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31 PostU (2010) 31-40 •••••• •••••• Place de la chirurgie dans les cas difficiles de lésions ano-périnéales de la maladie de Crohn Objectifs pédagogiques Con n a î t r e l épidémiologi e de s sions anorinéales de la maladie de Crohn Connaître les techniques chirurgi- cales proposées dans le cas d’une fistule anale complexedemaladie de Crohn Connaître les gestes chirurgicaux à proposer pour une rectite réfr actaire de maladie de Crohn Connaîtreles modalités de priseen charge des séquelles de sions ano- rinéales de maladie de Crohn Introduction L incidencedelatteinte ano-rinéale dans l évol ution d’une mal adi e de Crohn est très diversement appréciée dans la littérature, puisquedestaux de 5 à 80 %ont été publiés [1-3]. Ces grandes vari ati ons ti ennent essen- tiellement aux critères de définition des lésions :certains auteurs retien- nentune simple irritation rianale temporairedue à desselles liquides alors quedautres ne considèrent que des si ons organiques symptoma- tiques nécessitantun traitements- cifique. La lésion primaire est une ulcération rectale et/ou anale pl us ou moins creusante, dont lévolution spontanée peut sefa ire vers la cicatrisation, vers labcès ouvers la fistule. La répétition des poussées infl ammatoi res ano- rectales ainsi queleur traitementvont aboutir à des sions cicatricielles et donnerune scrose,avecau maxi- mum une sténose, symptomatiqueou non. Enmatière demaladie de Crohn ano- rectale, la littératuredoit êtrtudiée et interp rétée de manière prudente car il existe denombreux biais : toutes les sions citées ci-dessus peuvent coexister au même moment ou êtrediversement associées dans le temps, sur des durées plus ou moins longues; elles peuvent survenirsur unfond dinflammation locale ou nérale plus ou moins marquéet plus ou moins prolon; le patient peut ou a pu présenter une atteinte du grêle ou du côlon sus-jacents,avec son cortège de troubles comme des douleurs abdo- minales ou de la diarrhée, pouvant aggraver ousensibiliser la patho- logie ano-rectale ; lestrai tements de l a pathologi e abdomina le e ux-mêmes , quils soient médicaux ou chirurgicaux, peuvent induiredestroubles ou entraîner des séquelles quivont retentirsur la sion ano-rectale ; les gestes proctologiques imposés par les sions ano-rectales peuvent participer pour partie au moins aux symptômes; les complications ne sont pas les mes chez lhomme et chez la femme ; des sions proctologiques banales ( mal adi e hémorr dai r e, fi s sur e anale, chirureobstétricale) peu- ventsurvenir chezunpatient atteint d’une maladie de Crohn,ajo a utant autrouble de linterprétation des symptômes allégués; certainspatients vont présenter une maladie diffus e avecatteintes arti- culaires, oculaires, cutanées, qui vont retentirsur la qualitéde vie et éventuellement modifier letraite- ment purement localdela maladie ano-rectale ; pl usi eurs t echni ques di fférent es peuvent êtreproposées pour une même lésion organique ; lefficacitédun traitement chirur- gicaldoit êtreinterp rétée sur le long terme, en tenant compte destrai- t ements médi caux r eçus et des séquelles éventuelles. Ainsi,chaquepatient est un cas par- ticulier et,pour pouvoirréaliser des études prospectives, il fa ut utiliser des classifications qui, siellessont fa sti- dieuses àappliquer au quotidien, nen s ont pas moi ns cessai r es pour regrouper les patients assez compa- rables. La plus utilisée est laclassifi- cation de Cardiff, puble par Hughes en 1992 [4] (Tableau 1). Le diagnostic lésionnelest essentiel- lement clinique, mais en 20 1 0, la pres- cription d’une lIRM est d’une grande utilité et cela dautant plus que les sionssont complexes, qu’il s’agit dune r éci di ve, quil y a déj à eu J.-L. Faucheron J.-L.Faucheron () Unitéde chirurgie colorectale, clinique universitairede chirurgiedigestiveet de l’urgence Hôpital Albert Michallon, BP 217 , 38043 Grenoble Cedex 9 E-mail :JLFaucheron@c hu-g renoble.fr

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Page 1: Post’U FMC-HGE || Place de la chirurgie dans les cas difficiles de lésions ano-périnéales de la maladie de Crohn

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Post’U (2010) 31-40• • • • • •

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Place de la chirurgie dans les cas difficilesde lésions ano-périnéales de la maladie de Crohn

Objectifs pédagogiques– Connaître l’épidémiologie deslésions anopérinéales de la maladiede Crohn

– Connaître les techniques chirurgi-cales proposées dans le cas d’unefistule anale complexe de maladiede Crohn

– Connaître les gestes chirurgicaux àproposer pour une rectite réfrff actairede maladie de Crohn

– Connaître les modalités de prise encharge des séquelles de lésions ano-périnéales de maladie de Crohn

Introduction

L’incidence de l’atteinte ano-périnéaledans l’évolution d’une maladie deCrohn est très diversement appréciéedans la littérature, puisque des tauxde 5 à 80 % ont été publiés [1-3]. Cesgrandes variations tiennent essen-tiellement aux critères de définitiondes lésions : certains auteurs retien-nent une simple irritation périanaletemporaire due à des selles liquidesalors que d’autres ne considèrent quedes lésions organiques symptoma-tiques nécessitant un traitement spé-cifique.

