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Réalisé par Benoit Décary-Secours, PhD Pour le compte de la Ville de Montréal PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE DITINÉRANCE À MONTRÉAL SEPTEMBRE 2017

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Réalisé par Benoit Décary-Secours, PhD

Pour le compte de la Ville de Montréal

PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE

D’ITINÉRANCE À MONTRÉAL

SEPTEMBRE 2017

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Comité de suivi : Ville de Montréal Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes Protecteur des personnes en situation d’itinérance à Montréal Remerciements : Nous tenons à souligner l’apport de toutes les personnes ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de ce portait des centres de jour.

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Table des matières

Synthèse ............................................................................................................................. 5 Introduction ....................................................................................................................... 7 1. Portrait descriptif des centres de jour à Montréal .................................................... 9

1.1 Définir le centre de jour ......................................................................................................... 9 1.2 Une approche multiservice et d’accompagnement social .................................................... 10 1.3 Une porte d’entrée sur certains services de soins de santé institutionnels ........................... 12 1.4 Répartition des services sur le territoire et heures d’ouverture ............................................ 13 1.5 Données globales sur les centres de jour à Montréal ........................................................... 16

i. Évolution de la situation des centres de jour ................................................................. 16 ii. Profils des usagers et usagères ....................................................................................... 17 iii. Identification des centres de jour, emplacements et reconnaissance ............................. 20

1.6 Difficultés particulières des femmes en situation de marginalité au sein des centres de jour.................................................................................................................................................... 22

2. Typologie des espaces du centre de jour à Montréal ............................................... 24

2.1 Sanctuaire : espaces d’inclusion et d’acceptation ................................................................ 24 2.2 Espaces de réhabilitation et de changements ....................................................................... 25 2.3 Espaces d’autonomisation communautaire .......................................................................... 26 2.4 Limites de la typologie et émergence d’un réseau des centres de jour ................................ 26

3. Paroles d’usagers et d’usagères des centres de jour ................................................ 28

3.1 Démarche et objectifs des entretiens .................................................................................... 28 3.2 Profils des personnes interviewées et lieux des entretiens ................................................... 29 3.3 Sentiment d’appartenance et trajectoires dans le réseau des centres de jour ....................... 29 3.4 Véhicule de changement social : un espace collectif d’entraide .......................................... 31

4. Le centre de jour comme lieu de prévention de l’itinérance et de lutte à la désinsertion sociale .......................................................................................................... 33

4.1 Le rôle des centres de jour dans l’accompagnement d’individus en logement .................... 33 4.2 Quel type de prévention ? .................................................................................................... 34 4.3 Former communauté et prendre place : première étape à une réinsertion sociale durable .. 35

Conclusion ....................................................................................................................... 36 Bibliographie ................................................................................................................... 39

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Liste des figures

Figure 1: Multiplicité des services offerts dans les centres de jour de Montréal ........... 10 Figure 2: Répartition géographique des centres de jour en itinérance à Montréal ........ 14 Figure 3: Distribution des heures d’ouverture des centres de jour et de soir à Montréal

........................................................................................................................ 15 Figure 4: Croyez-vous que la fréquentation des centres de jour a augmenté durant les

dix dernières années ? .................................................................................... 16 Figure 5: Comment les différentes problématiques ont-elles évolué durant les dix

dernières années ? .......................................................................................... 17 Figure 6: Quelle est la proportion des usagers et usagères qui utilisent le centre de jour

et sont en logement ? ...................................................................................... 17 Figure 7: Quelle est la proportion des femmes utilisant les services de l’organisme ? . 18 Figure 8: Quelle est la proportion des usagers et usagères de l’organisme qui utilisent

également le centre de jour ? .......................................................................... 18 Figure 9: Croyez-vous que les catégories d’individus suivantes bénificient du même

accès aux centres de jour ? ............................................................................. 19 Figure 10: Reconnaissance officielle des organismes recensés comme centres de jour

auprès des autorités administratives (municipales, provinciales ou fédérales) ........................................................................................................................ 20

Figure 11: Selon les besoins des usagers et usagères, la localisation du centre de jour est-

elle adéquate ? ................................................................................................ 20 Figure 12: Selon les besoins des usagers et usagères, les locaux du centre de jour sont-ils

adéquats ? ....................................................................................................... 20 Figure 13: Le travail effectué par les centres de jour bénéficie-t-il généralement d’une

bonne reconnaissance des groupes suivants ? ................................................ 21 Figure 14: Progression des présences au centre de jour Olga – La rue des Femmes ...... 22

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Synthèse Le présent portrait des centres de jour destinés aux personnes en situation ou à risque d’itinérance à Montréal expose la particularité et la valeur d’une ressource qui passe souvent inaperçue, mais se révèle toutefois centrale à la lutte contre l’itinérance. En effet, parfois dissimulés au sein de sous-sol d’églises ou encore derrière de grands bâtiments du centre-ville, le centre de jour est peu visible de la population générale qui, tout au plus, peu y voir un attroupement plus ou moins régulier de personnes itinérantes et marginalisées. Ce portrait a été mené à l’initiative de la Ville de Montréal, conjointement avec le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSS) Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM). Il nous amène derrière les portes du centre de jour, nous fait entendre la parole d’individus qui fréquentent régulièrement les services, analyse les représentations de ces espaces et leur importance dans le parcours des gens qui sortent de la rue ou évitent de s’y retrouver. Le centre de jour joue un rôle de stabilisation, de sécurité et de socialisation qui se définit non pas par une offre de service précise (l’on constate une multiplication des services), mais plutôt comme espace où s’enracine une démarche d’accompagnement social où la question de la « réinsertion sociale » est posée non pas uniquement dans le cadre d’une réforme de « l’individu », mais du lien social qu’il faut rebâtir. Ce portrait est également l’occasion de dresser un « état de la situation » à travers la présentation d’un ensemble de données primaires recueillies lors de la recherche : services offerts, répartition géographique des centres de jour, heures d’ouverture, évolution de la fréquentation, usagers en logement, services pour les femmes, etc. L’objectif est d’illustrer des informations générales d’actualité sur le centre de jour. À ce portrait descriptif s’ajoute l’étude qualitative de trois grandes formes de représentations des espaces qui constituent les centres de jour : le « sanctuaire », l’espace de « réhabilitation » et celui de « l’autonomisation communautaire ». Cette typologie ne se veut pas normative ni évaluative, mais permet de comprendre la complémentarité et les incidences d’une diversification des espaces du centre du jour à Montréal. Cette complémentarité évoque l’idée d’un réseau informel entre ces espaces d’accueil et de soutien. En effet, ce réseau peut prendre forme entre autres à travers la circulation des usagers qui tissent des liens et forment des voies de communication. L’analyse de la parole d’usagers et d’usagères des centres de jour révèle des trajectoires à travers les organismes qui reposent sur le développement d’un fort sentiment d’appartenance à certains centres de jour plutôt qu’à d’autres. Ce sentiment d’appartenance met en scène une volonté d’entraide collective. Il se révèle au fondement d’une communauté qui travaille à retisser les liens sociaux nécessaires à une réinsertion sociale où l’individu marginalisé est valorisé comme un citoyen à part entière.

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En formant communauté, le centre de jour représente une occasion de tisser des liens de solidarité, une reconnaissance et une identité collective au fondement d’une réinsertion sociale durable et démocratique pour les populations marginalisées. Comme espace de socialisation, le centre de jour représente l’occasion de bâtir une « place », c’est-à-dire un statut, une reconnaissance, une identité sociale autre que celle d’« itinérant ». Les principales pistes de réflexion qui traversent ce portrait des centres de jour à Montréal sont les suivantes :

• En accueillant différentes catégories d’individus qui sont en logement, le centre de jour se révèle être un acteur important de la prévention à l’itinérance en offrant des contextes de socialisation qui brisent l’isolement et incitent l’individu à ne pas tracer sa voie dans l’itinérance. Toutefois, à Montréal il demeure difficile de bien cerner la place, les besoins et les services reçus par les individus en logement qui fréquentent les centres de jour alors que peu d’organismes détiennent des données officielles sur la situation résidentielle des usagers et usagères.

• Les centres de jour se concentrent dans la portion du centre-ville de Montréal où l’on retrouve majoritairement un type d’itinérance plus visible (chronique). Ce constat soulève la question de la rareté de centres de jour dans les quartiers plus excentrés (voir l’exemple de Multicaf) où se vivent des formes d’itinérance moins visibles, mais tout aussi systémiques.

• Malgré une tentative de regroupement dans les années 1990, nous notons l’absence d’un réseau formel des centres de jour à Montréal. À la lumière de l’expérience du Royaume-Uni, nous demandons si un tel réseau ne permettrait pas de favoriser la constitution de fronts communs sur certains dossiers, un partage d’expertise et d’information et une meilleure promotion de la valeur spécifique des centres de jour auprès de la population générale.

• Le portrait révèle un déficit en matière de centres de jour permettant d’offrir un

espace sécuritaire pour les femmes à Montréal. Des 27 centres de jour recensés, 23 sont mixtes et 2 sont réservés aux femmes alors qu’elles représentent de 20 à 25% de la population itinérante montréalaise.

• Les centres de jour représentent des espaces privilégiés de socialisation qui varient

dans leurs formes et dispositions. L’élaboration d’une typologie de ces espaces (sanctuaire, réhabilitation, autonomisation communautaire) ne se veut pas normative ni évaluative, mais permet de comprendre la complémentarité et l’importance de la diversification des espaces du centre du jour à Montréal.

• Il existe une mise en réseau informelle des centres de jour par la complémentarité

des approches qui structurent ces espaces (sanctuaire, réhabilitation, autonomie communautaire) ainsi que par la circulation d’individus qui développent un fort sentiment d’appartenance et d’entraide communautaire envers un organisme plutôt qu’un autre.

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Introduction Le centre de jour est une ressource souvent méconnue de la population générale. Il s’agit pourtant d’un espace de socialisation essentiel à la prévention de l’itinérance. Les centres de jour à Montréal ont développé une expertise qui leur est propre et constituent une première avenue importante vers la réinsertion sociale. En dressant un portrait des centres de jour à Montréal, notre objectif est de mettre en évidence cette expertise ainsi que son impact majeur sur le cheminement des personnes isolées et marginalisées. Mené à l’initiative de la Ville de Montréal et conjointement avec le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSS) Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), ce travail vise à promouvoir la particularité des services offerts par les centres de jour et à recenser l’évolution des besoins, défis et obstacles exprimés tant par les usagers que les organismes eux-mêmes. Au-delà de l’intérêt particulier que peuvent y accorder les décideurs publics et le réseau communautaire, ce portrait s’adresse également au grand public dans un objectif général de partage des connaissances au sujet de l’itinérance à Montréal. Conjuguant une réflexion théorique sur les centres de jour et un travail de terrain auprès de gestionnaires et d’usagers de ces ressources, ce travail démontre que les centres de jour constituent des espaces d’accompagnement qui vont au-delà d’une aide matérielle ponctuelle. En effet, ne constituant ni un espace de désoeuvrement ni une simple stratégie pour retirer les personnes itinérantes des espaces publics, les centres de jour se sont révélés comme espaces de socialisation qui contribuent de manière originale et essentielle à la lutte contre la désinsertion sociale, en plus de constituer une porte d’entrée vers les services de santé institutionnels pour des populations qui s’en trouvent souvent éloignées.

