pro armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/nla amsagir/pro armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. ·...

10
Pro Armenia Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Upload: others

Post on 10-Mar-2021

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

Pro Armenia

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Page 2: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

Pro Armenia. 1904/12/01.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Page 3: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

QUATRIÈMEANNÉE.— N° 99. Le Numéro : 30 centimes. 1er DÉCEMBRE1904.

Pro Armenia

Rédacteuren Chef:

Pierre QUILLARD

Adressertout

ce qui concernela Directionà M.PierreQUILLARD

10, Rue ISTollet, Paris

—=--«=—

A.IONNKMENTS

!')':«)<'<' 8

Kl :!llgI'I',. lO »

Paraissant le Ier et le 15 de chaque mois

COMITÉ DE RÉDACTION:

u. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès

Francis de Pressensé

Secrétairedela Rédaction:

Jean LONGUET

ADMINISTRATION:

Avenuede l'Observatoire,3

PAJEtlS

ABONNEMENTS!

France. 8 »

Étranger 10 »

SOM31AIRE :

LeComitédesecours.— Informations:La situationauSassoun:L'aftairede Nareg;L'affaired'Orfa; Kxpul-sion d'un citoyenAméricain;Le Catholicosde Sis;Conspiration?;Lesmutineriesde soldats:En Russie.—La.)uinx;une:Parte fer ouparla faim(P.QPILLARD).Le mouvementproarménien:Angleterre:Uneconfé-rencede M. H.-B.LYNCH.— Abdul-Hamidet Guil-laume II. — Nouvellesd'Orient: Macédoine: Dansl'Yemen;L'affairede Scutari;Plaisanteried'opérette:La hautecommission.financière;Décoration.— Unrévolutionnairearménien: HraïrDjokhk.

Le Comité de Secours

Nous avons reçu pour les Arméniens

de Moush et du Sassoun les sommes

suivantes :

Jules Rais. 10fr.AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5o fr.

Union des Damesde la Croix Rouged'Alexandrie i5o fr.

TOTAL. 210fr.

A la souscription des dames de la

Croix Rouge d'Alexandrie était jointeune. lettre remerciant tous ceux

« qu.i s'intéressent au sort de nos mal-

heureux frères et sœurs d'Arménie, si

cruellement abandonnés par les gou-vernements civilisés de l'Europe quiavaient pourtant solennellement ga-ranti la sécurité de leur vie et de leurs

biens et l'inviolabilité de leur cons-

cience et de leur honneur. »

INFORMATIONS.

La situation au Sassoun.

Moush,le 26 octobre.

La situation des nécessiteux et sur-

tout des Sassouniotes est des plus dé-

plorables. Environ 8.000 Arméniens

sont sans asile; ils n'ont ni vêtements,

ni chaussures, ils sont absolument sans

ressources. Le gouvernement a, depuisl'été. cessé la distribution des secours.

Les sommes destinées à la reconstruc-

tion des maisons démolies n'ont pas

été intégralement versées. La situation

des Arméniens victimes des derniers

massacres est lamentable. Chaque jour

plusieurs d'entre eux meurent de faim.

Ils sont tous sous la surveillance de la

police. Il est interdit aux Sassouniotes

de descendre dans la ville et dans la

plaine; ils ne peuvent même pas aller

d'un village à l'autre, si ce n'est en

cas d'urgence où le com nandant mili-

taire leur délivre des passeports, mais

à raison de trois ou quatre par jour au

maximum.

L'accès de la ville leur est interdit.

Le but de ces rigueurs est de décou-

rager la population et de la forcer ainsi

à se disperser. Déjà la neige couvre les

montagnes. Dans cetœ saison rigou-

reuse, quel sera le sort de tous ces

malheureux dépourvus de vivres et de

vêtements ?

Sur les montagnes du Sassoun

comme dans la plaine de Moush, le

gouvernement a saisi les armes de la

population au moyen de tortures

effroyables. Ceux qui se trouvèrent

sans armes durent payer des contra-

ventions. Sur cinq points du Sassoun,

Guéli, Sémal, Dapig, Talori et Ich-

khentzor. des casernes furent cons-

truites pouvant contenir chacune un

régiment.

Le vali de Bitlis, Férid Bey, arriva à

Moush, monta au Sassoun et inaugurasolennellement ces casernes. Il passaensuite à Talori et à Ichkhentzor dans

le même but. Le gouvernement veut

garder au Sassoun deux régiments.

Le 17 octobre un offieier turc fut

assassiné. Le gouvernement imputa cet

assassinat aux fédaïs, alors qu'il n'y enavait pas un à cet endroit. La consé-

quence de cet assassinat fut l'arresta-

tion de quatre notables Sassouniotes.

La fièvre typhoïde sévit dans les pri-sons. Dans ces derniers jours, vingt-deux prisonniers arméniens périrent,

parmi eux se trouvait le propagandiste

Vartan, qui succomba le quinzième

jour de son arrestation. Il y a dans les

prisons plus de soixante malades; il

en meurt journellement dans cette

atmosphère suffocante.

Représentez-vous un endroit sale et

humide 011 60 à 70 Musulmans occu-

pent six des neuf cellules existantes., les

trois autres étant utilisées par 100 Ar-

méniens. D'autres sont entassés dans

un endroit humide et sans toiture.

Les soldats arrivés du Sassoun sont

contaminés par la fièvre typhoïde, plu-sieurs d'entre eux sont morts et. il en

meurt journellement. La terreur règnedans les prisons. Le gouvernement a

entrepris de nom breuses arrestations

sous le prétexte d'avoir découvert dans

la plaine de Moush unebande de quinzefédaïs. Il a été ordonné d'arrêter tous

les Arméniens sous l'inculpation d'avoir

hospitalisé ces fédaïs.

Pour anéantir les jeu ries forces armé-

niennes, le gouvernement a traduit

devant les tribunaux les possesseursdes armes arrachées par la violence.

Des Arméniens au nombre de 1.200 à

1.400, ont été cités pour avoir pris partà l'insurrection.

Ce qui rend la situation plus amère,

c'est l'intention du gouvernement de

Page 4: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

622 PRO ARMENIA

construire des casernes dans la plaine

de Moush.

Moush, 2 novembre

viâ Tiflis, 24 novembre.

Un grand nombre de Sassouniotes

sont toujours enfermés dans les prisonsde Moush sans avoir été jugés par les

tribunaux turcs.

La famine règne au Sassoun et pour

l'aggraver les autorités locales interdi-

sent systématiquement aux Sassouniotes

de venir se ravitailler dans la plaine de

Moush.

Les vexations continuent à Moush et

au Sassoun, à cause de l'absence des

Consuls européens.

L'affaire de Nareg.

Van, le 14novembre 1904.

Le 8 octobre seulement on entendit

parler de la présence de quelques Ar-

méniens suspects, à Nareg, village

principal du district, et où se trouvent

les tombeaux de Santouhde, proto-

martyre, et de Grégoire Narégatzi,

anachorète inspiré.

