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Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p1 Principes de la détermination de la structure tridimensionnelle de protéines en solution par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN). Joël Mispelter, Institut Curie, INSERM -------------------------------- Contrairement aux méthodes basées sur la diffraction ou la diffusion de rayonnement qui donne une « image » globale de la structure, la RMN donne des informations localisées au niveau de chaque atome de la molécule. Ces informations reflètent la structure 3D, mais pour l’obtenir il est nécessaire de parcourir un certain nombre d’étapes que l’on se propose de décrire ici. La détermination de la structure en solution par RMN a des limitations qui résultent de cette méthode. Une bonne connaissance de l’origine du signal est donc nécessaire pour bien comprendre les contraintes méthodologiques de cette approche. Ces contraintes sont essentiellement la faible sensibilité (en terme de rapport signal sur bruit) et la limitation dans la taille des molécules observables avec la haute résolution spectroscopique nécessaire. Tous les atomes ne sont pas visibles par RMN. Pour être « observé », leur noyau doit posséder un moment magnétique de spin. C’est seulement le cas du proton 1 H et des isotopes 13 C, 15 N et 17 O des atomes de carbone, azote et oxygène les plus abondants 1 dans les molécules biologiques (protéines). Si le proton est présent à quasiment 100% en abondance naturelle, ce n’est pas le cas du 13 C (1%) et encore moins du 15 N (0.37 %) et de l’ 17 O (0.04%). Leur observation par RMN nécessitera alors un marquage des molécules dans ces isotopes. Cela peut être réalisé actuellement grâce aux méthodes de production par manipulation génétique. On verra l’utilité (voire la nécessité) de passer par cette étape de marquage. Alors, pourquoi utiliser cette méthode pour l’étude de macromolécules biologiques ? Les difficultés présentées ne sont pas insurmontables. La sensibilité et la résolution progressent encore de manière prodigieuse avec les développements de nouvelles machines et de nouvelles méthodes. La possibilité de production en grande quantité de protéines et de leur marquage en isotopes stables visible par RMN est aussi un facteur important de développement. La RMN possède enfin l’avantage de donner des informations en solution

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  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p1

    Principes de la détermination de la structure tridimensionnelle de protéines en

    solution par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN).

    Joël Mispelter, Institut Curie, INSERM

    --------------------------------

    Contrairement aux méthodes basées sur la diffraction ou la diffusion de rayonnement qui

    donne une « image » globale de la structure, la RMN donne des informations localisées au

    niveau de chaque atome de la molécule. Ces informations reflètent la structure 3D, mais pour

    l’obtenir il est nécessaire de parcourir un certain nombre d’étapes que l’on se propose de

    décrire ici.

    La détermination de la structure en solution par RMN a des limitations qui résultent de cette

    méthode. Une bonne connaissance de l’origine du signal est donc nécessaire pour bien

    comprendre les contraintes méthodologiques de cette approche. Ces contraintes sont

    essentiellement la faible sensibilité (en terme de rapport signal sur bruit) et la limitation dans

    la taille des molécules observables avec la haute résolution spectroscopique nécessaire.

    Tous les atomes ne sont pas visibles par RMN. Pour être « observé », leur noyau doit posséder

    un moment magnétique de spin. C’est seulement le cas du proton 1H et des isotopes 13C, 15N

    et 17O des atomes de carbone, azote et oxygène les plus abondants1 dans les molécules

    biologiques (protéines). Si le proton est présent à quasiment 100% en abondance naturelle, ce

    n’est pas le cas du 13C (1%) et encore moins du 15N (0.37 %) et de l’17O (0.04%). Leur

    observation par RMN nécessitera alors un marquage des molécules dans ces isotopes. Cela

    peut être réalisé actuellement grâce aux méthodes de production par manipulation génétique.

    On verra l’utilité (voire la nécessité) de passer par cette étape de marquage.

    Alors, pourquoi utiliser cette méthode pour l’étude de macromolécules biologiques ?

    Les difficultés présentées ne sont pas insurmontables. La sensibilité et la résolution

    progressent encore de manière prodigieuse avec les développements de nouvelles machines et

    de nouvelles méthodes. La possibilité de production en grande quantité de protéines et de leur

    marquage en isotopes stables visible par RMN est aussi un facteur important de

    développement. La RMN possède enfin l’avantage de donner des informations en solution

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p2

    dans un environnement proche du milieu naturel et que l’on peut faire varier à loisir (ou

    presque…), ce qui permet des études en temps réels et non invasives, une autre caractéristique

    de la RMN qui a d’ailleurs fait son succès dans le domaine médicale. Le caractère local des

    informations procurées par la RMN permet aussi quelque fois de se concentrer sur une région

    particulière et d’analyser « d’un seul coup d’œil » les conséquences d’une manipulation de la

    molécule. Des informations (qualitatives) sur les propriétés structurales, d’association ou de

    stabilité peuvent être obtenues rapidement par le seul examen du spectre du proton. Enfin, les

    propriétés de l’aimantation nucléaire que l’on observe par la RMN sont très sensibles aux

    aspects dynamiques, ce qui permet aussi d’obtenir des informations sur les mouvements

    internes. En fait, les mouvements moléculaires sont à l’origine de la richesse des observations

    procurées par la RMN, que ce soit en haute résolution, en imagerie médicale ou industrielle.

    Cette dernière propriété en fait une méthode parfaitement complémentaire de la

    cristallographie par RX pour la détermination de la structure 3D de molécules biologiques.

    L’accroissement exponentiel du nombre de structures obtenues par RMN en solution

    démontre l’intérêt de cette approche.

    Les informations obtenues par RMN permettant d’aboutir à la structure :

    D’après ce qui vient d’être dit, on voit que les informations viendront essentiellement du 1H.

    Ces informations sont :

    - le déplacement chimique du proton (et du 13C si connu) -> attribution et structure

    secondaire

    - le couplage à travers les liaisons chimiques -> angles dihèdres (loi de Karplus)

    - la distance entre protons

    - échange proton – deutérium -> liaisons hydrogènes

    - les « couplages résiduels dipolaires » ou RDC -> angles de projection (squelette)

    1 L’isotope 14N de l’azote (abondance 99.6 %) possède un moment magnétique de spin nucléaire, mais son observation par RMN présente des difficultés très importante qui ont jusqu’à présent empêché son utilisation pour la résolution de la structure des macromolécules en solution.

