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QUAND L'IDÉAL POUSSE AU PASSAGE À L'ACTE Gérard Bonnet GREUPP | Adolescence 2013/4 - T.31 n° 4 pages 897 à 915 ISSN 0751-7696 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-adolescence-2013-4-page-897.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bonnet Gérard, « Quand l'idéal pousse au passage à l'acte », Adolescence, 2013/4 T.31 n° 4, p. 897-915. DOI : 10.3917/ado.086.0897 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour GREUPP. © GREUPP. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 03/02/2014 00h33. © GREUPP Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 03/02/2014 00h33. © GREUPP

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QUAND L'IDÉAL POUSSE AU PASSAGE À L'ACTE Gérard Bonnet GREUPP | Adolescence 2013/4 - T.31 n° 4pages 897 à 915

ISSN 0751-7696

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-adolescence-2013-4-page-897.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bonnet Gérard, « Quand l'idéal pousse au passage à l'acte »,

Adolescence, 2013/4 T.31 n° 4, p. 897-915. DOI : 10.3917/ado.086.0897

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La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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« Assez de paroles, des actes. »

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aux sources de la violence

il est classique d’attribuer les actes humains violents excessifs quise produisent régulièrement sur la scène privée ou publique audéchaînement de pulsions agressives, de type sadique, oral, anal, ouautres, qui agitent l’inconscient. on invoque alors la faiblesse desinstances morales surmoïques qui n’ont pas joué leur rôle en apportantles limites nécessaires. Freud lui-même se réfère régulièrement à ceschéma à partir de la mise en place de la seconde topique, on le constateen particulier dans L’avenir d’une illusion (1927) et dans Malaise dans

la civilisation (1929). le schéma est classique et rejoint celui qui inspirela plupart des modèles éducatifs en vigueur. il n’est pas de dirigeant oude religieux, quelle que soit son appartenance, qui ne conseille à sesouailles de maîtriser la violence de ses réactions au nom des impératifsou des idéaux de sa communauté.

et pourtant, la cause est loin d’être entendue. Non seulement  les

idéaux et  les  lois qui en découlent ne sont pas toujours suffisants pour

réprimer ou contrôler les pulsions agressives, mais il arrive qu’ils soient

eux-mêmes  la  source  de  débordements. c’est particulièrement évidentlorsque l’idéal tient une place dominante et se trouve investi de façon

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Adolescence, 2013, 31, 4, 897-915.

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exclusive : il n’est pas rare qu’il donne lieu à un passage à l’acte violentet parfois réellement destructeur. c’est le principal enseignement quiressort des deux études que j’ai consacrées à la question, la première oùles idéaux se sont avérés être des « fondations inéluctables mais…explosives » (bonnet, 2010a), la seconde où je passe en revue quelquessituations typiques de cette destructivité aujourd’hui : à l’adolescenced’abord, où certains idéaux s’affirment sans limites ; dans le milieuprofessionnel, avec les suicides au travail ; dans le contexte politique, avecles immolations par le feu ; dans la sphère religieuse avec les martyres, lesattentats suicides ; dans la pathologie, avec les pervers les plusproblématiques, etc. (bonnet, 2012b).

le phénomène pose d’autant plus question qu’il contredit ladéfinition que l’on donne généralement de l’idéal, aussi bien dans lapensée courante que dans la philosophie, où il est opposé à la réalité pourdésigner une capacité à prendre ses distances avec les exigencesimmédiates au nom de visées dépassant les contingences courantes1. ordans les cas que je viens d’évoquer, l’idéal s’impose dans et par la réalitésous la forme d’une poussée aveugle, et apparemment irrésistible. C’est

pourquoi  je  me  propose  ici  de  réinterroger  la  notion  d’idéal,  afin  de

savoir si cette irruption lui correspond, ou bien s’il s’agit d’un accident.

compte tenu de la soudaineté de cette irruption, il est en tout cas évidentque le rôle de l’inconscient est ici déterminant et qu’il revient à lapsychanalyse d’éclairer la question.

plusieurs études psychanalytiques ont été menées sur ce sujet aucours de ces dernières années2. elles s’accordent en général pour

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1. « selon le Littré, l’idéal est ce qui “ réunit toutes les perfections que l’esprit peutconcevoir indépendamment de la réalité ” et Mme de staël le définissait comme“ l’assemblage abstrait de perfections dont l’âme se forme l’idée mais sans pouvoir yatteindre complétement ” » (cabrol, Janin et parat, 2010, p. 7). Le Robert  le définitcomme « ce qu’on se représente ou se propose comme type parfait ou modèle absoludans l’ordre pratique, esthétique ou intellectuel ». c’est à partir du siècle des lumières,avec diderot en particulier, qu’il est conçu comme un substantif (bonnet, 2010a, p. 22).

2. Je renvoie ici en particulier aux deux principaux recueils d’articles qui ont portésur l’idéal : Nouvelle  revue de psychanalyse, 1983, 27, et Monographie de  la RevueFrançaise de Psychanalyse, 2010. a. green (1983) et p.-l. assoun (1983) signalent ledanger que représentent les idéaux, mais en soulignant surtout le risque d’illusion.a. betscheen (2010) y ajoute les vicissitudes dues aux origines et à l’histoire du sujet.