Immédiatement, les autorités équi-

pèrent une cinquantaine d'hommes :

gendarmes et soldats pris à Osdan,

chef-lieu du district de Gavache, les

renforcèrent d'une centaine de Kurdes,

et le lendemain, 9 octobre, ils étaient

à Nareg, sous les ordres du capitaine

Khail. chef de la gendarmerie du dis-

trict. Celui-ci, avant de se faire une

idée précise et sûre de la situation,

commence à attaquer le village en gé-néral. Quelques coups de fusil sont

tirés de la part des réfugiés : un soldat.

bandit kurde, du nom d'Abdul Hamid,

est tué dans l'échauffourée, tandis

qu'une vingtaine des habitants pai-sibles sont tués par les soldats. Les ré-

fugiés se sauvent facilement; les habi-

tants se débandent dans les environs;

la plupart, dans les villages kurdes.

Une tranquillité relative régnait à l'ap-

proche de la nuit du 9 octobre et on

croyait l'événement terminé.

C'est dans cette nuit que le capi-taine Khail conçoit le projet d'incen-

dier le village entier, à l'instigation

d'Abdulgafar frère et Ali, fils d'Abdul-

hamid, le gendarme tué, tous trois cé-

lèbres bandits kurdes, incorporés dans

la gendarmerie. On avait donné aussi

l'alarme aux Kurdes des environs et

plus de 600 hommes armés s'étaient

réunis autour de Nareg, le matin

du 10.

On a mis alors intentionnellement

le feu de tous les côtés. Le village était

abandonné en grande partie, mais il

y restait encore un certain nombre

de paysans.Tout le village n'était plus qu'un

grand bûcher dont les flammes s'éle-

vaient jusqu'à être visibles de Van, à

12 heures de distance. Les Kurdes

avaient pris le soin d'enlever et de

piller d'abord tout ce qui avait été

laissé par les habitants dans leur fuite

précipitée et vers le soir du 10, il ne res-

tait plus, à Nareg, qu'un amas de cen-

dres et de ruines au milieu desquelles

demeurait seule debout la voûte du

grand sanctuaire, édifice dix fois sécu-

laire, qui avait encore une fois échappé

aux ravages des flammes et des pilleurs.

Tandis que Nareg était en flammes,

Khail donnait l'ordre aux Kurdes de

poursuivre les fugitifs, de les massacrer

dans leurs refuges. Les Kurdes des vil-

lage Zéva et Virgonis, se sont mis

tous à massacrer, tuant même ceux

auxquels ils avaient offert l'hospitalité.

Le même jour, le vicaire intérimaire

d'Aghtamar, Arsène Marcarian, s'était

rendu à Osdan pour conjurer le caï-

macam Loutfi bev à venir sur les lieux,

mais celui-ci préférait rester spectateur

impassible de tout ce que Khail opé-

rait, sur sa tacite connivence. Le ma-

tin du 11, arrivaient de Van, Husni-

effendi, major de la gendarmerie et le

missionnaire américain Eischer, et ils

visitaient les ruines en compagnie de

Loutfi bey et du vicaire Arsène.

Partout ils rencontraient des cada-

vres dénudés, mutilés, brûlés, et des

amas de ruines fumant encore. Quel-

ques rares femmes et enfants erraient

encore dans les environs, sans abri et

presque sans connaissance.

L'envoyé du vali avait l'ordre de

recueillir les Arméniens de Nareg et de

leur restituer leurs biens et leurs bes-

tiaux ; il fit semblant de se conformer

à cet ordre.

On avait aussi donné l'ordre de

pourvoir à la nourriture de ces misé-

rables, en leur distribuant du blé et de

l'orge; mais ce qui a été donné n'est

rien devant la grandeur de la catas-

trophe. On a aidé seulement à trans-

férer les fugitifs de Nareg des villes

kurdes aux villages arméniens pour

sauvegarder leur vie, si nous ne vou-

lons pas dire que le danger n'est pas

éloigné pour les uns et pour les autres.

Lee chefs kurdes qui se sont distinguésdans la catastrophe de Nareg sont

connus nominalement et dénoncés au

vali, mais certes ils resteront impuniscomme leurs devanciers. Voici leurs

noms: Abdulgafar, frère, et Ali, fils

d'Abdul-Hamid, le gendarme tué, du

village "N irgonis ; Medjid, fils du cheikh

Osman ; Hamid, du village Zeva;

Hadji Rachid et son fils Faka Khalid,

du village Virgonis ; Djabir, du village

Sarig; Anvani, du village Angalor;

Khalid, du village Chadouan ; Abdul-

aziz, fils de Mouchga-Mala; Osman et

Gadir, fils de Hamid; Ali, fils de Hus-

sein, du village Boghonis ; Youssouf,fils de Mirza bey ; Abdul, fils de

Moustafa bey; Kourchid agha, du vil-

lage Osdan.

Quant aux Arméniens, on a pu iden-

tifier les cadavres des suivants : Aziz

Tovitian, âgé de 65 ans; Garabed Der

Aprahamian de Joans ; Vartan Dji-

khondi, âgé de io5 ans; Ohannes Ba-

banian, 57; Parseg Naziguian, 70;Nersès Boziguian, 42 ; Racho Meli-

kian, 5o; Harouktiun Adjemian, 38;Khatchadour Ghazarian, 35 ; Vartan

Sakhoyan, 32; Khatcho Khoudiguian,

12; Kam partzoun de Haght, 11 ; Sté-

pan Ohannessian ; Miguirditch Der

Sahaguian ; Krikor Kaliguian ; Sakho

de Gargar; Manoug Ghazarian ; Mou-

rad Ohannessian ; Okhan Sarkissian,et autres.

Il y a aussi bon nombre de blessés,

dont quelques-uns gravement atteints.

Le nombre des maisons brûlées est

de plus de cent cinquante. Il est diffi-

cile d'évaluer l'importance du pillage.Il suffira de dire que tout est emporté.Le surlendemain de la catastrophe, le

vicaire Arsène s'est rendu à Van, pour

porter plainte au vali contre les auteurs

des atrocités et pour signaler le rôle,

joué par le chef de la gendarmerie, le

capitaine Khalil et la complicité tacite

du caïmacam Loutfi-bey. Ce dernier a

été rappelé immédiatement, mais pourêtre envoyé à un autre caza, toujourscomme caïmacan. Khalil jouit toujoursde la protection gouvernementale. On

a arrêté trois ou quatre Kurdes, mais

pas ceux qui ont été les vrais auteurs

du triste événement. La conduite du

vicaire Arsène lui a valu l'animosité des

chefs kurdes, et il n'ose pas quitter la

ville pour rentrer à Aghtamar où il

pourrait être tué.

Page 5: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

PRO ARMENIA 623

L'affaire d'Orfa.

Constantinople,22novembre.

En réponse à la note de l'ambassade

d'Allemagne concernant l'attaque dont

M. Eckardt3 agent consulaire allemand

à Orfa (Mésopotamie), fut l'objet de la

part des soldats turcs, la Porte a

adressé à l'ambassade une communica-

tion déclarant que les trois soldats cou-

pables avaient été punis, que l'officier

qui était avec eux avait été révoqué et

qu'une enquête était ouverte afin d'éta-

blir les faits qui serviront de base pour

fixer le montant de l'indemnité à payerà M. Eckardt.

On croit savoir que l'ambassade

demandera à être fixée sur la nature

de la punition infligée aux soldats.

(Reuter.)

Expulsion d'un

Citoyen Américain.

Constantinople, 17novembre.

Un grave incident vient de se pro-duire qui engage la responsabilité du

vice-consul américain.