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p3

    CDCl3

    C

    O

    CH3C

    O

    CH3

    }Gal

    200 ppm

    L'équation de la RMN

    γ = ωB'0 0

    Nuclear Magnetic Resonance

    B' = B + 0 0 i∑

    B : applied main field (order of Tesla)b : local magnetic fields (order of 10 T)

    0

    i-6

    : mean in time and space spectral propertiesi ⇒

    The fluctuating (in time and in space) componentsof b contribute to nuclear spin magnetic relaxation.i

    a

    Le champ magnétique appliqué induit un courant dans le nuage d'électrons de la structure chimique qui entoure le noyau. Ce courant crée un champ magnétique qui s'oppose au champ appliqué (loi de Lentz). Il en résulte que le champ vu par un noyau diffère de d'une quantité proportionnelle à et d'autant plus élevée que le nuage électronique est dense (en 1ère approximation!).

    où est une constante qui dépend de l'environnement chimique du noyau. Elle s 'exprime en ppm. C'est le déplacement chimique. Noter que si ne dépend pas du module de mais dépend en général de l'orientation du champ par rapport aux axes moléculaires (anisotropie de ).

    B

    b

    B B

    B = B - b = B

    B

    0

    0 0

    vu 0 0

    0

    (1 − σ) σ

    σ

    σ

    b

    b//Β0

    Déplacement chimiqueb

    *

    2Hz 8Hz

    MAGNETIC INTERACTIONS IN DIAMAGNETIC NMR

    SPIN-SPINCOUPLING

    CHEMICALSHIFT

    HNO2

    H

    O

    H

    2Hz

    8HzHNO2

    H

    O

    H

    HH

    H

    H

    H

    H

    H

    OCOCH3

    OCOCH3

    O

    O

    C

    C

    O

    O

    C

    C

    H

    H

    3

    3OH

    NO2

    OGal

    H

    HH

    H

    F

    O

    O

    N

    H H

    C

    O

    CH3

    ≈ 12 ppm

    c

    d

    figure 1

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p4

    Les caractéristiques spectrales de la RMN

    Avant de donner une description plus détaillée de ces informations il faut préciser ce qu’est la

    Résonance Magnétique Nucléaire.

    On peut la résumer à cette seule équation : (fig 1a)

    '0 0

    '0 i

    B

    B b

    ω γ=

    =∑

    Le déplacement chimique (fig 1b):

    Le noyau est entouré des électrons de l‘édifice chimique et voit un champ magnétique

    B’ = B0 – b différent du champ appliqué. Le champ b s’oppose à B0 car il résulte de la

    circulation des électrons induite par le champ appliqué. La fréquence de résonance est alors

    très légèrement différente suivant la position du proton dans la structure chimique. Comme la

    RMN est extrêmement résolutive (équivalente à la mesure d’une distance de 1 km avec une

    précision de 1µ !), on peut aisément distinguer les différents protons d’une molécule (fig 1c).

    Le déplacement chimique s’exprime en ppm (partie par million) et mesure la différence

    relative entre la fréquence de résonance du proton observé et celle d’un proton de

    « référence ». L’échelle de déplacement des protons est au maximum de l’ordre de 12 ppm

    quelque soit les molécules (diamagnétiques). Pour le 13C, ce déplacement est plus important

    (200 ppm, fig 1d) car ces noyaux sont au cœur de la molécule.

    Le déplacement exprimé en ppm (δν/ν0 = b/B0) est indépendant du champ B0 appliqué car b

    est proportionnel à B0.

    Le déplacement chimique est non seulement caractéristique de la structure chimique (fig 2a)

    mais est aussi une source d’informations structurales qualitatives (état déplié ou non, structure

    secondaire… fig 2b-c-d).

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p5

    β sheet

    helices

    6 5 4 3ppm

    Ala

    Cys

    Asp

    Glu

    Phe

    Gly

    His

    Ile

    Lys

    Leu

    Met

    Asn

    Pro

    Gln

    Arg

    Ser

    Thr

    Val

    Trp

    Tyr

    A

    C

    D

    E

    F

    G

    H

    I

    K

    L

    M

    N

    P

    Q

    R

    S

    T

    V

    W

    Y

    D'après D.S. Wishart et al. , 311-333 (1991)J. Mol. Biol. 222

    Ca/NSCP2 +

    3.0

    2.0

    1.0

    0.0

    10.0 8.0 6.0 4.0 2.0 0.0

    ppm ppm

    NH

    Aromatiques

    C Hα

    CH2

    CH3

    C

    C C

    C C

    CN

    N

    N

    H

    HH

    H H

    H

    O O

    O

    α

    CH2

    CH2

    figure 2

    a b

    c d

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p6

    X A

    b

    β

    X A

    J

    ννA

    b = J/π γ

    Β0

    Β0

    X A

    r XA ⊥ Β0

    X

    A

    rXA // Β0

    Couplage spin-spin

    Principe :

    Couplage dipolaire, anisotrope

    Couplage scalaire, isotrope

    a

    10

    8

    6

    4

    2

    0-200 -100 0 100 200

    3JH

    NH

    α= θ − θ + 6.4 cos 1.4 cos 1.9 Hz2

    3 JH

    NH

    α(

    Hz

    )θ = |Φ − 60|

    HN

    φi

    Cα −1i

    Cβi

    Ci

    Loi de Karplusb

    15 Hz 11 Hz 55 Hz

    30 - 40 Hz

    90 - 100 Hz 140 Hz

    c

    figure 3

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p7

    Le couplage (fig 3a):

    Le moment magnétique de spin d’un noyau se comporte comme une sorte d’aimant (comme

    une petite aiguille aimantée2) et crée autour de lui un champ magnétique qui décroît

    rapidement avec la distance (en 1/r3). La moyenne de ce champ sur toutes les orientations

    de l’espace (les molécules en solution sont animées d’un mouvement brownien « très

    rapide ») est nul3. Il n’y aura donc pas d’effet spectroscopique. Mais les fluctuations

    temporelles de b seront la source principale de la « relaxation » de l’aimantation nucléaire, à

    l’origine des informations de distance entre les noyaux. Elles sont aussi à l’origine de

    l’élargissement des raies de résonance, limitant « l’observabilité » aux molécules de petite

    masse (actuellement jusqu’à quelque centaine de kDa)..

    Mais cet aimant a aussi une action sur le nuage électronique environnant. La polarisation du

    moment magnétique du spin électronique qui en résulte est transmise4 à travers les liaisons

    chimiques pour créer un nouveau champ b au niveau d’un autre noyau lié au premier par ces

    liaisons chimiques. Ce champ supplémentaire s’atténue assez vite avec le nombre de liaisons.

    Il ne dépend pas de l’orientation moléculaire (donc ne sera pas annulé en moyenne par le

    mouvement brownien). Il ne dépend que de l’orientation du moment du spin nucléaire qui le

    crée. Comme cet « aimant » ne peut avoir que deux orientations5 (parallèle ou anti parallèle au

    champ appliqué) la raie de résonance du noyau subissant ce champ sera dédoublée. Le

    couplage (J) observé sur le spectre (fig 1c) est exprimé en Hz car b ne dépend pas du champ

    appliqué B0. J peut varier de quelque Hz pour des couplages entre protons à quelques

    centaines de Hz pour des couplages directes entre 13C et 1H par exemple. Il dépend beaucoup

    de la nature des liaisons chimiques qui lient les deux noyaux. Dans une certaine mesure, c’est

    une information structurale (loi de Karplus, fig 3b)

    Le couplage et le déplacement chimique serviront aussi à l’attribution des résonances (voir

    plus loin).

