pustulose exanthématique aiguë généralisée induite par iopamidol

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831 Articles scientifiques Note brève Ann Dermatol Venereol 2004;131:831-2 Pustulose exanthématique aiguë généralisée induite par iopamidol X. BELGODÈRE (1), P. WOLKENSTEIN (2), M.-J. PASTOR (3) es pustuloses exanthématiques aiguës généralisées (PEAG) survenant après injection de produits de con- traste iodés (PCI) sont exceptionnelles. Un cas a été ré- cemment rapporté après injection de iohexol [1]. Nous rapportons un cas de PEAG survenue au décours d’une injection d’un autre PCI, le iopamidol (Iopamiron ® ). Observation Un homme de 40 ans était hospitalisé en raison de l’appari- tion brutale d’une éruption érythémato-pustuleuse, quasi-gé- néralisée, prédominant au tronc (fig. 1) accompagnée d’une fièvre à 39°C et d’une altération de l’état général. L’interrogatoire précisait que vingt heures environ avant le début de l’éruption une injection de PCI contenant du iopa- midol (Iopamiron ® ) avait été effectuée dans le cadre d’un examen scannographique du petit bassin à la recherche d’une extension d’une tumeur testiculaire. Dix ans auparavant cet homme avait présenté une hémor- ragie méningée ; 3 angiographies cérébrales et 2 examens to- modensitométriques crâniens avec injection d’iode avaient été effectués sans réaction particulière. Au décours de la der- nière angiographie préopératoire était apparue une éruption érythémateuse diffuse fébrile et considérée comme toxider- mie à l’iode, sans que l’on puisse préciser la nature exacte du produit utilisé alors. Concernant l’épisode actuel, le patient avait reçu tous les jours pendant les 3 jours précédant l’injection de PCI 1cp d’hydroxyzine et 20 mg de prednisone. Aucune autre prise médicamenteuse n’était retrouvée. Il n’y avait aucun antécédent personnel ou familial de pso- riasis. La NFS montrait une hyperleucocytose à 19 400/mm 3 à prédominance de polynucléaires neutrophiles (86 p. 100) et une hyperéosinophilie à 1 048/mm 3 . Le bilan hépatique (TGO, TGP, GT, phosphatases alcalines) et rénal (urée, créatinine sanguines) était normaux. Les cultures bactériologiques et mycologiques des prélève- ments de pus étaient stériles. L’examen histologique d’une biopsie cutanée montrait une pustule spongiforme intraépidermique et un infiltrat à pré- dominance de polynucléaires avec œdème, congestion et vas- culite du derme superficiel et moyen. L’évolution était rapidement favorable en 4 à 5 jours, avec une desquamation. Discussion Le tableau clinique de ce malade était très évocateur d’une PEAG [2, 3]. En se référant aux critères de la PEAG selon l’étu- de du groupe EUROSCAR, un score de 10 était établi rendant certain ce diagnostic [4]. L’imputabilité intrinsèque du iopa- midol dans le déclenchement de la toxidermie était jugée vrai- semblable (I3 : C3 S2) [5]. La sensibilisation préalable de notre malade à l’iode explique sans doute le délai de survenue rapi- de (moins de 24 heures) de la PEAG. Les PCI comportent 1 ou 2 cycles benzéniques porteurs de 3 atomes d’iode fixes. Leur osmolarité est variable. Les réac- tions cutanées après utilisation de ces produits ont été fré- L (1) 15, boulevard Paoli, 20200 Bastia. (2) Service de Dermatologie, Hôpital Henri Mondor, 94010 Créteil cedex. (3) Centre de Pharmacovigilance, Hôpital Salvator, boulevard de Sainte-Marguerite, 13008 Marseille. Tirés à part : X. BELGODÈRE, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Fig. 1. Pustules non folliculaires disséminées sur le tronc, sur un fond érythémateux.