* * * Cet exercice s’inscrit dans le cadre du deuxième plan d’action en itinérance (2014-2017) de la Ville de Montréal qui met de l’avant quatre principes directeurs, à savoir le partage des connaissances, le renforcement de l'exercice de la citoyenneté, l'offre d'alternatives à l'itinérance et la réduction des problèmes de partage de l'espace urbain. Plus particulièrement, le présent portrait s’appuie sur l’action 8 de ce plan qui vise à apporter une aide aux centres de jour. Dans ce cadre, il est un outil pouvant conduire sur la piste de possibilités d’amélioration des centres de jour et d’occasions pour la Ville et ses partenaires d’appuyer leur développement. Consciente de l’importance des centres de jour à Montréal, tant par la diversité de leur offre de services et que par le nombre de personnes rejointes, la Ville accorde une attention particulière à ces ressources. D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’entre 2013 et 2016, la valeur des contributions octroyées par la Ville pour des projets portés par des centres de jour a doublé. En 2016, ces contributions représentaient près du tiers du budget que la Ville-centre accorde en matière de lutte à l’itinérance.

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Démarche de recherche Notre démarche de recherche a privilégié l’analyse qualitative comme moyen d’étudier le sens que peuvent avoir les services offerts par les centres de jour et d’aller au-delà de la simple description statistique de ces derniers. Il s’agit d’une analyse qui s’est effectuée à partir de trois activités de collecte de données distinctes et complémentaires. La première étape de la collecte de données est la distribution de questionnaires fermés à l’ensemble des 27 centres de jour recensés. Il s’agit d’une étape essentielle afin d’obtenir une description de l’état actuel des services et de dresser un portrait descriptif des centres de jour à Montréal. Cette première étape est complétée par dix entrevues individuelles semi-dirigées auprès des gestionnaires d’organismes ciblés afin de connaître le point de vue de ceux-ci sur les enjeux d’aujourd’hui, notamment sur leur perception du rôle joué par les centres de jour dans la lutte à l’itinérance, la nature et l’efficacité des collaborations avec leurs partenaires, l’évolution de la clientèle et des besoins. Ces deux premières étapes permettent de recueillir un point de vue institutionnel sur le centre de jour. La parole des usagers et usagères des centres de jour fait l’objet de la troisième étape de la collecte de données. Douze entretiens semi-dirigés ont été réalisés auprès d’individus fréquentant les centres de jour. L’objectif est non seulement de faire valoir la parole des personnes en situation ou à risque d’itinérance, mais d’obtenir un matériel d’analyse inédit permettant de cerner la signification du centre de jour dans leurs parcours individuels. De plus, cette démarche est conforme à la mission du Protecteur des personnes en situation d’itinérance qui vise, entre autres, à mieux connaître les réalités et les besoins des personnes itinérantes à travers la création de mécanismes de communication et de dialogue. Le portrait se divise en quatre parties. La première, intitulée « Portrait descriptif des centres de jour à Montréal », pose la question de la définition du centre de jour et dresse un état de la situation à partir des données recueillies par le questionnaire. La seconde partie, « Typologie des espaces du centre de jour à Montréal », s’appuie sur une littérature théorique qui nous autorise à retracer et comprendre les différentes tendances qui guident l’utilisation et les représentations des espaces du centre de jour. Par la suite, le point intitulé « Paroles d’usagers et d’usagères du centre de jour » présente les résultats d’analyse des entretiens semi-dirigés auprès des individus qui fréquentent les services. La dernière partie, « Le centre de jour comme lieu de prévention de l’itinérance et de lutte à la désinsertion sociale », présente une analyse globale des résultats de recherche obtenus des trois activités de collecte de données en soulignant la manière particulière par laquelle le centre de jour se révèle être un acteur clé de la prévention de l’itinérance.

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1. Portrait descriptif des centres de jour à Montréal 1.1 Définir le centre de jour Loin d’être en marge de la lutte à l’itinérance, les centres de jour représentent des ressources importantes dans le cheminement des personnes en situation ou à risque d’itinérance (voir graphique 3). Les données de l’étude complémentaire réalisée à l’été 2015 dans le cadre du dénombrement des personnes itinérantes démontraient que les centres de jour représentent le type de ressource le plus utilisé, ayant été mentionné par 60% des répondants (Latimer et al., 2016, 24). Si notre étude a permis de dénombrer 27 centres de jour et de soir œuvrant directement dans le domaine de l’itinérance à Montréal, ces derniers sont loin d’être uniformes. La difficulté d’une définition commune relève de la multiplicité des services qui sont offerts dans ces organismes. Si l’on adopte une définition minimaliste, il est possible de définir les centres de jour comme espaces d’accueil et de socialisation, souvent situés au centre de la ville, où les personnes en situation ou à risque d’itinérance peuvent aller se reposer et trouver une réponse aux besoins de base. Or, dans la majorité des cas, ces services de base (abri, nourriture, vêtement, socialisation, douches, etc.) ne représentent pas une fin en soi, mais deviennent des manières de mettre des individus souvent lourdement stigmatisés (Johsen et al., 2005) en contact avec un nombre croissant de services visant une amélioration de leur situation à long terme. Bien qu’il n’existe pas de définition commune des centres de jour, la littérature fait fréquemment référence à la définition offerte au Royaume-Uni par le National Day Centres Project :

Day centres provide an open access building based facility ; offer a variety of services usually involving a mix of support, advice, information, food and practical help ; are commited to equal opportunities, maintaining a safe and welcoming environment and empowering service users ; and have a primary focus on working with homeless, vulnerable and insecurely housed people (Cooper, 2001, p. 97).

En effet, au Royaume-Uni nous notons la mise sur pied du Day Centres Project1 qui vise à mettre en réseau plus de 200 centres de jour afin d’offrir un appui aux organismes, de favoriser le partage d’information et d’encourager la reconnaissance de la valeur de ces services auprès de la population générale ainsi que des différentes institutions. À Montréal et au Québec, à cette difficulté d’une définition commune s’ajoute l’absence de réseau formel des centres de jour. Au début des années 1990 a été mis sur pied le Regroupement des centres de jour, de soir et unité mobile afin de mieux faire valoir la particularité de leurs services. Cette initiative est née « […] de la nécessité, pour les ressources, de mieux faire connaître la philosophie des centres, d'assurer la visibilité de leurs actions et des besoins de la clientèle en insistant sur la question de leur diversité, de leur spécificité, voire de leur complémentarité » (Rozier, 1996, 10). Se voulant promoteur de la concertation, de la solidarité, de la cohésion

1 Voir http://www.homeless.org.uk/our-work/national-projects/day-centres-project

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et à la recherche d’une alternative à l’existence d’une certaine compétition entre les organismes, ce regroupement n’a jamais obtenu de statut officiel et a finalement été abandonné pour des raisons qui demeurent à éclaircir vers la fin des années 1990. 1.2 Une approche multiservice et d’accompagnement social Il est possible d’insister sur les multiples rôles joués par les centres de jour à Montréal se traduisant dans la multiplicité des services offerts (graphique 2). Cette variété de services relève toutefois d’un élément commun aux centres de jour : leur capacité à développer des réponses aux manques exprimés par des usagers (Cooper, 2001). À la lumière du questionnaire distribué à l’ensemble des centres de jour et de soir à Montréal, nous pouvons observer que le seul service offert par l’ensemble des centres de jour à Montréal se trouve à être l’espace d’accueil et de socialisation. Ce service se trouve au centre même de l’identité du centre de jour. Cet espace représente l’occasion de bâtir des liens de confiance avec les intervenants et intervenantes, de répondre à des besoins de base, d’offrir des opportunités de réseautage et d’accompagnement ou encore des conseils pratiques sur un ensemble d’enjeux auxquels fait face la population en situation ou à risque d’itinérance. De plus, 65% des centres de jour et de soir soulignent offrir des services « autres » n’étant pas représenté par les dix catégories de service proposé : aide aux démarches scolaires, clinique d’impôts, distribution de matériel de consommation, hébergement de longue durée, santé animale, soutien à la famille, etc. Figure 1: Multiplicité des services offerts dans les centres de jour de Montréal

*Les principaux services que les organismes ont inclus dans la catégorie « autre » : aide aux démarches scolaires, clinique d’impôts, distribution de matériel de consommation, hébergement de longue durée, santé animale, soutien à la famille.

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La particularité des centres de jour ne réside pas tant dans l’offre d’une catégorie précise de services, mais davantage dans leur capacité à répondre et à s’adapter aux multiples problèmes que rencontrent les individus en situation ou à risque d’itinérance. Comme le souligne Roy et al. par leur étude sur le modèle d’intervention dans les centres de jour, « la diversité, l'hétérogénéité et la multiplicité des trajectoires, des problèmes et des processus caractérisant les personnes itinérantes circulant dans les centres de jour rendent impossible tout cheminement standard dans lequel doit s'inscrire l'individu ou auquel il doit se conformer » (Roy et al., 1998, 104). À travers la diversification des services, Roy et al. soulignent que le centre de jour joue un rôle de stabilisation (horaire fixe, personnes connues, insertion dans un quartier et une communauté), de sécurité (nourriture, vêtement, refuge, accueil quasi inconditionnel) et de socialisation (briser l’isolement, recréer un réseau social primaire, établissement d’une continuité des liens interpersonnels). L’approche multiservice correspond à un mode d’intervention tourné vers la diversité des usagers des centres de jour. Ce mode d’intervention se rapproche du modèle d’accompagnement social (Feltesse, 1995), « entendu comme un "accompagnement" d'individus dans un parcours non linéaire et itératif, en adaptant les moyens, les formes et les rythmes de l'intervention à la réalité de chacun » (Roy et al., 1998, 100). Apparu à la fin du XXe siècle, l'accompagnement social est un modèle d’intervention qui tente de cerner la place de la subjectivité (histoires personnelles, expérience vécue, création de soi…) dans le fonctionnement social. Il émerge comme alternative à la prise en charge institutionnelle « par le haut » d’individus désaffiliés dans le cadre duquel s’impose un cheminement plus standardisé. Comme nous le verrons plus loin, « ce modèle d’accompagnement privilégie les notions d'itinéraire (et non pas d'objectif), de réseau (et non pas de prestation), de solidarité (et non plus de norme) » (Feltesse, 1995, 4). La question de la « réinsertion sociale » est posée non pas uniquement dans le cadre d’une réforme de « l’individu », mais du lien social : on y accorde une place importante à la responsabilité de chacun et à l'engagement réciproque que suppose, entre personnes en insertion et travailleurs sociaux ou bénévoles, une relation librement acceptée.

