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de la PAUVRETE en AFRIQUE Pauvreté chronique au Niger Perceptions, stratégies et questions émergentes PAR BARA GUEYE, BOUREIMA ALPHA GADO SEYNI HAMA, MOUHAMADOU SALL PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETE CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST DOCUMENT DE TRAVAIL N° 2 CREDIT : KAMIKAZ PHOTOS

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de la PAUVRETE

en AFRIQUE

Pauvreté chronique au Niger

Perceptions, stratégies et questions émergentes

PAR BARA GUEYE, BOUREIMA ALPHA GADO

SEYNI HAMA, MOUHAMADOU SALL

PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETE CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

;;DOCUMENT DE TRAVAIL N° 2 ;;

CREDIT : KAMIKAZ PHOTOS

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE Pauvreté chronique au Niger

PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETÉ CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

; DOCUMENT DE TRAVAIL No 2;

Résumé 3

Introduction 5

I. Présentation du Niger 5

II. Perspectives de la pauvreté au Niger 5

2.1. La pauvreté dans l’imaginaire populaire 62.2. Niveau de dynamique de la pauvreté au Niger 92.3. Typologies et caractéristiques des pauvres chroniques 12

III. Les causes de la pauverté chronique 15

3.1. Les causes structurelles 163.2. Les causes conjoncturelles 19

IV. Les réponses actuelles 20

4.1. Les réponses politiques 204.2. Les réponses communautaires 224.3. Changements structurels de comportement apportés par la pauvreté chronique 24

V. Implications politiques 26

5.1. Une meilleure prise en compte des stratégies locales dans les politiques nationales 265.2. Améliorer les systèmes d’alerte précoce 26

VI. Axes de recherche et/ou de plaidoyer 30

Conclusion 31

----------------

Partenaires du programme Afrique de l’Ouest 31

S O M M A I R E

PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETE CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

;;DOCUMENT DE TRAVAIL N° 2 ;;

Pauvreté chronique au Niger

de la PAUVRETE

en AFRIQUE

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PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETÉ CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

; DOCUMENT DE TRAVAIL No 2;3

développent des stratégies de réponses variées etadaptées à chaque situation de crise. Toutefois, lapersistance de la pauvreté a fait apparaître denouveaux comportements orientés vers uneindividualisation de plus en plus poussée desréponses communautaires et une déstructurationde certains systèmes de solidarité communautaire.Il serait intéressant, dans le cadre d'études pluspoussées de voir si ces phénomènes sontpassagers ou alors s'ils sont en train de structurerune nouvelle dynamique locale.

Aujourd'hui, il apparaît que pour faire face de façondurable à la pauvreté chronique, il faut aller au-delàdes dispositifs de gestion de crises en mettant enplace des réponses plus structurelles portant entreautres sur la mise en place de mécanismes pourfaciliter l'accès aux biens capitaux comme la terre etla technologie, l'initiation de systèmes de protectionsociale adaptés aux besoins des pauvres, unepolitique agricole dont le moteur est l'exploitationfamiliale rurale.

Mais, une mise en œuvre efficace de tellespolitiques suppose une bonne connaissance de ladynamique de la pauvreté au Niger. Dans cetteperspective, cette revue propose un certain nombred'axes de travail :

< Pour faciliter l'ancrage de la recherche dans lespolitiques en cours, il est proposé de constituer desdonnées de panels sur la pauvreté chronique dansun ou plusieurs sites pilotes où des programmes delutte contre la vulnérabilité ont été conduits afin devoir l'impact de ces programmes dans la réductionde la pauvreté chronique ;

< Conduire une recherche action et stimuler ledialogue politique sur les mécanismes de protectionsociale à mettre en place au Niger pour permettreaux populations les plus vulnérables de pouvoirfaire face aux chocs consécutifs aux crisesrécurrentes qui se produisent dans le pays ;

< Documenter les bonnes pratiques de lutte contrela pauvreté développées à l'échelle communautaireet réfléchir sur des mécanismes à mettre en placepour que ces bonnes pratiques informent lespolitiques et soient institutionnalisées.

RESUMECe papier tente de dresser le profil de la pauvretéchronique au Niger, d'en comprendre les principauxfacteurs, d'identifier les réponses politiques etcommunautaires et de proposer des axes deréflexion qui pourraient alimenter un travail futur surla même problématique au Niger. Le choix du Nigerpour lancer cette première étude dans le cadre duCPRC est d'autant plus justifié que ce pays a étéclassé dernier dans le classement IDH de 2004.

Plusieurs études sur la pauvreté ont été menées auNiger, et celles-ci renseignent sur l'étendue et lecaractère multidimensionnel de la pauvreté, illustréeentre autres par la richesse du vocabulaire local etdes différentes interprétations qu'ont lespopulations des différentes situations de pauvreté.Un ensemble de facteurs tels que la récurrence deproblèmes climatiques, les réalités socioculturellesavec l'exclusion de certains groupes, les problèmesrelatifs à un contexte politique et économiqueinternational défavorable, interagissent pourmaintenir plus de 80% de la population rurale duNiger dans une situation de pauvreté extrême.

Toutefois, on observe encore des vides importantsen termes de connaissance de la pauvretéchronique, du fait d'un manque de données de panelde qualité. Or de telles données contribueraient àavoir une meilleure idée de la dynamique de lapauvreté au Niger et permettre ainsi aux décideursde mettre en place des politiques plus ciblées enfaveur des groupes les plus vulnérables.Aujourd'hui la plupart des politiques et programmesdits de lutte contre la pauvreté s'appuient sur unecatégorisation des populations à partir de critèresde vulnérabilité. Cette notion prend toute sonimportance dans un pays soumis à de très fortsaléas climatiques et connaît une grave crisealimentaire tous les 15 ou 20 ans, entrecoupées decrises de moindre ampleur mais fréquentes. Maisune meilleure compréhension des liens entrepauvreté chronique et vulnérabilité pourrait aider àaméliorer l'efficacité de tels programmes.

L'étude a également montré les fortes capacités derésilience des communautés rurales pauvres qui

PAUVRETECHRONIQUE AU NIGER

PAR BARA GUEYE, BOUREIMA ALPHA GADO, SEYNI HAMA, MOUHAMADOU SALL

PERCEPTIONS, STRATEGIES ET QUESTIONS EMERGENTES

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

L'économie ouest africaine dépendessentiellement de l'agriculture quicontribue pour 30 à 50% du PIB etreprésente la plus importante source derevenus pour 70 à 80% de la population.Dans la plupart des pays, la part del'agriculture dans la structure de l'économien'a cessé d'augmenter au cours des 15dernières années. Mais l'Afrique de l'Ouestfait partie des régions les plus pauvres au

monde où la pauvreté est quasi endémique. Le revenuper capita en 2000 était inférieur à 400 US$ pour 10des 15 pays qui composent cette région. Laproportion de personnes vivant avec moins d'un dollarpar jour variait de 15% au Sénégal à plus de 60% auBurkina Faso, Niger, Sierra Leone et Togo. En outre, letaux élevé d'analphabétisme, la mortalité maternelle etinfantile et l'incidence du VIH/SIDA renseignentégalement sur l'étendue de la pauvreté avec une largeproportion de la population étant dans une situation depauvreté chronique. (Mongbo, R.). Malgré cettesituation de précarité, la population totale n'a cesséd'accroître et la région a encore aujourd'hui des tauxde fécondité très élevés. En outre, la sous-régionsahélienne fait face depuis plus d'un demi siècle, à undéficit pluviométrique chronique ayant entraîné unebaisse de 20 à 30% des précipitations dans la période1930-1990, augmentant ainsi la pression sur les terresfertiles qui se raréfient de plus en plus. Cettegéographie hostile, conjuguée à des politiquesagricoles instables et mal adaptées se sont traduitespar une baisse de la performance du secteur agricole,

poumon de l'économie régionale. C'est ainsi qu'on anoté une baisse des rendements de la productioncéréalière par tête, surtout dans les pays sahéliens : -1,2% Nigeria , -41,2% au Sénégal et -24,2% au Niger(Toumin et Guèye, 2003).

Mais ce tableau d'ensemble cache des disparitéssouvent importantes entre les différents pays. En effet,certains pays sahéliens comme le Niger font face àdes contraintes naturelles particulières qui accentuentconsidérablement la vulnérabilité des populations. Lacrise alimentaire qui a encore frappé le pays en 2005,et qui est venue s'ajouter à une longue liste de crisessimilaires qu'a connues le pays depuis plus d'unsiècle, en est une parfaite illustration. Il est vrai que lecaractère spectaculaire de la crise actuelle est engrande partie due à sa sur-médiatisation au point defaire oublier que cette situation que vit actuellement leNiger n'est ni nouvelle ni spécifique, même si l'ampleurqu'elle a prise dans ce pays est sans communemesure avec celle de la crise qu'a connue au mêmemoment le Mali, pays voisin.

Les crises alimentaires qui surviennent de façon assezrécurrente en Afrique de l'Ouest et dans la zone Sahelen particulier ne sont pas le fruit du hasard. Il existedes causes d'ordre structurel dont la non maîtriseexplique en grande partie la vulnérabilité chronique etle faible degré de résilience de certaines populationslocales. Il s'avère par conséquent, indispensable demettre en place des approches et méthodes pour unebonne compréhension des causes de la pauvreté etde vulnérabilité chroniques, leurs caractéristiques etleurs dynamiques, les réponses politiques etcommunautaires aux fins de proposer des stratégiesdurables d'anticipation et de renforcement des moyenset modes de vies durables des populations. C'est danscette perspective que s'inscrit la présente étude decas, qui saisit le prétexte de la crise alimentaire quisévit actuellement au Niger pour proposer des pistesde réflexion à ces différents axes.

Pauvreté chronique au Niger

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; DOCUMENT DE TRAVAIL No 2;

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PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETÉ CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

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Pauvreté chronique au Niger

Le Niger est un pays vaste avec une superficie de1.267.000 km2 pour une population de 11, 8 millionsd'habitants (Banque Mondiale, 2004). Il est situé enpleine région sahélienne, sans accès direct à la mer,et avec la plus grande partie du territoire occupée parle désert. Ainsi les ¾ de la population vivent sur 25%du territoire et les terres cultivables ne représententque 12% de la superficie totale du pays. Au cours dela décennie 1990-2000, le secteur rural a occupé plusde 83 % de la population. Il produit environ 41% duproduit intérieur brut (PIB) dont 27 % proviennent del'agriculture, 10 % de l'élevage et 4 % de la pêche etdes forêts. Elle contribue pour 31% aux recettesd'exploitation, c'est-à-dire presque autant que lesecteur de l'uranium (32%). Le Niger est un pays oùles systèmes de production sont traditionnels et sontaxés sur une association entre l'agricultureprincipalement céréalière et auto-consommée, et unsystème pastoral variable selon le type detranshumance.

L'augmentation du poids relatif des activités ruralesdans la formation de la richesse nationale résulteessentiellement de l'accroissement de la part desproductions agricoles, qui passe de 20% à 27% duPIB total entre 1990 et 2001, tandis que les parts del'élevage et de l'ensemble " pêche et forêt " restentconstantes (République du Niger, 2003). Les donnéesde la DSCN font état d'une création de richesses par

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habitant en zones rurales 5 fois plus faible qu'en milieuurbain. C'est ce qui fait dire à certains que la "ruralisation " de l'économie nigérienne se renforce deplus en plus. Cependant, du fait de la prédominancedes cultures pluviales, cette position est soumise à desfluctuations certaines. A titre d'illustration, entre 1975et 1995 par exemple, la variation annuelle moyenne dela production de céréales a été de 22 % (Seyni etAbdoulaye, opcit). La production agricole par tête abaissé de 21% au cours de la période 1930-2000 alorsqu'en même temps le pays connaît l'un des taux decroissance démographique les plus élevés du mondeavec 3,3%. Un tel niveau d'accroissement entraîneraun doublement de la population tous les 22 ans.

L'évolution économique du pays peut être découpéeen trois phases. La première, qui va de 1975 à 1983est caractérisée par une croissance économique dueprincipalement aux retombées du commerce del'uranium. La seconde est caractérisée par unecontraction économique qui a justifié la mise du payssous ajustement structurel. Elle va de 1984 à 1990.Enfin, la troisième phase considérée comme celle du "renforcement de l'ajustement de l'économie " a débutéen 1991 et se poursuit encore aujourd'hui. C'est danscette phase caractérisée aussi par une certaineinstabilité économique que les gouvernants vont initierle Programme Cadre de Lutte Contre la Pauvreté(PCLCP).

I. Présentation du Niger

DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

II. Perceptions de la pauvreté au Niger

Bien que la pauvreté soit habituellement mesurée entermes monétaires, elle possède de nombreux autresaspects. La pauvreté n'est pas seulement liée aumanque de revenus ou de consommation, mais aussià des performances insuffisantes en matière de santé,d'alimentation et d'alphabétisation, à des déficiencesde relations sociales, à l'insécurité, à une faible estimede soi-même et à un sentiment d'impuissance. Danscertains cas, les outils développés pour la mesure dela pauvreté monétaire peuvent s'appliquer auxindicateurs non monétaires du bien-être (Coudouel etal,?). Au Niger, la pauvreté est un phénomènemultidimensionnel et complexe. C'est pourquoi, il estdifficile de lui donner une définition fixe et unique.

D'après l'état des lieux actuel, la pauvreté peut êtredéfinie comme la détérioration du pouvoir d'achat etdes conditions de vie des populations résultantprincipalement de l'absence de croissance économiquedue au déséquilibre structurel permanent entre lacroissance moyenne faible du PIB et celle de lapopulation ; l'absence du développement des secteurs

et des facteurs productifs, notamment le blocage dudéveloppement rural qui tient lieu de secteur moteur del'économie, la dégradation des ressources naturelles,la modicité et le recul du crédit à l'économie, le faibleaccès de la majorité de la population aux capacités degouvernance ( ces faiblesses étant beaucoup plusimportantes à la base au niveau des communautéslocales rurales et urbaines). La pauvreté se traduitaussi par l'absence de revenu adéquat (pauvretémonétaire) pour faire face aux besoins fondamentauxminimaux en matière de nutrition, de sécuritéalimentaire, de santé, d'éducation et de l'accès auxinfrastructures de base. Elle renvoie également par unmanque d'opportunités de participer à la vie sociale etéconomique. Au total, la pauvreté est un état dedénuement individuel ou collectif qui place l'hommedans une situation de manque ou d'insatisfaction deses besoins vitaux essentiels. Au Niger, où la plupartdes facteurs de pauvreté sont endémiques, et où lescrises dues à des catastrophes naturelles (sécheresse,attaque des criquets,) sont récurrentes, la pauvreté etla vulnérabilité sont étroitement liées.

