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    Geo-Eco-Trop., 2010, 34 : 139 - 146

    Enqute sur les chenilles comestibles et les divers usages de leurs plantes htesdans les districts de Kisangani et de la Tshopo (R.D.Congo)

    Survey on the edible caterpillars and the use of their host plants in theKisangani and Tshopo districts (D.R.Congo)

    Janvier LISINGO, Jean-Lambert WETSI & Honorine NTAHOBAVUKA1

    Abstract: A systematic survey of edible caterpillars and of their hosts plants has been archived in sixlocalities of the Kisangani and the Tshopo districts in the Oriental Province of the D.R. Congo.Fifteen edible caterpillar species belonging to three families have been identified. The pre-eminence ofthe Saturniidae was established.The botanical study revealed that thirty-two plant species, mostly trees, belonging to fourteen families

    are host plants of the caterpillars. Twenty of these trees are used in the traditional pharmacopeia, in theindustrial and traditionally-made exploitation of wood and for making charcoal.These various uses combined with slash-and-burn cultivation and with tree cutting at the harvestperiod are the main reasons of the scarcity of the caterpillars observed these last years in the area.

    Key words: D.R.Congo, Kisangani and Tshopo areas, Edible caterpillars, Host plants.

    Rsum: Une tude systmatique des chenilles comestibles, de leurs plantes htes et de leurs diversesutilisations a t ralise dans six localits des Districts de Kisangani et de la Tshopo en ProvinceOrientale de la R. D. Congo.Quinze espces de chenilles comestibles rparties en trois familles ont t identifies. La dominance dela famille des Saturniidae t tablie.

    L'tude floristique a mis en vidence trente deux espces htes des chenilles, appartenant quatorzefamilles botaniques (classification APG II) dont la plupart sont des arbres. Vingt de ces arbres htes sontutiliss dans la pharmacope traditionnelle, dans la fabrication de charbon de bois et dansl'exploitation industrielle et artisanale de bois d'uvre.Ces usages multiples associs l'agriculture itinrante sur brlis et l'abattage des arbres htes lors dela rcolte des chenilles sont reconnus comme les principales causes de la rarfaction des chenillesobserve ces dernires annes dans la rgion.

    Mots-cls : R.D.Congo, Districts de Kisangani et de la Tshopo, Chenilles comestibles, Plantes htes.

    INTRODUCTION

    Les forts tropicales de la rgion de Kisangani-Tshopo renferment, hormis le boisd'uvre, d'intressantes potentialits en matire de produits forestiers non ligneux (PFNL)pour assurer l' conomie , voire la survie, des populations locales.

    Parmi ces ressources, des chenilles comestibles sont consommes alors que leursarbres htes sont exploits divers usages par diffrentes communauts de la rgion.

    MALAISSE (2002), abordant le problme de la campophagie en Afrique, montre qu'l'chelle mondiale, l'ordre de Lpidoptres occupe la premire place des espces consommesavec 21 familles recenses.

    Malgr leur diversit, leur importance conomique et alimentaire et les potentialitsqu'elles reclent, on constate plutt le peu de valorisation de ces ressources. Cela se justifie par

    une faible connaissance de ces dernires pourtant trs prises par les consommateurs.

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    1 Facult des Sciences, Laboratoire d'Ecologie et Gestion de la Biodiversit Vgtale, UNIVERSITE DEKISANGANI, B.P. 2012 Kisangani, R. D. Congo, courriel : [email protected] 1 Facult des Sciences,UNIVERSITE DE KISANGANI, B.P. 2012 Kisangani, R. D. Congo.

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    L'importance de la consommation et du commerce des chenilles est vidente. Certainsauteurs en font mention dans leurs travaux (MALAISSE, 1997 ; MALAISSE & PARENT, 1980; LATHAM 2000 ; TABUNA, 1999 ; KANI-KANI, 2006 ; LISINGO, 2005 et KANKONDA &WETSI, 1992).De mme, plusieurs auteurs mentionnent les espces ligneuses dont se nourrissent ceschenilles dans les inventaires des plantes utiles de la rgion sans pour autant signaler leurfonction cologique d'arbres htes des chenilles (MATE, 2002 ; KIYULU, 2001 ; LUSUNA,2002 ; SALUMU, 2004).