La lésion primaire est une ulcérationrectale et/ou anale plus ou moinscreusante, dont l’évolution spontanéepeut se faff ire vers la cicatrisation, versl’abcès ou vers la fistule. La répétitiondes poussées inflammatoires ano-

rectales ainsi que leur traitement vontaboutir à des lésions cicatricielles etdonner une sclérose, avec au maxi-mum une sténose, symptomatique ounon.

En matière de maladie de Crohn ano-rectale, la littérature doit être étudiéeet interprr rétée de manière prudente caril existe de nombreux biais :• toutes les lésions citées ci-dessuspeuvent coexister au même momentou être diversement associées dansle temps, sur des durées plus oumoins longues ;

• elles peuvent survenir sur un fondffd’inflammation locale ou généraleplus ou moins marqué et plus oumoins prolongé ;

• le patient peut ou a pu présenterune atteinte du grêle ou du côlonsus-jacents, avec son cortège detroubles comme des douleurs abdo-minales ou de la diarrhée, pouvantaggraver ou sensibiliser la patho-logie ano-rectale ;

• les traitements de la pathologieabdominale eux-mêmes, qu’ilssoient médicaux ou chirurgicaux,peuvent induire des troubles ouentraîner des séquelles qui vontretentir sur la lésion ano-rectale ;

• les gestes proctologiques imposéspar les lésions ano-rectales peuventparticiper pour partie au moins auxsymptômes ;

• les complications ne sont pas lesmêmes chez l’homme et chez lafemme ;

• des lésions proctologiques banales(maladie hémorroïdaire, fissureanale, déchirure obstétricale) peu-vent survenir chez un patient atteintd’une maladie de Crohn, ajoa utantau trouble de l’interprétation dessymptômes allégués ;

• certains patients vont présenter unemaladie diffusff e avec atteintes arti-culaires, oculaires, cutanées, quivont retentir sur la qualité de vie etéventuellement modifier le traite-ment purement local de la maladieano-rectale ;

• plusieurs techniques différentespeuvent être proposées pour unemême lésion organique ;

• l’efficacité d’un traitement chirur-gical doit être interprr rétée sur le longterme, en tenant compte des trai-tements médicaux reçus et desséquelles éventuelles.

Ainsi, chaque patient est un cas par-ticulier et, pour pouvoir réaliser desétudes prospectives, il faff ut utiliser desclassifications qui, si elles sont faff sti-dieuses à appliquer au quotidien, n’ensont pas moins nécessaires pourregrouper les patients assez compa-rables. La plus utilisée est la classifi-cation de Cardiff,ff publiée par Hughesen 1992 [4] (Tableau 1).Le diagnostic lésionnel est essentiel-lement clinique, mais en 2010, la pres-cription d’une l’IRM est d’une grandeutilité et cela d’autant plus que leslésions sont complexes, qu’il s’agitd’une récidive, qu’il y a déjà eu

J.-L. Faucheron

■ J.-L. Faucheron ()Unité de chirurgie colorectale, clinique universitaire de chirurgie digestive et de l’urgence

Hôpital Albert Michallon, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 9

E-mail : JLFaucheron@c@ hu-ggrenoble.fr

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des traitements chirurgicaux ou qu’ilfaff ille conserver une cartographie deréférence.

Le traitement doit toujou urs êtreproposé en concertation médico-chirurgicale au mieux spécialisée, lepatient lui-même ayaa ant un rôle à jouerpuisque plusieurs solutions s’offrff entle plus souvent à lui, avec une effica-cité, des complications et des séquellesvariables.

Dans cet article, nous aborderonssuccessivement l’épidémiologie deslésions anopérinéales et rectales de lamaladie de Crohn, les techniqueschirurgicales proposées dans lalittérature pour traiter les fistulescomplexes, la rectite réfrff actaire et lesséquelles des lésions anopérinéales dela maladie de Crohn et/ou de leur trai-tement (sténoses), la place de la stomieet, enfin, l’indication de l’amputationrectale.

Épidémiologie des lésionsanopérinéales et rectalessévères de la maladiede Crohn

Nous ne développerons pas dans cechapitre l’épidémiologie des lésionsprimaires telles que la fissure, lapseudo-marisque, l’ulcération rectale,ni celle de la fistule anale simple,c’est-à-dire sous-cutanée ou trans-sphinctérienne basse.

Dans la maladie de Crohn fistulisantesévère, l’aspect peut atteindre celuique les Anglais appellent « watering-can anus », avec de nombreux orificessecondaires plus ou moins éloignés lesuns des autres et de la marge anale.Elle peut aussi être associée à unemaladie de VeVV rneuil. La présence d’unemaladie de Crohn rectale faff vorise lasurvenue d’une fistule anale, qui estd’ailleurs à ce moment-là volontiers à

trajea t complexe, haut situé, voiremultiple [5]. La fistule la plus frff é-quente dans ce contexte est la fistuletrans-sphinctérienne haute, dontl’incidence va de 29 à 47 % dans lalittérature [6, 7].