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reconnaître que l’idéal pousse parfois à la violence, mais elles oscillententre deux positions : soit elles estiment que les pulsions ont été plus fortesque les idéaux proprement dit et les ont emportés dans leur violence,justifiant ainsi le schéma que j’évoquais en commençant et dont nousallons voir les limites ; soit ces études reconnaissent aux idéaux une forcede mort équivalente à leur force de vie, ce qui correspond mieux à leurorigine inconsciente, mais elles en restent le plus souvent à un constatglobal, sans préciser les raisons pour lesquelles une des deux forcesl’emporte sur l’autre. souvent, elles associent l’idéal à un surmoi féroce etsans concessions, confondant surmoi, moi idéal et idéal, dans unamalgame qui ne favorise pas l’analyse. Je n’en connais pas en tout casqui ait analysé précisément les différents facteurs qui concourent à laviolence de l’idéal, de façon à voir comment la déjouer. or c’estparticulièrement nécessaire en cette période cruciale qu’est le passage del’adolescence à l’âge adulte, où les idéaux jouent un rôle déterminant3,ainsi que dans le contexte religieux où l’idéal tient une place fondatrice.

quelques rappels théoriques

l’enjeu étant d’importance et la question particulièrement délicate,je vais commencer par reprendre la question en situant l’idéal dans leschéma pulsionnel auquel Freud se réfère à la période où il introduit cettenotion dans la théorie analytique. on me pardonnera ce rappel un peuélémentaire et quelque peu simplifié, mais il me semble indispensablepour assurer la cohérence de notre réflexion. Je le résumerai dans lestermes suivants. tout le fonctionnement pulsionnel repose sur unepoussée, que la métapsychologie situe clairement en 1914 comme une

force constante, fournissant l’énergie indispensable à l’ensemble de nosactivités, qu’elles soient psychiques ou physiques. celle-ci n’est passeulement source de violence comme une vision trop superficielle pourraitle donner à penser, elle est plus généralement source d’action et de vie.cette poussée devient utile et efficace dès lors qu’elle est assumée et agie

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3. cf. mon étude sur « la promesse. rôles et fonctions des idéaux à l’adolescence »(bonnet, 2007) reprise et complétée dans mon livre Les idéaux fondamentaux (bonnet,2010a) et « l’entrée en scène fracassante des idéaux à l’adolescence » (bonnet, 2012a).

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par un sujet dont la psychanalyse récente a souligné le rôle déterminant enterme d’« intersubjectivité », faisant de celui-ci le pivot indispensablepour que s’instaure une véritable relation à l’autre et au monde4. le sujethumain n’est toutefois vraiment lui-même que dans la mesure où il peutagir et réagir en fonction de ses propres désirs, ce que Freud a découverten analysant les rêves, et que J. lacan et ses successeurs ont longuementexplicité et précisé par la suite. c’est alors qu’intervient l’idéalisation, etplus précisément l’idéal, que je considère comme étant « le vecteur dudésir », qui ouvre aux trois éléments précédents des perspectives deréalisation apparemment sans limites, et qui, en tout cas, en facilitel’expression. la pulsion trouve enfin un certain aboutissement grâce à lasublimation  sur le mode pratique, culturel ou artistique selon les cas,moyennant quoi les éléments précédents trouvent à s’investir selon desmodalités humainement acceptables.

Je n’en dirai pas davantage pour l’instant à propos de chacune deces cinq notions qui ont chacune retenu l’attention des analystes cesdernières années, avec des accents différents. toutefois, pour compléter leschéma que je viens d’évoquer, je vais revenir sur deux distinctionsindispensables à l’analyse. la première concerne l’idéalisation et lasublimation. Freud insiste beaucoup pour qu’on ne confonde pas ces deuxprocessus (Freud, 1914). il l’affirme de façon catégorique dans son articlesur le narcissisme, la première fois où il traite de l’idéalisation, ouvrantainsi la voie à l’étude de cette discontinuité et à ses conséquences.L’idéalisation  n’est  pas  la  sublimation  : la première porte sur certainsobjets lorsqu’ils sont parés de l’aura de tel ou tel idéal, la secondeconcerne l’investissement effectif de la réalité selon des modalitésextrêmement diverses et variées. c’est une distinction sur laquelle laplupart des analystes restent d’accord.

il faut y ajouter toutefois une autre distinction dont Freud ne fait pasencore état en 1914 mais qui va s’affirmer au fur et à mesure de sa

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4. r. cahn insiste beaucoup sur cette notion, que j’ai introduite pour ma part dès 1993en parlant de « sexualité du je » dans la Monographie  de  la Revue  Française  dePsychanalyse, consacrée aux troubles de la sexualité, pour souligner le plaisir spécifiquequi lui est associé.

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réflexion autour des destins de la pulsion, et sur laquelle j’ai eu l’occasionde mettre l’accent (bonnet, 2012b) : c’est la différence entre l’idéalisation

et  l’idéal  proprement  dit, qui n’est pas suffisamment affirmée etargumentée dans les études actuelles. quand il y a idéalisation, il ne suffitpas de prendre en compte la réalité, le moi ou la personne idéalisés commeon le fait souvent, il faut aussi repérer clairement au nom de quel idéal elle

s’opère et le dégager de l’idéalisation proprement dite. l’idéalisation estun processus, au même titre que le refoulement ou la projection, et commeces autres processus, elle n’existe que par les objets qui la constituent. c’estun processus universel et passe partout, mais quand il s’affirme avecinsistance, il est toujours porté par un ou plusieurs idéaux précis que le sujeta privilégiés en fonction de son désir ou du désir de l’autre, et on ne peutpas avancer dans l’analyse sans les avoir clairement identifiés. L’idéal est

le noyau qu’il faut extraire du fruit de l’idéalisation dès lors que celle-cidevient impérative et que l’on souhaite saisir à quoi elle correspond.

