présenter les déterminants des inégalités hommes-femmes et les raisons de leur perpétuation

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Présenter les déterminants des inégalités hommes-femmes et les raisons de leur perpétuation S'il y a bien une inégalité qui perdure au fil des années, c'est bien celle entre les hommes et les femmes. On constate en effet qu'à travail égal, un homme sera mieux rémunéré qu'une femme. A travers trois documents, à savoir un texte et deux tableaux, nous allons nous demander en quoi les inégalités hommes-femmes engendrent-elles des rapports sociaux dans la société. Dans un premier temps, nous étudierons les déterminants de ces inégalités, puis, dans un second temps, nous étudierons les conséquences de ces inégalités. Document 1 : Pourquoi, par exemple, les moins favorisés intériorisent-ils leur rôle alors que ça ne joue pas en leur faveur ? L’idée qu’on n’est pas capable de faire quelque chose vient d’une part, de ce qu’on voit autour de nous, les rôles attitrés des uns et des autres, ou pour le dire autrement, d’un ordre social établi, depuis bien longtemps, comme l’écrit le sociologue Bernard Lahire : « plus l’ordre inégal des choses est le produit d’une histoire de longue durée et est solidement installé, plus il faut de temps, d’énergie et d’efforts pour en prendre conscience et le remettre en question » [14 ]. D’autre part, parce que cet ordre des choses apparaît comme juste. Au fondement de notre vie en société, après la « catégorisation », il y a aussi la croyance en un monde juste : « toute coopération serait impossible si on ne croyait pas que les autres se comporteront de manière juste », écrit Marie Duru-Bellat [15 ]. Il faut croire que ce que chacun fait et ce dont chacun dispose est juste pour assurer un « vivre ensemble » à peu près paisible. Autrement dit, le « chacun à sa place » est possible parce que chacun croit qu’il a la place qu’il mérite. A partir de là, tout « l’enjeu est de percevoir, de lire et (…) d’expliquer les réalités pour qu’elles apparaissent justes » [16 ]. Un bon moyen est de faire comme si les places de chacun dans la société étaient issues de prédispositions naturelles, de faire ainsi de la réalité sociale une évidence, une seconde nature. Et les stéréotypes sont les instruments idéals pour ce tour de passe-passe : les femmes s’occupent davantage des enfants ? C’est dans leur nature ! Les enfants d’ouvriers ont moins le bac que les fils de profs ? Ils n’ont pas de goût pour les études. Le psychologue social Claude M. Steele, à l’initiative d’expériences sur la menace du stéréotype chez les étudiantes en mathématiques et chez les étudiants noirs américains, pousse l’analyse encore plus loin. Pour que le stéréotype puisse avoir une influence négative sur les performances, il faut que le domaine affecté par le stéréotype fasse partie de l’identité de ces individus. Cela veut dire que la réussite en maths et/ou à l’école doit faire partie intégrante de leur épanouissement personnel. En réaction, certains élèves noirs américains, observe Claude Steele, vont devenir « imperméables » à leur échec scolaire, parce que, pour ne pas trop affaiblir leur propre estime d’eux-mêmes, ils ne peuvent plus faire de l’école la condition de leur réussite personnelle. Ceci ne risque pas d’améliorer leur niveau scolaire. Sans compter qu’ils perpétuent ainsi le stéréotype dont ils sont victimes [17]. Certains jeunes en échec valorisent leur insuccès et traitent les bons élèves de « fayots ». A l’inverse, ils respectent les « caïds ». Ainsi se joue une lutte des classes en classe. Seul moyen de ne pas « être rien » aux yeux d’une société qui fait de la réussite une condition sine qua none à en être un membre légitime. Tenir son rôle, celui qui nous a été transmis comme « induit par la nature », est sans nul doute un moyen de se protéger d’une trop forte désillusion. Le rappel à la réalité peut être violent pour celui en échec qui aura trop rêvé de sortir des cases où il est « rangé ». Cela permet en outre de justifier sa position en bas de l’échelle : les causes de leur échec sont liées aux préjugés des autres. N’est-il pas plus simple pour ceux qui échouent de dire que ce n’est pas complètement de leur faute et d’invoquer des facteurs externes, tels que la (mal)chance, l’appartenance à un groupe mal doté par la nature, ou même le regard de la société sur eux ? Et réciproquement, n’est-il pas plus facile à ceux qui réussissent, et plus généralement à ceux qui sont en position dominante, de dire qu’ils ont réussi grâce à leurs qualités personnelles ? Source : Stéréotypes : la face invisible des inégalités in observatoire des inégalités, Document 2 :

