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Programme d’apprentissage mutuel d’égalité des sexes Les femmes et les médias France, 12 et 13 novembre 2018 Rapport de synthèse Les informations contenues dans cette publication ne reflètent pas nécessairement la position ou l’opinion de la Commission européenne.

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Programme d’apprentissage mutuel d’égalité des sexes

Les femmes et les médias France, 12 et 13 novembre 2018

Rapport de synthèse

Les informations contenues dans cette publication ne reflètent pas nécessairement la position ou l’opinion de la Commission européenne.

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La présente publication a bénéficié du soutien financier du programme de l’UE

«Droits, égalité et citoyenneté» 2014-2020.

Ce programme est mis en œuvre par la Commission européenne. Il contribue à

poursuivre la création d’un espace où sont promus et protégés l’égalité et les droits

des personnes, tels qu’ils sont consacrés dans le traité, la Charte et les conventions

internationales sur les droits de l’homme.

Pour de plus amples informations, veuillez consulter: http://ec.europa.eu/justice/grants1/programmes-2014-2020/rec/index_fr.htm

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Introduction Le séminaire d’apprentissage mutuel, qui s’est tenu à Paris les 12 et 13 novembre 2018, a examiné les bonnes pratiques de la France concernant les femmes et les médias. C’était la première fois que le sujet était abordé lors d’un séminaire d’apprentissage mutuel, signe de la reconnaissance croissante de son importance cruciale dans la réalisation de l’égalité des sexes. Des représentant·e·s des pouvoirs publics et des expert·e·s de 17 autres États membres de l’Union y ont également participé. Outre la France, les pays participants étaient : l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. La Commission européenne et l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) étaient aussi représentés. La directive de l’Union sur les services de médias audiovisuels (2010, en cours de révision1) interdit la discrimination fondée sur le sexe dans les communications commerciales audiovisuelles et encourage les États membres à promouvoir une image diversifiée et réaliste des compétences et du potentiel des femmes et des hommes. En outre, la Plate-forme européenne des instances de régulation de l’audiovisuel (EPRA), organe indépendant réunissant les régulateurs, a récemment publié un rapport sur la représentation des genres dans l’industrie des médias audiovisuels2, qui souligne l’existence de disparités généralisées. Le séminaire offrait donc une occasion opportune de passer en revue les mesures nationales et d’examiner les mesures à prendre à l’avenir.

1. La bonne pratique du pays hôte

1.1. Législation et politiques du gouvernement français

Le gouvernement français a adopté une approche transversale et proactive pour promouvoir l’égalité des sexes et lutter contre le sexisme et les agissements sexistes. Au cours des dernières décennies, un cadre juridique complet a été adopté, notamment en ce qui concerne la parité des sexes aux postes électifs et les quotas de représentation des femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Il existe un cadre solide pour l’égalité des sexes dans l’emploi, qui comprend l’obligation de mettre en œuvre des plans d’égalité des sexes assortis de sanctions en cas de non-respect et l’interdiction du harcèlement sexuel et des agissements sexistes sur le lieu de travail. Une nouvelle loi sur l’égalité de rémunération effective est entrée en vigueur en 2018. Pour ce qui est de l’égalité des sexes dans les médias, la loi de 2014 pour l’égalité réelle a marqué un tournant, en étendant les pouvoirs réglementaires du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui est désormais habilité à garantir une

1 Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la

coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels), JO L 95 du 15.4.2010, révisée par la proposition COM/2016/0287 final.

2 Plate-forme européenne des instances de régulation de l’audiovisuel (EPRA), Groupe de travail II. Achieving greater diversity in broadcasting – special focus on gender; Benefits and best practice approaches. Comparative background paper (Accroître la diversité dans le secteur audiovisuel – point focal sur la question du genre; avantages et meilleures pratiques. Document comparatif), 4 septembre 2018, EPRA 2018/04.

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représentation équitable des femmes et à contrôler les programmes de radio et de télévision. En 2017, ces pouvoirs ont aussi été étendus à la publicité, afin d’assurer une représentation adéquate des femmes. Le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations a été le fer de lance de la coordination et de la mobilisation interministérielle sur cette question. Premièrement, tous les ministères sont tenus d’adopter des feuilles de route sur l’égalité et de prendre des mesures proactives. Par exemple, depuis 2017, l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes du ministère de la culture et de la communication publie un rapport annuel de suivi et a adopté une nouvelle feuille de route (2018-2022), incluant des actions sur l’égalité au travail et la lutte contre le sexisme et la violence sexiste. Le ministère de l’éducation encourage l’éducation aux médias dès le plus jeune âge et le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), une institution gouvernementale, a créé des matériels de formation, ainsi qu’un concours scolaire intitulé «Zéro cliché», qui visent à développer l’esprit critique face aux médias et aux stéréotypes sexistes. Le ministère de la santé a mis en place des programmes de lutte contre les stéréotypes pernicieux dans les médias, qui peuvent favoriser l’apparition de maladies comme les troubles de l’alimentation. Les autorités locales ont également participé activement à des initiatives, telles que la décision prise en 2018 par la ville de Paris d’interdire la publicité sexiste sur le réseau municipal d’affichage ou la publication par la Région Normandie d’une série de guides visant à éviter les stéréotypes dans les communications officielles. Au niveau national, une autre initiative a été prise par l’Association française de normalisation (AFNOR), qui propose la certification de labels «Diversité» et «Égalité». Plusieurs chaînes de télévision et de radio ont ainsi obtenu le label «Diversité», mais pas encore le label «Égalité».

1.2. Mandat et mesures prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

À la suite de l’adoption d’une nouvelle loi en 2014, le CSA a été doté de droits et compétences juridiques étendus. Il peut émettre des avis et aussi prendre des sanctions à l’égard des médias publics ou privés qui ne respectent pas la législation concernant la représentation appropriée des femmes. Le CSA a constitué un groupe de travail, conjointement avec les principaux organes de presse, afin de parvenir à un accord sur les nouvelles règles en matière de rapports. Le CSA publie désormais un rapport annuel sur la présence des femmes dans les productions audiovisuelles, tant du point de vue qualitatif que sur le plan quantitatif, qui met en lumière les bonnes pratiques et formule des recommandations. Il est incontestable que des avancées ont été obtenues grâce à ces nouvelles règles, avec une progression de 2 % de la présence des femmes dans les programmes d’information, qui atteint aujourd’hui 40 % du total, et une augmentation de 5 % du nombre d’expertes invitées, qui représentent désormais 35 % du total. Cependant, il reste encore des défis à relever: par exemple, lors des dernières élections présidentielles, une diminution de 5 % du nombre d’expertes a été enregistrée. Au cours des quatre dernières années, le CSA est intervenu dans 22 cas en envoyant des lettres, en publiant des avis officiels et, à deux occasions, après des années de discussions, en prenant la décision d’imposer une lourde sanction. Ces deux affaires concernaient la représentation de femmes comme des objets sexuels et, dans les deux cas, la chaîne de télévision visée a fait appel, mais les sanctions

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ont été confirmées par le Conseil d’État en 2018. La loi de 2014 peut donc être considérée comme un instrument très efficace. Le gouvernement a élargi les compétences du CSA pour lui permettre de mieux lutter contre les stéréotypes sexistes et la sous-représentation des femmes dans les médias. En 2017, pour la première fois, le CSA a publié un rapport annuel sur la représentation des femmes dans les publicités télévisées fondé sur l’analyse de milliers de spots publicitaires, qui concluait que les deux tiers des publicités présentant une sexualisation des personnages mettaient en scène des femmes. Les parties prenantes ont été invitées à adopter un code de conduite, afin de réduire progressivement le recours aux stéréotypes sexistes récurrents dans la publicité. Le CSA négocie également une charte sur les émissions de télé-réalité et a commandé une étude sur l’environnement numérique en vue d’élaborer une directive sur les stéréotypes qui devra être adoptée par les sociétés de partage de vidéos en ligne.