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Page 1: Pustulose exanthématique aiguë généralisée induite par iopamidol

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Articles scientifiquesNote brève

Ann Dermatol Venereol2004;131:831-2

Pustulose exanthématique aiguë généralisée induite par iopamidolX. BELGODÈRE (1), P. WOLKENSTEIN (2), M.-J. PASTOR (3)

es pustuloses exanthématiques aiguës généralisées

(PEAG) survenant après injection de produits de con-

traste iodés (PCI) sont exceptionnelles. Un cas a été ré-

cemment rapporté après injection de iohexol [1].

Nous rapportons un cas de PEAG survenue au décours

d’une injection d’un autre PCI, le iopamidol (Iopamiron®).

Observation

Un homme de 40 ans était hospitalisé en raison de l’appari-

tion brutale d’une éruption érythémato-pustuleuse, quasi-gé-

néralisée, prédominant au tronc (fig. 1) accompagnée d’une

fièvre à 39°C et d’une altération de l’état général.

L’interrogatoire précisait que vingt heures environ avant le

début de l’éruption une injection de PCI contenant du iopa-

midol (Iopamiron®) avait été effectuée dans le cadre d’un

examen scannographique du petit bassin à la recherche

d’une extension d’une tumeur testiculaire.

Dix ans auparavant cet homme avait présenté une hémor-

ragie méningée ; 3 angiographies cérébrales et 2 examens to-

modensitométriques crâniens avec injection d’iode avaient

été effectués sans réaction particulière. Au décours de la der-

nière angiographie préopératoire était apparue une éruption

érythémateuse diffuse fébrile et considérée comme toxider-

mie à l’iode, sans que l’on puisse préciser la nature exacte du

produit utilisé alors.

Concernant l’épisode actuel, le patient avait reçu tous les

jours pendant les 3 jours précédant l’injection de PCI 1cp

d’hydroxyzine et 20 mg de prednisone. Aucune autre prise

médicamenteuse n’était retrouvée.

Il n’y avait aucun antécédent personnel ou familial de pso-

riasis.

La NFS montrait une hyperleucocytose à 19 400/mm3 à

prédominance de polynucléaires neutrophiles (86 p. 100) et

une hyperéosinophilie à 1 048/mm3. Le bilan hépatique

(TGO, TGP, gGT, phosphatases alcalines) et rénal (urée,

créatinine sanguines) était normaux.

Les cultures bactériologiques et mycologiques des prélève-

ments de pus étaient stériles.

L’examen histologique d’une biopsie cutanée montrait une

pustule spongiforme intraépidermique et un infiltrat à pré-

dominance de polynucléaires avec œdème, congestion et vas-

culite du derme superficiel et moyen.

L’évolution était rapidement favorable en 4 à 5 jours, avec

une desquamation.

Discussion

Le tableau clinique de ce malade était très évocateur d’une

PEAG [2, 3]. En se référant aux critères de la PEAG selon l’étu-

de du groupe EUROSCAR, un score de 10 était établi rendant

certain ce diagnostic [4]. L’imputabilité intrinsèque du iopa-

midol dans le déclenchement de la toxidermie était jugée vrai-

semblable (I3 : C3 S2) [5]. La sensibilisation préalable de notre

malade à l’iode explique sans doute le délai de survenue rapi-

de (moins de 24 heures) de la PEAG.

Les PCI comportent 1 ou 2 cycles benzéniques porteurs de

3 atomes d’iode fixes. Leur osmolarité est variable. Les réac-

tions cutanées après utilisation de ces produits ont été fré-

L

(1) 15, boulevard Paoli, 20200 Bastia.(2) Service de Dermatologie, Hôpital Henri Mondor, 94010 Créteil cedex. (3) Centre de Pharmacovigilance, Hôpital Salvator, boulevard de Sainte-Marguerite, 13008 Marseille.

Tirés à part : X. BELGODÈRE, à l’adresse ci-dessus.

E-mail : [email protected]. 1. Pustules non folliculaires disséminées sur le tronc, sur un fond érythémateux.