Voilà une vingtaine de jours, Haïk

Sanossian, citoyen américain d'origine

américaine, arriva à Constantinople.Dix jours plus tard, il se présenta au

Consulat américain pour y faire enre-

gistrer son passeport. Le vice-consul le

reçut en l'absence du consul. Ayantconstaté que le passeport n'avait pas été

visé par les autorités turques du paysd'où venait Haïk Sanossian,, le vice-

consul américain dénonça celui-ci et le

livra à la police turque qui l'expulsa.

La conduite du vice-consulaméricain sera sévè-rement jugée. Non seulement le passeport d'HaïkSanossian portait la mention « qu'il avait le droitd'entrer et de s'établir en Turquie », mais encore,le gouvernement américain a pris soin, dans unecirculaire récente, de manifester son intention defaire respecter énergiquement le droit de circula-tion des citoyens américains,d'origine ou natura-ralisés, particulièrementen Turquie et Russie. Asupposer qu'Haïk Sanossian eût négligé, pouréviter des ennuis et pertes de temps, de faire viserson passeport par un consulat turc, aux yeux duvice-consul américain le passeport avait toute savaleur et celui-ciavait toute qualité pour défendreun commerçantinoffensifet non pour le livrer à lapoliceturque. Il a agi contrairement aux instruc-tions de son propre gouvernement et mérite doncd'être châtié.

[N. D. L. R.]

Le Catholicos de Sis.

On lit dans les journaux turcs du

19 novembre :

S. B. Mgr Sahag Habayan, catholi-

cos arménien de Cilicie qui devait quit-

ter notre ville, pour rentrer à Sis, a dû

ajourner son départ à cause du mau-

vais temps. Sa Béatitude vient d'être

l'objet d'une nouvelle faveur de la partde S. M. I. le Sultan. Le Souverain lui

a alloué une pension mensuelle de

3.5oo piastres. Cette allocation men-

suelle qui était servie à feu le catholicos

arménien de Sis, Mgr Mighirditch,avait été supprimée à la mort de ce

dernier.

Sur sa demande, le catholicos a été

en même temps autorisé par S. M. I.

le Sultan à faire restaurer sa résidence,le monastère de Sis et l'église y atte-

nante.

Sa Majesté a, d'autre part, ordonné

à la Sublime Porte, de donner suite à

quelq ues autres demandes formulées

également par le catholicos, relative-

ment au catholicat de Cilicie.

S. B. Mgr Sabah Habayan se rendra

au Palais Impérial pour faire parvenirà Sa Majesté l'expression de ses senti-

ments de profonde reconnaissance pourtoutes ces faveurs.

Les faveurs impérialessont toujours suspectes;il ne serait pas surprenant que l'excessivebienveil-lance du Sultan envers le catholicosde Sis ne fut

qu'une comédie et cachât le dessein de quelqueattentat contre les Zeïtouniotes; il serait facileàAbdul Hamid, si on lui faisait reproche alorsde saférocité, d'alléguer les bienfaits dont il combla

Mgr Sabah Habayan.[N. D. L. R.]

Conspiration ?

Constantinople,24 novembre.

Le conseiller d'Etat Naschet, fils du

ministre de la police, a été récemment

exilé à Trébizonde et de là envoyé à

Erzeroum où il a été nommé procureur

général du vilayet, poste nouveau créé

sans doute par considération pour le

père de l'exilé. Les motifs de l'exil sont

inconnus. La Chambre d'accusations

de Constantinople motive seulement la

décision par une instruction secrète

d'où il résulterait que le fils du ministre

de la police et Mehmed Ali, présidentde la Commission des recherches au

ministère de la police, auraient, contre

argent, facilité la fuite de quelquescriminels politiques. Cependant Meh-

med Ali a gardé son poste. Vraisembla-

blement on attend le 15 ramazan, jouroù le sultan va à Stamboul adorer le

manteau du prophète. Au reste, de

graves accusations pèsent encore sur

Mehmed Ali et sur le fils du ministre

de la police. Tous deux seraient accu-

sés en personne d'avoir pris part à une

conspiration contre l'Etat.

Le 15 ramazan (23 novembre) s'est passé sansautre incident que la coutumièreterreur du sultanà cette date fatale où il lui faut sortir de Yldiz.

(N. D. L. R.)

Les mutineries de soldats.

Constantinople,22novembre.

Les mutineries soldatesques pourcause de soldes arriérées font tache

d'huile. C'était, d'ailleurs, à prévoir.Du moment qu'un bataillon a reçusatisfaction par la menace, il n'y avait

pas de raison pur qu'il ne fût pas imité

par les autres. C'est ce qui est arrivé

dernièrement à Makri, dans le vilayetde Smyrne ; c'est ce qui vient de se pro-duire à Scutari d'Albani, où officiers et

soldats se sont mis d'accord, ainsi que

je vous l'ai télégraphié, pour se faire

donner satisfaction de vive force.

Il ne faut pas chercher le mobile de

ces actes d'insubordination dans le seul

fait du retard apporté au paiement de

la solde, mais aussi dans ce sentiment

que ressent le soldat qui ne se voit pastraité à l'égal de son camarade, le gen-

darme, payé régulièrement depuis l'ar-

rangement relatif à la réorganisationde la gendarmerie. Cette situation dont

le gouvernement ottoman prévoit bien

les désagréments, n'est pas étrangère à

l'opposition qu'il continue de faire à la

demande persistante de la Russie et de

l'Autriche d'augmenter le nombre des

officiers européens de la gendarmerie.L'officier turc ne peut voir d'un bon

œil et sans jalousie une compagnied'officiers étrangers bien payés et régu-

lièrement, lorsque eux-mêmes souffrent

de toutes sortes de privations. Il est

vrai que ce n'est pas le même corps,mais le soldat ne fait pas de ces distinc-

tions. Il ne voit qu'une chose, c'est

que si le giaour est payé, il a le droit

de l'être avant lui.

Constantinople,26 novembre.

De toutes parts arrivent des de-

mandes d'argent pour le payement de

soldes arriérées que les troupes récla-

ment. Le mécontentement se manifeste

partout dans l'armée, et le gouverne--

ment a communiqué des rapports sur

cette situation au palais.

En Russie.

Kazan, 20 novembre.

Pendant une séance solennelle de

l'Université, un étudiant arménien in-

Page 6: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

624 PBO ABMENIA

terrompit le discours du professeur

Kapoustine, en s'écriant: «Ce n'est pasde cela dont nous avons besoin ! »

Aussitôt un groupe d'étudiants monta

sur l'estrade et, déployant un drapeau

rouge, entonna la Marseillaise.

LA QUINZAINË

Par le Fer ou par la Faim

La bonté du Sultan est infinie; elle

s'étend jusqu'aux hôtes. Autrefois Sa

Majesté Impériale voulut bien interdire

à la Com pagnie des tramways de Cons-

tantinople, de jeter du sel dans la rue

pour faire fondre la neige : ce mélange

glacial et corrosif aurait brùlé les pat-tes des chiens errants. Tout dernière-

ment, l'ambassadrice d'Allemagne a

donné à llamid l'occasion d'accomplirun nouvel acte débouté. M"10 Marshall

von Bieberstein avait été attristée au

spectacle des oiseaux pris par cenlai-

nes à la glu sur les murs de Stamboul

et dans les jardins du Bosphore, poursatisfaire la gourmandise des mangeursde pilaf; à peine eùt-elle manifesté le

désir que cette cruelle pratique lut dé-

fendue, qu'un iradé y mit fin aussitôt.

Et les amis des oiseaux célèbrent la

gloire jumelle d'Abd-ul-IIamid et de

l'ambassadrice d'Allemagne.