1.3. Les bonnes pratiques de l’Union des annonceurs (UDA) L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) est un organisme d’autorégulation de l’industrie de la publicité. Elle a mis à jour son code de déontologie en 2018 et dispose d’un mécanisme de signalement en ligne pour les plaintes qui, si elles sont jugées justifiées, peuvent entraîner le retrait d’une annonce. Un vaste débat a agité le secteur à propos des stéréotypes sexistes dans la publicité, certains faisant valoir que la publicité ne fait que refléter la société et ne devrait pas chercher à la transformer. La mesure la plus importante à prendre est de lutter contre la sexualisation stéréotypée récurrente et systématique des femmes. En collaboration avec le CSA, l’ARPP et d’autres intervenants, l’UDA a adopté une charte d’engagements volontaires pour la lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité, qui compte actuellement 33 signataires. Le projet est d’analyser les publicités sur une période de deux ans au moyen d’une grille d’images stéréotypées, puis de publier un rapport contenant des recommandations sur les progrès à réaliser. La grille sera rendue publique en janvier 2019, mais elle est déjà utilisée par certaines agences de publicité. Sous l’influence, notamment, du mouvement #metoo, le monde de la publicité change, de même que les attitudes du grand public, en particulier celles de la génération du millénaire.

1.4. Les bonnes pratiques de l’Agence France Presse (AFP) En réponse aux préoccupations exprimées par certaines femmes journalistes sur la manière dont la violence domestique est rapportée et sur d’autres questions, la directrice de l’Information de l’AFP a commandé une étude indépendante à l’Université Toulouse 2 sur la représentation des femmes et des hommes dans les contenus de l’AFP. En conséquence, en 2018, l’AFP a adopté de nouvelles règles rédactionnelles afin de refléter la diversité et d’améliorer la représentation des femmes dans ses communiqués, d’accroître le nombre d’expertes consultées et de veiller, entre autres choses, à la féminisation des titres et fonctions. L’AFP a également organisé des séances de sensibilisation à l’intention des journalistes et a invité des expertes en matière d’égalité des sexes à participer à des réunions afin d’examiner les domaines dans lesquels il existe un risque de présentation biaisée, par exemple en s’assurant que les descriptions physiques et les références aux vêtements ne se limitent pas aux femmes; que la représentation des femmes et des hommes est équilibrée dans les dépêches sportives; que la situation familiale d’une personne n’est mentionnée que si elle a une réelle valeur informative; et que, dans

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les cas où une personne est désignée uniquement par son prénom, il ne s’agit pas systématiquement d’une femme. Le but est aussi de mieux rendre compte des violences sexistes et de veiller à le faire de manière respectueuse à l’égard des victimes. Les journalistes ont reçu une formation sur le signalement de la violence sexiste, car bien souvent, ni la loi ni les procédures ne leur sont familières. L’AFP publie chaque jour 3 000 photographies, dont 14 % seulement représentent des femmes. Il reste encore beaucoup à faire, mais l’AFP a pris conscience du fait que l’attention portée à la diversité et à l’équilibre entre les sexes lui permettra de bénéficier d’un éventail de sources et d’expertise plus large et d’un travail journalistique de meilleure qualité dans tous les domaines.

1.5. Les bonnes pratiques du Groupe Radio France Si l’action du gouvernement a été le principal moteur du changement en ce qui concerne la représentation des femmes dans les médias, la radio publique, Radio France, a aussi décidé de donner l’exemple. Le Comité Diversité fixe des objectifs mesurables en vue de remédier à la sous-représentation des femmes i) dans les contenus des programmes ; ii) au sein du personnel; et iii) parmi les expert·e·s invité·e·s, à raison d’une progression de 5 % par an. Depuis 2016-2017, le nombre de programmes contribuant à la lutte contre les préjugés sexistes est passé de 143 à 251; la présence des femmes à l’antenne a grimpé de 32 % à 38 % et le pourcentage des expertes invitées a augmenté de 28,2 % à 32,6 %. Le groupe a également commandé une étude sur la perception des auditeur·rice·s concernant le reflet de la diversité sur les antennes et a publié les réactions reçues à propos des stéréotypes relevés dans les programmes de Radio France. Au cours de l’année écoulée, les chiffres d’audience ont atteint de nouveaux records, et bien qu’il soit difficile d’en déterminer la cause exacte, il est évident que Radio France a gagné de nouveaux auditeur·rice·s qui s’identifient aux changements introduits.

2. La situation dans les autres pays participants3

En Autriche, la loi de 2013 sur le budget fédéral impose à chaque ministère de se fixer des résultats à atteindre en matière d’égalité des sexes pour ses activités. Toutefois, ni le ministère des affaires relatives à l’UE, des arts, de la culture et des médias, ni l’autorité réglementaire autrichienne n’ont inclus l’égalité des sexes dans leurs programmes. Dans le secteur des médias, seul le service public de radiodiffusion, ORF, a adopté des politiques d’égalité des sexes et un plan d’égalité des chances. Les femmes représentent environ 40 % du personnel employé par ce secteur, mais elles sont sous-représentées dans l’encadrement supérieur et sont plus susceptibles de se voir proposer des contrats précaires. Selon le rapport 2015 du Projet mondial de monitorage des médias (GMMP), les sujets consacrés aux femmes dans les informations ne représentent que 21 % du total4. Les stéréotypes sont courants, en particulier dans la publicité, dont le contenu humoristique peut masquer le sexisme et où les photos de femmes sont souvent retouchées pour créer des images de «beauté parfaite». Il existe de nombreux exemples de bonnes

3 Pour plus d’informations sur la situation dans les pays participants, veuillez consulter les

contributions nationales présentées pour ce séminaire, disponibles sur le site Web du

programme: https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/gender-equality/who-

we-work-gender-equality/mutual-learning-programme-gender-equality_en 4 http://whomakesthenews.org/gmmp/gmmp-reports/gmmp-2015-reports