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

dance, marginalisation, rareté, restriction des droits etdes libertés et incapacité à prendre des décisions. Laperception de la pauvreté n'est cependant pasuniforme. C'est un phénomène perçu différemment enfonction du lieu, de la période, de la catégorie socialeet/ou de la position sociale occupée (Oduro et Aryee,2003). Mais, comme le montre le tableau 1, quelquesoit le groupe, la pauvreté, renvoie essentiellement àun état de manque. (Cf. tableau 1)

Pauvreté chronique au Niger

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Pauvreté et vulnérabilité

Pauvreté et vulnérabilité sont deux concepts qui vont de pair dans l'imaginaire populaire nigérien, car l'état devulnérabilité est souvent perçu au Niger comme une passerelle vers la pauvreté. Au cours d'enquêtes réaliséesdans les quartiers pauvres de Niamey, les ménages ont été recensés et classifiés par niveaux de vulnérabilitédéfinis par un échantillon de chefs de ménage. Sont considérés comme vulnérables les chefs de ménage quin'ont pas leur propre habitation ; et ceux qui ne peuvent pas subvenir aux besoins alimentaires et sanitaires deleurs familles et qui sont obligés de travailler pour les autres.Source : Seeda, 2004 :2

2.1. LA PAUVRETE DANSL’IMAGINAIRE POPULAIRE

Une enquête consistant à évaluer la pauvreté par uneméthodologie qualitative et participative a été conduiteen juin 2001 dans quelques villages du pays. Il ressortde l'analyse des données recueillies auprès des 1363personnes interrogées que la pauvreté était perçue àtravers plusieurs dimensions ou plutôt qu'elle semanifestait à travers les formes suivantes : dépen-

- manque des moyens de subsistance

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;- manque d'argent ;- manque d'habillement

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;- manque d'habillement

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;- manque d'habillement

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;- manque d'enfants

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;- manque d'enfants

- manque des stocks alimentaires ;- manque d'animaux ;- manque d'enfants

Selon les structures clés étatiques

Selon les ONG et projets

Selon les chefs traditionnels

Selon les élus locaux

Selon les groupements féminins

Selon les associations de jeunes

Selon les agriculteurs

Selon les éleveurs

Tableau 1 : Perception de la pauvreté selon les catégories sociales à Kaou

Source : Amadou et Aboubacar (2005)

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Pauvreté chronique au Niger

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

Dans cet état de manque, trois ressources sont com-munément citées : les ressources alimentaires, lamain d'œuvre à travers le nombre d'enfants, et les ani-maux. Cette perception de la pauvreté cadre avec lesdéfinitions institutionnelles qui la perçoivent sousl'angle de manque et/ou d'indisponibilité de ressourcesindispensables pour satisfaire les besoins essentiels ;c'est à dire, une situation dans laquelle la majorité dela population vit avec un bas niveau de revenus nepermettant pas de satisfaire leurs besoins et dans la-quelle les ressources disponibles dans l'économie,même si elles sont équitablement distribuées, sont àpeine suffisantes pour subvenir aux besoins essentielsde la population, et ce, de façon soutenable.(UNCTAD in Oduro et Aryee, op. cit.).

Selon le Programme des Nations unies pour le déve-loppement (PNUD), «la pauvreté représente une

situation d'incapacité (manque de compétence) de

profiter des divers aspects de la vie, comme vivre

sainement et longtemps, avoir accès à l'éducation de

son choix, disposer de ressources économiques

suffisantes et participer pleinement à la vie de la

société.» (PNUD in Seeda, 2005 :1). Dans uneperspective d'enrichissement du concept, la Banquemondiale a étendu le concept de pauvreté pour en-glober tout ce qui est relatif à une situation de risque etde vulnérabilité et à tout ce qui est absence d'expres-sion et de pouvoir (Seeda, 2005 : 2).

Il ressort de ces deux contenus que la pauvreté n'estpas, ou plutôt n'est plus seulement un état dedénuement matériel, mais elle serait à la fois :

- un état de dénuement matériel marqué par l'absencede ressources suffisantes ;

- un état incapacitant, d'un point de vue physique,sanitaire et intellectuel ne permettant pas à l'individud'exploiter les opportunités qui s'offrent à lui ;

- un état d'exclusion découlant d'une impossibilité departiciper à la vie de son groupe et/ou de la société etd'une impossibilité à s'exprimer ;

- un état de vulnérabilité face à une situation de risquedans laquelle baigne en permanence l'individu (Seeda,2005 : 2 op. cit.).

Cette perception de la pauvreté rejoint celle qui estprésente dans la littérature orale des Songhay-Zarma.Dans celle-ci, il y a une «représentation analytique»de la pauvreté à travers trois états de manque : leharaay ou manque de vivres ; le banji ou manque devêtement ; le moori ou manque d'argent (Mounkaïla inSeeda 2005 : 2).

Dans sa rubrique intitulée «A l'écoute», le journalSeeda (2005 : 2 op. cit.) a voulu revisiter les conceptstraditionnels de la pauvreté. Pour cela, il s'est mis àl'écoute des personnes âgées. Pour l'une d'entre elles,Godja ma Hé du village de Simiri ko dans le canton deSimiri/Ouallam, il y a plusieurs états de pauvreté dontla pauvreté d'esprit mais c'est plutôt la pauvretématérielle qui est plus référencée aujourd'hui. SelonGodja ma Hé, elle est surtout symbolisée par l'aspectvestimentaire mais elle serait caractérisée par un étattotal de dénuement matériel qui inclurait un manquede champs, d'animaux et d'argent. Cet état total dedénuement est désigné dans la terminologie populairepar talakataray. Celui qui vit dans le talakataray est untalakata. Ce concept a connu une certaine dynamique.Ainsi, historiquement, le talakata était une personnene bénéficiant pas de considération de la part de sesconcitoyens qui ne l'associaient pas au processus deprise de décisions. Selon Jean-Pierre Olivier deSardan (1982 in Seeda 2005), le concept de talakata,intègre les notions de roturier, de sujet et d'indigent.Mais, il précise que c'est la notion d'indigent qui estdavantage associée au concept. Le talakata est aussibien en milieu rural qu'en milieu urbain, un «sansargent». La monétarisation des échanges de biens etservices et le rôle accru de l'argent dans la structu-ration et la renégociation des rapports sociaux a pesébeaucoup dans ce glissement sémantique.

A côté du talaka, existent deux autres concepts quiexpriment aussi des états de pauvreté : le miskini, etle alfakaru. Le alfakaru renvoie au commun despauvres alors que le miskini, en plus d'être indigent,possède un handicap physique, mental ou moral. (Cf.tableau 2)

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE Pauvreté chronique au Niger

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Typologie selon la sévèrité

Critèresd’identification

SignificationTerminologie en langue

Zarma-Songhaï du Niger

Tableau 2 : Définition de la pauvreté en milieu Zarma-Songhaï

Talka bi

Miskini

W Très pauvreW Extrême pauvretéW Pauvre parmi lespauvres

W Est à la charge d'unparentW Vit le plus souvent desalariat agricoleW Ne peut pas travaillerla terre par ses propresmoyensW Vit souvent seul sansfemme ni enfantsW Sujet passif sans voixni pouvoir

W Pauvreté absolue etchronique

TalakaW Pauvre W Récolte moins de 50

bottes de milW Ne possède aucunanimalW Paysan sans terre

W Pauvreté chroniqueavec cependant defaibles possibilités deremonter la pente(après une bonnerécolte, il peutcommencer àreconstituer son capital)

AlfakaruW RelativementpauvreW Simple citoyenW Ni pauvre ni riche

W Peut récolter entre 50et 200 bottes de milW Peut nourrir safamille grâce à sesstratégies de survieW Utilise de temps entemps la main-d'œuvreagricoleW Peut posséder unecharretteW Possède un lopin deterre

W Pauvretéconjoncturelle outransitoire

Source : Seeda : 2005 : 1

Toutefois, comme le souligne Odura et al. (op. cit.), lapauvreté extrême et la pauvreté chronique renvoient àdeux réalités différentes. Alors que le premier termerenseigne sur la sévérité de la pauvreté, le second faitplutôt référence à sa persistance et concerne ceux quisont toujours pauvres, c'est-à-dire ceux dont le niveaude pauvreté est, en toutes périodes, situé en-dessousd'une ligne de pauvreté donnée ou alors ceux qui sonthabituellement pauvres, avec une pauvreté moyenneinférieure à cette même ligne de pauvreté, mais quipeuvent se trouver en certaines périodes au-dessusde cette ligne (CPRC, 2004).

Par conséquent, un individu ou un ménage qui viventune situation de pauvreté extrême pendant une courtepériode, peuvent ne pas être considérés commechroniquement pauvres. Mais les deux états peuventse trouver en même temps chez le même individu.Dans le cas du Niger, où les populations vivent defaçon cyclique des crises sévères, ces dernièresagissent souvent comme des amplificateurs d'unesituation de pauvreté déjà chro-nique et ajoutent ainsià la persistance de la crise un surcroît de sévérité.Dans la classification vernaculaire citée dans letableau ci-dessus, les talka bi et les miskini vivent

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE Pauvreté chronique au Niger

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assez souvent une association entre chronicité etsévérité.

Mais il est également important de distinguer la pau-vreté d'un certain nombre d'autres termes courammentutilisés comme la privation, l'exclusion et la vulnéra-bilité qui renvoient à des réalités plus précises. La pri-vation renvoie à la fois à une perte de choses néces-saires ou même d'un droit, alors que la vulnérabilité estsouvent définie comme le risque ou la probabilité dedevenir pauvre. Par contre l'exclusion résulte le plussouvent d'un rapport de force qui empêche un groupeou une personne dans la communauté de jouir de cer-tains droits.

CONCLUSION PARTIELLE

On perçoit à travers les définitions conventionnelles etla perception des populations que la pauvreté au Nigerest un phénomène multidimensionnel, illustré par ladiversité des termes utilisés dans le vocabulaire localpour caractériser les différents états de manque. Il fautcependant souligner que les différentes terminologiesutilisées font rarement cas de la pauvreté chronique.Evidemment, l'identification des groupes vivant dansune situation de pauvreté chronique est assez com-plexe et nécessite un dispositif d'observation longitu-dinal qui fait actuellement défaut. La nécessité de nepas réduire la pauvreté chronique à certains indica-teurs qui lui sont associés, comme la vulnérabilité, dé-coule du fait qu'une bonne compréhension de la dyna-mique de la pauvreté chronique peut permettre la miseen place de politiques et programmes de lutte contre lapauvreté mieux adaptés aux besoins des groupesvivant dans la pauvreté sur une longe période.

2.2. NIVEAU ET DYNAMIQUEDE LA PAUVRETE AU NIGER

Le Niger est l'un des pays les plus pauvres d'Afriquede l'Ouest. Sur le plan économique, la performanceglobale de l'économie est très faible. Pendant lamajeure partie des deux dernières décennies, lacroissance du PIB a été inférieure à celle de lapopulation. Le PIB annuel par habitant est estimé à172 $US, ce qui place le Niger au 161e rang sur 162pays. Entre 1990 et 2000, le PIB réel par habitant abaissé de 1,4 % par an, ce qui permet de conclure quela pauvreté monétaire s'est étendue et accentuée. Lepourcentage de personnes vivant avec moins d'undollar US par jour est estimé à 74,4 %, soit troispersonnes sur quatre.

Lorsque l'on retient comme ligne de pauvreté, le fait devivre avec moins de 2 $ US par jour, la proportion depersonnes atteint 91,8 % de la population, dépassanttous les pays d'Afrique de l'Ouest, exceptés la GuinéeBissau (92,9 %) et le Tchad (93,7 %)(Oduro et Aryee,op. cit.).

D'après des estimations effectuées en 1996, les deuxtiers de la population étaient «pauvres» et un tiers«extrêmement pauvre». La place occupée par le Nigerdans le classement des pays selon le niveau del'Indice de développement humain (IDH) renseigne surl'économie du pays et sur le bien-être de sespopulations. En 1999, il était classé 173ème sur les174 pays retenus. A cette date, il était en cessation depaiement et avait été éligible sur la liste des Payspauvres très endettés (Seyni et Abdoulaye, op.cit.). Lasituation ne s'est pas améliorée aujourd'hui, car ledernier classement IDH de 2004 place le pays audernier rang.

D'une façon globale, plusieurs indicateurs sont utiliséspour mesurer la pauvreté au Niger et cela, en rapportavec les quatre principales approches : monétaire,besoins essentiels, capacités ou opportunités etexclusion sociale (Brilleau, 2003 : 26). Ces différentesapproches aboutissent à la détermination d'indicateurssimples(1) et complexes ou synthétiques. Plusieurs deces indicateurs sont simultanément utilisés au Nigerpour cerner le phénomène de pauvreté(2). Pour Seyniet Abdoulaye (op. cit.), la mesure de la pauvreté, auplan officiel, se fonde généralement sur l'utilisation dedeux indicateurs. Le premier est déterminé à traversles en-quêtes budget-consommation du Programmeafricain de mise en place d'un dispositif d'enquêteauprès des ménages (PADEM). Les enquêtes quidatent de plus de dix ans déjà se sont déroulées endeux étapes : entre 1989 et 1990 pour la partieurbaine et entre 1992 et 1993 pour la partie rurale. Ilen ressort des seuils de pauvreté de 75 000FCFA/personne/an(3) en milieu ur-bain contre 50 000 FCFA/personne/an en milieu rural, et d'extrêmepauvreté de 50 000 F CFA/personne/an en milieuurbain et 35 000 F CFA/personne/an en mi-lieu rural.Sur la base de ces différents chiffres, 63 % de lapopulation nigérienne est pauvre et 34 % estextrêmement pauvre. L'examen de la situation de lapauvreté selon le lieu de résidence fait apparaître parailleurs qu'il s'agit d'un phénomène essentiellementrural, avec 86 % des pauvres qui vivent en milieu ruralparmi lesquels 36 % sont considérés comme extrême-ment pauvres (Tableau 3).

Le second indicateur est déterminé à travers lesenquêtes et études du PNUD dans le cadre du

(1) Les indicateurs simples les plus utilisés au Niger serapportent aux mesures monétaires et à celle des besoinsessentiels et du développement social, de la vulnérabilité et departicipation à la vie sociale.

(2) Il s'agit notamment des indicateurs relatifs à la pauvretémonétaire et celle dans les conditions de vie des populations.Ces indicateurs sont pour la plupart pris en compte dans lesindicateurs synthétiques que l'on retrouve au niveau national.

(3) 1 00FCFA =0,1524 euros.

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Année

IPH

10

DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

Rapport national sur le développement humain(RNDH). D'après cet indicateur, l'Indice de pauvretéhumaine (IPH) du Niger est passé de 64,31% en 1997,66,73 % en 1998 et 62,16 % en 1999 (Niger[République du], 2003) ; situation qui traduit dans tousles cas de figure que plus de la moitié des Nigériensest pauvre. L'examen de l'Indice sexo spécifique dedéveloppement humain (ISDH) montre par ailleurs quela pauvreté touche beaucoup plus les femmes. Cetindice révèle un écart de 23 à 727 entre les revenusdes hommes et les femmes pour une moyennenationale de 175.

Le DSRP fait état de discrimination à l'égard desfemmes. Cette discrimination s'explique par l'impor-tance des écarts qui existent entre le niveau des re-venus et le taux d'alphabétisation des hommes et desfemmes. En effet, alors que le revenu des hommes sesitue entre 1028 dollars PPA et 1408 dollars PPA, celuides femmes n'atteint pas 800 dollars PPA dans lestrois zones indiquées. Quant aux écarts d'alphabéti-sation entre les hommes et les femmes, ils sont aussiimportants dans ces trois zones. (Niger, [Républiquedu], 2002 : 35).

L'examen de certains indicateurs pousse à penser quela pauvreté n'est pas en train de se résorber et que, aucontraire, elle est en train de s'accentuer. Certes le

PNB par habitant est à lui seul insuffisant pour rendrecompte de la dynamique de la pauvreté mais son évo-lution permet d'entrevoir le processus de précarisationéconomique dans le pays. Le PNB par habitant avéritablement chuté, passant de 310 $ US en 1990 à180 $ US en 2000, au moment où un pays voisincomme le Bénin passait dans la même période de 360$ US à 380 $ US. (Cf. tableau 4).

Pauvreté chronique au Niger

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Tableau 3 : Indices de pauvreté et contribution à la pauvreté par lieu de résidence

Population%

Contribution à la pauvreté

nationale

Nombre de pauvres

Indice de pauvreté

P0 P1 P2

Milieu urbain

Niamey

Autres villes

Milieu rural

Niger

16,6

5,94

10,65

83,40

100

0,52

0,42

0,58

0,66

0,63

0,181

0,134

0,207

0,225

0,217

0,084

0,06

0,098

0,104

0,101

13,65

3,95

9,7

86,35

100

714 00

207 000

507 000

4 514 000

5 228 000

P0 : Incidence de la pauvretéP1 : Profondeur de la pauvretéP2 : Degré de gravité de la pauvretéSource : ENBC (1993). In Seyni et Abdoulaye (op. cit.)

Tableau 4 : Evolution de l'IPH (%) de 1997 à 2000(4)

1997

64,31

1998

66,73

1999

62,16

2000

62,61

Source : Niger [République du], 2003.

(4) Les données brutes correspondent aux dépenses desménages issus de l'enquête permanente de conjoncture écono-mique et sociale (EPCES, 1995). Celles-ci ont été redressées etcalées sur le PIB à partir des indices de prix à la consommationrégionaux (IRPC). Pour la méthode confère RNDH 2000 page108-109.