Protéger des créatures légères, har-

monieuses et charmantes, c'est fort

bien. Mais Madame Marshall de Bie-

berstein sait-elle que dans le vaste em-

pire du Sultan, toute une catégorie de

créatures humaines est, par ordre du

souverain, vouée à la mort ? Sait-elle

que sur les ruines des villages détruits,les petits Arméniens meurent de faim

et de froid, que leurs pères ont été

massacrés, leurs sœurs et leurs mères

violées? Le sait-elle et le peut-elle

ignorer ? Et n'est-ce pas une sanglantedérision que le pouvoir des mieux in-

tentionnés à Constantinople ne soit en

état de se manifester que pour de vains

objets; car il ne parait pas que la pro-tection des petits oiseaux soit d'un in-

térêt primordial dans un pays, où cette

année encore, plus de 7.000 Armé-

niens ont été égorgés.Non seulement les coupables n'ont

pas été châtiés; mais en dépit de l'ap-

parente accalmie actuelle, le plan d'ex-

termination se poursuit avec une ad-

mirable méthode.

En pleine crise. au mois dc juin

dernier, les ministres de Sa Majestéava ient porté à la connaissance des

puissances, les décisions suivantes :

1° Que l'on garantirait aux réfugiés

de Moush et autres lieux, l'autorisation

de retourner au Sassoun ;

2° Qu'une somme de 5.000 L. T.

serait envoyée au vali de Bitlis poura ider les réfugiés à reconslru ire leurs

maisons ;

3° Que des casernes seraient cons-

truites dans le voisinage de Sassoun,

pour protéger les Arméniens contre

les déprédations des Kurdes « H pourmettre en échec dès soi) début tout

mouvement révolutionnaire. »

40 Qu'une amnistie générale serait

assurée à tous ceux qui se rendraient

et qui n'étaient pas actuellement incul-

pés de crimes.

5° Qu' une gendarmerie sérieuse se-rait réorganisée à Bitlis et dans les vi-

layets voisins et qu'une enquête serait

faite sur le mode d'administration en

vue de remédier aux abus existants.

De leur côté, les réfugiés avaient

formulé leurs demandes dans une re-

quête aux consuls. Ils demandaient des

garanties aux cinq puissances, sur cinq

points:

1° Qu'ils fussent rétablis dans leurs

anciennes maisons de la montagne,avec tout ce qui était nécessaire pourmaintenir l'ordre ;

2° Vue leurs maisons et églises fus-

sent reconstrui tes ;

3° Que le bétail et les objets volés

leur fussent restitués ;

4° Que l'accès de leurs districts fut

interdit aux Kurdes nomades ;

5° Qu 'on ne construisit pas chez eux

de casernes, vu les méfaits à prévoit-de la part des soldats en particulier à

l'égard des femmes obligées d'allerseules aux champs.

Sur la question capitale des casernes,

les deux programmes diffèrent radica-

lement et pour cause ; sur les autres

points, il n'y a pas entre eux d'antago-nisme formel. Mais ici apparaît l'ordi-

naire astuce du gouvernement hami-

dien. Dans les périodes de grand scan-

dale, quand la révélation des mas-

sacres oblige les puissances à ne pasmontrer une totale indifférence, il faut

bien feind re d'accorder des concessions

raisonnables.

Mais aussitôt que le temps atténue'

l'horreur des événements — et les di-

plomates ne demandent qu'à oublier —

les promesses faites s'évanouissent et

il ne demeure des décisions hamidien-

nes, que les plus dangereuses pour les

Arméniens. ¡V

C'est ce qui vie-nl de se produire une

fois encore et nous assistons en ce mo-

ment à l'organisation de la famine et à

la préparation d'un prochain massacre

en même temps que la répression con-tinue.

L'amnistie a été comme, toujours,leurre et mensonge: 1,200 Sassounio-

tes sont toujours en fermés dans les

prisons de Moush sans avoir été jugés

et selon un procédé déjà employé en

1S90, les perquisitions pour la recher-

che des armes ont été h; prétexte de

vexations inouïes ; ceux qui n'avaient

jamais eu d'armes devaient en acheter

chez les marchands de ferraille pour

que la gen darmerie les put saisir et

justifier ainsi ses violences.

Le rapatriement tardif des réfugiéset leur complète, détresse ont empêchéles Sassouniotes de faire les semailles,

c'est-à-dire que Ja famine est organisée

pour le printemps, ainsi qu'il fut fait à

Van en 1S97. Mais l'échéance du prin-

temps parait encore une date trop loin-

taine et dès maintenant les Sassou-

niotes sont condamnés à mourir de

faim par mesure administrative, puis-

qu'il leur est interdit de venir se ravi-

tailler dans la plaine de Moush.

Il serait d'autant plus nécessaire que

malgré les difficultés opposées par le

Gouvernement turc. les secours envoyés

du dehors aux consuls européens leur

fussent immédiatement distribués; bien

que très insuffisants, ils sauveraient du

moins quelques vies humaines ; et par-

tiellement le plan hamidiell serail dé-

joué. [

Mais une autre menace subsisterait ;

les casernes construites à Dapik, Se-

mal, Guellieh-Guzan, ~Ichlkentzor <-

Talorik, c'est à dire aux points straté-

giques qui commandent * les hautes-

vallées du Sassoun. De bonnes âmes

et même un consul anglais, d'ordinaux

mieux inspiré, ont manifesté quelque

surpris*; que les Arméniens rerusassell

d'être protégés contre les Kurdes p:\

les soldats de Sa Majesté Impériale.

Le ministre français des affaire

étrangères a répondu d'avance à leu

objection en constatant à la Chamb:

i

Page 7: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

PRO ARMENIA 625

française que, pour les Arméniens, les

Kurdes plus les soldats, cela faisait

deux ennemis au lieu d'un. Et si M.

Delcassé était suspect de sentimenta-

lisme humanitaire, à notre gré le plushonorable des crimes, l'autorité du

prince de Bismarck semblera peut-êtresuffisante aux hommes de gouverne-ment. Celui-ci dans les conférences

préliminaires du traité de Berlin « ad-

mettes villes de garnison, mais repoussel'élablissement de iarmée en rase cam-

pagne, où les fonctions militaires en

temps de paix lui paraissent devoir

être réservées à la milice n. (Protocolen° 4, séance du 22 juin 1878). Par mi-

lice, il entendait « une troupe qui, dans

l'état, régulier est dans ses foyers et

qui n'est assemblée, dans des circons-

tances extraordinaires que sur l'ordre

exprès du souverain. La milice dont il

est question ici serait donc une troupesédentaire et territoriale, organisée

pour éviter le contact de l'armée régu-

lière avec la population chrétienne. »

Car il faut « éviter les cantonnements

des troupes musulmanes partout où il ya de différence de religion », et on pour-rait craindre si ces mesures n 'étaient

pas adoptées « le renouvellement dans

un temps plus ou moins rapproché des

événements qui ont failli compromettrela paix du monde. »

Ainsi jugeait le prince de Bismarck,

politique réa liste, pour la Roumélie

orientale. Il en est de même pour le

Sassoun, avec cette circonstance ag-

gravante que, depuis plus de dix ans,

dans les vilayets arméniens les troupesont pris l'habitude de commettre impu-nément tous les crimes.

Par le fer ou par la faim? telle est

l'alternat ive pour les Snssouniotes el,

en général, pour tous les Arméniens.