le schéma d’ensemble et ces deux distinctions étant posés, jereviens maintenant à la violence de l’idéal, et pour l’analyser, je vais surtouttirer parti des distinctions entre l’idéal, l’idéalisation et la sublimation. Monhypothèse est en effet la suivante : lorsque  l’idéalisation  donne  lieu  à

passage à l’acte violent, cela tient au fait que la coupure entre idéalisation

et sublimation est consommée, et qu’en définitive, il y a idéalisation sanssublimation. Or on constate dans ces cas-là que l’idéal qui est au cœur de

l’idéalisation a été investi pour lui-même. L’énergie pulsionnelle qui anime

le  sujet  et  son  désir  s’est  concentrée  autour  de  cet  idéal. le schémapulsionnel que je viens d’évoquer à grands traits bloque, tourne en rondautour de l’idéal en cause, et l’énergie pulsionnelle se libère totalement etexclusivement sous sa gouverne. le passage à l’acte qui s’ensuit est unvéritable dérapage, barrant l’accès à la sublimation.

un passage à l’acte exeMplaire

pour bien cerner la situation, et les éléments qui la constituent, je vais meréférer d’abord à un épisode qui présente le mérite d’être simple et exemplaire àla fois. il concerne Bastien, fils d’un magistrat célèbre, profondément épris dejustice comme son père, et dont l’avenir est vraiment prometteur. il a fait debrillantes études de droit, s’est orienté vers la magistrature, et il a finalement été

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nommé juge d’instruction dans une ville du sud de la France. l’une de sespremières affaires le conduit à instruire le cas d’un proxénète dangereux,récidiviste, pour lequel il requiert une peine exemplaire. Malheureusement, une foisde plus, le proxénète en question parvient à se tirer d’affaire en faisant jouer certainescomplicités plus ou moins occultes. bastien en est ulcéré, mais il n’a pas d’autresolution que de ronger son frein sans pouvoir en parler. Jusqu’au jour où, par hasard,il croise son ex-prévenu dans la rue, lequel lui lance avec un air supérieur : « alors,le petit juge, vous vous êtes bien planté ! » d’un coup, bastien a bondi sur l’hommeet l’a frappé avec une violence qui a laissé les passants stupéfaits. inutile de dire quesa victime a immédiatement porté plainte : bastien s’est retrouvé au banc desaccusés, ce qui a gravement compromis la suite de sa carrière.

ce genre de situation n’est pas fréquent mais il a le mérite de laclarté : un jeune homme idéaliste et qui n’est pas sorti de l’adolescence,s’engage corps et âme au service d’un idéal qu’il place au dessus de tousles autres : c’est clairement ici la justice. constatant que celle-ci a étébafouée, et, confronté à celui qui incarne cette mise en cause directe etsans nuance, il est conduit par cet idéal même à réagir de façon immédiateet excessive. on notera que ce n’est pas tant l’idéalisation au sens généralqui est à la source de sa réaction, c’est cet idéal précis qu’est la justice.

c’est plus vrai encore pour le prévenu auquel il a affaire, unproxénète, qui traitait les femmes comme des objets de commerce, sans lamoindre considération. pour cet homme, l’idéalisation est le dernier de sessoucis, par contre, lui aussi agit sous l’emprise d’un idéal, mais cette foisen négatif, en le déniant à plaisir, chez ses victimes comme chez son juge.il ne peut s’en empêcher. il témoigne ainsi d’une réaction analogue à cellede bastien, mais sur le mode inversé, dans la mesure où il passe à l’acterégulièrement lui aussi sous l’emprise de l’idéal, mais de l’idéal conçucomme un objet à bafouer. il s’agit cette fois du respect de la dignitéhumaine. lui aussi « voit rouge » à certains moments et passe à l’acte,mais c’est quand une occasion se présente de violer cet idéal selon unschéma qui lui est familier. il faut le souligner, car cela va à l’encontre del’opinion la plus courante : les délinquants, pervers ou psychopathes nesont pas nécessairement des sujets sans idéaux, ils sont parfois eux aussisous la gouverne d’idéaux surinvestis qui mobilisent toute la pousséepulsionnelle, mais ils en jouissent sur le mode du déni.

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une chose est claire en tout cas : il se produit dans les deux cas une

coupure entre idéalisation et sublimation. c’est évident pour bastien, quiétait parvenu à construire un plan de carrière cohérent, et dont les premierspas dans l’exercice de sa profession étaient particulièrement prometteurs.l’amour de la justice débouchait tout naturellement sur une sublimationdans une carrière de juge. quand il a été confronté brutalement à ce qu’ilconsidérait comme un déni de justice, le lien entre idéalisation etsublimation s’est brutalement rompu, bastien a mis en péril sa carrièreprofessionnelle, et l’idéal a eu raison de lui. quant au proxénète, on peutpenser que la rupture entre ces deux processus ne datait pas d’aujourd’hui,et que lui aussi trouvait dans l’idéal une jouissance supérieure à tout autreinvestissement, mais cette fois en le déniant sans scrupules et enorganisant toutes ses activités pour s’assurer cette jouissance. chez lui lasublimation passait au service du déni de l’idéal.