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1.3 Une porte d’entrée sur certains services de soins de santé institutionnels Les centres de jour développent une forme de référence peu directive, centrée sur la démarche volontaire des usagers dans un environnement de contraintes minimales permettant d’amorcer des interventions. La littérature les décrit souvent comme forme de « sanctuaire » (Bowpitt et al., 2014) pour une population dont l’espace public est devenu synonyme de préjugés, de violences ou de criminalisation (Campbell et Eid, 2009). L’approche d’accompagnement social représente pour certains individus marginalisés une alternative à des services de soins plus directifs et institutionnels – tels les hôpitaux ou les CLSC (centre local de services communautaires).

Naissance d’un centre de jour pour femmes : Chez Doris À Montréal comme ailleurs, l’approche d’accompagnement social qui caractérise les centres de jour s’insère dans une histoire reliant leur émergence aux manques exprimés par des populations locales désaffiliées, marginalisées et près de la rue. L’histoire du centre de jour Chez Doris illustre cet ancrage des services dans les besoins et conditions des femmes de la rue. « Au cours de la matinée du 3 novembre1974, le corps d’une jeune femme fut découvert dans un hangar près de l’intersection des rues de la Gauchetière et Saint-Urbain. La victime avait été violée et battue à mort avec une roue d’automobile. Elle se prénommait Doris et faisait partie du groupe sans cesse croissant de femmes sans ressources essayant de survivre dans les rues de Montréal » (Oddie, 1992, 2). Sheila Baxter, une travailleuse communautaire, avait commencé à interroger des femmes dans les rues de Montréal afin de déterminer leurs besoins essentiels. Cet événement tragique la poussa à approfondir ses recherches : elles révélèrent un manque flagrant de refuges pour les femmes sans-abris en général, de même qu’une absence de services destinés aux femmes itinérantes aux prises avec divers autres problèmes, comme l’alcoolisme, la consommation de drogue, ou des troubles psychiatriques. Ses recherches démontrent également que des femmes itinérantes sont refusées par les institutions pour personnes itinérantes de l’époque par manque de ressources, mais aussi « parce qu’elles éprouvaient de graves problèmes ». Grâce aux résultats de ses recherches, le projet-pilote et ancêtre de Chez Doris « la Maison Bertha » voit jour à l’été 1975. L’histoire du centre de jour est marquée par un déficit de reconnaissance du rôle clé joué par ce dernier dans la lutte à l’itinérance : « En novembre 1981 […] Centraide cessa de financer le projet en raison du type de femmes que le centre accueillait : des femmes ayant des problèmes psychiatriques qui n’étaient pas sans-abris et qui ne venaient au centre que pour prendre un café et socialiser » (Oddie, 1992, 6-7). Aujourd’hui, Chez Doris représente un environnement d’accueil, de socialisation, de sécurité et de solidarité fréquenté par plus de 1000 femmes différentes chaque année. « Lors d’une entrevue menée auprès de Doris avant son décès, on avait demandé à celle-ci quel type d’aide, selon elle, bénéficierait le plus aux femmes comme elle. Elle avait répondu "un endroit où aller, sans regards indiscrets, ni trop de questions". Pour les femmes qui le fréquentent, le centre […] c’est plus qu’un endroit où aller […]. C’est un symbole de ce qu’elles peuvent accomplir dans leur propre vie avec un petit coup de main de la part des personnes qui se préoccupent de leur sort » (Oddie, 1992, 10).

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Toutefois, certains centres de jour offrent les services de spécialistes du réseau de la santé (infirmières et psychologues travaillant avec Médecins du monde, etc.) de manière a permettre une porte d’entrée vers des services institutionnels pour des individus marginalisés qui ont l’habitude de s’en méfier, sont vulnérables ou dont les comportements les amènent à en être exclus. En ce sens, Cooper souligne que […] users of day centres tend to be: people suspicious of mainstream services, people with drug or alcohol problems and who don’t want to be defined by their substance misuse, and people with multiple needs whose behaviour is challenging to other services providers. Day centres work as a last safety net to those who have fallen through every other service (Cooper, 2001, 97).

Les centres de jour sont ainsi des lieux qui permettent de rapprocher les services de catégories d’individus plus éloignés. En effet, la littérature internationale et locale reconnaît que les personnes en situation ou à risque d’itinérance ont des conditions de vie qui se traduisent par une utilisation inadéquate des services de soins de santé (Kushel et al., 2001; Thibaudeau, 2000; Wenzel et al., 2001). Comme le remarque Thibaudeau, « selon plusieurs auteurs, les personnes itinérantes font une utilisation inadéquate des services de santé pour de multiples raisons qui se rapportent à l’organisation des services de santé, aux dispensateurs de soins, aux personnes itinérantes et au contexte dans lequel elles vivent » (Thibaudeau, 2000, 316). Selon Caroline Grimard, dans un mémoire sur l’accès aux services institutionnels et communautaires par les personnes itinérantes, il peut s’agir de difficultés externes qui relèvent de la procédure et des règlements qui permettent d’utiliser les services (Hatton et al., 2001), mais aussi de difficultés sociales telles que « [la] perte d’habiletés sociales et relationnelles, [le] manque de moyen de transport, [l’]attitude négative du personnel médical envers les personnes itinérantes, etc. » (Grimard, 2006, 25). Les problèmes de santé des personnes en situation d’itinérance sont parfois plus nombreux que ceux de la population générale et demandent un accompagnement particulier (Macnee et Forrest, 1997) et la méconnaissance des services offerts peut mener à l’utilisation inadéquate d’un service (Sachs-Ericsson et al., 1999). 1.4 Répartition des services sur le territoire et heures d’ouverture

À Montréal, nous avons répertorié 27 organismes offrant les services d’un centre de jour ou de soir auprès des personnes itinérantes ou à risque d’itinérance (graphique 1). De ces derniers, 19 sont situés dans l’arrondissement Ville-Marie, 3 dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, 2 dans Le-Plateau-Mont-Royal, 1 dans Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, 1 dans le Sud-Ouest et 1 dans la Ville de Westmount. La concentration de ces ressources dans Ville-Marie pourrait s’explique d’une part par la concentration de l’itinérance chronique au le centre-ville (Latimer et al., 2015). L’itinérance chronique fait référence à la situation de ceux et celles qui ont connu des épisodes répétés d’itinérance et qui ont passé de longues périodes à la rue. Toutefois, s’il s’agit de l’aspect le plus visible de l’itinérance, la proportion des personnes itinérantes qui se trouvent en situation d’itinérance chronique au Canada se situe entre 2 à 4 % (Aubry et al., 2013). En effet, il a été démontré qu’il existe d’autres formes d’itinérance systémique

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en marge du centre-ville, dans les quartiers et arrondissements excentrés (RAPSIM, 2016). Les 6 centres de jour qui se situent à l’extérieur du centre-ville de Montréal reçoivent plusieurs milliers d’individus par année et jouent un rôle essentiel auprès des personnes en situation de marginalité et faisant l’expérience de l’itinérance cachée. Près de 1 Canadien sur 10 a vécu un épisode d’itinérance cachée (Rodrigue, 2016) et ces derniers « sont beaucoup plus portés à utiliser les centres de jour […] et moins à utiliser les refuges » (Latimer et al., 2016, vi). En Angleterre, les études ont révélé l’importante présence des individus qui vivent des formes d’itinérance cachée au sein des centres de jour (Reeve et Coward, 2004 ; Robinson et Coward, 2003). L’itinérance cachée nous rappelle que la majorité des personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir trouvent des alternatives précaires afin d’éviter de passer la nuit à la rue. L’itinérance cachée correspond à une forme d’itinérance épisodique et moins visible : certaines personnes n’ayant nulle part où aller dorment dans des squats, sur le divan d’un ami, cohabitent dans des logements surpeuplés et insalubres, louent une chambre de motel, dorment dans leur voiture ou ne s’identifient tout simplement pas comme « itinérantes ». Figure 2: Répartition géographique des centres de jour en itinérance à Montréal

Près de la moitié des centres de jour de Montréal contactés dans le cadre de notre étude (N=27) estiment que plus de 50% des usagers du centre de jour habitent en logement. À Toronto, l’étude The Role of Drop-ins from the Perspective of Those Who Use Them (Ville de Toronto, 2000) souligne que 59% des usagers des centres de jour résidaient en logement.

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En ce sens, plusieurs études ont souligné l’importance des centres de jour dans le maintien en logement et la prévention de l’itinérance (Jones et Pleace, 2005 ; Crane et al., 2005 ; Pollio et al., 2000). La présence de centres de jour à l’extérieur du territoire du centre-ville est essentielle dans le cadre d’une stratégie visant à prévenir et réduire l’itinérance sous toutes ses formes. Figure 3: Distribution des heures d’ouverture des centres de jour et de soir à Montréal

La distribution des heures d’ouverture indique un débalancement entre l’offre de service en semaine et en fin de semaine. En effet, plus de 65% des centres de jour et de soir sont fermés durant les fins de semaine alors que ceux qui sont ouverts ont des horaires de fonctionnement réduits. Les entrevues menées auprès des gestionnaires nous indiquent que dans un contexte où les ressources sont limitées, les organismes font généralement le choix de limiter les heures d’ouverture pour y concentrer les ressources nécessaires au travail d’accompagnement et de suivi.

L’accueil de soir

À Montréal, « le Centre de soir Denise-Massé se démarque sans contredit par ses heures d’ouverture en soirée tant en semaine que lors des fins de semaine. Il va sans dire que la clientèle apprécie grandement cette particularité, leur permettant ainsi d’avoir accès, du mercredi au dimanche de 17h à 22h, à un lieu d’appartenance offrant un espace de socialisation rassurant à des moments où la solitude et l’isolement se font plus présents » (Centre de soir Denise-Massé, 2016, 9). La provenance territoriale variée des individus qui fréquentent le Centre de soir Denise-Massé traduit sans doute pour une catégorie d’individus le besoin d’espaces d’accueil et de soutien accessibles durant cette plage horaire. Si l’offre de service le soir est très réduite en comparaison avec ce qui est offert le jour, nous remarquons qu’elle est toutefois sensiblement la même la semaine et la fin de semaine. Bien que la mission des centres de jour et de soir soit la même (accueil inconditionnel, espace de socialisation, accompagnement social, lieu d’appartenance et d’entraide), ces derniers peuvent être fréquentés par des groupes d’usagers différents.