Et cela se passe sous les yeux des

puissances européennes qui laissent

faire, et il ne se trouve personne pour

prendre d'un peuple qu'on extermine

autant de souci que l'ambassadrice

d'Allemagne eût la mansuétude d'en

prendre pour les oiseaux du Bosphoreet de Stamboul.

La récente affaire de Nareg est une

preuve nouvelle de cette inertie volon-

taire où se réfugient les signataires du

traité de Berlin. Le Dr Waldemar

Beck, qui donne, dans la Frankfurter

Zeitung, une relation complète de cet

atroce événement, très conforme au récit.

que nous publions plus haut, constate

avec amertume que les coupables ne

seront pas châtiés parce que « l'état

présent de la constellation politique et

la situation en Extrême-Orient sont

cause que toutes les puissances, quiont quelque intérêt en Orient, s'effor-

cent de garder comme ami le Sultan

qui n'est pus un allié à dédaigner ».

Aussi, ajoute-t-il, seul, de tous les

consuls européens, le consul anglaisde Van s'est-il rendu sur le lieu du

massacre, mais « à contre-cœur et seu-

lement huit jours plus tard, et parce

que les intérêts de la mission améri-

caine détruite étaient confiés à sa sauve-

garde ». ("est pour les mêmes raisons

« que le monde n'est pas officiellement

informé de ces événements et d'autres

semblables qui sont simplement ense-

velis dans un silence de mort, si des

nouvelles privées qu on ne désirait point

ne viennent pas les révéler ».

Le docteur Waldemar Belek n 'est

pas un agitateur dangereux, ni un ré-

volutionnaire ; c'est un savant qui con-

naît admirablement le passé et le pré-

sent de Arménie; dans sa forme mo-

dérée, l'accusation qu'il porte implici-tement contre toutes les puissances

européennes n'en a que plus de poids.Par le fer ou par la faim, dans un

silence de mort, sans que leur dernier

appel de détresse parvienne même aux

peuples d'Europe, les Arméniens de-

vraient donc disparaître pour la plus

grande liesse du Sultan et la tranquil-lité des diplomates à courte vue.

Par le fer ou par la faim ? et s'ils

choisissaient une autre mort, la mort

dans une lutte désespérée, qui attein-

drait les intérêts matériels des peuplesdits civilisés ?

Les diplomates à courte vue n'ont

pas songé à cette alternative.

Pierre QUILLARD.

HK-

LE MOUVEMENT PRO-ARMÉNIEN

Angleterre.

Une conférence de M. JI. F. B. Lynch.— M. H. F. B. Lynch, l'auteur du

magistral ouvrage Armenia, a fait de-

vant la « London Institution » le 17 no-

vembre, une conférence dont nous

sommes heureux de donner ici l'ana-

lyse.« Une chose oubliée est comme per-

due et un pays oublié est au point de

vue de l'explorateur, comme un pavs

qui n'a pas encore été découvert. » Ce

passage des observations préliminairesde M. Lynch, peut servir à indiquer le

but de sa conférence.

Il a représenté l'Arménie, comme

faisant partie de la grande série des

plateaux qui s'étendent des montagnesoccidentales de l'Inde jusqu'aux eaux

de la Méditerranée. Ce fait explique la

définition la moins étendue des limites

géographiques du plateau Arménien à

l'est et à l'ouest puisque dans ces direc-

tions, il se trouve à l'ouest dans le pla-teau de l'Asie Mineure et à l'est dans

celui de la Perse. De ce dernier côté, la

limite peut être placée à la frontière de

Perse tandis qu'à l'ouest, l'EuphrateOriental constitue une bonne limite

géographique. Au nord et au sud, les

limites géographiques du pays sont

clairement définies par les grands mas-

sifs montagneux qui le séparent au

nord de la mer Noire, de la vallée du

Kour et de la Caspienne et au sud de

la plaine de la Mésopotamie.Entre ces limites, s'étend une con-

trée que M. Lvnch décrit comme une

unité géographique d'une superficieun peu moindre que celle de l'An-

gleterre et du Pays de Galles. C'est

l'Arménie. La population s'élève à

2.000.000 d'âmes, dont plus de 900.000

Arméniens, moins de 5oo.ooo Turcs,

et pour le reste un tiers de Kurdes et

un quart de Tartares. Une partie de la

contrée appartient à la Russie à la suite

des ses conquêtes récentes sur la Perse

et la Turquie; mais la plus grande

partie est encore incorporée à l'em pire

ottoman.

Après avoir montré, dans une série

de projections, les aspects naturels du

pays, les types des peuples qui l'ha-

bitent, des reproductions de monu-

ments, M. Lynch arrive à la seconde

partie de sa conférence : rechercher

au point de vue politique quel sera

l'avenir de la partie turque de l'Arménie.

Il a rejeté la solution d'une occupation

russe pour deux raisons : 1° Tant que

les pavs limitrophes appariiendront à

des gouvernements faibles, il est peu

probable que les puissances européen-nes permettent à la Russie d'occuper

une position dominante dans l'Asie

occidentale, telle que lui en assurerait

la possession de l'Arménie; 20 cette

solution ne serait pas la bienvenue pour

Page 8: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

626 PRO ARMENIA Il

les Arméniens eux-mêmes. Restent

deux alternatives que M. Lynch exa-

mine en ces termes :

« Il reste, me semble-t-il, deux alter-

natives. L'une consiste à réformer le

gouvernement central de Constanti-

nople. Je la rejette, mais je n'ai pas le

temps de développer mes raisons. Qu'il

me suffise de dire que la tentative a été

faite maintes fois et a toujours échoué.

L'autre alternative est celle que j'ai

longuement exposée dans mon livre et

que je peux appeler une réforme pro-vinciale radicale. Je ne suis pas géné-reux aux dépens de Sa Majesté le Sul-

tan de Turquie. Mais je dis à son gou-vernement : quelqu'un se trouvera

pour être généreux à vos dépens, si

vous ne mettez pas vos affaires en ordre-

en Arménie. Ne vous fatiguez pas plus

longtemps la tête avec les réformes so-

nores qui vous sont présentées dans

des notes diplomatiques; formez une

seule province ou un seul gouverne-ment homogène sur le plateau d'Armé-

nie et donnez la main aux Arméniens.

Ils seront vos sujets dévoués. Cela, mes-

sieurs, c'est en substance mon remède.

J'ai pris la peine de dessiner soigneuse-ment les limites de la nouvelle pro-vince qu'il faudrait créer en harmonie

avec les faits géographiques et ethnolo-

giques. Mais je vais plus loin que cet

avertissement amical à un gouverne-ment ami. C'est un fait que l'article 61

du Traité de Berlin a été le résultat

d'une entente européenne. L'Europes'est engagée à faire introduire des ré-

formes en Arménie et plus encore à en

surveiller l'exécution. Et l'Angleterredevrait entreprendre, d'accord avec les

démocraties de France et d'Italie, de

faire disparaître sans délai ce dangereux

point pestiféré de la carte de l'Asie et de

la conscience du monde civilisé. Les

Etats-Unis, j'en suis sûr, ne manque-raient pas de faire entendre dans le

même sens par la voix du présidentRoosevelt. »

— -

Abdul. Hamid & Guillaume II

Le journal l'Éclair publie en ce moment,sous letitre de Guillaume Il inconnu, de curieux mé-moires attribués à une dame d'honneur de l'impé-ratrice. Ces mémoiresne doiventpas être accueilissans quelque réserve; mais ils donnent au moinsl'impression du vraisemblable.