le court-circuit

les éléments en cause étant nettement distingués, je vais m’arrêtermaintenant sur la brisure intervenue entre l’idéalisation et la sublimation.compte tenu de la violence qui en résulte, je la décrirai volontiers dans lestermes suivants. l’énergie pulsionnelle qui doit finalement s’investir danset grâce à la sublimation comme l’exprime Freud, s’est soudainementmanifestée sous le feu de l’idéalisation, et elle s’est libérée dans et parl’idéal. Ce déplacement de l’énergie d’un pôle à l’autre passe inaperçu

quand la transmission s’opère sans difficultés. il témoigne que l’idéal estnon seulement un modérateur ou un transmetteur d’énergie, mais qu’iljoue  plus  précisément  le  rôle  d’un  transformateur,  puisqu’il  permet

généralement que celle-ci vienne alimenter la sublimation sans tensions

excessives. c’est parce qu’il joue le rôle d’un transformateur que l’idéalouvre la voie à la sublimation. la question est donc de savoir d’où vientque ce transmetteur ou ce transformateur n’ont pas joué leur rôle.

quand on analyse le cas de bastien, une première hypothèse vientà l’esprit : les choses n’en seraient pas arrivées là si ce jeune hommen’avait pas pris autant son idéal à cœur. et elle est éclairante. on assistechez lui à une confusion entre  le moi et  l’idéal. on se trouve dans un

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contexte narcissique, celui-là même qui est à l’origine de la mise enévidence de l’idéal chez Freud. bastien ne supporte pas que son idéal soitbafoué, parce qu’il fait littéralement corps avec lui : il se fait justice au

sens  littéral  du  terme. de cet idéal universel ou fondamental qu’estd’abord la justice, il a fait un idéal narcissique5. l’investissement excessifde l’idéal et le passage à l’acte sont donc provoqués d’abord par latendance du sujet à faire corps avec l’idéal, à se l’approprier, qui découleassez naturellement du narcissisme primaire dont l’idéal est issu.

ceci dit, cette confusion idéal/moi idéal dont j’ai souvent évoquéles ravages n’explique pas tout, et bastien aurait pu se maintenirlongtemps dans cette position valorisante si un autre facteur n’était pasintervenu qui l’a totalement déstabilisé. drapé dans ses convictions, ilaurait pu poursuivre sa carrière, s’il ne s’était pas produit à un momentdonné ce que je considère comme un véritable court-circuit. Jem’explique : un court-circuit est dû à la collusion entre deux éléments depolarité opposée. or un simple regard sur les faits le confirme : on assiste

ici à la rencontre brutale et inattendue entre l’idéal que ce jeune homme

personnifie, et le déni dudit idéal en la personne qui l’a bravé. Voilà ce

qui suffit à produire l’étincelle qui met le feu aux poudres. d’autant ques’y ajoute ici un élément très significatif : au cours de l’analyse qui a suivison malheureux passage à l’acte, bastien a mis à jour un fait de sonenfance qu’on lui avait soigneusement caché. lui-même magistrat dansune ville de province, son père s’était autrefois laissé corrompre par desélus et il avait profité de sa position pour éviter des poursuites. Face à sonprévenu, bastien s’est donc soudain trouvé confronté à un déni d’idéalbeaucoup plus conséquent qu’il ne pouvait l’imaginer : celui de sonprévenu venait donner corps à celui de son père. on a donc affaire à unidéal chauffé à blanc d’un côté, de par la confusion entre le moi et l’idéal,et une situation en creux, en négatif, qui le rend explosif de l’autre.

on retrouve d’ailleurs une configuration analogue chez les perversdélinquants : il n’est pas rare en effet qu’au cours de leur enfance ils aientété victimes eux-mêmes d’un déni d’idéal, ou qu’ils en aient été les

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5. Je renvoie ici aux quatre catégories d’idéal que j’ai analysées dans Les  idéauxfondamentaux et aux problèmes qui résultent de leur confusion (bonnet, 2010a).

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témoins directs. certains y font explicitement référence pour justifier leuracte. parvenus à l’âge adulte, il suffit qu’ils retrouvent le même idéalincarné par quelqu’un dans la réalité, en positif cette fois, pour qu’ilssoient saisis d’une poussée incoercible à l’agresser, à le détruire. cette foisl’idéal en négatif qui habite l’agresseur rencontre l’idéal en positif incarnépar la victime. si le schéma est inversé par rapport au précédent, le court-circuit est du même ordre, révélant que l’idéal  est  en  effet  un

extraordinaire  transformateur  d’énergie,  mais  qu’il  lui  arrive  d’être

court-circuité en raison de sa double polarité d’origine. il suffit alors quele moi se soit identifié à l’idéal pour qu’il se sente atteint de plein fouet parl’éclatement et réagisse avec toute la violence qui l’habite. au pointparfois de se faire réellement exploser comme cela se passe dans lesattentats suicides à travers lesquels les auteurs font coup double, puisqu’ilss’en prennent à la fois à ceux qui incarnent à leurs yeux le déni d’idéal, età leur moi qui s’est confondu avec l’idéal en question (bonnet, 2012a).

reste une dernière question : de quelle énergie s’agit-il ? àpremière vue, la réponse est simple. le sujet est envahi par des pousséesdestructrices de type sadique que les références éthiques ou idéales neviennent plus contrôler. bastien disait cela en termes très directs : « quandcet homme m’a défié, j’ai vu rouge, j’ai été saisi d’une envie violente dele détruire. » pourtant, à l’analyse, il lui a bien fallu se rendre à l’évidence :cette violence destructrice était bel et bien portée aussi par son idéal dejustice. si court-circuit il y a eu, c’est également sous la poussée que cetidéal tient de ses origines et qui est venue soudain tout balayer sur sonpassage. l’idéal n’est pas seulement le transmetteur ou le transformateurd’une énergie qui lui serait étrangère, il possède une énergie propre qui faithabituellement contrepoids à celle de la pulsion pour contrôler ou endiguerles risques d’éclatement. on a donc affaire à deux forces qui la plupart dutemps s’articulent, s’équilibrent, et que le sujet conjugue selon ses désirs :l’une qui provient des pulsions anarchiques d’origine, l’autre qui est issuedes idéaux premiers et qui ont permis jusqu’ici la gestion des premières.cette fois, compte tenu de la rencontre entre l’idéal et son déni, ces forcesopposées viennent s’associer et se prêter main forte. envisagé sous cetangle, l’idéal n’est pas seulement dans la plupart des cas un transmetteurou un transformateur, c’est aussi un mélangeur entre deux forces de