    L'utilisation de ces ressources (chenilles et arbres htes) soulve donc la question deleur durabilit. En effet, lorsque l'exploitation de ressources biologiques de valeur est leve,il est certain que leur surexploitation les menace d'extinction. Il nous a donc paru utile, face cette situation, de dterminer avec prcision les espces de chenilles consommes etcommercialises dans la rgion, de faire un inventaire des arbres qui leur servent de supportnutritif et de prciser les divers usages qu'en font les populations proches des massifsforestiers. Ainsi, il s'avre possible d'valuer l'impact des usagers sur la disponibilit enchenilles comestibles tout en assurant une meilleure gestion de ressources forestires de largion. Dans cette optique, le prsent travail vise les possibilits de conservation en planteshtes de chenilles comestibles dans le cadre d'une agroforesterie intgre.

    MATRIEL ET MTHODES

    Des enqutes ethnozoologiques et ethnobotaniques nous ont permis d'tablir les nomsvernaculaires des chenilles comestibles ainsi que ceux de leurs plantes htes. Unquestionnaire d'enqute a t labor et soumis 180 personnes dans six diffrents sites enraison de 30 personnes par site : Ville de Kisangani (Kisangani), Masako (Kisangani), Citd'Isangi (Isangi), Lokutu (Basoko), Kisesa (Ubundu) et Mosite (Yahuma). Les entretiens ontport sur les thnospecies (espces des chenilles reconnues par les populations et possdantune dnomination propre), la priode et le lieu de rcolte, les causes de raret des chenillesainsi que les autres utilits des plantes htes.

    Des randonns en fort ont t raliss en fonction de la priode d'apparition deschenilles (juin-aot 2006 et juin-juillet 2007) pour les observations de terrain et la collecte deschantillons.

    L'chantillonnage recueilli a t ramen au laboratoire pour identification. Celle-ci at ralise, pour les chenilles, l'aide des publications de MALAISSE (1997), ROUGEOT(1962), OBERPRIELER (1995) et LATHAM (2000), tandis que les plantes taient dtermines l'Herbarium de la Facult des Sciences sur base des collections locales et des travaux deTAILFER (1989), PAUWELS (1993) et WILKS & ISSEMBE (2000).

    RSULTATS ET DISCUSSION

    Ethnospecies, plantes htes et milieu de rcolte

    Au total, 15 chenilles diffrentes ont ts identifies comme comestibles par lespersonnes soumises l'enqute : 12 au niveau spcifique, 2 au niveau gnrique et 1 au niveaude la famille. Pour leur part, MALAISSE (1997), LATHAM (2000), KANI-KANI (2006),N'GASSE (2003) et BALINGA (2003) avaient identifi pour le Katanga, le Bas-Congo, la fortde Ngotto en Rpublique centrafricaine et le Cameroun respectivement 38, 33, 24 et 9 espces.

    De l'analyse de notre chantillonnage, il ressort que c'est la famille des Saturniidaeparmi les 3 identifies (Tableau 1) qui est la plus importante avec 60% de reprsentativit.

    Les populations riveraines de la fort ont connaissance des essences qui hbergent leschenilles. Dans leurs dialectes les noms des chenilles sont connus et souvent associs ou

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    Tableau 1. Chenilles comestibles, plantes htes, priodicit et habitat

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    construits partir du nom de la plante nourricire. Ainsi, Bafoyo (nom vernaculaire de lachenille d'Imbrasia epimethea) consomme le foyo ( Petersianthus macrocarpus en Kikumu).

    Cette enqute nous a permis de recenser 32 espces de plantes dont les feuilles sontconsommes par les chenilles (Tableau 1). Les rsultats obtenus dmontrent le caractre

    polyphage de la plupart des chenilles observes l'exception de Buneaopsis aurantiaca quiconsomme uniquement Uapaca guinensis et Cirina forda qui se nourrit seulementd'Erytrophloeum suaveolens. Il existe des diffrences notables dans le rgime alimentaire deschenilles d'une rgion une autre. Par exemple, Cirina forda est infode Erythrophloeumsuaveolens dans la rgion de Kisangani-Tshopo alors qu'elle l'est Crossopteryx febrifuga auBas-Congo (LATHAM, 2000).