Dans le numérodu 23 novembre on y lisait d'in-téressantesrévélationssur les sentiments que pro-fesse l'empereur à l'égard d'Abdul-Hamid:

— Qu'est-ce que notre frère peut bien

admirer dans ce misérable sultan, deman-

dait la princesse royale de Grèce à sa sœur

de Lippe quand la famille était réunie à

Friedrichshof en juin 1894?Victoria de Lippequi, sans l'intervention

de Bismarck et sans la mort de son premier

fiancé, le prince Alexandre de Battenberg,serait devenue une vassaled'Abdul-Hamid,

passa la réponse, qu'elle trouvait embarras-

sante, à son mari, lequel a la réputation de

recevoir les confidences de l'Empereur.— Guillaume, déclara le prince Adolphe,

admire dans le sultan, la personnificationde l'absolutisme. A ses yeux, Abdul-Hamid

est un maître qui gouverne, au risque de

voir la moitié de son peuple égorger l'autre

moitié, afin d'apprendre à celle-ci l'obéis-

sance. Bien des fois, il m'a dit : « Si Fré-

déric-Guillaume IV avait eu seulement une

parcelle du caractère de celui qu'on appelle« l'homme malade », je régnerais aujour-

d'hui, dans le vrai sens du mot, même si le

sang avait dû couler dans les ruisseaux de

Berlin pendant des semaines, en mars

1848. »

A ces mots, la duchesse de Sparte se ca-

cha la figure dans ses mains et s'écria :— Mais c'est horrible !— Ce sont pourtant là les vrais sentiments

de Sa Majesté, murmura la baronne de

Reischach. Du reste, rappelez-vous le dis-

cours de Francfort (1).— Laissez donc, conclut le Prince de

Hesse, essayant de corriger l'effet des paro-les de son trop communicatif beau-frère, si

Guillaume flatte le Sultan, c'est uniquement

pour qu'il lui donne la permission de visi-

ter son harem, quand il ira à Constanti-

nople.Je suis persuadée que le désir de Guil-

laume de fumer un tchiboukdans le harem

du sultan n'est pas vain, mais ce dont jesuis encore beaucoup plus persuadée, c'est

que l'idéal de gouvernement pour Sa Ma-

jesté est bien tel que l'a décrit le prince

Adolphe. Dès lors, il n'est pas étonnant que

l'Empereur admire Abdul-Hamid. En 1896,tout le monde put en être persuadé, lorsquele commandeur des Croyants ayant encore

les mains rouges du sang de quarante mille

chrétiens égorgés par ses soldats, il lui en-

voya une photographie coloriée représen-tant la famille impériale groupée.

— Mon maître, devait dire notre am bas-

sadeur Freiherr von Saurma, en remettant

la photographie, m'a ordonné de vous dire

qu'il espère que ce simple souvenir sera

accepté de Votre Majesté comme gage de

son affection.

(1) Le 16août 1888,à Francfort-sur-Oder,l'Em-

pereur dit : « qu'il aimerait mieux voir ses qua-rante-quatre millions de Prussiens morts sur lechamp de bataille plutôt que d'abandonner unpouce du terrain gagné dans la guerre franco-alle-mande. »

Par deux fois, le baron Saurma télégr

phia au prince de Hohenlohe pour demai

der de plus amples explications sur c

acte diplomatique. Son premier télégramnsemblait indiquer qu'il considérait qufallait remettre la photographie comme 11

cadeau de Pâques en retard ou quelq lchose d'approchant. On le détrompa. C'c

alors qu'il télégraphia qu'il aimait miel

donner sa démission plutôt que de se cha

ger, après les derniers événements de Tu

quie, d'une démarche aussi dégradant

Hohenlohe, effrayé du scandale qui résu

terait d'une pareille démission, fit l'imposible pour dissuader Saurma. Il y parvi let, finalement, le cadeau de Guillaume fi

remis en grande pompe au Sultan, à la s.

tisfaction des deux Majestés.Comme l'Impératrice faisait des obje

tions au sujet de l'envoi de son portrait <

de celui de ses enfants aux « meurtriers d

chrétiens », l'Empereur lui fit cette réponse— Lss femmes ne comprennent rien

ces sortes de choses. Les Arméniens so l

des rebelles et mon ami le Sultan les

traités comme je traiterais lesémeutiers qL

s'opposeraient à mon autorité.— Mais, continua l'Impératrice, Hei

von Marshall disait que cela avait con

mencé en Arménie par des rixes que de;

dissentiments religieux avaient provoquéeLes Musulmans tombèrent sur les Giaour

et en égorgèrent des quantités.

L'Empereur, en entendant ces objection ;

haussa les épaules et répliqua :— Je suis le berger des troupeaux luthu

riens de Prusse; ceux des pays étrangers n

me regardent pas.Un an plus tard, il envoyait le princ

Henri en Chine « à la nouvelle croisa

pour soutenir la Croix et punir les meu

triers des chrétiens ». Comme tout cela e;

inconséquent !

Il y a probablement une légèreerreur de date <la conversationa du avoir lieu, non en 1894,m;1en 1897.Les sentiments attribués à M. de Saurin;Yeltschet au baron Marshallvon Biebersteinsoiconformes à tout ce qu'on sait de ces deux diplmates qui furent ou qui sont, à Constantinopidans la même situation que M.Cambonsousministère Hanotaux.

Nouvelles d'Orient

MACÉDOINE.— Une agence viennoise 0

ficieuse a récemment publié une manier

de mémoire enregistrant avec la satisfactio

coutumière les résultats obtenus par k

agents civils austro-hongrois et russe dan

l'exécution du programme de Muertzeg.Dès le début la population comprit l'avai

tage qu'elle pourrait tirer des réformes <

envoya aux agents civils nombre de plainteet de requêtes : dans les six premiers moi

Page 9: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

PRO ARMENIA 627

six cents cas ainsi signalés furent réglés au

mieux. Quant à la collaboration des agentscivils et des officiers étrangers, qui donc a

jamais osé dire qu'elle ne fut pas toujours

parfaite et que le général de Giorgis songeamême à donner sa démission? L'entente

fut tellement harmonieuse qu'elle n'éveilla

pas seulement la confiance de la populationmais qu'elle influa sur les autorités et de

plus en plus « on est convaincu qu'un re-

tour à l'ancien état de choses est devenu

impossible. »

Donc la situation s'améliore de jour en

jour; les paysans se sont remis à leurs tra-

vaux et le commerce a pris un essor comme

on ne lui en connut pas depuis plusieursannées. Les réfugiés'? Si l'on excepte le vi-

layet d'Andrinople, plus de 6.000 person-

nes, c'est-à-dire 86 o o de la population

émigrée sont rentrées dans leurs foyers.

Cependant la note officieuse signale quel-

ques points noirs : les réformes ne s'accom-

plissent pas toutes seules ; elles rencontrent

divers obstacles : résistance des cercles gou-

vernementaux, propagande révolution-

naire, hostilité entre les diverses confes-

sions chrétiennes, enfin situation financière.