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pratiques, à commencer par l’éducation aux médias et l’égalité des sexes, qui font partie des principes d’enseignement dans toutes les écoles (des lignes directrices et des documents de référence sont disponibles sur le site Web du ministère de l’éducation). Le plan de l’ORF pour l’égalité des sexes, lauréat en 2015 d’un prix décerné par l’ONU Femmes, exige que toutes les décisions fassent l’objet d’un «bilan genre» et que le personnel d’encadrement nouvellement recruté suive une formation en matière d’égalité des sexes. Sous l’impulsion du mouvement #metoo, l’ORF a adopté de nouvelles lignes directrices sur le harcèlement sexuel et s’est fixé, en 2018, de nouveaux objectifs pour accroître le nombre de femmes occupant des postes techniques. Les femmes ne représentent que 12 % des réalisateur·rice·s et, en 2016, l’Institut autrichien du film a mis en place un mécanisme d’incitation visant à en augmenter le nombre. Il existe également de nombreuses organisations de la société civile, des réseaux féministes et universitaires qui s’emploient à promouvoir l’autonomisation des filles et des femmes. En Bulgarie, la loi de 2016 sur l’égalité entre les femmes et les hommes établit le principe d’égalité et désigne des organismes et mécanismes spécialisés. Toutefois, la Bulgarie reste une société très patriarcale, comme en témoigne la décision rendue en 2018 par la Cour constitutionnelle de suspendre la ratification nationale de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la «Convention d’Istanbul»). En outre, la liberté de la presse y est globalement insuffisante et l’opinion publique nourrit une certaine méfiance à l’égard des médias, qui ont d’ailleurs tendance à véhiculer des stéréotypes discriminatoires et à présenter les femmes d’une manière sexiste. Il ressort du rapport du GMMP (2015) que, sur l’ensemble des sujets qui passent à la télévision et à la radio, 37 % seulement sont consacrés aux femmes, et que 69 % des programmes diffusés renforcent les stéréotypes de genre. Ces stéréotypes, de même que la sexualisation de l’image des femmes, abondent dans la publicité. Dans ce contexte patriarcal et compte tenu de l’absence de liberté de la presse, la question des femmes et des médias n’est pas à l’ordre du jour. Une enquête Eurobaromètre (2017) fait apparaître que 60 % des Bulgares considèrent que la manière dont les femmes sont présentées dans les médias et la publicité ne pose pas de problème. Il paraît donc indispensable de mettre en place des cadres politiques et des mécanismes réglementaires de grande envergure pour lutter contre la représentation erronée, la sexualisation et la déshumanisation des femmes dans les médias. Une collaboration étroite avec le mouvement féministe serait nécessaire pour élaborer des plans d’action et des mécanismes de suivi, former le public, les journalistes et les étudiant·e·s en journalisme à l’analyse critique des médias et introduire l’éducation aux médias dans les écoles dès le plus jeune âge. À Chypre, le rôle des médias est jugé essentiel pour la lutte contre les stéréotypes et les inégalités entre les sexes. Certaines mesures ont été incluses dans les récents plans d’action nationaux, bien que des mécanismes de suivi n’aient pas encore été mis en place. Les lois sur la radio et la télévision (1998-2016) interdisent les programmes qui incitent à la haine et les publicités discriminatoires. Le code de déontologie des journalistes proscrit également toute discrimination fondée sur le sexe et il existe un système de plaintes publique. L’Organisation chypriote de réglementation de la publicité (CARO) conseille ses membres et examine les plaintes, y compris celles dénonçant des cas de discrimination sexiste. L’Institut méditerranéen pour les études sur le genre a publié un manuel traitant de la question du genre et des médias, et a lancé un site Web qui vise à promouvoir l’expertise au féminin : «She Experts Initiative». Selon le rapport du GMMP (2015), les femmes sont gravement sous-représentées dans les médias, où 19 %

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seulement des contenus informatifs leur sont consacrés. Le pourcentage est encore plus faible dans les médias numériques. Les programmes véhiculent des stéréotypes sexistes, sous une forme tantôt subtile, tantôt flagrante, mais on manque de données de recherche continues et comparables. Les femmes qui cherchent à faire carrière dans les médias se heurtent à de nombreux obstacles, les hommes occupant 86 % des postes de direction dans le secteur et 88 % des postes d’éditorialistes. À la télévision, la ségrégation est évidente : 11 % seulement des journalistes politiques sont des femmes. Faute de politiques d’égalité des sexes en matière d’emploi dans l’industrie des médias, les questions de l’écart de rémunération, du harcèlement sexuel et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ne sont pas abordées. Souvent, lorsque des contenus ou des publicités dans les médias font l’objet de plaintes, il n’y a aucun suivi dans la pratique. Il paraît nécessaire de mettre en place une surveillance durable de la représentation et de l’image des femmes dans les médias. Des programmes de formation destinés au public pourraient renforcer la capacité des citoyen·ne·s à reconnaître les contenus discriminatoires dans les médias et à recourir davantage aux mécanismes de plainte existants, tout en encourageant le développement d’autres plateformes de journalisme citoyen. En Croatie, la loi sur l’égalité des sexes (2008) impose aux médias d’adopter des politiques d’autorégulation, notamment en matière de promotion de l’égalité des sexes et d’interdiction de toute représentation offensante, dégradante ou humiliante de personnes en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. Le Plan national de lutte contre la discrimination (2017-2022) considère les médias comme un domaine prioritaire. La Médiatrice du Bureau pour l’égalité des sexes est chargée de surveiller la représentation des femmes dans les médias, de recevoir les plaintes et de mettre en œuvre des programmes de formation. Elle soumet chaque année un rapport au Parlement. Depuis 2014, l’Agence des médias électroniques surveille également la représentation des femmes dans les programmes télévisés d’information et la publicité. Elle perçoit 3 % de la redevance de la télévision publique, qui alimentent le Fonds pour le pluralisme et la diversité en vue de financer des contenus médiatiques promouvant l’égalité des sexes. La loi sur la télévision publique croate (2012) et la loi sur les médias électroniques (2013) régissent et encouragent aussi l’égalité des sexes dans les médias. La télévision publique croate a adopté des mesures visant à surveiller l’équilibre entre les sexes parmi ses effectifs et fait rapport à la Médiatrice. Le journalisme est une profession très précaire, qui tend de plus en plus à se féminiser. Plus de 40 % des journalistes diplômé·e·s ont un contrat de travail temporaire. En 2016, l’écart salarial entre hommes et femmes était de 15 % dans le secteur de l’information et de la communication. Les femmes sont sous-représentées dans l’encadrement supérieur et il existe une nette ségrégation sectorielle. En dehors de la télévision publique croate, les autres organes de presse n’ont guère adopté de politiques ou de mesures visant à promouvoir l’égalité des sexes. Or, des études font apparaître que la représentation stéréotypée des femmes est courante dans les contenus médiatiques. Dans son code de déontologie, l’Association des journalistes croates interdit les stéréotypes sexistes et les reportages qui encouragent la discrimination. Il est prévu d’adopter un nouveau code sur la violence sexiste. Certains centres de recherche universitaires et des ONG s’intéressent également beaucoup à la question des femmes dans les médias.