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Page 1: Présenter les déterminants des inégalités hommes-femmes et les raisons de leur perpétuation

Présenter les déterminants des inégalitéshommes-femmes et les raisons de leur

perpétuation S'il y a bien une inégalité qui perdure au fil des années, c'est bien celle entre les hommes et les femmes. Onconstate en effet qu'à travail égal, un homme sera mieux rémunéré qu'une femme. A travers trois documents,à savoir un texte et deux tableaux, nous allons nous demander en quoi les inégalités hommes-femmesengendrent-elles des rapports sociaux dans la société. Dans un premier temps, nous étudierons lesdéterminants de ces inégalités, puis, dans un second temps, nous étudierons les conséquences de cesinégalités.

Document 1 :Pourquoi, par exemple, les moins favorisés intériorisent-ils leur rôle alors que ça ne joue pas en leur faveur ?L’idée qu’on n’est pas capable de faire quelque chose vient d’une part, de ce qu’on voit autour de nous, lesrôles attitrés des uns et des autres, ou pour le dire autrement, d’un ordre social établi, depuis bien longtemps,comme l’écrit le sociologue Bernard Lahire : « plus l’ordre inégal des choses est le produit d’une histoire delongue durée et est solidement installé, plus il faut de temps, d’énergie et d’efforts pour en prendreconscience et le remettre en question » [14].D’autre part, parce que cet ordre des choses apparaît comme juste. Au fondement de notre vie en société,après la « catégorisation », il y a aussi la croyance en un monde juste : « toute coopération serait impossiblesi on ne croyait pas que les autres se comporteront de manière juste », écrit Marie Duru-Bellat [15]. Il fautcroire que ce que chacun fait et ce dont chacun dispose est juste pour assurer un « vivre ensemble » à peuprès paisible. Autrement dit, le « chacun à sa place » est possible parce que chacun croit qu’il a la place qu’ilmérite. A partir de là, tout « l’enjeu est de percevoir, de lire et (…) d’expliquer les réalités pour qu’ellesapparaissent justes » [16]. Un bon moyen est de faire comme si les places de chacun dans la société étaientissues de prédispositions naturelles, de faire ainsi de la réalité sociale une évidence, une seconde nature. Etles stéréotypes sont les instruments idéals pour ce tour de passe-passe : les femmes s’occupent davantage desenfants ? C’est dans leur nature ! Les enfants d’ouvriers ont moins le bac que les fils de profs ? Ils n’ont pasde goût pour les études.Le psychologue social Claude M. Steele, à l’initiative d’expériences sur la menace du stéréotype chez lesétudiantes en mathématiques et chez les étudiants noirs américains, pousse l’analyse encore plus loin. Pourque le stéréotype puisse avoir une influence négative sur les performances, il faut que le domaine affecté parle stéréotype fasse partie de l’identité de ces individus. Cela veut dire que la réussite en maths et/ou à l’écoledoit faire partie intégrante de leur épanouissement personnel. En réaction, certains élèves noirs américains,observe Claude Steele, vont devenir « imperméables » à leur échec scolaire, parce que, pour ne pas tropaffaiblir leur propre estime d’eux-mêmes, ils ne peuvent plus faire de l’école la condition de leur réussitepersonnelle. Ceci ne risque pas d’améliorer leur niveau scolaire. Sans compter qu’ils perpétuent ainsi lestéréotype dont ils sont victimes [17]. Certains jeunes en échec valorisent leur insuccès et traitent les bonsélèves de « fayots ». A l’inverse, ils respectent les « caïds ». Ainsi se joue une lutte des classes en classe. Seulmoyen de ne pas « être rien » aux yeux d’une société qui fait de la réussite une condition sine qua none à enêtre un membre légitime.Tenir son rôle, celui qui nous a été transmis comme « induit par la nature », est sans nul doute un moyen dese protéger d’une trop forte désillusion. Le rappel à la réalité peut être violent pour celui en échec qui auratrop rêvé de sortir des cases où il est « rangé ». Cela permet en outre de justifier sa position en bas del’échelle : les causes de leur échec sont liées aux préjugés des autres. N’est-il pas plus simple pour ceux quiéchouent de dire que ce n’est pas complètement de leur faute et d’invoquer des facteurs externes, tels que la(mal)chance, l’appartenance à un groupe mal doté par la nature, ou même le regard de la société sur eux ? Etréciproquement, n’est-il pas plus facile à ceux qui réussissent, et plus généralement à ceux qui sont enposition dominante, de dire qu’ils ont réussi grâce à leurs qualités personnelles ?Source : Stéréotypes : la face invisible des inégalités in observatoire des inégalités,