C'est de ce côté que va porter l'effort pro-chain. Les revenus des trois vilayets don-

neraient, selon l'inspecteur général, une

plus-value de 15 millions si les finances

étaient bien administrées. Mais l'augmenta-tion des effectifs militaires et la contribution

insuffisante des caisses d'Etat ont entière-

ment ruiné la situation financière des pro-vinces. Pendant toute la dernière période ni

les appointements des fonctionnaires ni la

solde des troupes n'ont pu être payés régu-lièrement : le retard normal est de trois à

quatre mois.

D'autre part la reconstruction des mai-

sons est une condition nécessaire du réta-

blissement d'un ordre de choses régulier et

cette reconstruction n'est possible que

moyennant une forte subvention d'Etat.

Tout au moins les appointements de la

gendarmerie sont-ils assurés.

28 0 o des gendarmes sont chrétiens et

jusqu'ici aucune plainte n'a été formulée

contre ce corps à peu près réorganisé. Il en

est de.même du corps des gardes champê-tres qui donnait motif à tant de plaintes.Les violences des Arnautes sont devenues

plus rares et le personnel judiciaire a été

augmenté; l'élément chrétien s'est accru

parmi les fonctionnaires (311 jusqu'à la fin

de juillet). L'amnistie a eu lieu et a portésur 2000 personnes. La réforme de la dîme

est commencée et c'est un honneur pourHélim-Pachà d'en avoir esquissé le projet.

Aussi les agents civils ne cachent pasl'admiration qu'ils ont pour leur œuvre et

leur admiration s'étend même jusqu'au

panégyrique d'Hilmi-Pacha. Mais les faits

démentent la trop flatteuse opinion qu'ils

cherchent à répandre en Europe sur leur

action réelle. Et même à lire entre les

lignes, ils reconnaissent implicitementleur faillite quand ils constatent que les

autorités turques entravent leurs projets,

que la propagande révolutionnaire n'a pas

cessé, que les luttes entre exarchistes et

patriarchistes sont aussi vives que jamais et

surtout que l'état des finances demeure dé-

plorable.

En cela ils disent la vérité. Hilmi-Pacha

lui-même, dans une entrevue récente avec

un correspondant du Matin (27 novembre),déclare sans ambages que l'Europe est

cause de tout le mal, qu'elle a traité en

héros des gens qui sont des bandits et qu'aucontraire elle se montre injuste envers le

gouvernement paternel du Sultan. La pro-

pagande révolutionnaire n'a pas cessé non

plus : le manifeste de VOrganisation inté-

rieure le proclame sans réticence ; mais il yeu une sorte de trêve volontaire et le mo-

ment venu, les bandes circuleront de nou-

veau dans le pays. Les luttes entre exar-

chistes et patriarchistes sont également tropréelles et trop fréquentes et il est navrant de

voir une partie de la population oppriméefaire le jeu des oppresseurs.

Pour la situation financière, outre les

aveux de la note viennoise, il suffit d'enre-

gistrer la série d'émeutes militaires qui se

produisent presque quotidiennement pourcause de non paiement des soldes.

Et il ne s'agit que de la Macédoine propre.Mais on ne peut pas oublier que le vilayet

d'Andrinople exclu des réformes, sans doute

pour s'être soulevé trop tard, a terriblementsouffert. L'accord turco-bulgare y devait

ramener un peu de calme : mais cet accord

n'est pas plus exécuté que le programme de

Muerzteg : non seulement les perquisitionset arrestations de suspects continuent, mais

les dix mille réfugiés, dont le rapatriementavait été convenu, sont toujours en Bulga-rie et risquent d'y demeurer longtemps en-

core. En effet, il est très difficile au gouver-nement turc de tenir la promesse faite en

avril : dans les districts de Malko Tirnovo,de Lozengrad et de la région voisine d'An-

drinople, des Musulmans se sont emparésdes terres et des maisons abandonnées et il

faudrait d'abord les en déposséder; là-dessus

le ministère bulgare se fâche et le président

du Conseil Petrof adresse des notes très

dures à la Porte pour exiger l'exécution du

contrat. En même temps la Principauté à

qui les seuls émigrés d'Andrinople coû-

tent 180.000 francs par mois contracte un

nouvel emprnnt qui sera très probablementdestiné à compléter le matériel de guerre.

Ainsi l'inertie des puissances qui n'ont

pas su mettre à profit le temps de répit queleur avaient laissé les insurgés macédo-

niens, de propos délibéré, aura rendu pos-sible une reprise de l'action révolutionnaire

et la principauté bulgare qui était allée à

l'extrême limite des concessions dans l'ac-

cord Natchévitch se trouvera peut-être bon

gré mal gré entraînée à des aventures belli-

queuses qui risqueront d'amener une con-

flagration générale, et faute d'avoir à tempsfait entendre à Yldiz les paroles de 'menace

indispensables, les puissances signatairesdu traité de Berlin laisseront se déchaîner

en Orient une crise redoutable, alors qu'ellesont pu jusqu'ici échapper aux répercussionsde la guerre russo-japonaise.

DANSL'YÉMEN.— La convention pour le

règlement du litige touchant l'Hinterland

d'Aden allait être, disait-on, signée inces-

samment entre la Turquie et l'Angleterre.On avait compté sans Hamid qui prétend

employer là aussi les moyens dilatoires. Il

espère reprendre le dessus et venger les

défaites que lui a infligées autant qu'à Ibn-

Raschid le chef Ibn-Saïd : une expéditionse prépare même contre Ibn-Saïd qui semble

de connivence avec l'Angleterre. Mais il

n'est pas certain que le gouvernement bri-

tannique se prêtera complaisamment aux

desseins de Sa Majesté Impériale et on an-

nonce, au contraire, que si la Convention

n'est pas ratifiée dans un délai assez court,des troupes anglaises seront expédiées aux

points désignés par la Commission mixte

de l'hinterland d'Aden et en chasseront les

garnisons turques. C'est ainsi qu'une fois

de plus le Sultan aura mérité le nom de

Ghazi, qui veut dire victorieux, en se lais-

sant arracher un nouveau lambeau de son

empire qu'il aurait pu conserver s'il avait

tenu à l'égard des tribus arabes demi-sou-

mises une politique moins oppressive.

L'AFFAIREDESCUTARI.— On a mainte-

nant des détails sur l'affaire de Scutari :

venant après celle de Salonique, elle jettesur l'état de la décomposition hamidienne

une lumière révélatrice.

Les officiers, un beau jour de novembre,étaient allés réclamer leur arriéré de solde

de quatre mois : « Para yok » (Pas d'argent),

répondit laconiquement le gouverneur gé-néral. Sur quoi trente officiers s'emparèrentdu bureau télégraphique et, le revolver au

poing, obligèrent le directeur du télégrapheà envoyer au sultan un télégramme très res-

pectueux : il demandaient si vraiment

c'était par son ordre qu'on ne les payait

point ou si quelqu'un, à Constantinople,retenait l'argent; il exposaient leur grandemisère et faisaient observer que leurs fa-

milles manquaient de pain. Ils demandaientune réponse : le 10 novembre arriva l'ordre

de payer un mois et d'en acquitter un autre

le jour du Baïram. Pendant les trois jours

qui précédèrent la réponse impériale, les

officiers, maîtres du bureau télégraphique,

s'opposèrent à la transmission d'aucune

dépêche.

Page 10: Pro Armenia. 1904/12/01.tert.nla.am/archive/NLA AMSAGIR/Pro Armenia/99.pdf · 2015. 3. 23. · AmbroiseJanvierde la Motte, ,. 5ofr. Union des Damesde la CroixRouge d'Alexandrie i5o

628 PRO ARM ENI A -

(Syndiquésen Commanditegénéralisée.)