Une autre entité difficile à traiter estla fistule recto-vaginale. Une foisla suppuration traitée et contrôlée, lacommunication entre le rectum etlevagin persiste souvent et le traite-ment médical seul n’en vient pas tou-jours à bout, poussant les patientes àsouhaiter une solution chirurgicale« mécanique », nous y reviendrons.L’incidence de ces fistules est estiméeentre 5 et 10 % des patientes [8]. Ellespeuvent avoir un trajea t bas situé, ano-vaginal ou ano-vulvaire, mais sontplutôt trans-sphinctérienne dans 52 %ou extrasphinctérienne dans 40 % descas [8]. L’orifice primaire est bien sûrplus volontiers situé dans la partie

Tableau 1. Classification de Cardiff [2]

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antérieure et basse du rectum. Plus lafistule est large et son point de départhaut situé, plus les symptômes sontsévères. Dans des cas exceptionnels,le point de départ est une atteintesigmoïdienne ou iléale et le trajea tfistuleux aboutit alors au niveau ducul-de-sac vaginal postérieur.

Enfin, certaines fistules apparaissentaprès coloproctectomie totale et anas-tomose iléo-anale, que l’indicationinitiale ait été une colite indéterminéeou une maladie de Crohn (puisquecertaines équipes proposent cetteintervention dans des cas bien sélec-tionnés). Il peut s’agir de fistule iléo-ano-périnéale, iléo-ano-vaginale oumême iléo-vésicale [9]. Les patientsprésentant une telle complicationfinissent par perdre leur réservoir dansprès d’un cas sur deux [10]. Il estcependant difficile d’estimer le tauxexact de perte du réservoir à causede la maladie de Crohn, un certainnombre de complications étantd’origine technique.

Les sténoses ano-rectales sont unautre type de complication parfoissévère de la maladie de Crohn. Il peuts’agir d’un simple diaphragme de lajonction ano-rectale, mais aussi d’unesténose de plusieurs centimètres durectum due aux poussées inflamma-toires répétées, créant une microrectieirréversible avec son cortège detroubles fonctionnels sévères [11].

La rectite de maladie de Crohn peutparfois être très active et réfrff actaire,causant une diarrhée sanglante, desdouleurs anales sévères et des souil-lures anales. Si le traitement médicalbien mené n’améliore pas la situation,la décision de proposer une solutionchirurgicale sera d’autant plus facff ileà prendre qu’il existe déjà une micro-rectie irréversible associée, ou desséquelles d’un précédent traitementchirurgical comme une fistulotomie.

La dernière indication chirurgicale estla présence d’un adénocarcinomerectal ou d’un carcinome épidermoïdede l’anus, ou même d’une DALM surrectite réfrff actaire ou sur microrectie.

Comme pour la rectocolite hémorra-gique, le risque de développementd’un cancer est d’autant plus élevéqu’il existe une colite étendue, ayantdébuté à un jeune âge, et évoluantdepuis des années [12, 13]. L’incidencedu carcinome rectal ou anal estestimée à 0,7 % chez les patientsprésentant une maladie de Crohnano-périnéale [14].

Traitement chirurgicaldes fistules recto-ano-périnéales complexesde la maladie de Crohn

Lorsqu’il existe une suppuration aiguëmenaçante, le premier traitementchirurgical consiste à inciser l’abcèsde la marge anale et à traiter le trajea tfistuleux, par fistulotomie s’il est bassitué, par drainage en séton s’il inté-resse plus du tiers de la hauteur dusphincter.

Une fois la suppuration contrôlée et lepatient placé sous traitement médicalet notamment anti-TNFα, le traite-ment chirurgical peut être à nouveauproposé en fonff ction de l’aspect localet du type de fistule, comme nousl’avons vu dans le paragraphe pré-cédent.

Drainage en séton prolongé

Lorsqu’il n’y a plus de suppurationactive et que le patient supporte ledrainage en séton placé en urgence, lapremière solution consiste à laisser enplace ce système de drainage pendantau moins 4 mois, en poursuivant letraitement médical. Dans notre expé-rience et avant l’ère des anti-TNFalpha, une patiente a conservé sondrainage pendant 3 ans et 2 mois,avaa ant une cicatrisation complète aprèssimple ablation en plusieurs temps. Cesimple drainage en séton prolongépermet d’espérer la cicatrisation chezprès de deux tiers des patients [15]. Lerisque est bien sûr la récidive, d’oùl’intérêt de poursuivre le traitementmédical d’entretien.

La suppression du drainage en sétonpeut se faff ire de plusieurs façff ons [16].Elle peut se faff ire d’emblée, par simplesection du système et ablation, enconsultation. C’est ce qui est le plussouvent réalisé lorsque le système necomporte qu’un seul filff ou un petittube. Elle peut se faff ire en remplaçantun gros fil par un plus petit, laisséen place encore quelques semaines, enconsultation.

Exceptionnellement, le drainage peutêtre serré de plus en plus fort contrela marge anale en plusieurs étapes,après éventuelle incision cutanée enregard, de manière à obtenir une sec-tion jugée progressive de l’appareilsphinctérien selon la technique du « filffà couper le beurre ». En pratique, cettetechnique est rarement utilisée tantelle est douloureuse (les patients sontparfois mis sous opiacés pour suppor-ter le serrage), longue (il faff ut plusieursconsultations) et délabrante (il faff utfaff ire une incision cutanée sous leserrage du fil et la section sphincté-rienne expose à l’incontinence anale).