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1.5 Données globales sur les centres de jour à Montréal La première phase de la recherche a permis qu’un questionnaire électronique soit complété par l’ensemble des 27 centres de jour recensés à Montréal afin d’obtenir des informations générales d’actualité sur ces derniers. Ces données primaires, que nous reprenons ici, nous ont ainsi permis de dresser un certain état de la situation. Il s’agit de réponses aux questions posées aux gestionnaires des organismes. i. Évolution de la situation des centres de jour Figure 4: Croyez-vous que la fréquentation des centres de jour a augmenté durant les dix dernières années ?

Certaines des démarches d’aide qui peuvent être menées le jour (suivi auprès des institutions gouvernementales ou municipales, aide au logement, recherche d’emplois, etc.) peuvent difficilement avoir lieu le soir ou la nuit. Les centres de soir ou de nuit peuvent se révéler plus facilement accessibles pour certaines populations itinérantes ou à risque d’itinérance, tels les individus qui vivent du travail du sexe.

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Figure 5: Comment les différentes problématiques ont-elles évolué durant les dix dernières années ?

Parmi les gestionnaires des organismes recensés, 22 sur 27 soulignent que la fréquentation des centres de jour a augmenté au courant des dix dernières années. Cette affirmation sur l’augmentation de la fréquentation s’accompagne d’une perception selon laquelle la nature des besoins des individus a généralement changé. Selon les répondants, les changements les plus marqués se situent au niveau du changement du profil des usagers et usagères, ainsi qu’au niveau de la nature des besoins des femmes en centres de jour. ii. Profils des usagers et usagères Figure 6: Quelle est la proportion des usagers et usagères qui utilisent le centre de jour et sont en logement ?

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Figure 7: Quelle est la proportion des femmes utilisant les services de l’organisme ?

Figure 8: Quelle est la proportion des usagers et usagères de l’organisme qui utilisent également le centre de jour ?

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Figure 9: Croyez-vous que les catégories d’individus suivantes bénéficient du même accès aux centres de jour ?

Au sujet du profil des individus qui fréquentent les centres de jour, nous notons que près de la moitié des organismes (12 sur 27) estiment que plus de 50% des usagers et usagères seraient en logement (figure 6). On apprend également que près de la totalité des individus qui fréquentent un organisme au sein duquel se trouve un centre de jour utilisent les services de ce dernier (figure 8). On estime également que les femmes sont très présentes au sein des centres de jour mixtes où 9 organismes évaluent que les femmes représentent de 25 à 50% des individus qui utilisent le centre de jour et 11 organismes situent cette proportion entre 10 à 25% (figure 7). Toutefois, cette importante fréquentation de ressources mixtes par les femmes peut s’expliquer par la faible présence de ressources réservées aux femmes (2 centres de jour sur les 27 recensés à Montréal, voir plus particulièrement le point 1.6 de ce portrait). Les femmes, les Authochtones et les personnes vieillissantes représentent les catégories d’individus qui, selon les gestionnaires, subissent une plus grande difficulté d’accès aux centres de jour (figure 9), alors que les jeunes et les personnes issues de l’immigration sont fortement identifiées comme catégories d’individus qui subissent moins de difficultés d’accès.

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iii. Identification des centres de jour, emplacements et reconnaissance Figure 10: Reconnaissance officielle des organismes recensés comme centres de jour auprès des autorités administratives (municipales, provinciales ou fédérales)

Figure 11: Selon les besoins des usagers et usagères, la localisation du centre de jour est-elle adéquate ?

Figure 12: Selon les besoins des usagers et usagères, les locaux du centre de jour sont-ils adéquats ?

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Figure 13: Le travail effectué par les centres de jour bénéficie-t-il généralement d’une bonne reconnaissance des groupes suivants ?

Si la majorité des organismes contactés bénéficie d’une reconnaissance officielle à titre de centre de jour par les autorités administratives, trois de ces derniers ont répondu qu’ils ne bénéficiaient pas de cette reconnaissance, mais considèrent offrir les services d’un centre de jour (figure 10). Ce constat permet de souligner la difficulté d’identifier les centres de jour sans définition commune. Il pose la question de la compréhension de son identité au sein des ressources montréalaises pour personnes en situation ou à risque d’itinérance. Au sujet de l’emplacement des locaux, uniquement 2 des 27 centres de jours considèrent qu’il est inadéquat (figure 11). Les locaux sont considérés comme étant adéquats par 22 des 27 organismes, mais 5 indiquent que leurs locaux sont inadéquats dont trois soulignent qu’ils sont fortement inappropriés (figure 12). Au niveau de la reconnaissance générale des services offerts par les centres de jour en matière de lutte à l’itinérance, ce sont l’administration municipale et le secteur de la santé qui offrent le plus de polarisation (figure 13). En effet, si la majorité des organismes estiment recevoir une très bonne reconnaissance de la part des instances municipales et du réseau de la santé, ce sont également ces groupes qui génèrent les plus grands désaccords.

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1.6 Difficultés particulières des femmes en situation de marginalité au sein des centres de jour Les femmes sont particulièrement touchées par l’itinérance cachée (Conseil des Montréalaises, 2017) et représentent de 20 à 25% de la population itinérante montréalaise et canadienne (Gaetz et al., 2010; Fournier et al., 1998). Toutefois, seulement 2 des 27 centres de jour et de soir recensés sont réservés aux femmes, deux aux hommes et 23 sont mixtes. Si les femmes développent de nombreuses stratégies pour éviter de se retrouver à la rue, « ces stratégies de survie, comme la prostitution et le vol à l’étalage, les rendent moins visibles, mais posent des risques pour leur santé, leur sécurité et leur intégrité et les enfoncent davantage dans l’itinérance » (Gouvernement du Québec, Politique de lutte à l’itinérance, 2014, p.13). Cette situation doit être soulignée du fait des difficultés particulières pouvant être vécues par les femmes en situation de marginalité au sein des centres de jour et de soir mixtes2. Les centres de jour mixtes (qui accueillent les femmes et les hommes) sont en majorité fréquentés par des hommes et sont caractérisés par une promiscuité qui souvent limite l’accès des femmes à ces espaces. En effet, plusieurs femmes peuvent percevoir les centres de jour mixtes comme des endroits peu sécuritaires, voire même à éviter : une forte proportion de femmes itinérantes ont été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques, conjugales ou familiales (Echenberg et Jensen, 2012). En effet, les études démontrent que les femmes en situation d’itinérance témoignent de la présence significative d’un vécu de violence (73% à 81%) (Gélineau, 2008 ; Plante, 2007 ; Laberge et al., 2000). Figure 14: Progression des présences au centre de jour Olga – La rue des Femmes3

2 Cette situation de double discrimination doit également être étudiée chez d’autres sous-populations telles que les jeunes, les Autochtones, les personnes vieillissantes, les personnes issues de l’immigration et les individus issus de la communauté LGBTQ. Si les limites imposées à la présente recherche ne permettent pas d’étudier les défis particuliers vécus par ces groupes, nous avons décidé d’accorder une attention aux difficultés des femmes en centre de jour du fait de leur présence dans chacune de ces sous-populations. 3 Le centre de jour a été fermé trois semaines en 2012-2013.

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Or, une importante augmentation de la fréquentation des deux centres de jour réservés aux femmes à Montréal traduit non seulement l’expression d’un besoin réel, mais un engorgement certain des ressources réservées aux femmes. Par exemple, Chez Doris a connu une augmentation de 37% des visites totales au centre de jour en 2015-2016 et une augmentation de 222% du nombre de premières visites (Chez Doris, 2016 ). À La rue des Femmes, le nombre de présences total augmente de 33% entre 2015 et 2016 (La rue des Femmes, 2016). Ces données permettent de révéler un déficit en matière de centres de jour permettant d’offrir un espace sécuritaire pour les femmes à Montréal. Cette récente augmentation de la fréquentation des femmes en centre de jour mériterait une étude particulière afin de cerner ses causes et ses impacts sur les centres de jour mixtes et non mixtes à Montréal.

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2. Typologie des espaces du centre de jour à Montréal L’éthos décrit une manière d’être, une approche, une philosophie qui peut s’enraciner dans la mission ou l’histoire de l’organisme et du centre de jour. Les entrevues menées auprès de gestionnaires, nos visites des centres de jour ainsi que les informations récoltées à l’aide du questionnaire nous auront permis de relever la présence des trois éthos tels que décrits par Waters (1992) dans son étude des centres de jour. Or, bien qu’il soit utile de catégoriser différentes dispositions de l’espace des centres de jour, il est toutefois important de souligner que ces différentes manières d’ « être » ne sont pas mutuellement exclusives ni normatives : le plus souvent, elles se retrouvent au sein d’un même organisme de manière concurrente ou complémentaire (Johsen et al., 2005 ; Bradley et al., 2004). Tout en accueillant des individus à la recherche d’un espace de socialisation à l’abri des stigmatisations que leur fait subir leur mode de vie dans l’espace public, les centres de jour disposent d’espaces où ces individus peuvent se regrouper, échanger et former une communauté pour affronter leurs difficultés et luttes communes. Comme le note Rozier,

[s]i les ressources offrent des services qui peuvent paraître très similaires dans leurs formes (accueil individuel et du groupe, repas, collation, activités facultatives, ateliers, discussion) à y regarder de plus près, on note certaines différences dans la priorité apportée à tel ou tel aspect. Les modalités de l'accueil peuvent varier, selon l'histoire du centre (émanant du religieux, du médical ou des citoyens), selon les raisons qui ont amené sa création, selon les objectifs poursuivis et la clientèle rejointe (Rozier, 1996, 23).