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En Espagne, l’égalité des sexes est une priorité absolue du gouvernement actuel et 11 des 16 ministres sont des femmes. Si les femmes composent la majorité des diplômé·e·s en journalisme, leur taux de chômage est plus élevé et les contrats qui leur sont proposés sont moins souvent à durée indéterminée. Elles ne représentent que 25 % de l’encadrement supérieur, bien que le chiffre soit légèrement plus élevé dans les médias publics. Selon le rapport du GMMP (2015), alors que 45 % des journalistes apparaissant à l’écran dans les programmes télévisés sont des femmes, soit bien plus que la moyenne européenne de 36 %, la présence des femmes politiques dans les actualités n’est que de 27 %. La part des femmes invitées comme expertes est de 9 % seulement et les sujets consacrés à des femmes dans les émissions d’information sont également très rares, les femmes de plus de 50 ans étant largement sous-représentées. La loi constitutionnelle espagnole (2007) exige que l’industrie des médias mette en œuvre des plans d’égalité entre les sexes. L’entreprise de radio et télévision publiques RTVE est tenue de promouvoir le principe d’égalité et les images non stéréotypées des femmes et des hommes. Cependant, le suivi a été faible jusqu’à la création par la RTVE, en mars 2018, d’un Observatoire de l’égalité chargé d’éradiquer la discrimination et la violence contre les femmes et les enfants dans les contenus diffusés par les médias et de lutter contre l’inégalité ou la discrimination sexuelle dans l’emploi. La loi générale sur l’audiovisuel (2010) contient des dispositions visant à proscrire les comportements qui favorisent les situations d’inégalité, tandis que la loi organique (2004) et la loi générale sur la publicité (1988) interdisent expressément l’utilisation d’images dégradantes ou discriminatoires à l’égard des femmes dans la publicité. Le Plan stratégique pour l’égalité des chances (2018-2011) a pour objectif spécifique de lutter contre le sexisme et les stéréotypes dans les médias et la publicité sur l’internet. L’Observatoire de l’image des femmes surveille les médias et dispose d’un mécanisme de signalement qui s’est révélé très efficace : en 2017, 15 dossiers ont été transmis à d’autres organes compétents, dont le Bureau du Procureur général. En 2018, des femmes journalistes se sont mises en grève pour protester contre l’inégalité des conditions d’emploi, le harcèlement sexuel et les préjugés sexistes dans le contenu des médias. Un nombre croissant d’associations féministes regroupant des universitaires et des journalistes encouragent les initiatives en faveur de l’égalité des sexes dans les médias. En Estonie, un conseil pour l’égalité des sexes a été créé en octobre 2013 en tant qu’organe consultatif auprès du gouvernement sur l’intégration de la dimension de genre dans les programmes nationaux. Toutefois, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes persiste dans tous les secteurs. Dans les médias, il est d’environ 20 % et la ségrégation professionnelle est assez marquée : ce sont principalement les hommes qui passent à l’antenne. L’enquête de l’EIGE (2012) a conclu qu’il n’y avait pas de femmes dans les conseils d’administration de la radiotélévision publique et des deux principaux journaux. Néanmoins, la radio compte de nombreuses rédactrices en chef. Le rapport du GMMP (2015) a estimé à 24 % les contenus des médias consacrés aux femmes, sans aucun changement depuis 2010. Cependant, le nombre de femmes journalistes était relativement élevé: 44 % dans la presse écrite, 78 % à la radio et 24 % à la télévision, bien qu’il s’agisse principalement de jeunes femmes. La loi sur la radiodiffusion a créé une autorité de régulation auprès de laquelle des plaintes peuvent être déposées, et le code de déontologie de la presse estonienne prévoit l’égalité des droits et des obligations pour les femmes et les hommes journalistes. Force est de constater cependant que la faible sensibilisation à l’égalité entre les sexes en général et le peu de contacts entre les institutions compétentes dans ce domaine et les organes de presse ne favorisent pas la prise en considération des questions concernant les médias et les femmes.

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En Finlande, il n’y a pas de collecte cohérente de statistiques sur les femmes dans les médias et, en dehors du GMMP, seules quelques initiatives fondées sur des projets à court terme ont été menées. Les femmes sont clairement sous-représentées dans les contenus diffusés par les médias. Selon le rapport du GMMP (2015), la proportion des sujets consacrés aux femmes dans les informations a diminué et n’est plus que de 29 %. La visibilité des femmes de plus de 50 ans est beaucoup moindre. Dans l’industrie cinématographique, les tendances sont positives, les femmes représentant près de la moitié des protagonistes des longs métrages de fiction en 2016 et 2017. Toutefois, une analyse des films les plus populaires fait apparaître que les personnages féminins y sont moins nombreux et sont souvent représentés dans des positions subalternes. Un tiers des réalisateur·rice·s étaient des femmes au cours des dernières décennies, bien que cette proportion ait atteint 40 % en 2017. Les femmes représentent 58 % des journalistes finlandai·se·s, mais un tiers seulement de l’encadrement supérieur dans les médias d’information. Sous l’impulsion notamment du mouvement #metoo, une attention nouvelle est portée au harcèlement et au traitement inapproprié des femmes dans les médias. Le ministère de l’éducation et de la culture a publié un rapport en septembre 2018 sur les conditions de travail dans la production audiovisuelle, révélant l’ampleur du travail précaire. Un livre sur le mouvement #metoo en Finlande a été publié par des militantes en octobre 2018; et la Fondation finlandaise du film a publié un programme opérationnel proscrivant tout harcèlement dans le secteur de la production cinématographique. Ces initiatives ont relancé le débat sur les femmes dans les médias et il se pourrait bien que, dans un avenir proche, le rôle et les responsabilités de la société de radiodiffusion publique soient réexaminés. En Lettonie, il n’existe pas de législation spécifique sur l’égalité des sexes et le code de déontologie des journalistes ne contient que des principes généraux sur la non-discrimination. On manque par ailleurs de données et de travaux de recherches sur le sujet. L’industrie des médias est aujourd’hui un secteur caractérisé par des bas salaires et un travail précaire, qui s’est grandement féminisé. Les femmes occupent 60 % des postes de décision, mais il existe une ségrégation sectorielle et verticale marquée. La proportion de femmes dans les conseils d’administration des médias publics et privés était de 50 % en 2014. Une étude publiée en octobre 2018 a analysé la représentation des sexes dans les médias. Elle a conclu que 15 seulement des 52 émissions diffusées par les médias publics étaient présentées par des femmes. La proportion d’expertes invitées est meilleure à la radio publique, où leur nombre était de 109, contre 199 experts masculins. Cependant, ces derniers sont surreprésentés dans des domaines comme la politique et l’économie. Tant les médias russophones que ceux en langue lettone manquent d’une perspective sexospécifique. Des discussions sont en cours en vue de la création d’une institution de médiation, dont le mandat pourrait éventuellement couvrir les questions d’égalité des sexes dans les médias. À Malte, la Commission nationale pour la promotion de l’égalité a été créée en 2004 en vertu de la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes (2003), avec pour mandat de suivre les politiques nationales afin de lutter contre la discrimination et de promouvoir l’égalité des sexes. L’accent est mis actuellement sur les actions visant à prévenir la violence domestique et le féminicide. Malte est d’ailleurs le premier pays à accueillir un Observatoire européen du féminicide, fondé en mars 2018. Un travail de recherche considérable a été consacré à la question des femmes et des

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médias. Un rapport publié en 2018 par le Parlement européen5 a étudié les expériences des femmes qui travaillent dans le secteur des médias et, précédemment, Malte avait contribué au rapport de l’EIGE (2013)6 sur les femmes dans les médias et au projet GMMP. Malgré les mesures et les politiques adoptées par les autorités, les préjugés sexistes sont encore très répandus à Malte, comme en témoignent les contenus des médias, où les femmes sont sous-représentées, confinées dans des rôles stéréotypés ou, comme c’est particulièrement le cas des femmes plus âgées, invisibles. Peu d’expertes sont invitées dans les médias audiovisuels, où la ségrégation verticale et horizontale est courante. Les professionnel·le·s du secteur soulignent l’insuffisance de la législation et l’absence d’autorégulation et de codes de conduite. L’éducation aux médias est essentielle, tant pour les journalistes que dans le cadre des programmes scolaires, dès le plus jeune âge, afin de susciter une prise de conscience critique et d’aboutir à un changement culturel. Une démarche proactive, fondée sur des initiatives qui partent aussi bien du sommet que de la base, est également nécessaire pour garantir l’égalité entre les sexes dans les organes de presse. Aux Pays-Bas, le ministère de l’éducation, de la culture et de la science (OCW) est chargé des questions d’égalité, y compris en ce qui concerne la non-discrimination en matière d’emploi et la représentation des femmes dans les médias. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans le secteur de l’information et de la communication était de 15,2 % en 2014, soit un peu moins que la moyenne nationale. Selon le rapport de l’EIGE (2013), les femmes sont sous-représentées aux plus hauts niveaux des organes de presse et les chiffres des sociétés publiques de radiodiffusion semblent plus mauvais que ceux du secteur privé. D’un autre côté, bien que le nombre d’étudiantes en journalisme ait maintenant atteint 68 %, l’industrie des médias emploie seulement 35 % de femmes, peut-être parce que celles-ci sont plus nombreuses à travailler comme indépendantes, dans des conditions précaires. Des études montrent que la représentation des femmes à la télévision publique et privée était inférieure à 40 % en 2010 et qu’elle a encore légèrement diminué depuis. Les femmes sont particulièrement sous-représentées dans les groupes d’âge plus avancés et dans certaines fonctions, comme les journalistes sportif·ve·s et les expert·e·s. Un autre sujet de préoccupation tient à l’influence de préjugés persistants sur la beauté et à la sexualisation de l’image des femmes, particulièrement aiguë dans la publicité. La société néerlandaise Unilever a constaté que 3 % seulement des publicités mettent en avant les qualités professionnelles des femmes et 2 % leur intelligence. L’OCW considère la lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias comme une priorité, mais, par crainte de porter atteinte à la liberté de la presse, il a choisi d’encourager l’autorégulation. Le ministère a l’intention de mettre en place un système structuré de surveillance de la représentation des femmes (et des personnes LGBTI) dans les médias. Il a aussi conclu un accord avec l’entreprise publique de radiodiffusion (NPO) pour la période 2017-2020, afin d’accroître la représentation des femmes dans les médias publics. Une autre initiative appuyée par le ministère réunit la NPO, la société de médias VICE et le principal radiodiffuseur commercial (RTL) et vise à augmenter le nombre d’expertes invitées. Les candidates sélectionnées passent un