Elle peut enfin se faff ire en ôtant pro-gressivement les fils constituant lefaff isceau de crins un par un, au rytrr hmepar exemple de 1 filff tous les 15 jours :dans cette maladie chronique, celapermet une diminution très progres-sive du calibre du trajea t, jusqu’à uncalibre quasiment virtuel pour le der-nier fil. Cette technique a volontiersnotre préférence, notamment lorsquele traitement médical bien mené nepermet pas l’assèchement rapide ou letraitement de la poussée abdominale.Il faff ut pour cela placer un faff isceau defils de polypropylène. Ces fils relati-vement gros et rigides sont certesgênants, mais le système comporteplusieurs avantages : à chaque mou-vement du patient, le faff isceau agit encisaillant très modérément l’appareilsphinctérien de haut en bas avec lafinalité de superficialiser le trajea t fis-tuleux ; le patient ne ressent pas cettemobilité des fils dans la plaie, contrai-rement au serrage, et la section setraduit par un petit saignement ; lepatient en est prévenu par avance et

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il sait donc qu’une trace de sang signi-fie qu’il existe du tissu de granulationet que le trajea t est de moins en moinsprofond.

Fistulotomie

Une autre possibilité devant un drai-nage en séton effiff cace et lorsque letrajea t paraît superficialisé consiste àreconduire le patient au bloc opéra-toire et à sectionner les tissus sous-jacents au drainage, après s’être unedernière foiff s assuré que la quantité desphincter à sacrifier est vraimentminime. Le patient sous anesthésiegénérale installé en position d’abordpérinéal, il faff ut alors inciser la peauet le tissu sous-cutané en regard dudrainage, mettre en traction le drai-nage en séton et sectionner au bistouriélectrique monopolaire les quelquesfibres sphinctériennes sous-jacentesau trajea t. Parfois, la superficialisationest telle que l’orifice primaire migrelittéralement vers l’extérieur,rr permet-tant de ne sectionner aucune fibresphinctérienne de ce qui devient untrajea t sous-cutané. La fistulotomielaisse une plaie qu’il faff ut panser pardes compresses grasses.Cette technique s’applique le plus sou-vent aux fistules les plus superficielles,volontiers uniques, chez des patientsprésentant une maladie peu agressivii e :cela explique que la cicatrisation sansséquelle survient dans près de 90 %des cas [17-19]. Pour certaines équipescomme celle de Madoff, cff ette tech-nique de section après drainage enséton prolongé donne les mêmesrésultats qu’un séton serré progressi-vement [20].

Injection de colle biologique

Lorsque le trajea t fistuleux est totale-ment asséché de manière certaine,qu’il est trop profond pour permettreune fistulotomie, que les orifices pri-maire et secondaire sont de petitetaille, qu’il n’y a pas d’autres trajea tsnécessitant d’autres traitements, quece trajea t est long et fin (ce qui exclutles fistules recto-vaginales), que la

maladie de Crohn est quiescente etenfin qu’il n’y a pas de diarrhée, il estintéressant de proposer la mise enplace de colle biologique. Il en existeplusieurs sur le marché, dont aucunen’est supérieure à l’autre. La techniqueconsiste, chez un patient sous anes-thésie générale installé en positiond’abord périnéal, à ôter le drainage enséton, à cureter le trajea t fistuleux pouren aviver les parois et produire unpetit saignement faff vorable en théorieau déclenchement du processus decicatrisation par activation des pla-quettes et des facff teurs de coagulationet à injecter la colle biologique. Lacolle est préparée de manière extem-poranée, en quantité adéquate estiméepar le chirurgien au moment du geste.Un cathlon souple est passé de l’orificesecondaire vers l’orifice primaire,intrarectal ou anal. Son extrémité doitêtre apparente dans la lumière rectaleexposée par un écarteur atraumatique,bivii alve par exemple. La colle est injec-tée progressivement par l’intermé-diaire d’une seringue et du cathlond’abord dans la lumière rectale contrel’orifice primaire pour l’aveugler. Lecathlon est alors progressivement tirévers l’orifice secondaire tout en pour-suivant l’injection de manière à rem-plir totalement le vide qu’a laissél’ablation du séton. La colle prend pra-tiquement d’emblée et laisse un petitbouton dans la lumière digestivii e et surl’orifice secondaire, qu’il faff ut respec-ter. Les premières études ont été trèsenthousiastes, faff isant état de taux defermeture des trajea ts d’environ 80 %.D’autres études comportant de nom-breux biais permettent d’évoquer destaux de cicatrisation allant de 30 % à80 % [21]. En pratique, l’indicationpeut être retenue devant des trajea tsfistuleux profonds, longs, simples,totalement asséchés, lorsque la mala-die de Crohn est contrôlée. Les avan-tages de ce procédé sont multiples : ils’agit d’une technique peu trauma-tique, rapide, simple, qui peut êtrerenouvelée et qui ne coupe pas lesponts aux autres techniques. Soninconvénient majea ur est son coût.

Insertion d’un plug

Répondant aux mêmes indications,l’utilisation du plug est une alternativii eà la colle biologique. Cette techniquetoute récente consiste à placer dans letrajea t fistuleux un cône de sous-muqueuse de porc lyophilisé bio-dégradable (approuvé par la CE et laFDA), résistant à l’infection, qui serasecondairement colonisé par les fibro-blastes du patient en trois mois envi-ron jusqu’à la cicatrisation, sans lais-ser de corps étranger. Techniquement,le trajea t est là encore cureté puis lavéet le cône est attiré dans le trajea tfistuleux de l’orifice primaire interne,vers l’orifice secondaire externe.Le plug est fixé solidement dans lesphincter interne par un point en x defil lentement résorbabr le de calibre 2/0.La nécessité de préparer le côlon et lerectum avant le geste est encoredébattue, y compris par une équiped’experts [22].