Avec Waters (1992), nous retraçons à Montréal trois types idéaux gouvernant la représentation et la disposition de l’espace du centre de jour : le type « sanctuaire », celui de la « réhabilitation » et celui de l’ « autonomisation communautaire ». Développé par Max Weber comme outil essentiel à la démarche sociologique, l’idéal-type est une catégorie abstraite qui sert à bâtir un modèle abstrait et simplifié de la réalité et de ses représentations. Les types idéaux servent à penser le sujet à l’étude, mais n’ont pas pour finalité de retranscrire parfaitement la réalité ni de placer les centres de jour dans une catégorie ou dans l’autre. En indiquant les traits principaux des différentes approches que l’on retrouve dans le milieu des centres de jour, l’objectif est de retracer différentes tendances qui guident l’utilisation des espaces du centre de jour. 2.1 Sanctuaire : espaces d’inclusion et d’acceptation Le principal éthos du centre de jour s’enracine dans la philanthropie chrétienne. Il est fondé sur une grande ouverture et un accueil presque inconditionnel où l’individu en situation d’itinérance peut finalement « être », se reposer et se retrouver en communauté. Waters souligne que peu est généralement attendu de l’usager en termes d’engagements et que l’organisme où domine cette approche poursuit généralement une trajectoire à l’écart de la professionnalisation des services, c’est-à-dire qu’il comprend un minimum d’employés rémunérés et repose plutôt sur le travail de bénévoles et de pairs-aidants. L’objectif est d’offrir une forme de sanctuaire où une communauté ouverte et tolérante permet de se mettre à l’abri des préjugés, des injustices et de l’oppression du monde externe.

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Bien que les centres de jour sont aujourd’hui de plus en plus poussés à la professionnalisation, certains spécialistes, tels que Bowpitt et al. (2014) et Johsen et al. (2002), soulignent l’apport d’une approche de type « sanctuaire ». Cette tendance permet d’offrir un contexte de socialisation qui ne vise pas à faire adopter un chemin préétabli, mais à suspendre l’oppression du monde externe pour inciter à comprendre ses logiques et à exposer d’autres cheminements possibles. Bowpitt et al. (2014) soulignent l’existence d’individus en situation de marginalité et d’itinérance exprimant un besoin de refuge au sein d’espaces de contraintes minimales où l’accent est mis sur l’accueil inconditionnel plutôt que sur l’expression d’un chemin normalisé de réforme de l’individu. Dans la tradition judéo-chrétienne, remarque Hope (1995) dans son étude sur le rôle historique de l’Église auprès des pauvres, le sanctuaire exprime une profonde tension entre lieu de refuge et de libération : le sanctuaire « offre l’asile, le refuge, l’amour inconditionnel, mais le vrai sanctuaire sera également un espace de jugement, de crise, de remise en question, de risque et de changement – un espace de libération » (Hope, 1995, p. 196). Devenant sécularisé, le concept de sanctuaire demeure aujourd’hui l’idée d’un lieu à la fois de protection où le répit n’est pas forcément passif, mais devient l’occasion de cumuler la force et d’acquérir les outils permettant d’affronter les défis auxquels fait face l’individu. Il s’agit d’un concept aujourd’hui devenu central dans certaines approches du travail social mettant l’accent sur la nécessité du processus de guérison comme véhicule de changement (Madsen et al., 2003 ; Bloom, 2003). L’approche du « sanctuaire », historiquement au fondement des centres de jour et demeure aujourd’hui présente à différent niveau au sein des organismes. Dans ce cadre, le refuge devient une précondition nécessaire pour les individus les plus stigmatisés et les plus exclus afin de confronter les dommages du passé et de faciliter une ouverture éventuelle vers l’émancipation (Bowpitt et al., 2014 ; Johsen et al., 2002). 2.2 Espaces de réhabilitation et de changements En termes d’idéal-type, l’espace « sanctuaire » exprime une tension avec l’espace de « réhabilitation » orienté vers le changement et la remise en état. Orienté plutôt vers la professionnalisation des services que par le travail de bénévoles et de pairs-aidants, cet idéal-type fait la promotion d’un accès aux centres de jour qui est davantage conditionnel à l’insertion dans un programme de réhabilitation. Souvent opposée au modèle du sanctuaire, cette approche oriente le cheminement de l’individu en situation de marginalité vers l’expression d’un désir de changement et l’obtention de résultats dans un cadre où la vie de la rue est représentée comme négative en soi. Cette approche favorise la mise en place d’un discours pragmatique et normalisateur de la sortie de la rue. Les interventions y sont ciblées par un personnel spécialisé et les individus sont fortement encouragés à entreprendre un processus visant à mettre fin à leurs parcours dans la rue, la consommation et la marginalité (participation à des programmes et activités de l’organisme, réinsertion par le travail, règles et accès plus restrictifs, etc.). Cette approche constitue une porte d’entrée plus directe sur les services de santé institutionnels que l’approche de type « sanctuaire » et permet ainsi au système de santé de rejoindre directement une catégorie d’individus qui demeure souvent à l’écart des services.

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Dans cette perspective, ce sont les programmes et activités de réhabilitation qui sont mis de l’avant plutôt que le centre de jour qui intervient plutôt en appui à un système intégré de services professionnels. Des services de santé sont souvent offerts sur place (infirmière, psychologue, traitement de la toxicomanie, hébergement de moyenne ou longue durée, etc.) et l’accompagnement est souvent très développé et approfondi. Offrant un encadrement plus affirmé et directif que l’idéal-type « sanctuaire », cette disposition « réhabilitante » du centre de jour répond aux besoins d’une catégorie d’individus exprimant la volonté d’un changement de trajectoire. 2.3 Espaces d’autonomisation communautaire Se situant à mi-chemin entre les deux approches précédentes, ce troisième idéal-type est fondé sur l’autonomie, la prise en charge de soi et la participation démocratique. Il s’agit d’une posture qui n’est pas fondée sur la réception de services professionnels, mais plutôt sur l’émergence d’opportunités qui relèvent d’une démarche participative des usagers, d’une revalorisation de leurs expériences, de leurs capacités et qui s’inscrivent dans la communauté et le quartier où se trouve le centre de jour. Cette approche souligne que le processus de réinsertion sociale ne peut reposer que sur l’imposition de conditions externes, mais doit également laisser place à des projets et activités qui situent l’individu au centre des démarches de réhabilitation et qui permettent de jumeler l’intervention de professionnels et de pair-aidants. Cette tendance sert à la mise sur pied d’espaces de rencontre permettant aux individus de bâtir ensemble des projets communs leur permettant d’affronter les dynamiques de marginalisation et d’exclusion sociale. On met également l’accent sur l’éducation populaire et des activités permettant de développer des habiletés sociales, artistiques et démocratiques. Dans ce cadre, les usagers sont souvent invités à participer à la prise de décision au sujet des activités et programmes offerts afin de favoriser la participation démocratique et citoyenne (Tsemberis, 2003 ; Glasser, 1999). L’objectif est de permettre l’émergence d’une communauté d’entraide, mais surtout d’une collectivité en mesure de nommer leurs difficultés communes et de formuler des revendications et actions visant à soutenir des individus laissés pour compte, victimes de préjugés et de profilage social (par exemple, la promotion des droits). Ce travail se fait en favorisant chez les personnes itinérantes et marginalisées l’accès à la parole publique et la possibilité de discuter de leurs problèmes collectivement plutôt que de manière individuelle et isolée. 2.4 Limites de la typologie et émergence d’un réseau des centres de jour La typologie des espaces du centre de jour nous sert de guide dans la réflexion sur les représentations de ces lieux. Sa fin n’est pas de classer les organismes dans une catégorie ou dans l’autre, mais plutôt de situer les idées, usages et actions qui structurent au quotidien le centre de jour. La typologie permet de comprendre les différences et similarités qui peuvent s’exprimer entre les centres de jour ou entre les idées et projets présents au sein d’un même organisme.

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Prenons l’exemple fictif d’un centre de jour dont l’histoire s’enracine dans la philanthropie chrétienne, fondé sur un accueil des plus inconditionnel et un nombre minimal de règlements et où le personnel est essentiellement composé de bénévoles et de pair-aidants (sanctuaire). Suite à la mise sur pied d’un projet pilote d’implication sociale et communautaire invitant les usagers à participer aux activités de l’organisme, à identifier des problèmes et à proposer des actions pour y répondre (autonomisation communautaire), la direction embauche une coordonnatrice détenant un haut niveau de diplomation et une expérience professionnelle avérée en intervention sociale afin d’offrir un encadrement plus directif aux usagers qui en expriment le besoin (réhabilitation). Cette typologie ne se veut pas normative ni évaluative, mais permet de comprendre la complémentarité et les incidences d’une diversification des espaces du centre du jour à Montréal. Malgré l’absence aujourd’hui d’un regroupement officiel des centres de jour, cette complémentarité évoque l’idée d’un réseau informel entre ces espaces d’accueil et de soutien. Tel que nous le verrons, la circulation des usagers à travers ces espaces tisse des liens et des voies de communication. Du latin tardif filare – transformer en fil – le réseau est destiné à réunir, à attacher et à nouer par un lien des individus détachés, isolés et en processus de désaffiliation sociale. L’importance du rôle joué par le centre de jour dans la lutte à l’itinérance passe par cette capacité à former un réseau et à disposer différemment des espaces de socialisation et de soutien qui font sa particularité.

Se percevoir comme centre de jour : l’émergence d’un nouveau sens à nos pratiques

Le point de départ de notre analyse prend appui sur un constat : définir le centre de jour ne va pas de soi. Dans le cadre de cette étude, nous avons approché un organisme qui au départ hésitait à s’identifier comme centre de jour, mais offrait des services qui nous paraissaient correspondre à ceux d’un centre de jour.

Situé dans l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Multicaf se présente plutôt comme cafétéria communautaire. Si on y sert des repas chauds à prix accessibles, la cafétéria représente également un lieu d’accueil, de socialisation et d’écoute où l’organisme offre un service d’intervention sociale. « Notre cafétéria communautaire ne fait pas qu’améliorer la sécurité alimentaire de nos membres. À travers des services complémentaires, nous faisons plus que nourrir des ventres affamés ».

Ainsi, la Cafétéria est aussi le lieu de fréquentation et de relation de tous ces gens qui s’assemblent tous les jours pour venir consommer un repas. « Autour d’un bon repas, tous les facteurs d’exclusion que vivent la majorité d’entre eux (maladie mentale et/ou handicap physique, méconnaissance du français ou de l’anglais, dépendances diverses, absence d’éducation formelle ou l’absence de reconnaissance de formation acquise à l’étranger, etc.) sont oubliés pour un moment » (Site Internet de Multicaf). À la suite de notre présentation du centre de jour comme lieu de socialisation pouvant prendre différentes dispositions (espace sanctuaire, espace de réhabilitation, espace d’autonomisation communautaire), le répondant de l’organisme nous a confié « que cette nouvelle typologie permet de réfléchir autrement aux activités de l’organisme et donne un nouveau sens à certaines de ses pratiques quotidiennes ». Elle permet d’ouvrir de nouveaux horizons en approfondissant la définition du centre de jour comme espace actif de prévention ne se limitant pas à l’itinérance chronique.