    2 Comme il s’agit d’objets quantiques, l’analogie avec le macroscopique s’arrête là ! En particulier, cette « aiguille » ne peut avoir que deux orientations par rapport aux champ magnétique appliquée. Son énergie est quantifiée. 3 Si le mouvement de la molécule est isotrope en solution. Dans le cas d’un solvant hautement anisotrope (cristal liquide par exemple, vésicule etc…) ou d’une macromolécule possédant une susceptibilité fortement anisotrope (diamagnétique ou paramagnétique) et qui prend une orientation suivant une direction préférentielle dans un champ magnétique très intense, le couplage dipolaire n’est plus « annulé ». Cela donne lieu aux « RDC » (Residual Dipolar Coupling) utilisés pour la détermination structurale de macromolécules. 4 les électrons sont délocalisés sur l’ensemble de la molécule et leur « position » est décrite par une probabilité de présence 5 Pour un proton, ou n’importe quel autre noyau de spin ½ comme le 13C ou le 15N

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p8

    La largeur de raie (fig 4a)

    C’est la troisième et dernière indication qu’on « voit » dans un spectre de RMN.

    Elle cache en fait une information essentielle (qu’on détaillera un peu plus par la suite) qui

    traduit les fluctuations temporelles des champs b créés par les moments magnétiques de spin

    nucléaires. Ces fluctuations proviennent des mouvements moléculaires globaux et internes et

    sont la source du phénomène dit de « relaxation ».

    De manière schématique, plus ca bouge « vite » et plus les raies sont fines.

    Cette information de largeur de raie, seule, n’est pas a priori très utile et une raie trop large est

    même pénalisante car elle empêche la résolution des résonances de tous les protons de la

    molécule. Elle peut donner cependant une indication (très) qualitative sur l’état de

    l’échantillon (molécules associées ou précipitée…).

    Relaxation croisée (effet NOE – Nuclear Overhauser Effect):

    Cette caractéristique n’est pas à proprement parler une caractéristique spectrale directement

    visible dans le spectre de RMN. Les fluctuations des champs magnétiques locaux permettent

    non seulement une relaxation globale de l’aimantation nucléaire (qui se traduit sur le spectre

    par la largeur de raie), mais si les noyaux sont (et restent) proches dans l’espace il est aussi

    possible de mettre en évidence un effet de « relaxation mutuelle » qui reflètent directement la

    distance, intramoléculaire, entre ces noyaux. La mesure de ces effets de relaxation mutuelle

    ou croisée est réalisée par transfert d’aimantation et fait appel à l’Effet Nucléaire Overhauser

    (NOE, Nuclear Overhauser Effect)6. C’est la source principale des indications de distance qui

    permettront de remonter à la structure 3D de la molécule.

    Le champ magnétique dipolaire créé par le moment magnétique de spin (petite aiguille

    aimantée) diminue comme le cube de la distance. L’effet de relaxation varie comme le carré

    des fluctuations de ce champ dipolaire. Il en résulte que ces effets de relaxation mutuelle ou

    croisée varient comme 1/r6. En pratique on pourra mettre en évidence un effet NOE pour des

    protons distant au plus de 5 Å environ (fig 4b).

    6 Quantifié dans les spectres « NOESY »

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p9

    -4-2024681012 ppm

    M 65000

    16000M

    7000M

    RESOLUTION SPECTRALE

    a

    2 3 4 5

    r (Å)

    H H

    rb

    Déroulement d'une expérience de RMN 1D

    Les différentes étapes

    1. Préparation de l'échantillon

    2. Mise en place

    3. Application d'une impulsion R.F. "on resonance"

    4. Réception et traitement analogique du signal

    5. Traitement numérique

    τ ≈ 5 µp s

    V 1kV≈

    t saq ≈ 1

    V V ≈ 0.1 µ

    TX

    A ⊗ L.P. ADC

    cos t(ω )

    cos t(ω )0

    ω ≈ 500MHz ω − ω ≈ 0 − 10 0 kHz

    cos t t cos t t(ω + ω ) + (ω − ω )0 0

    cos t(ω−ω )0

    c

    d

    figure 4

    TF

    TF

    TF

    TF

    e

    f

    g

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p10

    Comment obtenir ces informations ?

    Informations spectrales

    Description schématique d’une expérience simple de RMN à 1 dimension (fig 4c):

    Le spectre 1D d’une protéine (ou de n’importe quelle molécule) s’obtient après transformée

    de Fourier d’un certain signal recueilli grâce à un dispositif que l’on verra plus tard. Ici, il est

    suffisant d’admettre qu’à chaque proton (ou tout autre noyaux possédant un moment

    magnétique de spin) d’une molécule est associé une « aimantation » qui a un mouvement de

    précession autour du champ magnétique statique appliqué par le spectromètre. La vitesse de

    précession est donnée par l’équation fondamentale de la RMN où B’ est le champ vu par le

    noyau en question. Au « repos », la précession des différents protons se fait de manière

    désordonnée. Même si la fréquence est très précisément identique pour tous les protons de

    même type (dans une structure chimique et spatiale identique), il n’y a aucune cohérence (de

    phase) dans la précession de tous ces moments magnétiques. La moyenne vue par

    l’observateur (le spectromètre) est nulle. Pour observer quelque chose il faut « obliger » ces

    moments magnétiques à tourner ensemble de manière synchrone (en phase). Il en résultera

    une aimantation macroscopique globale qui pourra induire un courant dans une bobine. C’est

    le capteur de la RMN. Pour réaliser cette mise en phase, on applique (à l’aide aussi d’une

    simple bobine qui peut d’ailleurs être la même que le capteur) pendant un temps bref (une

    impulsion d’une durée de l’ordre de quelque µs) un champ magnétique tournant à la même

    fréquence que le moment magnétique de spin des noyaux observés. Ceux ci ont alors tendance

    à s’aligner suivant ce champ, ce qui crée la cohérence souhaitée. On peut finalement « lire » la

    vitesse de précession de tous les noyaux « excités » (mis en phase) grâce aux courants qu’ils

    induisent dans le capteur. Comme le signal est la superposition de tous les courants créés par

    l’évolution de toutes les aimantations on doit « désembrouiller » ce signal. Cette opération est

    réalisée par la Transformée de Fourier (TF) qui est en fait une méthode mathématique

    d’analyse spectrale d’un signal oscillant dans le temps.