Dans les années 1990, certains des indicateurs desanté se sont détériorés. Le pays possède uneespérance de vie à la naissance de 46 ans, la plusfaible au monde pour une moyenne en Afrique del'Ouest oscillant entre 49 ans pour les hommes et 50,3ans pour les femmes (Oduro et aryee, opcit). Cettefaiblesse de l'espérance de vie à la naissance

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE Pauvreté chronique au Niger

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s'explique par le niveau élevé de mortalitésparticulières comme la mortalité infantile et la mortalitématernelle. Le niveau de la mortalité maternelle,exprimée en nombre de décès maternels pour100.000 naissances qui s'élève à 1600 décès, est ledouble de celui du Nigeria voisin (800), le triple decelui du Ghana et de la Gambie (540) et exactement lecentuple d'un pays d'Europe de l'Est comme laHongrie (16). Ce niveau de la mortalité maternelletémoigne aussi de la précarité des conditionséconomiques, sociales et sanitaires du pays. Cettesituation est renforcée par le taux de féconditéparticulièrement élevé qui est de 7 enfants par femme,le plus élevé au monde.

Concernant la mortalité infantile, le rapport sur l'Etatde la Population Mondiale de 2004, publié par le

FNUAP fait apparaître qu'à l'exception des deux paysfragilisés et désarticulés par la guerre que sont laSierra Leone (177/1000) et le Liberia (147/1000), leNiger possède donc le niveau de mortalité le plusélevé de l'Afrique de l'Ouest. Par ailleurs, la proportiondes enfants malnutris a grimpé, passant de 32 % en1992 à 40 % en 2000. Or la mortalité et la malnutritiondes enfants sont également des indicateurs pertinentsde mesure de la pauvreté. Coudouel et al, 2003(opcit)parlent " de pauvreté sanitaire et nutritionnelle ". Enfait, c'est l'état de santé ainsi que l'état nutritionnel quisont considérés comme des indicateurs de lapauvreté. C'est par induction qu'on ferait le lien entreun niveau de malnutrition sévère chez un individu et leniveau de pauvreté du ménage dans lequel il vit.

Tableau 5 : Evolution de l'IPH (%) de 1997 à 2000(4)

XXX

Bénin

Burkina Faso

Côte d'Ivoire

Gambie

Mali

Niger

Sénégal

Togo

Libéria

Revenu national par tête

% pauvretéextrême(moins

1$US/jour)

Mortalitéinfantile

(‰)

Accès à l'eaupotable

Index Gini

2000

0,420

0,320

0,428

0,414

0,277

0,431

0,493

IDH

1990

360

290

780

320

270

310

720

530

2000

380

230

660

330

240

180

500

300

2000

17.8

61,6

35,6

71,6

74,4

15,1

66,4

47

2000

17.8

61,6

35,6

71,6

74,4

15,1

66,4

47

2000

83,8

91,8

84,2

119

124

130

59

78,2

2000

55,1 (1998)

36,7 (1995)

50,5 (1995)

50,6 (1995)

Rang

158

169

156

160

164

172

154

141

Source : Oduro et Aryee, 2003, op. cit.

L'éducation constitue également un autre secteur dontl'état renseigne sur la pauvreté dans un pays car ellecontribue à la création et au renforcement du capitalhumain indispensable pour promouvoir un dévelop-pement durable. Avec un taux brut de scolarisation de41,7 % en 2001/2002, le Niger fait partie des troispays les moins scolarisés du monde. On note une trèsgrande discrimination concernant l'accès des filles àl'éducation, malgré une évolution en hausse. Plusieurs

facteurs expliquent cette situation, à savoir les cons-tructions socioculturelles (l'école est perçue comme unfacteur acculturant) ; les pratiques traditionnelles né-fastes tels que les mariages et grossesses précoces ;la division sexuelle du travail qui cantonne la jeune filledans les tâches domestiques ; l'inégal accès des femmesaux moyens de production, dont la terre et le crédit(Niger, République du, 2003). Mais un facteur encoreplus pernicieux, qui existe dans beaucoup de sociétés

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Pauvreté chronique au Niger

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

rurales au Niger et ailleurs en Afrique de l'Ouest, et quijustifie le faible investissement consenti pour l'éduca-tion des filles, concerne la conception selon laquellela femme est une «étrangère» aussi bien chez sesparents - car elle est appelée un jour à rejoindre le do-micile conjugal - que chez son mari où elle est consi-dérée comme quelqu'un venu d'ailleurs.

En outre, lorsque l'on examine les statistiques de laBanque africaine de développement(5), le taux d'anal-phabétisme du Niger est le plus élevé de l'Afrique del'Ouest. En 2000, il était de 84 % contre 24 % pour leCap Vert (le plus faible) et 76,1 % pour le BurkinaFaso (le plus élevé derrière le Niger). Lorsque l'onanalyse ce taux par sexe, le Niger détient aussi lerecord d'analphabétisme chez les femmes où il s'éle-vait en 2000 à 91,6 %, loin devant le Cameroun (30%),le Nigeria (44 %), le Sénégal (72,3 %), le Bénin(75,3%). C'est aussi, au regard de l'évolution du tauxd'analphabétisme, le pays qui a consenti le moinsd'efforts pour résorber le phénomène. Ainsi, lorsque letaux d'analphabétisme au Bénin voisin passait de71,9% en 1990 à 59,7 % en 2000, celui du Nigerpassait pendant la même période de 88,4 % à 84,1 %.

Enfin, pour ce qui concerne l'accès à l'eau potable,seuls environ 59 % des ménages en bénéficiaient en2000. Comme on le voit, quel que soit l'indicateur demesure de la pauvreté que l'on choisit (proportion dela population vivant avec moins de 1 $ US par jour, oule nombre d'enfants mal nourris, la mortalité mater-nelle) la proportion de la population touchée au Nigerest très importante. Malheureusement, l'améliorationdes conditions d'accès aux services sociaux de basese heurte à la faible capacité d'investissement dupays. En effet, le taux d'investissement public parrapport au PIB est de 5,7 % en moyenne pour lapériode 1999-2003. Pour atteindre l'objectif de déve-loppement du millénaire de réduction de la pauvretéde 50 % à l'horizon 2015, des efforts beaucoup plusimportants devront être déployés par l'Etat nigérien,mais celui-ci est pris dans un cercle vicieux (cf. fig.1)assez complexe.

CONCLUSION PARTIELLE

Combien de personnes sont sorties de la pauvretéchronique au cours des dernières années ? Combiende personnes se sont appauvries ? A quelles caté-gories socioprofessionnelles ou à quelles zones géo-graphiques appartiennent-elles ? Au Niger, commedans la plupart des autres pays de la sous-région, lesdonnées disponibles ne permettent pas d'avoir unevision claire de la question de la mobilité des différentsgroupes situés au-dessus ou en-dessous du seuil depauvreté. Or cet aspect de la dynamique de la pau-vreté au Niger peut beaucoup renseigner sur l'effi-cacité des politiques et des stratégies développéespar les populations pour faire face à la pauvreté chro-nique. Elle permet également d'orienter les mesures àmettre en place pour réajuster ces politiques. Cepen-dant, si on se réfère aux perceptions qu'ont les pau-vres eux-mêmes de leur situation, on se rend comptequ'il existe des facteurs structurels qui non seulementrendent souvent difficile un mouvement ascendant desortie mais tendent plutôt à tirer d'autres groupes dansune situation de pauvreté chronique. Le faible accèsaux services de base tels que l'éducation et la santé,l'exclusion sociale, les handicaps physiques, la fai-blesse du capital humain, l'accès difficile à la terre,sont autant de facteurs qui agissent simultanément surcertaines catégories sociales et contribuent ainsi à lesmaintenir dans ou à les tirer vers une situation depauvreté chronique. Un des objectifs de la recherchesur la pauvreté chronique au Niger devrait porter surune meilleure compréhension de la dynamique de lapauvreté.

2.3. TYPOLOGIE ET CARACTERISTIQUESDES PAUVRES CHRONIQUES

Il faut toutefois noter que cette situation d'ensemble dela dynamique de la pauvreté cache des disparitésrégionales. En effet, les conditions climatiques, lespotentialités locales disponibles et les types d'activitésqui leur sont associées, le niveau d'accès auxservices de base, sont autant de déterminantsimportants de la pauvreté, mais souvent inégalementréparties entre les différentes régions du Niger. Cettesituation est reflétée dans la distribution spatiale de lapauvreté. (Cf. fig 2).

(5) Oduro A. D., Aryee I., 2002, op. cit, p. 9

Le cercle vicieux de la pauvreté au Niger

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE Pauvreté chronique au Niger

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Distribution spatiale de la gravité de la pauvreté au Niger

Source : ONU, 2002.

Dans les différentes régions, la corrélation entre lescritères de pauvreté chronique et certaines variablessocio-économiques, met en évidence plusieurs groupesde pauvres chroniques. Deux études de l'ONG CAREInternational, menées dans les villages de Ouallam(département de Tillabery)(6) et Madaoua (départementde Tahoua) et réalisées chacune sur un échantillon de403 ménages et 14 villages, mettaient en exergue lesfaits suivants :

l Pauvreté chronique et étendue du ménage sont in-versement liées ; plus le ménage est petit plus il risqued'être pauvre, mais même si cette caractéristique nesemble pas spatialement stable (l'étude de l'arrondis-sement de Tillabéry met en évidence localement unetendance inverse) ; elle est confirmée par une étudemenée au Mali voisin (Toumin et Guèye, 2003) quirévèle que dans les environnements à risque, vivre engrandes unités domestiques offre des avantagesconsidérables. Par exemple, dans le village de Kaladans le centre du Mali, on associait les exploitationsles plus grandes à une plus grande richesse en bétail(nombre de têtes par personne), à un meilleur accèsau matériel agricole, ainsi qu'à une sécuritéalimentaire accrue (quantité de récoltes par per-sonne). La production et l'investissement en commundans les grandes familles (24 personnes en moyenne)offraient des avantages non négligeables. Les famillesnucléaires (huit personnes en moyenne) étaientbeaucoup plus vulnérables aux risques et ne pou-vaient bénéficier des économies d'échelle en matière

de production, d'investissement et de diversificationdes revenus.

l Le nombre de «sous-unités domestiques» du mé-nage (nombre de sous-ménages) croît avec l'inten-sification des activités agricoles. Il semble que les acti-vités agricoles les plus intégrées et les plusrémunératrices, sans doute également les plusconsommatrices de main d'oeuvre, conduisent àpoursuivre les pra-tiques de «famille élargie».

l Le nombre d'enfants semble plus lié à l'intensifi-cation agricole (besoins de main d'œuvre). Lesménages les plus vulnérables en situation de pauvretéchronique, de plus petite taille, ont également moinsd'enfants.

l Les ménages dirigés par une femme sont pluspetits que ceux dirigés par un homme, ils sontégalement plus simples (moins de sous-unités),comportent moins d'enfants par adulte, sont plusdépendants (critère agrégé construit par cette étude)et ont des revenus par personne qui représentent 46%de ceux dirigés par des hommes. C'est donc l'un desfacteurs très important de pauvreté.

l Les ménages les moins vulnérables sont ceux quicomportent des émigrés les plus lointains (ce qui aégalement pour impact de renforcer leurs capacitésd'apprentissage et d'innovation à terme. Ce sontégalement eux qui recourent le plus souvent à l'exode,et pour les durées les plus longues.

l Les superficies exploitées diminuent lorsque lapauvreté augmente, elles proviennent plus rarementd’héritages. Sans doute faut-il voir là l'un des moteurs

(6) Tillabery est le département où l'incidence de la pauvreté estle plus élevée au Niger)

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

important de la «reproduction sociale de la pauvreté»(le fait que les enfants de pauvres sont beaucoup plussouvent pauvres, et le demeurent adultes, enfermantla pauvreté dans un cercle vicieux où la pauvretéproduit la pauvreté et les perspectives «d'en sortir»sont ténues). C'est pourquoi, dans l'analyse de latransmission trans-générationnelle de la pauvreté, lefaible contrôle ou accès aux ressources foncières et

des autres ressources clés constitue un axe deréflexion intéressant.

l Des plus pauvres à ceux qui le sont le moins, lescheptels, bovins comme caprins doublent et les tauxd'équipement agricole (animaux de trait, charrues,charrettes) augmentent considérablement.

l Les revenus sont triplés entre les ménages les pluspauvres et ceux moins exposés;

l Les ventes de bétail, les activités génératrices derevenus, les revenus de l'exode décroissent touslorsque la pauvreté augmente. Non seulement lepauvre a peu de bétail, mais il le vend moins souvent,il accède plus difficilement à la diversification, y

Pauvreté chronique au Niger

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Les 7 groupes pauvres en milieu rural ont étédéterminés à partir des principales causesd'insécurité qui sont : le faible taux de couverturecalorique ; faible accès physique aux aliments ;faiblesse de revenus ; insuffisance alimentaire etnutritionnelle ; faible accès aux services agricoles,éducatifs, sanitaires.

1. Les petits agriculteurs vivant en auto-consom-mation et n'ayant qu'une petite exploitation dequelques hectares (moins de 5 ha) de mauvaisesterres (moins de 400kg/ha) ne permettant pas deproduire et stocker les quantités de céréalesnécessaires pour faire vivre leur famille (besoinsestimés à 250 kg de céréales par personne et par ansoit 2 000 kg de céréales pour une famille de 8 per-sonnes).

2. Les petits éleveurs ne pratiquant que l'élevagetranshumant dont les animaux, petits ruminantssurtout, ne totalisent pas 3 unités de bétail tropical(UBT) par personne ; ils ne peuvent donc vendresuffisamment de bétail pour acheter des céréalessans puiser dans le stock reproducteur qu'il leur fautmaintenir (30 moutons pour acheter des céréalespour une famille de 10 personnes.

3. Les bergers qui, ayant perdu leurs troupeaux(suite à la sécheresse ou aux maladies) se sontretrouvés comme gardiens de petits troupeaux

(petits ruminants). Le salaire n'étant que «saison-nier», il ne peut pas faire vivre une famille.

4. Les agro-pasteurs, pasteurs en voie de sédenta-risation n'ayant ni suffisamment de produits de bétailà vendre, ni suffisamment de terres non encoreproductives ou terres marginales pour s'auto-suffireen céréales - on les trouve notamment parmi lesgroupes Foulbé, Toubou et Touareg.

5. Les femmes-chefs d'exploitation agricole dont lecumul des tâches ménagères, maternelles et pro-ductives ne permet pas de consacrer suffisammentde temps pour la préparation des terres au momentdes pluies.

6. Les familles paysannes nombreuses (10 per-sonnes et plus) ayant trop d'enfants en bas âge quipâtiront du manque de soins et de nourriture, ainsique les familles pauvres qui disposent généralementde revenus trop faibles et aléatoires.

7. Les individus - généralement femmes enceintesallaitantes et les enfants de moins de 5 ans, physio-logiquement fragiles, souvent atteints de malnutritionprotéique ou de carences en micro nutriments (ané-mies, avitaminoses) détectés ou non par les dépis-tages médicaux.

Source :CILSS (2002)..

Classification du CILSS des groupes pauvres ou à risques

compris délocalisée, et aux productions commercia-lisables, ce qui renforce encore ses pratiques vi-vrières, dont on sait qu'elles n'assurent souvent,aujourd'hui au Niger, que 4 à 6 mois de survie et induitd'importants effets d'inertie.

D'autres groupes de pauvres chroniques existent. Enmilieu urbain par exemple où 25% de la population vitdans l'extrême pauvreté, la pauvreté chronique frappe

certains groupes tels les migrants saisonniers, lesmendiants, les sans-emploi et les handicapés. Leursconditions d'existence sont souvent plus dramatiquesen milieu urbain et péri-urbain, car les filets de sécuritébâti sur la solidarité et l'entraide en milieu rural fontsouvent défaut ou s'ils existent ont tendance à êtreplus lâches. Ils vivent dans des conditions de précaritécaractérisées par un accès difficile aux servicessociaux de base tels que la santé, l'eau potable etmême l'habitat. Assez souvent, les stratégies adoptéespour sortir de la crise peuvent emprunter plusieursvoies allant de la mendicité au travail des enfants enpassant par des formes plus extrêmes tels que le volou la prostitution.