Les consuls protestèrent en vain : le gou-verneur objecta qu'il craignait une révolte

et quand les drogmans russe et italien vin-

rent' en personne au bureau, on leur dit

que leurs dépêches ne pourraient partirtant que la réponse impériale ne serait pas

parvenue. Il leur fallut envoyer leurs télé-

grammes à Dulcigno, par bateau spécial.Les commerçants auraient aussi voulu pro-tester contre le trouble apporté à leurs

affaires : mais on les menaça de prison et

d'exil et ils se turent sagement.

Quelques jours plus tard 60 officiers

.d'Ipek imitèrent leurs camarades de Scu-

tari : ils s'emparèrent du télégraphe et de-

mandèrent six mois de soldes arriérées.

Jusqu'ici il ne leur a pas été donné satis-

faclion ; ils se feront payer probablementen employant des moyens plus énergiques.

UNE PLAISANTERIED'OPÉRETTE.— Le

Secolo raconte par quel tour de passe-passeles gouvernements russe et austro-hongroisauraient réussi à faire pénétrer en Turquieles officiers supplémentaires que le Sultan

refusait d'accepter pour la gendarmerie de

Macédoine.

Dans la seconde semaine de novembre

arrivèrent à Constantinople quelques Russes

qui avaient l'air de touristes ou de commis-

voyageurs; comme profession leur passe-

port indiquait vaguement particulier. Ces

particuliers, deux jours plus tard partirent

pour Salonique, surveillés comme il con-

vient par la police. Là, trois de ces mes-

sieurs, quittèrent tout à coup leur costume

de particuliers et sortirent de l'hôtel en

magnifiques uniformes d'officiers russes

pour se présenter au général de Giorgis; ils

s'appelaient Aghoura, Baraï Ktaroff et Froï-

loff et étaient les nouveaux officiers de la

gendarmerie macédonienne. A Uskub, des

officiers autrichiens étaient arrivés de la

même manière. MM. de Calice et Zino-

vieff allèrent à Yldiz annoncer la bonne

nouvelle à Sa Majesté; puisque le trésor

turc manquait de fonds pour les payer, les

nouveaux officiers seraient payés par leurs

gouvernements, mais garderaient leur uni-

forme national. On dit que la colère du

Sultan fut très vive et se manifesta surtout

contre le baron de Calice.

LA HAUTECOMMISSIONFINANCIÈRE.— La

haute Commission financière se réunit

presque journellement pour une vaine et

chimérique besogne : trouver de l'argentdans un pays ruiné par les gaspillages du

prince, épuisé par une administration vo-

race et famélique, saigné à blanc par la

racaille d'Yldiz. Et cependant il faut de

l'argent coûte que coûte, pour payer le

mois d'appointements qu'il est de règle de

donner au moment du Baïram, pour ac-

quitter en janvier l'indemnité de guerre

russe, pour donner au moins un acompte

aux fournisseurs qui tombent en faillite

parce que le ministère de la guerre leur

doit jusqu'à cinq millions de francs, pour

jeter de temps à autre un os à ronger aux

officiers et aux soldats non payés et qui

grognent trop fort.

Et. la Commission fait d'importantes ré-

formes : envoi le samedi, d'un rapport heb-

domadaire par les autorités provinciales;révocation des trésoriers payeurs géné-raux de Syrie, de Mossoul, Mamouret ul

Aziz et Billis ; mesures « pour assurer la

perception régulière et totale des impôtset particulièrement la taxe des moutons. »

Mais ce n'est point ainsi qu'on remplirala caisse et cela finira par un emprunt queconsentiront à des prix usuraires quelques

pirates de la finance internationale.

DÉCORATION.— On lit dans les journauxturcs du 26 octobre :

Hier, à une heure de l'après-midi,a eu lieu à Tchit

Kiosque, à Yildiz, la cérémoniede la remise de la

plaque en brillantsde l'ordre de Ylmtiaz, conféréré-cemmentà S. E. Izzet pacha, chambellanet 2e secré-taire. D'aprèsles statuts decet ordre, les insignesdoi-vent être attachéssur la poitrinedu récipiendaire,parles mainsmêmesdu souverain. Aussi, sur lm ordre

Impérial, S. E. Izzet pacha en granduniforme, a étéintroduit par S. E. Ibrahim pacha, en présencedeS. M.I. le Sultan.

S. E. Hadji Ali pacha, premierchambellan, a pré-sentéà Sa Majesté,sur un plateauen argent, la plaqueen brillantde YlmtiazqueSa Majestéa attachéesur la

poitrined'Izzetpacha.Tous les dignitaires de la Cour étaient présentsà

cette cérémonie.

Le syriaque Izzet pacha a été l'un des

principaux organisateurs des massacres

arméniens. Il faut s'étonner seulement

que la Bête ait tant tardé à lui accorder

une décoration aussi éminente, alors quedes comparses et complices subalternes,comme M. Gabriel Hanotaux, en furent

gratifiés aussitôt le crime accompli.P. Q.

:

UN RÉVOLUTIONNAIREARMÉNIEN

Arménag Ghazarian Mampréian

(Hraïr-Djokhk)

Hraïr naquit en 1866, au villaged'Aliaronk dans le Sassoun. Son père

qui était prêtre, le mit à l'Ecole du

Couvent de Sourp Garabet, où il

termina ses études en 1890. Sa vie

révolutionnaire commence des cette

époque ; avec ses camarades il combat

les Kurdes qui se livraient à des exac-

tions envers ses compatriotes.

AprèF l'enlèvement de Gulilizar, les

attentats étaient devenus courants, et

en 1890 les révolutionnaires étaient

apparus avec un programme précis.

En 1891 arrive à Moush, Miran Dama-

dian comme représentant du partiIleutchakiste : il y trouve déjà une

organisation anonyme placée sur un

terrain pratique. Damadian établit des

l'ela tions a vec cette organisation, et

dès lors Armenag devient son collabo-

rateur.

Ensemble, ils délibèrent sur plusieurs

questions. Ils visilent les villages du

Sassoun pour mieux étudier l'état des

choses.

Après l'arrestation de Damadian, le

rôle, de Hraïr devint plus important. Il

embrassa toutes les formes de l'action

révolutionnaire. Il était soldat, propa-

gandiste et correspondant. Après les

atrocités du Sassoun, en 1894, pendant

lesquelles il avait participé à plusieurs

combats, il quitte le pays momentané-

ment. Il voyage au Caucase, sur le lit-

toral de la Mer Noire, en Roumanie et.

en Bulgarie. Par ses discours ardents,

il suscite dans ces pays un grand en-

thousiasme. Il exhortait ses compa-

triotes à rentrer dans la patrie-mère.Avec ses 40 hommes, il s'adressa au

parti révolutionnaire fédéraliste quimit à sa disposition ses meilleures

armes. En 1895, au mois d'août, au

moment où les massacres se dessi-

naient une partie de la bande de Djo-khk réunie à celle d'Achod-Tatoul,

rentra dans le pays; quant à lui, il

passa la frontière juste au moment où

les massacres devenaient imminents à

Passcn. (A suivre.)

Le Secrétaire-Gérant : JEAN LONGUET.

L'Emancipairice(Imprimerie),RuedePondichéry.3. Paris.

Ed.GAUTHIER,Ad.-délégué.