    La TF (fig 4d-g) donne :

    - La fréquence d’oscillation de chacune des composantes contenue dans le signal

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p11

    Et pour chacune des composantes, elle donne en plus :

    - l’amplitude à l’origine du temps

    - la phase à l’origine du temps

    La TF traduit ces informations dans un « spectre » où l’évolution de chacune des aimantations

    pendant la période d’observation est représentée par une raie dont la largeur dépend de la

    vitesse à laquelle décroît le signal (fig 4d-e).

    Cette décroissance du signal résulte de la perte progressive de la cohérence dans la phase de la

    précession des différentes aimantations microscopiques de l’échantillon. Cette perte de phase

    résulte elle aussi du phénomène de relaxation. Elle provient de la présence des champs locaux

    b qui seront d’autant plus efficaces qu’ils fluctueront moins vite. Le signal décroît d’autant

    moins vite que le mouvement est rapide. C’est la raison du principe : « plus ca bouge vite et

    plus la raie est fine ».

    Sensibilité (fig 5a)

    L’aimantation nucléaire est extrêmement faible (fig 5b) et le signal induit est lui aussi très

    faible. C’est pourquoi, la RMN est une méthode renommée peu sensible.

    La quantité de produit nécessaire pour une analyse structurale correspond à une concentration

    de l’ordre de 1mM pour une solution de 0.5 ml environ. Cela correspond à environ 10 mg

    d’une protéine de 20 kDa.

    L’amélioration de la sensibilité est constante avec l’amélioration des spectromètres, mais

    surtout avec l’augmentation du champ magnétique. L’augmentation du champ a en outre un

    avantage, la séparation des résonance (résolution) est augmentée elle aussi (fig 5c).

    Actuellement les aimants commercialisés atteignent un peu plus de 21 Tesla, ce qui

    correspond à une fréquence de résonance (de précession) du proton de 900 MHz. Ces

    spectromètres sont cependant très coûteux et actuellement très peu nombreux dans le monde.

    Une stratégie précise doit donc être envisagée, utilisant des spectromètres à plus bas champs

    et plus courants (de 11.8 à 18 Tesla environ) pour une première analyse et réservant les très

    hauts champs aux cas désespérés. Cette situation peut cependant évolué dans l’avenir avec les

    progrès lents mais constants dans ce domaine. Noter aussi que l’utilisation de « cryosondes »,

    maintenant bien au point, permet de gagner un facteur important (de 2 à 10) sur la sensibilité.

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p12

    Sensibilité de la RMN

    S/N ns ≈ Ν γ γ Β ( ) Τ / Τexc det3/2 3/2 1/2

    0 2

    Nombre de molécules

    actives de l'échantillon

    γ du spin

    excité

    γ du spin

    détecté

    Champ

    statique

    Nombre de scans

    (accumulation)

    Largeur de raie

    homogène

    Température

    Pour augmenter la sensibilité (but essentiel en RMN!):

    . augmenter N

    augmenter la concentration

    enrichissement des spins de faible abondance

    naturelle ( N et C)

    . augmenter B (limite actuel 800 MHz)

    . augmenter ns (donc la durée de l'expérience)

    15 13

    0

    . augmenter T (diminuer la viscosité du solvant)

    . diminuer la température(ces deux conditions peuvent être contradictoires!)

    . choisir les les plus élevés... autant que possible !!!

    2

    γ

    a

    [for protons at "room temperature" (kT 200 cm )

    and B0 = 2.35 T

    ≈-1

    ( )]ν = 100 , ∆Ε ≈ 3.3 100 MHz cm−3 −1

    B = 00 B 00 ≠

    Nuclear spin magnetization

    Β0

    α

    β

    ∆Ε = γΒ'0‚

    E

    M0 ∝ ( − )p pα β

    ∆E

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p13

    Attribution spectrale

    Cette étape est indispensable avant la détermination de la structure. L’examen simple du

    spectre 1D permet déjà de dire si la protéine est structurée ou non, si elle est sous forme

    monomérique, si on est en présence d’hélice α ou de feuillet β, mais on est incapable à cette

    étape de donner la moindre indication de structure tertiaire.

    Le spectre 1D ne donne aucune indication de la distance entre les protons. Ces informations

    de distance sont contenues dans une carte dite « NOESY » (spectre 2D) qui représente les

    effets NOE observables entre chaque proton (fig 6). Encore faut-il savoir de quel proton il

    s’agit.

    L’attribution spectrale est réalisée très schématiquement en deux étapes :

    - attribution des résonances appartenant à chaque type d’acide aminé

    - attribution spécifique à chaque acide aminé de la séquence.

    Cette approche en deux étapes est permise par le fait que les couplages entre protons

    « restent » à l’intérieur de la structure chimique de chaque acide aminé, le groupement CO de

    la liaison peptidique réalisant une « coupure » dans le passage de l’information de couplage J.

    On fait appel ici à des expériences de RMN à deux dimensions permettant de désigner les

    protons présentant un couplage (attribution des types d’acides aminés) ou présentant un effet

    NOE (attribution séquentielle). Dans ces expériences, l’interaction entre protons apparaît

    comme un pic à la fréquence de chacun d’eux sur un spectre à 2 dimensions (fig 6). Le

    NOESY cité plus haut en est un exemple. L’existence du pic croisé provient du fait qu’on a

    créé de l’aimantation d’un noyau B, évoluant à la fréquence νB pendant la période

    d’acquisition t2, à partir de l’aimantation d’un noyau A qui évoluait à la fréquence νA

    pendant la période t1 (fig 7a).

    Le principe des expériences 2D et plus généralement nD est basé sur une expérience

    fondamentale de la RMN : le « transfert d’aimantation ».

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p14

    figure 6

    NOESY

    COSY

    TOCSY

    HAHB

    HA

    HA

    HB

    HB

    HN

    HN

    HN CH3

    CH3

    HN

    C

    CN

    HN O

    αJNHHα

    C

    CN

    HN O

    α

    CH3

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p15

    C’est la capacité qu’ont deux spins couplés à « échanger » une partie de leur aimantation

    lorsqu’ils se « voient ». On connaît déjà deux manières qu’ont les noyaux de se parler. La

    première utilise le couplage à travers les liaisons chimiques, la seconde utilise la relaxation

    mutuelle. Chacune de ces interactions s’expriment de manières différentes. Le couplage

    modifie la fréquence de précession et donc la phase des composantes d’aimantation pendant la

    période de précession libre. La relaxation croisée agit au contraire sur les populations des états

    (sur le nombre « d’aiguilles » orientées parallèlement ou anti parallèlement au champ B0).

    On distinguera donc deux méthodes de transfert :

    - le transfert cohérent par couplage J

    - le transfert incohérent par relaxation mutuelle (effet NOE).

    Le transfert cohérent d’aimantation.

    Ceci ne peut être réalisé qu’après une évolution convenable des aimantations et lorsqu’elles

    précessent en phase, c’est à dire après une ou plusieurs impulsions de mise en phase. Lorsque

    la phase des aimantations est convenable pour réaliser le transfert, celui ci ne nécessite qu’une

    simple impulsion de champ magnétique oscillant en résonance.