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

Niger. D'ailleurs les faiblesses notées dans le ciblagedes groupes chroniquement pauvres dans les DSRPet autres programmes de lutte contre la pauvretédécoule en grande partie de ce vide. La notion degroupes vulnérables couramment utilisés au Nigerpour guider les actions de certaines ONG, l'Etat et desbailleurs de fonds ne prend en compte que trèspartiellement la question de la pauvreté chronique. Eneffet, la vulnérabilité renvoie à la probabilité de tomberdans la pauvreté si un certain nombre de risques oude menaces ne sont pas levés.

Bien évidemment dans un pays comme le Niger, il esttrès difficile de faire la différence entre la vulnérabilitéet la pauvreté car la plupart des communautésconsidérées comme vulnérables vivent déjà dans unesituation de pauvreté extrême d'autant plus quecertains facteurs de vulnérabilité (risque climatique,attaque des déprédateurs, crise alimentaire, etc.) sontquasi structurels au Niger. Cependant, pour améliorerla connaissance sur les groupes vivant dans unesituation de pauvreté chronique, il s'avère urgent deconstituer des données de panel dans les zones lesplus vulnérables du pays à défaut de le faire à l'échellenationale.

Pauvreté chronique au Niger

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(7) Gilliard, Patrick (2005). L'extrême pauvreté au Niger: mendier oumourir. Khartala.

l Environ 100 000 mendiants.

l Dont environ 50% des mendiants invalides s'ensortent.

l Environ 30 % des mendiants se trouvent dansune situation irréversible et permanente(donc chro-nique).

l Les riches dépenses environ 30 % de leurssalaires en dons.

l Mais les revenus des mendiants ont diminué demoitié en 6 ans du fait de la concurrence gran-dissante consécutive à l'afflux continu d'indigentsaux frontières de la capitale.

Source : Gilliard, Patrick(7)

Quelques données sur la mendicité au Niger

CONCLUSION PARTIELLE

Comme déjà mentionné, l'absence de bonnes donnéesde panel ne permet pas une bonne identification etune estimation du nombre de pauvres chroniques au

III. Les causes de la pauvreté chronique

«Les causes de la pauvreté vont au-delà du manque

d'argent: elles se manifestent également à travers

différentes formes de privation et de marginalisation

souvent ancrées au niveau local et nécessitant par

conséquent d'être résolues localement. Pour les

populations les plus pauvres, l'accès aux ressources

naturelles clés constitue souvent un facteur critique

pour leurs biens et leur sécurité. En même temps, les

catastrophes naturelles (inondations, sécheresses,

changement climatique, etc.) ont des impacts encore

plus néfastes pour les populations les plus pauvres.»

(IIED, 2005).

La pauvreté et la vulnérabilité sont deux faits quirésultent de l'interaction d'un ensemble de facteursjouant à des niveaux et concernant différents groupesde personnes vulnérables. Le Niger, à l'instar desautres pays de l'Afrique de l'Ouest fait face à unepauvreté chronique qui tient de causes structurelles.Mais des facteurs conjoncturels tels que lescatastrophes naturelles, les attaques des criquets, unebaisse drastique de la pauvreté peuvent se produire àintervalle plus ou moins régulier avec une ampleur quipeut faire oublier les cause structurelles profondes.

C'est ce qui s'est produit avec la crise alimentaire de2005.

Lorsqu'on examine la pauvreté chronique au niveaudes ménages et des individus, on remarque larécurrence des facteurs sociaux et économiques. Auplan social, ces facteurs ont trait à une mauvaisesanté, incluant les maladies, le handicap et lavieillesse ; un taux de dépendance élevé dû princi-palement à un taux de fécondité élevé qui se traduitdonc par une lourde charge de famille et auxcontributions souvent négligeables des hommes cen-sés être soutien de la famille. On note également uneforte inégalité au sein des ménages, où les femmes sevoient souvent refuser l'accès aux ressources clés telsque la terre du ménage et où les enfants sont traitéscomme la propriété de la famille du père ; un faibleniveau d'éducation, un facteur rarement mentionné parles pauvres comme une cause de leur pauvreté, maisinclus ici parce qu'il amplifie l'impact négatif des troisfacteurs précédents.

Au plan économique, le faible niveau de revenu despaysans ou des salariés agricoles qui travaillent delongues heures pour gagner très peu dans les zonesrurales, découle en grande partie de la faiblesse desrendements et du niveau très bas des prix à laproduction, tandis qu'en milieu urbain le problème est

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

souvent relatif à des salaires trop bas ou pour lesactivités informelles la marge bénéficiaire trop faible.En outre, l'inégalité entre les ménages recevant moinsde biens que d'autres notamment en raison des droitsque leur confère leur statut au sein de leurcommunauté constitue une donnée importante àprendre en compte. Enfin, la terre étant le principalcapital économique en milieu rural, les familles quisont dans une situation d'insécurité foncière chroniquefigurent parmi les pauvres chroniques.

Dans l'analyse des perceptions de la pauvreté auNiger, les causes suivantes sont généralement misesen exergue: l'accroissement de la population en cesens qu'il signifiait une augmentation des bouches ànourrir ; les sécheresses récurrentes ; la déplétion dela capacité productive en relation avec la dégradationdes sols et l'insuffisance de l'accès à l'eau ; l'isolementet l'enclavement qui limitent les opportunités ; lerelâchement des réseaux sociaux de solidarité ainsique la réduction de l'assistance à ceux qui en ontbesoin ; le manque de capitaux et de revenus ;l'existence de maladies chroniques et incurablescomme le VIH/SIDA ; l'absence d'opportunités poursubir une formation ou un apprentissage professionnel(Oduro et Aryee, 2002 : op. cit.). La persistance de cesproblèmes est renforcée par le fait que l'essentiel desrevenus des groupes les plus pauvres vont dansl'alimentation (plus de 70% pour le quintile le pluspauvre) contre 5% pour les services sociaux commel'éducation ou la santé. Les causes de la pauvretépeuvent être structurelles ou conjoncturelles.

3.1. LES CAUSES STRUCTURELLES

Si on adaptait la célèbre boutade du "développementaliste " suédois Ragnar Nurske, ondirait que le Niger est pauvre parce qu'il est pauvre.Cependant, les conditions naturelles sont certes peufavorables mais elles ne peuvent pas résumer à ellesseules, la pauvreté endémique dans laquelle sontempêtrées d'importantes franges de la populationnigérienne. En effet, la notion de manque qui renvoieaux différentes représentations sociales ou officiellesde la pauvreté renseigne davantage sur lesmanifestations de la pauvreté que sur ses causesprofondes.

Des conditions naturelles difficiles

Ce qu'il est convenu d'appeler une géographie hostilepour caractériser les conditions écologiquesparticulièrement difficiles au Niger rendent encore pluscomplexe la recherche de solutions durables pour faireface à la pauvreté. En plus d'une pluviométrieirrégulière avec une tendance à long terme plutôt à labaisse, moins de 15% du territoire présentent desconditions pour une production agricole convenable.

Dans une telle situation, la superficie du paysconstitue un handicap de taille dans la mesure où lescoûts pour la réalisation d'infrastructures routièresindispensables à la circulation des produits agricolesne sont pas souvent à la portée des maigresressources disponibles. Durant la crise alimentaire decette année, la situation dans certaines localités a étéaggravée par leur enclavement rendant difficile voireimpossible l'acheminement des vivres en hivernage.En outre, l'absence de bonnes routes a contribué àmultiplier les prix des denrées par un facteur de 1,5 à2, en période d'hivernage.

Par ailleurs, le temps de doublement très court de lapopulation augmente la pression sur les ressourcescar cela suppose plus d'investissements dansl'éducation, la santé, mais également dansl'agriculture pour faire face à la demande alimentaireet améliorer ou au moins maintenir le niveau de viedes populations. D'ailleurs, c'est une réponse ressortiede l'analyse de l'enquête participative sur la pauvretémenée en juin 2001 dans cinq villages du pays :l'accroissement de la population perçu commesynonyme de supplément de " bouches à nourrir " aété identifié par les populations comme cause de lapauvreté.

Des politiques inadaptées

Même s'il est important de mettre en exergue l'impactque les conditions climatiques et la disponibilité desressources naturelles peuvent avoir sur ledéveloppement d'un pays, on ne doit pas non plusperdre de vue l'importance d'avoir des politiqueséconomiques et sociales adaptées pour luttereffectivement contre la pauvreté. A ce titre, il suffit dejeter un regard sur le continent pour se rendre compteque des pays avec des ressources naturellesabondantes et variées enregistrent paradoxalementdes niveaux de pauvreté particulièrement élevés.

C'est la raison pour laquelle, on ne peut pas analyserles causes structurelles de la pauvreté au Niger sansinterroger les choix et stratégies politiques adoptés.Durant les années 1970, l'économie du Niger reposaitessentiellement sur les recettes tirées de l'exploitationde l'uranium. Cette option était certainement renforcéepar les effets combinés de la sécheresse et des coursparticulièrement avantageux de l'uranium sur lemarché mondial. Malheureusement, cette embellie futde courte durée car les exportations ont commencé àbaisser durant les années 1980 en même temps quela sécheresse s'est réinstallée dans toute la région.On assista alors à l'installation d'un système detaxation plus contraignante, une baisse des salaires,une libéralisation de plus en marquée du marchéimposée par une politique d'ajustement structurel(Baro M et Simon Butterbury in Wisner et al.2005) pourfaire face aux besoins de financement de l'Etat.

Pauvreté chronique au Niger

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La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994,même si elle a rendu les produits de l'élevage pluscompétitifs sur le marché international, a dans lemême temps renchéri les prix des intrants et desproduits alimentaires importés. Une desconséquences a été la réduction de l'appui dontbénéficiait le secteur qui inaugurait ainsi le débutd'une longue crise qui s'est manifestée, au cours des3O dernières années, par une baisse de la productionagricole par tête et même si on a pu observer unecroissance moyenne d'environ 1,6% de la productioncéréalière totale, celle-ci provient essentiellement de l'augmentation des superficies cultivées et parconséquent une pression de plus en plus forte sur lesressources foncières.

C'est ainsi que certaines pratiques, telles que lajachère qui ont pendant longtemps contribué àmaintenir la productivité des sols sont de plus en plusabandonnées. Dans certaines zones, les populationsont su inventer des pratiques novatrices ayant permisde maintenir la production agricole à un niveauacceptable, mais ces îlots de succès attendent encored'être institutionnalisés. Par ailleurs, les politiquesd'ajustement structurel initiées par la BanqueMondiale et le Fonds Monétaire International ontcontribué à l'affaiblissement des offices céréaliers.Ceux-ci avaient pour fonctions essentielles, larégulation et l'approvisionnement des marchés enpériode de pénurie. La récente crise alimentaire arelancé le débat sur les structures devant assurer lesfonctions dévolues aux offices céréaliers à savoir larégulation et l'approvisionnement des marchés. A titred'illustration, l'OPVN qui comptait 600 employés dansles années 1990 n'en compte aujourd'hui que 57(CSAO, 2005), avec comme conséquence unecapacité de réaction plus réduite.

Le poids de la dette

Durant la période du boom de l'uranium, legouvernement nigérien s'est lancé dans de grosinvestissements qui se sont également traduits par unendettement très élevé qui constitue un frein audéveloppement économique et social. A titred'illustration, l'encours total de la dette publique en findécembre 2002 était estimé à 1282,1milliards F CFA.La dette extérieure qui représente 85,3% de cetencours est constituée pour l'essentiel de la dettemultilatérale (78,4%). Le taux d'endettements'établirait à 91,4% en 2002 contre 96,3% un an plustôt. L'encours de la dette extérieure, qui constitue unpoids relativement important pour les financespubliques, représenterait l'équivalent de 4 ans et 7mois d'exportation. Le service de la dette extérieureavant rééchelonnement se chiffrait à 60,1 milliards FCFA et représentait 4,3% du PIB, 31,7% des recettesbudgétaires et 25,9% des exportations (Niger

République du, 2005 : op. cit.). Avec un tel fardeau, lespossibilités d'investissement dans le développementrural et dans la construction de services sociaux debase, sont minces. Une étude de l'UNICEF et duPNUD (UNICEF et PNUD) a montré qu'en 1995, seulsenviron 20% des ressources publiques allaient auxservices de base contre environ 30% pour le servicede la dette. Même si la situation a quelque peu changéentre temps avec le lancement de l'initiative PPTE, ilreste que les effets de cet endettement frappentencore aujourd'hui directement ou indirectement lescouches sociales les plus faibles.

Evolution de l’endettement au Niger

Source : Niger [République du], 2003. op. cit.

Utilisation non optimale des systèmes d'alerte précoce

En outre, malgré le caractère chronique des risques etde la vulnérabilité, les différents mécanismes d'alerteprécoce mis en place ne semblent pas judicieusementutilisés pour anticiper les crises et réduire au minimumleurs conséquences. Si la crise alimentaire de 2005 aeu les effets que l'on sait, cela ne tient certainementpas à un défaut d'alerte, celle-ci ayant bien eu lieu 6 à7 mois avant la manifestation des premières crises.Avec la répétition des crises plusieurs mécanismesd'alerte sont mis en place. Parmi ceux-ci on peut citerle centre Agrymeth du CILSS basé à Niamey quieffectue un suivi et des prévisions sur la situationclimatologique et les productions agricoles ; lesystème d'alerte précoce sur les famines mis en placepar l'USAID ainsi qu'un système national d'alerteprécoce mis en place par le gouvernement nigérien.

Même si ces systèmes ne peuvent pas empêcherl'apparition des catastrophes, ils fournissent auxdécideurs des informations critiques qui devraientpermettre de prendre des mesures nécessaires pour

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amoindrir les conséquences de telles catastrophes.Mais, il y a une impression générale que, pourdifférentes raisons (politiques, techniques,administratives) la capacité de réaction de l'Etat estfaible. Il faut ajouter à cela, les imperfections propresaux organismes d'aide en temps de crise et qui sedéclinent en procédures trop longues, manque decoordination des interventions, faible connaissance duterrain et de ses réalités. Par ailleurs, certainsobservateurs soulignent l'inertie des différentssystèmes mis en place en période d'embellieclimatique et de bonne production agricole, laprédominance des réponses techniques, la faibleimplication des populations rurales dans la définitiondes mécanismes d'alerte qui n'intègrent passuffisamment leurs propres stratégies ; l'absence d'unsystème d'information décentralisé efficace destinéessentiellement aux organisations communautaires debase, etc.

Tijani (in Seeda, 2005 :1) analyse le phénomène defamine à travers l'organisation de l'espace et lacirculation au sein de cet espace . Son argumentationrepose sur les éléments suivants. D'abord, lecaractère aléatoire de la pluviométrie est une donnéeque les populations ont toujours intégrée. Ensuite,l'intégration de cette donnée a amené les populationsà construire un mode de vie adapté permettant deconjurer au quotidien cette situation. Ce mode de vieétait articulé autour de " stratégies de survie "comprenant l'agriculture, l'élevage, la migration etc.Ces stratégies étaient développées de façonsectorielle et/ou combinée suivant les opportunités etsuivant les périodes. Enfin, ces stratégies de surviesont développées à l'intérieur d'un espace decirculation dans lequel des solidarités méridiennesjouent. Par conséquent, ce sont les gouvernants qui,en essayant de remodeler cette organisation politico-administrative, ont détruit l'articulation de ces modesqui possédaient une résilience certaine.