5 Parlement européen, rapport sur l’égalité des genres dans le secteur des médias au sein de l’Union

européenne, 2018. Disponible à l’adresse: http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2018/596839/IPOL_STU(2018)596839_EN.pdf

6 EIGE, Bilan de la mise en œuvre du programme d’action de Pékin dans les États membres de l’Union européenne: Les femmes et les médias, EIGE 2013. Disponible à l’adresse: https://eige.europa.eu/rdc/eige-publications/advancing-gender-equality-decision-making-media-organisations-report

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entretien avec la production et participent à des essais de tournage et à des débats pratiques afin de faciliter les contacts et les échanges. Il existe également sur le Web un certain nombre de listes d’expertes, ainsi qu’un réseau professionnel de femmes journalistes, qui s’attache à promouvoir l’égalité des sexes et propose des programmes de formation. En Pologne, l’industrie des médias, en particulier les conseils d’administration, reste vulnérable aux pressions politiques. En 2017, les femmes n’étaient que 15 % à siéger aux conseils d’administration et aux comités de direction, bien que leur présence au sein des effectifs de journalistes et de présentateur·rice·s soit plus équitable, avec 48 % de femmes à la télévision et 57 % à la radio. Cependant, d’après le rapport du GMMP (2015), 7 % seulement des communiqués de presse sont consacrés à des femmes et une autre étude de 2017 a révélé que les femmes ne représentent que 15 % des expert·e·s et des personnalités politiques invité·e·s. Le Conseil de déontologie des médias exerce un contrôle sur des questions comme l’égalité des sexes, mais sa charte éthique n’en fait pas mention. Des ONG et des institutions compétentes dans le domaine des médias ont créé conjointement une base de données en ligne sur les expertes et organisent des ateliers sur le thème des femmes dans les médias. À la suite d’un cas de harcèlement sexuel très médiatisé en 2015, qui s’est soldé par le licenciement d’un journaliste et par l’indemnisation de trois de ses collègues féminines, la sensibilisation à ce genre de problème s’est accrue. Une grande institution du secteur a adressé une circulaire à l’ensemble de son personnel, condamnant toute discrimination fondée sur le sexe et tout harcèlement et précisant que de telles actions pouvaient donner lieu à une procédure disciplinaire. Lors des élections locales d’octobre 2018, une célèbre militante des droits des femmes a publiquement critiqué la télévision publique et privée pour n’avoir pas invité une seule commentatrice ou experte dans leurs émissions sur les élections, bien qu’une des chaînes ait une femme comme présentatrice vedette des informations. Cette situation met en évidence le manque de sensibilisation des femmes journalistes aux questions de genre et la nécessité d’une formation professionnelle continue. Au Portugal, le Plan national pour l’égalité (2018-2030) du gouvernement met l’accent sur la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans divers domaines, notamment les médias, et sur la prévention de la violence sexiste. L’Autorité de régulation des médias (ERC) n’a pas de mandat spécifique pour promouvoir l’égalité des sexes, mais elle dispose d’un mécanisme permettant à des personnes ou à des organisations de déposer une plainte concernant un contenu offensant ou discriminatoire. Investie d’une mission de surveillance depuis 2015, l’ERC publie un rapport sur la représentation des femmes dans les programmes télévisés, bien que la publicité ne soit pas couverte. La promotion de l’égalité des chances et de la diversité figure dans le code déontologique de l’entreprise publique de radiodiffusion, RTP, qui a déjà organisé par le passé des programmes d’avancement de carrière à l’intention des femmes occupant des postes d’encadrement intermédiaire. Des initiatives visant à concilier vie professionnelle et vie privée, notamment des formules de travail souples et des services de garde d’enfants, ont aussi été encouragées. Dans le secteur privé, le groupe Media Capital dispose d’un code de conduite qui inclut la promotion de l’égalité mais n’a pas mis en œuvre de mesures spécifiques. La féminisation de la profession est forte, les femmes représentant 53,9 % des effectifs en 2014, bien qu’elles soient sous-représentées aux postes de direction. Elles le sont aussi dans les contenus diffusés par les médias : une étude portant sur les principaux programmes d’information aux heures de grande écoute de 2015 à 2017 fait apparaître que 70 % des protagonistes étaient des hommes, ce qui corrobore la conclusion du rapport du

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GMMP (2010) selon laquelle 16 % seulement des séquences d’information faisaient appel à des femmes en tant qu’expertes. Depuis 2013, une ONG surveille chaque année les contenus des médias sur une période de sept jours dans le but de susciter un débat critique, mais jusqu’à présent, son attention ne s’est pas concentrée sur les questions de genre. Il existe néanmoins un prix de journalisme annuel qui récompense tout contenu médiatique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ces dernières années, une évolution positive a été observée, avec des reportages plus sensibles à la dimension du genre dans la presse écrite de qualité, couvrant notamment diverses décisions judiciaires controversées qui ont disculpé les auteurs d’actes de violence fondée sur le genre. La République tchèque n’a pas d’approche systématique de la question des femmes et des médias. La stratégie pour l’égalité (2014-2020) adoptée par le gouvernement reconnaît la faible sensibilisation aux questions de genre dans les médias et la publicité et l’existence de stéréotypes véhiculés par leurs contenus. Elle encourage une participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision et à l’intégration de la dimension du genre, au moyen notamment d’un système de surveillance des médias et de la publicité. Il n’y a cependant pas d’exigences spécifiques liées à l’égalité des chances en matière d’emploi dans les chaînes de radiodiffusion publique. Selon le rapport publié par l’EIGE en 20137, 24,6 % seulement des fonctions d’encadrement dans le secteur des médias sont exercées par des femmes, dont aucune n’est présente aux postes les plus élevés, et le nombre de femmes siégeant dans les conseils d’administration est parmi les plus bas de l’Union. Les sujets consacrés aux femmes dans les informations ne représentent que 21 % du total et la proportion de femmes parmi les expert·e·s est de 13 %. Il ressort pourtant de l’enquête Eurobaromètre de 2017 que, pour 61 % de la population, la manière dont les femmes sont représentées dans les médias et la publicité ne pose aucun problème. L’autorité de régulation de la radiodiffusion est habilitée à ne pas renouveler une licence si des programmes incitent systématiquement à la haine, notamment fondée sur le genre. Les cas sont cependant peu nombreux et la coopération entre les instances réglementaires est insuffisante. Certaines ONG s’emploient à surveiller les médias et soumettent aux organismes de réglementation des évaluations concernant les principaux cas de discrimination. Des programmes de mentorat ont aussi été mis en place à l’intention des femmes journalistes, tandis que des formations et une conférence ont contribué à sensibiliser l’opinion au problème du sexisme dans la publicité. En Roumanie, la loi sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes (2002) constitue le principal instrument législatif. Elle s’appuie sur les travaux de l’Agence nationale pour l’égalité des chances et du Conseil national de lutte contre la discrimination. Ce dernier dispose d’un mécanisme de plainte, mais les cas de discrimination sexuelle examinés sont rares. Le Conseil national de l’audiovisuel est une institution publique indépendante, placée sous le contrôle du Parlement, dont la mission est de défendre l’intérêt public. Le code de bonnes pratiques du Conseil roumain de la publicité comporte un engagement en faveur de la non-discrimination et 88 entreprises ont récemment signé la Charte pour la diversité, qui consacre le principe de l’égalité des chances et prévoit le déploiement de programmes de sensibilisation. Les femmes sont bien représentées dans la profession journalistique