    Ce transfert d’aimantation est mis en évidence dans les spectres 2D de type COSY (COrelated

    SpectroscopY) où le transfert se limite à un seul couple de noyaux et dans les spectres

    TOCSY (Totally Corelated SpectroscopY) où le transfert se propage tant qu’il existe un

    couplage (fig 7b).

    Le transfert d’aimantation cohérent peut être réalisé non seulement entre protons, mais aussi

    entre tous noyaux couplés. C’est le cas, en particulier du couplage 1J entre le proton amide et

    l’azote auquel il est lié ou encore le cas pour les carbones portant un proton (Cα-H, CH2, CH3,

    CH aromatique). On pourra là aussi réaliser des expériences 2D corrélant le déplacement

    chimique du noyau X (appelé héteronoyaux, 13C ou 15N) au déplacement du proton auquel ils

    sont liés. Ces spectres dits HMQC (Heteronuclear Multiple Quantum Coherence) ou HSQC

    (Heteronuclear Single Quantum Coherence) sont obtenus en laissant évoluer dans la période

    t1 le déplacement chimique de X et en détectant le signal du proton pendant la période t2 (fig

    7c-d).

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p16

    NH CH CH3

    CO

    Ala Gly Val

    NH CH

    CO

    H (CH 3NHCH

    CO

    CH )2

    NH

    C H

    C H

    α

    β 3

    NH

    C Hα 2

    NH

    C Hα

    C Hβ

    C Hγ 3

    COSY

    NH CH CH3

    CO

    Ala Gly Val

    NH CH

    CO

    H (CH 3

    NH CH

    CO

    CH )2

    NH

    C H

    C H

    α

    β 3

    NH

    C Hα 2

    NH

    C Hα

    C Hβ

    C Hγ 3

    TOCSY

    bPrincipe d'une expérience 2D homonucléaire

    basée sur un transfert d'aimantation

    préparation évolution mélange lecture

    t1 t2

    A (ν )Α

    A (ν )Α

    B (ν )Β

    f1

    f2νΒ

    νΑ

    νΑ

    a

    νΗ

    Principe d'une expérience 2D hétéronucléaire

    avec détection en proton (exemple :HSQC)

    évolution transfertX H⇒transfertH X⇒ lecture

    t1 t2

    X (ν )X H (ν )Η

    f1

    f2

    νX

    X

    H

    c

    20

    ppm

    30

    40

    50

    60

    70

    0 ppm1.02.03.04.05.0

    HSQC Apo-Néocarzinostatine

    C abondance naturelle13

    Corrélation C- H13 1

    Déplacement chimique H (ppm)1

    Dép

    lacem

    ent

    chim

    iqu

    e C

    (p

    pm

    )13

    d

    figure 7

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p17

    1H

    15N

    13C

    évolution

    évolution

    f1 (C )α f2 ( HN)1f3 ( N)15

    t1

    t2

    t3

    1H15N

    f1 ( HN)1 f2 ( H)1f3 ( N)15

    t1 t2t3évolution

    évolution

    mélange

    NOE ou TOCSY

    HNCA N

    H

    N

    H

    H

    H

    C

    O

    C

    O

    15N-HSQC-NOESY

    15N-HSQC-TOCSY

    N

    H

    N

    H

    H

    H

    C

    O

    C

    O

    a

    b

    ... Gly- Ala- Val ...

    Fingerprint

    Attribution séquentielle

    C

    H

    N

    H

    i i C

    O

    iN

    H

    iN

    H

    i+2Ci+1

    O

    CH i

    C

    H

    i

    Ci

    H

    +1

    α α

    β β

    NOE connectivity

    scalar connectivity

    Utilisation des connectivités NOE pour l'attribution séquentielle

    c d

    figure 8

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p18

    Le transfert incohérent d’aimantation.

    Dans ce cas, on crée un état de population hors de l’équilibre thermodynamique (par exemple

    à l’aide d’une impulsion RF telle que celle utilisée pour lire un spectre 1D) et on laisse les

    aimantations échanger par relaxation mutuelle. Le temps nécessaire à l’échange des

    aimantations est commensurable avec les temps de relaxation propre de l’aimantation

    nucléaire, soit de l’ordre de quelques dizaines de ms à quelques secondes. La durée de la

    période de « mélange » sera donc de cet ordre de grandeur.

    Le transfert d’aimantation de ce type est mis en évidence dans les spectres de type NOESY

    (Nuclear Overhauser SpectroscopY).

    En résumé, la sélection de la méthode de transfert d’aimantation (cohérent par couplage J ou

    incohérent par effet NOE) permet de mettre en évidence, soit le couplage à travers les liaisons

    chimiques, soit la proximité dans l’espace.

    Ces transferts d’aimantation peuvent être aussi être combinés entre eux pour donner lieu à

    tous types de spectres 2D, 3D et plus généralement nD (fig 8a-b).

    Attribution séquentielle

    La première étape de l’attribution séquentielle est réalisée à l’aide de spectres 2D COSY et

    TOCSY, tandis que la seconde étape est réalisée à l’aide du NOESY qui permet en outre de

    « mesurer » les distances entre les protons.

    L’attribution des résonances correspondant aux différents résidus débute par les protons NH

    puis remonte aux protons Hα et enfin aux chaînes latérales. La carte COSY montre clairement

    les coulages entre NH et Hα. Toutefois il est assez délicat de remonter ensuite sur les chaînes

    latérales du fait de la superposition importante des résonances. On s’en sort à cette étape avec

    l’expérience TOCSY qui indique sur une même colonne TOUS les protons appartenant à un

    résidu donné, en partant du NH. Ces expériences permettent une attribution assez simple des

    types d’acide aminé correspondant à chaque résonance NH, à condition que la superposition

    ne soit pas trop grande.

    La seconde étape de l’attribution séquentielle à l’aide du NOESY consiste à repérer les

    enchaînements d’acides aminés grâce aux proximités spatiales des protons Hα et Hβ d’un

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p19

    résidu avec le proton NH du résidu suivant (fig 8c-d). Une superposition de cartes

    COSY/TOCSY et NOESY est très utile dans ce cas. En fait, on reconnaît aussi dans les cartes

    NOESY des connections NH(i)/Hα(i) car ces protons sont souvent proches et donnent lieu à

    des connections intra-résidus à la même position que dans le COSY et /ou le TOCSY.

    Stratégie d’attribution en fonction de la taille de la protéine

    Cette méthode n’est cependant valable que si la superposition spectrale n’est pas trop grande.