Manque d'infrastructures

L'absence d'infrastructures pour faciliter la circulationou le stockage des produits agricoles, introduit desdistorsions énormes dans les mécanismes du marchéet contribuent par conséquent à renforcer lavulnérabilité et la pauvreté des petits producteurs. Atitre d'illustration, l'augmentation sensible des récoltesde céréales durant la campagne 2002-03 s'est traduitepar une baisse de l'ordre de 23% du prix du mil àNiamey alors qu'une année plus tard l'augmentationdes prix du mil entre octobre et décembre 2004 a étéde plus de 200%, car durant cette courte période, leprix du kg de mil est passé de 100FCFA à 300FCFA(FEWS Net.2005). Dans les zones à vocationpastorale, cette situation prend les allures d'unedétérioration intra-annuelle des termes de l'échange

car si en Janvier 2005 il fallait vendre une chèvre pourpouvoir acheter 100gk de mil, il en fallait 3 ou 4 enjuillet de la même année pour obtenir la mêmequantité de mil. En facilitant l'accès aux marchés, lesinfrastructures constituent un facteur de stimulation dela production agricole. Une étude récente (Seydou,2003) a révélé à ce propos qu'une augmentation de10% de la densité routière entraînerait uneaugmentation de 8% environ de la production agricole.

A ces contraintes, il faut également ajouter larépercussion de la hausse des prix des hydrocarburessur les coûts de transports qui a atteint quelquefois10%. Les petits producteurs sont ainsi enfermés dansun piège pernicieux de paupérisation car doublementpénalisé par une sous-rémunération de leurs produitsagricoles après de bonnes récoltes et une sur-rémunération de ces produits lorsqu'ils doivent lesacheter en période de soudure. Ces distorsions quiconstituent des facteurs de paupérisation évident sontartificiellement créées par une faiblesse desinstitutions rurales, en particulier l'absence d'un bonsystème d'information sur les marchés, de bonnesinfrastructures de stockage, l'affaiblissement del'OPVN dont une fonction était de contribuer à larégulation du marché. Ces distorsions affectentégalement la compétitivité de certains produits pourlesquels le Niger dispose d'un avantage compétitifavéré. A titre d'illustration, les taxes représentaient en1998 jusqu'à 40% du coût du transport pour un camiond'oignon (dont le Niger est le premier producteur de lasous-région) entre le Niger et le Bénin et cela en dépitou à cause des contrôles nombreux ; entre 20 et 30 aulieu de 6 contrôles officiels (INSAH, 1998). A l'arrivée,il devient plus intéressant pour le consommateururbain d'acheter l'oignon importé d'Europe qui en plusde bénéficier d'une infrastructure plus performante estsubventionnée.

Un ordre commercial mondial inéquitable

Le Niger à l'instar des autres pays de la sous-régionsouffre des conditions imposées par la globalisationdes marchés. Les pratiques commerciales qui mettenten péril les conditions de vie des populations ruralessont en contradiction flagrante avec le principe de la "justice alimentaire " et débouche inéluctablement surdes politiques internationales non cohérentes. Danscette perspective on ne peut pas faire l'impasse surl'urgence à résoudre les distorsions commercialesactuelles si on veut véritablement lutter contre lapauvreté. Il est vrai que le Niger n'est pas un grandexportateur de produits agricoles sur le marchémondial, mais son secteur de l'élevage offre despotentialités importantes que des règles plus justes ducommerce international auraient permis de mieuxexploiter. Au plan sous-régional la part de marché dontdevrait bénéficier ce secteur, surtout au niveau des

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pays côtiers, est largement entamée par lesimportations des découpes de volaille et de produitslaitiers bon marché.

3.2. LES CAUSES CONJONCTURELLES

Ces causes peuvent être environnementales(sécheresse, dégradation des cultures et despâturages par le péril acridien, etc.). Dans laperception des populations, il y aurait un lien de causeà effet entre la récurrence des crises alimentairesintervenues depuis le début du siècle et leur état depauvreté actuel. Mais une des caractéristiques desphénomènes conjoncturels, c'est l'effet amplificateurqu'ils apportent à des situations structurelles. En outre,du fait de leur caractère quelquefois spectaculaire,certaines crises conjoncturelles peuvent focaliser lesattentions au point de faire oublier les causesprofondes de la pauvreté et de la vulnérabilité. C'estcertainement ce qui s'est produit au Niger en 2005,avec la crise alimentaire qui s'est produite, elle-mêmecausée en grande partie par l'attaque des criquets.Ces causes peuvent aussi être politiques, c'est le casde la crise alimentaire survenue à la fermeture de lafrontière entre le Niger et le Nigeria en (Année….)suite à une décision des autorités étatiques nigérianes.C'est la raison pour laquelle, on a donné le nom deBuhari à la crise.

La crise alimentaire de 2005 :amplificateur ou révélateur de la pauvreté

Les Nations unies estiment qu'un quart de lapopulation nigérienne, soit 3,5 millions de personnes,

ont souffert de la pénurie alimentaire. Médecins sansfrontières (MSF), a enregistré entre 10 et 15 décès parjour dans ses centres et prévoit de prendre en charge20 000 enfants malnutris cette année, soit deux foisplus qu'en 2004 (Le monde du 30/7/05). Au total,quelques 800 000 enfants vivant dans 3 000 villagessont menacés. La pauvreté ambiante presquegénéralisée accentue encore plus la vulnérabilité despopulations et les produits de première nécessitédeviennent de plus en plus inaccessibles à cespopulations. En dépit ou plutôt à cause de cettefamine, sur les marchés, les prix ont littéralementexplosé. Le prix d'un sac de mil de 100 kg, qui entemps normal oscille entre 10 000 et 12 000 Fcfa, aatteint 35 000 Fcfa. Les pasteurs, que l'on trouve aunord, sont descendus au sud pour trouver despâturages. Mais sans succès. " L'herbe a été coupée,stockée, et une botte pour nourrir une bête unematinée coûte jusqu'à 2 500 Fcfa ".

Toutefois même si la crise de cette année a étésévère, et que la récolte de 2004 a été environ 22%inférieure à la moyenne des 5 dernières années, elle aété par contre 11% plus élevée que celle de 2000 quiavait conduit à une crise alimentaire encore plusimportante mais qui n'a pas fait l'objet d'unemédiatisation comme c'est le cas en 2005. Il est doncimportant d'aller au delà des causes conjoncturelles etspectaculaires pour comprendre que la crisealimentaire est le résultat d'une spirale depaupérisation chronique en place depuis plusieursannées (Bullington, 2005).

Pauvreté chronique au Niger

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Tableau 6 : Evolution de la vulnérabilité au Niger

Année

N > 40N > 50N > 75

1992

1670

1993

32202

1994

1430

1995

1850

1996

1990

1997

23121

1998

930

1999

1530

2000

2050

2001

200

2002

700

2003

100

2004

2280

Source : CILSS/FEWS (2005)Légende :N>=40 : nombre de départements et communes en situation de vulnérabilitéN>=50 : nombre de départements et communes en situation d'extrême vulnérabilitéN>=75 : Nombre de départements et communes en situation de famine

Selon le Programme alimentaire mondial, l'insécuritéalimentaire qui ne cesse de s'accroître depuis plusieursannées découle de trois causes liées entre elles. Il y ad'abord le déficit alimentaire chronique, qui affecte unepartie importante de la population et provoque chez lesenfants un arrêt de croissance et une grave insuffi-sance de poids. On note ensuite un déficit alimentairesaisonnier durant la période de soudure, lorsque de

nombreux paysans n'ont plus de céréales etque le prix des denrées est élevé et enfin, undéficit alimentaire dû à des pénuries générali-sées et aiguës liées aux catastrophes naturelles(sécheresse, criquets, etc.). Une année sur troisenregistre un déficit compris entre 200 000tonnes et 300 000 tonnes de céréales pour unbesoin annuel d'environ 2,5 millions de tonnes.

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

Cette situation se traduit par une dépendance accruevis-à-vis des importations vivrières (28.000 tonnes/an)et de l'assistance alimentaire internationale. Un brefaperçu historique montre que depuis 1930, le Nigerest frappé d'une grave crise alimentaire tous les 15 ou20 ans. Ainsi, la mémoire collective nigérienne (Seeda,2005) reste encore très marquée par les grandescrises suivantes :

aIze Nere : vente des enfants (1901-1903) ;aDoa Jire : année des criquets (1931-1932) ;aYeda : nom du village (1943-1944) ;aGari : farine de manioc (1954) ;aBandabari : tourner le dos (1966)aDiaba Kuru : traîner les boubous (1984-1985).

Si de façon générale, c'est la détresse humaine etanimale qui est le trait commun de toutes les zonesaffectées par la crise, il reste que celle-ci se manifesteavec quelques traits particuliers selon les zones. Ainsi,au niveau de la commune rurale de Kaou, plusieursmanifestations de la famine ont été observées : ren-chérissement des denrées alimentaires de base (lamesure des 2,5 kg de mil était vendu à 1000 F, cellede sorgho à 900 F) ; réduction drastique du nombre derepas qui de 3, est passé dans la plupart des cas à 1 ;changement des modes alimentaires , les repas sefaisant uniquement à base de feuilles d'arbres et deplantes; alimentation animale à base de cartons ;hausse des taux de malnutrition sévère chez lesenfants ; niveaux élevés de mortalité animale (près de2000 vaches sont mortes à Dounbantan, 3000 àSultanazar, 2500 à Chilwalki) ; reconversion en agri-

culteurs des bergers ayant perdu leurs cheptels (Seyniet Abdoulaye, 2005 : op. cit.).

L'analyse de cette situation fait ressortir deux élémentsimportants. Il s'agit d'abord de l'absence de politiquescapables d'empêcher l'occurrence des crises bien queleurs causes soient en grande partie connues etquelquefois prévisibles, grâce à des systèmes deprévision de plus en plus performants. Il s'agit ensuitedes stratégies locales développées par les populationspour faire face de façon conjoncturelle aux crises, touten développant des solutions à long terme.

CONCLUSION PARTIELLE

Dans l'analyse des causes de la pauvreté, on se rendcompte que l'identification des facteurs déterminantsest fortement influencée par la situation de crisealimentaire endémique que vivent les populations. Eneffet, un accent particulier a été mis sur les facteursconjoncturels peut être parce que leurs impacts sontdirects et souvent spectaculaires. Mais il existeplusieurs autres causes plus insidieuses tels quel'exclusion sociale, l'absence ou la perte de bienscapitaux clés comme la terre et la main d'œuvre, leshandicaps physiques, les conflits et la situationd'insécurité qu'ils créent, etc. En outre, un phénomèneencore insuffisamment exploré dans les études sur lapauvreté au Niger porte sur les mécanismes detransmission intergénérationnelle. Cet aspect estd'autant plus important à cerner que comprendre cemécanisme permet de mieux s'atteler à trouver lesactions les plus appropriées pour son interruption.

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IV. Les réponses actuelles

4.1. LES REPONSES POLITIQUES

Mécanisme de prévision et de gestion des crises

Si on jette un regard sur les différentes initiatives desinstitutions en place, on se rend tout de même compteque le gouvernement nigérien a bien pris consciencede la permanence et de la gravité des facteurs derisque et de vulnérabilité qui menacent lespopulations. En effet, l'examen du cadre institutionnelmontre l'existence de plusieurs mécanismes.

S'agissant du cadre politique de la lutte contrel'insécurité alimentaire, la principale mesure que prendle Gouvernement pour gérer les crises alimentairesconsiste à maintenir un stock national permanent desécurité alimentaire, un fonds national de sécuritéalimentaire (réserve financière permettant d'acheterdes quantités supplémentaires d'aliments) et un fonds

commun de donateurs (qui permet de financer despetits projets de sécurité alimentaire tels que laconstruction de banques céréalières ou de petitsbarrages). Une cellule de crise alimentaire (CCA) estchargée de suivre la mise en œuvre et l'exécution desactivités entreprises pendant les crises alimentaires.En outre, le système d'alerte précoce comprend leComité national du système d'alerte précoce et degestion des catastrophes, une Commission mixte deconcertation état/Donateurs (CMC) créée afin desuivre la situation en matière de sécurité alimentairenationale et de coordonner les interventions duGouvernement et des donateurs contre les crises. Cesystème décentralisé associe aussi les partenairesque sont la FAO, l'USAID et l'Union Européenne. C'estun système d'alerte basé sur l'identification préalablede zones à risque et de populations vulnérables, leszones étant affectées d'indices de vulnérabilité, ce qui

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permet de mettre en place des actions visant àprévenir les crises et le cas échéant, à atténuer leurseffets. L'office national des produits vivriers du Niger(ONPVN) est une institution qui joue un rôle importantdans la gestion des crises alimentaires. Elle estchargée de maintenir les stocks alimentaires et dedistribuer l'aide alimentaire. Lors de la crise alimentairequi a suivi la mauvaise récolte de 2000, leGouvernement a décidé de lancer un programme devente de denrées alimentaires de base à des prixmodérés. L'initiative de promouvoir l'agriculture decontre-saison par la réalisation de cultures irriguées aégalement été lancée.

La Stratégie opérationnelle de sécurité alimentaire2000 (adoptée en août 2000) affirme que la sécuritéalimentaire de la population nigérienne constitue unservice public, ce qui signifie qu'elle est considéréecomme un objectif national fondamental. Le Plannational d'action pour la nutrition (1997) constitueégalement un document d'orientation fondamental.Pour faire face aux sécheresses fréquentes et climatsarides, les initiatives gouvernementales relatives àl'eau comprennent la politique et les stratégies pourl'eau et l'assainissement; un programme complet delutte contre la désertification et la sécheresse a été misen place. En outre, plusieurs ONG s'intéressent à lasécurité alimentaire sous des angles différents. Mais,malgré ce dispositif institutionnel étoffé, et le fait queles systèmes d'alerte précoce au niveau national etsous-régional avaient signalé plusieurs mois àl'avance la très forte probabilité de la crise alimentaire,les effets dramatiques de cette dernière n'ont pas puêtre évités. Cette situation pose la question del'exploitation adéquate, par les décideurs et lespartenaires au développement, des données fourniespar les mécanismes d'alerte précoce.

Cadre de lutte contre la pauvreté

A côté de ce dispositif, le gouvernement a mis enplace depuis 2001, dans le cadre de l'initiative PPTE,un cadre stratégique de réduction de la pauvreté àtravers l 'élaboration d'un DSRP. La SRP du Niger apour objectif majeur de réduire l'incidence de lapauvreté de 63% à moins de 50% en 2015. Lesprincipaux axes stratégiques de cette stratégie portentsur : (1) la création d'un cadre macroéconomiquestable avec un gain net de revenu par tête de 0,7%soit une réduction de 2 points de la pauvreté, (2) ledéveloppement des infrastructures routières et letourisme, (3) l'amélioration de l'accès aux servicessociaux de base pour les pauvres et (4) la promotionde la bonne gouvernance. Mais le DSRP précisecependant que la réalisation des ces objectifs dépendessentiellement d'une reprise du secteur agricole dontdépend essentiellement l'économie du Niger.

L'analyse du DSRP, montre, malgré le caractère plusou moins exhaustif des programmes thématiquesidentifiés, un certain nombre de faiblesses. D'abord,même si le processus d'élaboration s'est fait sur labase d'une large concertation, on sent une faibleparticipation des groupes les plus pauvres et desorganisations rurales de façon générale, dans la miseen œuvre et le suivi. Ensuite, on note une très fortetendance à une approche uniformisée de la pauvretéet des pauvretés alors que ce groupe renfermed'énormes disparités dont la non prise en compte peutconduire à des solutions qui ne répondent pas auxbesoins de ceux qui sont dans une situation depauvreté chronique et qui doivent être prioritairementciblés par les interventions. Selon Fall, A.S (2005)pour atteindre les pauvres, le ciblage doit figurer parmiles principes directeurs de mise en oeuvre des DSRPet non pas seulement comme simple mécanismetechnique de suivi des conditions de vie des groupesvulnérables. Car, pour atteindre les pauvres, il fautd'abord l'élaboration de programmes qui les ciblentprincipalement ainsi que les zones les plusvulnérables, ensuite un suivi-évaluation permanent etrigoureux exempt de tout clientélisme.