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3. Paroles d’usagers et d’usagères des centres de jour En tant que groupe social en marge des institutions de socialisation habituelles (travail, école, famille, etc.), les personnes qui fréquentent les centres de jour de Montréal investissent un espace de socialisation et de communication où il devient possible non seulement d’affronter les difficultés qu’elles vivent en commun, mais qui incarne un potentiel de participation citoyenne et démocratique. Pour ce faire, les personnes en situation d’itinérance doivent être représentées autrement que comme « nuisances publiques », « menaces à la sécurité publique » ou encore comme « victimes » à protéger d’elles-mêmes (Parazelli et Colombo, 2006). Leur participation passe par un espace de communication égalitaire et la reconnaissance d’une « capacité de parole » d’individus qui sont citoyens et citoyennes à part entière, en mesure de nommer les difficultés, problèmes et injustices auxquels ils font face. C’est afin de travailler à favoriser de telles opportunités et conditions pratiques de participation que ce portrait des centres de jours réserve une place – somme toute assez modeste – à la parole des personnes qui fréquentent les centres de jour de Montréal. Inspiré du récit de vie (Bertaux, 2005), l’instrument d’enquête vise à instaurer un dialogue ouvert où l’interviewé peut orienter en partie les sujets à aborder et raconter son expérience dans ses propres mots à partir de ses propres catégories. Cette démarche correspond également à la mission du Protecteur des personnes en situation d’itinérance et vise à faire valoir l’importance de la parole des personnes en situation d’itinérance dans la recherche de pistes de solutions visant à répondre à leurs intérêts et à leurs besoins. 3.1 Démarche et objectifs des entretiens Deux grandes questions structurent nos entretiens auprès des personnes qui utilisent les centres de jour : 1) comment ont-elles été amenées dans leur cheminement personnel à connaître et s’investir dans les activités du centre de jour ? ; 2) comment le centre de jour peut-il influencer leurs rapports avec l’itinérance et leurs situations de marginalité ? Se limiter à poser directement ces questions aux interviewés serait une démarche contre-productive en termes d’ouverture au dialogue : non seulement elles limiteraient les tours de parole, mais ces questions ne permettent pas de détailler et de décliner l’ensemble des thèmes, enjeux et problématiques qu’elles renferment. C’est le rôle de l’instrument d’enquête que de traduire ces deux grandes interrogations en plusieurs questions qui engagent au dialogue dans un cadre interlocutoire structuré par un discours narratif de l’interviewé. La première partie « Histoires de vie et fréquentation du centre de jour » est consacrée à l’exposition du thème du centre de jour et est caractérisée par l’évocation des points essentiels pour l’interviewé qui seront par la suite repris et développés. L’interviewé aborde la problématique de l’itinérance et du centre de jour dans son histoire personnelle et nous donne de nombreux points d’appui pour construire nos futures interventions (demandes de développement, d’explication, etc.). Cette première partie permet également d’établir un lien de confiance : elle est généralement marquée par les hésitations inhérentes à la mise en place d’un discours dans une situation nouvelle pour l’interviewé.

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La seconde partie « Réinsertion sociale et représentation des services » est consacrée à l’évocation des problèmes selon le point de vue de l’interviewé : le mode interrogatoire remplace peu à peu le mode narratif du « récit de vie ». Son objectif est de conduire à l’épuisement du discours de l’interviewé à travers un certain interventionnisme de l’enquêteur qui recentre l’interlocution sur des enjeux précis de la recherche. 3.2 Profils des personnes interviewées et lieux des entretiens Les entretiens se sont déroulés dans trois centres de jour de l’arrondissement Ville-Marie. Au nombre de douze, dont 11 enregistrés et transcrits, leur durée moyenne est de 35 minutes. Les interviewés sont âgés entre 38 et 65 ans et 4 sont des femmes, 7 des hommes et un individu trans s’identifiant au genre féminin, mais fréquentant des organismes fréquentés et réservés aux hommes. L’une des limites de cet échantillon est l’absence de jeunes âgés de moins de 35 ans. La majorité des interviewés ont été sélectionnés par l’intermédiaire d’intervenants des organismes, mais certains ont été sélectionnés directement par le chercheur par l’entremise d’une insertion plus approfondie dans l’un des trois centres de jour. Afin de garantir la confidentialité des entretiens, ces derniers se sont déroulés dans des bureaux ou dans des espaces en retrait de l’ensemble des autres usagés. La participation à l’entretien s’est déroulée sur une base volontaire et a été évaluée de manière positive par l’ensemble des individus interviewés. 3.3 Sentiment d’appartenance et trajectoires dans le réseau des centres de jour Malgré l’existence de dizaines de centres de jour à Montréal et la fréquentation régulière de plus d’un centre de jour par l’ensemble des interviewés, ces derniers n’expriment généralement un sentiment d’appartenance et de bien-être qu’envers un des centres de jour fréquentés. Ce sentiment s’exprime le plus souvent par l’entremise de préjugés et de représentations négatives des autres centres de jour. Sans nécessairement être fondés, ces préjugés négatifs révèlent néanmoins un sentiment d’inconfort dans certains environnements qui peut être lié à la localisation du centre de jour, à la population qui le fréquente, au mode d’intervention et à la disposition de l’espace. Par exemple, Sandra4 nous confie qu’elle préfère de loin le centre de jour de « X » plutôt que de « Y » où parfois elle doit aller pour des raisons de nécessité (horaire, proximité, etc.) :

[…] à "Y" là, je le sais pas…Premièrement, c’est plus anglophone. Je ne dis pas qu’ils sont…ben c’est juste comme plus délabré, moins entretenu, plein de cochonnerie. Ce n’est pas aussi propre. Le monde sont [sic] plus comme…laissé à eux-mêmes. Tu entres là, tu te sens plus itinérant. Là je me sens itinérante quand je vais là, je ne me sens pas bien… (entrevue B11).

4 Les noms des interviewés sont fictifs.

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Afin de maintenir un rapport positif avec elle-même, Sandra s’identifie à un centre de jour dont l’espace, le mode de fonctionnement et les usagers ne lui renvoient pas directement l’image négative (stigmatisation) de sa situation. De plus, elle dit éviter autant que possible le centre de jour de l’organisme « Y » puisqu’il est situé à proximité d’une université et que son look « jeune » et « à la mode » peuvent la faire passer pour « une étudiante qui veut simplement profiter de la cafétéria et manger gratuitement » de manière à trahir son état d’exclusion et son réel besoin d’avoir accès à ces ressources. De façon similaire, lorsque nous demandons à Andrew s’il fréquente d’autres centres de jour à Montréal, il nous répond

[…] I used to. Not anymore. The "X" is…its scummy, you know, it makes me feel like security prison [sic], i’d rather live in the sewer. Eh…it makes me feel like a retard, just the people, the way they treat you. They don’t have this here. They treat you like you are a person instead of their next pay check (entrevue S8).

Ayant été incarcéré par le passé, Andrew se méfie des espaces où pèsent des contraintes et règlements qu’il juge trop lourds. Robert, lui, raconte qu’il a arrêté de fréquenter "X" en disant qu’« […] aujourd’hui, je suis sûre que 90% des usagers ont des problèmes psychiatriques [et] c’est nous autres qui sommes pognés à vivre avec ça » (entrevue S7). Au sein de ces espaces sociaux stigmatisés, l’une des stratégies visant à éviter une identité personnelle négative consiste précisément à se distinguer des « autres » individus que l’on désigne comme de « vrais itinérants » (« Tu entres là, tu te sens plus itinérant ») ou des « fous » (« it makes me feel like a retard, just the people »). Cette stratégie peut s’exprimer à partir d’éléments qui peuvent, à première vue, sembler anodins, mais qui sont finalement nécessaires à la construction identitaire des personnes en situation d’itinérance et de désinsertion sociale (Ouellet, 2007). Grégoire fréquente également un autre centre de jour que celui où on l’a interviewé, mais il nous dit que « […] là-bas, c’est pas comme ici. Ici je me sens chez nous quand je viens ici, tandis que dans d’autres ressources non. J’ai pas ce…ce sentiment-là de…d’un accueil chaleureux, amical… » (entrevue B12). Il ajoute « il y en a qui aiment mieux se tenir là-bas [autre centre de jour] pis parler mal de "Y", il y en a qui aiment mieux se tenir à "X" pis parler mal de "Y" ». Cette construction identitaire peut être favorisée par la présence de différents types de centres de jour qui se distinguent par leurs environnements physiques et sociaux, leurs approches d’intervention, leurs programmes et activités, leur localisation ou les groupes visés (toxicomanes, jeunes, femmes, Autochtones, personnes vieillissantes, personnes issues de l’immigration, etc.). Les entretiens démontrent que l’attachement à un centre de jour plutôt qu’à un autre repose sur une série de facteurs qui peuvent être tant objectifs que subjectifs. Bien que dans certains cas il s’agit entièrement de préjugés négatifs envers des groupes d’individus ou des organismes qui ne trouvent pas nécessairement de fondements dans la réalité, cette représentation négative des autres centres de jour surgit comme stratégie permettant de se distancier d’une image de soi négative et valoriser la communauté et le centre de jour que préfère fréquenter l’interviewé.

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Ces représentations influencent la trajectoire des individus à travers les centres de jour. En effet, des usagers fréquenteront certains centres de jour grâce à un emplacement pratique ou à une offre de service particulière, mais de manière ponctuelle et sans développer de sentiment d’appartenance. Ces mêmes usagers bâtiront une communauté dans d’autres centres de jour – parfois plus loin de leur lieu de résidence ou de leur milieu de vie – où ils passeront la majorité de leur temps, développeront un sentiment d’appartenance et des liens de confiance avec les intervenantes et intervenants. Ces trajectoires des usagers mettent en évidence la présence d’un réseau informel des centres de jour à Montréal. Elles peuvent servir à démontrer la nécessité de développer une offre variée de centres de jour (par exemple, des espaces de type « sanctuaire », de « réhabilitation » ou « d’autonomisation communautaire ») afin de favoriser la construction d’un réseau social et de réduire les conflits entre certains groupes d’individus au sein d’espaces déjà caractérisés par la promiscuité et la présence de conflits entre usagers. 3.4 Véhicule de changement social : un espace collectif d’entraide Tel que décrit ci-haut par la trajectoire des usagers, le centre de jour n’est pas un espace entièrement exempt de préjugés et de discriminations. Les entretiens révèlent l’existence d’une tension constante entre l’image du centre de jour comme lieu « de repos et d’acceptation » et celle d’un lieu « de crises, de conflits et de préjugés ». Toutefois, lorsque l’usager fait le choix d’accepter cette dualité, elle est décrite dans les entretiens comme opportunité de développer un sentiment d’entraide permettant de contribuer au bien-être de l’autre. Nous racontant sa première visite en centre de jour, il y a 2 ans, Michel nous dit « ben j’étais comme intimidé tsé, parce que je ne connais pas ça, c’est normal…ben du monde aussi…plus de monde que tu pensais […] Y’a du monde! Si tu penses avoir la paix, détrompe-toi » (entrevuen B2). Au sujet des conflits que cette promiscuité peut engendrer, Michel souligne que « c’est pas tout le monde qui a le tempérament pour venir dans des places comme ça » (entrevue B2) alors que René nous confie que

[…] oui effectivement, c’est dérangeant pour quelqu’un qui veut vraiment sa bulle là, pas trop la crever. S’il vient ici, il va trouver ça dur. Par bout il peut trouver ça dur c’est vrai. C’est pas un endroit qui va toujours être calme ici. C’est pas un endroit de repos (entrevue B5).