    La limite de la méthode se situe aux environs de 80 aa, bien que des structures de protéines de

    plus de 100 aa aient été réalisées uniquement par RMN homonucléaire du proton. Lorsque la

    taille de la protéine dépasse 80-100 résidus, on se heurte d’une part à un recouvrement

    spectral de plus en plus important et à un élargissement des raies. La conséquence d’un

    recouvrement des résonances conduit à un nombre accru d’ambiguïtés dans les attributions.

    L’élargissement des raies aggrave ce recouvrement mais correspond aussi à une destruction

    rapide de la phase des aimantations qui empêche les transferts cohérents nécessaire au COSY

    et au TOCSY.

    Une première solution, valable pour les protéines jusqu’à environ 150-170 aa consiste à faire

    un marquage au 15N. Cela permet d’éclater la région spectrale encombrée des NH dans une

    troisième dimension. Des expériences 3D de type HSQC-NOESY et HSQC-TOCSY (fig 8a)

    permettent de simplifier les plans NOESY et TOCSY en étalant les résonances des NH dans

    la dimension du déplacement chimique de l’azote.

    Pour des protéines de plus grande masse, il faut faire appel au marquage au 15N et au 13C.

    Dans ce cas le déplacement du 13C apporte une dimension supplémentaire. Les techniques

    d’attribution sont conceptuellement différentes bien que toujours basées sur le principe de

    l’identification des systèmes de spin et l’attribution séquentielle. La différence est que

    l’attribution séquentielle est réalisée en passant par le squelette carboné à l’aide des

    couplages. Les transferts d’aimantation par couplage proton-proton deviennent en effet

    inefficace du fait de la relaxation transverse T2 qui détruit les aimantations avant que les

    couplages H-H (de l’ordre de 10 Hz et moins) aient pu s’exprimer pour réaliser le transfert.

    Au contraire, les couplages 1J à une liaison (de l’ordre de 100 Hz) sont encore efficaces et

    permettent des transferts d’aimantation entre proton-azote-carbone… permettant en quelque

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p20

    sorte de se « promener » dans le squelette carboné de la molécule. Ainsi, en partant du proton

    amide H d’un résidu donné, on pourra remonter à l’azote par un transfert d’aimantation H->N,

    puis passer au carbone α voisin et ainsi de suite. Par exemple, l’information obtenue dans une

    expérience de type HNCA (fig 8a) est similaire à celle obtenue avec le COSY à ceci près que

    le déplacement chimique des azotes et des carbones apportent des dimensions

    supplémentaires permettant une meilleure résolution des résonances. De même l’attribution

    séquentielle sera effectuée à l’aide d’expérience de type HNCOCA (fig 8b), qui permet de

    passer du proton amide NH à l’azote, puis au carbone du CO de la liaison peptidique, et enfin

    au carbone Cα du résidu précédent. On revient ensuite, pour la détection, au proton amide en

    repassant le chemin inverse.

    Ces expériences (et bien d’autres) permettent l’attribution des résonances des protons liés aux

    carbones (et aux azotes pour les H amides). La combinaison d’expériences 3D de type HSQC

    NOESY permettront finalement de mesurer les distances inter-protons nécessaires pour la

    suite de la détermination de la structure.

    Détermination de la structure 3D :

    Structure primaire :

    Du fait de la nécessité de l’attribution séquentielle, la séquence de la protéine doit être

    connue. La RMN peut seulement permettre de corriger des erreurs mineures de séquence.

    Structure secondaire :

    On a vu que le déplacement chimique et le couplage 3JHNHCα sont une source d’information

    pour la structure secondaire. Il existe d’autres particularités des structures secondaires qui se

    traduisent en RMN par des caractéristiques que l’on peut aisément mettre en évidence.

    En particulier des effets NOE entre proton Hα et NH amide de résidus voisins (HαHN(i, i+1))

    sont caractéristiques de feuillet β, tandis que des effets NOE entre protons amide du squelette

    porté par des résidus voisins (NHNH(i, i+1)) sont caractéristiques d’hélice α (fig 9a). Les

    distances sont en effet assez bien définies dans ces structures secondaires (respectivement 2.2

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p21

    a

    22

    24 32

    37

    100

    107 127

    137 50

    61 64

    68

    76

    80

    8796

    N-term

    C-term

    figure 9

    b

    c d

    e

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p22

    et 2.8 Å). Dans les structures en hélice α, on trouvera en plus des effets NOE entre les protons

    Hα et HN de résidus éloignés i, i+3 (fig 9a).

    Outre des informations de distance entre protons et d’angles de liaisons, la mise en évidence

    de liaisons hydrogènes est une source utile pour la structure secondaire (fig 9b). On les

    rencontre en effet peu ou pas dans les boucles, mais plutôt dans les éléments de structure bien

    définie.

    La caractérisation par RMN d’une liaison hydrogène est indirecte. Elle consiste à mesurer le

    temps que met un proton (amide) à être échangé par un atome de deutérium. Lorsqu’un proton

    est impliqué dans une liaison hydrogène, son temps de vie est très long (des dizaines d’heures,

    voire plusieurs jours). Après lyophilisation et solubilisation dans D2O on effectue des

    enregistrement de spectres permettant d’observer les N-H (soit COSY , soit HSQC 15N). Ces

    indications apportent des informations sur la structure secondaire et, par la suite, constituent

    des contraintes dans l’étape de modélisation. Cependant, l’atome accepteur ne peut être mis

    directement en évidence par RMN. Il est suggéré par la modélisation.

    L’ensemble de toutes ces données permet de localiser les éléments de structure secondaire

    dans la séquence primaire (fig 9c).

    Repliement tertiaire :

    Il est évident que le repliement tertiaire pourra être obtenu par la connaissance des distances

    entre protons de résidus éloignés dans la séquence primaire. Cela impliquera non seulement

    les protons du squelette, mais aussi ceux des chaînes latérales. En outre, dans le cas de feuillet

    β, des informations de distances (effet NOE) Hα-Hα, NH-NH et Hα-NH de résidus éloignés

    dans la séquence primaire permettent de mettre en évidence la présence et l’orientation de

    feuillet β (fig 9d). Ces informations permettent d’aligner les segments β, de connaître

    l’orientation de feuillets et de définir la topologie de la protéine (fig 9e).

    A ce niveau ces informations restent qualitatives. L’analyse suivante des cartes NOE a une

    importance capitale pour la détermination finale de la structure tertiaire. En fait, la mesure des

    distances par effet NOE est imprécise. L’effet est très faible, de quelques % et la diffusion de

    spin diminuent les distances apparentes. Les mouvements internes peuvent aussi fausser

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p23

    considérablement certaines estimations de distances. Par contre, le calcul des cartes NOE à

    partir d’une structure peut être très précis et prend en compte l’effet de diffusion de spin (mais

    pas de mouvements internes). Une ou plusieurs étapes de « back-calculation » permettront

    donc d’affiner la structure et de corriger d’éventuelles erreurs d’attribution dans l’étape

    initiale.