7 EIGE, Bilan de la mise en œuvre du programme d’action de Pékin dans les États membres de

l’Union européenne: Les femmes et les médias, EIGE 2013. Disponible à l’adresse:

https://eige.europa.eu/rdc/eige-publications/advancing-gender-equality-decision-making-media-

organisations-report

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et sont plus nombreuses que les hommes dans les salles de rédaction. Selon le rapport du GMMP (2015), l’écart tend à se réduire entre les femmes et les hommes parmi les reporters. Toutefois, les femmes sont souvent plus jeunes et plus susceptibles d’avoir une formation spécialisée que leurs homologues masculins. Elles sont aussi plus exposées aux contrats de travail précaires et aux discriminations multiples, du fait notamment de leur âge, de la ségrégation sectorielle et de l’image stéréotypée qu’en donnent les médias. Par exemple, les émissions politiques ne consacrent que 24 % des sujets diffusés aux femmes et ne leur accordent que peu de visibilité en qualité d’expertes. Il paraît nécessaire de mettre en place une approche intégrée, fondée sur la notion d’intersectionnalité, qui renforce le caractère transversal de la recherche sur les questions de genre. En Slovaquie, la législation sur les médias et les organes de régulation s’appuient sur des principes généraux de protection contre la discrimination sexuelle. La Stratégie nationale et le Plan d’action pour l’égalité des sexes (2014-2019) comportent des objectifs visant à éliminer les stéréotypes dans l’éducation et à garantir la dignité des femmes dans les images, ainsi que des dispositions relatives à la surveillance régulière des médias et de la publicité dans une perspective sexospécifique. Toutefois, dans la pratique, en raison du niveau de sensibilisation assez bas, l’engagement à lutter contre le sexisme dans les médias est faible et les stéréotypes sexistes sont très répandus. Il n’existe d’ailleurs que peu de travaux de recherche ou de données disponibles sur la question. En 2016, une étude a estimé à 18 % l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes parmi les journalistes. Une précédente étude, menée en 2009, mettait en évidence une forte ségrégation verticale dans le secteur des médias, où 25 % de femmes seulement exerçaient des fonctions de direction dans les principales entreprises. En ce qui concerne le contenu, une étude couvrant la période de 2009 à 2011 a conclu que les femmes étaient présentes dans 26 % des programmes d’actualités et ne représentaient que 20 % des expert·e·s invité·e·s. Au sein des instances de régulation, les femmes sont sous-représentées : l’entreprise publique de radiodiffusion RTVS ne compte qu’une femme sur neuf membres du conseil. Le Conseil des normes de la publicité (ASC) observe cependant un équilibre entre les sexes au sein de son comité d’arbitrage et son code de déontologie comprend des objectifs de lutte contre le sexisme, les stéréotypes et la violence fondée sur le sexe. En 2017, un cinquième des plaintes soumises à l’ASC concernaient le sexisme. Dans cinq cas, il a conclu qu’il y avait eu violation de son code de déontologie. Une ONG dispense une formation aux compétences en matière d’égalité des sexes, destinée notamment aux journalistes. Le prix de la «gaffe sexiste», décerné à l’initiative d’une ONG, a permis de sensibiliser l’opinion à la publicité sexiste et a reçu l’appui de l’ASC. En Slovénie, le secteur des médias est régi par la loi sur les médias et la loi sur l’entreprise publique de radiodiffusion RTV Slovenija, et il existe des organes d’autorégulation pour le journalisme et la publicité. Les règles appliquées par ces organes, tout comme la législation, contiennent des dispositions générales interdisant la discrimination et l’utilisation de stéréotypes sexistes et d’images dégradantes. En vertu de la loi sur les médias, les stations de radio et de télévision locales doivent respecter le principe de l’égalité des chances pour les femmes et les hommes afin de pouvoir bénéficier de subventions. Le Programme national pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes (2015-2020) vise notamment à accroître la représentation des femmes dans les contenus des médias et à combattre les stéréotypes. Toutefois, la coordination entre les institutions publiques compétentes en matière de médias ou d’égalité des sexes est généralement faible. Le rapport de l’EIGE (2013) a conclu que les femmes occupaient plus d’un tiers des

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postes de direction dans l’industrie des médias, bien qu’elles exercent généralement des fonctions opérationnelles non stratégiques. Plus d’un tiers des programmes télévisés étaient consacrés à des femmes. Une autre étude récente, réalisée en septembre 2018, a estimé que la part de la représentation des femmes dans les journaux télévisés, les émissions d’actualités et les articles de la presse écrite était en moyenne de 27 %. Toutefois, lors des récentes élections, sur près de 2 000 séquences d’informations diffusées dans tous les principaux médias, 17 % seulement mentionnaient des femmes. Des recherches menées par l’Institut pour la paix ont constaté la persistance de stéréotypes concernant les rôles des femmes et des hommes. La Médiatrice de RTV Slovenija a donné suite à des plaintes concernant la sous-représentation des expertes invitées dans les programmes d’information, l’utilisation d’un langage discriminatoire et la diffusion de propos haineux et abusifs en ligne. L’Association des journalistes et l’ONG SOS Help Line for Women and Children Victims of Violence ont élaboré conjointement des lignes directrices à l’intention des journalistes sur la manière de rendre compte des violences sexistes et ont organisé des ateliers de formation. Le gouvernement prévoit de réformer la réglementation applicable aux médias afin qu’il soit possible d’introduire de nouvelles mesures destinées à promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment dans le cadre des critères d’attribution des subventions publiques. En Suède, l’Agence pour l’égalité des sexes a été créée en 2018 dans le but général de faire en sorte que les femmes et les hommes aient le même pouvoir de façonner la société et leur propre vie. Il existe une longue tradition d’autorégulation des médias, vigoureusement défendue par le monde politique comme par l’industrie. En 2014, le ministère de la culture a assigné au service public suédois de radiodiffusion des objectifs d’égalité des sexes et de diversité dans la production de contenus, facilitant ainsi un meilleur suivi. Grâce à cette volonté politique et à une surveillance régulière, certaines rédactions sont parvenues à atteindre la parité, comme sur la chaîne SVT Umeå. Les trois services publics de radiodiffusion sont maintenant tous dirigés par une femme. Cependant, la haute direction des grands groupes de médias est encore majoritairement aux mains des hommes. Pour remédier au manque de données comparables ventilées par sexe, le Conseil suédois de la recherche a lancé un projet international de recherche sur les médias. Une base de données en accès libre sera mise en place en 2019. Le projet de promotion de l’égalité des sexes dans les industries des médias (EURO-AGEMI)8 est une autre initiative importante qui rassemble le secteur des médias et des universitaires. L’Institut suédois du cinéma, dont le travail est tout entier imprégné par une perspective d’égalité entre les sexes, depuis le financement de la production jusqu’au recrutement, et qui vise à atteindre la parité d’ici 2020, a joué à cet égard un rôle de précurseur. En 2009, un bureau de médiation a été créé pour superviser l’industrie de la publicité, afin de combattre le sexisme et les stéréotypes dans le secteur. Plusieurs organisations de la société civile se mobilisent également, notamment le lobby des femmes suédoises qui mène une campagne en faveur d’une législation contre la publicité sexiste. En 2018, la ville de Stockholm a interdit la publicité sexiste dans l’espace public. Le dictionnaire biographique en ligne des femmes suédoises mérite aussi d’être mentionné. Depuis 2015, certains organes de presse utilisent des algorithmes pour analyser leurs contenus en ligne dans une optique d’égalité des sexes. Le plus grand journal suédois a mis au point en 2018 un «gender bot», un robot informatique qui fournit chaque mois aux journalistes des statistiques individuelles sur le nombre de femmes interviewées dans leurs articles. Depuis 2017, le mouvement #metoo a également été un