Or, les entretiens révèlent que ceux qui acceptent de fréquenter le centre de jour, malgré les crises et conflits, décrivent cette dualité entre « endroit de repos » et « endroit de conflits et préjugés » comme une réalité qui mène a développer des stratégies de conciliation, de dialogue et d’empathie. En parlant des conflits, Michel souligne qu’il « faut que tu fasses avec tsé, que tu fasses abstraction pis que tu ne commences pas à jouer des poings, parce que c’est pas la place pour ça là, faut que tu joues ton bon sens [sic]. Vas-y avec ta tête là, jase, désamorce » (entrevue B2). Ce sont ces stratégies qui permettent la construction d’une identité collective et une valorisation de son propre rôle.

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Les préjugés envers l’itinérance et le refus de s’identifier comme itinérant sont souvent décrits comme obstacles à l’accès des centres de jour (Johsen et al., 2005). René décrit son premier contact avec le centre de jour comme opportunité de surmonter ses propres préjugés envers l’itinérance qui se traduisaient comme un rejet catégorique de l’ « autre ». Il nous dit

[quand je suis venu pour la première fois] ça a été…dans le même sens de relever un défi [sic]. J’ai dit "écoutes là, tu n’avais rien contre les itinérants avant, tu as développé une aversion, regardes là tu as un cheminement à faire alors vas-y". [Ç]a permettait aussi concrètement d’avoir de la bouffe, et en même temps de travailler sur mon évolution. […] Mon sentiment premier là, d’accueil pis d’écoute est revenu, je suis bien content (entrevue B5).

En effet, certains des récits d’usagers décrivent les crises et conflits comme des opportunités de valorisation de soi. Cette opération peut prendre la forme d’une entraide formelle (l’usager offre une aide dans ses fonctions de « bénévole » ou d’ « employé » engagé dans un programme de pré-employabilité) ou informelle (liens d’amitié, empathie envers l’ « autre », reconnaissance d’une communauté). Grégoire par de l’entraide informelle qu’il offre aux autres usagers : « "X" m’ont tellement donné que ça me dérange pas de le redonner en bénévolat » (entrevue B12). En parlant de son sens de l’écoute, Michel souligne que « cette personne-là a peut-être personne à qui parler. Peut importe ce qu’elle me dit, je m’en fou, je l’écoute. Peut-être qu’on l’a sauvé, on ne le sait pas » (B2). Cette entraide prend forme dans le cadre d’un espace qui ne représente pas uniquement un « fournisseur de services » pour des besoins individuels, mais est souvent décrit comme « famille » ou communauté où s’exprime une solidarité dont on est fiers. C’est en ce sens que René nous confiait « je suis fière de voir X comment c’est rendu » (entrevue B5) et que Grégoire concluait son entretien en ajoutant « [j]e sais ici que je suis chez nous. Il y a un sentiment de famille, c’est ça qui est le fun ici, on est en famille. Pas juste des amis, c’est une famille » (entrevue B12). Comme espace de rassemblement, le centre de jour permet de passer d’une représentation de l’itinérance comme problème « individuel » à un problème « collectif » favorisant la participation citoyenne. « [Q]uand tu te ramasses dans la rue pour la première fois, nous dit Michel, tu te sens seul au monde. Fak quand je me suis ramassé ici [centre de jour], je me suis dit que j’étais pas tout seul au monde, tu peux socialiser » (entrevue B2).

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4. Le centre de jour comme lieu de prévention de l’itinérance et de lutte à la désinsertion sociale 4.1 Le rôle des centres de jour dans l’accompagnement d’individus en logement Plusieurs personnes qui ont un logement fréquentent les centres de jour, mais se trouvent dans des situations de pauvreté, de vulnérabilité et d’isolement qui posent de sérieux défis à leur stabilité résidentielle. Il est possible d’entrevoir les centres de jour comme d’importants vecteurs de prévention de l’itinérance pour des individus qui possèdent un logement, mais se trouvent en situation d’isolement, de pauvreté et de désinsertion sociale (Jones et Pleace, 2005 ; Crane et al., 2005 ; Pollio et al., 2000). Tel que mentionné ci-haut, près de la moitié des centres de jour de Montréal contactés dans le cadre de notre étude (N=27) estiment qu’au moins 50% de leurs usagers sont en logement (bien que dans des conditions précaires). À Toronto, des études ont recensé que 59% des usagers étaient en logement (Ville de Toronto, 2000) et en Angleterre 50% des usagers (Crane et al., 2005). Il est possible de recenser trois catégories d’individus qui fréquentent les centres de jour et habitent en logement (Ville de Toronto, 2006) :

• Ceux qui ont connu une période d’itinérance et sont récemment parvenus à retourner en logement ;

• Ceux qui ont connu une période d’itinérance et ont trouvé un logement depuis plusieurs années, mais font désormais face à une situation qui menace de nouveau leur sécurité résidentielle (menaces d’éviction, isolement, toxicomanie, etc.) ;

• Ceux qui n’ont jamais connu d’épisode d’itinérance, mais risquent l’itinérance à

cause de situations de pauvreté, d’isolement et de marginalité. Dans une étude détaillée de la place des personnes en logement au sein des centres de jour en Angleterre, Crane et al. (2005) notent que la plupart de ces individus vivent l’isolement, expriment des difficultés au plan financier (budget, paiements de factures, etc.), des tâches ménagères et de l’entretien du logement ou encore au niveau de la cohabitation. Devant ces difficultés, plusieurs pensent abandonner leur logement et retourner à la rue ou reçoivent des menaces d’éviction. Pour cette raison, plusieurs des centres de jour à Montréal ont développé une offre de services d’accompagnement et des conseils pratiques pour les individus en logement ou à la recherche de logements (identification des secteurs résidentiels, conseils financiers, droits du locataire, accompagnement dans la demande d’accès aux programmes d’aide sociale, etc.). Onze des douze individus que nous avons interviewés en centre de jour nous ont dit avoir un logement, mais soulignent avoir peu de contacts avec d’autres services d’aide. La plupart sont logés au sein d’habitations à loyer modique ou d’un organisme offrant l’hébergement à moyen et long terme. Ils parlent du centre de jour comme d’une stratégie

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essentielle leur permettant d’éviter de « retomber dans de vieilles habitudes », de briser l’isolement et d’avoir accès à certains services de base peu coûteux (nourriture, vestiaire, etc.), souvent déterminants pour réussir à faire le paiement du loyer. Le centre de jour représente souvent l’unique service d’aide avec lequel ils sont régulièrement en contact. Selon l’étude de Crane et al. (2005), les centres de jour gagnent à mettre de l’avant et à définir la place des personnes en logement au sein de leurs ressources de manière à valoriser le rôle essentiel du centre de jour dans les stratégies de prévention de l’itinérance. À Montréal, il demeure difficile de bien cerner la place, les besoins et les services reçus par les individus en logement qui fréquentent les centres de jour. Peu d’organismes détiennent des données officielles sur la situation résidentielle des usagers et la plupart des centres de jour se situent au centre-ville, où l’itinérance chronique est très présente. 4.2 Quel type de prévention ? Les centres de jour demeurent des espaces importants de prévention. Toutefois, il ne s’agit pas du type de prévention qui vise à endiguer l’itinérance à partir de l’identification de « facteurs à risque ». Le centre de jour s’inscrit dans une autre idée de la prévention : il s’agit moins d’éviter des comportements malsains que de créer des contextes de socialisation qui donnent accès à des voies sociales différentes que celles de l’itinérance et de l’isolement. Afin de saisir le rôle important que peuvent jouer les centres de jour au sein des stratégies de prévention de l’itinérance, il est nécessaire de cerner la distinction entre deux grandes idées de la prévention : la prévenance et la prédiction (Parazelli et Desmeules, 2015). Inscrite davantage dans une vision médicale et épidémiologique de l’itinérance, l’approche prédictive consiste à « annoncer à l’avance un événement par calcul » et cible le contrôle des facteurs de risque de l’itinérance. Dans cette approche, l’individu concerné participe peu aux démarches de prévention, mais laisse place aux lois comportementales, développementales et environnementales qui sont présentées comme objectives. Il s’agit, par exemple, du type de prévention mis de l’avant dans Strategies for Preventing Homelessness (Gouvernement des États-Unis, 2005), où sont identifiés des facteurs à risque (historique de violence familiale, problème de santé mentale, décrochage scolaire, etc.) qui permettent de « […] targetting our efforts toward those people that will become homeless without the intervention » (Gouvernement des États-Unis, 2005, iv). Les pratiques qui découlent de l’approche prédictive cherchent à faire adopter à l’individu un chemin préétabli alors que l’on réduit son parcours biographique à une trajectoire probabiliste qui détermine son destin.