Les résultats des études préliminairessont intéressants, montrant jusqu’à83 % de taux de cicatrisation [23]. Lamême équipe a comparé dans unesérie prospectivii e de 25 patients consé-cutifsff les taux de cicatrisation desfistules traitées par plug (n = 15) et parcolle biologique (n = 10) : ce taux aété de 87 % dans le groupe plug, signi-ficativement meilleur que celui dugroupe colle (40 %, p < 0,05) avec unrecul médian de 14 semaines [24].Depuis les premières publicationsdatant de 2006, plus de 20 articlessont parus dans la littérature sur cethème du traitement des fistules analespar plug quelle qu’en soit l’étiologie.Les taux de succès dans le cadre de lamaladie de Crohn sont très variables,allant de 24 % à 100 % [25-32]. Lesbiais des études sont là encore nom-breux : faff ible nombre de patients,études non randomisées, ouvertes,problème de définition des fistuleshautes, inclusion de fistules de divii ersesétiologies et parfois articles comman-dités par la firme produisant le plug,critères de définition de la cicatri-sation, etc. L’inconvénient principal

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du plug est son coût, avoisinant800 euros. Les deux énormes avan-tages de cette technique sont, commepour la colle, la possibilité de refaff irela technique autant de fois que néces-saire et le faff it qu’elle ne coupe pas lesponts à d’autres techniques.

Lambeau d’abaissement rectal

C’est le « rectal advdd ancement flap » desAnglo-Saxons. Cette technique chirur-gicale, déjà ancienne, a été décrite pourtoute fiff stule recto-périnéale ou recto-vaginale, quelle qu’en soit l’étiologie :fistules banales, fistules obstétricales,fistules de maladie de Crohn, fistulesradiques, fistules traumatiques et fis-tules iatrogènes [33]. Son indicationthéorique est l’existence d’un orificeprimaire plutôt haut situé, large, qui nepeut pas être traité par des moyens plussimples comme l’ablation en un tempsdu drainage en séton, l’ablation pro-gressive du drainage en séton, ou lafistulotomie secondaire. Le rectum doitêtre sain et le patient ne doit pas pré-senter de diarrhéerr , ce qui en limite lesindications dans la maladie de Crohn.Pour cette raison, les séries de la litté-rature ne comportent le plus souventque quelques dizaines de cas.

La technique consiste à exciser lestissus au pourtour de l’orifice fiff stu-leux, puis à recouvrir cet orifice et laperte de substance l’entourant par unlambeau de paroi rectale. Celui-ci,muqueux, sous-muqueux et partielle-ment musculeux, est découpé en « U »sur 6 à 8 cm de hauteur dans la paroirectale, puis glissé et suturé devantl’orifice fiff stuleux.

Cette méthode de traitement des fis-tules anales est efficace dans 40 à100 % des cas lorsque le recul est demoins de 24 mois [34-37]. À plus longterme, une étude récente objeb ctive destaux de cicatrisation de 37 % au boutd’un délai de 72 mois [38]. Les grandesvariations dans le taux de cicatrisationdu trajea t fistuleux publiées dans lalittérature proviennent de plusieursfacff teurs : le premier vient du faff it queles séries sont hétérogènes, regroupant

souvent les fistules de maladie deCrohn aux fistules d’autres origines ;le second facff teur tient aux gesteséventuellement associés à la réalisa-tion du lambeau (suture des orifices,injection de colle ou mise en place deplug) ; le troisième facff teur identifiableest le nombre de lambeaux réalisés parpatients avant d’obtenir la cicatrisa-tion définitive (deux, voire trois pro-cédures dans certains articles) ; lequatrième facff teur est le recul au termeduquel est appréciée la cicatrisation(la récidive ayant d’autant plus derisque de survenir que le délai par rap-port au geste est long) ; le cinquièmefacff teur peut être la technique elle-même (Dubskykk a montré qu’un lam-beau emportant toute la paroi rectaleamenait à un taux de récidive de 5 %au lieu de 35 % en cas de lambeauplus superficiel [39]) ; le sixième facff -teur est le nombre de récidives (quelqu’en était le traitement) précédant lepremier geste de lambeau réalisé.Finalement, une revue systématiquerécente [40] ayaa ant permis d’isoler troisessais contrôlés et randomisés portantsur le lambeau d’avancement rectalautorise les auteurs à conclure que lesrésultats de la technique du lambeaune sont pas inférieurs à ceux de lafistulotomie en termes de taux de cica-trisation, mais cette conclusion appelleà être confirmée par d’autres essais…

En cas d’échec des techniques décritesau-dessus et si le patient présente dessymptômes invalidants, il est possibled’envisager deux techniques de lam-beau plus agressives, qui ne sont enpratique réalisées qu’en centresspécialisés.

Lambeau de Martius

L’indication est la fistule recto-vaginale récidivante symptomatiqueayant les caractéristiques suivantes :• trajea t fistuleux profond, intéressantplus de la moitié du sphincter : cesont les fistules trans-sphincté-riennes hautes et les fistules supra-sphinctériennes (les fistules trans-sphinctériennes basses et les fistules

sous-cutanées sont traitées parfistulotomie simple) ;

• rectum pathologique (sain, la tech-nique de choix serait le lambeaud’abaissement rectal) ;

• absence de suppuration activii e (sinon,il faff ut repasser par une phase dedrainage en séton) ;

• absence de diarrhée ;• enfin, continence normale (sinon letraitement pourrait être une fistu-lotomie ou une stomie).