    Sur le terrain nous avons not 4 types d'habitats favorables au dveloppement deschenilles : la fort secondaire (majoritaire), la fort primaire, la jachre et le jardin de case. Lapriode de rcolte se situe en gnral entre juin et mars. Elle diffre des calendriers signalspar d'autres auteurs : de mars mai pour le Katanga (MALAISSE, 1997) et d'octobre maipour le Bas-Congo (LATHAM, 2000 ; KANI-KANI, 2006). Ce rythme diffrent dans les mois

    de rcolte rsulterait de diffrences climatiques locales, la rgion de Kisangani-Tshopoprsentant un avantage par rapport aux autres contres car la dure de la rcolte y estplus longue.

    Usages de plantes htes.

    Les plantes htes des chenilles sont surtout utilises par la population comme plantesmdicinales, arbres charbon et bois d'uvre, trs peu sont alimentaires (Tableau 2). Lesespces les plus diversement exploites sont : Scorodophloeus zenkeri, Albizia adiantifolia,A. ferruginea, Canarium schweinfurthii, Maesopsis eminii, Petersianthus macrocarpus etRicinodendron heudelotii. Ces espces sont en mme temps les htes de plusieurs espces de

    chenilles.La consommation des chenilles dans la rgion

    Les chenilles contribuent l'quilibre nutritionnel dans la plupart des mnagespendant la saison de rcolte dans la rgion. Parmi les 180 personnes interroges, 129consomment les chenilles (71,6 %). Les arguments en faveur de la consommation des chenillesse prsentent de la manire suivante (tableau 3) : 37,98 % en raison du got, 35,65 % parhabitude alimentaire et 25,35 % seulement pour leur valeur nutritive. Ceci dmontreprincipalement la mconnaissance de cette dernire par les habitants de la rgion alors quecela contribuerait leur scurit alimentaire.

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    Tableau 3. Arguments en faveur de la consommation des chenilles (selon le nombre de personnes interroges

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    Causes de baisse de production

    A Kisangani, la fabrication de charbon de bois est perue comme la principale causede diminution de production des chenilles alors que la culture itinrante sur brlis en est lacause majeure dans le District de la Tshopo. Cette divergence d'opinions s'explique du faitqu' Kisangani, comme le constate SALUMU (2004) la majorit de la population utiliseprincipalement le charbon de bois pour la cuisson tandis que pour le District de la Tshopo,majoritairement compos des paysans, la culture sur brlis avec courte dure de jachrelimite la rgnration des espces d'arbres htes des chenilles.

    Il ressort de la lecture du tableau 4 les considrations suivantes : Kisangani, 35,55 %des personnes interroges reconnaissent l'exploitation des plantes htes pour la fabrication decharbon de bois comme raison principale du recul de productivit, 25,55 % estiment que c'estla culture sur brlis et 21,12 % que c'est l'abattage des arbres htes lors de la rcolte deschenilles qui est en cause. Par contre, les personnes interroges dans le district rural de laTshopo considrent la culture sur brlis comme la premire cause de la chute de productivitavec 34,44 % alors que le bois de chauffe ne reprsente que 13,33 % et la fabrication decharbon de bois seulement 4,44%. Quoi qu'il en soit, malgr les avis divergents, il est biencertain que l'ensemble de ces activits ne manque pas d'exercer un effet cumulatif nfaste laproduction des chenilles et qu'il importe d'apporter sans tarder des solutions ce problme.

    Tableau 4 : Causes de baisse de production des chenilles (selon le nombre de personnes interroges)

    CONCLUSION

    Le but principal de cette enqute consistait tablir un recensement des chenillescomestibles et des espces ligneuses qui leur servent de support nutritif ainsi que d'analyserles diverses utilisations de ces dernires par les populations de districts de Kisangani et de laTshopo dans la Province Orientale de la R.D.Congo.

    Les rsultats obtenus montrent qu'il existe une varit d'espces de chenillescomestibles dans la rgion et qu'une diversit d'arbres entre dans le rgime alimentaire decelles-ci. Comme la population tant urbaine que paysanne de la zone d'tude a recours cesespces ligneuses pour satisfaire plusieurs besoins essentiels (nergie, construction,alimentation, pratiques mdicinales), il devient urgent d'envisager un processus deprservation du milieu et mme d'assurer sa reforestation en arbres htes des chenilles en vuede garantir la prennit d'un mode d'alimentation qui s'avre des plus intressants commemoyen de subsistance pour les communauts locales.

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    REFERENCES

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