    Le calcul de la structure peut ainsi être résumé par le diagramme simplifié de la figure 10a.

    « L’évolution » de la structure au cours du calcul est représentée sur la figure 10b. A partir de

    la séquence linéaire, un premier jeu de structure est obtenu à partir des données de distances

    (et d’angles). Ces structures sont ensuite soumises à un recuit simulé dans un champ de force

    qui inclus les contraintes RMN (distances, angles et liaisons hydrogènes).

    « Les » structures obtenues par RMN et leur évaluation:

    Du fait de la méthodologie suivie pour aboutir à la structure 3D, on n’obtient pas une structure

    unique, mais UN ENSEMBLE de structures, d’ailleurs en général bien superposées (fig 10c)

    dans les régions de structure secondaire définie, et caractérisé par un « rmsd ».

    Le rmsd est d’ailleurs un des critères d’évaluation de la qualité de la structure. D’autres

    critères sont aussi utilisés (représentation des angles dans le diagramme de Ramachandran,

    par exemple).

    Cette caractéristique des structures RMN est parfaitement corrélée avec le nombre de

    contraintes RMN incluses dans le calcul. En effet, les effet NOE (et les couplages), dont

    résultent les contraintes, ne peuvent être mesurés précisément que dans les régions

    relativement bien structurées et où les mouvements internes sont de faible amplitude et très

    rapides (échelle de la dizaine de ps). On dispose en général de moins de contraintes dans les

    boucles, ce qui se traduit par une dispersion plus importante qui décrit en fait une réalité

    physique. Les régions qui présentent plusieurs conformations d’énergie très voisine

    correspondent en effet à des zones dites « flexibles ». On peut par ailleurs accéder à des

    informations sur la dynamique de ces molécules grâce à l’analyse de la relaxation en RMN.

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p24

    AssignmentSecondary

    Final structures

    Restraints(distance, angles)

    Distance GeometryInitial Structures

    Dynamics

    structure

    C-term

    N-term

    figure 10

    a b

    c

    Séquence primaire I

    II

    III

    I

    II

    III

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p25

    Techniques avancées:

    Sensibilité, utilisation de sondes cryogéniques et de micro - sondes:

    Le développement de sondes dites cryogéniques (Cold Probe, Cryo Probe) a permis

    d’améliorer très sensiblement la sensibilité des expériences de RMN, même pour des

    composés biologiques, repoussant ainsi les limitations liées à la quantité de composé

    nécessaire et / ou liées à l’association moléculaire (formation de multimères, polymérisation)

    qui intervient souvent pour des solutions concentrée.

    Dans le cas où l’association moléculaire n’entre pas en jeu, on peut aussi utiliser avec profit

    des « micro (ou nano) –sondes ». Il s’agit de capteurs spécialement conçus pour enregistrer

    les spectres de RMN sur des quantités infimes de solution (quelques dizaines de nl).

    TROSY :

    La principale source de limitation dans la taille des molécules accessible par RMN est la

    largeur de raie (relaxation T2). Si le spectre de protéines d’une masse moléculaire proche de

    50 - 100 kD peut être encore (partiellement) analysée, la détermination de la structure 3D de

    novo reste limitée aux environ de 30 kD par les techniques « classiques », même en incluant

    le marquage 15N et 13C.

    La principale raison de cette limitation est le mécanisme de relaxation spin – spin qui résulte

    en grande partie de la modulation de l’interaction dipôle – dipôle par les mouvements

    moléculaires. La modulation du déplacement chimique, lorsqu’il est anisotrope, est aussi une

    source d’élargissement. Il en résulte que les raies de résonance impliquant les interactions du

    15N (anisotropie de déplacement chimique) et du proton (moment magnétique de spin élevé,

    interaction dipolaire de l’ordre du kHz) s’élargissent rapidement avec la masse moléculaire de

    l’objet observé.

    Une première solution est le marquage partiel en deutérium, permettant de réduire

    considérablement le couplage dipôle – dipôle responsable de l’élargissement des raies.

    Une seconde solution, très efficace, a été proposée en 1997 par K. Wüthrich et ses

    collaborateurs (TROSY, voir bibiographie). Cette méthode de « réduction de la largeur de

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p26

    raie » est particulièrement efficace à haut champ7 (700 MHz et plus) et est donc parfaitement

    adaptée aux spectromètres actuellement optimisé pour la biologie structurale.

    Elle est basée sur le phénomène de « relaxation - croisée » (interférence entre le couplage

    dipôle – dipôle et l’anisotropie de déplacement chimique) dont la conséquence est une

    relaxation différentielle des composantes d’un multiplet de deux spins ½ couplés (par

    exemple, 15N – 1H). Ce mécanisme de relaxation croisée a été décrit dès 1983 par Maurice

    Guéron et ses collaborateurs (JACS 105, 7262-7266). Il en résulte que la largeur de raie d’une

    des composantes est diminuée. La technique TROSY permet de ne conserver que la

    composante fine du multiplet, permettant ainsi d’améliorer très sensiblement la résolution et

    le rapport signal/bruit.

    Utilisation des Couplages Dipolaires Résiduels (RDC) :

    Lorsque la protéine est très légèrement orientée dans la solution, le couplage dipolaire n’est

    plus totalement annulé, mais la résolution (largeur de raie) est conservée. Il subsiste un

    couplage dipolaire résiduel, de quelques Hz sur le kHz initial, mesurable et donnant des

    informations structurales de distance et d’angle. En effet, le couplage dipolaire est

    proportionnel à l’inverse du cube de la distance et à l’angle que fait le vecteur joignant les

    deux noyaux en interaction par rapport aux axes du tenseur d’alignement. Les constantes de

    proportionnalité peuvent être obtenues à partir d’éléments de structures canoniques bien

    définies. Ces informations sont introduites comme contraintes supplémentaires à l’étape de

    modélisation.

    En pratique, l’orientation préférentielle est obtenue soit en créant une solution légèrement

    anisotrope par addition de mélange formant des bicelles (qui s’oriente dans un champ

    magnétique) en solution aqueuse, soit en mettant à profit, ou en créant, l’anisotropie de

    susceptibilité magnétique (diamagnétique, mais plus efficacement paramagnétique) de la

    molécule étudiée.

    Protéines paramagnétiques:

    Le paramagnétisme présent dans beaucoup de protéines comportant un, ou plusieurs ions dont

    la couche électronique est incomplète, a souvent été considéré comme un inconvénient majeur

    7 La théorie montre que la largeur de raie peut être « annulée » aux alentours de 1 GHz pour le couple 15N – 1H. Il subsiste cependant une largeur résiduelle provenant des couplages dipôle – dipôle 1H – 1H à longue distance qui peuvent être encore réduit très sensiblement par deutération partielle de la protéine. La technique permettrait ainsi de repousser la limite à plusieurs centaines de kD.