Une stomie de dérivii ation est souventréalisée dans un premier temps, pourpermettre une cicatrisation du lambeauen dehors d’une atmosphère qui risqued’être souillée par la présence de selles.Dans certains cas et en ayaa ant prévenula patiente du risque plus importantd’échec, le geste peut être réalisé sansstomie. La patiente doit être égalementprévenue que l’opération comprend unprélèvement d’un petit muscle de lagrande lèvre et qu’une asymétrie aumoins initiale s’en suivrii a. La techniqueconsiste à prélever le muscle bulboca-verneux de la lèvre et à le transposer,rraprès décollement de la cloison recto-vaginale et tunnellisation, en avaa ant del’orifice primaire rectal suturé.

Il est difficile de donner des taux desuccès car les séries sont rares et lesindications de cette intervention mul-tiples [41]. En cas d’échec, le lambeaude Martius peut être répété en utilisantl’autre côté. Mais le trajea t fistuleux estalors souvent plus large à ce moment-là. Il s’agit de l’intervention de dernierrecours, avant une éventuelle gracilo-plastie, voire déjà une stomie.

Graciloplastie

Cette technique de transposition dumuscle gracile (anciennementdénommé muscle droit interne) peuttrouver sa place dans le traitement desfistules ano-rectales et surtout recto-vaginales là encore récidivantes de lamaladie de Crohn, après échec detoutes les autres techniques, y comprisdu lambeau de Martius.

La procédure, dont le premier tempsest commun à l’opération de Pickrell

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proposée pour l’incontinence analepar avulsion du sphincter ou imperfo-ration anale, est assez délabrantepuisqu’elle nécessite la libération dumuscle gracile au niveau de la facff einterne de la cuisse, une tunnellisationvers la région périanale et un décolle-ment important périrectal pour yplacer le transplant. Il y a deux diffé-rences par rapport à la techniquedécrite pour l’incontinence anale. Lapremière est que le tendon peut êtresectionné assez haut, au ras du corpscharnu, car le muscle ne sera pastransposé tout autour du canal anal,mais simplement apporté dans la cloi-son recto-vaginale contre le rectumau niveau de la fistule. La deuxièmeest que l’incision périanale ne sera pasaussi large que pour le traitement del’incontinence anale : elle doit simple-ment permettre, après tunnellisation,d’apporter le corps charnu entre lesdeux orifices primaires et secondairesdu trajea t fistuleux, où il sera suturépar plusieurs points séparés de fil len-tement résorbabr le. Les douleurs sontfrff équentes, les cicatrices nombreuseset l’efficacité ne semble pas supérieureà celle du lambeau de Martius.

Traitement particulier des fistulessur réservoir iléal en J

Ce traitement est affaff ire de spécialisteset plusieurs opérations ont été décrites,pour éviter le sacrifice du réservoir,nous ne nous y appesantirons pas :suture simple, lambeaux déjà vus,désinsertion du réservoir iléo-anal,réparation et anastomose iléo-analeitérative toujou urs protégée par uneiléostomie, et enfin divers autres arti-fices décrits dans la littérature [42-44].

Traitement chirurgicaldes sténoses analeset rectales de la maladiede Crohn

Les sténoses sont l’aboutissement deplusieurs poussées inflammatoire dela maladie de Crohn au niveau du

rectum et de l’anus, dont la cicatrisa-tion ou le traitement chirurgical amè-neront progressivement du tissu sclé-reux diminuant le calibre de l’ampoulerectale et du canal anal. Tous les inter-médiaires sont possibles entre unesténose anale ou sus-anale courte dequelques millimètres encore relative-ment souple et une véritable micro-anorectie scléreuse associée à plu-sieurs trajea ts fistuleux faff isant craindreune dégénérescence. Cela expliquepourquoi plusieurs gestes peuvent êtrepréconisés en fonction des lésionsmais aussi en fonff ction du retentisse-ment fonctionnel et du souhait dupatient qui doit être parfaff itementinformé de certaines réalités commele caractère irréversible de quelquessténoses étendues basses.

Dilatations sous anesthésiegénérale

Le premier geste, le plus simple, est deproposer pour une sténose courte unedilatation sous anesthésie générale. Ladilatation digitale violente et brutaleen consultation doit être proscrite.L’anesthésie générale permet de plusla recherche d’une fissure, d’une ulcé-ration, d’un trajea t fistuleux associé,d’explorer très soigneusement le rec-tum d’amont (voire dans certains casde réaliser,rr si besoin, une coloscopie),de faff ire des biopsies à la recherched’une dysdd plasie voire d’un foff yer d’adé-nocarcinome et enfin de faff ire unebonne estimation des lésions selon laclassification de Cardiff pour rensei-gner au mieux le patient des risquesde récidives, de dégénérescence et,partant, de stomie…

La dilatation sous anesthésie générale,réalisée chez un patient en positiond’abord périnéal, doit être faff ite en uti-lisant des bougies de Hégar : le calibrede la sténose peut ainsi être précisé,simplement en notant le calibre de lapremière bougie dont le passage estresponsable d’un ressaut. Le passagesuccessif des bougies de calibre pro-gressivement croissant, bien enduitesd’huile de paraffine, doit permettre à

la fin du geste, de palper à l’index lasténose dilatée ainsi que le rectum sus-jacent et de l’explorer en rectoscopie.La dilatation est ainsi poussée aumaximum jusqu’au passage d’unebougie de calibres 20, 21 ou 22 French.Poursuivre les dilatations au-delà estdélétère, parce que les bougies créentdes plaies par déchirure qui serontdouloureuses et dont la cicatrisationaboutira de toute façff on à une récidivetrès rapide de la sténose. Il estconseillé, une fois la dilatation réaliséeau bloc opératoire, de faff ire poursuivreles soins par des autodilatations quo-tidiennes à domicile, que ce soit parle passage d’un doigt couvert d’undoigtier ou que ce soit par un jeu debougies prêté au patient ou par laprescription d’anuscopes.