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polarité inverse d’une instabilité constitutive et toujours menaçante. ildevient dangereux et met le feu aux poudres lorsqu’il est menacé dans sonexistence même, et transforme les forces de vie en forces de destruction.

le rôle de l’autre

il reste toutefois à prendre en considération une référencedéterminante dans cette évolution. dans l’histoire de bastien par exemple,la situation s’est considérablement éclaircie quand le jeune juge a réaliséle rôle qu’avait joué son père, à la fois dans le choix privilégié et exclusifpour l’idéal de justice qui a présidé à sa carrière, et dans son extrêmesensibilité au déni intervenu par la suite. c’est pour satisfaire au désir dece père qu’il s’était dévoué corps et âme à cet idéal, mais c’est aussi enréférence à lui qu’il s’est exposé au risque de court-circuit qui a suivi.L’idéal qui expose au passage à l’acte est donc en fait un idéal proposé,

imposé,  par  un  autre  qui  l’a  privilégié  de  façon  ostensible  et  que  le

moi/sujet  a  repris  à  son  compte  pour  le  satisfaire. ce type deconfiguration est particulièrement fréquent dans le contexte religieux où ilne manque pas de maîtres à penser invoquant des valeurs ancestrales pourprendre de plus jeunes sous leur coupe. toutefois ils n’exerceraient pasune telle emprise si ces plus jeunes n’avaient pas déjà été prédisposés dansleur enfance à cet endoctrinement.

cela tient aux origines de l’idéal dont on néglige trop souvent lacomplexité. tout idéal s’élabore en effet d’abord dans le contexte dunarcissisme primaire, donnant au sujet l’impression qu’il en est habitédepuis toujours et qu’il l’a découvert et intériorisé par lui-même. ainsipour la notion de vérité par exemple : chacun est convaincu qu’il en a unenotion innée et qu’elle l’oblige, même quand il en prend à son aise avecelle. et pourtant, il n’a pu faire sien cet idéal et l’assumer vraiment queparce que ses premières relations l’y ont conduit. Il  l’a  découvert  et

valorisé dans la relation première à la mère, il l’a objectivé grâce au tiers

paternel, et il l’a fait sien en se confrontant à ses semblables. tout idéal aainsi chez chaque sujet une histoire, semée d’embûches, et quand ill’investit de façon privilégiée, il n’est pas rare que ce soit inconsciemmenten raison de fragilités d’origine, pour tenter de les dépasser, au risque d’en

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être dépassé à son tour. J. lacan a dit et répété que le désir est désir del’autre. on peut en dire autant de l’idéal qui est toujours issu de l’autre, ouplus exactement de la relation avec l’autre, et qui tient de cet autre sadouble polarité d’origine. tout idéal est un Janus à double face et le sujethumain risque d’être joué par sa face négative tant qu’il ne l’a pasvraiment repris à son compte et relativisé en se dégageant de l’emprise deceux qui ont conduit à l’investir. c’est particulièrement évident pourl’idéal de justice qui est au cœur de notre exemple6.

il a fallu à bastien un long travail d’analyse pour opérer cedégagement. Freud (1912-1913) écrit que les idéaux sont hérités ducomplexe d’Œdipe, on se les approprie donc au prix du meurtre du père.tant qu’ils restent sous l’emprise d’un personnage du passé, il y a risquede passage à l’acte dans la mesure où le sujet est à la merci de sesambiguïtés. il suffit qu’il soit confronté au déni de cet idéal d’une façonou d’une autre pour être conduit à réagir d’une façon inconsidérée commes’il était directement concerné. au lieu de gérer l’idéal comme un objetparmi d’autres, il est géré par lui.

rétablir la circulation

reste à savoir s’il est possible de sortir de cette impasse et derétablir la circulation entre l’idéalisation et la sublimation. comment fairesauter le verrou venu empêcher le passage, en rendant l’idéal à sa fonctionpremière qui est d’être le transformateur et le mélangeur d’énergieindispensable à la sublimation ?

cela suppose qu’on repère d’abord à quel idéal on a affaire, passeulement en le nommant précisément comme on s’y est employéjusqu’ici, mais en repérant à quelle catégorie il appartient7. c’étaitclairement chez bastien un idéal narcissique, étant donné la collusionentre le moi et l’idéal notée précédemment. pour d’autres, ce sera un idéal

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6. « le sentiment de l’injuste précède celui du Juste aussi bien dans la psyché del’enfant que dans l’élaboration qu’en fait la philosophie. il est issu de l’avidité vorace dubébé qui se heurte aux limites et se métamorphose en frustration et en envie pour le seinsoupçonné garder pour lui ses richesses » (Mijolla-Mellor, 2008, p. 5).

7. bonnet, 2010a, pp. 36-43 ; 2012b, pp. 27-29.