Document 2 :

Page 2: Présenter les déterminants des inégalités hommes-femmes et les raisons de leur perpétuation

La perception des inégalités hommes-femmesUnité : %

2005 2011 2012 2013

Les inégalités hommes-femmes vont augmenter 17 27 27 27

Les inégalités hommes-femmes vont diminuer 52 57 56 56

Les inégalités hommes-femmes vont rester stables 27 15 16 17

Enquête barométrique réalisée par l'institut BVA pour la Drees, ministère des affaires sociales. 4 000personnes interrogées entre le 14 octobre au 26 novembre 2013.

Source : ministère de la santé

Document 3 :

Part des diplômes décernés à des femmes

Nb total de diplômés % femmes

Baccalauréat professionnel 190 899 39,9

Baccalauréat technologique 125 121 52,4

Baccalauréat général 293 837 56,2

Tous baccalauréats 609 857 50,4

Licence 164 337 58,5

Master 124 625 61,2

Doctorat 11 448 43,6

Lecture : les femmes représentent 61,2 % des 124 625 diplômés de master en 2011.

Source : ministère de l'éducation nationale - Repères et références statistiques - édition 2013 - données 2011

I) Les déterminants de ces inégalités A) Le facteur socialsocialisation primaire différentielle selon le genre qui transmet les stéréotypes intériorisés par les parents etdont la contetsation est d'autant plus difficile à opérer qu'elle est précoce et que les principaux agentstiennent des discrours qui convergent vers une naturalisation des différences (seule l'école tient un discoursplus moderniste)garçon # fillestéréotypes de genres et sociauxvolonté de se protéger de désillusions : autosélection des filles qui font preuve de rationnalité dans uncontexte de discrimination sexiste

B) Une perception différente des inégalités hommes-femmesévolution de la perception des inégalités hommes-femmesune augmentation de l'impression que les inégalités hommes-femmes vont augmenter (de 17 % à 27 % entre2005 et 2013, soit une hausse de 59 %)une diminution de la perception selon laquelle les inégalités hommes-femmes vont se stabiliser (de 27 % à17 % entre 2005 et 2013, soit une chute de 37 %)

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les inégalités hommes-femmes vont diminuer : légère augmentation (de 52 % à 56 % entre 2005 et 2013,soit une augmentation de 8%).On constate donc que derrière une apparente égalisation des conditions dans un contexte de crise une partcroissanrte de personnes anticipent une hausse des inégalités entre les sexes

II) Les conséquences de ces inégalités

A) Les femmes se dévalorisentles femmes représentent 50,4 % des 609 857 diplômés tout BAC confondus = elles sont donc autantdiplômés quue les garçonsles femmes représentent 43,6 % des 11 448 diplômés de doctorat c'est 7 points de moins que pour lesbacheliers donc plus les études sont longues plus la part des femmes chutent les filles privilégient les filières littéraires aux filières scientifiques = socialisation différentielle quicontribuent à s'orienter vers des filières moins sélectives , dont le destin professionnelle est moins ambitieux

B) Cela contribue à faire perdurer le stéréotype les moins favorisés (ici les femmes) intériorisent leur rôlephénomène de «catégorisation» stéréotype qui perdure car c'est apparamment «naturel» : on passe ainsi d'une construction social (le genre)qui peut être contesté à une détermination naturelle irréversible et incontestable (le sexe )Les agents de socialisation secondaire en particulier le marché du travail renforce les stéréotypesportés parles agents de socialisation primaire (la famille et l'église)invocation des préjugés pour expliquer l'échec

Pour conclure, nous pouvons donc dire que les inégalités hommes-femmes engendrent des rapports sociauxdésavantageant les femmes. Cela est dû aux stéréotypes, mais aussi à une manière différente d'être socialisé,de vivre, de se comporter . Le débat sur ce sujet est loin d'être terminé, comme en atteste le discours d'EmmaWatson à l'ONU, et les infâmes reproches lui étant adressés sur le Web.