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L’approche prévenante est la « disposition de celui qui va au-devant des besoins, des désirs d’autrui ». En tenant compte du rôle et de la place de l’individu dans les démarches de réinsertion sociale et la compréhension des logiques du processus de stigmatisation et de marginalisation – ses valeurs, ses rapports à l’autorité, ses représentations de lui-même et des autres, le sens qu’il accorde à la réinsertion, etc. –, l’objectif est d’offrir des contextes de socialisation qui brisent l’isolement, incitent l’individu à ne pas tracer sa voie dans l’itinérance et lui permettent d’accroître son pouvoir d’agir sur les problèmes qui le concernent. Comme le notent Parazelli et Desmeules, « […] les approches de prévention prédictive renforcent l’individualisation des causes des problèmes sociaux en dictant les normes saines à adopter » (Parazelli et Desmeules, 2015, 57) alors que c’est précisément la capacité de mettre en commun des problèmes en apparence individuels qui constitue la force du centre de jour et de la prévention prévenante. Il s’agit d’une forme de prévention qui s’attaque aux racines de la désinsertion sociale en intégrant l’individu concerné au sein des démarches de réinsertion. Décider de la façon dont l’individu marginalisé doit procéder pour s’insérer et devenir un citoyen reconnu, c’est présupposer que l’individu n’est pas un véritable « sujet ». La réinsertion sociale et la prévention de l’itinérance se trouvent plutôt du côté du présupposé contraire : celui selon lequel l’individu marginalisé est un citoyen à part entière dont il ne s’agit pas tant de réinsérer, réadapter ou réintégrer, mais plutôt d’intégrer dans la réflexion sur les rapports qui s’établissent entre eux et la société. C’est par sa capacité à offrir un accompagnement social complémentaire au réseau de la santé et aux services conventionnels que le centre de jour est un outil essentiel de prévention de l’itinérance et de lutte à la désinsertion sociale. 4.3 Former communauté et prendre place : première étape à une réinsertion sociale durable Garantir la réinsertion sociale d’individus marginalisés est généralement présenté comme l’objectif central des stratégies et programmes de prévention. Toutefois, il est essentiel de tenir compte d’un paradoxe qui traverse la majorité des politiques de lutte à l’itinérance : prendre en charge la réinsertion sociale des individus en situation d’itinérance au sein d’une société qui a elle-même contribué à les marginaliser. En effet, comme le soulignent De Gaulejac et al. (2014) dans leur ouvrage clé sur la réinsertion sociale, « [l]a revalorisation d’un groupe collectif stigmatisé [doit] entraîne[r] une mise en cause des rapports sociaux qui ont fondé la stigmatisation » (p. 107). Ainsi, la lutte contre la désinsertion sociale ne peut prendre uniquement la forme d’une aide matérielle ponctuelle, mais doit se tourner vers la création de dialogues et de relations entre la « marge » (itinérants, toxicomanes, jeunes de la rue, etc.) et les institutions centrales d’une société (travail, école, élus, police, etc.). C’est en « formant communauté » que le centre de jour peut être une réponse à ce « paradoxe de l’insertion ». Il représente une occasion de tisser des liens de solidarité, une reconnaissance et une identité collective au fondement d’une réinsertion sociale durable et démocratique pour les populations marginalisées.

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Tels que le notent De Gaulejac et al. (2014), les dispositifs publics et institutions d’aide conventionnelles (programmes d’assistance sociale, chômage, etc.) sont souvent caractérisés par une structure administrative, des rapports impersonnels, bureaucratiques et instrumentaux qui contribuent a créer une distance entre l’individu qui demande l’aide et le système d’assistance. À travers une centaine d’entrevues réalisées auprès de demandeurs d’aide, les auteurs démontrent que ces étapes administratives (paramètres d’admissibilité, évaluation, dénouement) peuvent être vécues comme invalidantes et stigmatisantes plutôt qu’en termes de reconnaissance, de solidarité concrète et de dignité. Cet effet pervers des institutions publiques chargées d’acheminer une aide aux populations vulnérables et marginalisées a également été étudié au Québec dans le domaine de la réinsertion sociale des sans-emplois (Martin et Baril, 1995). Les auteurs notent que ces rapports mécaniques aux institutions d’aide sont composés d’étapes disqualifiantes qui peuvent être des obstacles à l’autonomie des populations marginalisées puisqu’elles reposent sur la construction d’une image négative de soi (récit d’échec, de manque d’autonomie, d’incapacité à « s’en sortir ») et une démarche qui n’exige pas de sortir de l’isolement (formulaires à remplir, rapports impersonnels et instrumentaux, etc.). « La désinsertion c’est aussi l’isolement et la rupture des appartenances, qui privent les individus de réseaux de solidarité matérielle et de soutien psychologique » (De Gaulejac et al., 2014, p. 86). Si la mission de ces institutions est d’apporter une aide ponctuelle, elle n’est pas de créer les liens sociaux durables nécessaires à la réinsertion sociale. Les usagers des centres de jour sont dans le besoin et demandent également une forme d’aide. Toutefois, ils bénéficient d’un contexte de socialisation qui leur permet d’intégrer le processus de réinsertion sociale et de bâtir une identité fondée sur autre chose que l’image sociale de l’indigent. En effet, tel que décrit dans les entretiens que nous avons menés, on remarque l’émergence d’un sentiment d’entraide et d’une identité collective qui s’enracine dans les expériences et les luttes communes des usagers du centre de jour. Il s’agit d’une première occasion de bâtir une « place », c’est-à-dire un statut, une reconnaissance, une identité sociale autre que celle d’« itinérant ». La « socialisation » n’est pas le fait de se conformer à la place qui nous est attribuée par l’ordre social (indigent, exclu, marginalisé), mais plutôt l’action même de former communauté. Comme le souligne De Gaulejac, l’insertion sociale est une lutte d’individus solitaires pour trouver et prendre « place » dans un ordre social où ils n’existent qu’en marge.

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Conclusion Ce portrait s’est donné pour objectif de mieux connaître et de mieux comprendre la valeur et les particularités des ressources en itinérance que sont les centres de jour à Montréal. L’idée centrale qui traverse ce portrait est la suivante : la particularité des centres de jour ne réside pas tant dans l’offre d’une catégorie précise de services, mais dans la disposition d’espaces d’accueil et de soutien centrés sur la reconstruction du lien social et d’identités collectives pour des individus en processus de désinsertion. Par une approche d’accompagnement social cherchant à s’adapter au rythme, à l'hétérogénéité et la multiplicité des trajectoires des individus en situation d’itinérance, les centres de jour sont des ressources essentielles qui permettent de rejoindre des individus isolés et souvent en marge des services. Les principales pistes de réflexion qui traversent ce portrait des centres de jour à Montréal sont les suivantes :

• En accueillant différentes catégories d’individus qui sont en logement, le centre de jour se révèle être un acteur important de la prévention à l’itinérance en offrant des contextes de socialisation qui brisent l’isolement et incitent l’individu à ne pas tracer sa voie dans l’itinérance. Toutefois, à Montréal il demeure difficile de bien cerner la place, les besoins et les services reçus par les individus en logement qui fréquentent les centres de jour alors que peu d’organismes détiennent des données officielles sur la situation résidentielle des usagers et usagères.

• Les centres de jour se concentrent dans la portion du centre-ville de Montréal où l’on retrouve majoritairement un type d’itinérance plus visible (dite chronique). Ce constat soulève la question de la rareté de centres de jour dans les quartiers plus excentrés (voir l’exemple de Multicaf) où se vivent des formes d’itinérance moins visibles, mais tout aussi systémiques.

• Malgré une tentative de regroupement dans les années 1990, nous notons l’absence d’un réseau formel des centres de jour à Montréal. À la lumière de l’expérience du Royaume-Uni, nous demandons si un tel réseau ne permettrait pas de favoriser la constitution de fronts communs sur certains dossiers, un partage d’expertise et d’information et une meilleure promotion de la valeur spécifique des centres de jour auprès de la population générale.

• Déficit en matière de centres de jour permettant d’offrir un espace sécuritaire pour

les femmes à Montréal. Des 27 centres de jour recensés, deux sont réservés aux femmes alors qu’elles représentent de 20 à 25% de la population itinérante montréalaise.

• Les centres de jour représentent des espaces privilégiés de socialisation qui varient

dans leurs formes et dispositions. L’élaboration d’une typologie de ces espaces (sanctuaire, réhabilitation, autonomisation communautaire) ne se veut pas

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normative ni évaluative, mais permet de comprendre la complémentarité et l’importance de la diversification des espaces du centre du jour à Montréal.

• Il existe une mise en réseau informel des centres de jour par la complémentarité

des approches qui structurent ces espaces (sanctuaire, réhabilitation, autonomie communautaire) ainsi que par la circulation d’individus qui développent un fort sentiment d’appartenance et d’entraide communautaire envers un organisme plutôt qu’un autre.

Les principaux défis soulignés par les gestionnaires sont les suivants :

• Augmentation de la fréquentation et limite des ressources: intervenantes et intervenants qui se retrouvent de plus en plus en situation de surmenage (roulement du personnel, lien de confiance à recommencer).

• Manque de personnel et de ressources permettant d’offrir un suivi et un accompagnement pour les individus qui fréquentent moins régulièrement le centre de jour.

• L’engorgement des ressources favorise une promiscuité et un manque d’espace qui

augmentent la possibilité de conflits entre les individus et représentent des obstacles au repos des usagers et usagères.

• Il est possible de noter de plus en plus de problèmes de santé mentale et de

consommation chez les usagers et usagères, ce qui augmente considérablement la charge de travail des intervenants et intervenantes tant physiquement qu’émotivement.

En favorisant une meilleure connaissance des centres de jour à Montréal et en soulignant la particularité et l’originalité de leur contribution à la lutte contre l’itinérance, il devient possible de mieux articuler le centre de jour aux autres institutions qui viennent en aide aux personnes en situation ou à risque d’itinérance. En effet, la mise à l’avant-plan d’une approche d’accompagnement social plutôt que d’une catégorie précise de service permet de situer le centre de jour à de multiples niveaux du continuum de services offerts aux personnes en situation d’itinérance. Intervenant tant au niveau de la prévention que de la réinsertion, le processus d’accueil et de socialisation offert par le centre de jour va au-delà d’une aide ponctuelle matérielle. Il permet la création d’une communauté favorisant la revalorisation d’un groupe collectif stigmatisé et la construction d’une image positive de soi. Dans ce cadre, la socialisation n’est pas de trouver une place qui nous est attribuée par l’ordre social (indigent, exclu, marginalisé), mais la capacité de créer des liens sociaux durables à travers l’action de former communauté.

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Annexe – Liste des centres de jour ayant participé Accueil Bonneau Action Réinsertion (le Sac à Dos) Association Bénévole Amitié CACTUS Montréal CAP St-Barnabé Centre d’amitié autochtone de Montréal Centre d’écoute et d’intervention Face à Face Centre de jour St-James Centre de soir Denise Massé Chez Doris Comité social Centre-Sud Dans la rue Dîners St-Louis Dopamine GEIPSI La Maison Benoît Labre La Maison des Amis du Plateau Mont-Royal Méta d’Âme Mission Old Brewery Mission Saint-Michael Multicaf Les Ouvres St-Jacques The Open Door PAS de la rue RÉZO La rue des Femmes de Montréal Spectre de rue