De manière générale, le DSRP a mis la priorité sur lacréation de richesse sans avoir planifié commentamener les pauvres à cet objectif de développement.Une politique de ciblage aurait permis d'analyser lesgraduations facilitant l'accès progressif des porteursd'initiatives issus du secteur populaire à unentreprenariat économique solidaire et la promotiondes formes de mutualisation ainsi que les finalitéssociales dans l'activité économique. Enfin, lesréponses proposées sont essentiellementinstitutionnelles et ne semblent pas mettre l'accent surla valorisation des stratégies d'adaptation despopulations. Or, l'information des politiques par lesbonnes pratiques peut contribuer à prendre desraccourcis dans la recherche de solutions qui peuventse révéler de surcroît très durables parce que ancréesdans les pratiques et besoins locaux.

Un autre cadre stratégique porte sur les OMD. Lesévaluations faites sur leur mise en œuvre, montrequ'au rythme de développement actuel, le Niger n'aaucune chance d'atteindre l'objectif de réduirel'extrême pauvreté de moitié en 2015.

La principale leçon à tirer de l'analyse du contexteinstitutionnel de lutte contre la pauvreté, c'est lamultiplicité et le manque d'articulation des différentesstratégies de sécurité alimentaire, de lutte contre lapauvreté. Or les liens organiques qui doivent existerentre ces différents instruments sont évidents. L'acuitédu problème de la sécurité alimentaire est telle qu'elledoit se situer au cœur du DSRP. Cette absenced'articulation a pour conséquence une dispersion des

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ressources, le chevauchement des interventions. Maisau delà de ces effets, la multiplicité des cadresstratégiques pousse à s'interroger sur la capacité del'Etat a en assurer l'articulation et la cohérence. Eneffet entre 1990 et 2000 pas moins de 15 stratégies oupolitiques ayant tout trait au développement du secteuragricole, à la lutte contre la pauvreté et/ou à la sécuritéalimentaire ont été mises en place.

Cette situation pose également de façon implicite laproblématique de la continuité des politiques et cellede la capacité de contrôle de l'Etat sur leur définition,car cette multiplicité de cadres de référence reflèteégalement, la tendance des bailleurs de fonds àvouloir, chacun marquer son territoire et sonempreinte. L'avenir dira si le DSRP a réussi à fédérerces différentes initiatives, ce qui ne semble pas encoreêtre le cas.

4.2. LES REPONSES COMMUNAUTAIRES

L'analyse des réponses (stratégies de survie) auniveau des différentes régions du Niger montre uneprédominance de 5 types de stratégies : la vente desanimaux, le petit commerce, le salariat agricole, lerecours aux réseaux de solidarité et l'exode. La vente

des animaux constitue le premier recours dans laplupart des régions et apparaît ainsi de manièreincontestable comme la principale réponse en périodede crise alimentaire sur l'ensemble du territoire. Puisviennent respectivement par ordre de priorité : le petitcommerce, l'exode d'un membre de la famille, lesalariat agricole, le recours aux réseaux de solidarité.On observe quelques spécificités régionales enfonction des dotations factorielles de chaque région. Atitre d'exemple, l'exode arrive en première position àTahoua, en 2è position à Bilma et en 3è position àTillabery ; il s'agit des régions où le salariat agricole,comme stratégie de survie est le moins cité (4e et 5estratégie). Cette stratégie de survie n'apparaît pas àMaradi où le salariat agricole est le premier recours.

On note également que l'agencement de cesdifférentes stratégies varie d'un milieu social à un autreet d'un contexte agro-écologique à un autre. Onremarque par exemple une situation très différente vis-à-vis du salariat selon qu'on se trouve en milieuHaoussa ou Zarma. Alors que dans le premier, lesalariat des femmes est très courant, dans le secondune telle pratique est uniquement acceptée chez leshommes et souvent comme ultime recours lorsque lesautres stratégies ne s'avèrent pas concluantes.

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Tableau 7 : Comparaison des stratégies prioritaires de survie en pays haoussa et Zarma

Source : Seeda spécial PAC-REP

Ordre de prioritédes stratégies de réponses

face à la crise

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Adoptées en zoneHausa

Salariat agricole (local)

Vente d'animaux

Autres activités

commerciales

Consommation de plantes

sauvages

Recours à la solidarité

Liquidation de biens

personnels

Exode

Aide de l'Etat

Consommation des

dernières réserves

alimentaires

Adoptées en zone Zarma

Exode d'un membre de la

famille

Vente d'animaux

Salariat agricole

Autres activités

commerciales

Consommation de plantes

sauvages

Recours à la solidarité

Aide de l'Etat et des ONG

Liquidation de biens

personnels

Consommation des

dernières réserves

alimentaires

Chez les femmeshausa

Petit commerce

Vente d'animaux

Salariat agricole

Aide et solidarité

Jardinage

Chez les femmeszarma

Vente d'animaux

JardinagePetit commerce

Vente de bienspersonnels

Aide et solidarité

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

développée, facilitée par une plus grande connectivitégrâce à l'amélioration des systèmes de transport et laconstruction des routes. Dans cette zone, ladiversification repose sur cinq grandes activités. Ils'agit de l'agriculture, de l'investissement dansl'élevage, de l'emploi agricole saisonnier, des activitésgénératrices de revenus comme le petit commerce etenfin de la migration. Environ 25% des hommes sontengagés dans une forme de petit commerce et lesrevenus provenant de la migration peuventquelquefois être assez importants et peuvent varierentre 50.000 et 250.000 FCFA par an. En outre, en1997, jusqu'à 25% des hommes adultes ont travaillécomme ouvriers agricoles dans les champs des autrespour un salaire journalier de 750 à 1000 FCFA.Toutefois, il apparaît que la taille de l'exploitation estun déterminant essentiel de la capacité dediversification.

Pauvreté chronique au Niger

PROGRAMME DE RECHERCHE SUR LA PAUVRETÉ CHRONIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST

; DOCUMENT DE TRAVAIL No 2;

Baro et Buterbury in Wisner et al (2005) décriventparfaitement comment de telles stratégies sont misesen application à Fandou Bari, petit village zarma situéà 55 km à l'Est de Niamey. L'agriculture pluvialepratiquée dans le village est dominée par le mil. Lapossession de bétail est une pratique courante chezles Zarma qui co-habitent avec quelques hameauxPeulh. Comme dans la plupart des zones arides enAfrique de l'Ouest, le contexte de vulnérabilitéchronique a toujours imposé aux populations d'êtreinventives et dotées de bonnes capacités d'adaptation.A Fandou Béri, ces aptitudes se déclinent en plus demobilité, et à un changement continu dans le moded'allocation et d'utilisation des ressources desménages. Dans les années 1950 par exemple, lamigration était un phénomène rare et les populationspouvaient vivre correctement de leur production. Maisdepuis les sécheresses des années 1960 et 1970,l'adoption de stratégies de diversification s'est

Stratégies populaires apportées à la crise (11)

Le point de vue de Dari Guélaou du village de Amili Gandan (canton de Tondi Kiwindi)

« Notre village est confronté à des difficultés énormes depuis plus de 10 ans. Regardez le village, tous les

bras valides du village ont quitté ; ils sont partis en exode à la recherche de la nourriture à Ouallam, à Niamey,

à la côte. Il n'y a personne dans le village. J'ai l'habitude de quitter le village pour me rendre soit à Niamey où

je pratique le métier de coiffeuse où je gagne 200 à 300 F par personne tressée. ; soit à Sansané Haoussa, où

je vends de l'eau pour un revenu de 1000 à 1500 F par jour ; soit encore à Karma, en tant que pileuse. »

Un chef de foyer du village de Foygorou (canton de Ouallam)

« Je suis père de 6 enfants. La plus âgée s'appelle Walkitou, elle a 12 ans. Elle n'a pas eu l'occasion d'aller à

l'école. Mais ses deux frères Hassane et Kadri fréquentent l'école. Pendant les vacances ils m'aident à

cultiver. Cela fait 18 ans que je laboure seul mes champs. Je n'ai aucune activité si ce n'est l'agriculture car

depuis notre enfance c'est à quoi nos parents nous ont initiés. J'ai 5 champs. Je cultive le mil et l'haricot, des

fois le sésame et l'arachide. Ma femme a son propre champ, elle cultive l'arachide et le wanzou. Mes enfants

et moi, labourons tous les 5 champs. »

Le point de vue de Bagué Ganda du village de Foygorou (canton de Ouallam)

« Je n'ai jamais mis les pieds à l'école. J'ai 5 enfants. Je suis un alfukaru (pauvre). Ma seule activité est

l'agriculture. Comme la récolte ne suffit pas, et puisque qu'il n' y a aucune opportunité au village, chaque

année, après la récolte, nous nous rendons à Niamey à la recherche du travail. On peut être des revendeurs

ambulants de prêt-à-porter. Et il y a d'autres qui sont embauchés dans des foyers comme ‘boy’ (12). Avec nos

revenus, nous payons 1 ou 2 sacs de mil pour envoyer au village. Comme stratégie de survie contre la faim,

je suis obligé de laisser mon champ pour cultiver les champs des riches afin d'avoir de l'argent et subvenir aux

besoins de ma famille. Pour se rendre à Niamey, celui qui n'a pas d'argent de transport, vend un petit

ruminant. Mais le plus souvent, on emprunte la somme auprès d'un villageois. L'avantage de la vente d'un

ruminant est que cela permet d'avoir un petit fond de commerce en plus du transport. Dès fois, on trouve

même pas de quoi manger à Niamey. Nous restons 5 à 6 mois, là-bas. Dès les premières pluies, nous

retournons au village. »

(11) « Témoignage du vécu : Comment vivent les pauvres ? », Seeda, Spécial PAC-REC.(12) Gens de maison.

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

autres activités saisonnières, elles ont essayé deconstituer un capital propre (matériel, terre, etc.).Toutefois, même si cette stratégie a permis de gérerde façon conjoncturelle les effets de la crise, elle aconstitué un facteur de renforcement de lavulnérabilité de ces petites unités souvent installéesdans des situations d'insécurité foncière et de nonaccès à la solidarité familiale en période de crise.

Détérioration des termes de l'échange entreproduits agricoles et produits d'élevage

Par ailleurs, la complémentarité qui a toujours existéentre les systèmes de production agricole et lessystèmes pastoraux a subi de profondesmodifications. Une des conséquences des crisessuccessives a été la détérioration des termes del'échange entre les prix des céréales et ceux desanimaux. En effet, le renchérissement des prix descéréales en période de crise pousse les populationsen zones d'élevage à vendre plus d'animaux pour seprocurer les quantités de céréales nécessaires à leurnourriture. Durant la crise de 2005, le prix du kg de milétait vendu jusqu'à 400 Fcfa alors que dans le mêmetemps le prix des animaux a été quelquefois divisé par3 ou 4 du fait de l'importance de l'offre et de l'état desanimaux. Pour faire face à cette détérioration destermes de l'échange, beaucoup d'éleveurs se sontlancé dans l'agriculture afin de produire eux-mêmesune partie des céréales nécessaires à leur nourriture.Ce phénomène est observé depuis la crise de 1984,avec toutes les conséquences sur la gestion de lamain-d'œuvre, de la transhumance et sur les conflits.Dans le même temps, en zone agricole, l'acquisitionde petits ruminants et de volaille s'est développéecomme une stratégie d'anticipation des crises surtoutpour sécuriser les biens du ménage qui sont venduslorsque celui-ci ne dispose pas d'animaux.

Mutations dans les stratégies migratoires

Il est noté que la migration a également subi plusieursmutations. Celle des jeunes devient de plus en plusune migration de longue durée et les destinations versles pays limitrophes (Nigeria et Libye en particulier) onttendance à devenir des zones de passage versl'Europe. Une telle option traduit implicitement unestratégie à long terme de sortie définitive du secteurrural. Ce phénomène a été déjà observé dans d'autrespays de tradition migratoire plus ancienne (Sénégal etMali en particulier) où dans les grands foyers dedépart, les revenus agricoles sont devenussecondaires face à l'importance des transferts reçusde la migration. Par ailleurs, dans les zones où lamigration saisonnière est toujours pratiquée, onobserve encore une fois chez les jeunes, l'adoption decycles courts de migration intra saisonnière enhivernage. Ainsi, après chaque grande opérationculturale (semis, sarclage, etc.) une migration de

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Il ressort de ces extraits de récits, quelquesconsidérations :

adans l'imaginaire des populations, la situation demanque est permanente et face à cette situation, lespopulations ont développé une certaine résilience,c'est-à-dire une capacité d'adaptation ;

acette adaptation est constituée d'une combinaisonde stratégies alliant des activités diverses touchantl'agriculture, l'élevage, les activités commerciales, lesactivités de services (boys),

aces activités sont sexuellement orientées : sil'agriculture concerne aussi bien les hommes que lesfemmes qui peuvent aussi disposer de champs,certains métiers sont pratiqués par les hommes(coupes de bois, commerce ambulant de vêtements)alors que d'autres activités sont pratiquées par lesfemmes (coiffure, meunerie, vente de mil),

aCes activités varient en fonction de la période. Ainsi,pendant la saison des pluies, les populations sont auvillage pour cultiver, et en période de saison sèche,elles vont dans les villes pour se consacrer à d'autresactivités commerciales. Il y a donc un ajustement desactivités par rapport au temps ;

aLes stratégies sont articulées autour de solidaritésfamiliales fonctionnelles. Donc, ces stratégies ne sontopératoires que lorsqu'elles s'appuient sur desréseaux de solidarités ;

aCertaines stratégies sont à forte utilisation de maind'œuvre familiale et supposent une mobilité despopulations, donc l'existence d'un espace decirculation.

4.3. CHANGEMENTS STRUCTURELSDE COMPORTEMENT APPORTESPAR LA PAUVTETE CHRONIQUE

La pauvreté comme facteur de dislocation del'unité familiale

Toutefois, il est également important de souligner quedu fait de la sévérité et de la persistance des crises,certaines stratégies de survie développées onttendance à introduire des modifications profondesdans les comportements individuels et la structure desrelations sociales. Une des premières conséquencessemble être l'éclatement de l'unité familiale enplusieurs sous-unités autonomes correspondant à desménages composés des époux et de leurs enfants.Cette stratégie a été adoptée pour faire face à ladifficulté de nourrir plusieurs bouches. Dans beaucoupde cas, ces petites unités familiales se sont déplacéesdans d'autres zones où grâce au salariat agricole et

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

quelques semaines est effectuée avant l'opérationsuivante afin de gagner quelques ressources pourprendre en charge les besoins des ménages.

Relâchement de la solidarité communautaire etindividualisation des stratégies de survie

L'affaiblissement de la solidarité communautaireconstitue un autre phénomène de la modification descomportements avec une tendance de plus en plusforte vers une gestion individualisée des crises.Plusieurs témoignages recueillis dans les zones decrise, dans la région de Maradi, révèlent descomportements de repli sur soi chez les personnes lesmoins affectées par la crise. Par exemple durant lacrise alimentaire de cette année, certaines familles ontpréféré amener leur mil à moudre hors du village etnon sur place pour éviter d'attirer l'attention desvoisins. Dans d'autres cas extrêmes, le refus estsimplement opposé à ceux qui viennent solliciter l'aide.Les familles n'échappent pas à ce phénomène.Toujours dans la zone de Maradi, il a été noté danscertains cas que la solidarité n'a pas fonctionné entreménages d'une même famille élargie où ceux quidisposaient de plus de mil ont refusé d'aider ceux quiétaient en rupture totale. Le même phénomène estobservé en ville où la recherche de revenuscomplémentaires reste articulée avec des solidaritésfamiliales. Or, celles-ci ont tendance à se relâcher enpériode de crise et les comportements individualistesrappellent la crise de 1966 appelée Bandabari ou "tourner les dos ", car les personnes qui disposaientd'un peu de ressources, tournaient le dos à leursparents. Analysant le phénomène de la mendicité auNiger, Gilliard (2005) fait remarquer que la mendicitétémoignerait bien plus que la perte de revenus desménages, elle marquerait l'émergence d'une nouvelletransformation en profondeur de la société nigérienne :celle de la modernité à travers l'individualisation desstratégies communautaires, l'émergence d'unecapitalisation dans le milieu rural, le rôle croissant dela ville et l'apparition d'une forme d'assistanat ; demême que le passage de la solidarité sociale aucaritatif qui est synonyme d'exclusion.