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social, ou religieux, où le moi fait corps avec la collectivité dont il faitpartie. pour d’autres encore, ce peut être un idéal partiel associé à lapossession de biens, à une règle précise. il s’agit donc dans tous les cas dedégager l’idéal originel des récupérations qui en ont été faites afin de lerendre à sa teneur première et à son universalité. pour bastien, cettepremière démarche l’a conduit à s’apercevoir qu’il s’était donné corps etâme à une version particulière de l’idéal. en repérant patiemmentpourquoi et dans quelles conditions, il est parvenu peu à peu à se dégagerde l’emprise de son père.

pourtant, cela ne suffit pas, il faut veiller en même temps àdémystifier  le  passage  à  l’acte  proprement dit, qui est pris dans lemouvement d’idéalisation. étant donné la valorisation qu’apporte au moil’idéal, et compte tenu de la jouissance qu’il provoque, le passage à l’acteest ressenti inconsciemment comme un acte grandiose. de plus, il n’estpas rare que l’opinion publique alertée vienne contribuer à sa glorification,comme je l’ai souligné en comparant les deux destins opposés du hérosdans un article précédent (bonnet, 2013). heureusement, cettedémystification est intervenue très rapidement chez bastien, dès qu’il aréalisé les conséquences de son acte, et elle s’est confirmée quand il s’estretrouvé au banc des accusés, s’est rendu compte du désastre. Mais elle esttout aussi indispensable pour celui qui cultive le déni d’idéal, et là, c’estplus difficile, car la jouissance éprouvée à le bafouer est d’une intensitéplus grande encore8. Face aux actes posés dans la réalité, une réponse dansla réalité s’impose alors, démontrant à l’évidence que les idéaux sont deshéritages, et que nul ne peut en disposer comme il l’entend. tant que l’acten’a pas été effectivement démystifié, la récidive est toujours possible caril provoque une élation grandiose sans équivalent.

cette mise à plat suppose toutefois qu’on identifie celui qui a donnéà l’idéal une telle importance et qui s’en est servi pour mettre le sujet auservice de son désir. en un mot, on doit travailler à repérer qui est àl’origine et de l’idéal et de son déni. tout idéal trop investi a unegénéalogie, qui dépasse parfois la génération des parents, et il ne faut pashésiter à remonter les générations pour en saisir l’importance. dans le cas

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8. bonnet, 2012b, pp. 142-144.

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de bastien, ce repérage n’a pas posé de difficultés, même s’il lui a fallubeaucoup de temps pour en tirer toutes les conséquences. c’estgénéralement plus complexe, surtout quand l’idéal qui a poussé à l’acteest de type collectif ou social. il faut alors démêler les différentesidentifications qui sont intervenues et ont fini par focaliser le processusd’idéalisation sur un seul et unique idéal.

toutes ces démarches restent toutefois lettre morte si le sujet neparvient pas à investir un autre idéal, plus personnel, qu’il a fait passer ausecond plan compte tenu de l’emprise de l’autre, et qui correspond à sonpropre désir. il s’agit donc de changer de transformateur et de réorientersa vie en fonction de celui qui s’articule vraiment à ce que l’on souhaiteet correspond à ses talents propres. on ne s’étonnera pas d’apprendre quebastien s’est découvert une véritable passion pour la vérité : il a changéde métier, pour devenir journaliste d’investigation. Finalement, il a ainsirétabli la communication entre l’idéalisation et la sublimation : mais celasupposait qu’il prenne conscience de ses vraies capacités, de son talent,

et trouve une voie dans laquelle les investir. 

on comprend à partir de là pourquoi en règle générale l’idéal estopposé à la réalité et plus ou moins confondu avec la sublimation.lorsqu’il est dégagé des relations premières et que le passage à lasublimation s’effectue assez librement, cet idéal devient fictif au sens oùil correspond à une potentialité ouverte et indéfinie. envisagé au niveaumanifeste, il appartient alors au domaine de l’esprit. baudelaire écrit àpropos de l’art, et plus particulièrement de la peinture : « l’idéal n’est pascette chose vague, ce rêve ennuyeux et impalpable qui nage au plafonddes académies ; un idéal, c’est l’individu redressé par l’individu,reconstruit et rendu par le pinceau ou le ciseau à la vérité de son harmonienative »9. chez l’artiste en effet, l’idéal ne bloque pas l’accès à lasublimation, au contraire, il la facilite, et ce d’autant plus qu’il correspondvraiment au plus intime du sujet.

ce qui nous ramène à un fait primordial : en lui-même et à sasource, l’idéal est réel, il fait partie de ces objets primaires les plusprimitifs dont l’inconscient a le secret, et il se manifeste comme tel dès

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9. baudelaire c. (1938). Œuvres complètes. paris : seuil, 1968, p. 245.

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lors qu’il ne peut jouer le rôle qui est le sien dans le circuit pulsionnel. enfin de compte, Freud l’a maintes fois souligné, c’est dans les accidents deparcours qu’une notion inconsciente révèle sa vraie nature. quand l’idéalpousse au passage à l’acte, il nous oblige à tenir compte du réalisme del’inconscient qui transforme tout en objets purs et simples. il se comportealors comme une véritable météorite issue des premiers moments de notreunivers et qui vient provoquer un cataclysme, alors qu’il se contentaitjusque-là d’apporter un peu de lumière au cœur de nos nuits. Mettrel’idéal à sa place, c’est faire en sorte qu’il soit un rouage de l’expressionpulsionnelle et non un but ou un objet en soi.