8 https://www.agemi-eu.org/

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catalyseur de changement, en désignant nommément les harceleurs et en dénonçant des formes plus subtiles de sexisme et de racisme dans les salles de rédaction.

3. Principales questions abordées lors du séminaire

La discussion a donné lieu à de riches échanges d’idées sur les stratégies de lutte contre la sous-représentation et la fausse représentation des femmes dans les médias. Les intervenant·e·s s’accordaient à considérer qu’un cadre juridique solide en matière d’égalité entre les sexes était important pour lutter contre la discrimination dans le secteur des médias, en particulier l’écart de rémunération entre les sexes, la ségrégation verticale et horizontale et l’incidence croissante du travail précaire qui a contribué à la féminisation de la profession. La législation et la réglementation des médias par l’État ont été présentées comme une option envisageable dans certaines situations nationales, tandis que dans d’autres pays, une telle stratégie ne serait pas aisément acceptable, car elle pourrait apparaître comme une menace pour la liberté de la presse. L’architecture de la réglementation des médias dépend de l’évolution et de l’histoire des différents pays et il existe entre eux des variations considérables. Certains participants estimaient qu’un soutien politique plus large pourrait être obtenu avec l’introduction d’une réglementation liée à des objectifs d’égalité des sexes en ce qui concerne le pouvoir et l’influence des femmes. Dans la plupart des pays, il existe dans le secteur des pratiques d’autorégulation, qui accordent plus ou moins d’attention à l’égalité des sexes, aux stéréotypes et au sexisme, et qui prévoient la possibilité d’imposer des sanctions. Les intervenant·e·s ont noté que les mécanismes de réglementation ou d’autorégulation se heurtent à des difficultés particulières dans le cas des médias sociaux. Tou·te·s conviennent néanmoins que, dans le contexte français, la législation s’est révélée un vecteur de changement efficace et qu’elle reflète l’engagement politique fort des autorités en faveur de l’égalité des sexes. La surveillance et la collecte de données apparaissent comme des instruments essentiels de sensibilisation à la nécessité de combattre les stéréotypes sexistes et la représentation discriminatoire des femmes, y compris parmi les professionnel·le·s des médias qui, souvent, n’ont pas conscience des préjugés sexistes en vigueur dans leur propre travail. C’est cependant un aspect insuffisamment développé dans certains pays, malgré les engagements pris au titre du Programme d’action de Beijing. La question de la portée de la surveillance a été débattue en détail. Outre les indicateurs sur la proportion des femmes dans les effectifs et leur représentation dans les programmes d’information, il a été noté que les contenus de la fiction et de la publicité pourraient également être surveillés. Beaucoup ont fait observer qu’il est nécessaire de renforcer la qualité des données et de veiller à leur comparabilité dans le temps et entre les pays, pour autant que des méthodes cohérentes soient disponibles. Les discussions ont aussi porté sur les mérites respectifs des systèmes où la surveillance est assurée par des conseils autoréglementés et de ceux qui combinent une surveillance interne et des contributions externes issues de la recherche universitaire. Les algorithmes et les robots informatiques pourraient bien améliorer la portée et l’efficacité des mécanismes de surveillance à l’avenir. Malgré certaines limites touchant à la qualité des données recueillies, le GMMP, opérationnel depuis 1995, demeure le seul projet existant à produire une analyse comparative des contenus. Dans certains pays, il constitue l’une des rares sources de données disponibles et s’est avéré un outil précieux pour sensibiliser l’opinion aux problèmes de discrimination et de sexisme dans l’industrie des médias et dans

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le contenu des programmes, et pour dénoncer et condamner les abus les plus graves. L’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire est une autre stratégie, dans le cadre de laquelle les entités publiques sont tenues d’adopter un objectif d’égalité des sexes, assorti d’indicateurs financiers et de critères de référence. Toutefois, ces outils ne sont généralement pas appliqués au secteur des médias. L’un des domaines dans lesquels les participant·e·s ont noté de bonnes pratiques concerne les services publics de radiodiffusion qui se sont fixé des objectifs pour l’emploi des femmes ou les instituts cinématographiques publics dont les critères de financement couvrent l’équilibre entre les sexes au sein de l’équipe de réalisation ou du personnel technique. Une autre question débattue concernait la mesure dans laquelle il peut être utile de lier l’octroi de licences et le financement public des chaînes de radio et de télévision à des critères d’égalité entre les sexes. Les marchés publics sont subordonnés au respect de normes sociales et autres normes du travail, y compris, dans certains pays, à des plans d’égalité entre les sexes en matière d’emploi, de sorte qu’il pourrait être possible d’étendre ces critères à l’octroi de licences aux chaînes de radio et de télévision. Dans un pays, les stations de radio régionales et locales qui sollicitent un financement public sont tenues de respecter l’égalité des sexes, mais les critères ne sont pas très détaillés et cet aspect ne représente pas beaucoup de points dans le système d’évaluation des demandes. Ailleurs, les sociétés de médias qui reçoivent des fonds publics ont l’obligation de contrôler le contenu de leurs programmes, mais la procédure de rapports manque de transparence. Certain·e·s participant·e·s ont aussi émis des doutes quant à la capacité des autorités à vérifier dans quelle mesure les médias se conforment aux exigences en matière d’égalité des sexes liées à l’octroi de licences. Les discussions ont également porté sur l’efficacité des mécanismes de traitement des plaintes soumises aux instances de surveillance ou de réglementation désignées par l’État ou par l’industrie des médias, aux services de médiation, aux conseils de la publicité ou à d’autres observatoires de l’égalité. Dans certains cas, il semble que les pouvoirs des médiateur·rice·s aient été élargis, mais dans beaucoup de pays, les mécanismes de surveillance n’inspirent guère confiance, faute de sanctions efficaces. Ces mécanismes dépendent souvent de la mesure dans laquelle il existe dans la société civile des groupes qui se mobilisent activement pour dénoncer les images sexistes ou stéréotypées représentant des femmes. Les chartes d’engagements en matière d’égalité des sexes adoptées par les agences de publicité paraissent constituer un mécanisme utile. De l’avis général, la lutte contre les stéréotypes et le sexisme dans les contenus des médias requiert une approche multidimensionnelle. Dans beaucoup de pays, les journalistes ont accès à des répertoires en ligne ou à des réseaux qui peuvent les aider à augmenter le nombre de femmes invitées en tant qu’expertes à commenter l’actualité. Les programmes de tutorat destinés aux jeunes femmes journalistes ou les prix de journalisme axés sur les questions d’égalité entre les sexes sont également considérés comme des incitations importantes. Toutefois, les intervenant·e·s ont reconnu que la lutte contre les stéréotypes sexistes n’était pas une tâche facile, en particulier dans la publicité et la fiction, ou dans des domaines comme les dessins animés pour enfants et les jeux vidéo. Les contenus humoristiques font souvent la part belle au sexisme, bien qu’un changement des attitudes culturelles ait été noté à cet égard et que l’humour soit parfois un moyen de remettre en cause les stéréotypes. Le dessin de presse est aujourd’hui un vecteur par lequel les féministes peuvent aussi s’exprimer avec succès.