Plasties anales

En cas d’échec des dilatations sousanesthésie générale ou s’il faff ut lesrépéter trop frff équemment, il est pos-sible d’envisager un geste de plastiede la sténose. Une IRM aidera à pré-ciser l’épaisseur et la hauteur de lasténose, ainsi que les éventuelleslésions associées comme une fistule.

Il en existe plusieurs types. Le gestedébute toujou urs par une dilatationdouce et progressive, ne serait-ce quepour confirmer la hauteur de la sté-nose et permettre la dissection dans lerectum, le cas échéant.

En cas de sténose due à une sclérosetrès limitée sur une partie de la cir-conférence du tube digestif,ff il est pos-sible d’exciser la zone scléreuse etd’abaisser la muqueuse rectale saineen regard (à la façff on du lambeaud’abaissement rectal que nous avonsvu), en la suturant sur la berge infé-rieure. En cas de sténose ano-rectaleassez courte, il est possible de l’inciserverticalement, d’en libérer les tissussous-jacents au contact du sphincterinterne, et de suturer les lèvres de l’in-cision en stricturoplastie. Lorsque lasténose rectale est plus étendue, Fazioa décrit une technique consistant àinciser de manière circonférentielle le

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bas rectum à quelques millimètressous la sténose, à pénétrer dans lestissus sains autour de la lésion et àremonter le plan de dissection jusqu’àplusieurs centimètres au dessus de lasténose à traiter [45]. La dissectionpeut être facff ilitée par l’injection soussténotique de Xylocaïne® adrénalinée.La zone scléreuse est saisie par une ouplusieurs pinces et attirée au traversde la marge anale. La zone sténotiqueest alors réséquée et la suture est réa-lisée par plusieurs points de fil lente-ment résorbables, comme pour unlambeau d’abaissement rectal, maiscirconférentiel.

Place de la stomie d’amont

Il est difficile de donner une règle bienprécise sur l’indication à proposer unestomie de dérivation des matièreslorsqu’existe une maladie de Crohnano-rectale, ou de définir à partir dequel moment de l’évolution elle doitêtre discutée, ni de déterminer pourcombien de temps elle devra êtreconservée lorsque son indication estretenue.

Le traitement en urgence d’une sup-puration aiguë ano-rectale dans lecadre d’une maladie de Crohn étantbien codifié et ne nécessitant pas destomie d’amont comme nous l’avonsvu, la discussion n’intervient qu’aprèsde longues explications au patient surl’intérêt de la dérivation des matières.

Cette stomie peut être proposéelorsqu’il existe une diarrhée rebelle autraitement médical, qu’elle soit due àun intestin grêle court, à une pousséeinflammatoire, à une rectite réfrff actaireou à une sténose serrée. La créationd’une stomie peut amener un meilleurconfort au patient (en permettant parexemple l’absence de souillures anales,en supprimant une poly-exonération,en faff isant plus rapidement baisser lafièvre sur inflammation ano-rectalechronique, etc.) [46].

Elle peut être proposée lorsqu’il existeune récidive de fiff stule anale ou rec-tale, afin d’une part de diminuer les

écoulements et, d’autre part, de faff vo-riser la cicatrisation après nouveautraitement médicochirurgical [47]associant par exemple un nouveaulambeau d’abaissement, la mise enplace de colle ou d’un plug, ou la réa-lisation d’une plastie de Martius à desperfusff ions d’infliximab sur fond detraitement d’entretien.

En cas de récidive de fiff stule rectova-ginale notamment, la stomie d’amontpermet non seulement comme dans lecas précédent de diminuer les écoule-ments et de faff voriser la cicatrisation,mais elle minimise la gravité d’unevaginite ou d’une infection urinaireascendante et elle autorise dans cer-tains cas la reprise d’une activitésexuelle.

En 2009, les stomie latérales surbaguette sont le plus souvent réaliséespar chirurgie cœlio-assistée, mêmelorsqu’il existe des cicatrices abdomi-nales. Les douleurs sont moindres, cequi permet d’accepter d’autant mieuxla stomie temporaire.

Une fois en place, il est frff équent queles patients souhaitent garder la déri-vation des matières pour une périodeplus longue que ne le voudrait l’amé-lioration obtenue par la stomie. Sinon,le rétablissement de la continuitédigestive peut être envisagé lorsque lacause de la diarrhée est traitée effica-cement, que la maladie ano-rectale estquiescente, c’est-à-dire que l’inflam-mation a disparu, que la fistule estfermée et que le rectum est relative-ment souple. Le patient est de toutefaçon prévenu que l’arrivée desmatières au niveau ano-rectal pourraà nouveau entraîner des troubles…

Indications de l’amputationabdominopérinéale

Contrairement à la stomie temporaire,l’indication d’amputation abdomino-périnéale du rectum dans le cadre dela maladie de Crohn ano-rectale estassez facff ile à poser. L’indication for-melle est bien sûr la découverte d’uncancer du rectum ou de l’anus sur des

lésions locales déjà sévères, ou sur lapreuve de la présence de dysplasiesévère sur des lésions chroniques. Uneautre indication est l’existence delésions sévères et irréversibles durectum, associant sténose fiff breuseintense, multiples trajea ts fistuleuxrécidivants et diarrhée profusff e. Unetroisième indication, facff ile à poser làencore, est l’existence d’une inconti-nence anale sévère, qu’elle soit due àla maladie de Crohn elle-même ouqu’elle soit causée par les traitementschirurgicaux.

