et à satisfaire ses passions (26, 28).

LIX. Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de droit (26).

LX. L'autorité n'est autre chose que la somme du nombre77 et des forces matérielles78 (26).

LXI. Une injustice de fait couronnée de succès ne préjudicie nullement à la sainteté du droit 79(24).

LXII. On doit proclamer et observer le principe de non-intervention80 (22).

76 Saint Thomas rappelle que l’homme a besoin d’une loi révélée par Dieu car son but est surnaturel : la vision de l’essence divine ou béatitude (Ia IIae, q. 91, a. 4).77 « Vous ne suivrez pas l’exemple de la multitude pour faire le mal, et vous ne vous conduirez pas par l’avis et le jugement du plus grand nombre pour vous éloigner de la vérité » (Exode, 23,2) prouve bien que la majorité ne fait rien à la vérité.78 Proposition qui va contre la souveraineté universelle de Dieu, « tout pouvoir venant de Dieu. » Les Etats contemporains sont tous fondés sur la souveraineté populaire : l’autorité réside dans le peuple qui la confie à des représentants.79 Application de la doctrine de Nicolas Machiavel (Le prince, 1527), autrement dit : la loi du plus fort est toujours la meilleure.80 Devant les spoliations que les piémontais faisaient subir aux Etats pontificaux, les gouvernants chrétiens refusaient d’intervenir par « non-intervention » en les affaires internes d’un pays. Or, non seulement il s’agissait d’un Etat (Piémont) spoliant un autre Etat (Saint-Siège), mais aussi en matière de conflit, la défense d’une victime légitime parfaitement l’intervention d’un tiers.31

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LXIII. Il est permis de refuser l'obéissance aux princes légitimes et même de se révolter contre eux81 (1, 2, 5, 20).

LXIV. La violation d'un serment, quelque saint qu'il soit, et toute action criminelle et honteuse opposée à la loi éternelle, non seulement ne doit pas être blâmée, mais elle est tout à fait licite et digne des plus grands éloges, quand elle est inspirée par l'amour de la patrie82 (4).

§ VIII. Erreurs concernant le mariage chrétien83.

LXV. On ne peut établir par aucune preuve que le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement84 (9).

LXVI. Le sacrement de mariage n'est qu'un accessoire du contrat et peut en être séparé, et le sacrement lui-même ne consiste que dans la seule bénédiction nuptiale85 (9).

LXVII. De droit naturel, le lien du mariage n'est pas indissoluble, et dans différents cas le divorce proprement dit peut être sanctionné par l'autorité civile86 (9,12).

81 Le tyran peut être d’usurpation ou légitime. Dans les deux cas, il gouverne pour son bien particulier non pour le bien commun. Le premier est assimilé à un occupant : la révolte sera de la légitime défense et comme une guerre de libération. Le second pose beaucoup plus de difficultés : saint Thomas donne des conditions strictes pour justifier la révolte sans qu’elle tourne en sédition, tellement qu’elle est en pratique fort difficile à réaliser. (IIa IIae, q.42, a. 2).82 L’observation du serment s’impose de droit naturel (IIa IIae, q.70, a. 1).83 Les états modernes favorisent le divorce qui disloque la famille et laisse ses membres faibles et manipulables par les autorités civiles. Cette atomisation de la société facilite l’administration. Au contraire, dit G.-K Chesterton « la famille est une citadelle ».84 Proposition anathématisée par le Concile de Trente (session XXIV, cn 1).85 Contrat et sacrement font un dans le mariage catholique. Quant à la bénédiction nuptiale, elle ne fait qu’accorder les grâces supplémentaires. Le mariage est le fait de l’échange des consentements des époux.86 De droit naturel, le mariage est indissoluble. Il y a des exceptions – rares – à cette indissolubilité, mais dont l’Eglise est seule juge : privilège paulinien, profession religieuse solennelle…alors, un droit supérieur s’exerce, le droit surnaturel, au bénéfice de la foi.32

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LXVIII. L'Église n'a pas le pouvoir d'établir des empêchements dirimants au mariage : mais ce pouvoir appartient à l'autorité séculière, par laquelle les empêchements existants peuvent être levés (8).

LXIX. L'Église, dans le cours des siècles, a commencé à introduire les empêchements dirimants non par son droit propre, mais en usant du droit qu'elle avait emprunté au pouvoir civil87 (9).