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X. BELGODÈRE, M.-J. PASTOR, P. WOLKENSTEIN Ann Dermatol Venereol2004;131:831-2

quemment décrites et sont classées en immédiates ou

retardées selon que leur délai d’apparition est inférieur ou su-

périeur à 1 heure [6].

Les réactions immédiates sont essentiellement anaphylac-

toïdes : éruptions, urticaire avec collapsus plus ou moins gra-

ve ; elles sont plus fréquentes en cas d’utilisation de PCI

hyperosmolaires [6, 7].

Les réactions cutanées retardées, de description plus ré-

cente, comprennent des exanthèmes maculo-papuleux, des

urticaires ou eczémas, plus rarement des syndromes de Ste-

vens-Johnson ou de Lyell, voire des érythèmes pigmentés

fixes ou des vasculites [6-8].

On note souvent un antécédent de réaction retardée à un

produit iodé. Lors de sa réintroduction, le délai de survenue

des lésions est alors plus bref [6]. Les PCI non ioniques di-

mériques en seraient plus souvent responsables que les PCI

monomèriques ioniques ou non ioniques [8].

Par contre, les PEAG aux PCI semblent exceptionnelles ou

du moins peu rapportées. Seuls 2 cas de PEAG attribués à

l’iode ont été trouvés en consultant la Base Nationale de

Pharmacovigilance et les données de la littérature [9], mais le

nom des produits de contraste n’a pas été mentionné. Très

récemment un cas de PEAG survenant 3 jours après l’injec-

tion de iohexol a été rapporté [1]. Il s’agit d’un PCI triiodé de

basse osmolarité utilisé dans les explorations des voies uri-

naires, des cavités corporelles et du système vasculaire tout

comme le iopamidol utilisé dans notre cas.

Enfin, il faut rappeler que d’après les données de la littéra-

ture, et notre cas le confirme, les protocoles de prévention

« anti-allergique » n’ont pas fait la preuve de leur efficacité

pour ce qui concerne les réactions retardées [6].

Références

1. Atasoy M, Erdem T, Sari RA. A case of acute generalized exanthema-tous pustulosis possibly induced by iohexol. J Dermatol 2003;30:723-6.

2. Roujeau JC, Bioulac-Sage P, Bourseau C, Guillaume JC, Bernard P, Lok Cet al. Acute generalized exanthematous pustulosis. Analysis of 63 cases.Arch Dermatol 1991;127:1333-8.

3. Machet L, Martin L, Vaillant L. Pustulose exanthématique aigüe géné-ralisée. Ann Dermatol Venereol 2001;128:73-9.

4. Sidoroff A, Halevy S, Bavinck JN, Vaillant L, Roujeau JC. Acute general-ized exanthematous pustulosis. A clinical reaction pattern. J Cutan Pathol2001;28:113-9.

5. Begaud B, Evreux JC, Jouglard J, Lagier G. Imputabilité des effets inat-tendus ou toxiques des médicaments. Actualisation de la méthode utili-sée en France. Thérapie 1985;40:111-8.

6. Pecquet C. « Allergie » à l’iode. Ann Dermatol Venereol 2003;130:795-8.

7. Moneret-Vautrin DA, Kanny G, Morisset M, Beaudoin E, Renaudin JM.Réactions anaphylactoïdes et cutanées tardives aux produits de contrasteiodé : état actuel de la question-évolution des idées. Rev Med Interne2001;22:969-77.

8. Webb JA, Stacul F, Thomsen HS, Morcos SK. Late adverse reactions tointravascular iodinated contrast media. Eur Radiol 2003:13:181-4.

9. Saissi EH, Beau-Salinas F, Jonville-Béra AP, Lorette G, Autret-Leca E.Centres régionaux de pharmacovigilance. Médicaments associés à la sur-venue d’une pustulose exanthématique aiguë généralisée. Ann DermatolVenereol 2003;130:612-8.