Regimbeau a mis en évidence quatrefacff teurs de risque prédictif de résec-tion ano-rectale dans le cadre de lamaladie de Crohn étudiée chez119 patients : le début tardif deslésions ano-rectales, une fistule ano-rectale comme premier signe de lamaladie, plus de trois poussées demaladie de Crohn ano-périnéale et uneatteinte du rectum [48].

L’amputation abdominopérinéale peutlà encore être réalisée par cœlioscopie.La vraie discussion porte en faff it sur letype de geste à réaliser au niveau del’anus : à côté de l’amputation ano-rectale classique telle celle réalisée encas de cancer de l’anus, il est possiblede conserver le sphincter externe enréalisant une amputation appeléeinter-sphinctérienne, voire de réaliserune anoproctectomie en conservantles deux sphincters. Il est enfin pos-sible de conserver l’anus dans sonentier,rr en réalisant une opération deHartmann à moignon ultracourt [49].

Toutes ces techniques ne sont bien sûrpas licites en cas de cancer,rr ni recom-mandées lorsque les lésions analessont majea ures, associant larges ulcé-rations, fistules et sténose.

Elles sont en revanche justifiées pourtrois raisons. La première, évidente, estd’ordre psychologique : il est plusfacff ile pour un patient d’accepter laproctectomie, si l’anus reste en placepour un très hypothétique rétablis-sement de la continuité digestiveultérieur même tardif. La deuxièmeraison, évidente là encore, est d’ordre

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esthétique, notamment chez la jeunefemme : la conservation d’un anusnormal peut aider à assumer une acti-vité sexuelle satisfaff isante. La troisièmeest d’ordre médical : il persiste assezsouvent un sinus périnéal après ampu-tation large [50, 51], qui donne pen-dant de nombreux mois voire de nom-breuses années des écoulementsidentiques ou presque à ceux quiexistaient avant le geste mutilant…

Conclusion

Le traitement médical de la maladiede Crohn ano-périnéale et en parti-culier les anti-TNFα permettent degérer la plupart des situations.Cependant, dans près de 20 % des casde maladie de Crohn non fistulisantedans un délai médian de 43 mois [52]et dans tous les cas d’abcès périanal,un geste chirurgical sera nécessaire.

Si en urgence le traitement est assezunivoque (drainage d’abcès puis fis-tulotomie en cas de trajea t bas situé oudrainage en séton si le trajea t intéresseplus du tiers du sphincter), le traite-ment ultérieur des formes complexeset des séquelles repose sur de nom-breuses techniques dont les indica-tions doivent être posées en fonctionde l’efficacité du traitement médical,de la possibilité de le poursuivre, destroubles allégués, des lésions anato-miques (IRM) et de l’avis du patient.

Comme le concluait encore il y aquelques mois une équipe néerlan-daise, le résultat du traitement chirur-gical des formes complexes de maladiede Crohn ano-périnéale reste déce-vant, et la récidive reste imprévi-sible [53].

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Les 5 points forts� Il existe plusieurs modalités de traitement chirurgical d’une fistule anale complexe sur maladie de Crohn :• fistulotomie ;• drainage en séton (dont il existe plusieurs techniques) ;• lambeau d’avancement rectal ;• injection de colle biologique ;• insertion d’un plug ;• transposition de divers lambeaux musculaires (bulbo-caverneux, gracilis).

� La plupart des sténoses anales sur maladie de Crohn peuvent être traitées par dilatations éventuellement répétées,mais nécessitent rarement des gestes chirurgicaux agressifs.

� La stomie d’amont temporaire permet de mettre au repos les lésions ano-périnéales et rectales de la maladie deCrohn (fistules, rectite).

� L’amputation abdominopérinéale du rectum est envisagée en dernier recours, devant des lésions ano-périnéales etrectales sévères et irréversibles.

� Le traitement chirurgical n’intervient que chez environ 20 % des patients atteints de maladie de Crohn anopérinéalenon fistulisante traités par infliximab et suivis 3 ans.

Question à choix unique

Question 1

Devant une fistule rectovaginale trans-sphinctérienne haute chronique sur maladie de Crohn nécessitant

un traitement chirurgical, la première option à retenir est :

� A. La fistulotomie� B. Le drainage en séton serré� C. Le lambeau d’avancement rectal� D. L’injection de colle biologique� E. L’insertion d’un plug

Question 2

La réalisation d’une stomie en amont d’une atteinte ano-périnéale sévère de maladie de Crohn est associée à :

� A. Une aggravation du débit d’une fistule recto-périnéale� B. Une aggravation d’une rectite réfrff actaire� C. Une amélioration des symptômes liés à une fistule recto-vaginale� D. Une moindre efficacité de l’infliximab� E. La guérison d’une microrectie

Question 3

Le taux de patients présentant une maladie de Crohn ano-périnéale non fistulisante traités par infliximab pendant

3 ans qui nécessiteront une intervention chirurgicale est d’environ :

� A. 5 %� B. 20 %� C. 40 %� D. 60 %� E. 80 %