Enfin, la crise est également révélatrice du manque decompassion de plusieurs commerçants transformés enusuriers qui ont vendu les céréales qu'ils ont achetélors de la récolte précédente à des prix exorbitants ouoffrant des crédits de soudure à des taux usuraires,accentuant par la même occasion le piège de lapauvreté dans laquelle s'est déjà enfermée la majoritédes populations.

Il faut souligner que ces changements ne remettentpas en cause le fait qu'en règle générale, lessolidarités familiales et communautaires restentencore assez fortes et constituent des rempartsessentiels sans lesquels les conséquences de la

pauvreté et des crises ponctuelles auraient étéautrement plus dramatiques. Mais le réalismecommande de prendre conscience des évolutionsactuellement en cours dans les relations sociales etqui vont probablement s'accélérer avec l'urbanisation.

CONCLUSION PARTIELE

De façon générale, on constate que les réponsespolitiques ne partent d'une bonne compréhension duphénomène et de la dynamique de la pauvretéchronique au Niger, mais sont plutôt guidées par unsouci de trouver des réponses à des situations decrises plus ou moins récurrentes. En effet, même si lastratégie de réduction de la pauvreté cible un certainnombre de secteurs sociaux de base tels quel'éducation ou la santé, ou des secteurs économiquesclés comme l'agriculture, le ciblage des actions endirection des pauvres chroniques resteparticulièrement faible. Par contre, on se rend compteque les stratégies développées par les communautéss'adaptent mieux pour une prise en compte ducaractère multidimensionnel de la pauvreté chroniqueau Niger. Mais il serait intéressant de voir, dans lecadre d'études beaucoup plus ciblées si leschangements de comportement observés en périodede crise, avec la dislocation de certains liens desolidarité, sont passagers ou si au contraire, ilspréfigurent des modifications radicales qui pourraientaffecter la vitalité des filets de sécurité sociale dont lespauvres chroniques ont toujours su bénéficier.

Pauvreté chronique au Niger

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CREDIT : KAMIKAZ PHOTOS

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

5.1. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTEDES STRATEGIES LOCALES DANSLES POLITIQUES NATIONALES

Les transformations dans les comportementsmentionnés précédemment ne doivent pas cacher lesbonnes pratiques durables qui montrent la capacitéd'innovation des populations lorsque la péjoration desconditions écologiques remet en cause leur propresurvie. La prise en compte de ces stratégies contribueà rendre les réponses plus adaptées. Mais cela passepar la reconnaissance que les populations disposentdes capacités d'anticipation et d'adaptationcontrairement à cette idée récurrente dans lesdiscours officiels et selon laquelle les mentalitésseraient rivées sur l'immédiat et ne se projetteraientpas sur l'avenir, ce qui entraîne une gestionirrationnelle des ressources .

Comme le souligne Mortimore et al (2001), on devraitaccorder une importance égale au savoir et àl'expérience des paysans qu'à celle des chercheurs etdes vulgarisateurs ; les systèmes de vulgarisationdevraient se mettre au service des paysans plutôt qued'essayer de corriger ou d'orienter différemment lespratiques. Les zones rurales du Niger sont richesd'exemples qui montrent le caractère souventingénieux, novateur et durable des réponsescommunautaires et individuelles face aux difficultés dela nature. Dans ce cadre, une étude menée dans ledépartement de Maradi et couvrant la période 1960-2000 (Mortimore et al, opcit) a produit des résultats fortéloquents. Dans cette zone, beaucoup d'auteursavaient avancé depuis les années 1970, que lessystèmes de production étaient en pleine crise enraison de la combinaison de certains facteurs évolutifs,notamment : la péjoration pluviométrique, unecompétition accrue pour les ressources foncières enraison de la croissance démographique, des déficitsen fumure animale et en résidus des cultures(nécessaires au maintien de la fertilité des sols) deplus en plus importants, et une pénurie de main-d'oeuvre attribuée à la rapide extension des zonescultivées. Pourtant malgré ces contraintes, lesagriculteurs du département de Maradi ontglobalement réussi à maintenir pendant la périodeconsidérée la production céréalière moyenne (parhabitant, même si on inclut la population urbaine) àenviron 260kg/hab, niveau bien supérieur au tauxminimum requis habituellement de 200 kg/hab aprèsle battage et les pertes dues aux stockage. Cesrésultats ont été atteints parce que les populations ontsu développer des technologies adaptées.

Plusieurs leçons peuvent être tirées. Premièrement, lacroissance de la densité de la population dans leszones rurales peut faciliter un processusd'intensification agricole grâce à une augmentation dela main-d'œuvre agricole par ha, une croissance desmarchés et des coûts d'interaction plus faibles.Deuxièmement, un meilleur accès à des marchésrentables urbains ou extérieurs peut procurer desincitations et des fonds aux ménages paysans lespoussant à investir dans l'amélioration de laproductivité et la conservation des ressourcesnaturelles. Troisièmement, l'évolution technique et ladiversité des options techniques appropriées sontfacilitées par la croissance de la densité de lapopulation, l'urbanisation, l'interaction et la circulationde l'information. Quatrièmement, dans un contexte depénurie croissante des terres, la réaction consistant àaugmenter la productivité agricole favorise l'intégrationde l'élevage à la culture et la protection des ligneux surles terres occupées par des cultures pluviales. Enfin,la diversification des revenus, en association avecl'accès à l'éducation et la migration temporaire oudéfinitive, peut permettre de générer des fondssusceptibles d'être investis dans le secteur agricole, etpeut constituer également une part essentielle desstratégies intégrées utilisées par les ménages pourassurer leur subsistance.

5.2. AMELIORER LES SYSTEMESD’ALERTE PRECOCE

Un préalable à la mise en place d'un système d'alerteefficace, c'est de comprendre que l'insécuritéalimentaire structurelle relève davantage, dans le casdu Niger, de la pauvreté, des problèmes d'accès à lanourriture que de l'insuffisance des denréesalimentaires sur le marché. La question de la sécuritéalimentaire ne peut donc pas être dissociée de lapauvreté chronique puisque certains ménages sontdans l'incapacité d'acheter des céréales, même à unprix subventionné (CSAO/CEDEAO/CILSS, 2005).C'est la raison pour laquelle une articulation entrepolitiques de lutte contre la pauvreté et politiques desécurité alimentaire doit être développée. En effet,certains programmes de lutte contre la pauvretécomme les systèmes de protection sociale en faveurdes groupes les plus pauvres pourraient constituer desamortisseurs d'effets en temps de crise. Parallèlement,de bons programmes de sécurité alimentaire peuventprotéger ces mêmes groupes contre la décapitalisationqui constitue l'un des accélérateurs du processus depaupérisation chronique.

Pauvreté chronique au Niger

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V. Implications politiques

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

L'analyse de la production alimentaire dans le longterme montre que globalement, il existe un potentielqui doit permettre d'éviter ces crises. Mais, il apparaîtque les capacités de gestion entre les mauvaises etles bonnes récoltes restent faibles du fait d'uneinsuffisance d'infrastructures. Dans certains cas, unelogistique défaillante rend difficile le transport desexcédents des zones excédentaires vers les zonesdéficitaires. Il est de la responsabilité de l'Etat de créerces conditions, comme il doit également faciliterl'accès à d'autres mécanismes comme le crédit enpériode de soudure, l'accès aux aliments de bétail.Des mesures plus exceptionnelles en période de crisedoivent également être envisagées telles que " travailcontre nourriture ", la mise en place de cantinesscolaires (5 Clay, 2005).

Mais sans une bonne coordination régionale efficace, ilsera difficile de venir à bout des crises récurrentes. Eneffet, le Niger entretient avec ses voisins des relationscommerciales très étroites qui ont un impact certainsur son économie. Le CILSS déploie des effortsimportants pour mettre en place un système d'alerte

précoce performant ainsi qu'un mécanisme pourconstituer des stocks de sécurité pour faire face à lacrise. Pour les bailleurs de fonds, mettre desressources dans un tel investissement estcertainement aussi important que les aides d'urgence.Mais, il s'agit surtout de faire en sorte que lessystèmes mis en place soient plus flexibles pour tenircompte de la nature particulière d'une crise alimentairequi exige des capacités de réponses très rapides. Enpériode de crise il s'avère essentiel de veiller à ce queles aides d'urgence qui ont souvent pour conséquencel'inondation des marchés en produits moins chers, neproduisent des effets pervers sur la production agricolelocale.

Mais une condition pour garantir l'efficacité à longterme des systèmes de prévention et de gestion descrises alimentaires, est sans nul doute la meilleureprise en compte des stratégies locales dans lespolitiques. Les communautés vivent directement lescrises et sont par conséquent dans une position d'enapprécier les conséquences et les meilleuresstratégies pour faire face. Avec la mise en place de la

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En 1988, les densités moyennes dans les troisarrondissements situés au sud, étaient de 49 hab./km2, alors qu'elles étaient de 23 hab. /km2 dans lestrois situés au nord (Tiffen, 2001). En supposant queces taux de croissance se soient maintenus, en 1999la densité moyenne de population rurale a dûatteindre 44 hab. /km2, et 68 hab. /km2 dans les troisarrondissements du sud. Pendant la première phasede peuplement du département de Maradi, commeles densités de population étaient faibles, lescommunautés ayant migré pratiquaient des systèmesd'agriculture itinérante ou de jachère caractérisés pardes périodes de jachère longues (10 ans ou plus)séparant les cycles de culture. Ces jachères étaientsuffisamment longues pour permettre la régénérationde la végétation forestière et la restauration desnutriments des sols grâce à la décomposition et à ladégradation de la matière organique (Moussa, 2000).

Mais avec l'accélération du mouvement depeuplement constaté depuis le début du 20èmesiècle, avec d'abord la disparition progressive deszones réservées aux pâturages au fur et à mesureque les surfaces agricoles se développaient. Ainsid'environ 1,5 ha en 1977, la superficie par tête étaitestimé à environ 0,71 ha en 1988. Les effetscombinés de l'abandon progressif de la jachère, de ladiminution de la fumure organique du fait du recul del'élevage faute de pâturages et de la forte pressionsur ceux qui restent, de l'accès difficile aux intrants

minéraux, se traduisent par une dégradation de laqualité des ressources naturelles. Mais malgré cescontraintes, les paysans ont su mettre en place destechnologies adaptées qui leur ont permis demaintenir des niveaux de rendements leur ayantpermis de satisfaire en grande partie leurs besoins encéréales. Cette performance, qui bien entendu varieselon les années et les localités (en raison de lavariabilité de la pluviométrie) contredit la thèse selonlaquelle la crise de la production alimentaire est entrain de s'aggraver et devrait nous inciter àréexaminer certaines idées préconçues sur lapauvreté, à savoir qu'elle est inévitable dans unenvironnement marginal, elle ne peut qu'empirer, etles paysans les plus démunis ne peuvent pass'adapter aux changements au niveau de la demandedue à la croissance démographique.

Dans cet exemple de Maradi, la technologie agricolea été mise à contribution pour résoudre un certainnombre de difficultés au cours des 40 dernièresannées en permettant aux agriculteurs de s'adapter àla réduction pluviométrique et aux sécheresses deplus en plus fréquentes (adoption de nouvellesvariétés, pratique des associations et de la rotationpour améliorer la fertilité, introduction de nouvellescultures) et en les amenant à changer certainespratiques afin de s'adapter à de nouveaux marchés.

Source : Mortimore et al (op. cit.)

Stratégies d'adaptation à la sécheresse dans le département de Maradi

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

décentralisation, il est important d'analyser le rôle queles gouvernements locaux pourraient jouer.

Valoriser le potentiel de protection sociale qu'offrele secteur informel.

L'État doit également prêter plus d'attention au rôle dusecteur informel, car c'est lui qui absorbe l'essentieldes migrants qui arrivent en ville en temps de crise. Cesecteur qui contribuait en 1995 pour 28% du PIB a sapart augmenter constamment et il vient après lesecteur agricole pour le nombre d'emplois créés. Iljoue un rôle important car il offre plus d'emplois que lesecteur dit formel et constitue une des voies de sortie.Cependant, dans un contexte de pauvreté chroniqueet de vulnérabilité extrêmes, le secteur informel ne doitpas être uniquement perçu sous son angleéconomique mais plutôt comme un espace desolidarité dont le rôle principal est de fournir uneprotection sociale aux personnes les plus pauvres.L'entrée dans ce secteur se fait généralement àtravers des réseaux socio-familiaux sur la base d'unmécanisme de redistribution permettant aux nouveauxarrivants souvent sans ressources d'accéder assezfacilement à un fonds de départ, certes faible, mais quipermet d'être opérationnel assez rapidement.

En outre, un accompagnement gratuit sous forme deformation est offert afin de permettre à ces nouveauxopérateurs économiques de surmonterprogressivement les difficultés de l'apprentissage.Contrairement au secteur formel, les risques sontsouvent collectivement assumés, car les mécanismesde solidarité dans le secteur sont ainsi organisés.Sans un tel système, on verrait difficilement commentdes gens qui arrivent en milieu urbain, sansressources ni garanties, donc non solvables, puissentavoir accès à des fonds. Certaines activités du secteurinformel, comme le micro-crédit se sont révéléesparticulièrement efficaces dans la lutte contre lapauvreté. Devant la frilosité du système financiermoderne, à mettre en place une offre de servicefinancier adapté pour les plus pauvres, les initiativesde micro finance, qui se sont développées ces

Pauvreté chronique au Niger

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Tableau 8 : Contribution du secteur informel dans le

PIB (en millions de FCFA)

Année

1998199920002001

PIB total

1 086 7301 075 1551 134 7121 278 104

% PIB Secteur informel

74,68 %76,06 %75,32 %77,46 %

Source : Seeda, spécial PAC-REP.

dernières années au Niger, et en Afrique de l'Ouest,ont permis aux pauvres d'avoir accès à desressources qui leur ont permis de mettre en place desactivités génératrices de revenus ou simplement definancer la consommation en période de soudure et decrise. Mais on doit aller au delà du système informel etréfléchir sur des mécanismes pour des transfertsindirects tels que les systèmes d'assurance contre lescalamités, les prévoyances retraites, les créditssubventionnés à la production ou à la consommation,l'application de prix planchers lorsque les conditionsdu marché sont particulièrement défavorables auxpetits producteurs, l'institutionnalisation des mutuellesde santé, etc.

Toutefois, devant l'ampleur des besoins, une approcheplus systémique basée sur un partenariat entre l'Etat,les Ong, les bailleurs de fonds et le secteur financierformel devrait être recherché afin de mettre à profit lacomplémentarité de compétence (capacité demobilisation sociale et de compréhension desdynamiques communautaires pour les ONG, capacitésde la mobilisation des ressources et le montagefinancier pour les banques et la responsabilité de miseen place d'un cadre institutionnel et de conditions degarantie pour l'Etat)

Principales caractéristiques du secteur informel

aFacilité d'entrée

aConcurrence non réglementée

aTaille réduite des entreprises généralement detype familial

aUne formation traditionnelle acquise en dehors dusystème formel d'éducation

aUtilisation de techniques à haute intensité demain-d'œuvre

aNon prise en compte des normes juridiques,administratives et fiscales

aAbsence de comptabilité formelle

Source : Seeda : numéro spécial PAC-REP 2006.

Sécuriser l'accès des pauvres à la terre

« Dans une situation de compétition accrue pour

l'accès à la terre, et avec l'établissement de nouveaux

systèmes de décentralisation, l'incertitude, la

négociation et le comportement opportuniste

deviennent de plus en plus présents. » (IIED, op. cit.)