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p27

    empêchant toute détermination structurale. En fait, les travaux de quelques équipes ont

    montrés qu’il n’en est rien et que la structure tridimensionnelle de ces protéines peut être

    obtenu par RMN aussi efficacement que pour une molécule diamagnétique.

    Les interactions paramagnétiques résultent du moment magnétique très élevé du ou des

    électrons célibataires, ce qui produit généralement un élargissement très important des

    résonances. Généralement ces effets se font ressentir à des distances pouvant aller de quelques

    A à quelques dizaines A de l’ion (le site actif). Les résonances subissant ces élargissement

    sont généralement effacées.

    Toutefois, l’optimisation des conditions d’acquisition des spectres permet d’obtenir bien

    souvent suffisamment d’information pour la détermination structurale. D’autre part,

    l’observation directe du 13C au lieu du proton permet d’approcher plus prêt du centre

    paramagnétique puisque l’élargissement est proportionnel au rapport gyromagnétique du

    noyau considéré (le carbone a un rapport gyromagnétique 4 fois plus faible que le proton).

    Enfin, les protéines paramagnétiques présentent souvent une anisotropie telle que l’orientation

    naturelle dans le champ magnétique statique du spectromètre permet d’observer et mesurer

    aisément les RDC, ce qui apportent des données très précieuses pour la détermination

    structurale comme évoqué au paragraphe précédent.

    Dynamique :

    L’analyse de la relaxation du à la modulation des interactions dipôle – dipôle entre moments

    magnétiques de spin permet de remonter aux mouvements moléculaires sur une échelle de

    temps de l’ordre de quelques ns à la ps. Les mouvements plus lents à l’échange de la µs, voire

    de la seconde peuvent aussi être abordés par RMN.

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p28

    Bibliographie:

    Cours RMN sur le web :

    http://www.embl-heidelberg.de/nmr/sattler/teaching/teaching_pdf/predoc_2005_intro.pdf (Michael Sattler, EMBL Heidelberg)

    http://www.cis.rit.edu/htbooks/nmr/ (Joseph P. Hornak)

    http://u759.curie.u-psud.fr/coursRMN.html

    Ouvrages :

    Bases de la RMN :

    - La RMN, Concepts, méthodes et applications, Daniel Canet, Dunod 2002 (2nd édition) (ISBN : 210005256X)

    RMN des protéines:

    - NMR of Proteins and Nucleic Acids Kurt Wüthrich, John Wiley 1986

    - Protein NMR Spectroscopy. Principle and Practice John Cavanagh, Wayne J. Fairbrother, Arthur G. Palmer III, Nicholas J. Skelton, Academic Press, 1996

    - Structural Biology: Practical NMR Applications Quincy Teng Springer 2005.

    Introduction à la RMN des substances paramagnétiques:

    - NMR of paramagnetic molecules G. N. LaMar, W. DeW. Horrocks and R.H. Holm (Editors) Academic Press 1973.

    - Biological Magnetic Resonance vol 12, NMR of Paramagnetic Molecules L.J. Berliner and J. Reuben, (Editors) Plenum Press, N.Y. 1993

    - NMR of paramagnetic substances I. Bertini and C. Luchinat, Coordination Chemistry Reviews, (A.B.P. Lever Editor), Vol.150 Elsevier (1996)

    - Solution NMR of Paramagnetic Molecules (Current Methods in Inorganic Chemistry) I. Bertini, C. Luchinat, G. Parigi, Elsevier (2001)

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p29

    Revues et articles:

    Structures des protéines par RMN:

    - Heteronuclear multidimensional NMR experiments for the structure determination of proteins in solution employing pulsed field gradients M. Sattler, J. Schleucher, C. Griesinger, Prog. Nucl. Magn. Reson. Spec. 34, 93 – 158 (1999)

    - NMR spectroscopy of large molecules and multimolecular assemblies in solution Gerhard Wider and Kurt Wüthrich Current Opinion in Structural Biology, 9:594–601 (1999)

    Micro et Nano sondes:

    - High resolution microcoil 1H-NMR for mass-limited, nanoliter-volume samples, D.L. Olson, T.L. Peck, A.G. Webb, R.L. Magin, J.V. Sweedler,. Science 270 1967 – 1970 (1995).

    - High resolution liquid NMR and magic angle spinning M. Delepierre, J. Chim. Phys. Vol. 95, 235 – 240 (1998)

    - High-resolution, high-sensitivity NMR of nanolitre anisotropic samples by coil spinning D. Sakellariou, G. Le Goff, J.-F. Jacquinot Nature 447, 694 – 697 (2007)

    - Ultra-small-sample molecular structure detection using microslot waveguide nuclear spin resonance Y. Maguire, I. L. Chuang, S. Zhang, and N. Gershenfeld, Proc Natl Acad Sci U S A, 104, 9198–9203 (2007)

    Couplages résiduels dipolaires:

    - Direct Measurement of Distances and Angles in Biomolecules by NMR in a Dilute Liquid Crystalline Medium Nico Tjandra and Ad Bax Science 278, 1111 – 1114 (1997)

    - Use of dipolar 1H-15N and 1H-13C couplings in the structure determination of magnetically oriented macromolecules in solution N. Tjandra, J. G. Omichinski, A.M. Gronenborn, G. M. Clore and A. Bax, Nature Struct. Biol. 4, 732 – 738 (1997)

    TROSY :

    - Attenuated T2 relaxation by mutual cancellation of dipole-dipole coupling and chemical shift anisotropy indicates an avenue to NMR structures of very large biological macromolecules in solution. Pervushin K, Riek R, Wider G, Wuthrich K. Proc Natl Acad Sci U S A. 94, 12366-12371 (1997).

    - TROSY in triple-resonance experiments: new perspectives for sequential NMR assignment of large proteins. Salzmann M, Pervushin K, Wider G, Senn H, Wuthrich K. Proc Natl Acad Sci U S A. 95, 13585-13590 (1998).

  • Introduction à la détermination des structures de protéine en solution par RMN (sept .2007) p30

    - TROSY NMR with partially deuterated proteins Eletsky A, Kienhofer A, Pervushin K. J Biomol NMR. 20 177-180 (2001).

    Dynamique des protéines par RMN:

    - New approaches to the dynamic interpretation and prediction of NMR relaxation data from proteins Rafael Brüschweiler, Current Opinion in Structural Biology, 13, 175–183 (2003)

    RMN des protéines paramagnétiques:

    - NMR structures of paramagnetic metalloproteins Fabio Arnesano, Lucia Banci and Mario Piccioli, Quarterly Reviews of Biophysics (2005), 38: 167-219 Cambridge University Press

    - NMR spectroscopy of paramagnetic metalloproteins. Ivano Bertini , Claudio Luchinat , Giacomo Parigi , Roberta Pierattelli, Chembiochem. 6,1536-49 (2005)