LXX. Les canons du Concile de Trente qui prononcent l'anathème contre ceux qui osent nier le pouvoir qu'a l'Église d'opposer des empêchements dirimants, ne sont pas dogmatiques ou doivent s'entendre de ce pouvoir emprunté (9).

LXXI. La forme prescrite par le Concile de Trente n'oblige pas sous peine de nullité, quand la loi civile établit une autre forme à suivre et veut qu'au moyen de cette forme le mariage soit valide (9).

LXXII. Boniface VIII a le premier déclaré que le vœu de chasteté prononcé dans l'ordination rend le mariage nul88 (9).

LXXIII. Par la force du contrat purement civil, un vrai mariage peut exister entre chrétiens ; et il est faux, ou que le contrat de mariage entre chrétiens soit toujours un sacrement, ou que ce contrat soit nul en dehors du sacrement (9, 11, 12, 23).

LXXIV. Les causes matrimoniales et les fiançailles, par leur nature propre, appartiennent à la juridiction civile (9, 12).

N.B. Ici peuvent se placer d'autres erreurs : l'abolition du célibat ecclésiastique et la préférence due à l'état de mariage sur l'état de virginité. Elles sont condamnées, la première dans la Lettre Encyclique Qui

87 L’empêchement dirimant rend nul le mariage.88 Boniface VIII n’a fait que rappeler une loi de l’Eglise connue déjà au Concile d’Arles en 300. Célibat et virginité consacrés sont absolument propres à la religion catholique car, états supérieurs à la nature mais non pas contraire, ils ont besoin de la grâce pour être voués, que seule l’Eglise donne.33

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pluribus, du 9 novembre 1846, la seconde dans la Lettre Apostolique Multiplices inter, du 10 juin 1851. § IX. Erreurs sur le principat civil du pontife romain.

LXXV. Les fils de l'Église chrétienne et catholique disputent entre eux sur la compatibilité du pouvoir temporel avec le pouvoir spirituel89 (9).

LXXVI. L'abrogation de la souveraineté civile dont le Saint-Siège est en possession servirait, même beaucoup, à la liberté et au bonheur de l'Église (4, 6).

N.B. Outre ces erreurs explicitement notées, plusieurs autres erreurs sont implicitement condamnées par la doctrine qui a été exposée et soutenue sur le principat civil du pontife Romain, que tous les catholiques doivent fermement professer. Cette doctrine est clairement enseignée dans l'Allocution Quibus quantisque, du 20 avril 1849 ; dans l'Allocution Si semper antea, du 20 mai 1850 ; dans la Lettre Apostolique, Cum catholica Ecclesia, du 26 mars 1860 ; dans l'Allocution Novos, du 28 septembre 1860 ; dans l'Allocution Jamdudum, du 18 mars 1861 ; dans l'Allocution Maxima quidem, du 9 juin 1862.

§ X. Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne.

LXXVII. À notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'État, à l'exclusion de tous les autres cultes90 (16).

LXXVIII. Aussi c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers (12).

89 Quas primas sur le Christ Roi réagira explicitement contre ces erreurs.90 « Le principe même du libéralisme moderne » (L. Brigué, col. 2910).34

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LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions,jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l'esprit, et propagent la peste de l'Indifférentisme91 (18).

LXXX. Le pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne92 (24).

91 Les principes de l’indifférentisme (15 à 18) sont appliqués ici au culte religieux : n’ayant pas le droit d’adhérer à une religion, l’homme ne peut non plus avoir le droit de la pratiquer.92 La « civilisation moderne » est le monde sorti des principes révolutionnaires posés contre ceux de l’Eglise et de sa civilisation catholique, aussi appelée « chrétienté ». Mirari vos de Grégoire XVI, en 1832, a déjà condamné ce qui est un cheval de bataille des catholiques libéraux (Berryer, Lacordaire, Montalembert, Lamennais).35

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Liste des écrits du Pape Pie IX d'où sont tirées les propositions du Syllabus93