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Le traitement de la violence sexiste dans les médias a été évoqué par de nombreux·ses intervenant·e·s, car les médias s’en sont largement fait l’écho dans le sillage du mouvement #metoo. Les participant·e·s ont exprimé leur intérêt pour des exemples de législation spécifique où la diffusion d’images dégradantes des femmes susceptibles de provoquer des violences sexistes constitue une infraction pénale. Dans certains pays, la façon dont les médias traitent les cas de violence domestique, de viol et de harcèlement sexuel semble être devenue plus sensible aux questions de genre et plus critique à l’égard des décisions de justice exonérant les auteurs de tels crimes. Une stratégie jugée essentielle a trait à l’éducation et la formation dispensées aux étudiant·e·s et aux professionnel·le·s du secteur des médias afin de les aider à mieux comprendre en quoi consistent les stéréotypes sexistes, les formes de beauté artificielle et les préjugés inconscients. La lutte contre les stéréotypes sexistes passe aussi par l’apprentissage de l’égalité des sexes et l’éducation aux médias dès l’école primaire. Certains pays ont déjà révisé leurs programmes scolaires pour les débarrasser des stéréotypes, mais ailleurs, il arrive encore que les manuels renforcent sensiblement les rôles traditionnels des femmes. Les intervenant·e·s estiment en outre que les écoles devraient donner des cours de décryptage des informations pour aider les élèves à identifier les fausses nouvelles et à remettre en cause la crédibilité des médias qui ne donnent pas la parole aux femmes. Le phénomène des abus sexistes dans les médias sociaux, en particulier, pose des difficultés spécifiques. Le rôle crucial des institutions universitaires et des organisations de la société civile, y compris des ONG qui défendent les droits des femmes, dans la dénonciation des stéréotypes, du sexisme et des abus et dans la promotion générale d’un changement culturel est unanimement reconnu. Leur action englobe la diffusion en ligne de listes d’expertes, la création d’observatoires qui analysent la place des femmes dans les médias et soumettent régulièrement des plaintes aux mécanismes de médiation ou d’alerte, ainsi que la formation des professionnel·le·s des médias à l’égalité des sexes. De nombreuses organisations de la société civile sont également actives sur les médias sociaux pour dénoncer et combattre le sexisme.

4. Conclusions et recommandations Les participant·e·s au séminaire ont conclu que le succès des bonnes pratiques adoptées par la France tenait essentiellement à la volonté politique des autorités et à l’action transversale mise en place aux plus hauts niveaux de décision. Une stratégie multiforme, fondée sur des initiatives qui partent aussi bien du sommet que de la base, est nécessaire pour atteindre les objectifs d’égalité des sexes, à savoir la prise en compte de l’équilibre femmes-hommes dans les conseils audiovisuels et les conseils d’administration des groupes de presse, de l’égalité des chances en matière d’embauche, de l’écart de rémunération entre les sexes et de l’emploi précaire dans l’industrie des médias, ainsi que la surveillance des contenus des programmes, de manière à lutter contre les stéréotypes, le sexisme, les abus et les violences sexuelles9.

9 Ci-après, les «objectifs d’égalité entre les sexes dans l’industrie des médias».

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Les recommandations formulées par les participant·e·s sont les suivantes :

Examiner, en tenant compte de la directive sur les services de médias audiovisuels et du rapport de l’EPRA, ainsi que des circonstances nationales, s’il convient d’élaborer une nouvelle législation ou de renforcer les mécanismes d’autorégulation existants dans les médias audiovisuels et la presse écrite et d’étendre le rôle de surveillance, la portée et les pouvoirs des conseils de la radiodiffusion et de la presse en matière d’égalité des sexes dans le secteur des médias.

Encourager les gouvernements à revoir leurs plans d’égalité des sexes et leurs engagements en matière d’intégration d’une perspective de genre dans le

processus budgétaire afin de renforcer ou d’ajouter de nouvelles sections sur les objectifs d’égalité des sexes dans l’industrie des médias.

Accroître le nombre de pays qui contribuent au projet GMMP et renforcer les capacités des groupes de pays participants en formulant des critères de référence et des indicateurs comparatifs et cohérents, et explorer les options de financement national et multilatéral pour le projet.

Concevoir des programmes de formation et de sensibilisation aux questions de genre à l’intention des étudiant·e·s et des professionnel·le·s du secteur des médias, y compris les cadres, des programmes de mentorat ou des prix destinés à promouvoir un journalisme de qualité sur les questions d’égalité des sexes; dispenser une formation spécifique sur des thèmes comme la manière d’appréhender et de signaler la violence sexiste; et produire des orientations, des manuels, des fiches techniques ou d’autres matériels à l’usage des praticien·ne·s concernant les objectifs d’égalité des sexes dans l’industrie des médias.

Encourager l’éducation en matière d’égalité des sexes et l’éducation aux médias dans les écoles afin de sensibiliser les élèves et de promouvoir un changement culturel ; remanier les programmes scolaires en éliminant les stéréotypes sexistes encore présents dans les manuels.

En s’appuyant sur les contacts pris lors du séminaire d’apprentissage mutuel, mettre en place un réseau de partage d’informations, en vue d’organiser aussi des échanges bilatéraux de bonnes pratiques, éventuellement en coopération avec l’Association des journalistes européens.

Inclure de nouveaux indicateurs sur les femmes et les médias dans les futures recherches à l’échelle européenne, comme le rapport «Beijing +25» de l’EIGE, et examiner comment ces indicateurs pourraient être liés aux objectifs de développement durable des Nations unies.

Inciter les institutions européennes suivantes à renforcer leur action en faveur de l’égalité des sexes dans les médias:

° L’Observatoire européen de l’audiovisuel10 du Conseil de l’Europe, qui est un organisme de service public chargé de collecter et de traiter des informations et des statistiques sur le secteur audiovisuel;

10 https://www.obs.coe.int/fr/web/observatoire/home

Page 20: Programme d’apprentissage mutuel d’égalité des sexes · 2019-02-13 · La présente publication a bénéficié du soutien financier du programme de l’UE «Droits, égalité

Rapport de synthèse

France, 12 et 13 novembre 2018 18

° La Commission européenne, surtout en ce qui concerne l’adoption du nouveau document-cadre d’orientation sur l’égalité des sexes11 afin que les objectifs poursuivis à cet égard dans l’industrie des médias se reflètent clairement dans les actions prioritaires de la nouvelle Commission.

° La Plate-forme européenne des instances de régulation de l’audiovisuel12, qui est un organe indépendant, afin de l’encourager à donner suite à son enquête de 2018 sur la représentation des sexes dans les médias et à envisager d’adopter un mandat plus large en matière de surveillance de la place des femmes dans les médias européens.

11 Engagement stratégique pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2016-2019,

https://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/24968221-eb81-11e5-8a81-01aa75ed71a1

12 https://www.epra.org/