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DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE

En milieu rural, la terre constitue le capital le plusprécieux que peuvent posséder les ménages ensituation de pauvreté chronique. L'expérience montrequ'il y a une relation étroite entre le non accès sécuriséà la terre et la pauvreté. Dans ce contexte, les femmesoccupent une position particulièrement vulnérable. Eneffet, comme le montrent Doka et Monimart (2004)(13)

le processus d'exclusion des femmes correspond dansles faits à une nécessité de réajuster ou de rechercherun équilibre social entre la ressource et lesbénéficiaires potentiels. Leur étude menée dans leDépartement de Maradi montre que lorsque laressource foncière est abondante, les femmesaccèdent à la terre et jouissent de leur héritage foncier.Mais dès que la ressource commence à manquer leréajustement se fait à leur détriment car dans laplupart des cas elles perdent le droit de jouir del'héritage foncier. Ce phénomène s'est accentuédepuis la sécheresse de 1984, avec la dislocation del'unité d'exploitation et de consommation pour partagerles risques liés à la production, où les femmes ontprogressivement perdu l'accès à l'héritage avecl'application des coutumes (ou coutumes islamisées).Aujourd'hui ce processus d'exclusion a atteint un telniveau que les auteurs se demandent si l'agriculturen'est pas en train de se déféminiser avec toutes lesconséquences sur le renforcement de la paupérisationdes femmes du fait de la perte progressive de moyenséconomiques propres.

C'est pourquoi, pour lutter effectivement contre lapauvreté, le gouvernement nigérien doit renforcer lesmécanismes de protection des groupes les plusvulnérables. Des efforts importants ont été mis enœuvre dans le cadre du Code Rural en créant lesconditions pour une reconnaissance légale des droits.Toutefois, il est important de veiller à ce que l'essentieldes ressources foncières ne soient accaparées par lesaristocraties foncières locales et les nouveaux intérêtsprivés. Au Niger, étant donné le rôle que joue l'élevagedans l'économie du pays, et la précarité des droitsfonciers des éleveurs, il est important que lasécurisation des droits de ces groupes soit au centrede tout programme de lutte contre la pauvreté. On doitsurtout être attentif aux risques que les discoursactuels en Afrique de l'Ouest sur la modernisation del'agriculture et les nécessaires réformes des régimesfonciers qui doivent l'accompagner, peuvent avoir surles petits producteurs pauvres. Ces discours bâtis surla conception selon laquelle c'est à travers lapromotion de l'agrobusiness que l'on pourra résoudreles problèmes d'autosuffisance alimentaire s'accompa-gnent souvent de mesures consistant en l'installationde nouveaux acteurs.

C'est ce qui arrivé en 1984 avec l'opération Ainoma(retour à la terre en Haoussa). Une évaluation

conduite récemment (Démocratie 2000, 2004) a révéléque le rapport des superficies détenues par lesallochtones par rapport à celles des autochtones estde l'ordre de 3,2 avec cependant un taux d'exploitationassez faible de l'ordre de 49%. Mais globalement, lafaible performance de ces types d'exploitations semanifeste à travers une baisse généralisée desproductions des cultures céréalières ; une dégradationaccélérée de l'environnement ; une baisse deproductivité des sols (baisse de la fertilité) ; unefaiblesse de l'investissement dans les équipements,matériels et intrants agricoles ; des rapportsconflictuels entre acteurs (notamment entreagriculteurs et éleveurs). (Cf. tableau 9).

Garantir l'accès aux marchés pour les pluspauvres

La mise en place d'institutions rurales performantescapables de créer les conditions pour l'accès auxmarchés, au crédit et aux intrants et pouvant garantirdes prix rémunérateurs et stables doit être au centrede toute politique de lutte contre la pauvreté. On serend compte que ces institutions rurales restent assezfaibles, certaines raisons tenant de contraintesobjectives (taille du territoire, faiblesse des ressourcesnationales, etc.). Mais la question de l'accès auxmarchés ne peut être dissociée de la lutte pour uncommerce international plus équitable, unesuppression, sinon un allègement de la dette quiétouffe les économies des pays pauvres, uneredéfinition des règles qui guident l'aide internationale,mais également la promotion d'un commerce intrarégional plus poussé.

Mise en œuvre locale des OMD en les articulant àla décentralisation

Les différents acteurs interrogés sont unanimes àreconnaître le faible ancrage des processus deplanification pour l'atteinte des OMD avec lesdynamiques locales. Or les principaux groupes ensituation de pauvreté chronique ou de vulnérabilité, setrouvent en milieu rural. Leur implication dans cesnouveaux cadres stratégiques s'avère par conséquentindispensable. Pour ce faire, il est essentiel que legouvernement nigérien, en relation avec lespartenaires au développement mette en place desstratégies pour une articulation des stratégies localesavec les OMD dont le DSRP constitue un desmécanismes de mise en œuvre opérationnelle. Unetelle option permettra de donner une orientation plusmarquée pour la lutte contre la pauvreté aux différentsprojets et programmes mis en place au niveau local.En mettant également un système de suivi dont les

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(13) Doka, Marthe et Marie Monimart (2004) Pression foncièreet nouvelles normes d'accès à la terre : vers une déféminisationde l'agriculture au sud Niger ? IIED.

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indicateurs sont articulés avec les OMD, l'allocationdes ressources en faveur des secteurs et groupespauvres prioritaires en sera facilitée. On donneraégalement les moyens aux groupes vulnérablesd'avoir leur mot à dire sur le degré de pertinence etd'efficacité des réponses qui sont apportées à leursproblèmes. Le contexte est particulièrement favorableavec la mise en oeuvre de la décentralisation en milieu

rural avec des gouvernements locaux dont il faudracertainement renforcer les capacités pour les rendretransparentes, inclusives et responsables. Avec leurmise en place, les ressources déployées par l'Etat, lesbailleurs de fonds ou levées localement pourraient êtred'un grand apport pour le financement de programmesde développement local de lutte contre la pauvreté.

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(14) Gamana : parcelle de terre affectée par le chefd'exploitation aux autres membres émancipés de la famille.Gandu : parcelle principale différente des parcelles individuelleset destinée à la production alimentaire pour tout le ménage. Elleest gérée par le chef d'exploitation et tous les membres del'exploitation y travaillent.

Tableau 9 : Niveau de contrôle social sur le foncier (14)

Différents niveaux

Absence de contrôle sur lefoncier

Début de contrôle sur laterre au niveau des familles

Contrôle sur la terre auniveau des exploitationsfamiliales (moins de ventesà une personne extérieure)

Dislocation de l’exploitationfamiliale avec un partageintra-ménage des risquesliés à la production

Partage de responsabilitéalimentaire/saison

Gestion commune de lapénurie

Indicateurs

Existence de terreslibres

Pas de terres libres,mais terres réservéesnon exploitées

Pas de terres libres,pratique de la jachère

Moins de jachère, etrecours aux prêts

Pas de jachère, moinsde prêts

Petits gandu qui nepeuvent être morcelés

Situation des hommes

Droit de hache ethéritage

Héritage

Héritage

Héritage et prêts

Héritage, ocation, gageet prêts

Héritage, location etgage (rares et plussécurisants) etclaustration de champ

Situation des femmes

Droit de hache ethéritage avec jouissance

Héritage avec jouissance

Héritage mais terresrestent dans la famille, etpas de jouissance ; prêtde gamana par ‘poux

Application coutume, pasd’héritage, gamana pluspetits ; recherched’autres alternativescomme prêt, achat

Gamana seulement etdébut de réclamation del’héritage selon l’islam

Pas de gamana etseulement réclamationde l’héritage selon l’islam

Source : Doka et Monimart (2004)

VI. Axes de recherche et/ou de plaidoyer

La présente analyse, essentiellement basée sur unerevue de la littérature existante appuyée par desétudes ponctuelles de terrain, avait surtout pourobjectifs de fournir une vue d'ensemble sur la pauvretéau Niger, ses causes ainsi que les réponses politiqueset communautaires. Elle devrait également permettred'identifier des axes de réflexion critique qui devrontfaire l'objet d'une étude plus approfondie et sur unepériode plus longue afin de combler le gap créé parune absence de données longitudinales sur lapauvreté au Niger. Toutefois, toute recherche

complémentaire sur la pauvreté au Niger doit prendreen compte un certain nombre de considérations. Eneffet, les interprétations contradictoires de la dernièrecrise alimentaire (amplitude, sévérité, etc.) par les

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différents acteurs ont eu des ramifications même sur lamanière dont la pauvreté est perçue au Niger de sorteque aujourd'hui, le discours officiel préfère l'usage duterme " groupes vulnérables " à la place de " groupespauvres ". Or, s'accorder sur le sens des éléments quistructurent le travail de recherche est un préalablepour créer les conditions d'un dialogue entre leschercheurs et les décideurs. C'est pourquoi, dans lecadre de la suite à donner au programme au Niger lapriorité devrait être donnée aux axes suivants :

6.1. Mettre en place une étude pilote pour mettre enexergue l'articulation entre la vulnérabilité et lapauvreté chronique. La plupart des projets etprogrammes travaillant avec les communautés à labase au Niger, prennent la lutte contre la vulnérabilitécomme l'axe central de leur intervention. Mais lesfacteurs sur lesquels ils agissent ne constituent qu'unepartie de ceux qui sont à la base de la pauvretéchronique. Il serait par conséquent intéressantd'étudier l'impact de tels programmes sur la pauvretéchronique. Cette étude pourrait être menée dans uneou plusieurs des zones considérées comme les plusvulnérables et où des études ont déjà été menées (parexemple les études de CARE International) afin degénérer des données de panel qui permettraient unemeilleure compréhension de la dynamique de lapauvreté et de l'articulation entre vulnérabilité etpauvreté. Un partenariat avec CARE International outoute autre structure ayant mené des études similairesafin de voir comment les résultats de recherchepourraient aider à mieux structurer les programmes dedéveloppement et mieux orienter les actionsprioritairement vers la prise en charge des besoins desgroupes vivant dans une situation de pauvretéchronique.

6.2. Recherche et dialogue politique sur la mise enplace d'un système de sécurité social adapté.L'existence de filets de sécurité sûrs en période decrise constitue un facteur important pour réduire leseffets sur les groupes les plus vulnérables tels que lespopulations sans terres, les femmes, les enfants, lespopulations vivant dans les banlieues urbaines etc.Jusqu'à présent les mécanismes de protection sociale

existant s'appuient essentiellement sur les réseaux desolidarité, mais ceux-ci ont tendance à s'essouffleravec la récurrence des crises, leur sévérité et leurdurée. De son côté, l'Etat adopte une position plusréactive que proactive dans la gestion des crisesalimentaires. Or, de tels mécanismes ne s'attaquentpas aux causes profondes de la vulnérabilité et de lapauvreté. C'est la raison pour laquelle il s'avèreindispensable de réfléchir sur la mise en place d'unmécanisme de sécurité sociale dont l'objectif est dedoter les populations de façon générale et les groupesles plus vulnérables en particulier, de conditions leurpermettant de faire face aux crises lorsqu'ellessurviennent, mais également de pouvoir bénéficierd'un appui en période normale. Un tel système leurpermettrait de faire face plus facilement aux besoinssociaux liés à la santé, à l'éducation, mais égalementaux risques liés à la vieillesse, aux catastrophesnaturelles, aux politiques macroéconomiques tellesune baisse drastique de cours des prix agricoles, etc.Un tel système est d'autant plus opportun que lesgroupes en situation de pauvreté chronique sont ceuxqui ont le moins accès aux services de base. Maisdans un pays comme le Niger où les ressources sontrares, il faut beaucoup d'imagination pour inventer unsystème de protection sociale adapté.

Une étude plus détaillée devrait permettre de mieuxévaluer les opportunités et les contraintes, d'analyserles articulations possibles entre les systèmes quiexistent et qui sont basés sur des solidarités familialesou claniques et un système plus formel, d'identifier lesbesoins prioritaires à prendre en charge, de réfléchirsur le montage institutionnel à envisager, en prenanten compte la nécessité d'une bonne participation desprincipaux acteurs concernés. Cette étude devraégalement permettre de mieux comprendre le rôle quele secteur informel pourrait jouer dans la mise en placed'un tel système de sécurité sociale.

6.3. Documenter les bonnes pratiques de lutte contrela pauvreté développées à l'échelle communautaire etréfléchir sur des mécanismes à mettre en place pourque ces bonnes pratiques informent les politiques etsoient institutionnalisées.

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Cette revue a montré le caractère multidimensionnelde la pauvreté au Niger mais également et surtout ladiversité des stratégies développées par lespopulations pour faire face. De façon générale, lesdéfinitions conventionnelles et la perception despopulations font rarement référence à la notion depauvreté chronique, mais renvoient davantage audegré de sévérité de la pauvreté. Cependant la

Conclusion

nécessité de différencier la pauvreté extrême et lapauvreté chronique est importante et découle du faitque celle-ci peut avoir des implications importantes surle choix des politiques et programmes à mettre enplace pour lutter contre la pauvreté.

Toutefois, l'identification des couches dans unesituation de pauvreté chronique est assez complexe et

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nécessite un dispositif d'observation longitudinal quifait actuellement défaut. Combien de personnes sontsorties de la pauvreté chronique et combien depersonnes se sont appauvries ? A quelles catégoriessocioprofessionnelles ou à quelles zonesgéographiques appartiennent-elles ? Au Niger, commela plupart des autres pays de la sous-région, lesdonnées disponibles ne permettent pas d'avoir unevision claire de la dynamique de la pauvreté. Or mieuxcomprendre la dynamique de la pauvreté au Nigerpeut beaucoup renseigner sur l'efficacité des politiqueset des stratégies développées par les populations pourfaire face à la pauvreté chronique

D'ailleurs les faiblesses notées dans le ciblage desgroupes chroniquement pauvres dans les DSRP etautres programmes de lutte contre la pauvreté découleen grande partie de ce vide et conduit plusieursacteurs à utiliser des critères relatifs à la vulnérabilitépour bâtir leurs programmes d'intervention même sidans un pays comme le Niger, il est très difficile dedissocier la vulnérabilité et la pauvreté car la plupartdes communautés considérées comme vulnérables

vivent déjà dans une situation de pauvreté extrêmed'autant plus que certains facteurs de vulnérabilité(risque climatique, attaque des déprédateurs, crisealimentaire, etc.) sont quasi structurels au Niger.

Dans l'analyse des causes de la pauvreté, on se rendcompte que l'identification des facteurs déterminantsest fortement influencée par la situation de crisealimentaire endémique que vivent les populations.Alors que les réponses politiques à la pauvretésouffrent d'un manque d'efficacité du fait d'unecompréhension insuffisante de la dynamique de lapauvreté, les réponses communautaires essaient des'adapter à son caractère même si on gagnerait àmieux explorer l'impact des changements decomportement observés en période de crise sur laviabilité à long terme des filets de sécurité (sociale) etcommunautaire dont les pauvres chroniques onttoujours su bénéficier. Enfin, la question de latransmission intergénérationnelle de la pauvretémérite d'être mieux prise en compte dans lesrecherches futures afin d'identifier les leviers surlesquels agir pour interrompre ce mécanisme.

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Coordination régionaleIED AfriqueVilla 24, Sacré Cœur 3BP 5579Dakar Fann (Sénégal)Tél. : +221 33 86710 58 Fax : +221 33 86710 59Contact : Bara GUEYEE.mail : [email protected] Website : www.iedafrique.org

Point focal SénégalLaboratoire Paupérisation et TransformationsSocialesIFAN, Université Cheikh Anta DiopBP 206 Dakar Fann (Sénégal)Tél. : +221 33 825 92 32 ou +221 33 825 96 14Fax : +221 33 825 92 13Contact : Abdou Salam FALLEmail : [email protected]

Point focal Burkina Faso CEDRESUnité de Formation et de Recherche Faculté des Sciences Economiques et deGestion03 BP 7164, Ouagadougou (Burkina Faso)Tél. : +226 311 967 Fax : +226 312 686 Contact : Claude WettaEmail : [email protected]

Point focal NigerRéseau MARPBP 12003 Niamey (Niger)Tél. : + 227 20 73 44 73 ou +227 96 99 51 81Contact : Seyni HAMAEmail : [email protected]

Point Focal BéninCEBEDES/University d'Abomey-Calavi02 BP 778 Gbégamey Cotonou (Bénin)Tél: + 229 30 41 39 Fax: + 229 30 02 76Contact : Roch MongboEmail : [email protected] web: http://cebedes.org

Point focal GhanaMs. Abena D. OduroDepartment of EconomicsP.O. Box 57University of GhanaLegon(Ghana)Tél. +233 21 50 14 85 Fax +233 21 50 14 86

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