1. Encyclique Qui pluribus, 9 novembre 1846 (Prop. du Syllabus 4-7, 16, 40, 63, 74).

2. Allocution Quis vestrum, 4 octobre 1847 (Prop. 63).

3. Allocution Uni primum, 17 décembre 1847 (Prop. 16).

4. Allocution Quibus quantisque, 20 avril 1849 (Prop. 40, 64, 76).

5. Encyclique Nostis et Nobiscum aux archevêques et évêques d'Italie, 8 décembre 1849 (Prop. 18, 63).

6. Allocution Si semper antea, 20 mai 1850 (Prop. 16).

7. Allocution In consistoriali, 1er novembre 1850 (Prop. 43-45).

8. Lettre apostolique Multiplices inter, 10 juin 1851 (Prop. 15, 21, 23, 30, 51, 54, 68, 74).

9. Lettre apostolique Ad apostolicae, 22 août 1851 (Prop. 24, 25, 34-36, 38, 41, 42, 65-67, 69-75).

93 L’autorité du Syllabus pose difficulté car les propositions n’ont pas reçu de notes doctrinales, d’une part, ni le catalogue en son ensemble. L’adhésion unanime de l’épiscopat pourrait lui donner une infaillibilité selon le Magistère ordinaire universel, disent Hurter et Wernz L’infaillibilité extraordinaire, due au charisme particulier du pape, ne semble pas engagée car il manque les expressions juridiques nécessaires. Cependant, de grands théologiens comme Franzelin, Mazzella, Scheeben, Pascal et Dumas le croient. Lucien Choupin et Antonio Piollanti proposent, comme position minimale, que le Syllabus soit retenu comme un document doctrinal émanant du Magistère suprême du pape, auquel l’assentiment interne et plénier soit obligatoire pour tout fidèle (Mattei, p.180-181).

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10. Allocution Quibus luctuosissimis, 5 septembre 1851 (Prop. 45).

11. Lettre à S.M. le Roi Victor-Emmanuel, 9 septembre 1852 (Prop. 73).

12. Allocution Acerbissimum, 27 septembre 1852 (Prop. 31, 51, 53, 55, 67, 73, 74, 78).

13. Allocution Singulari quadam, 9 décembre 1854 (Prop. 8, 17, 19).

14. Allocution Probe memineritis, 22 janvier 1855 (Prop. 53).

15. Allocution Cum saepe, 27 juillet 1855 (Prop. 53).

16. Allocution Nemo Vestrum, 26 juillet 1855 (Prop. 77).

17. Lettre Singulari quidem aux évêques d'Autriche, 17 mars 1856 (Prop. 4, 16).

18. Allocution Nunquam fore, 15 décembre 1856 (Prop. 26, 28, 29, 31, 46, 50, 52, 79).

19. Lettre Eximiam à Son Éminence l'archevêque de Cologne, 15 juin 1857 (Prop. 4, 16).

20. Lettre apostolique Cum Catholica Ecclesia, 26 mars 1860 (Prop. 63, 76).

21. Lettre Dolore haud mediocri à l'évêque de Breslau, 30 avril 1860 (Prop. 14).

22. Allocution Novos et ante, 28 septembre 1860 (Prop. 19, 62, 76).

23. Allocution Multis gravibusque, 17 décembre 1860 (Prop. 19, 37, 43, 73).

24. Allocution Iamdudum, 18 mars 1861 (Prop. 37, 61, 76).

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25. Allocution Meminit, 30 septembre 1861 (Prop. 20).

26. Allocution consistoriale Maxima quidem, 9 Juin 1862 (Prop. 1-7, 15, 19, 27, 39, 44, 49, 56-60, 76).

27. Lettre apostolique Gravissimas inter à l'archevêque de Munich-Freising, 11 décembre 1862 (Prop. 9- 11).

28. Encyclique Quanto conficiamur mœrore aux évêques d'Italie, 10 août 1863 (Prop. 17, 58).

29. Encyclique Incredibili à l'archevêque de Santa-Fé-de-Bogota, 17 septembre 1863 (Prop. 26).

30. Lettre apostolique Tuas libenter à l'archevêque de Munich-Freising, 21 décembre 1863 (Prop. 9, 10, 12-14, 22, 33).

31. Lettre Cum non sine à l'archevêque de Fribourg-en-Brisgau, 14 juillet 1864 (Prop. 47, 48).

32. Lettre Singularis Nobisque à l'évêque de Mondovi (Piémont) 29 septembre 1864 (Prop. 32).

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NOTES

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