les passages à l’acte suicidaires

le repérage des idéaux constitue un instrument d’analyse sans pareil dansla clinique des passages à l’acte, et il ne faudrait pas que l’histoire de bastien,assez exceptionnelle, soit ici l’arbre qui cache la forêt. il faut prendre en compteaussi les passages à l’acte qui vont jusqu’à mettre en danger la vie ou l’intégritédu sujet. pour élargir la réflexion, j’évoquerai d’abord le cas d’une femmesuicidaire, qui s’en est sortie de justesse grâce à l’analyse, et dont je saisis mieuxl’enjeu aujourd’hui (bonnet, 1984). il s’agit d’une femme de trente-cinq ansmariée et mère de deux filles, que j’ai appelée Madame guy. l’analyse s’estdéroulée tout entière sous la menace d’un passage à l’acte imminent : elle étaitsaisie régulièrement d’une envie folle de se suicider, ce qui était d’autant plusétonnant que cette femme était heureuse avec son mari et ses enfants. Jusqu’aujour où elle s’est rendu compte que sa première impulsion s’est manifestée àl’heure même où sa mère s’est suicidée en prenant des barbituriques. pour tenterd’éclairer ce comportement insensé, on a évoqué successivement une réaction enmiroir, une intense culpabilité, un deuil impossible, ce qui n’a fait que rendre lasituation plus risquée. Jusqu’au jour où, évoquant un anniversaire, elle s’estaperçu que, dans sa famille, on ne parlait de son grand-père paternel qu’à demi-mot. en interrogeant son entourage, elle apprend bientôt que c’était un hommedéjà marié, et qu’il avait abandonné sa grand-mère aussitôt après la naissance deson fils, le père de Madame guy. ce dernier était donc né hors mariage et n’avaitpas été reconnu par son père, ce qui était plutôt infamant à l’époque et dans sonmilieu. Madame guy n’a eu quant à elle que des filles, et elle reconnaît bientôtdans l’analyse qu’il lui arrive de rêver d’avoir elle aussi un garçon, mais avec unautre homme, marié, comme sa grand-mère, ce qu’elle considère pourtantcomme absolument contraire à ses valeurs les plus profondes. c’est un fantasmequi hante ses nuits et dont elle n’avait jamais réalisé l’importance. Finalement, ilapparaît peu à peu que si elle veut se suicider, c’est pour ne pas réaliser ce désir,

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et éviter de répéter ce qui s’est passé à la génération des grands-parents paternelset qu’elle considère comme impensable : « mourir plutôt que faillir », disparaîtreplutôt que réaliser un désir qui va à l’encontre d’un idéal qu’elle considèrecomme intangible. elle se faisait ainsi victime de l’idéal que ses grands-parentsavaient enfreint et auquel elle était attachée plus qu’à tout autre dans sa vied’aujourd’hui, et il a fallu qu’elle mette clairement à jour ce conflit pour sortir deson marasme et pour que ses impulsions suicidaires cessent définitivement.

cette analyse fait penser à celle que rapporte Freud (1920) dansl’article « de la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine » quej’ai déjà eu l’occasion de commenter à diverses reprises, en considérantqu’il s’agit plutôt d’une problématique hystérique10. Je rappelle que lajeune adolescente dont il est question avait une liaison avec « unecocotte » selon le terme utilisé par Freud : un jour où son père l’a vue sepromenant au bras de son aimée, cette dernière a voulu rompre, etl’adolescente s’est jetée sur la voie de chemin de fer au risque de sa vie. ilest clairement formulé dans le texte à deux reprises qu’à la vue du coupledes deux jeunes femmes, le père « a lancé un regard furieux » ce qui aentraîné la rupture entre les deux femmes et l’acte suicidaire. Freudanalyse la réaction de la jeune fille en se référant au schéma classique quej’évoquais au début de ces lignes : elle est victime de pulsions violentesqu’elle retourne contre elle, de son désir incestueux, et surtout de sonenvie de tromper son analyste en lui faisant croire par ses rêves qu’elle vachanger d’orientation sexuelle sans problèmes. Freud estime cettetromperie en contradiction avec l’esprit de l’analyse et il va mettre unterme au travail qu’elle fait avec lui. et pourtant, ce rêve est extrêmementrévélateur. car la jeune fille montre par là qu’elle est surtout victime d’unidéal qu’elle met clairement en scène : il s’agit du même idéal de coupleque celui qui a mis Madame guy en difficulté et au nom duquel le pèren’a pas supporté l’orientation homosexuelle de sa fille. en le jouant dansses rêves où elle se montre mariée avec des enfants, la jeune fille fait à lafois le désir du père et celui de Freud, mais elle met surtout en évidencel’idéal qui est au cœur de son conflit avec eux. Façon de dire : voilà ce qui

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10. bonnet, 1996, pp. 147-163 ; 2008, pp. 175-178.

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m’a poussée au passage à l’acte, voilà ce que j’ai vu dans le regard du pèrecomme un reproche écrasant et qui a failli me tuer. on peut regretter queFreud n’ait pas repéré le rôle central de l’idéal dans cette analyse, mais iln’en était pas encore là à ce stade de son œuvre, et il a réagi commel’aurait fait tout bon père de l’époque, sans chercher à repérer ce qu’il yavait de vrai dans ces rêves mensongers.

l’idéal dans les luttes sociales ou religieuses

en réalité, on le perçoit mieux aujourd’hui, le mariage en tant quetel n’est pas un idéal, c’est un rite, un rite idéalisé (bonnet, 2010b). c’estla raison pour laquelle les religions l’ont facilement repris à leur compteet en sont arrivées avec le temps à le sacraliser. la vraie question est derepérer les idéaux qui alimentent cette idéalisation, et dont on se sertinconsciemment pour l’imposer ou le refuser. c’est ce qui a rendu sivirulent le conflit autour du « mariage pour tous » qui a défrayé lachronique en France tout au long de l’année 2013, avec l’agressivité quel’on sait, aussi bien de la part de ses partisans que de ses opposants. quelsque soient les arguments développés de part et d’autre, les propos étaientsouvent excessifs, unilatéraux, à l’emporte-pièce. et cela essentiellementen raison de l’idéalisation du rite et du fait que les idéaux qu’y mettaientles uns et les autres n’étaient pas les mêmes et se heurtaient au déni del’autre. il aurait fallu mieux repérer ces idéaux, les dégager du rite et lesanalyser de plus près. Fidélité et amour pour les uns, justice et égalité pourles autres. En fait, nous avons eu affaire à un combat d’idéaux, à la mesure

de  ceux  que  se  livrent  les  dieux  tels  que  les  décrivent  les  récits

mythologiques et dont les humains ne sont que les pantins. c’était un belexemple, au plan social cette fois, du court-circuit dont j’ai parléprécédemment, – « on a pété les plombs » –, comme le formule trèsjustement l’expression populaire, et certains se sont étonnés de voir desjeunes se battre de façon irraisonnée dans un sens ou dans l’autre. retourà l’intégrisme, ou au contraire, désir de faire voler en éclats les valeurs dupassé ? il faut surtout y voir une illustration du rôle pivot des idéaux dansla vie pulsionnelle et de l’aveuglement qu’ils provoquent dès lors qu’onne prend pas la peine de les analyser comme tels. Faute de mener une

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réflexion sur leur origine et leur portée, on est entraîné à des mises en acteexpéditives, qui en provoqueront d’autres en miroir à plus ou moins longterme. il ne suffit pas d’incriminer la religion, l’impulsivité de la jeunesse,ou la désagrégation des mœurs, mieux vaut travailler à dégager l’idéal detoutes les confusions, de toutes les récupérations, et le ramener à son statutfondamental. il est assez étonnant de constater que c’est au nom de leursidéaux que bien des jeunes se refusent au mariage, en estimant que le ritene correspond plus à ceux qu’ils poursuivent, alors que d’autres exigentd’y accéder sous prétexte que c’est à leurs yeux le seul moyen de les vivre.il serait surtout précieux de repérer quels sont les idéaux en question, deles mettre en mots, de les analyser, et de voir si le rite est vraiment fait pourles mettre en œuvre collectivement.

l’analyse constitue à cet égard un instrument de réflexionirremplaçable, aussi bien au niveau personnel qu’au niveau collectif. et cen’est pas en s’engageant pour telle ou telle cause comme beaucoupd’analystes l’ont fait spontanément qu’on y parviendra. outre le fait qu’onsort alors de la neutralité indispensable à l’écoute, on se prive d’unepossibilité de mener une analyse sereine face au fait religieux. c’estparticulièrement nécessaire lorsqu’on a affaire à des adolescents qui sontà l’âge où les idéaux tiennent une place décisive et les entraînent parfoisdans des comportements excessifs dans un sens ou dans l’autre. unénorme travail reste à faire pour constituer une clinique des idéauxfacilitant leur repérage et surtout une objectivation suffisante qui lesramène à leur statut d’origine et permette au sujet de se dégager de leuremprise. cela suppose surtout qu’on en parle, qu’on les parle le plusprécisément possible, et il est certain qu’on aurait évité bien des violencesdans la querelle du mariage pour tous si l’on avait commencé par évoquerlibrement et clairement des enjeux inconscients dont ce débat est porteur.

de ce point de vue, le texte que Freud (1927) a intitulé L’avenir

d’une illusion reste un exemple à méditer. non pas tellement par la façondont il considère la religion et qui commence un peu à dater : – névroseobsessionnelle, illusion, survivance d’une dépendance infantile, etc. –mais par la façon dont il traite le problème. à partir du chapitre trois où ilentre dans le vif du sujet, il fait en effet parler un interlocuteur fictif,défendant la position inverse à la sienne d’une façon pertinente et bien

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argumentée, et il lui répond point par point, tout en admettant d’avancequ’il ne parviendra pas à le convaincre, le but étant de faire avancer laréflexion. on se croirait au temps de la disputatio, l’une des bases de laformation dispensée à la sorbonne à sa première époque, lorsqu’ondemandait aux étudiants d’adopter un temps l’opinion inverse à cellequ’ils défendaient et de l’illustrer avec la même vigueur. certainsévoqueront la dialectique hégélienne, en thèse/antithèse/synthèse. ladifférence chez Freud est qu’il n’y a pas synthèse, mais mise en évidenced’un conflit irrévocable, et instauration d’un dialogue entre ses deuxparties. il tient surtout compte ainsi de la complexité de notre appareilpsychique qui soutient d’autant plus une position qu’il est aussi habité parla position inverse. Freud n’est-il pas lui-même dans la même démarchequand il critique les idéaux d’une part, et estime s’appuyer sur « uneconception élevée de l’idéal » de l’autre11 ? il ouvre ainsi une voie quidevrait permettre de dépasser les combats d’idéaux violents et stériles quej’évoquais précédemment. que chacun puisse parler librement et sansréserves à propos de ceux qui l’animent, avec un objectif précis : faireémerger les idéaux en cause, et les remettre à leur place, celle de vecteursdu désir, et non pas d’objets à imposer envers et contre tout. c’est la seulefaçon de progresser en tenant compte d’un autre idéal que Freud placeclairement à l’orée de sa réflexion et qui est de fait un idéal fondamentaldécisif pour la psychanalyse : l’idéal de vérité.

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gérard bonnetécole de propédeutique à la connaissance de l’inconscient1, rue pierre bourdan75012 paris, [email protected]

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